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  • Restriction à certains produits ou services

30 août 2017

TAF, 30 août 2017, B-1428/2016 (d)

sic! 2/2018, p. 63 (rés.), «DEUTSCHER FUSSBALL-BUND (fig.) », ; motifs d’exclusion absolus, signe trompeur, signe contraire au droit en vigueur, signe appartenant au domaine public, nom géographique, indication géographique, indication de provenance, réputation, restriction à certains produits ou services, patronyme, raison sociale, Allemagne, Deutscher, aigle, association sportive, logo, football, cercle des destinataires pertinent, consommateur final, intermédiaires, spécialistes, degré d'attention normal, impression d'ensemble, changement de pratique de l’Institut, intérêt légitime, merchandising, recours admis ; art. 2 al. 4 Traité CH-D (1967), art. 2 lit. c LPM, art. 47 LPM.


DEUTSCHER FUSSBALL-BUND.PNG

DEUTSCHER FUSSBALL-BUND (fig.)

Liste des produits et services revendiqués

Une large palette de produits en classes 3, 5, 8, 9, 11, 12, 14, 16, 18, 20, 21, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33 et 34 (Etat de fait A.).

Cercle des destinataires pertinent

Étant donné la large palette de produits revendiqués, il peut être considéré que le cercle des destinataires pertinent est composé des consommateurs finaux, des intermédiaires et des spécialistes des différents domaines. Les consommateurs finaux ne font pas preuve d'un degré d'attention accru (c. 4)

Motif absolu d’exclusion examiné 

Signes propres à induire en erreur (art. 2 lit. c LPM)

Conclusion

Il n'est pas contesté entre les parties que le terme allemand « deutscher » est perçu comme une indication géographique et que, par conséquent, le signe examiné est perçu comme une indication de provenance au sens de l'art. 47 LPM (c. 5). L'autorité précédente considère que la présence dans le signe examiné d'une représentation d'un aigle – susceptible d'être confondu avec l'aigle héraldique allemand – lui confère per se le caractère d'indication de provenance indirecte, et exclut ainsi le signe examiné du champ d'application de l'exception pour les associations sportives (c. 5.1). Cependant, l'IPI se fourvoie lorsqu'elle examine l'élément figuratif de manière isolée et qu'elle lui attribue, de plus, une importance considérable. Quand bien même l'aigle du signe examiné pourrait être confondu avec l'aigle héraldique allemand et que le signe contient l'élément « DEUTSCHER », l'élément verbal « FUSSBALL-BUND » domine l'impression d'ensemble. Les destinataires y voient en conséquence le logo d'une association sportive. La grande notoriété de la sélection nationale allemande contribue également à ce résultat. Les destinataires s'intéressent dans un second temps seulement à la provenance des produits, mais ils ne s’attendent pas particulièrement à une provenance d'Allemagne des produits revendiqués, car ils reconnaissent le logo de l'association sportive. L'IPI admet elle-même que le signe examiné ne suscite aucune fausse attente en lien avec l'indication de provenance (c. 5.2). Ainsi, dans l'application de l'exception en faveur des associations sportives, l'impression d'ensemble est déterminante, et un élément figuratif ne doit pas être apprécié séparément. Le signe « DEUTSCHER FUSSBALL-BUND (fig.) » ne suscite aucune fausse attente quant à la provenance des produits, quel que soit le risque de confusion de l'élément figuratif de l'aigle avec l'aigle héraldique allemand (c. 5.3). L'IPI argue que l’exception en faveur des associations sportives ne s'applique pas aux produits qui jouissent d'une réputation particulière (voitures allemandes, bières, vins et spiritueux allemands, etc.) (c. 6). La newsletter de l'IPI « changement de pratique de l’IPI concernant l’examen des marques contenant une désignation protégée par un traité bilatéral utilisée sous une forme modifiée » est une ordonnance administrative qui n'est pas une source du droit administratif et ne lie donc pas le TAF (c. 6.2). La réputation particulière d’un produit ne doit être examinée que pour déterminer si une exception aux attentes en rapport avec les indications de provenance existe. Le signe examiné est perçu comme le logo d'une association sportive, même pour les produits qui jouissent d'une réputation particulière, et n’est pas compris comme une indication de provenance (c. 6.2). Il n’est pas contesté que, par le biais du Traité entre la Confédération Suisse et la République fédérale d’Allemagne sur la protection des indications de provenance et d’autres dénominations géographiques (RS 0.232.111.191.36), l'élément « DEUTSCHER » est réservé exclusivement à des produits provenant d'Allemagne (c. 6.3). L'art. 2 al. 4 du Traité prévoit que les dispositions de l'accord ne s'appliquent pas à l'usage de patronymes homonymes à des indications géographiques et s'il existe un intérêt légitime à l'utilisation de ce patronyme. Le signe « DEUTSCHER FUSSBALL-BUND (fig.) » peut bénéficier de cette disposition. Par ailleurs, pour la demanderesse, il existe un intérêt légitime à pouvoir organiser un merchandising. Ainsi, le signe « DEUTSCHER FUSSBALLBUND (fig.) » ne suscite pas de fausses attentes au regard de la provenance des produits, même sans restreindre la liste des produits (c. 6.3). Le signe examiné n'est ni trompeur, ni contraire au droit en vigueur pour les produits revendiqués. Il n'appartient pas plus au domaine public. Le recours est admis et le signe doit être admis à l'enregistrement (c.7). [AC]

08 juillet 2016

TAF, 8 juillet 2016, B-6363/2014 (d)

sic! 5/2017, p. 282-285, « MEISSEN » ; motifs absolus d’exclusion, signe appartenant au domaine public, signe descriptif, signe trompeur, force distinctive, besoin de libre disposition absolu, imposition comme marque, notoriété d’une ville, indication de provenance, restriction à certains produits ou services, moyen de preuve, appréciation des preuves, cercle des destinataires pertinents, consommateur final, antiquaires, bijouterie, orfèvrerie, porcelaine, recours admis ; art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. c LPM.

MEISSEN 

Enregistrement international N° 914430 MEISSEN


Liste des produits et services revendiqués

Classe 11 : Produits en porcelaine, à savoir robinets de toilette, vases-lampes et pieds de lampes.


Classe 14 : Cabinets (boîtes) d'horloges; plaquettes pour broches; pierres pour bagues; pièces de monnaie; épinglettes.


Classe 21 : Ustensiles et récipients pour le ménage ou la cuisine ni en métaux précieux, ni en plaqué; produits en porcelaine, terre cuite, verre, en particulier services de table, à café, à thé, à moka, à liqueur et à pâtisserie; porcelaine artificielle, en particulier vases, boîtes, assiettes murales, bols à dessert, paniers, personnages, bougeoirs.

Cercle des destinataires pertinent

Pour les produits en porcelaine de la classe 11, le cercle des destinataires pertinent est composé par des consommateurs finaux plus âgés, des antiquaires et des grands magasins (les vases et les pieds de lampe sont également achetés par des magasins spécialisés en électricité). Les produits de la classe 14 sont des matériaux de base pour la bijouterie et sont dont très recherchés par les bijoutiers et les orfèvres. Le public concerné par les produits de la classe 21 est constitué des personnes qui dirigent leur propre ménage (c. 5).

Motif absolu d’exclusion examiné 

signe appartenant au domaine public, art. 2 lit. a LPM ; signe propre à induire en erreur, art. 2 lit. c LPM.

Conclusion

Compte tenu de la renommée mondiale de la porcelaine de Meissen et de sa très longue tradition, malgré la taille modeste de la ville en question, une proportion considérable des destinataires sont susceptibles d’associer « Meissen » tant à la ville qu’à l’entreprise de la demanderesse. Le signe ne jouit donc pas d’une force distinctive originale. La demanderesse peut se voir opposer la notoriété de la ville de Meissen, bien qu’elle en soit la société la plus connue (c. 6.). La demanderesse étant titulaire d’une marque communautaire, le signe « Meissen » n’est plus disponible que pour un seul fournisseur en Allemagne. Il n’y a donc aucune raison d’admettre l’existence d’un besoin absolu de libre disposition pour ce signe en Suisse (c. 7.1). L’enregistrement d’une indication de provenance comme marque imposée est justifié notamment lorsque l’indication de provenance est connue en Suisse exclusivement grâce au succès commercial du titulaire de la marque. Lors de l’examen de l’imposition comme marque d’un signe, il n’existe pas de motif valable pour écarter, lors de l’appréciation des preuves, des pièces justificatives qui ont moins de dix ans (c. 8.3). Il peut exister un risque de tromperie sur l’origine géographique d’un produit même lorsqu’une marque s’est imposée. Le fait qu’une indication de provenance soit perçue comme une indication de la provenance économique des produits n’exclut pas, en soi, que les destinataires y voient également un renvoi à une provenance géographique. Compte tenu de la longue tradition de confection de porcelaine de qualité dans la ville de Meissen, il se justifie de limiter la liste des produits couverts par la marque à ceux qui proviennent effectivement de la ville de Meissen. Le recours doit donc être partiellement admis, et la marque doit être admise à l’enregistrement en Suisse pour les produits des classes 11, 14 et 21 (c. 9). [AC]

11 octobre 2016

TAF, 11 octobre 2016, B-2363/2015 (d)

sic! 4/2017, p. 218 (rés.), « TITAN » ; motifs absolus d’exclusion, signe appartenant au domaine public, signe descriptif, signe trompeur, force distinctive, restriction à certains produits ou services, enregistrement international, refus provisoire, besoin de libre disposition, inobservation d’un délai, produits de nettoyage, titan, oxyde de titane, recours admis ; art. 5 PAM, art. 2 lit. a LPM.

TITAN

Demande d’enregistrement nationale N° 1'097'432 TITAN.


Liste des produits et services revendiqués

Classe 3 : Cire pour le revêtement des véhicules, nettoyant et produits de conservation du revêtement des véhicules pour les stations de lavage de voitures ; shampooing et détergents pour les stations de lavage de voitures.

Cercle des destinataires pertinent

-

Motif absolu d’exclusion examiné 

signe appartenant au domaine public, art. 2 lit. a LPM.

Conclusion

La demande d’enregistrement du signe litigieux a été notifiée à l’instance précédente par l’OMPI le 1er décembre 2011. Le 28 novembre 2012, elle a émis un refus provisoire d’enregistrement, arguant que le signe était descriptif pour une partie des produits revendiqués et qu’il existait dès lors un besoin de libre disponibilité de ce signe pour les concurrents. Le 31 octobre 2014, dans sa réponse à ce refus provisoire, la demanderesse a indiqué qu’elle limitait la liste des produits de la manière suivante : "…tous les produits ne contenant ni de titan ni d'oxyde de titan". L'instance inférieure a répondu par lettre du 19 décembre 2014 qu’avec cette limitation, le signe n'était plus descriptif, mais qu’il créait dorénavant un risque de tromperie dans la mesure où les destinataires des produits revendiqués s'attendaient à ce qu'ils contiennent du titane ou du dioxyde de titane. Pour ces raisons, l’IPI a refusé le signe à l’enregistrement par décision du 13 mars 2015. Le refus du 28 février 2012 a été déposé dans le délai imparti, mais il est limité au motif d'exclusion selon lequel la marque litigieuse est descriptive et appartient au domaine public. Le refus du 13 mars 2015, selon lequel la marque est trompeuse, a été prononcé après l’expiration du délai d’un an imparti par l’article 5 PAM. Il pouvait raisonnablement être exigé de l’instance précédente qu’elle fît valoir ce second grief dès le 28 février 2012. La limitation de la liste de produits revendiqués permet à la demanderesse de surmonter le refus provisoire fondé sur le caractère descriptif de la marque. Le recours s'avère ainsi fondé, et la marque « TITAN » doit être admise à l’enregistrement. [AC]

20 juin 2019

TAF, 20 juin 2019, B-2792/2017 (d)

sic ! 2/2020, p. 97 (rés.), « IGP » ; motif d’exclusion absolu, marque verbale, acronyme, indication géographique protégée, besoin de libre disposition absolu, restriction à certains produits ou services, indication géographique, usage à titre de marque, bonne foi, signe trompeur, recours rejeté ; art. 6quinquies CUP, art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. d LPM, art. 50 a LPM.

La recourante souhaite enregistrer le signe « IGP » pour divers produits en classes 2, 40 et 42 (c. A). L’instance précédente accepte son enregistrement pour les services revendiqués en classes 40 et 42, mais le refuse pour les produits revendiqués en classe 2, au motif que le signe « IGP » pouvant être compris comme la mention « indication géographique protégée » définie à l’article 50 a LPM, fait l’objet d’un besoin de libre disposition pour d’éventuels futurs concurrents (c. C). La recourante demande l’enregistrement du signe IGP pour l’ensemble des marchandises en classe 2 revendiquées à l’origine, alors que l’instance précédente s’est prononcée uniquement sur une liste restreinte dans la mesure où la possibilité d’une limitation aurait été seulement évoquée et pas proposée. Cette position est cependant contredite par les divers échanges entre les parties en cours de procédure. La limitation de la liste originelle des produits est donc valable (c. 1.2). D’un point de vue procédural, l’examen de l’ensemble des marchandises revendiquées à l’origine reviendrait à étendre l’objet du litige. L’extension de la liste des produits revendiqués à celle déposée à l’origine ne répond pas aux critères qui permettent exceptionnellement d’étendre l’objet du litige (c. 1.4). La recourante conteste l’existence d’un besoin de libre disposition absolu pour le signe « IGP », arguant qu’il est possible que celui-ci cohabite avec la mention « IGP », dans la mesure où la mesure où celle-ci est toujours utilisée en lien avec une indication géographique (c. 3.3). L’article 20 al. 1 de l'ordonannce sur les AOP ET IGP non agricoles ne requiert pas que la mention « IGP » soit toujours utilisée en lien avec une indication géographique. Il est donc possible d’utiliser la mention « IGP » seule sur un produit tant que celui-ci est décrit dans le registre des IGP. La situation est en tous points comparable avec les IGP agricoles, et de nombreux produits tels que la cuchaule, la damassine, la longeole, le vacherin mont-d-or ou le bolder sauerkäse permettent l’utilisation de la mention « AOP » sans faire référence directement à une indication géographique. Un risque de confusion entre la marque « IGP » et la mention « IGP » ne peut donc pas être exclu (c. 3.3.1). Si l’usage de la mention « IGP » n’est pas formellement un usage à titre de marque, la mention « IGP » remplit cependant de manière approximative tous les critères (caractère distinctif, usage sérieux et en Suisse) définissant un usage à titre de marque. Certes, une telle mention n’individualise pas les marchandises d’un unique producteur, mais crée une distinction entre les marchandises bénéficiant d’un enregistrement et les autres. La fonction individualisante est très proche de celle des marques (c. 3.3.2). L’usage du signe « IGP » peut en conséquence interférer avec l’usage du signe « IGP » en tant que mention (c. 3.3.3). L’instance précédente, en refusant de laisser la recourante démontrer l’imposition par l’usage du signe « IGP » au motif qu’il existe un besoin de libre disposition absolu pour les futurs concurrents, n’a pas violé les règles de la bonne foi (c. 4.3). En tout état de cause, l’intérêt public consistant à ne pas enregistrer les signes faisant l’objet d’un besoin de libre disposition absolu, ainsi que l’intérêt des concurrents à pouvoir continuer à utiliser ce signe sont prépondérants (c. 4.4). La recourante poursuit en concluant subsidiairement à l’enregistrement du signe « IGP » avec un disclaimer indiquant que le signe « IGP » ne sera pas utilisé avec des indications géographiques protégées. Ce type de mention n’est pas comparable à celle indiquant que les signes figuratifs contenant une croix ne seront pas utilisés avec du rouge ou du blanc. Il ne s’agit en effet pas de restreindre les possibilités de présenter le signe, mais bien de limiter les circonstances de son utilisation. Une telle limitation est très difficile à mettre en œuvre et ne peut être autorisée (c. 5.1). Une mention au registre excluant l’utilisation du signe pour les marchandises inscrites au registre des IGP n’est pas non plus envisageable. Certes, il s’agit d’une limitation liée aux qualités objectives des produits revendiqués, mais celle-ci n’exclut pas que le signe « IGP » soit compris comme une indication de provenance qui peut être trompeuse y compris pour des produits n’était pas inscrits au registre des IGP. Une telle limitation créerait une situation trompeuse au lieu de la régler (c. 5.2). L’instance précédente n’a pas violé les règles de procédure en ne prenant pas suffisamment en compte la durée d’utilisation du signe revendiquée au sens de l’article 6quinquies CUP, ni en rejetant un éventuel effet préjudiciel de décisions étrangères, ni en prévoyant le besoin des concurrents futurs de pouvoir utiliser la mention « IGP » alors que le paquet de législation « Swissness » n’était pas encore en vigueur au moment du dépôt. Le recours est rejeté (c. 7-8). [YB]

08 mars 2021

TF, 8 mars 2021, 4A_361/2020 (d)

Motifs absolus d’exclusion, signe trompeur, indication de provenance, indication géographique, restriction à certains produits ou services, étendue de la protection, usage de la marque, pratique de l’Institut Fédéral de la Propriété Intellectuelle, Swissness, réel site administratif, Swiss Re, services immobiliers, services financiers, services d’assurances, recours rejeté ; art. 2 lit. c LPM, art. 11 al. 1 LPM, art. 12 al. 1 LPM, art. 47 al. 1 LPM, art. 47 al. 3 LPM, art. 49 al. 1 LPM, art. 49 al. 2 LPM, art. 52o OPM.

En avril 2017, la défenderesse, Swiss Re Ltd, a déposé la marque « SWISS-RE – WE MAKE THE WORLD MORE RESILIENT » pour des services financiers, immobiliers et d’assurances (classe 36). L’IPI a refusé l’enregistrement du signe, notamment au motif qu’il était trompeur, en raison des attentes qu’il éveillait quand à la provenance des services fournis. Selon l’IPI, l’enregistrement n’était possible qu’avec une limitation de la liste de services aux services de provenance suisse. Le Tribunal administratif fédéral a admis le recours de Swiss Re et a ordonné l’enregistrement sans restriction des services mentionnés à la provenance suisse. Selon l’art. 2 lit. c LPM, les signes propres à induire en erreur sont exclus de la protection des marques (c. 2). Un signe est propre à induire en erreur notamment s'il contient ou est constitué d’une indication géographique qui fait croire à tort aux destinataires que les produits ou services qu’il désigne proviennent du pays ou du lieu auquel l’indication se réfère (c. 2.1). Une indication de provenance est une référence directe ou indirecte à la provenance géographique des produits ou des services, y compris la référence à des propriétés ou à la qualité, en rapport avec la provenance (art. 47 al. 1 LPM). L'art. 47 al. 3 LPM interdit notamment l'utilisation d'indications de provenance inexactes (lit. a) et de marques en relation avec des produits ou services d'une autre provenance, s'il en résulte un risque de tromperie (lit. c). Selon la jurisprudence, de telles indications sont susceptibles de créer un risque de tromperie au sens de l’art. 2 lit. c LPM (c. 2.2). Compte tenu des intérêts publics en jeu, la règle selon laquelle l’IPI doit en principe enregistrer une marque en cas de doute et laisser la décision finale au juge civil ne s’applique pas dans l’évaluation du risque de tromperie au sens de l’art. 2 lit. c LPM. Par ailleurs, l’exactitude des indications de provenance est examinée de manière plus stricte que les autres faits trompeurs au sens de cette disposition. Même lorsqu’une indication de provenance peut être utilisée de manière correcte, le motif absolu d’exclusion de l’art. 2 lit. c LPM s’applique dès qu’il existe une possibilité qu’elle soit utilisée pour des produits provenant d’un autre lieu (c. 2.3). Il convient de noter que même si les développements futurs prévisibles peuvent être pris en compte dans la procédure d’enregistrement, une simple probabilité minime qu’une indication de provenance suisse puisse s’avérer trompeuse à l’avenir, par exemple en raison d’un changement de circonstances, ne suffit pas à établir un motif absolu d’exclusion au sens de l’art. 2 lit. c LPM (c. 2.4). Si l’on admet comme l’instance précédente que le signe « SWISS RE – WE MAKE THE WORLD MORE RESILIENT » constitue une indication de la provenance suisse des services de la défenderesse, il convient d’examiner si elle est exacte (c. 4). Selon l’art. 49 al. 1 LPM, l’indication de la provenance d’un service est exacte si elle correspond au siège de la personne qui fournit le service (lit. a) et si un réel site administratif de cette personne est sis dans le même pays (lit. b). Si une société mère remplit les conditions de la lettre a et si elle-même ou une filiale réellement contrôlée par elle et domiciliée dans le même pays remplit l’exigence visée à la lettre b, l’indication de provenance est également exacte pour les services de même nature fournis par les filiales et succursales étrangères de la société mère (art. 49 al. 2 LPM) (c. 4.1). En matière de produits, la pratique établie de longue date de l’IPI, admise par le Tribunal fédéral, est de n’enregistrer les marques contenant une indication géographique qu’avec l’ajout d’une mention dans la liste des produits revendiqués selon laquelle ces derniers doivent provenir du pays auquel se réfère l’indication de provenance. L’IPI ne disposant pas, dans le cadre de la procédure d’enregistrement, d’informations concrètes sur l’usage (actuel ou futur) du signe déposé, on peut admettre l’existence d’un risque de tromperie si une indication de provenance est enregistrée comme marque sans limiter la liste des produits. Cette restriction de la liste de produits a un effet préventif en minimisant de facto le risque de tromperie, et affecte directement l’étendue de la protection de la marque, qui dépend des produits revendiqués (art. 11 al. 1 LPM). L’usage du signe avec des produits d’une autre provenance ne constitue pas un usage de la marque et peut entraîner la perte du droit à la marque conformément à l’art. 12 al. 1 LPM (c. 5.1). Une partie de la doctrine a formulé quelques critiques à l’encontre de la jurisprudence du Tribunal fédéral (c. 5.2). L’IPI invite le Tribunal fédéral à confirmer que cette jurisprudence, qui n’est pas contestée par les parties, s’applique également aux services (c. 5.3). Lors des délibérations parlementaires relatives au projet de loi « Swissness », entré en vigueur le 1er janvier 2017, la conseillère fédérale Sommaruga a explicitement évoqué dans deux interventions la crainte que d’importants prestataires de services tels que Swiss Re puissent apparaître comme des sociétés suisses. Dans le cadre de cette révision, le Conseil fédéral a concrétisé la notion de « réel site administratif » à l’art. 52o OPM, pertinente pour déterminer la provenance d’un service selon l’art. 49 al. 1 lit. b LPM. L’IPI a annoncé qu’elle adoptera en matière de services la même pratique qu’elle adoptait jusqu’alors en matière de produits (c. 6). Comme l’a reconnu à juste titre le Tribunal administratif fédéral, cette adaptation va trop loin. La limitation de la liste des produits aux produits de provenance suisse vise à éliminer le risque, même abstrait, de tromperie sur la provenance géographique. Toutefois, s'il n'y a pas de risque de tromperie dès le départ, il n'y a aucune raison de restreindre la liste des produits ou des services. Tel est le cas en l'espèce : comme le Tribunal administratif fédéral l'a constaté de manière contraignante, sans réelle contestation de l’IPI, les conditions de l'art. 49 al. 1 LPM sont remplies, puisque le siège de la défenderesse est incontestablement en Suisse, de même que son réel site administratif. Les services qu'elle propose proviennent donc de Suisse au sens du droit des marques. L'indication de provenance est exacte au sens de l’art. 49 al. 1 LPM. Le signe « SWISS RE - WE MAKE THE WORLD MORE RESILIENT » est donc, même s'il devait être compris comme une indication de provenance, admissible au sens des art. 2 lit. c et 47 al. 3 LPM, et doit être inscrit au registre des marques (c. 7.1). Le traitement différent des marques selon qu'elles revendiquent une protection pour des produits ou des services est une conséquence des définitions conceptuellement différentes de la provenance pour les produits (art. 48 et suivants LPM) et pour les services (art. 49 LPM). En matière de produits, le caractère trompeur d’un signe dépend des produits pour lesquels il est utilisé, dont l’IPI n’a naturellement pas connaissance au moment de l’enregistrement. L’origine des services, en revanche, dépend du lieu dans lequel le prestataire de services a son siège social et est actif (art. 49 al. 1 LPM). En principe, tous les services fournis par le déposant ont la même provenance géographique, et le risque de tromperie peut être évalué concrètement au moment de l'enregistrement. Le fait que la marque puisse être transférée ou faire l'objet d'une licence à une date ultérieure (à une personne qui pourrait ne pas remplir les conditions de l'art. 49 LPM), comme l'objecte l'IPI, ne change rien pour le Tribunal administratif fédéral, d'autant plus que l'IPI n'a de toute façon aucune possibilité d'influencer l'usage d'une marque une fois celle-ci enregistrée. Il va de soi que l'enregistrement d'une indication de provenance en tant que marque ne change rien au fait qu'elle ne peut pas, par la suite, être utilisée de manière incorrecte. En particulier, l'utilisation d'une marque en relation avec des produits ou des services de provenance étrangère n'est pas autorisée si elle entraîne un risque de tromperie (art. 47 al. 3 lit. a et c LPM). (c. 7.2.1). Contrairement à l’IPI, le Tribunal administratif fédéral considère que la charge de travail requise pour l’examen au regard des critères spécifiés dans la réforme « Swissness » n’apparait pas fondamentalement plus importante que sous l’ancien droit. S’il existe un doute sur la question de savoir si les critères de l’art. 49 al. 1 LPM sont remplis, une restriction de la liste des services doit selon lui être faite. En cas de litige, la question de savoir s’il existe une activité administrative effective suffisante en Suisse dans un cas d’espèce relève de la compétence du juge. Le Tribunal administratif fédéral a ainsi montré une voie praticable. La position de l’IPI de faire dépendre l’enregistrement de toutes les marques de service avec indication de provenance d’une restriction géographique de la liste des services à titre de mesure de précaution et sans examen, même si l'indication de provenance est correcte et qu'il n'y a pas de risque pertinent de tromperie, est trop peu différenciée. Elle ne peut pas non plus être justifiée par le souci d'éviter un effort d'examen excessif. En outre, contrairement à ce que soutient l’IPI, on ne voit pas en quoi la limitation géographique des services seulement dans certains cas devrait affecter l’égalité et la sécurité juridiques (c. 7.2.2). La conclusion de l'instance précédente selon laquelle le signe « SWISS RE - WE MAKE THE WORLD MORE RESILIENT » n'est pas trompeur en ce qui concerne les services revendiqués et que, pour cette raison, il doit bénéficier d'une protection illimitée de la marque n'est ainsi pas critiquable. C'est à juste titre qu’elle a ordonné l’enregistrement du signe au registre des marques sans aucune limitation géographique de la liste des services (c. 7.4). Le recours est rejeté (c. 8). [SR]