03 mai 2012

TFB, 3 mai 2012, O2012_022 (d)

sic! 10/2012, p. 649-653, « Ausländische Gerichtsgutachten » ; Tribunal fédéral des brevets, expertise ordonnée par des autorités judiciaires étrangères, expertise privée, preuve, obligation d’alléguer, Directives procédurales du TFB ; art. 27 LTFB, art. 10 al. 2 et 3 Directives procédurales du TFB du 28 novembre 2011, art. 183 CPC, art. 229 CPC, art. 404 al. 1 CPC, § 171 ss ZPO ZH.

Selon l'art. 27 LTFB, la procédure devant le TFB se déroule selon le CPC dans la mesure où la LBI ou la LTFB ne prévoit pas autre chose. L'art. 10 al. 2 des Directives procédurales du TFB du 28 novembre 2011, prévoit à titre transitoire que les procédures déjà initiées avant l'entrée en vigueur de la LTFB se poursuivent selon le CPC (c. 9). L'art. 27 LTFB n'est pas une disposition de droit transitoire. L'art. 404 al. 1 CPC, auquel renvoie l'art. 27 LTFB, ne s'applique pas aux procédures transférées au TFB mais déjà introduites avant l'entrée en vigueur du CPC, en particulier parce que même si le TFB est saisi directement, il n'est pas une autorité de même instance que les autorités de première instance cantonales; et aussi parce que le TFB pourrait sinon devoir être amené à appliquer 26 procédures cantonales différentes avec le risque de décisions contradictoires que cela pourrait comporter (c. 9.1-9.4). Les dispositions procédurales de la LTFB, ainsi que la création du Tribunal fédéral des brevets lui-même, ont pour but, comme l'introduction du CPC, de régler de manière uniforme la procédure dans les causes civiles pour l'ensemble de la Suisse et de supprimer ainsi le morcellement horizontal du droit (horizontale Rechtszersplitterungfine). C'est un élément déterminant pour admettre que même pendant une période transitoire, le TFB n'a pas à appliquer 26 droits cantonaux de procédure, mais seulement le CPC (c. 9.5). Les dispositions de procédure de la LTFB sont dès le départ, et le cas échéant en dérogation au droit cantonal de procédure, applicables à toutes les procédures devant le TFB. C'est aussi un élément qui permet de retenir que pour toutes les procédures pendantes devant le TFB, le CPC doit être appliqué à côté des dispositions procédurales immédiatement applicables de la LTFB pour assurer l'unité de la procédure et l'égalité de traitement des parties dans les différents procès en cours (c. 9.6). L'application immédiate de ces nouvelles dispositions procédurales ne doit toutefois pas avoir pour effet de péjorer la position d'une partie dans la procédure menée jusque-là. C'est pourquoi l'art. 10 al. 3 des Directives procédurales du TFB prévoit que la possibilité doit être offerte aux parties de faire valoir ce qu'elles n'avaient, en application de leur droit cantonal de procédure, pas encore pu ou dû invoquer jusque-là (c. 9.7). Une expertise privée n'est pas un moyen de preuve au sens du CPC et est assimilée à une déclaration de la partie qui la produit. Elle doit être traitée comme n'importe quelle allégation de faits et donc être invoquée au plus tard lors du dernier tour de parole de la partie qui s'en prévaut à l'audience principale selon l'art. 229 CPC. Les expertises judiciaires produites par la défenderesse ne sont pas des expertises privées puisque ce n'est pas elle mais une autorité judiciaire qui a mandaté les experts (c. 10.1). Elles ne sont toutefois pas non plus des expertises judiciaires au sens des art. 183 ss CPC ou des § 171 ss ZPO ZH puisqu'elles n'ont été ordonnées ni par le TFB, ni par le Tribunal de commerce de Zurich (c. 10.2). La partie qui entend invoquer une expertise privée ou une expertise obtenue dans une autre procédure doit, comme pour les allégations de faits, indiquer d'une manière concrète et précise les prétentions qu'elle entend en tirer, faute de quoi le juge n'a pas à en tenir compte (c. 10.4). [NT]

CPC (RS 272)

- Art. 404

-- al. 1

- Art. 229

- Art. 183

Directives procédurales du TFB du 28.11.2011

- Art. 10

-- al. 3

-- al. 2

Droit cantonal

- ZPO/ZH

-- § 171 ss

LTFB (RS 173.41)

- Art. 27

27 août 2013

TF, 27 août 2013, 4A_142/2013 (d)

ATF 139 III 433 ; sic! 1/2014, p. 32-37, « Nespresso V » ; Tribunal fédéral des brevets, récusation, motif de récusation, obligation de déclarer, société soeur, groupe de sociétés, café, capsules de café, garantie du juge constitutionnel, Migros, Denner, Nespresso ; art. 6 ch. 1 CEDH, art. 30 al. 1 Cst., art. 42 al. 1 LTF, art. 42 al. 2 LTF, art. 75 al. 1 LTF, art. 92 al. 1 LTF, art. 97 al. 1 LTF, art. 99 al. 1 LTF, art. 105 al. 1 LTF, art. 105 al. 2 LTF, art. 106 al. 2 LTF, art. 27 LTFB, art. 28 LTFB, art. 47 al. 1 lit. f CPC, art. 48 CPC; cf. N 208 (vol. 2007-2011 ; ATF 137 III 324, sic! 10/2011, p. 589-593, « Nespresso »), N 660 (TF, 26 juin 2012, 4A_36/2012 ; sic! 10/2012, p. 627-632 « Nespresso II »), N 737 (TF, 9 janvier 2013, 4A_508/2012 ; sic! 5/2013, p. 310-314, « Nespresso III ») et N 662 (Handelsgericht SG, 21 mai 2013, HG.2011.199 ; sic! 12/2013, p. 759-766, « Nespresso IV »).

L'art. 28 LTFB règle la question de la récusation des juges suppléants au TFB. Pour le surplus, les principes généraux du CPC, et en particulier ceux qui traitent de la récusation selon les art. 47 ss CPC valent en vertu de l'art. 27 LTFB aussi pour la procédure devant le TFB. C'est ainsi qu'est concrétisé le droit constitutionnel à bénéficier d'un juge indépendant et impartial consacré par l'art. 30 al. 1 Cst. (c. 2.1.1). Cette garantie est déjà violée en présence de circonstances qui, examinées de manière objective, donnent à penser qu'elles pourraient fonder une apparence de prévention ou le danger d'un parti pris. Tel est le cas si l'ensemble des circonstances, tant de fait que du point de vue procédural, fait apparaître des éléments de nature à éveiller la méfiance quant à l'impartialité du juge. La défiance quant à l'indépendance doit apparaître comme fondée d'un point de vue objectif, et il n'est pas exigé pour la récusation que le juge soit effectivement prévenu (c. 2.1.2). La garantie du juge constitutionnel vaut de la même manière pour les juges ordinaires que pour les juges suppléants (c. 2.1.3). Un avocat intervenant comme juge suppléant est, selon la jurisprudence constante, considéré comme prévenu lorsqu'il est encore lié par un mandat à l'une des parties ou lorsqu'il est intervenu comme mandataire d'une des parties à de nombreuses reprises ou peu avant la procédure. Cela sans égard au fait que le mandat soit en lien ou non avec l'objet de la procédure. Dans sa jurisprudence, la plus récente, le TF a considéré qu'un avocat intervenant comme juge était prévenu non seulement lorsqu'il représentait ou avait représenté peu de temps auparavant une des parties à la procédure, mais aussi lorsque, dans le cadre d'une autre procédure, il était ou avait été mandaté par une partie adverse à celles intervenant dans la procédure dans le cadre de laquelle il était appelé à officier comme juge (c. 2.1.4). Une apparence de prévention peut aussi découler de ce qu'un des associés du juge suppléant, et pas ce dernier à titre personnel, est mandaté par une des parties à la procédure ou l'a été peu de temps auparavant. Cela quelle que soit la nature du rapport juridique qui unit les associés au sein d'une étude (c. 2.1.5). D'autres types de relations qu'un mandat direct entre une des parties et le juge suppléant peuvent susciter l'existence de liens particuliers entre eux fondant l'apparence d'une prévention. Les considérations pratiques liées à la difficulté d'établir l'existence de telles relations ne doivent pas être un obstacle à leur prise en compte, vu l'obligation de déclarer l'existence d'un possible motif de récusation faite par l'art. 48 CPC aux magistrats ou fonctionnaires judiciaires (c. 2.1.6). Selon l'art. 28 LTFB, les juges suppléants se récusent dans les procédures où une partie est représentée par une personne qui travaille dans la même étude d'avocats, dans le même cabinet de conseils en brevets ou pour le même employeur. Cette disposition vise seulement les cas dans lesquels un associé ou un collègue de travail du juge représente une partie dans le cadre de la procédure pendante devant le TFB. Elle ne règle pas la situation dans laquelle un associé du juge appartenant à la même étude que lui est lié par un mandat à une des parties à la procédure, sans pour autant la représenter dans la procédure pendante devant le TFB. L'art. 28 LTFB n'est ainsi pas applicable aux cas dans lesquels un mandat est ouvert entre l'étude d'avocats à laquelle le juge appartient et une partie à la procédure (ou une partie étroitement liée à celle-ci parce qu'appartenant au même groupe de sociétés), mais où cette dernière est représentée dans la procédure devant le TFB par un mandataire qui n'est pas un des associés du juge suppléant. Ce sont alors les motifs généraux de récusation selon l'art. 47 CPC — dans le cas particulier la clause générale de l'al. 1 lit. f — qui doivent être pris en compte dans le respect des principes établis par l'art. 30 al. 1 Cst. (c. 2.2). Dans le cas particulier, le mandat donné à un des associés du juge suppléant ne l'était pas par une des parties à la procédure (Denner SA), mais par sa société sœur: Migros France. Le risque de prévention du juge suppléant a néanmoins été retenu par le TF vu la manière dont les marques sont gérées au sein du groupe Migros (qui agit aussi pour celles de Denner) (c. 2.3.1), et de la communauté d'intérêts entre ce groupe et Denner à l'issue du procès devant le TFB (c. 2.3.4). Le recours est admis. [NT]

CEDH (RS 0.101)

- Art. 6

-- ch. 1

CPC (RS 272)

- Art. 48

- Art. 47

-- al. 1 lit. f

Cst. (RS 101)

- Art. 30

-- al. 1

LTF (RS 173.110)

- Art. 92

-- al. 1

- Art. 106

-- al. 2

- Art. 75

-- al. 1

- Art. 42

-- al. 2

-- al. 1

- Art. 105

-- al. 1

-- al. 2

- Art. 99

-- al. 1

- Art. 97

-- al. 1

LTFB (RS 173.41)

- Art. 28

- Art. 27

23 septembre 2014

TF, 23 septembre 2014, 4A_78/2014, 4A_80/2014 (d)

sic! 4/2015, p. 260-263, « Thermodiffusion II » ; procédure devant le TFB, devoir d’interpellation du tribunal, intérêt digne de protection, preuve, interruption des plaidoiries finales, égalité des armes, égalité de traitement, droit à la preuve ; art. 56 CPC, art. 150 CPC ; cf. N 746 (vol. 2012-2013 ; TFB, 24 juillet 2013, O2012_001 ; décision attaquée et confirmée par ce jugement).

Afin d’invoquer valablement une violation du devoir d’interpellation du tribunal au sens de l’art. 56 CPC, le demandeur doit démontrer quelles conséquences auraient découlé de l’exercice prétendument correct de ce devoir d’interpellation. À défaut, le demandeur n’a pas d’intérêt juridiquement protégé. En l’espèce, le recourant ne démontre pas qu’il aurait bénéficié d’un avantage particulier en cas d’interpellation du TFB. La question de savoir si le tribunal doit nécessairement faire usage de son devoir d’interpellation lorsque la partie adverse relève les manquements de la partie demanderesse peut rester ouverte en l’espèce (c. 3). Selon le TF, le droit à la preuve du recourant au sens de l’art. 150 CPC n’a pas non plus été violé dans la mesure où celui-ci n’a pas suffisamment démontré quelles allégations auraient été considérées à tort comme non contestées ou non pertinentes (c. 4). Des interruptions par le président du TFB au cours des plaidoiries finales (deux interruptions en l’espèce) sont admissibles et ne constituent pas une violation des règles de procédure, du principe d’égalité de traitement ou du droit à l’égalité des armes (c. 10). [FE]

29 janvier 2019

TF, 29 janvier 2019, 4A_435/2018, 4A_441/2018 (f)  

Maxime des débats, procédure devant le TFB, activité inventive, approche « problème-solution », action en constatation de la nullité d’un brevet, action en constatation de l’illicéité de l’atteinte, action en interdiction, intérêt pour agir, intérêt digne de protection, arbitraire ; art. 9 Cst., art. 105 al. 1 LTF, art. 105 al. 2 LTF, art. 106 al. 1 LTF, art. 106 al. 2 LTF, art. 55 al. 1 CPC.

La réelle et commune intention des parties quant à la portée d’un accord de transfert d’une demande de brevet, respectivement de l’invention correspondante et des droits s’y rapportant, relève non pas du domaine du droit, mais de celui des faits. Elle ne peut être revue par le TF que si elle se révèle manifestement inexacte, c’est-à-dire arbitraire ; ce qui implique qu’il soit démontré dans le cadre du recours devant le TF que la constatation factuelle en question serait manifestement insoutenable, méconnaîtrait gravement une norme ou un principe juridique clair et reconnu ou encore heurterait de manière choquant le sentiment de la justice et de l’équité (c. 3.2). Lorsque la maxime des débats est applicable (art. 55 al. 1 CPC), il incombe aux parties et non au Juge de rassembler les faits du procès. Il importe peu de savoir laquelle des parties a allégué les faits déterminants puisqu’il suffit que ceux-ci fassent partie du cadre du procès pour que le Juge puisse en tenir compte (c. 4.3.1). Il n’est pas contesté en l’espèce que tous les éléments de faits nécessaires à l’analyse de l’activité inventive déployée par l’inventeur ont été rassemblés par les parties. Le TFB n’a pas eu à suppléer ou suggérer des faits non allégués par les parties. La juridiction précédente était ainsi en mesure de procéder à l’analyse de l’activité inventive, une question de droit, ce qu’elle a fait en se fondant sur l’approche « problème-solution » consacrée par la jurisprudence. Il est sans importance à cet égard que la présence ou l’absence de caractéristiques litigieuses dans la présentation et/ou le brevet ait été alléguée par la défenderesse ou la demanderesse. En se fondant sur les faits rassemblés par les parties afin d’examiner une question de droit, la juridiction précédente n’a pas violé la maxime des débats (c. 4.3.2). L’action en constatation de droit est subsidiaire par rapport à l’action condamnatoire ou à l’action formatrice et seule l’existence de circonstances exceptionnelles peut conduire à admettre un intérêt digne de protection à la constatation de droit bien qu’une action condamnatoire soit ouverte. Ne constitue pas de telles circonstances le fait qu’au moment de l’introduction de l’action ou de la modification de ses conclusions, aucune vente du produit litigieux n’ait été encore été réalisée. Cela ne justifie en rien un intérêt digne de protection à la constatation de la violation du brevet. Dans un tel cas, outre la possibilité d’intenter une action tendant à la divulgation d’informations, le titulaire du brevet peut, en particulier, intenter une action condamnatoire visant à interdire la commercialisation du produit litigieux (c. 6.1.2). Les deux recours sont rejetés.  [NT]

06 août 2019

TF, 6 août 2019, 4A_70/2019 (d)

Nullité d’un brevet, limitation des revendications, procédure devant le TFB, fardeau de l’allégation, novae, moyens de preuve nouveaux, jugement partiel, jugement intermédiaire, pouvoir d’appréciation du juge instructeur ;art. 125 lit. a CPC, art. 222 al. 3 CPC, art. 229 al. 1 CPC, art. 236 CPC, art. 237 CPC.

Selon la jurisprudence désormais constante, les parties bénéficient, tant en procédure ordinaire que simplifiée [mais pas en procédure sommaire] de la possibilité de s’exprimer par deux fois de manière non limitée sur la cause et notamment d’introduire de nouveaux faits dans la procédure. Elles n’ont plus ensuite la possibilité de présenter de nouveaux faits et de nouveaux moyens de preuve qu’aux conditions restrictives de l’art. 229 al. 1 CPC. Etant donné l’importance fondamentale du droit des novae en procédure civile, il est indispensable qu’il existe des règles générales claires et non équivoques permettant aux parties de déterminer de manière sûre jusqu’à quel point de la procédure elles sont admises à s’exprimer de manière non limitée sur la cause. Il n’est par conséquent pas possible que la clôture des échanges soit laissée à l’appréciation du Tribunal. La limitation de l’admissibilité de nouveaux faits et moyens de preuve ne peut en particulier pas être contournée par le fait que des débats d’instruction sont organisés dans le cadre desquels des novae additionnels pourraient être présentés sans limite. Le Juge instructeur a par contre la latitude de tenir une audience d’instruction à la seule fin de tenter une conciliation pour autant que celle-ci ne constitue pas une deuxième opportunité offerte aux parties d’alléguer sans limitation des nouveaux faits et moyens de preuve, et ceci sans que la clôture des échanges suive immédiatement (c. 2.3.1). Selon l’art. 125 lit. a CPC, le Tribunal peut, afin de simplifier la procédure, en particulier la limiter à certaines questions ou à certains points de droit. Suite à une telle limitation de la procédure, est rendu un jugement partiel (art. 236 CPC) respectivement un jugement intermédiaire au sens de l’art. 237 CPC. Une telle limitation peut être ordonnée par le Tribunal en particulier avec la fixation d’un délai pour le dépôt de la réponse (art. 222 al. 3 CPC). Demeure ouverte la question de savoir si une limitation de la procédure peut encore intervenir au moment de la fixation du délai pour le dépôt de la réplique. Dans le cas d’espèce en effet, le Juge instructeur n’a pas ordonné une limitation de la procédure en vue d’un jugement partiel ou intermédiaire sur la nullité du brevet à l’origine de la demande. Il a bien plutôt unilatéralement octroyé à la partie demanderesse la possibilité de prendre position avant l’audience d’instruction sur une partie des arguments de la réponse et d’y répliquer dans ce cadre en introduisant ainsi des novae non limités dans la procédure (c. 2.3.2). Si l’admissibilité d’une scission thématique de la réplique est discutée, outre le fait qu’il paraisse douteux qu’une telle manière de faire soit judicieuse, il est au moins nécessaire que la question débattue soit clairement délimitée du reste de la procédure, ce que l’intimée conteste de manière convaincante en ce qui concerne la question de la nullité du brevet en lien avec celle de sa violation. Une telle partition thématique de la cause ne doit en aucun cas amener à ce que la demanderesse puisse s’exprimer plus de deux fois de manière illimitée (c. 2.4). Dans le cas d’espèce, l’intimée a eu l’occasion de s’exprimer une première fois sur la cause de manière illimitée dans sa demande. Elle a eu la possibilité de le faire une deuxième fois dans une réplique limitée, selon ordonnance expresse de l’autorité précédente, à la question de la validité du brevet concerné. Enfin, l’intimée s’est exprimée une troisième fois, sans limitation à une thématique particulière, dans sa réplique complémentaire. L’intimée a ainsi bénéficié, par trois fois, de la possibilité d’alléguer de nouveaux faits et de proposer de nouveaux moyens de preuve, deux fois de manière thématiquement illimitée et une fois supplémentaire sur la question exclusive de la validité du brevet. Cela n’est pas conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle les parties ne bénéficient, en procédure ordinaire, que deux fois de la possibilité de s’exprimer sur la cause et d’introduire de nouveaux faits dans la procédure (c. 2.4.1). L’avis de l’autorité précédente selon laquelle, de par l’organisation thématique qui lui a été imposée, l’intimée ne se serait exprimée que deux fois sur chacun des deux thèmes (de la violation du brevet et de sa nullité) ne convainc pas. Il est en effet pleinement possible à la demanderesse d’annihiler, déjà au stade de la demande, les effets d’une éventuelle objection de nullité du brevet. Il n’est pas relevant qu’elle n’ait pas eu d’indication que la défenderesse soulèverait ce moyen de défense. Car la possibilité de s’exprimer librement dans la procédure et d’alléguer tous les faits et moyens de preuve quels qu’ils soient, se caractérise aussi justement par le fait qu’elle est donnée indépendamment de ce que la partie adverse ait suscité une prise de position ou une réaction particulière. Cela fait partie de l’essence même de la procédure (civile) que la demanderesse, au moment du dépôt de la demande – soit du point de vue du droit des novae au moment de la première possibilité qui lui est donnée de s’exprimer sans limitation – ne connaisse pas encore de manière sûre l’axe de défense de la partie défenderesse. Le fait que, comme l’indique l’autorité précédente, la problématique soit particulièrement aigue dans le cadre d’un procès pour violation de brevets du fait du grand nombre de brevets existants, n’y change rien. Comme déjà indiqué, l’existence de règles claires fondamentalement respectée par tous les tribunaux dans le cadre de l’application du CPC est d’une importance centrale du point de vue de la sécurité du droit. Une différenciation en fonction de la prévisibilité des exceptions, respectivement des objections de la partie adverse, nuirait grandement à la sécurité du droit, de sorte qu’une exception à la règle générale de la possibilité de ne s’exprimer que deux fois librement ne se justifie pas dans le domaine du droit des brevets. Que l’exception de nullité du brevet invoquée dans la demande pose de nouvelles questions en lien avec l’objet du litige n’est d’ailleurs pas fondamentalement différent de ce qui se passe lorsque l’exception de prescription est soulevée à l’encontre d’une prétention ou lorsqu’une autre prétention est invoquée en compensation. Lorsque des allégations nouvelles de ce type sont présentées dans la réponse, cela ne conduit pas à ce que la partie demanderesse puisse s’exprimer trois fois librement les concernant. En dépit de l’avis de l’autorité précédente, les particularités des litiges en matière de brevet ne justifient en conséquence pas son procédé (c. 2.4.2). L’autorité précédente a ainsi violé le droit fédéral en permettant à l’intimée, en tout cas pour ce qui est de la question de la validité du brevet, de proposer à trois reprises de manière illimitée des faits et moyens de preuve nouveaux et sur cette base de reformuler les revendications de son brevet, sans examiner si ces novae étaient exceptionnellement admissibles selon les conditions de l’art. 229 al. 1 CPC. Comme le Juge instructeur avait expressément attiré l’attention dans le cadre de l’audience d’instruction sur le fait que l’intimée avait déjà usé de son droit de s’exprimer librement pour la deuxième fois concernant la nullité du brevet dans sa réplique limitée, la question de la protection de la confiance ne se pose pas (c. 2.4.3). Le recours est admis et la cause renvoyée au TFB pour nouveau jugement au sens des considérants. [NT]

CPC (RS 272)

- Art. 222

-- al. 3

- Art. 237

- Art. 125

-- lit. a

- Art. 229

-- al. 1

-- al. 1

-- al. 1

- Art. 236