Disposition

LBI (RS 232.14)

     Art. 29

          al. 1

11 mars 2008

KG NW, 11 mars 2008, Z 05 62 (d)

sic! 1/2010, p. 41-46, « Result-Verfahren » (Berger Mathis, Anmerkung) ; droit à la délivrance du brevet, action en cession du droit au brevet, inventeur, fardeau de la preuve, contrat de travail, interprétation du contrat, principe de la confiance, invention de service ; art. 60 ch. 1 CBE 2000, art. 17 CO, art. 332 CO, art. 717 CO, art. 3 LBI, art. 29 al. 1 LBI.

Les tribunaux civils saisis d'une action en cession du droit au brevet revoient la qualité d'inventeur découlant des inscriptions opérées au registre. Si le demandeur rend suffisamment vraisemblable le fait que la personne ayant déposé le brevet et étant aussi mentionnée comme inventeur ne peut pas être à l'origine de l'invention (parce qu'elle n'en a pas les capacités techniques), c'est à cette dernière d'apporter la contre-preuve qu'elle est bien l'auteur de la création technique considérée. Il ne suffit pas de s'arrêter à la lettre même du contrat pour déterminer si un travailleur avait bien l'obligation contractuelle de réaliser une invention au sens de l'art. 332 al. 1 CO. Il convient bien plutôt de se référer à l'activité effectivement déployée par le travailleur et à sa position dans l'entreprise. En présence d'une invention de service, le droit au brevet, qui appartient à titre originaire à l'employeur, est illimité et vaut pour le monde entier. Un arrangement intervenu pour solde de tout compte entre l'employeur et son travailleur doit, en vertu du principe de la confiance, être interprété restrictivement et ne peut libérer le débiteur que des prétentions dont le créancier avait connaissance ou dont il tenait du moins l'acquisition pour possible. Du moment que l'employeur est investi à titre originaire des droits portant sur une invention de service, ceux-ci ne sauraient faire l'objet de la convention intervenue pour solde de tout compte entre les parties puisque l'employeur exigerait du travailleur quelque chose lui appartenant déjà.

28 mars 2012

TFB, 28 mars 2012, O2012_010 (d)

sic! 9/2012, p. 566-569, « fixateur interne » ; droit à la délivrance du brevet, invention de service, fonction publique, université, base légale, action en constatation de la nullité d’un brevet, action en cession du droit au brevet, secret de fabrication ou d’affaires, coinventeur, péremption, droit à la délivrance du brevet, usurpation, mauvaise foi ; art. 3 al. 1 CC, art. 8 CC, art. 332 CO, art. 3 LBI, art. 26 al. 1 lit. d LBI, art. 29 al. 1 LBI, art. 31 al. 1 LBI, art. 31 al. 2 LBI.

Il n'existait, en 1988 (moment de la réalisation de l'invention litigieuse), dans le canton de Berne, aucune règle de droit positif concernant les inventions de service réalisées au sein de la fonction publique, les bases légales correspondantes n'ayant été créées que dans le courant des années 1990. L'Université de Berne (respectivement le canton de Berne avant l'entrée en vigueur de la loi sur l'Université de 1996 qui l'a dotée d'une certaine autonomie) n'a ainsi acquis aucun droit au brevet sur l'invention à la réalisation de laquelle un de ses professeurs, employé à plein temps, avait participé à l'époque, puisqu'il ne s'agissait pas d'une invention de service. Selon l'art. 29 al. 1 LBI, l'ayant droit peut agir en cession ou en constatation de la nullité d'un brevet si la demande de brevet a été déposée par une personne qui n'avait pas droit au brevet au sens de l'art. 3 LBI (c. 8.3). La demande en cession doit être introduite sous peine de péremption dans les deux ans à compter de la date officielle de la publication de l'exposé de l'invention (art. 31 al. 1 LBI), sauf si elle dirigée contre un défendeur de mauvaise foi (art. 31 al. 2 LBI). Le défendeur est de mauvaise foi s'il savait ou s'il aurait dû savoir en faisant preuve du soin nécessaire (art. 3 al. 2 CC) qu'il n'était pas le seul ayant droit au brevet. Le déposant est de mauvaise foi s'il a pris connaissance de l'invention d'une manière contraire au droit, par exemple en surprenant des secrets de fabrication ou en incitant des tiers à violer un contrat ou en utilisant de manière indue des informations qui lui avaient été confiées. La bonne foi n'est pas non plus donnée lorsque le déposant savait ou aurait dû admettre, d'après les circonstances, que l'inventeur s'apprêtait à déposer une demande de brevet sur l'invention (c. 9.1). Tel n'était pas le cas en l'espèce puisque le coinventeur, administrateur de la société qui a déposé le brevet, avait pris licitement connaissance de l'invention dans le cadre de sa collaboration avec le professeur de l'Université de Berne pour la réaliser. Comme la bonne foi est présumée en vertu de l'art. 3 al. 1 CC, c'est à celui qui agit en cession du brevet après le délai de deux ans de l'art. 31 al. 1 LBI d'établir la mauvaise foi du déposant (c. 9.2). In casu, le TFB expose, après s'être livré à un examen attentif de l'état des pratiques au sein des différentes hautes écoles suisses dans les années 1980, qu'il ne pouvait pas être généralement admis que les hautes écoles entendaient être investies des droits de propriété intellectuelle sur les inventions de leurs employés au moment où l'invention considérée a été effectuée, et que tel n'était en tout cas pas la pratique de l'Université de Berne. Par conséquent, la mauvaise foi du déposant n'a pas été retenue, même s'il savait que l'employé de la haute école y travaillait à plein temps au moment de sa participation à la réalisation de l'invention et qu'il avait eu recours à l'infrastructure de l'Université de Berne pour le faire. L'art. 26 al. 1 lit. b LBI ne pose pas les mêmes exigences de mauvaise foi et de délai pour agir que l'art. 31 LBI. Toutefois, l'action en constatation de la nullité du brevet prévue par l'art. 26 al. 1 lit. d LBI suppose que le demandeur soit l'unique ayant droit à la délivrance du brevet. Tel n'est pas le cas lorsque, comme en l'espèce, deux ou plusieurs inventeurs ont participé à la réalisation de l'invention (c. 11). [NT]

31 janvier 2017

TFB, 31 janvier 2017, S2017_003 (f) (mes. prov.)

Montre, bracelet de montre, fermoir, action en cession d’une demande de brevet, fardeau de l’allégation, fardeau de la preuve, droit à la délivrance du brevet, mesures superprovisionnelles, vraisemblance, dommage difficilement réparable, restriction au droit de disposer ; art. 23 al. 1 lit. b LTFB, art. 23 al. 3 LTFB, art. 332 CO, art. 3 LBI, art. 29 al. 1 LBI, art. 60 al. 2 LBI, art. 77 al. 1 lit. a LBI, art. 105 al. 1 lit. d OBI, art. 261 al. 1 lit. c CPC, art. 261 al. 1 lit. b CPC, art. 262 lit. c CPC.

S’agissant de la prétention en cession d’une demande de brevet au sens de l’art. 29 al. 1 LBI, le demandeur, prétendu ayant droit, doit alléguer et, en cas de contestation, prouver : 1. Qui est l’inventeur de quel enseignement technique, 2. L’acquisition du droit à la délivrance du brevet pour cet enseignement technique par le prétendu ayant droit, 3. La communication au défendeur, soit le demandeur inscrit à l’Office de la demande de brevet litigieuse, de l’enseignement technique de cet inventeur et 4. L’incorporation de l’enseignement technique dans la demande de brevet litigieuse du défendeur. Les allégations générales ne suffisent pas : il convient de présenter l’enseignement technique concret. Lorsqu’il s’agit de co-inventeurs, il convient d’identifier la contribution concrète à l’invention du ou des co-inventeurs considérés. A cette fin, un renvoi général au contenu de la demande de brevet litigieuse ne suffit pas. En effet, c’est précisément la tâche du Tribunal de déterminer d’une part la mesure dans laquelle l’enseignement technique de l’ayant droit et l’enseignement technique de la demande litigieuse correspondent. Lorsque la question est soulevée dans le cadre d’une requête de mesures provisionnelles, la vraisemblance de l’existence des faits correspondant suffit (c. 5). Dans le cas d’espèce, le TFB considère que les éléments essentiels tendant à démontrer que la demande de brevet a été déposée sans droit par la défenderesse ont été invoqués de façon vraisemblable notamment parce qu’il a été exposé (1) quel inventeur a inventé quel enseignement technique, (2) comment le droit au brevet a été acquis par la demanderesse, (3) comment cet enseignement technique a été communiqué sous le sceau de la confidentialité à la défenderesse 1 et (4) comment cet enseignement technique a été décrit et revendiqué dans la demande de brevet litigieuse (c. 8). L’aliénation « en l’occurrence en chaîne entre plusieurs défenderesses » d’une demande de brevet potentiellement usurpée est de nature à causer un dommage difficilement réparable à celui qui rend vraisemblable qu’il est le véritable titulaire du droit à la délivrance du brevet (c. 9). La requête de mesures superprovisionnelles est admise. [NT]

CO (RS 220)

- Art. 332

CPC (RS 272)

- Art. 262

-- lit. c

- Art. 261

-- al. 1 lit. c

-- al. 1 lit. b

LBI (RS 232.14)

- Art. 60

- Art. 29

-- al. 1

- Art. 3

- Art. 77

-- al. 1 lit. a

LTFB (RS 173.41)

- Art. 23

-- al. 3

-- al. 1 lit. b

OBI (RS 232.141)

- Art. 105

-- al. 1 lit. d

24 août 2018

TFB, 24 août 2018, S2018_003 (f)

Action en cession d’une demande de brevet, mesures provisionnelles avant litispendance, mesures super-provisionnelles, vraisemblance, droit à la délivrance du brevet, invention de service, machine à café ; art. 3 al. 1 LBI, art. 29 al. 1 LBI, art. 332 al. 1 CO.

S’agissant de la prétention en cession d’une demande de brevet au sens de l’art. 29 al. 1 LBI, le demandeur, prétendu ayant droit, doit alléguer et, en cas de contestation, prouver : 1. Qui est l’inventeur de quel enseignement technique, 2. De quelle manière le droit à la délivrance du brevet pour cet enseignement technique a été transféré par l’inventeur au prétendu ayant droit, 3. Comment et quand l’enseignement technique en question a été porté à la connaissance de la déposante inscrite auprès de l’autorité d’enregistrement et 4. En quoi l’enseignement technique coïncide avec la demande de brevet litigieuse. Des allégations générales ne suffisent pas : il convient de décrire l’enseignement technique concret. Il appartient précisément au tribunal de déterminer la mesure dans laquelle l’enseignement technique de l’ayant droit et l’enseignement technique de la demande litigieuse correspondent (c. 8). Aux termes de l’art. 3 al. 1 LBI, le droit à la délivrance du brevet appartient à l’inventeur, à son ayant cause ou au tiers à qui l’invention appartient à un autre titre. L’inventeur est la personne physique à l’origine de la création technique constitutive d’une invention. Selon l’art. 332 al. 1 CO, les inventions que le travailleur a fait dans l’exercice de son activité au service de l’employeur et conformément à ses obligations contractuelles appartiennent à l’employeur, qu’elles puissent être protégées ou non. La titularité des droits sur de telles inventions, dites de service, dépend donc de la réalisation de deux conditions : 1. L’invention a été faite « dans l’exercice de son activité au service de l’employeur » et 2. L’invention (ou la participation à sa réalisation) a été faite par l’employé « conformément à ses obligations contractuelles ». Selon la jurisprudence, est décisive la question de savoir si le travailleur a l’obligation de mettre ses capacités inventives au service de son employeur (c. 9). Lorsque des employés sont engagés en tant qu’ingénieurs de développement, ils sont chargés de développer des innovations techniques. Que ces inventions aient été faites pendant les heures de travail à leur bureau ou après les heures de travail à leur domicile n’a pas d’importance tant que la réalisation des inventions faisait partie de leurs obligations contractuelles. Le développement litigieux a donc été réalisé dans l’exercice des activités des travailleurs au service de leur employeur (c. 42). Lorsque des employés sont chargés de mettre au point un système de production rapide de vapeur, le développement d’un dispositif de production d’eau chaude fait partie de leurs obligations contractuelles. En effet, tout système capable de produire de la vapeur produit nécessairement de l’eau chaude et les différences techniques entre un dispositif de production d’eau chaude et un dispositif de production de vapeur sont minimes. Le développement a donc in casu également été effectué conformément aux obligations contractuelles des deux employés. En vertu de l’art. 332 al. 1 CO, la demanderesse est ainsi l’ayant droit de l’invention ou des inventions revendiquées dans les revendications des demandes de brevet litigieuses et a par conséquent droit à ce que celles-ci lui soient partiellement transférées selon l’art. 29 al. 1 LBI (c. 44). [NT]