Disposition

     CL (RS 0.275.12)

          Art. 60

05 janvier 2015

HG AG, 5 janvier 2015, HSU.2014.68/DP/mv (d) (mes. prov.)

sic! 7-8/2015, p. 449-455, « Totenkopf-Tatoo » ; mesures provisionnelles, droit international privé, vraisemblance, œuvre de service, montre, présomption de la qualité d’auteur, principe du créateur, risque de récidive, précision des conclusions, œuvre, double création, préjudice irréparable, urgence, péremption du droit d’agir, principe de la proportionnalité ; art. 2 ch. 1 CL, art. 60 ch. 1 CL, art. 332 al. 1 CO, art. 2 al. 1 LDA, art. 6 LDA, art. 8 LDA, art. 62 al. 1 lit. a LDA, art. 261 al. 1 CPC, art. 343 al. 1CPC, art. 10LDIP, art. 109 al. 2LDIP, art. 110 al. 1LDIP, art. 129 LDIP, art. 292 CP.

La CL prévoit une compétence internationale des tribunaux suisses pour prononcer des mesures provisionnelles. Au niveau national, la compétence locale se détermine d’après l’art. 10 LDIP, qui l’attribue soit aux tribunaux compétents au fond, soit aux tribunaux du lieu d’exécution de la mesure (c. 2.2). Comme l’intimée a son siège à Genève, il existe une compétence internationale des tribunaux suisses pour se prononcer sur le fond, d’après les art. 2 ch. 1 et 60 ch. 1 CL (c. 2.3). Au niveau national, les art. 109 al. 2 et 129 LDIP prévoient la compétence des tribunaux du lieu de l’acte ou du résultat. Comme le requérant a rendu vraisemblable que les montres litigieuses pouvaient être commandées à Wettingen et étaient livrées depuis là, la compétence des tribunaux argoviens est donnée (c. 2.4). Pour obtenir une interdiction par voie de mesures provisionnelles, le requérant doit rendre vraisemblable que les conditions de l’art. 261 al. 1 CPC sont remplies (c. 4). Une allégation est vraisemblable lorsque le juge n’est pas totalement convaincu de sa véracité, mais qu’il la considère comme globalement vraie, quand bien même tous les doutes ne peuvent être écartés. Certains éléments doivent parler pour les faits prétendus, même si le tribunal compte encore avec l’éventualité qu’ils puissent ne pas être réalisés (c. 5). D’après l’art. 110 al. 1 LDIP, les droits de la propriété intellectuelle sont régis par le droit de l'État pour lequel la protection de la propriété intellectuelle est revendiquée (c. 6.2.1). Le principe connu en droit anglais du « work for hire », selon lequel le droit d’auteur appartient originairement à l’employeur ou au mandant du créateur, n’est donc pas applicable en l’espèce (c. 6.2.2). L’art. 8 LDA prévoit une présomption légale de la qualité d’auteur et un renversement du fardeau de la preuve: celui qui est indiqué comme auteur sur l’exemplaire de l’œuvre ou au moment de sa publication bénéficie de la protection de la LDA, jusqu’à preuve du contraire. D’après le principe du créateur de l’art. 6 LDA, l’auteur est la personne physique qui a créé l’œuvre et l’art. 332 al. 1 CO n’est pas applicable (c. 6.3.1). Le requérant a ainsi la légitimation active (c. 6.3.3). Ses conclusions sont suffisamment précises et il faut retenir un risque de récidive, car il est rendu vraisemblable que l’intimée fabrique et commercialise les montres visées par l’interdiction (c. 6.4.2). Pour déterminer si la tête de mort dessinée par le requérant est protégée, il est décisif de savoir s’il s’agit d’une création de l’esprit humain ayant un caractère individuel. C’est l’individualité de l’œuvre qui est déterminante, pas celle de l’auteur (c. 6.5.2). L’intimée n’est pas parvenue à rendre vraisemblable qu’il existait d’autres créations semblables à celle du requérant, avant que celui-ci ne réalise la sienne. Cette dernière à la qualité d’œuvre au sens de l’art. 2 LDA (c. 6.5.3). Quant à lui, le requérant a rendu vraisemblable que sa tête de mort, sur les montres litigieuses, était reconnaissable dans son caractère individuel. L’allégation de l’intimée, selon laquelle elle se serait inspirée de crânes en sucre mexicains, sans connaître l’œuvre du requérant, n’est pas suffisamment motivée pour pouvoir juger d’une éventuelle double création (c. 6.6.3). Il est notoire que les actions en dommages-intérêts, dans le domaine de la propriété intellectuelle, sont souvent très coûteuses et difficiles à mener. De plus, il paraît vraisemblable qu’une menace de dilution du droit d’auteur pèse sur le requérant, en raison des actes illicites, ce qui pourrait aussi nuire à sa réputation. La condition du préjudice difficile à réparer est donc réalisée (c. 7.3 et 7.4). L’urgence existe lorsqu’un procès ordinaire durerait clairement plus longtemps qu’une procédure de mesures provisionnelles. Une éventuelle péremption du droit d’agir se juge d’après la durée du procès au fond (c. 8.2). En l’espèce, le requérant a attendu environ un an avant de demander des mesures provisionnelles. Cela est clairement inférieur au temps nécessaire pour obtenir un jugement au fond, si bien que la condition de l’urgence est réalisée (c. 8.3 et 8.4). L’interdiction provisionnelle doit toutefois satisfaire au principe de la proportionnalité: elle se limitera à ce qui est nécessaire (c. 9 et 9.1). L’interdiction de mettre en circulation les montres litigieuses et de les promouvoir est proportionnée, mais pas celle de les garder en stock (c. 9.3.2). Comme mesures d’exécution, la menace de la peine prévue à l’art. 292 CP et l’amende d’ordre selon l’art. 343 al. 1 lit. b CPC sont appropriées (c. 10). [VS]

CL (RS 0.275.12)

- Art. 60

-- ch. 1

- Art. 2

-- ch. 1

CO (RS 220)

- Art. 332

-- al. 1

CP (RS 311.0)

- Art. 292

CPC (RS 272)

- Art. 343

-- al. 1

- Art. 261

-- al. 1

LDA (RS 231.1)

- Art. 8

- Art. 6

- Art. 62

-- al. 1 lit. a

- Art. 2

-- al. 1

LDIP (RS 291)

- Art. 10

- Art. 109

-- al. 2

- Art. 129

- Art. 110

-- al. 1

11 février 2015

TFB, 11 février 2015, S2014_001 (d) (mes. prov.)

sic! 9/2015, p. 522-525, « Dibenzothiazepinderivat » ; mesures provisionnelles, compétence internationale, droit international privé, compétence matérielle, for, internationalité, langue de la procédure, anglais, vraisemblance, nullité d’un brevet, revendication, interprétation de la revendication, non-évidence, décision étrangère, médicament ; art. 2 ch. 1 CL, art. 60 ch. 1 lit. a CL, art. 26 al. 1 lit. b LTFB, art. 36 al. 3 LTFB, art. 343 al. 1 lit. b CPC ; cf. N 923 (TFB, 7 octobre 2015, O2013_006).

Lorsque la demanderesse a son siège à l’étranger (en l’espèce en Suède) et la défenderesse en Suisse, l’état de fait est international; la compétence à raison du lieu s’établit ainsi sur la base de la convention de Lugano (art. 1 al. 2 LDIP en relation avec les articles 1ss CL). Le Tribunal fédéral des brevets (TFB) est compétent à raison de la matière et du lieu sur la base des art. 2 ch. 1 CL en relation avec l’art. 60 ch. 1 lit. a CL de même que l’art. 26 al. 1 lit. b LTFB (c. 2.1.). L’anglais peut être utilisé avec l’accord du Tribunal, même si la langue de procédure est une des langues nationales (en l’espèce l’allemand, cf. art. 36 al. 3 LTFB) (c. 2.2.). Selon les articles 261 al. 1 CPC et 77 LBI, le tribunal peut ordonner les mesures provisionnelles nécessaires si la partie qui les requiert rend vraisemblable qu’une prétention dont elle est titulaire est l’objet d’une atteinte ou risque de l’être (lit. a) et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (lit. b). Une allégation est rendue vraisemblable même lorsque le juge n’est pas totalement convaincu de sa véracité, mais la considère comme en bonne partie véridique ; certains doutes peuvent demeurer. Il suffit également à la partie adverse de rendre ses objections vraisemblables. Ceci vaut également pour l’objection de la nullité d’un droit de propriété intellectuelle. Si le défendeur rend une telle nullité vraisemblable, l’atteinte au droit du titulaire ne l’est pas. Enfin, un certain degré d’urgence doit également exister et la mesure à ordonner doit être proportionnée (c. 4.1.). L’objection de la nullité d’un brevet est vraisemblable du seul fait que ce dernier a été déclaré nul dans cinq pays européens (c. 4.2.). Les revendications ne s’adressent pas à des profanes, mais à des spécialistes, qui lisent les textes techniques dans leurs domaines de manière à leur donner un sens. Les revendications du brevet doivent ainsi être lues de manière à ce qu’en ressorte le sens habituel des termes utilisés dans un domaine particulier, à moins qu’un terme nécessite une définition particulière (c. 5.5). L’activité inventive s’évalue selon l’approche problème-solution, qui comporte trois étapes : (1) la détermination de l'état de la technique le plus proche; (2) l’établissement du problème technique objectif à résoudre, et (3) l’examen de la question de savoir si l'invention revendiquée, en partant de l'état de la technique le plus proche et du problème technique objectif, aurait été évidente pour l'homme du métier. En général, l’examen de ces questions auquel il a été procédé dans des procédures ordinaires d’autres juridictions européennes peut être pris en considération par le TFB. Dans le cas d’espèce, les procédures sommaires d’autres juridictions européennes relatives au brevet litigieux ne peuvent pas être prises en compte, car la validité du brevet n’y a fait l’objet d’aucun examen (c. 5.6 à 5.9). Le droit d’obtenir une décision motivée ne signifie pas que le tribunal doive se prononcer expressément sur chaque allégation de fait et chaque objection de droit. Il suffit – mais il est également nécessaire – que le tribunal se prononce sur les éléments qui lui paraissent déterminants (c. 7). [DK]