Mesures
provisionnelles, décision incidente, préjudice irréparable, droit
d’être entendu, arbitraire, arbitraire dans la constatation des
faits, droit d’auteur, programme d’ordinateur, concurrence
déloyale, droit des obligations, contrat, recours rejeté ; art. 9
Cst., art. 29 Cst., art. 93 al. 1 lit. a LTF, art. 1 CO, art. 2 LDA,
art. 5 LCD.
La
demanderesse, alléguant l’utilisation et la transmission non
autorisées de logiciels nouvellement développés, a demandé sans
succès l’octroi de mesures provisionnelles. Un recours contre une
décision rendue en matière de mesures provisionnelles, lorsqu’elle
constitue une décision incidente, n’est recevable que si lesdites
mesures peuvent causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 lit.
a LTF). La réalisation de cette condition suppose que la partie
recourante soit exposée à un préjudice de nature juridique, qu’une
décision favorable ultérieure ne permettrait pas de faire
disparaître. Les inconvénients de pur fait, tels que
l’accroissement des frais de procédure ou la prolongation de
celle-ci, ne sont pas considérés comme un préjudice irréparable
de ce point de vue (c. 1.2). En l’espèce, c’est à juste titre
que la plaignante affirme être exposée à un préjudice qui dépasse
l’inconvénient de pur fait. Par sa demande de mesures
provisionnelles, elle cherche notamment à prévenir la divulgation
de secrets à des tiers, qui ne pourrait être empêchée par un
jugement au principal qui lui serait favorable. Par ailleurs, en ce
qui concerne les autres actes couverts par l’interdiction requise,
le préjudice dont elle est concrètement menacée ne peut pas non
plus être éliminé par une éventuelle décision future qui lui
serait favorable, d’autant plus que les fonctions de programme du
logiciel litigieux prétendument utilisées par le défendeur
constituent les éléments d’un nouveau produit, pour lequel le
chiffre d’affaire et le bénéfice sont inconnus. Il faut en outre
partir du principe, avec la plaignante, que les motifs pour lesquels
la clientèle pourrait être amenée à choisir des produits de la
concurrence, élaborés en utilisant des composants logiciels
protégés, sont peu susceptibles d'être démontrables. Dans ces
circonstances, contrairement à l'opinion de la partie défenderesse,
il ne faut pas s'attendre à ce que le préjudice dont la plaignante
est menacée puisse être réparé par le versement de dommages et
intérêts, par une réparation du tort moral ou par la remise du
gain (c. 1.3). Relativement aux mesures provisionnelles qu’elle a
requis en se fondant sur le droit d’auteur, sur le droit de la
concurrence déloyale et sur le droit des contrats, la demanderesse
invoque une violation par l’autorité inférieure de son droit
d’être entendue (art. 29 al. 2 Cst.) et de l’interdiction de
l’arbitraire (art. 9 Cst.). Aucune violation du droit d’être
entendu ne peut être reprochée à l’instance inférieure (c. 4).
Quant à l’arbitraire, il ne résulte pas du seul fait qu’une
autre solution pourrait entrer en considération, ou même qu’elle
serait préférable, mais seulement du fait que la décision attaquée
apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation
effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d’un
droit certain. Il ne suffit en outre pas que les motifs de la
décision soient insoutenables, mais il faut encore que celle-ci soit
arbitraire dans son résultat (c. 5.1). Selon la demanderesse,
l’autorité inférieure a violé de manière « flagrante et
arbitraire » plusieurs dispositions de droit fédéral en
considérant que, dans la demande de mesures provisionnelles, aucune
violation du droit d’auteur n’a été rendue vraisemblable, au
motif qu’elle n’a pas démontré les fonctions du programme qui
auraient été copiées et la contribution personnelle créative de
son employé. La demanderesse ne parvient pas à démontrer
l’existence d’une violation de l’art. 9 Cst. : outre le
fait qu'elle se fonde de manière irrecevable sur des éléments
factuels relatifs au contexte technique de son logiciel et à
l'effort de développement qui a été consenti, qui ne peuvent être
déduits de la décision attaquée, elle se contente de présenter
son avis juridique sur la protection des programmes d'ordinateur et
des parties de programmes ainsi que son avis selon lequel son
logiciel est protégé par le droit d'auteur. Elle ne peut démontrer
que les considérations de la décision attaquée, selon lesquelles
elle n’a ni expliqué le contenu des fonctions prétendument
copiées, ni fait de déclarations quant à la contribution créative
de son employé, sont arbitraires. Elle affirme avoir montré le
contenu des fonctions du programme copiées, mais, dans sa demande de
mesures provisionnelles, elle ne révèle pas le code du programme,
mais se contente d’une brève description de son objectif, avec des
mots-clés individuels. Du point de vue de l'arbitraire, l'objection
de la juridiction inférieure selon laquelle la demande de mesures
provisionnelles n'était pas suffisamment motivée ne peut pas être
contestée. La demanderesse ne parvient pas non plus à démontrer
une application anticonstitutionnelle de l’art. 2 LDA en soulignant
que l’instance inférieure a elle-même, dans une décision en
matière de mesures super-provisionnelles, initialement assumé la
protection par le droit d’auteur des composants logiciels en
question, l’instance inférieure n’étant bien entendue pas liée
par cette décision (c. 5.2). Concernant ses prétentions reposant
sur le droit de la concurrence déloyale, la demanderesse ne parvient
pas non plus à démontrer une violation de l’interdiction de
l’arbitraire. En alléguant une prétendue violation de l’art. 5
LCD, elle s’appuie sur des éléments de fait qui ne peuvent être
déduits de la décision attaquée. Elle n’est pas non plus en
mesure de démontrer que l’appréciation de l’instance
précédente, selon laquelle les faits à l’origine de la demande
n’ont pas été exposés de manière suffisamment étayée, est
arbitraire (c. 5.3). La plaignante ne parvient pas non plus à
démontrer une violation de l’interdiction d’arbitraire en ce qui
concerne ses prétentions contractuelles (c. 5.4). Le recours est
rejeté (c. 6). [SR]