Conditions
de la protection du brevet, objet du brevet, étendue de la
protection, nullité d’un brevet, revendication, demande
de brevet, demande
initiale, demande
divisionnaire, demande
parente, modification des revendications en
cours de procédure, limitation de revendications, combinaison
de caractéristiques, homme de métier,
date de dépôt, brevet européen, gold
standard, singling
out, sécurité du droit, motivation du
recours, frais et dépens, frais de conseil
en brevets, conclusion subsidiaire,
décision étrangère ; art. 69 CBE 2000, art. 76 al. 1 CBE
2000, art. 123 al. 2 CBE 2000, art. 138 al. 1 lit. c CBE 2000, art.
42 al. 2 LTF, art. 32 LTFB, art. 33 LTFB, art. 3 lit. a FP-TFB, art.
9 al. 2 FP-TFB, art. 26 al. 1 lit. c LBI, art. 51 al. 2 LBI, art. 58
al. 2 LBI.
Le
recours au Tribunal fédéral doit être suffisamment motivé (art.
42 al. 2 LTF) (c. 1.1). Cela ne s’applique toutefois pas sans
autres aux conclusions subsidiaires, par lesquelles la recourante
conteste les frais et dépens de la décision attaquée,
indépendamment du fait qu’elle ait ou non gain de cause sur le
fond (c. 1.2.1). En principe, les conclusions ayant pour objet une
somme d’argent doivent être chiffrées, même lorsqu’elles
portent sur la contestation des frais et dépens prononcés par la
juridiction inférieure indépendamment du sort de la cause
principale. Toutefois, dans de tels cas, il suffit en réalité que
la motivation du recours indique dans quel sens la décision attaquée
doit être modifiée (c. 1.2.2). En l’espèce, les dépens alloués
par le Tribunal fédéral des brevets (TFB) se partagent entre une
somme allouée pour les frais de conseil en brevets et une autre,
moins importante, pour les frais de représentation par un avocat. La
recourante se plaint du fait que la première somme soit plus
importante que la seconde, et demande que les dépens soient au moins
réduits de la différence. A cet égard, les conclusions
subsidiaires peuvent être considérées comme suffisamment motivées
(c. 1.2.3). Selon l’art. 26 al. 1 lit. c LBI, le juge constate la
nullité du brevet lorsque l’objet de ce dernier va au-delà du
contenu de la demande de brevet dans la version qui a déterminé sa
date de dépôt. Cette cause de nullité est tirée de l’art. 138
al. 1 lit. c CBE 2000. Ces deux dispositions sont liées, en ce qui
concerne la procédure de délivrance européenne, à l’art. 123
al. 2 CBE 2000, qui limite la recevabilité des modifications dans la
procédure de demande. En conséquence, la demande de brevet européen
et le brevet européen ne peuvent être modifiés de telle manière
que leur objet dépasse le contenu de la demande antérieure telle
qu’elle a été déposée. De même, l’art. 76 al. 1 deuxième
phrase CBE 2000 prévoit qu’une demande divisionnaire européenne
ne peut être déposée que pour des éléments qui ne s’étendent
pas au-delà du contenu de la demande antérieure telle qu’elle a
été déposée (c. 2.1.1). Ces dispositions ont pour but d'éviter
que le détenteur d’un brevet n’améliore sa position en
revendiquant des protections pour des objets n’ayant pas été
couverts par la demande de brevet initiale. Elles servent notamment
un but de sécurité juridique, car le public ne devrait pas être
surpris par des revendications qui ne pouvaient pas être attendues
sur la base de la demande initiale (c. 2.1.2). Dans ce contexte,
l’ « objet du brevet » (qui, selon l'art. 26 al. 1
lit. c LBI, ne peut aller au-delà du contenu de la demande de
brevet) ne doit pas être compris comme l’ « étendue de
la protection » au sens des art. 51 al. 2 LBI et 69 CBE 2000,
telle que déterminée par les revendications. Il s'agit plutôt de
l’ « objet » au sens de l'art. 123 al. 2 CBE 2000
(ou de l'article 58 al. 2 LBI), incluant l’ensemble des éléments
divulgués dans la description et les dessins. Selon la jurisprudence
de l'Office européen des brevets, l'art. 123 al. 2 CBE 2000
n'autorise une modification après le dépôt de la demande que dans
les limites de ce que l’homme du métier est objectivement en
mesure, à la date du dépôt, de déduire directement et sans
équivoque du contenu global de la demande initiale telle qu’elle a
été déposée, en se fondant sur les connaissances techniques
générales dans le domaine considéré (test du « gold
standard »). Les modifications inadmissibles peuvent consister
tant en des ajouts qu’en des omissions d’informations (c. 2.1.3).
D'un point de vue procédural, une demande divisionnaire constitue
une demande séparée, indépendante de la demande parente. Les
modifications sont donc soumises aux exigences générales de l'art.
123 al. 2 CBE 2000. La question de savoir si la demande divisionnaire
elle-même entre dans le champ d'application du contenu de la demande
parente s’apprécie cependant selon l'art. 76 al. 1 deuxième
phrase CBE 2000 (c. 2.2). En l’espèce, la juridiction inférieure
a constaté que les documents de la demande initiale ne mettaient pas
l’accent sur un rapport de poids de 2:1 ou sur la constipation en
tant qu’effet secondaire pouvant être traité. Des exemples
indiquant un rapport de poids de 2:1 des deux substances actives ont
certes été mentionnés, mais il y avait aussi des exemples
indiquant d’autres rapports de poids. Dans la description des
effets secondaires, la constipation n'a été mentionnée que comme
l'une des trois alternatives équivalentes. La constipation n’a été
soulignée que dans la discussion sur l’état de la technique. Dans
les exemples spécifiques de mise en œuvre, l’effet secondaire n'a
pas du tout été abordé. Selon l’instance précédente, les
documents soumis à l'origine n’indiquaient donc pas que le rapport
de poids spécifique de 2:1 avait un lien particulier avec la
réduction de la constipation. D'après elle, il n’y a eu de
divulgation immédiate et sans équivoque ni du rapport de poids
spécifique de 2:1 comme étant particulièrement privilégié, ni du
traitement de la constipation comme étant associé à des avantages
particuliers. Elle en déduit que l'inclusion de cette combinaison de
caractéristiques dans la revendication 1 constituait une
modification non autorisée, justifiant que la nullité du brevet
soit prononcée (c. 2.4.2). La question est ici de savoir dans quelle
mesure il est admissible, durant la procédure de demande, de choisir
des éléments individuels dans plusieurs listes, chacune comportant
plusieurs modes de mise en œuvre ou caractéristiques alternatives
(problématique du « singling out ») (c. 3.1). La
problématique de la suppression d'éléments de listes durant la
procédure de demande a été souvent traitée dans la jurisprudence
de l’Office européen des brevets. Le point de départ est la
question de savoir si l'objet ou la combinaison d’éléments
revendiqués dans le brevet litigieux peut être déduit directement
et sans équivoque par l’homme du métier à partir des documents
déposés dans la demande d’origine. Fondamentalement, la
limitation d’une liste à une seule caractéristique est
admissible. De même, la suppression d’éléments de plusieurs
listes est en principe admissible si plusieurs alternatives sont
encore revendiquées pour chacune d'elles, laissant ainsi subsister
un groupe générique qui ne se distingue de l'objet de la demande
initiale que par sa taille réduite. En revanche, la sélection d’un
unique élément dans chacune des listes n’est généralement pas
admise, dans la mesure où un tel procédé crée artificiellement
une combinaison de caractéristiques précises, sans fondement dans
la demande initiale. Dans un tel cas, la modification limite la
protection du brevet, et apporte une contribution technique par
rapport à l'objet initialement divulgué. La situation peut être
différente s'il y avait déjà des références à cette combinaison
dans la demande initiale, comme par exemple si les caractéristiques
finalement sélectionnées avaient été indiqués comme
« préférées ». Les circonstances spécifiques du cas
d’espèce doivent toujours être prises en compte (c. 3.2).
L’instance précédente n’a violé aucune des normes applicables
en considérant que la partie suisse du brevet européen en cause est
nulle (c. 3.5). Conformément à l'art. 32 LTFB, le TFB fixe les
dépens selon le tarif visé à l’art. 33 LTBF. Selon l’art. 3
lit. a FP-TFB, les dépens alloués à la partie qui a gain de cause
comprennent le remboursement des frais nécessaires. Ceux-ci
comprennent l’indemnité du conseil en brevets, s’il intervient
à titre de consultant uniquement (art. 9 al. 2 FP-TFB) (c. 5.1). Le
TFB, qui peut apprécier librement si une dépense doit être
remboursée en tant que dépense nécessaire, a indiqué que dans le
cadre d’une action en nullité les frais du conseil en brevets
peuvent dépasser ceux de représentation par un avocat. La
recourante ne parvient pas à démontrer d’erreur d’appréciation
du TFB qui puisse être corrigée par le Tribunal fédéral (c. 5.3).
Le recours est rejeté (c. 6). [SR]