Disposition

LCD (RS 241)

     Art. 9

          al. 3

11 janvier 2012

TC VD, 11 janvier 2012, 8/2012/DCA (f)

sic! 5/2013, p. 300- 304, « Tara Jarmon » ; marque verbale, enseigne, raison de commerce, Tara Jarmon, Tarjarmo, risque de confusion admis, action en dommages-intérêts, acte illicite, faute, dommage, preuve, dilution de la force distinctive, gain manqué, contrat de licence, contrat de franchise ; art. 8 CC, art. 29 al. 2 CC, art. 41 CO, art. 42 al. 2 CO, art. 84 al. 1 CO, art. 55 al. 2 LPM, art. 9 al. 3 LCD ; cf. N 735

(TF, 6 février 2013, 4A_460/2012 ; arrêt du TF dans cette affaire).

Tant la LPM (art. 55 al. 2 LPM) que la LCD (art. 9 al. 3 LCD), ou encore les dispositions sur le droit au nom (art. 29 al. 2 CC), réservent l’art. 41 CO concernant la réparation des dommages subis du fait de leur violation (c. VII.d). L’acte illicite résulte en l’espèce du risque de confusion entre la raison de commerce de la défenderesse et la marque de la demanderesse (c. VII.b.a qui renvoie au c. V.c). En continuant d’exploiter une boutique à l’enseigne « Tara Jarmon », alors qu’aucun contrat n’était conclu avec les titulaires de la marque correspondante, et en créant une société dont la raison sociale « Tarjarmo » ressemble à cette marque, les défenderesses ont commis une faute (c. VII.b.b). L’utilisation abusive de l’enseigne « Tara Jarmon », ainsi que de la raison sociale « Tarjarmo » par les défenderesses est propre à faire naître un risque de confusion en lien de causalité naturelle et adéquate avec le dommage subi par les demanderesses (c. VII.b.c). Le dommage peut consister en une réduction d’actifs, un accroissement des passifs ou un gain manqué. Il correspond à la différence entre l’état du patrimoine après la survenance de l’événement dommageable, et l’état dans lequel ce patrimoine aurait été sans cet événement. Concernant la preuve du dommage conformément à l’art. 8 CC, il ne saurait être exigé du lésé davantage que d’alléguer et d’établir toutes les circonstances démontrant la survenance d’un dommage et permettant de l’évaluer dans les limites de ses possibilités et de ce que l’on peut raisonnablement attendre de lui. Si le lésé ne réussit pas à établir la preuve du montant du dommage, le juge doit déterminer équitablement, en considération du cours ordinaire des choses, l’étendue, mais également l’existence du dommage. La perturbation du marché et la dilution du caractère distinctif de la marque sont des éléments que le juge prend en compte dans son appréciation, respectivement sa détermination, du dommage. En l’espèce, l’utilisation de la marque « Tara Jarmon » par les défenderesses, alors qu’elles n’y étaient pas autorisées, a empêché les demanderesses d’accorder à des tiers l’autorisation d’ouvrir et d’exploiter une boutique « Tara Jarmon » à Genève et les a empêchées de poursuivre leur utilisation de cette marque en cette ville. Le manque à gagner ainsi subi par les demanderesses doit être calculé en fonction de la marge brute moyenne annuelle réalisée par les défenderesses lorsqu’elles étaient autorisées à utiliser la marque à Genève (soit pendant les années 2000 à 2003). Les frais d’une campagne publicitaire liée à l’ouverture d’une nouvelle boutique « Tara Jarmon » autorisée par les demanderesses, plus de trois ans après que l’usage abusif par les défenderesses ait cessé, ne peuvent pas être uniquement mis en relation avec cette utilisation abusive de la marque. Seul le remboursement d’une partie de ceux-ci (10 000 francs) peut ainsi être alloué aux demanderesses en application de l’art. 42 al. 2 CO (c. VII.b.d). En vertu de l’art. 84 al. 1 CO, le paiement d’une dette qui a pour objet une somme d’argent se fait en moyens de paiement ayant cours légal dans la monnaie due. Il convient ainsi de rejeter une conclusion présentée en francs suisses, alors que la prétention aurait dû être exprimée en monnaie étrangère. Dans le cas d’espèce, l’atteinte à la marque a eu lieu en Suisse et la perturbation du public est intervenue sur le marché genevois. Elle doit donc être réparée en francs suisses, alors que le dommage relatif au gain manqué a touché le patrimoine de la demanderesse domiciliée en France et doit être arrêté en Euros, comme le précisaient les conclusions de cette dernière (c. VII.c). [NT]

08 février 2013

TF, 8 février 2013, 4A_474/2012, 4A_478/2012 et 4A_584/2012 (f)

sic! 6/2013, p. 360-362, « Pneus-Online II » ; concurrence déloyale, rectification d’un jugement, délai de recours, action en remise du gain, remise du gain, vraisemblance, preuve, lien de causalité, concours de causes, comportement parasitaire, mauvaise foi, nom de domaine, pneus-online.com, risque de confusion, signe appartenant au domaine public ; art. 423 CO, art. 2 LCD, art. 3 al. 1 lit. d LCD, art. 9 al. 3 LCD, art. 334 al. 4 CPC ; cf. N 354 (vol. 2007-2011 ; TF, 19 juillet 2010, 4A_168/2010 ; sic! 11/2010, p. 797-801, « Pneus-Online » ; medialex 4/2010, p. 236 [rés.]).

La notification de la décision rectifiée au sens de l’art. 334 al. 4 CPC fait courir un nouveau délai de recours, mais uniquement pour les points concernés par la rectification, à l’exclusion des moyens que les parties auraient pu et dû invoquer à l’encontre du premier arrêt. Le recours déjà pendant et dirigé contre le premier jugement entaché d’erreur n’est pas systématiquement privé d’objet par le nouvel arrêt rectificatif. Lorsque la rectification concerne un point du jugement qui n’est pas visé par le recours, respectivement ne revêt aucune incidence sur le recours, celui-ci doit logiquement continuer à produire ses effets (c. 2). La remise du gain selon les dispositions sur la gestion d’affaires imparfaite ou intéressée vise à sanctionner l’ingérence inadmissible dans les affaires d’autrui du gérant dont la volonté est de traiter l’affaire d’autrui comme la sienne propre et de s’en approprier les profits (c. 4.1). Les méthodes de vente ou de publicité propres à faire naître une confusion au sens de l’art. 3 lit. d LCD correspondent à la notion d’usurpation de l’affaire d’autrui liée à l’art. 423 CO (c. 4.1). Le maître doit établir le lien de causalité entre l’usurpation de l’affaire d’autrui et les profits nets réalisés. La vraisemblance prépondérante suffit. Il est majoritairement admis que seule la part de gain imputable à la gestion d’affaires non autorisée est sujette à restitution. Ainsi, lorsque les profits ne sont pas uniquement imputables à l’ingérence illicite,mais à un concours de causes (kombinationseingriff), tels que le marketing adroit du gérant, un bon réseau de distribution, la qualité des services offerts, les prix avantageux pratiqués, etc., le juge déterminera selon sa libre appréciation leurs impacts sur le profit réalisé. En cas de doute quant à l’appréciation des différentes causes, il faut se prononcer contre le gérant (c. 4.2). Le fait de créer délibérément un risque de confusion pour exploiter de façon parasitaire la réputation d’autrui en utilisant sciemment des noms de domaine très similaires à celui de ce dernier constitue un comportement déloyal au sens de la LCD. Cependant, le droit à la remise de gain n’est admis que lorsque l’utilisation déloyale du nom de domaine constituait le motif de la conclusion du contrat générateur de profit. C’est une question de fait que de déterminer les motifs de conclure un contrat, à savoir si les clients ont été amenés à contracter en raison d’une confusion causée par des noms de domaine très semblables, ou si des éléments étaient propres à dissiper cette confusion (c. 5.2). L’action en remise de gain de l’art. 423 CO ne peut être dirigée que contre le gérant qui a agi de mauvaise foi. La preuve de la mauvaise foi incombe au maître (c. 8.1). Agit de mauvaise foi celui qui choisit et utilise sciemment une multitude de noms de domaine très semblables à celui préexistant d’un concurrent en « verrouillant » la quasi-totalité des noms de domaine imaginables en cette matière, en créant ainsi délibérément un risque de confusion pour exploiter de façon parasitaire la réputation déjà acquise par son concurrent. La bonne foi du gérant ne saurait découler automatiquement du seul fait que les noms de domaine enregistrés relèvent du domaine public (c. 8.3). [LG]

09 janvier 2019

TF, 9 janvier 2019, 4A_584/2017, 4A_590/2017 (f)

Qualité pour agir, qualité pour défendre, intérêt pour agir, décision partielle, devoir d’interpellation du Tribunal, bonne foi, précision des conclusions, interprétation d’un contrat, réelle et commune intention des parties, action en cessation, action en paiement, action en interdiction, action en constatation de droit, concurrence déloyale, exploitation indue du résultat d’un travail confié, stipulation pour autrui ; art. 91 lit. a LTF, art. 18 al. 1 CO, art. 112 CO, art. 5 lit. a LCD, art. 9 al. 1 lit. a LCD, art. 9 al. 1 lit. b LCD, art. 9 al. 1 lit. c LCD, art. 9 al. 2 LCD, art. 9 al. 3 LCD, art. 52 CPC, art. 56 CPC, art. 125 lit. a CPC, art. 227 al. 1 CPC, art. 230 CPC.

Les actions en cessation de trouble et les actions en paiement prévues tant par les différentes lois de propriété intellectuelle que par la LCD se prêtent à des jugements indépendants et pourraient être intentées dans des procès distincts. Le jugement limité en application de l’art. 125 lit. a CPC aux actions en cessation de trouble est donc une décision partielle visée par l’art. 91 lit. a LTF, susceptible d’un recours indépendant selon cette disposition (c. 2 et réf.cit.). Le résultat d’un travail est confié à une personne aux termes de l’art. 5 al. 1 lit. a LCD lorsque cette personne entre en possession de ce résultat par l’effet d’un rapport contractuel, précontractuel ou quasi contractuel. Le résultat d’un travail est notamment confié lorsque l’accomplissement du travail a été lui-même confié dans le cadre d’un contrat, en particulier à un travailleur par son employeur, à un mandataire par son mandant ou à un entrepreneur par le maître de l’ouvrage (c. 4 et réf.cit.). L’art. 5 LCD n’a pas pour objet de créer ni de protéger des droits de propriété intellectuelle, mais d’interdire des comportements contraires à une concurrence loyale. L’art. 9 al. 1 lit. c LCD prévoit une action en constatation de droits, mais celle-ci est subsidiaire par rapport aux actions en interdiction accordées par l’art. 9 al. 1 lit. a et b LCD, et elle ne porte de toute manière pas sur la constatation de droits de propriété intellectuelle. En règle générale, les actions en constatation de droits doivent répondre à un intérêt important et digne de protection du plaideur qui les exerce et elles sont subsidiaires par rapport aux actions en condamnation. Celui qui a déjà obtenu que l’exploitation de son savoir-faire soit interdite à un tiers, n’a pas d’intérêt à agir en constatation ni non plus à ce que le Juge constate formellement des recherches de quelles entités les procédés constituant ce savoir-faire sont le résultat aux termes de l’art. 5 LCD (c. 6). Le succès de toute action en justice suppose que les parties demanderesse et défenderesse aient respectivement qualité pour agir et pour défendre au regard du droit applicable. Le défaut de la qualité pour agir ou pour défendre entraîne le rejet de l’action. Les actions en cessation de trouble prévues par l’art. 9 al. 1 et 2 LCD sont destinées à la protection d’intérêts économiques individuels. La qualité pour agir est réservée au concurrent qui est directement lésé par un comportement déloyal et qui a un intérêt immédiat au maintien ou à l’amélioration de sa propre situation sur le marché (c. 8.1). Tel n’est le cas que si celui qui se prévaut d’une violation de l’art. 5 LCD et agit en cessation de trouble sur la base des art. 9 al. 1 et 2 LCD peut démontrer que les résultats exploités de manière indue devaient lui revenir. Pour le déterminer, il convient d’interpréter le contrat à l’origine des résultats concernés en recherchant la réelle et commune intention des parties conformément à l’art. 18 al. 1 CO. Dans ce cadre, le comportement que les cocontractants ont adopté dans l’exécution de leur accord peut dénoter, le cas échéant, de quelle manière ils l’ont eux-mêmes compris, et révéler ainsi leur réelle et commune intention (c. 8.3 et réf.cit.). Il peut résulter d’une stipulation pour autrui implicite au sens de l’art. 112 CO que le résultat de travaux de recherche doive profiter à un tiers autre que les seules parties au contrat à l’origine de ces résultats. En pareil cas, ce tiers a le droit de se défendre contre une exploitation indue de ces résultats par des entreprises concurrentes, et a qualité pour agir sur la base des art. 9 al. 1 et 2 LCD (c. 8.4). Quiconque exerce une action judiciaire portant sur une obligation de s’abstenir doit décrire avec précision, dans ses conclusions, le comportement à interdire. Si l’adverse partie succombe, elle doit apprendre ce qu’elle ne peut désormais plus faire, et les autorités d’exécution ou de poursuite pénale doivent elles aussi savoir quels actes elles doivent respectivement empêcher ou réprimer. S’il est allégué devant ces autorités que la partie condamnée ne respecte pas l’interdiction prononcée, il importe que lesdites autorités puissent agir sur la base du jugement, sans qu’une appréciation juridique du comportement dénoncé ne soit encore nécessaire. Ces exigences de précision relative aux conclusions de la partie demanderesse s’appliquent aussi, par suite, au dispositif du jugement (c. 10.1 et réf.cit.). Des conclusions insuffisamment précises sont en principe irrecevables. La partie qui les présente est cependant autorisée à les préciser sans égard aux conditions d’une modification de la demande posée par l’art. 227 al. 1 CPC ou au stade des débats principaux par l’art. 230 CPC. En vertu du devoir d’interpellation que l’art. 56 CPC assigne au Juge instructeur, celui-ci doit inviter la partie concernée à préciser, s’il y a lieu, ses conclusions défectueuses. Les règles de la bonne foi, à respecter aussi dans le procès civil en vertu de l’art. 52 CPC, s’imposent également au Juge. Elles commandent que la partie dont les conclusions sont défectueuses au sens de ce qui précède reçoive une nouvelle possibilité de les préciser (c. 10.5 et réf.cit.). [NT]