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04 juillet 2019

TFB, 4 juillet 2019, B-7293/2018 (d)

Réintégration en l’état antérieur, erreur de l’auxiliaire, représentant, radiation d’un brevet, diligence, empêchement, erreur, logiciel, pratique, office européen des brevets ; art. 47 LBI.

La recourante demande la réintégration en l’état antérieur de son brevet. Une collaboratrice de sa représentante en Allemagne a commis une erreur en omettant de saisir une adresse électronique dans le logiciel d’administration malgré les consignes. La représentante en Allemagne de la recourante a certes reçu la décision de radiation du brevet en question, mais l’erreur liée à l’adresse électronique l’a empêchée de transmettre cette décision à la recourante. N’ayant pas reçu de message d’erreur lié à l’envoi du courriel, elle n’a pu déceler l’erreur à temps (c. 3). L’erreur d’un auxiliaire est imputable au titulaire du brevet si le comportement en question s’écarte de celui d’un auxiliaire diligent (c. 3.1). L’élément à l’origine de l’empêchement est la mutation accidentelle d’une adresse électronique dans le logiciel d’administration de la représentante de la recourante. Même une erreur unique d’un auxiliaire au demeurant diligent est imputable au titulaire du brevet. Il appartient au titulaire du brevet de s’organiser, à l’interne ou avec un représentant, de sorte que les erreurs de manipulation ou les erreurs informatiques, lesquelles ne peuvent être exclues de la gestion des affaires, puissent être corrigées au plus tard au moment de la communication de la décision de radiation (c. 3.2). La recourante invoque ensuite la pratique moins sévère de l’office européen des brevets. En l’espèce, c’est le droit des brevets suisse qui est déterminant, et la pratique plus stricte a déjà été confirmée par le Tribunal fédéral (c. 3.3). La recourante ne parvient pas à rendre vraisemblable qu’elle a été empêchée sans sa faute d’observer le délai de paiement d’une annuité. Le recours est rejeté (c. 3.4). [YB]

08 mars 2021

TF, 8 mars 2021, 4A_361/2020 (d)

Motifs absolus d’exclusion, signe trompeur, indication de provenance, indication géographique, restriction à certains produits ou services, étendue de la protection, usage de la marque, pratique de l’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle, Swissness, réel site administratif, Swiss Re, services immobiliers, services financiers, services d’assurances, recours rejeté ; art. 2 lit. c LPM, art. 11 al. 1 LPM, art. 12 al. 1 LPM, art. 47 al. 1 LPM, art. 47 al. 3 LPM, art. 49 al. 1 LPM, art. 49 al. 2 LPM, art. 52o OPM.

En avril 2017, la défenderesse, Swiss Re Ltd, a déposé la marque « SWISS-RE – WE MAKE THE WORLD MORE RESILIENT » pour des services financiers, immobiliers et d’assurances (classe 36). L’IPI a refusé l’enregistrement du signe, notamment au motif qu’il était trompeur, en raison des attentes qu’il éveillait quand à la provenance des services fournis. Selon l’IPI, l’enregistrement n’était possible qu’avec une limitation de la liste de services aux services de provenance suisse. Le Tribunal administratif fédéral a admis le recours de Swiss Re et a ordonné l’enregistrement sans restriction des services mentionnés à la provenance suisse. Selon l’art. 2 lit. c LPM, les signes propres à induire en erreur sont exclus de la protection des marques (c. 2). Un signe est propre à induire en erreur notamment s'il contient ou est constitué d’une indication géographique qui fait croire à tort aux destinataires que les produits ou services qu’il désigne proviennent du pays ou du lieu auquel l’indication se réfère (c. 2.1). Une indication de provenance est une référence directe ou indirecte à la provenance géographique des produits ou des services, y compris la référence à des propriétés ou à la qualité, en rapport avec la provenance (art. 47 al. 1 LPM). L'art. 47 al. 3 LPM interdit notamment l'utilisation d'indications de provenance inexactes (lit. a) et de marques en relation avec des produits ou services d'une autre provenance, s'il en résulte un risque de tromperie (lit. c). Selon la jurisprudence, de telles indications sont susceptibles de créer un risque de tromperie au sens de l’art. 2 lit. c LPM (c. 2.2). Compte tenu des intérêts publics en jeu, la règle selon laquelle l’IPI doit en principe enregistrer une marque en cas de doute et laisser la décision finale au juge civil ne s’applique pas dans l’évaluation du risque de tromperie au sens de l’art. 2 lit. c LPM. Par ailleurs, l’exactitude des indications de provenance est examinée de manière plus stricte que les autres faits trompeurs au sens de cette disposition. Même lorsqu’une indication de provenance peut être utilisée de manière correcte, le motif absolu d’exclusion de l’art. 2 lit. c LPM s’applique dès qu’il existe une possibilité qu’elle soit utilisée pour des produits provenant d’un autre lieu (c. 2.3). Il convient de noter que même si les développements futurs prévisibles peuvent être pris en compte dans la procédure d’enregistrement, une simple probabilité minime qu’une indication de provenance suisse puisse s’avérer trompeuse à l’avenir, par exemple en raison d’un changement de circonstances, ne suffit pas à établir un motif absolu d’exclusion au sens de l’art. 2 lit. c LPM (c. 2.4). Si l’on admet comme l’instance précédente que le signe « SWISS RE – WE MAKE THE WORLD MORE RESILIENT » constitue une indication de la provenance suisse des services de la défenderesse, il convient d’examiner si elle est exacte (c. 4). Selon l’art. 49 al. 1 LPM, l’indication de la provenance d’un service est exacte si elle correspond au siège de la personne qui fournit le service (lit. a) et si un réel site administratif de cette personne est sis dans le même pays (lit. b). Si une société mère remplit les conditions de la lettre a et si elle-même ou une filiale réellement contrôlée par elle et domiciliée dans le même pays remplit l’exigence visée à la lettre b, l’indication de provenance est également exacte pour les services de même nature fournis par les filiales et succursales étrangères de la société mère (art. 49 al. 2 LPM) (c. 4.1). En matière de produits, la pratique établie de longue date de l’IPI, admise par le Tribunal fédéral, est de n’enregistrer les marques contenant une indication géographique qu’avec l’ajout d’une mention dans la liste des produits revendiqués selon laquelle ces derniers doivent provenir du pays auquel se réfère l’indication de provenance. L’IPI ne disposant pas, dans le cadre de la procédure d’enregistrement, d’informations concrètes sur l’usage (actuel ou futur) du signe déposé, on peut admettre l’existence d’un risque de tromperie si une indication de provenance est enregistrée comme marque sans limiter la liste des produits. Cette restriction de la liste de produits a un effet préventif en minimisant de facto le risque de tromperie, et affecte directement l’étendue de la protection de la marque, qui dépend des produits revendiqués (art. 11 al. 1 LPM). L’usage du signe avec des produits d’une autre provenance ne constitue pas un usage de la marque et peut entraîner la perte du droit à la marque conformément à l’art. 12 al. 1 LPM (c. 5.1). Une partie de la doctrine a formulé quelques critiques à l’encontre de la jurisprudence du Tribunal fédéral (c. 5.2). L’IPI invite le Tribunal fédéral à confirmer que cette jurisprudence, qui n’est pas contestée par les parties, s’applique également aux services (c. 5.3). Lors des délibérations parlementaires relatives au projet de loi « Swissness », entré en vigueur le 1er janvier 2017, la conseillère fédérale Sommaruga a explicitement évoqué dans deux interventions la crainte que d’importants prestataires de services tels que Swiss Re puissent apparaître comme des sociétés suisses. Dans le cadre de cette révision, le Conseil fédéral a concrétisé la notion de « réel site administratif » à l’art. 52o OPM, pertinente pour déterminer la provenance d’un service selon l’art. 49 al. 1 lit. b LPM. L’IPI a annoncé qu’elle adoptera en matière de services la même pratique qu’elle adoptait jusqu’alors en matière de produits (c. 6). Comme l’a reconnu à juste titre le Tribunal administratif fédéral, cette adaptation va trop loin. La limitation de la liste des produits aux produits de provenance suisse vise à éliminer le risque, même abstrait, de tromperie sur la provenance géographique. Toutefois, s'il n'y a pas de risque de tromperie dès le départ, il n'y a aucune raison de restreindre la liste des produits ou des services. Tel est le cas en l'espèce : comme le Tribunal administratif fédéral l'a constaté de manière contraignante, sans réelle contestation de l’IPI, les conditions de l'art. 49 al. 1 LPM sont remplies, puisque le siège de la défenderesse est incontestablement en Suisse, de même que son réel site administratif. Les services qu'elle propose proviennent donc de Suisse au sens du droit des marques. L'indication de provenance est exacte au sens de l’art. 49 al. 1 LPM. Le signe « SWISS RE - WE MAKE THE WORLD MORE RESILIENT » est donc, même s'il devait être compris comme une indication de provenance, admissible au sens des art. 2 lit. c et 47 al. 3 LPM, et doit être inscrit au registre des marques (c. 7.1). Le traitement différent des marques selon qu'elles revendiquent une protection pour des produits ou des services est une conséquence des définitions conceptuellement différentes de la provenance pour les produits (art. 48 et suivants LPM) et pour les services (art. 49 LPM). En matière de produits, le caractère trompeur d’un signe dépend des produits pour lesquels il est utilisé, dont l’IPI n’a naturellement pas connaissance au moment de l’enregistrement. L’origine des services, en revanche, dépend du lieu dans lequel le prestataire de services a son siège social et est actif (art. 49 al. 1 LPM). En principe, tous les services fournis par le déposant ont la même provenance géographique, et le risque de tromperie peut être évalué concrètement au moment de l'enregistrement. Le fait que la marque puisse être transférée ou faire l'objet d'une licence à une date ultérieure (à une personne qui pourrait ne pas remplir les conditions de l'art. 49 LPM), comme l'objecte l'IPI, ne change rien pour le Tribunal administratif fédéral, d'autant plus que l'IPI n'a de toute façon aucune possibilité d'influencer l'usage d'une marque une fois celle-ci enregistrée. Il va de soi que l'enregistrement d'une indication de provenance en tant que marque ne change rien au fait qu'elle ne peut pas, par la suite, être utilisée de manière incorrecte. En particulier, l'utilisation d'une marque en relation avec des produits ou des services de provenance étrangère n'est pas autorisée si elle entraîne un risque de tromperie (art. 47 al. 3 lit. a et c LPM). (c. 7.2.1). Contrairement à l’IPI, le Tribunal administratif fédéral considère que la charge de travail requise pour l’examen au regard des critères spécifiés dans la réforme « Swissness » n’apparait pas fondamentalement plus importante que sous l’ancien droit. S’il existe un doute sur la question de savoir si les critères de l’art. 49 al. 1 LPM sont remplis, une restriction de la liste des services doit selon lui être faite. En cas de litige, la question de savoir s’il existe une activité administrative effective suffisante en Suisse dans un cas d’espèce relève de la compétence du juge. Le Tribunal administratif fédéral a ainsi montré une voie praticable. La position de l’IPI de faire dépendre l’enregistrement de toutes les marques de service avec indication de provenance d’une restriction géographique de la liste des services à titre de mesure de précaution et sans examen, même si l'indication de provenance est correcte et qu'il n'y a pas de risque pertinent de tromperie, est trop peu différenciée. Elle ne peut pas non plus être justifiée par le souci d'éviter un effort d'examen excessif. En outre, contrairement à ce que soutient l’IPI, on ne voit pas en quoi la limitation géographique des services seulement dans certains cas devrait affecter l’égalité et la sécurité juridiques (c. 7.2.2). La conclusion de l'instance précédente selon laquelle le signe « SWISS RE - WE MAKE THE WORLD MORE RESILIENT » n'est pas trompeur en ce qui concerne les services revendiqués et que, pour cette raison, il doit bénéficier d'une protection illimitée de la marque n'est ainsi pas critiquable. C'est à juste titre qu’elle a ordonné l’enregistrement du signe au registre des marques sans aucune limitation géographique de la liste des services (c. 7.4). Le recours est rejeté (c. 8). [SR]