Motifs
d’exclusion absolus, signe trompeur, indication de provenance,
procédure, qualité pour agir, qualité pour recourir en matière
d’enregistrement de marque, décision, égalité de traitement,
garantie de l’accès au juge, opposition, procédure de radiation ;
art. 8 Cst., art. 29a Cst., art. 31 LTAF, art. 32 LTAF,
art.
5 PA, art. 44 PA, ,
art. 48 al. 1 lit. a PA, art. 48 al. 1 lit. b PA, art.
48 al.
1 lit. c PA, art. 2 lit. c LPM, art. 3 LPM, art. 35a LPM, art. 52
LPM, art. 59c LBI, art. 10 Ordonnance sur les AOP et les IGP.
En
novembre 2018, les deux parties déposent chacune une demande
d’enregistrement de la marque « HISPANO SUIZA » pour
des produits en classe 12. L’instance précédente a admis la
marque de l’intimée avec une limitation de la liste des produits
revendiqués, et provisoirement rejeté la demande de la recourante.
Celle-ci a par la suite déposé une demande de radiation contre
l’enregistrement de la marque de l’intimée. Elle a également
fait opposition à son enregistrement. La présente décision ne
porte que sur la procédure d’enregistrement de la marque de
l’intimée (état de fait A.). Le 16 avril 2019, la marque
« HISPANO SUIZA » est enregistrée pour des produits en
classe 12 et publiée sur Swissreg (état de fait B – B.e.).
La recourante s’oppose
à
la décision de l’IPI d’enregistrer la marque de l’intimée et
demande son annulation auprès du TAF. Elle fait valoir que
l’enregistrement d’une marque est une décision au sens de l’art.
5 PA, qu’en tant que tiers à la procédure elle n’a pas pu
participer à celle-ci et qu’ayant déposé une demande
d’enregistrement pour un signe identique, elle est particulièrement
touchée par la décision (état de fait D.). Le TAF examine
librement les questions relatives à l’entrée en matière (c. 1).
Selon l’art. 31 LTAF, le TAF connaît des recours contre les
décisions au sens de l’art. 5 PA (c. 1.1). La décision
d’enregistrement d’une marque par l’IPI est une décision au
sens de l’art. 5 PA (c. 1.2). L’intimée et l’instance
précédente contestent la capacité pour des tiers de recourir
contre l’enregistrement d’une marque (c. 2.2). La LPM ne
prévoirait pas la possibilité pour des tiers de recourir contre
l’enregistrement et une telle possibilité était exclue dans
l’ancien droit. En outre, la LPM, contrairement à l’art. 59c LBI
ou à l’art. 10 de l’ordonnance sur les AOP et les IGP, ne
prévoit pas de procédure d’opposition fondée sur des motifs
d’exclusion absolus. L’art. 52 LPM donne la compétence exclusive
au juge civil pour juger de la nullité ou de l’illégalité d’une
marque. En outre, le recours selon l’art 44 PA n’est pas
envisageable, dans la mesure où l’action civile garantit le droit
constitutionnel à une voie de droit. Le fait que la décision
d’enregistrer une marque ne fasse pas partie de la liste des
exceptions de l’art. 32 LTAF ne serait pas pertinent (c. 2.3).
Pour le TAF, l’art. 29a Cst garantit à chaque personne le droit
d’être jugée par une autorité judiciaire en cas de litige.
L’art. 44 PA a été introduit dans le but de combler les
lacunes concernant l’accès au juge (c. 2.4). Le fait que la
LPM soit muette concernant le droit pour des tiers de contester
l’enregistrement d’une marque devant le TAF n’est pas
pertinent. C’est en effet l’art. 31 LTAF qui a remplacé les
diverses voies de recours alors mentionnées dans les lois spéciales,
telles que la LPM, ouvrant en principe une voie de recours contre les
décisions au sens de l’art. 5 PA. L’absence de disposition
spécifique dans la LPM, contrairement à l’OAOP-IGP ou la LBI ne
permet pas de déduire, en positif ou en négatif, l’absence de
compétence du TAF lorsque les tiers contestent l’enregistrement
d’une marque. Les références à l’ancien droit ne sont plus
pertinentes, la justice et l’organisation judiciaire fédérale
ayant été réformées en profondeur entre-temps (c. 2.5). Le
droit en vigueur ne contient aucune disposition excluant le recours
d’un tiers au TAF contre la décision de l’instance précédente
d’enregistrer une marque. La jurisprudence ne s’y oppose pas non
plus. Le fait qu’il existe des procédures d’opposition ou de
radiation qui poursuivent des buts différents, n’exclue
pas non plus la compétence du TAF en la matière. Enfin, le recours
à la voie civile n’exclut pas fondamentalement le recours
administratif ; la tenue des registres publics étant de nature
administrative et devant être en principe examinée uniformément
dans le cadre de la procédure administrative (c. 2.6). Le
nombre de marques enregistrées et le risque qu’un afflux de
recours contre les enregistrements ne vienne saper la légitimité du
juge civil ne jouent pas de rôle dans l’examen de la compétence
du TAF (c. 2.7). En conséquence, le TAF est compétent pour
juger du présent recours (c. 2.8). Lors de la procédure
d’enregistrement, les tiers n’ont aucune possibilité d’y
participer avant
la publication de l’enregistrement dans Swissreg. La protection
juridique contre l’enregistrement d’une marque ne saurait être
liée à la participation à la procédure (c. 3.4). En
l’espèce, la recourante s’est manifestée dès qu’elle a eu la
possibilité de le faire (c. 3.2). Concernant l’art. 48 al.
Lit. b PA, la recourante doit
démontrer un intérêt personnel qui se distingue de l’intérêt
général des autres citoyens. La simple crainte d’une concurrence
accrue n’est pas suffisante. Le besoin d’une protection
spécifique et qualifiée doit être nécessaire. Le
concurrent doit donc démontrer en quoi la décision de
l’instance précédente traite ses concurrents de manière
privilégiée. L’intérêt général à l’application correcte du
droit ne fonde pas la qualité pour recourir (c. 3.5.1). En
l’espèce, le fait que la recourante porte le signe « hispano
Suiza » dans sa raison sociale, qu’elle dispose de nombreuses
marques étrangères avec ces éléments et qu’elle ait déposé
une demande d’enregistrement en Suisse pour la marque « HISPANO
SUIZA » la met certes dans un rapport de concurrence avec
l’intimée, mais ne permet pas de conclure qu’elle est
spécialement atteinte par la décision (c. 3.5.2). La
recourante considère qu’elle est particulièrement touchée parce
que l’instance précédente a admis à tort la protection en la
limitant aux produits d’origine espagnole. L’éventuelle
application erronée du droit ne confère pas la qualité pour
recourir à la recourante. De plus, celle-ci n’a
pas de proximité particulière concernant les indications de
provenance « HISPANO » et « SUIZA », qui
présuppose en règle générale que le recourant soit mieux habilité
que le déposant à utiliser un signe (c.3.5.3). En conséquence, la
recourante n’est pas matériellement lésée par la décision de
l’instance inférieure. L’éventuelle révocation de
l’enregistrement n’aurait pas pour effet de conduire à
l’enregistrement de sa propre marque. De plus, l’enregistrement
ne l’empêche pas de continuer à utiliser sa raison sociale, ni ne
constitue une entrave économique (c. 3.5.6). La recourante
invoque l’égalité de traitement, arguant que la demande de
l’intimée a été privilégiée par l’instance précédente.
Certes, les deux parties ont déposé une demande d’enregistrement
pour la même marque verbale et pour des produits identiques. Chacune
des parties a reçu la même objection de la part de l’instance
précédente concernant le caractère trompeur du signe et les
différences de traitement résultent du fait que l’intimée a
demandé un examen accéléré, ce que n’a pas fait la recourante.
La manière dont l’intimée a utilisé les moyens procéduraux à
sa disposition ne constitue pas une inégalité de traitement
(c. 3.5.4). La recourante ne parvient pas à justifier sa
légitimation pour recourir. Le TAF n’entre donc pas en matière
sur le recours (c. 3.5.6 et 3.5.7). Les procédures engagées
par les concurrents contre les enregistrements qui se limitent à
faire valoir des motifs absolus d’exclusion doivent satisfaire à
des exigences de légitimation plus strictes que pour une procédure
d’opposition, soit une proximité particulière avec l’affaire
litigieuse et un intérêt de protection de droit public (c. 3.5.8).
[YB]