Disposition

     CB (RS 0.231.15)

          Art. 11bis

13 décembre 2017

TF, 13 décembre 2017, 2C_685/2016, 2C_806/2016 (d)

« Tarif commun 3a complémentaire » ; jonction de causes, motivation du recours, décision incidente, tarifs des sociétés de gestion, tarifs complémentaires, divertissement de fond ou d’ambiance, test des trois étapes, triple test, usage privé, équité du tarif, tarif contraignant pour les tribunaux, cognition de la CAF, pouvoir de cognition de la CAF, pouvoir de cognition du TAF, pouvoir de cognition du TF, effet rétroactif, effet suspensif; art. 11bis CB, art. 8 WCT, art. 6 WPPT, art. 8 Cst, art. 42 LTF, art. 71 LTF, art. 93 al. 3 LTF, art. 95 LTF, art. 97 LTF, art. 105 LTF, art. 106 LTF, art. 107 al. 2 LTF, art. 10 al. 2 lit. e LDA, art. 10 al. 2 lit. f LDA, art. 19 al. 1 lit. a LDA, art. 22 LDA, art. 46 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA, art. 83 al. 2 LDA, art. 24 PCF ; N 797 (CAF, 2 mars 2015)

Les recours concernent le même jugement, ils contiennent pour l’essentiel les mêmes conclusions et ils soulèvent des questions juridiques identiques. Il se justifie donc de joindre les procédures (c. 1.1). Contre une décision du TAF concernant l’approbation d’un tarif par la CAF, c’est le recours en matière de droit public qui est ouvert (c. 1.2). Le TF revoit l’interprétation du droit fédéral et des traités internationaux avec un plein pouvoir de cognition. Il base sa décision sur l’état de fait constaté par l’autorité inférieure, mais il peut le rectifier ou le compléter s’il apparaît manifestement inexact ou s’il a été établi en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (c. 1.3). Le TF applique le droit d’office et n’est pas lié par les arguments des parties ou par les considérants de la décision attaquée (c. 1.4). Les motifs du recours doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit. Cela implique que le recourant doit se pencher au moins brièvement sur ses considérants. En matière de violation des droits fondamentaux et de violation du droit cantonal ou intercantonal, il existe un devoir de motivation qualifié : le grief doit être invoqué et motivé précisément d’après l’art. 106 al. 2 LTF (c. 1.5). Les tarifs approuvés et entrés en force sont contraignants pour les tribunaux. Toutefois, un tarif ne peut pas prévoir de redevance pour une utilisation libre d’après la LDA. En cas de litige, il appartient au juge civil de décider de ce qui est couvert ou non par le droit d’auteur. L’approbation d’un tarif par la CAF ne peut pas créer des droits à rémunération qui ne découlent pas de la loi. A l’inverse, une redevance prévue par la loi ne peut pas être exercée s’il n’existe pas un tarif valable et approuvé. Les tarifs des sociétés de gestion sont donc soumis à un double contrôle complémentaire, d’une part par la CAF et d’autre part par les tribunaux civils (c. 2.2). Si une partie veut attaquer une décision incidente avec la décision finale, elle doit prendre une conclusion spéciale à cet effet, la motiver et expliquer en quoi la décision incidente influe sur la décision finale. Ces exigences sont implicitement respectées en l’espèce (c. 2.2). Lorsqu’un hôtel reçoit des programmes de radio et de télévision grâce à sa propre antenne et les diffuse dans les chambres, il y a un acte de retransmission au sens de l’art. 10 al. 2 lit. e LDA et non de « faire voir ou entendre » au sens de l’art. 10 al. 2 lit. f LDA, car il y a une nouvelle restitution à un cercle indéterminé de destinataires (c. 5.1). Il paraît douteux que l’exception de l’art. 22 al. 2 LDA puisse s’appliquer, vu le texte de la disposition («destinées à un petit nombre d’usagers ») et vu que le législateur voulait avant tout éviter la multiplication d’antennes sur le toit des maisons (c. 5.2.3). Il faut aussi prendre en compte le droit international, qui a évolué depuis 1993, en particulier le test des trois étapes prévu par la CB et les accords ADPIC, et les droits des art. 11bis CB, 8 WCT et 6 WPPT (c. 5.2.4). La CJUE a estimé, dans son arrêt du 7 décembre 2006 C-306/05, que les art. 11bis al. 1 chiffre 2 et 3 CB et 8 WCT s’opposaient à ce que la diffusion d’émissions dans des chambres d’hôtel soit libre sous l’angle du droit d’auteur. Cette décision n’est certes pas contraignante pour les tribunaux suisses, mais elle peut servir à l’interprétation de dispositions juridiques peu claires. Et le TF a déjà reconnu que l’idée d’une harmonisation avec le droit européen avait inspiré le droit d’auteur suisse (c. 5.2.5). Au vu de ce qui précède et des critiques de la doctrine, il faut admettre que la retransmission d’œuvres dans des chambres d’hôtel est une communication publique au sens de l’art. 11bis al. 1 CB, en partie au contraire de ce qui avait été retenu par l’ATF 119 II 51. L’art. 22 al. 2 LDA n’est donc pas applicable (c. 5.2.6). Un but lucratif est incompatible avec l’exception d’usage privé au sens de l’art. 19  al. 1 lit. a LDA. En cas de retransmission d’émissions dans des chambres d’hôtel, l’utilisation d’œuvres est réalisée par l’hôtelier et pas par le client de celui-ci. Cela résulte déjà du fait que les actes d’utilisation de l’art. 10 al. 2 lit. a à f se situent en amont de la jouissance de l’œuvre (c. 5.3.2). La « convergence des technologies » n’y change rien : l’obligation de payer des redevances dépend de l’ampleur de l’infrastructure mise à la disposition du client (c. 5.3.3). En cas de recours au TF, les griefs doivent porter sur les considérants de l’arrêt du TAF, pas sur ceux de la décision de la CAF (c. 6.1). L’industrie de l’électronique qui loue des appareils de réception n’est pas dans la même situation que l’hôtelier : il n’y a donc pas de violation de l’égalité de traitement si elle ne doit pas payer de redevance de droit d’auteur (c. 6.3). La redevance de réception selon la LRTV ne couvre pas les droits d’auteur et les droits voisins : elle profite à d’autres ayants droit et elle relève du droit public, alors que l’indemnité tarifaire relève du droit privé (c. 6.4). Les critères de l’art. 60 LDA sont contraignants pour la CAF et ils ne représentent pas seulement des lignes directrices pour l’exercice de son pouvoir d’appréciation. Ils sont des notions juridiques indéterminées, dont le TF revoit l’interprétation et l’application. Toutefois, ce dernier fait preuve d’une certaine retenue dans le contrôle des décisions prises par des autorités spécialisées, lorsque des aspects techniques particuliers sont en discussion. Cette retenue vaut aussi pour le TAF, malgré sa cognition illimitée selon l’art. 49 PA (c. 7.2.1). Comme la CAF est une autorité spécialisée, le TAF doit respecter son pouvoir d’appréciation dans l’application des critères de l’art. 60 LDA, ce qui revient finalement à ne sanctionner que les abus ou les excès (c. 7.2.2). En l’espèce le TAF s’est tenu à juste titre à ces exigences (c. 7.2.3). En ce qui concerne l’entrée en vigueur d’un tarif, il faut s’en tenir en principe à l’interdiction d’un effet rétroactif. Pour éviter d’autres retards, le TF peut renoncer à renvoyer l’affaire à la CAF et trancher lui-même la question de l’entrée en vigueur et de la durée de validité du tarif, en application de l’art. 107 al. 2 LTF (c. 8.3). La jurisprudence distingue entre la rétroactivité véritable et la rétroactivité impropre. Dans le premier cas, un acte applique le nouveau droit à un état de fait révolu au moment de son entrée en vigueur. Pour que cette rétroactivité proprement dite soit admissible, il faut qu’elle soit expressément prévue par la loi ou qu’elle en résulte clairement, qu'elle soit raisonnablement limitée dans le temps, qu'elle ne conduise pas à des inégalités choquantes, qu'elle réponde à un intérêt public digne de protection et, enfin, qu'elle respecte les droits acquis. En cas de rétroactivité improprement dite, la nouvelle règle s'applique à un état de fait durable, qui a débuté sous l’ancien droit mais qui n’est pas entièrement révolu au moment de l’entrée en vigueur du nouveau droit. La rétroactivité impropre est en principe admise si elle ne porte pas atteinte à des droits acquis. En ce qui concerne l’exigence de la limitation dans le temps, un effet rétroactif d’une année a déjà été admis. Cette exigence découle du principe de la proportionnalité, et avant tout de ce qui est raisonnable. Lorsque la rétroactivité favorise certaines personnes et en désavantage d’autres, comme en l’espèce, les conditions susmentionnées doivent être remplies (c. 8.4). Une entrée en vigueur rétroactive d’un tarif n’est pas exclue, mais elle doit être limitée dans le temps (c. 8.5.1). En l’espèce, la CAF a admis un effet rétroactif de deux ans et deux mois, ce qui est excessif. Les recourantes devaient certes s’attendre à l’introduction du tarif, mais on ne peut pas leur reprocher d’avoir retardé la procédure de manière inconvenante (c. 8.5.3). Une si longue rétroactivité poserait aussi des problèmes pratiques et soulèverait des questions d’égalité de traitement, par exemple lorsque des hôtels ont cessé leur activité ou ont changé de propriétaires (c. 8.5.4). La question de l’effet rétroactif doit cependant être distinguée de celle de la liquidation de l’effet suspensif ordonné suite aux recours (c. 8.6). En principe, l’effet suspensif ne doit pas favoriser matériellement la partie qui succombe au détriment de la partie qui l’emporte (c. 8.6.1). Lorsque le recours est rejeté ou qu’il est irrecevable, l’effet suspensif tombe et un examen du cas particulier conduit en général à admettre que la décision attaquée entre en vigueur avec effet au moment où elle a été rendue, pour ne pas favoriser indûment le recourant (c. 8.6.2). En l’espèce, l’effet suspensif n’avait été ordonné que partiellement et les redevances litigieuses sont perçues depuis le 8 juillet 2015. Il ne paraît pas justifié que le tarif entre en vigueur le 2 mars 2015, soit à la date de la décision de la CAF (c. 8.6.3). Pour les raisons pratiques et juridiques déjà évoquées en relation avec la rétroactivité, il se justifie que le tarif entre en vigueur au 8 juillet 2015. Cela permet aussi d’accorder un délai d’introduction aux recourantes, ce qui se justifie vu la longueur de la procédure qui ne leur est pas imputable (c. 8.6.4). [VS]

CB (RS 0.231.15)

- Art. 11bis

Cst. (RS 101)

- Art. 8

LDA (RS 231.1)

- Art. 83

-- al. 2

- Art. 59

- Art. 22

- Art. 60

- Art. 46

- Art. 19

-- al. 1 lit. a

- Art. 10

-- al. 2 lit. e

-- al. 2 lit. f

LTF (RS 173.110)

- Art. 71

- Art. 93

-- al. 3

- Art. 106

- Art. 107

-- al. 2

- Art. 42

- Art. 95

- Art. 105

- Art. 97

PCF (RS 273)

- Art. 24

WCT (RS 0.231.151)

- Art. 8

WPPT (RS 0.231.171.1)

- Art. 6

09 juillet 2007

TF, 9 juillet 2007, 4A_78/2007 (d)

ATF 133 III 568 ; sic! 1/2008, p. 31-35, « Weitersenderecht II » ; medialex 4/2007, p. 185-190 (Gilliéron Philippe, Remarques) ; JdT 2008 I 374 ; gestion collective, droit de diffusion, droit de retransmission, organismes de diffusion, droits voisins, recours obligatoire aux sociétés de gestion, interprétation conforme au droit international ; art. 11bis ch. 1 CB, art. 13 lit. a CR, art. 15 ch. 2 CR, art. 9 ch. 1 ADPIC, art. 14 ch. 3 et 6 ADPIC, art. 22 al. 1 LDA, art. 37 lit. a LDA, art. 38 LDA.

L'art. 22 al. 1 LDA, auquel renvoient les art. 37 lit. a et 38 LDA, s'applique par analogie à la diffusion de droits voisins et a pour effet que la perception des droits par les sociétés de gestion collective remplace la possibilité d'exercer les droits exclusifs individuels en interdiction qui n'ont dès lors plus leur place. Ce principe ne souffre aucune exception en faveur des organismes de diffusion. Lorsqu'un programme est mis à disposition en clair par un organisme de diffusion, ce dernier ne peut plus par la suite s'opposer à ce qu'il soit retransmis en Suisse par un tiers, si ce dernier s'acquitte des droits à rémunération correspondants. Le fait qu'il n'existe pas en Suisse d'exception à ce principe pour les organismes de diffusion n'est pas en contradiction avec les engagements internationaux (CB, CR et ADPIC) qui n'exigent pas que les entreprises de diffusion soient investies de leur propre droit d'agir.

ADPIC (RS 0.632.20)

- Art. 14

-- ch. 6

-- ch. 3

- Art. 9

-- ch. 1

CB (RS 0.231.15)

- Art. 11bis

-- ch. 1

CR (RS 0.231.171)

- Art. 15

-- ch. 2

- Art. 13

-- lit. a

LDA (RS 231.1)

- Art. 37

-- lit. a

- Art. 22

-- al. 1

- Art. 38

02 juillet 2013

TAF, 2 juillet 2013, B-2612/2011 (d)

medialex 4/2013, p. 203-204 (rés.), « Tarif commun S » ; gestion collective, surveillance de la Confédération, droit d’auteur, droits voisins, gestion individuelle, tarifs des sociétés de gestion, tarifs communs, tarif commun S, équité du tarif, règle des 10 %, règle des 3 %, calcul de la redevance, convention internationale, applicabilité directe, interprétation téléologique, comparaison avec l’étranger, preuve, Commission arbitrale fédérale, allégué tardif, moyens de preuve nouveaux, réparation d’un vice de procédure en instance de recours, réparation de la violation du droit d’être entendu ; art. 11bis ch. 2 CB, art. 15 WPPT, art. 16 WPPT, art. 29 al. 2 Cst., art. 32 al. 2 PA, art. 47 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA, art. 9 ODAu.

Une raison fréquente de la gestion collective surveillée par la Confédération est d'éviter que la gestion individuelle rende difficiles ou impossibles des formes populaires d'utilisations massives d'œuvres et de prestations protégées. En revanche, il ne s'agit pas de rendre les redevances meilleur marché pour les exploitants, lesquels bénéficient déjà d'une simplification pour l'acquisition des licences. D'après les art. 15 WPPT, 60 al. 2 LDA et 11bis al. 2 CB, la redevance doit être équitable. Par la gestion collective, les ayants droit ne doivent donc pas être moins bien traités qu'ils ne le seraient dans un marché libre (c. 3.1.1). L'équité s'apprécie cependant de manière globale, et non pour chaque œuvre ou prestation en particulier (c. 3.1.1 et 3.1.2). Le fait de prévoir un supplément sur la redevance concernant les droits voisins (et non sur celle concernant les droits d'auteur) n'est pas contraire à l'art. 47 LDA si les bases de calcul des redevances sont identiques pour les deux types de droits (c. 6). Un accord donné par une société de gestion à l'occasion d'une procédure tarifaire précédente ne la lie pas dans le cadre de la nouvelle procédure (c. 7.2). Les limites de l'art. 60 al. 2 LDA (10 % pour les droits d'auteur et 3 % pour les droits voisins) peuvent être dépassées si elles risquent de conduire à des redevances inéquitables. Cela est cohérent par rapport à l'interprétation téléologique selon laquelle la gestion collective doit rapporter aux ayants droit autant que ce qu'ils pourraient obtenir dans un marché libre. Ces limites ne doivent donc pas seulement être dépassées dans des cas exceptionnels. Ce n'est que si les preuves ne sont pas suffisantes pour déterminer des valeurs du marché fictives qu'elles peuvent servir d'aide pour fixer les redevances. Par conséquent, il n'y a pas de rapport fixe 10:3 entre les droits d'auteur et les droits voisins (c. 7.3). L'autorité tarifaire doit dépasser les limites chiffrées de l'art. 60 al. 2 LDA si cela est nécessaire pour que les redevances soient équitables au regard des valeurs du marché réelles ou hypothétiques (c. 7.4). Ainsi interprété, l'art. 60 al. 2 LDA est conforme aux art. 15 al. 1 et 16 WPPT. Cette dernière disposition n'est pas d'application directe (self-executing) pour les justiciables (c. 7.5). Comme il peut être difficile de connaître les valeurs du marché réelles, l'autorité tarifaire doit opérer sur la base d'une fiction, pour laquelle les conditions pratiquées à l'étranger n'ont qu'une importance limitée (c. 8.3 et 8.4). En l'espèce, les moyens de preuve apportés par la recourante sont insuffisants pour procéder à cette fiction (c. 8.7). Les moyens de preuve doivent en principe être produits avec la requête d'approbation tarifaire, c'est-à-dire au moins sept mois avant l'entrée en vigueur prévue du tarif (art. 9 al. 1 et 2 ODAu). Mais la CAF admet encore les pièces produites au moins cinq jours avant l'audience, parce que des allégués tardifs des parties sont admissibles s'ils paraissent décisifs (art. 32 al. 2 PA). Ces règles sont impératives pour la CAF, d'après la doctrine dominante. Leur violation peut cependant être réparée en instance de recours, par la production par la partie recourante des pièces que la CAF a refusé à tort (c. 4.3.2). De même, une violation du droit d'être entendu, due à un défaut de motivation de la décision de première instance sur certains points, peut être réparée en instance de recours, si la CAF s'explique suffisamment dans sa prise de position devant le TAF (c. 4.3.3). [VS]