Disposition

     CPC (RS 272)

          Art. 91

20 mai 2014

TF, 20 mai 2014, 4A_41/2014 (f)

ATF 140 III 251 ; sic! 9/2014, p. 532-538, « Croix rouge II » ; JdT 2015 II 203 ; marque combinée, motifs absolus d’exclusion, signe contraire au droit en vigueur, services médicaux, service de permanence médico-chirurgicale, permanence médico-chirurgicale SA, Croix-Rouge, noms et emblèmes internationaux, revendication de couleur, action en constatation de la nullité d’une marque, intérêt pour agir, risque de confusion direct, risque de confusion indirect, valeur litigieuse, force distinctive forte ; art. 28 CC, art. 29 CC, art. 2 lit. d LPM, art. 52 LPM, art. 7 al. 2 LPENCR, art. 91 CPC.

L’article 7 al. 2 de la loi fédérale du 25 mars 1954 concernant la protection de l’emblème et du nom de la Croix-Rouge (LPENCR) stipule que les marques et les designs « contraires à la présente loi » sont exclus du dépôt. Le projet « Swissness » adopté par le Parlement le 21 juin 2013 prévoit de remplacer cette disposition par le texte suivant qui ne conduira à aucun changement d’ordre matériel : « Les signes dont l’emploi est interdit en vertu de la présente loi et les signes susceptibles d’être confondus avec eux, ne peuvent être enregistrés comme marques, designs, raisons de commerce, noms d’association ou de fondation, ni comme éléments de ceux-ci » (c. 3.1). L’action en constatation de droit de l’art. 52 LPM peut être intentée par toute personne qui établit qu’elle a un intérêt juridique à une telle constatation. Un tel intérêt existe lorsqu’une incertitude plane sur les relations juridiques des parties, qu’une constatation judiciaire touchant l’existence et l’objet du rapport de droit pourrait l’éliminer et que la persistance de celle-ci entrave le demandeur dans sa liberté de décision au point d’en devenir insupportable pour lui (c. 5.1). La Croix-Rouge suisse, en tant qu’association au sens de l’art. 60 CC, dispose d’un intérêt digne de protection évident à intenter une action en nullité de la marque de la recourante, même si la LPENCR ne lui permet pas de disposer librement de son emblème (c. 5.2). Il est de jurisprudence constante que toute utilisation non autorisée de l’emblème de la Croix Rouge ou de tout autre signe pouvant prêter à confusion est exclue, quels que soient les circonstances et le but de l’utilisation. La LPENCR interdit ainsi en particulier l’utilisation de l’emblème de la Croix Rouge comme élément d’une marque, sans égard à sa signification en lien avec les autres éléments de la marque pour les produits et/ou services auxquels la marque est destinée. Peu importe en particulier que l’utilisation concrète de la marque conduise ou non à un risque de confusion, par exemple que les produits et/ou services marqués puissent être pris pour des produits et/ou services protégés par les conventions de Genève ou qu’ils puissent être mis en relation avec le Mouvement de la Croix Rouge. Il s’agit uniquement d’examiner si l’emblème protégé – de manière absolue – par la LPENCR (ou tout autre signe susceptible d’être confondu avec lui) est perçu comme un élément du signe déposé. L’élément en question doit ainsi être considéré pour lui-même, sans égard aux autres éléments - par exemple figuratifs ou verbaux – du signe déposé, de sorte que l’impression d’ensemble qui se dégage de ce signe n’entre pas en ligne de compte. Le but dans lequel le signe déposé est utilisé est sans importance, tout comme les produits et/ou services pour lesquels la protection est revendiquée. Il n’importe également que le signe soit utilisé comme « signe de protection » ou comme « signe indicatif » (c. 5.3.1). L’inscription de la marque au registre des marques tenu par l’IPI n’exclut pas l’existence d’un risque de confusion entre cette marque et l’emblème de la Croix Rouge. La décision de l’IPI ne lie en effet pas le Juge civil (c. 5.3.2). En l’espèce, le léger écart entre la branche droite de l’élément figuratif litigieux et le reste de cet élément (parties gauche et centrale) est la seule différence existant entre ce signe et la Croix-Rouge. En raison de la proximité de l’élément en forme de carré rouge (branche droite) avec l’autre élément, ce léger écart ne suffit pas à reléguer au second plan l’image d’une croix rouge sur fond blanc. Le signe, bien que stylisé, apparaît toujours comme une croix rouge. En outre, si l’emblème de la Croix Rouge est protégé indépendamment du contexte dans lequel il est utilisé, le fait qu’en l’espèce la marque enregistrée soit destinée à des soins médicaux et services de permanence médico-chirurgicale, ne fait que renforcer le risque que son élément litigieux soit perçu comme l’emblème de la Croix Rouge. L’existence d’un risque de confusion doit être retenue et le moyen tiré de la violation de l’art. 2 lit. d LPM admis (c. 5.3.3). Si la question de savoir si un signe distinctif figuratif (et non verbal) est protégé par l’art. 28 CC ou l’art. 29 CC est controversée, il n’est par contre pas contesté que la protection conférée par les art. 28 et 29 CC couvre aussi les armoiries et les emblèmes ou tout autre signe visant à désigner une personne. Ces dispositions protègent aussi bien les personnes physiques que les personnes morales (c. 6.2). La Croix Rouge suisse a un intérêt juridique manifeste à pouvoir intenter une action visant à écarter tout risque de confusion ou d’association entre le signe qui permet de l’individualiser (et sur lequel elle a de par la loi un droit exclusif ) et le signe utilisé par un tiers et à éviter la perte de force distinctive de son emblème, afin de préserver le prestige qui s’y attache. La Croix Rouge suisse est ainsi, en tant qu’association, légitimée à invoquer la protection découlant des art. 28 et 29 CC (c. 6.3). L’usage du nom d’autrui (ou de son signe d’identification) est illicite lorsque l’appropriation du nom (ou du signe) entraîne un danger de confusion ou de tromperie ou que cette appropriation est de nature à susciter dans l’esprit du public, par une association d’idées, un rapprochement qui n’existe pas en réalité entre le titulaire du nom (ou du signe) et le tiers qui l’usurpe sans droit. On se trouve également en présence d’une usurpation inadmissible de nom(ou de signe) quand celui qui l’usurpe crée l’apparence que le nom (ou le signe) repris a quelque chose à voir avec son propre nom (ou signe) ou sa propre entreprise ou encore que des relations étroites, sur un plan personnel, idéologique, intellectuel ou commercial, sont nouées entre les parties alors qu’il n’en est rien. Il n’est pas nécessaire que des confusions se soient effectivement produites (sous l’angle de l’art. 29 al. 2 CC) (c. 6.4). La manière dont la marque de la recourante est utilisée donne à penser que la Croix Rouge soutient ses activités et suscite un risque de confusion indirect dans l’esprit du public (c. 6.5). L’élément figuratif litigieux (la croix rouge) est au cœur du litige et c’est l’utilisation de cet élément, intégré dans la marque de la recourante, que la Croix Rouge entend faire cesser. Il est indéniable que la croix rouge, au vu de sa renommée, ne peut être comparée à une simple marque secondaire et on ne peut reprocher à la Cour cantonale d’avoir retenu la valeur litigieuse fixée par la demanderesse (CHF 300 000.-), soit la valeur conférée en principe à une marque d’entreprise bien établie (c. 7). [NT]

Croix-Rouge (fig.)
Croix-Rouge (fig.)

28 octobre 2013

TFB, 28 octobre 2013, O2013_004 (d)

Frais et dépens, valeur litigieuse, bonne foi, indemnité du représentant, anonymisation de l’arrêt, action en cession du droit au brevet, acquiescement ; art. 25 LTFB, art. 32 LTFB, art. 33 LTFB, art. 3 lit. a FP-TFB, art. 3 lit. b FP-TFB, art. 5 FP-TFB, art. 8 FP-TFB, art. 9 al. 2 FPTFB, art. 3 al. 3 RInfo-TFB, art. 52 CPC, art. 85 CPC, art. 91 al. 1 CPC, art. 91 al. 2 CPC.

Lorsqu'il ressort des moyens de preuve, notamment d'une procédure arbitrale parallèle, que la valeur litigieuse minimale provisoire de l'action est manifestement erronée et que les parties ne s'entendent pas sur un nouveau montant, le tribunal fixe une nouvelle valeur litigieuse (c. 3.1). En l'espèce, à l'ouverture de la procédure, il n'était pas impossible ou inexigible d'emblée de chiffrer la valeur litigieuse exacte de l'action en cession du brevet. C'est en violation des règles de la bonne foi que la recourante a, pour des raisons de tactique procédurale, sous-évalué la valeur litigieuse dans son introduction d'instance. Il n'est pas acceptable, sous l'angle des règles de la protection de la bonne foi, qu'une fois connue l'issue favorable de la procédure pour la recourante, celle-ci fournisse une nouvelle valeur litigieuse beaucoup plus élevée dans le but d'obtenir des indemnités de procédure plus importantes. Par conséquent, il convient de s'en tenir à la valeur litigieuse énoncée à l'ouverture de la procédure, même si celle-ci est manifestement erronée (c. 4.4). Les parties ont un intérêt important au maintien de la confidentialité. Le présent arrêt ne concerne que des questions des frais de procédure et d'indemnité des parties. Dès lors, l'arrêt peut être anonymisé, conformément à la demande de la défenderesse (c. 5). [AC]

29 mai 2017

TF, 29 mai 2017, 4A_727/2016 (d)

Valeur litigieuse, action en constatation de la nullité d’une marque, action en interdiction, cumul d’actions, frais et dépens ; art. 105 al. 2 LTF, art. 42 al. 2 CO, art. 91 al. 1 CPC, art. 91 al. 2 CPC, art. 93 al. 1 CPC, art. 96 CPC.

La réplique ne peut être utilisée que pour donner des explications motivées par une prise de position d’une des parties à la procédure (c. 1.4). Selon l’art. 91 al. 1 CPC, ce sont les conclusions qui déterminent la valeur du litige. Lorsque l’action ne porte pas sur le paiement d’une somme d’argent déterminée, le tribunal arrête la valeur litigieuse si les parties n’arrivent pas à s’entendre sur ce point ou si la valeur qu’elles avancent est manifestement erronée (art. 91 al. 2 CPC). L’estimation à laquelle le tribunal procède sur la base de critères objectifs dans le cadre de la détermination des frais de procédure (qui comprennent les frais judiciaires et les dépens selon l’art. 95 al. 1 CPC et pour lesquels des tarifs sont fixés par les cantons selon l’art. 96 CPC), est comparable, du point de vue du pouvoir de cognition qu’en a le TF, avec la détermination équitable du dommage selon l’art. 42 al. 2 CO. Elle se base sur une appréciation des circonstances et relève de l’établissement des faits. Ce n’est que s’il est manifestement inexact et par conséquent arbitraire au sens de l’art. 105 al. 2 LTF que le jugement qui statue sur le montant des frais de procédure peut être porté, sur ce point, devant le TF (c. 2.2). Tel n’est pas le cas d’un jugement de l’instance cantonale unique qui, compte tenu de la difficulté à établir la valeur litigieuse, la détermine en procédant à une estimation globale du litige en matière de propriété intellectuelle qui tienne compte tant des actions en violation (et en interdiction) qu’en constatation de la nullité (action d’état) de la marque suisse concernée. En procédant de la sorte, l’instance précédente n’a pas méconnu que plusieurs actions différentes étaient intentées et que les prétentions élevées dans le cadre de celles-ci devaient être additionnées dans la mesure où elles ne s’excluaient pas l’une l’autre au sens de l’art. 93 al. 1 CPC (c. 2.3.1). Comme dans les causes portant sur l’existence ou la violation de droits de propriété intellectuelle, la valeur litigieuse n’est pas facile à déterminer, l’autorité précédente n’a pas fait preuve d’arbitraire en se basant sur une valeur de référence retenue par la pratique de CHF. 50'000.- à CHF. 100'000.- pour une marque plutôt insignifiante ; sur une valeur de CHF. 500'000.- à CHF. 1'000'000.- pour autant que des montants importants le justifient (en termes de chiffres d’affaire, de publicité, etc.) et en arrêtant cette valeur à plus de CHF. 1'000'000.- en présence de marques très connues, si ce n’est célèbres uniquement (c. 2.3.2). [NT]

CO (RS 220)

- Art. 42

-- al. 2

CPC (RS 272)

- Art. 96

- Art. 93

-- al. 1 lit. a

- Art. 91

-- al. 2

-- al. 1

LTF (RS 173.110)

- Art. 105

-- al. 2

28 octobre 2013

TFB, 28 octobre 2013, O2013_004 (d)

Frais et dépens, valeur litigieuse, bonne foi, indemnité du représentant, anonymisation de l’arrêt, action en cession du droit au brevet, acquiescement ; art. 25 LTFB, art. 32 LTFB, art. 33 LTFB, art. 3 lit. a FP-TFB, art. 3 lit. b FP-TFB, art. 5 FP-TFB, art. 8 FP-TFB, art. 9 al. 2 FPTFB, art. 3 al. 3 RInfo-TFB, art. 52 CPC, art. 85 CPC, art. 91 al. 1 CPC, art. 91 al. 2 CPC.

Lorsqu'il ressort des moyens de preuve, notamment d'une procédure arbitrale parallèle, que la valeur litigieuse minimale provisoire de l'action est manifestement erronée et que les parties ne s'entendent pas sur un nouveau montant, le tribunal fixe une nouvelle valeur litigieuse (c. 3.1). En l'espèce, à l'ouverture de la procédure, il n'était pas impossible ou inexigible d'emblée de chiffrer la valeur litigieuse exacte de l'action en cession du brevet. C'est en violation des règles de la bonne foi que la recourante a, pour des raisons de tactique procédurale, sous-évalué la valeur litigieuse dans son introduction d'instance. Il n'est pas acceptable, sous l'angle des règles de la protection de la bonne foi, qu'une fois connue l'issue favorable de la procédure pour la recourante, celle-ci fournisse une nouvelle valeur litigieuse beaucoup plus élevée dans le but d'obtenir des indemnités de procédure plus importantes. Par conséquent, il convient de s'en tenir à la valeur litigieuse énoncée à l'ouverture de la procédure, même si celle-ci est manifestement erronée (c. 4.4). Les parties ont un intérêt important au maintien de la confidentialité. Le présent arrêt ne concerne que des questions des frais de procédure et d'indemnité des parties. Dès lors, l'arrêt peut être anonymisé, conformément à la demande de la défenderesse (c. 5). [AC]

10 avril 2014

TFB, 10 avril 2014, O2013_013 (d)

Frais et dépens, Tribunal fédéral des brevets, action en constatation de la nullité du brevet, valeur litigieuse, avance de frais, sûretés, sûretés en garantie des dépens, conseils en brevets ; art. 1 Traité CH-US (1850), art. 3a FP-TFB, art. 5 FP-TFB, art. 9 al. 2 FP-TFB, art. 9 al. 2 LBI, art. 91 al. 2 CPC, art. 99 al. 1 lit. a CPC, art. 99 al. 1 lit. c CPC, art. 124 al. 1 CPC.

La demanderesse, ayant son siège social aux États-Unis, prétend que la partie suisse du brevet européen dont est titulaire la défenderesse (une société suisse) est nulle. La demanderesse demande des dommages et intérêts, dont une indemnité pour les conseils en brevets impliqués dans ce litige (c. 1). La demanderesse fixe la valeur litigieuse à hauteur de CHF 40 000.- compte tenu du faible volume du marché et des avantages dont pourrait bénéficier le détenteur du brevet pendant le temps de la protection qui reste à couvrir. Par ordonnance, le TFB demande à la demanderesse de fournir une avance à concurrence de la totalité des frais judiciaires présumés (c. 2). La défenderesse estime que la valeur litigieuse indiquée par la demanderesse est trop faible compte tenu de la durée résiduelle (environ 12 ans) du brevet (c. 4). Selon l’art. 99 al. 1 lit. a, la demanderesse qui a son siège social ou sa résidence à l’étranger doit, sur requête de la défenderesse, fournir des sûretés en garantie des dépens. L’art. 1 du Traité CH-US (1850) garantit le libre accès devant les tribunaux suisses, mais ne prévoit aucune dérogation quant à la clause des sûretés. Selon le TFB, la demanderesse doit donc fournir des sûretés en garantie du paiement des dépens et ce peu importe les arguments qu’elle avance justifiant la nullité du brevet (c. 6). Le montant des sûretés résulte des dépens, qui sont eux-mêmes fixés en fonction de la valeur litigieuse et de la durée de la procédure. Étant donné que les parties n’arrivent pas à s’entendre sur ce montant, le TFB est compétent pour le fixer en vertu de l’art. 91 al. 2 CPC. La valeur litigieuse est fixée à hauteur de CHF 250 000.- au vu de la durée résiduelle du brevet et le coût de l’action introduite par la demanderesse (c. 7). Selon l’art. 5 FP-TFB et eu égard au montant litigieux ainsi qu’à la complexité du dossier, les indemnités pour les représentants sont fixées à hauteur de CHF 35 000.- (c. 8). La demanderesse est soumise à un délai pour fournir à la défenderesse les sûretés en garantie des dépens (CHF 60 000.-), faute de quoi sa demande ne pourra être introduite (c. 9). [CB]

29 mai 2017

TF, 29 mai 2017, 4A_727/2016 (d)

Valeur litigieuse, action en constatation de la nullité d’une marque, action en interdiction, cumul d’actions, frais et dépens ; art. 105 al. 2 LTF, art. 42 al. 2 CO, art. 91 al. 1 CPC, art. 91 al. 2 CPC, art. 93 al. 1 CPC, art. 96 CPC.

La réplique ne peut être utilisée que pour donner des explications motivées par une prise de position d’une des parties à la procédure (c. 1.4). Selon l’art. 91 al. 1 CPC, ce sont les conclusions qui déterminent la valeur du litige. Lorsque l’action ne porte pas sur le paiement d’une somme d’argent déterminée, le tribunal arrête la valeur litigieuse si les parties n’arrivent pas à s’entendre sur ce point ou si la valeur qu’elles avancent est manifestement erronée (art. 91 al. 2 CPC). L’estimation à laquelle le tribunal procède sur la base de critères objectifs dans le cadre de la détermination des frais de procédure (qui comprennent les frais judiciaires et les dépens selon l’art. 95 al. 1 CPC et pour lesquels des tarifs sont fixés par les cantons selon l’art. 96 CPC), est comparable, du point de vue du pouvoir de cognition qu’en a le TF, avec la détermination équitable du dommage selon l’art. 42 al. 2 CO. Elle se base sur une appréciation des circonstances et relève de l’établissement des faits. Ce n’est que s’il est manifestement inexact et par conséquent arbitraire au sens de l’art. 105 al. 2 LTF que le jugement qui statue sur le montant des frais de procédure peut être porté, sur ce point, devant le TF (c. 2.2). Tel n’est pas le cas d’un jugement de l’instance cantonale unique qui, compte tenu de la difficulté à établir la valeur litigieuse, la détermine en procédant à une estimation globale du litige en matière de propriété intellectuelle qui tienne compte tant des actions en violation (et en interdiction) qu’en constatation de la nullité (action d’état) de la marque suisse concernée. En procédant de la sorte, l’instance précédente n’a pas méconnu que plusieurs actions différentes étaient intentées et que les prétentions élevées dans le cadre de celles-ci devaient être additionnées dans la mesure où elles ne s’excluaient pas l’une l’autre au sens de l’art. 93 al. 1 CPC (c. 2.3.1). Comme dans les causes portant sur l’existence ou la violation de droits de propriété intellectuelle, la valeur litigieuse n’est pas facile à déterminer, l’autorité précédente n’a pas fait preuve d’arbitraire en se basant sur une valeur de référence retenue par la pratique de CHF. 50'000.- à CHF. 100'000.- pour une marque plutôt insignifiante ; sur une valeur de CHF. 500'000.- à CHF. 1'000'000.- pour autant que des montants importants le justifient (en termes de chiffres d’affaire, de publicité, etc.) et en arrêtant cette valeur à plus de CHF. 1'000'000.- en présence de marques très connues, si ce n’est célèbres uniquement (c. 2.3.2). [NT]

CO (RS 220)

- Art. 42

-- al. 2

CPC (RS 272)

- Art. 96

- Art. 93

-- al. 1 lit. a

- Art. 91

-- al. 2

-- al. 1

LTF (RS 173.110)

- Art. 105

-- al. 2

13 mai 2020

TF, 13 mai 2020, 4A_420/2019

Brevet, nullité partielle d’un brevet, procédé de moulage par injection, céramique, recours en matière civile, rectification des revendications d’un brevet, renonciation partielle à un brevet, allégués tardifs, fait nouveau, moyens de preuves nouveaux, acquiescement partiel, décision incidente, simplification de la procédure, frais et dépens, valeur litigieuse ; art. 74 al. 2 lit. e LTF, art. 75 al. 1 LTF, art. 31 al. 1 LTFB, art. 31 al. 2 LTFB, art. 31 al. 3 LTFB, art. 33 LTFB, art. 4 FP-TFB, art. 5 FP-TFB, art. 24 LBI, art. 25 LBI, art. 26 LBI, art. 91 al. 2 CPC, art. 125 CPC, art. 225 CPC, art. 229 CPC, art. 237 CPC.

Le recours en matière civile est en principe recevable contre les jugements du Tribunal fédéral des brevets, sans égard à la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 lit. e LTF et art. 75 al. 1 LTF) (c. 1). Toutefois, dans les cas d’erreurs d’écriture ou de calcul que vise l’art. 334 CPC, la voie du recours en matière civile n’est disponible qu’après l’échec d’une demande de rectification. En l’espèce cependant, l’objet du recours en matière civile (annulation du jugement du TFB et nullité complète du brevet concerné) ne recoupait pas une hypothétique demande en rectification (reproduction dans le dispositif du jugement du TFB de l’ensemble des nouvelles revendications du brevet limité par la défenderesse et intimée), de sorte que le recours en matière civile est recevable (c. 2). La renonciation partielle à un brevet est prévue par les art. 24 et 25 LBI. Elle permet au titulaire de conserver certains éléments du brevet menacé de nullité, lorsque les revendications se révèlent formulées de manière trop large, en méconnaissance de l’état de la technique. Elle suppose une modification des revendications dans le cadre des modalités prévues par l’art. 24 LBI. Elle s’accomplit en principe par une requête adressée à l’IPI, mais peut intervenir aussi devant le tribunal saisi d’une action en nullité. Ce tribunal doit alors vérifier si les revendications nouvellement énoncées réduisent valablement la portée du brevet litigieux. Parce que cette vérification nécessite de constater et d’apprécier aussi des faits, la renonciation partielle au brevet litigieux est assimilée à l’introduction de faits ou de moyens de preuves nouveaux dans le procès civil. La renonciation partielle doit donc intervenir avant la clôture de la phase de l’allégation ; elle ne peut intervenir plus tard qu’aux conditions de l’art. 229 al. 1 lit. a ou lit. b CPC. En l’espèce, la phase de l’allégation s’est terminée avec la réplique pour la demanderesse et avec la duplique pour la défenderesse (2ème échange d’écritures selon les art. 225 et 229 al. 2 CPC). La renonciation partielle déclarée au stade de la duplique était inconditionnellement recevable. Si la demanderesse voulait contester la validité de cette renonciation, notamment au regard de l’art. 24 LBI, ou contester la validité de la partie restante du brevet consistant dans les revendications nouvellement énoncées par la défenderesse, sur la base de faits non encore allégués mais dont l’allégation se justifiait objectivement aux fins de ces constatations, ladite allégation lui était encore permise par l’art. 229 al. 1 lit. a ou lit. b CPC. La renonciation partielle au brevet litigieux équivaut à un acquiescement partiel à la demande en justice. C’est pourquoi le TFB, alors même qu’il rejetait l’action en nullité et aussi l’action en cession du brevet, a réparti les frais judiciaires entre les parties et compensé les dépens (c. 3). Les moyens développés à l’appui du recours en matière civile ne sont pas mentionnés dans le jugement attaqué et encore moins discutés dans ce jugement. Les précédents juges n’y discutent que les moyens soulevés à l’encontre du brevet dans son état antérieur à la renonciation partielle. Celle-ci a de toute évidence introduit une modification très importante de l’objet du litige. Ni le Code de procédure civile, ni la LTFB ne prévoient explicitement une procédure appropriée à cette situation. D’ordinaire, toutefois, une renonciation partielle est apte à permettre une simplification mdu procès. A première vue, il eût été opportun de rendre une décision incidente selon l’art. 237 CPC sur les conclusions en renonciation partielle articulées par la défenderesse, puis d’inviter la demanderesse à recentrer son argumentation. Une pareille solution pouvait s’inscrire dans le cadre de l’art. 125 CPC car cette disposition n’énumère pas limitativement les mesures de simplification du procès. Selon la jurisprudence relative à l’art. 75 al. 1 LTF, les moyens soumis au TF doivent avoir été autant que possible déjà soulevés devant l’autorité précédente ; à défaut, ils sont irrecevables. Cette exigence n’est en l’occurrence pas satisfaite. L’argumentation développée dans le cadre du recours est nouvelle et elle ne s’impose pas en raison des motifs du jugement attaqué. La demanderesse ne paraît pas avoir été empêchée de la soulever déjà devant le TFB, notamment au stade des débats principaux. Elle a simplement omis de le faire. Le recours en matière civile se révèle par conséquence irrecevable dans la mesure où il tend à la nullité du brevet litigieux (c. 4). La valeur litigieuse est un des critères de fixation de l’émolument judiciaire à percevoir par le TFB selon l’art. 31 al. 1 à 3 LTFB. Cette valeur est aussi l’un des critères de fixation des dépens qu’une partie doit à une autre partie, le cas échéant, selon les art. 4 et 5 du tarif prévu par l’art. 33 LTFB. La valeur litigieuse doit être elle-même estimée conformément à l’art. 91 al. 2 CPC lorsque, comme en l’espèce, l’action intentée devant le Tribunal ne porte pas sur le paiement d’une somme d’argent déterminée. L’issue du litige ne saurait influencer l’estimation litigieuse et il importe donc peu qu’en définitive le brevet soit éventuellement jugé nul. Pour le surplus, la valeur économique du droit d’exclusivité qui est l’enjeu du brevet et de la contestation est sans aucun doute un critère d’estimation pertinent. Le TFB exerce un pouvoir d’appréciation. En dépit des protestations de la demanderesse, il n’appert pas que l’estimation présentement attaquée procède d’un abus ou d’un excès de ce pouvoir. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
[NT]