Disposition

LPM (RS 232.11)

     Art. 1

          al. 2

11 mars 2008

TF, 11 mars 2008, 4A_347/2007 (d)

ATF 134 III 314 ; sic! 10/2008, p. 729-732, « M (fig.) ; M Budget / M-Joy (fig.) » ; JdT 2010 I 658 ; motifs absolus d’exclusion, signe appartenant au domaine public, signe banal, lettre, signe figuratif, signe verbal, imposition comme marque, besoin de libre disposition absolu, chocolat ; art. 1 al. 2 LPM, art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. b LPM.

En droit des marques, il est possible de protéger une lettre isolée si elle présente les éléments caractéristiques d'une marque au sens de l'art. 1 LPM. Tel n'est pas le cas lorsque la lettre est dénuée d'éléments graphiques originaux ou de fantaisie et qu'elle appartient donc au domaine public. Les marques constituées d'un simple caractère alphabétique en tant que tel peuvent toutefois bénéficier d'une protection si elles se sont imposées par l'usage et si elles ne sont pas frappées d'un besoin de libre disposition absolu. Un tel besoin de libre disposition absolu n'existe que si le commerce dépend de l'utilisation du caractère considéré en relation avec les produits ou services auxquels le signe est destiné. Cela ne se vérifie pas concernant le caractère alphabétique « M » pour des chocolats. L'existence d'un besoin de libre disposition absolu doit être examinée au cas par cas lorsque se pose la question de l'imposition d'un signe par l'usage au sens de l'art. 2 lit. a LPM, qui ne consacre pas de manière générale l'existence d'un tel besoin (à l'inverse de ce que fait l'art. 2 lit. b LPM pour les formes qui constituent la nature même du produit et les formes du produit ou de l'emballage qui sont techniquement nécessaires). Plus le signe considéré est banal et se rapproche d'un caractère alphabétique « à l’état pur », plus seront élevées les exigences concernant la preuve de son imposition par l'usage.

Fig. 6a –M(fig.)
Fig. 6a –M(fig.)
Fig. 6b –M(fig.)
Fig. 6b –M(fig.)
Fig. 6c –M-joy (fig.)
Fig. 6c –M-joy (fig.)

17 octobre 2007

TAF, 17 octobre 2007, B-2724/2007 (d)

sic! 4/2008, p. 301 (rés.), Nivea Sun-Flasche (3D) ; motifs absolus d'exclusion, signe appartenant au domaine public, signe tridimensionnel, emballage, bouteille, produits cosmétiques, forme géométrique simple, signe banal, Directives de l'IPI, élément bidimensionnel, Nivea, sun, formalisme excessif, force distinctive ; art. 1 al. 1 LPM, art. 1 al. 2 LPM, art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. b LPM.

Des formes géométriques telles que des cercles, des ellipses ou des cylindres sont couramment utilisées pour le conditionnement des cosmétiques. La marque tridimensionnelle de la recourante est un flacon elliptique destiné à contenir de la crème solaire. Habituelle et attendue dans la branche des cosmétiques, une telle forme est banale (c. 5). Le 1er juillet 2005, l'IPI a changé sa pratique en matière de marques tridimensionnelles par l'adoption d'une directive selon laquelle un élément bidimensionnel ne peut influencer l'impression générale d'une forme tridimensionnelle que s'il en recouvre tous les côtés (c. 6.1). Cette directive est une ordonnance administrative et ne constitue pas, comme telle, une source du droit administratif qui lie les tribunaux (c. 6.1.1). Le TAF s'est déjà exprimé sur cette directive (TAF, 5 juin 2007, B-7400/2006, c. 4 [cf. N 184]) et son analyse révèle une évolution de la pratique de l'autorité inférieure. Jusqu'en septembre 1998, celle-ci ne prenait pas en compte les éléments bidimensionnels dans l'examen des motifs absolus d'exclusion d'une marque tridimensionnelle (art. 2 lit. a et b LPM). Depuis le 1er septembre 1998, l'autorité inférieure ne refuse plus l'enregistrement d'une forme tridimensionnelle banale si elle est combinée avec des éléments bidimensionnels suffisamment distinctifs, au motif que ceux-ci influencent l'impression d'ensemble qui se dégage du signe. Une directive de 2002 précise que des éléments appartenant au domaine public combinés à une marque tridimensionnelle sont admis pour autant qu'ils ne dominent pas l'impression d'ensemble de la marque (c. 6.1.2). La pratique de l'autorité inférieure n'a ainsi guère varié de 1998 à 2005. Si la directive adoptée en 2005 ne déroge pas à la règle selon laquelle un élément bidimensionnel ne permet d'écarter un motif absolu d'exclusion que s'il influence de manière essentielle l'impression d'ensemble du signe tridimensionnel, elle se distingue de la pratique antérieure en exigeant que l'élément bidimensionnel recouvre tous les côtés du signe pour qu'il soit propre à en influencer l'impression d'ensemble (c. 6.1.3). En l'espèce, l'élément bidimensionnel se compose des mots « NIVEA » et « SUN » en blanc sur un carré bleu foncé orné, en haut, de deux lignes en forme de vague jaune et orange et, en bas, d'une ligne dorée également en forme de vague (c. 6.2.3). Ce motif, clairement lisible et qui occupe une place centrale, est propre à influencer sensiblement l'impression d'ensemble du flacon en question, bien qu'il ne recouvre qu'une seule de ses faces (c. 6.2.6). La préoccupation de l'autorité inférieure, qui craint qu'admettre la marque tridimensionnelle de la recourante ne prive de facto les autres acteurs du marché d'une forme d'emballage banale, est infondée. Il apparaît en effet peu probable que la recourante puisse, se basant sur l'élément bidimensionnel distinctif de sa marque, interdire à un concurrent d'en utiliser l'élément tridimensionnel banal (c. 6.2.7). La formulation de la directive adoptée par l'autorité inférieure favorise une optique empreinte de formalisme excessif et conduit à une schématisation excessive. Un élément bidimensionnel pourvu d'une force distinctive suffisante peut en effet influencer suffisamment l'impression d'ensemble d'un signe pour lui conférer la fonction d'individualisation exigée par l'art. 1 al. 1 LPM même s'il n'est présent que sur une seule de ses faces (c. 6.2.8). La marque de la recourante doit donc être admise à l'enregistrement (c. 7).

Fig. 37 – Nivea Sun-Flasche (3D)
Fig. 37 – Nivea Sun-Flasche (3D)

15 septembre 2014

TC VD, 15 septembre 2014, MP/2014/6 (f) (mes.prov.)

Motifs absolus d’exclusion, forme techniquement nécessaire, forme constituant la nature même du produit, droit de réplique inconditionnel, autorité de l’arrêt de renvoi, pouvoir de cognition, fait nouveau, expertise sommaire, concurrence déloyale, imposition par l’usage, besoin de libre disposition absolu, domaine public, étendue de la protection, liberté d’imitation, café, capsule de café, Nespresso, Nestlé, Ethical Coffee Compagnie ; art. 6 CEDH, art. 29 al. 2 Cst., art. 66 al. 1 OJ, art. 107 al. 2 LTF, art. 1 LPM, art. 1 al. 2 LPM, art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. b LPM, art. 3 LPM, art. 13 al. 1 LPM, art. 2 LCD, art. 3 al. 2 lit. d LCD ; cf. N 208 (vol. 2007-2011 ; ATF 137 III 324 ; sic! 10/2011, p. 589-593, « Nespresso »), N 660 (vol. 2012-2013 ; TF, 26 juin 2012, 4A_36/2012 ; sic! 10/2012, p. 627-632, « Nespresso II »), N 662 (vol. 2012-2013 ; HG SG, 21 mai 2013, HG.2011.199 ; sic! 12/2013, p. 759-766, « Nespresso IV »), N 737 (vol. 2012-2013 ; TF, 9 janvier 2013, 4A_508/2012 ; sic! 5/2013, p. 310-314, « Nespresso III ») et N 765 (vol. 2012-2013 ; TF, 27 août 2013, 4A_142/2013 ; sic! 1/2014, p. 32-37, « Nespresso V »).

L’expertise sommaire a permis d’établir que la forme tronconique des capsules Nespresso est celle qui présente l’avantage de contenir le plus de café et d’offrir une résistance à la pression hydrostatique importante, ce qui permet d’obtenir le meilleur café en augmentant le volume de café en contact avec le flux d’eau sous pression. Cette forme tronconique se terminant par un cône obtus, outre qu’elle permet un précentrage parfait et précis de la pointe de la capsule par rapport aux aiguilles de perforation, offre une stabilité mécanique accrue à la pression hydrostatique et au moment de la perforation par les aiguilles dans le compartiment en assurant un centrage correct de la capsule dans le compartiment de la machine. Ce qu’aucune des capsules dites alternatives proposées par les requérantes ne permet de faire. Pour l’expert, la forme double tronconique et cône obtus des capsules Nespresso est aussi celle qui en rend l’utilisation la plus commode permettant d’assurer une auto-extraction de la capsule usagée et améliorant également la préhension des capsules, leur introduction dans la machine, le temps que prend ainsi la confection d’un bon café et enfin leur conservation. Grâce à leur forme, les capsules Nespresso sont à la fois commodes et résistantes et présentent des avantages notables par rapport aux capsules prépercées compatibles qui doivent être conservées dans une pochette étanche pour que l’arôme du café demeure (c. 19). Les coûts de fabrication des capsules Nespresso par emboutissage d’une feuille d’aluminium très fine sont en outre très peu onéreux alors que ceux de fabrication d’une capsule biodégradable sont légèrement plus élevés et l’épaisseur des parois nettement plus importante de sorte que le volume de poudre de café contenue par la capsule diminue. L’expert souligne que toutes les autres formes de capsules non tronconiques examinées ont des coûts de fabrication plus élevés, leur processus de fabrication étant plus compliqué (c. 19). En vertu du principe de l’autorité de l’arrêt de renvoi, l’autorité cantonale est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit de l’arrêt du TF. Elle est liée par ce qui a déjà été tranché définitivement par le TF, ainsi que par les constatations de faits qui n’ont pas été critiquées devant lui. Des faits nouveaux ne peuvent être pris en considération que sur les points qui ont fait l’objet du renvoi, lesquels ne peuvent être ni étendus, ni fixés sur une base juridique nouvelle (c. Ia). Dans le cas d’espèce, le TF a enjoint à l’autorité cantonale de juger à nouveau la cause en intégrant les résultats d’une expertise judiciaire sommaire destinée à déterminer s’il est possible de fabriquer une capsule de forme différente pour la même utilisation (absence de forme alternative) ou si une autre forme présenterait des inconvénients empêchant une concurrence efficace (c. Ib). L’art. 2 lit. b LPM exclut de la protection légale les formes constituant la nature même du produit, ainsi que les formes du produit ou de l’emballage qui sont techniquement nécessaires. Cette disposition circonscrit, dans le domaine des marques de forme, les signes pour lesquels il existe un besoin de libre disposition absolu. L’art. 2 lit. b LPM dispose d’une portée propre par rapport à la clause générale de l’art. 2 lit. a LPM en ce que les formes inhérentes à la nature même du produit, ou les formes du produit ou de l’emballage qui sont techniquement nécessaires, demeurent exclues de la protection légale, même si leur utilisation comme marque a pu s’imposer dans le commerce. Ainsi, à la différence de ce qui vaut pour les autres signes appartenant au domaine public, une utilisation même prolongée et exclusive d’une forme de ce genre ne permet pas d’en obtenir le monopole dans le cadre du droit des marques (c. III.a). Il résulte de l’exclusion des formes constituant la nature même d’un produit qu’une forme ne peut bénéficier de la protection du droit des marques que si elle se différencie des caractéristiques fonctionnelles ou esthétiquement nécessaires du produit concerné. La forme dictée par de telles caractéristiques n’est pas susceptible de protection et demeure à la libre disposition de tous les concurrents (c. III.a). La question à examiner n’est pas seulement de savoir s’il est possible de produire une capsule de forme différente qui soit utilisable de la même manière (donc dans les mêmes machines) et avec la même efficacité. Il convient également de tenir compte que la capsule de forme différente ne peut être considérée comme une forme alternative que si elle n’entre pas dans le champ de protection de la capsule Nespresso. Il s’agit donc aussi de se demander si la ou les autres formes se distinguerait suffisamment dans l’esprit du public acheteur de la capsule Nespresso pour éviter d’entrer dans sa sphère de protection (art. 3 LPM) (c. III.a). Les formes alternatives qui, selon l’arrêt de renvoi, entrent en ligne de compte sont des formes de capsules compatibles avec le système de la machine Nespresso, et les autres façons de conditionner le café (dans des boîtes ou des sachets), tout comme les capsules non compatibles avec cette machine, n’ont pas être considérées (c. III.c). L’expertise judiciaire rend vraisemblable l’importance technique de la forme tronconique surmontée par un cône obtus caractérisant les capsules Nespresso. Même si cette forme double tronconique et conique n’est pas la seule qui garantisse la compatibilité d’une capsule avec une machine Nespresso, elle est indispensable pour disposer de la quantité de café déterminée qui est celle des capsules Nespresso et est la seule qui permette d’obtenir un volume utile optimal d’une capsule. Il n’apparaît ainsi pas que les requérantes puissent revendiquer, par le biais du droit des marques, le monopole d’exploiter une forme décisive sur le volume net maximal d’une capsule pouvant être utilisée dans une machine Nespresso (c. III.c). Il ressort en outre de l’expertise qu’aucune des capsules alternatives proposées par les requérantes n’a les propriétés requises pour un bon fonctionnement dans les machines Nespresso. Elles n’ont pas la longueur suffisante pour une perforation efficace de la capsule par les aiguilles, la forme adéquate pour être guidées correctement lors de la fermeture du compartiment contre la contre-pièce, pour garantir l’étanchéité et empêcher le blocage du mécanisme, ni la forme adéquate pour assurer l’auto-extraction de la capsule usagée. La forme de la capsule Nespresso apparaît ainsi comme une forme techniquement nécessaire au sens de l’art. 2 lit. b LPM et ne peut pas être protégée comme marque (c. III.c). Pour que l’on soit en présence d’une violation des règles relatives à la concurrence déloyale, il faut que le concurrent utilise une prestation d’autrui d’une manière qui ne soit pas conciliable avec les règles de la bonne foi dans les affaires. En vertu du principe de la liberté d’imitation, en l’absence de protection découlant des droits de propriété intellectuelle, il ne suffit pas que les marchandises puissent être confondues ensuite de l’imitation pour que le comportement soit déloyal. Il faut au contraire qu’à l’imitation s’ajoutent d’autres circonstances faisant apparaître le comportement de l’imitateur comme déloyal. Un imitateur agit de manière déloyale au sens de l’art. 3 al. 1 lit. d LCD en particulier s’il prend des mesures de nature à faire naître une confusion avec les marchandises, les œuvres, les prestations ou les affaires d’autrui, en imitant la forme d’une marchandise dépourvue de force distinctive, alors qu’il aurait pu lui donner une autre forme sans modification de la construction technique et sans que cela ne porte atteinte à la destination du produit (c. IV.a). Le principe de la liberté de copie ne justifie pas que le consommateur soit induit en erreur de manière évitable sur la provenance d’une marchandise ou que l’imitateur exploite de façon parasitaire la bonne renommée d’autrui; l’imitateur doit prendre, dans les limites raisonnables, les mesures propres à écarter ou à diminuer le risque de confusion du public sur la provenance du produit (c. IV.a). Comme, lorsqu’une forme est techniquement nécessaire, l’imitation de celle-ci n’est pas déterminante pour juger de l’existence d’un risque de confusion et que les requérantes n’ont pas fait valoir que les intimés auraient adopté une autre attitude constitutive d’un comportement déloyal au sens de la LCD, la reprise de la forme double tronconique et conique de leurs capsules n’apparaît pas déloyale (c. IV.b). La requête de mesures provisionnelles est donc rejetée. [NT]