Absinthe,
eau-de-vie, boissons alcoolisées, indication géographique protégée,
Fée verte, La Bleue, association, qualité pour agir des
associations, Office fédéral de l’agriculture, preuve, fardeau de
la preuve, IGP, opposition, groupement de producteurs, groupement
représentatif, représentativité ; art. 1 LAlc,
art. 5 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 5 al. 2
let. b Ordonnance sur les AOP et les IGP ; cf N°959, TAF, 8 août
2014, B-4820/2020 (f).
La notion de « producteurs »
au sens de l’art. 5 al. 1 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP
englobe les producteurs, les transformateurs et les élaborateurs.
Elle correspond à la notion d’« opérateurs » que
l’OFAG utilise pour désigner l’ensemble des acteurs qui
interviennent dans la création d’un produit, jusqu’à ce que
celui-ci porte la dénomination protégée. (c. 4.1.1). Cette notion
très connotée commercialement correspond au but de l’ordonnance.
Dans ce cadre, un producteur au sens de l’ordonnance est celui qui
contribue à la création du produit dans la perspective de sa
commercialisation et pas celui qui le créée uniquement à des fins
personnelles (c. 4.1.2.1 et 4.1.2.2). Un groupement est
« représentatif », au sens de l’art 5 de l’ordonnance,
lorsqu’il reflète de manière appropriée chaque catégorie
d’acteurs intervenant dans la création du produit et dont les
intérêts économiques sont touchés par la demande d’enregistrement
(c. 4.2.1.1). L’art. 5 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP
prévoit notamment qu’un groupement est représentatif si ses
membres représentent au moins 60% des acteurs au sein de chacune des
catégories d’opérateurs correspondant aux principaux stades de
création du produit (c. 4.2.2). Pour une indication géographique,
le groupement ne doit pas être représentatif de tous les stades de
la production mais au moins de ceux qui doivent se dérouler dans
l’aire géographique déterminée. (c. 4.2.3 – 4.2.3.2). Le
fardeau de la preuve de la représentativité incombe au demandeur
qui supporte les conséquences de leurs absences ou de leur
insuffisance (c. 5.1.1 – 5.1.3). La commercialisation de
l’absinthe, en tant que boisson distillée, est régie par la LAlc
et son ordonnance. Ainsi, le droit de fabriquer et de rectifier les
boissons distillées appartient à la Confédération et fait l’objet
de concessions (c. 6.2). Celles-ci sont regroupées en trois
catégories : Les distilleries professionnelles, les
distilleries à façon (qui ne travaillent pas pour leur propre
compte mais distillent les produits d’autres opérateurs), et les
distilleries agricoles (qui concernent la production non industrielle
d’eau-de-vie à partir de matière provenant exclusivement de la
récolte indigène ou cueillie à l’état sauvage par le
producteur) (c. 6 – 6.3.2). Le Cahier des charges divise la
production de l’appellation « Absinthe du Val-de-Travers »
en six étapes (macération, distillation, coloration, réduction,
aération et filtration) (c. 7.1.2). Il est ainsi possible de
distinguer, au sein du groupement représentatif les producteurs au
sens strict (qui cultivent et sèchent les plantes) et les
transformateurs et élaborateurs (qui procèdent aux étapes de
transformation décrites dans le cahier des charges) (c. 7.2.1.2 –
7.2.2). En l’espèce, l’instance précédente a estimé que
l’intimée (l’association des Artisans-distillateurs d’Absinthe
du Val-de-Travers) était représentative dans la mesure où elle
regroupait 18 concessions professionnelles ou à façon sur un total
de 29 (c. 8). Elle se focalise ainsi uniquement sur l’étape de
distillation (c. 9). Si cette étape doit bien être prise en compte,
les autres n’en sont pas moins importantes dans la mesure où elles
sont décrites dans le cahier des charges et doivent avoir lieu dans
l’aire déterminée. En particulier, l’Absinthe comporte une
étape de macération qui laisse dans une certaine mesure à chaque
élaborateur la possibilité de suivre la recette transmise de
génération en génération dans une cadre familial. (c. 9.1 –
9.1.2.2). Ceux-ci contribuent ainsi fortement à donner des
caractéristiques propres au produit. L’intimée elle-même concède
que son cahier des charges vise à prendre en compte la grande
diversité aromatique aujourd’hui présente (c. 9.2.1 – 9.2.1.2).
Ainsi, même s’ils ne distillent pas eux-mêmes, les acteurs qui
produisent de l’absinthe en participant aux diverses étapes du
Cahier des charges contribuent de manière déterminante à la
production d’absinthe (c. 9.2.2). L’Ordonnance sur les AOP et les
IGP ne vise que les entités qui interviennent avec une intention
commerciale (c. 10.2), ce qui exclut les particuliers qui ne
produisent que pour leur consommation personnelle (c. 10.2.1.1). Il
ne faut cependant pas en déduire automatiquement que ceux qui ne
procèdent pas eux-mêmes à la distillation n’ont pas d’intentions
commerciales (c. 10.2.1.2). De plus, certains producteurs agissent
commercialement bien qu’ils recourent à une distillerie à façon
(c. 10.2.2.1). La LAlc, en soumettant la distillation à l’octroi
de concessions, n’empêche pas qu’un élaborateur soit considéré
comme un producteur au sens de l’art. 5 al. 2 let. b Ordonnance sur
les AOP et les IGP (c. 10.2.2.3). C’est le nombre de producteurs et
non pas la quantité d’absinthe qu’ils écoulent sur le marché
qui est déterminant (c. 10.2.2.4). Les « petits producteurs »
ne constituent pas une catégorie très aléatoire et volatile.
Ceux-ci sont en effet assujettis à l’impôt et quantifiables. Ils
doivent être intégrés au calcul de la représentativité (c. 10.3
– 10.3.2.2). Si l’autorité ne requiert pas un état des lieux
détaillé et exhaustif du marché, elle s’attend à ce que leur
activité soit documentée dans le cadre de l’examen de la
représentativité de l’intimée (c. 10.3.3.1). En résumé, tous
les opérateurs qui contribuent de manière déterminante à la
création de l’absinthe sans nécessairement procéder eux-mêmes à
la distillation entrent en ligne de compte dans l’examen du
caractère représentatif de l’intimée, pour autant qu’ils aient
une activité commerciale (c. 11). En se limitant à prendre en
compte le nombre de concessions, l’autorité n’a pas tenu compte
suffisamment des collèges professionnels pertinents au sens de l’art
5 al. 2 let. b Ordonnance sur les AOP et les IGP (c. 12.1.1.1). Ce
seul chiffre ne permet pas de dresser un panorama fidèle de la
production d’absinthe (c. 12.1.2). Au surplus, le nombre de
concessions n’est pas pertinent dans la mesure où certaines
entités disposent à la fois de concessions professionnelles et à
façon. Certains distillateurs à façon offrent leurs services à de
nombreux commettants mais ne sont considérés que comme un seul et
même acteur (c. 12.1.3.1 – 12.1.3.3). C’est donc à tort que
l’instance précédente a admis la représentativité de l’intimée.
La décision attaquée doit être annulée (c. 12.2 – 12.2.2).
L’affaire est renvoyée à l’autorité inférieure afin qu’elle
rende une nouvelle décision sur l’opposition formulée par les
recourante (c. 13 – 13.2.2). [YB]