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29 décembre 2017

TFB, 29 décembre 2017, S2017_008 (d) (mes. prov.)

Compétence internationale ; mesures provisionnelles ; art. 11 Protocole sur la compétence judiciaire et la reconnaissance de décisions portant sur le droit à l'obtention du brevet européen, art. 2 al. 1 CL, art. 23 al. 1 lit. b LTFB, art. 26 al. 1 et 2 LTFB, art. 1 LDIP.

Le demandeur, une personne physique, a sa résidence en France. La défenderesse est une société anonyme ayant son siège en Suisse. Il s’agit ainsi d’un état de fait international. La LDIP s’applique ainsi à la question de la compétence (art. 1 LDIP). D’après l’art. 1 al. 2 LDIP, les traités internationaux sont réservés. Dans le présent cas, il s’agit de la Convention sur le brevet européen (CBE, RS 0.232.142.2), du Protocole sur la compétence judiciaire et la reconnaissance de décisions portant sur le droit à l'obtention du brevet européen (Protocole sur la reconnaissance, RS 0232.142.22) et de la Convention de Lugano (RS 0.275.12). Dans la mesure où la CBE et le Protocole sur la reconnaissance sont applicables, ils priment la Convention de Lugano, conformément à l'art. 11 du Protocole sur la reconnaissance. En ce qui concerne le droit à la demande de brevet européen, seule la CBE est applicable. Conformément à l'article 2 du Protocole sur la reconnaissance, le déposant d'un brevet européen dont le siège est situé dans un État contractant à la CBE doit être attrait devant les tribunaux de cet État contractant.  Dans le cas d’espèce, la défenderesse, basée en Suisse, est titulaire de la demande de brevet européen objet du litige. La compétence à raison du lieu du Tribunal fédéral des brevets est donc donnée en ce qui concerne la demande et l’évaluation du droit à la demande du brevet européen. Les autres dépôts litigieux doivent être jugés par les tribunaux du domicile des défendeurs, selon les règles de compétence de l’art. 2 al. 1 CL. Le Tribunal fédéral des brevets est donc compétent pour le différend objet du cas d’espèce, tant à raison du lieu que de la matière (art. 26 al. 2 LTFB). Cela vaut également pour les mesures provisionnelles (art. 1 al. 2 LDIP, combiné avec art. 31 CL et art. 26 al. 1 et 2 LTFB). Conformément à l'art. 23 al. 1 lit. b LTFB, le président, en tant que juge unique, décide des demandes de mesures provisionnelles (c.3). [DK]

29 novembre 2018

TAF, 29 novembre 2018, B-5852/2017 (d)

« Tarif commun 3a (2019-2021) » ; tarifs des sociétés de gestion, effet suspensif, dommage difficile à réparer, pesée d’intérêts, mesures provisionnelles; art. 56 PA, art. 74 al. 2 LDA.

Des mesures provisionnelles au sens de l’art. 56 PA impliquent un dommage difficile à réparer et une pesée des intérêts, dans le cadre de laquelle il faudra prendre en compte les effets des mesures pendant la durée prévisible de la procédure au fond (c. 1.1). Une demande de mesures provisionnelles tendant à prolonger l’ancien tarif avec certaines adaptations revient à demander un effet suspensif contre le nouveau tarif. D’après l’art. 74 al. 2 LDA, les recours contre les décisions de la CAF n’ont en principe pas d’effet suspensif et la règle est que le nouveau tarif produise ses effets avant l’entrée en force de la décision (c. 1.2). Il n’est pas vraisemblable que SUISA puisse continuer l’encaissement du TC 3a aux mêmes coûts que Billag SA actuellement (c. 2.1). Mais la reprise de l’encaissement par SUISA n’entrainera pas nécessairement des complications administratives. Le fait que le montant des redevances soit incertain jusqu’à chose jugée ne constitue pas un dommage difficile à réparer et l’incertitude ne peut être évitée par des mesures provisionnelles. D’éventuelles redevances versées en trop pourraient être compensées avec de futures créances tarifaires. Les coûts seraient semblables à ceux qu’occasionnerait une facturation après coup d’un surplus à réclamer aux utilisateurs. L’augmentation prévue par le nouveau tarif n’est pas d’une importance telle que des retards de paiement, des poursuites ou des licenciements soient à craindre. Il n’y a pas d’urgence, de dommage difficile à réparer ou d’intérêts prépondérants qui justifieraient de retarder l’entrée en vigueur du nouveau tarif. Les requêtes de mesures provisionnelles doivent donc être rejetées (c. 2.2). [VS]

24 août 2018

TFB, 24 août 2018, S2018_003 (f)

Action en cession d’une demande de brevet, mesures provisionnelles avant litispendance, mesures super-provisionnelles, vraisemblance, droit à la délivrance du brevet, invention de service, machine à café ; art. 3 al. 1 LBI, art. 29 al. 1 LBI, art. 332 al. 1 CO.

S’agissant de la prétention en cession d’une demande de brevet au sens de l’art. 29 al. 1 LBI, le demandeur, prétendu ayant droit, doit alléguer et, en cas de contestation, prouver : 1. Qui est l’inventeur de quel enseignement technique, 2. De quelle manière le droit à la délivrance du brevet pour cet enseignement technique a été transféré par l’inventeur au prétendu ayant droit, 3. Comment et quand l’enseignement technique en question a été porté à la connaissance de la déposante inscrite auprès de l’autorité d’enregistrement et 4. En quoi l’enseignement technique coïncide avec la demande de brevet litigieuse. Des allégations générales ne suffisent pas : il convient de décrire l’enseignement technique concret. Il appartient précisément au tribunal de déterminer la mesure dans laquelle l’enseignement technique de l’ayant droit et l’enseignement technique de la demande litigieuse correspondent (c. 8). Aux termes de l’art. 3 al. 1 LBI, le droit à la délivrance du brevet appartient à l’inventeur, à son ayant cause ou au tiers à qui l’invention appartient à un autre titre. L’inventeur est la personne physique à l’origine de la création technique constitutive d’une invention. Selon l’art. 332 al. 1 CO, les inventions que le travailleur a fait dans l’exercice de son activité au service de l’employeur et conformément à ses obligations contractuelles appartiennent à l’employeur, qu’elles puissent être protégées ou non. La titularité des droits sur de telles inventions, dites de service, dépend donc de la réalisation de deux conditions : 1. L’invention a été faite « dans l’exercice de son activité au service de l’employeur » et 2. L’invention (ou la participation à sa réalisation) a été faite par l’employé « conformément à ses obligations contractuelles ». Selon la jurisprudence, est décisive la question de savoir si le travailleur a l’obligation de mettre ses capacités inventives au service de son employeur (c. 9). Lorsque des employés sont engagés en tant qu’ingénieurs de développement, ils sont chargés de développer des innovations techniques. Que ces inventions aient été faites pendant les heures de travail à leur bureau ou après les heures de travail à leur domicile n’a pas d’importance tant que la réalisation des inventions faisait partie de leurs obligations contractuelles. Le développement litigieux a donc été réalisé dans l’exercice des activités des travailleurs au service de leur employeur (c. 42). Lorsque des employés sont chargés de mettre au point un système de production rapide de vapeur, le développement d’un dispositif de production d’eau chaude fait partie de leurs obligations contractuelles. En effet, tout système capable de produire de la vapeur produit nécessairement de l’eau chaude et les différences techniques entre un dispositif de production d’eau chaude et un dispositif de production de vapeur sont minimes. Le développement a donc in casu également été effectué conformément aux obligations contractuelles des deux employés. En vertu de l’art. 332 al. 1 CO, la demanderesse est ainsi l’ayant droit de l’invention ou des inventions revendiquées dans les revendications des demandes de brevet litigieuses et a par conséquent droit à ce que celles-ci lui soient partiellement transférées selon l’art. 29 al. 1 LBI (c. 44). [NT]

05 avril 2018

TFB, 5 avril 2018, S2018_002 (d) (mes. prov.)

sic! 10/2018, p. 565-566, « Valsartan / Amlodipin II » ; mesures provisionnelles, mesures superprovisionnelles, procédure ordinaire parallèle, urgence, droit d’être entendu ; art. 77 al. 1 lit. a LBI, art. 261 al. 1 CPC, art. 265 al. 1 CPC.

Pour obtenir une mesure superprovisionnelle, il faut, en sus de remplir les conditions requises pour les mesures provisionnelles, que le requérant se trouve dans une situation dans laquelle il lui est impossible d’attendre que la partie adverse ait été entendue. S’agissant d’une restriction sévère au droit fondamental d’être entendu, une telle mesure doit demeurer l’exception. Elle peut entrer en considération lorsqu’un effet de surprise est nécessaire ; lorsqu’un risque de récidive ou d’intensification de la violation se présente ; ou en en cas d’urgence temporelle particulière. Ce n’est que dans ce dernier cas que le tribunal examine si la demande n’a pas manifestement été déposée trop tard (c.5.). Un des critères est le temps généralement accordé par le juge à l’autre partie pour formuler ses observations. Si la partie requérante attend beaucoup plus longtemps, en l’espèce plus de deux mois après l’avis spécialisé (c. 7), il est difficile de conclure à une urgence particulière au sens de l’art. 265 CPC et la requête doit donc être rejetée (c. 5). Une situation ne devient par ailleurs pas particulièrement urgente du simple fait que la partie adverse n’est pas disponible pour avancer la tenue d’une audience dans une procédure parallèle en nullité de brevet ou qu’elle dépose des requêtes procédurales supplémentaires propres à prolonger la procédure (c.7). [CS-DK]

19 juillet 2019

TAF, 19 juillet 2019, B-3599/2019 (d)

« Tarif commun 5 » ; tarifs des sociétés de gestion, effet suspensif, mesures provisionnelles, urgence, mesures superprovisionnelles ; art. 55 al. 5 PA, art. 56 PA, art. 74 al. 2 LDA

Selon les art. 55 al. 5 PA et 74 al. 2 LDA, les recours contre l’approbation de tarifs n’ont aucun effet suspensif de par la loi. Cette règle a pour but d’éviter que de tels recours occasionnent des lacunes tarifaires. Le juge instructeur peut toutefois ordonner l’effet suspensif, d’office ou sur demande d’une partie (c. 1.2). En cas de requête de mesures superprovisionnelles, il faut mettre en balance l’intérêt du requérant à une protection juridique immédiate et celui de l’intimé à s’exprimer sur les arguments invoqués. Comme en procédure provisionnelle ordinaire, il faut peser les différents intérêts privés et publics. La situation à régler par la décision finale ne doit être ni préjugée, ni rendue impossible (c. 2.2). En l’espèce, la requérante fait valoir une certaine urgence, mais celle-ci ne paraît pas telle qu’il faille renoncer à entendre les parties intimées (c. 2.3). [VS]

08 février 2019

TFB, 8 février 2019, S2018_006 (d) (mes. prov)

Mesures provisionnelles, homme de métier, activité inventive, imitation, équivalence, urgence, approche « problème-solution », doctrine des équivalents; art. 69 (1) CBE 2000, Protocole interprétatif de l'art. 69 de la convention de brevet européen, art. 66 lit. a LBI.

Dans une procédure en contrefaçon, le demandeur est déchu de son droit aux mesures provisionnelles, si approximativement quatorze mois se sont écoulés depuis la date à laquelle il aurait pu introduire une demande en procédure ordinaire. Attendu que la durée moyenne d’une procédure ordinaire est de vingt-quatre mois et celle pour des mesures provisionnelles de huit à dix mois, dans la situation précitée, cette demande de mesures provisionnelles présente une « urgence relative » qui la rend donc caduque (c. 13). Les connaissances et les compétences de l’homme de métier doivent être déterminées en deux étapes. La première vise à définir le domaine d’expertise de l’invention à évaluer, la seconde à évaluer le niveau et l’étendue des connaissances et des compétences de l’homme de métier (c. 18). Ainsi, l’homme de métier constitué d’une équipe composée d’un micromécanicien spécialisé en horlogerie mécanique et d’un physicien spécialisé dans les techniques de microfabrication n’a pas de connaissances particulières en horlogerie électronique (c. 20). L’approche en trois phases problème-solution de l’OEB est systématiquement appliquée pour l’évaluation de l’activité inventive. La première phase détermine l’état de la technique le plus proche, la deuxième établit le problème technique objectif à résoudre, et la troisième examine si l’invention revendiquée, en partant de l’état de la technique le plus proche et du problème technique objectif, aurait été évidente pour l’homme du métier (c. 23). Le problème technique objectif doit être formulé de manière à être exempt de solutions techniques qui tendraient à imposer une approche rétrospective (c. 27). L’article 66 lit. a LBI 2e phrase stipule que l’imitation d’une invention brevetée, soit son utilisation par des moyens équivalents, constitue également une utilisation illicite. Les réponses à trois questions permettent de déterminer si une infraction par des moyens équivalents est réalisée : 1. La caractéristique modifiée, conjointement avec les autres caractéristiques techniques de la revendication, remplit-elle objectivement la même fonction que la caractéristique revendiquée ? 2. L’équivalence de la fonction est-elle, sur une base objective, évidente pour un homme du métier, compte tenu de l’enseignement du brevet, lorsque les caractéristiques sont échangées ? 3. La personne du métier conclut-elle, à la lecture objective du fascicule du brevet, que le titulaire du brevet a formulé la revendication - pour quelque raison que ce soit - de manière si restrictive qu’il renonce à la protection des équivalents ? Si les deux premières réponses obtiennent une réponse affirmative et la troisième une négative, alors l’infraction est consommée. Une renonciation à la protection des équivalents peut être présumée, si dans la description du brevet au moins deux modes de réalisation sont présentés pour obtenir les effets de l’invention, mais qu’il n’y en a qu’un seul dans les revendications (c. 34). [CS]

22 septembre 2020

TF, 22 septembre 2020, 4A_115/2020 (d)

Mesures provisionnelles, décision incidente, préjudice irréparable, droit d’être entendu, arbitraire, arbitraire dans la constatation des faits, droit d’auteur, programme d’ordinateur, concurrence déloyale, droit des obligations, contrat, recours rejeté ; art. 9 Cst., art. 29 Cst., art. 93 al. 1 lit. a LTF, art. 1 CO, art. 2 LDA, art. 5 LCD.

La demanderesse, alléguant l’utilisation et la transmission non autorisées de logiciels nouvellement développés, a demandé sans succès l’octroi de mesures provisionnelles. Un recours contre une décision rendue en matière de mesures provisionnelles, lorsqu’elle constitue une décision incidente, n’est recevable que si lesdites mesures peuvent causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 lit. a LTF). La réalisation de cette condition suppose que la partie recourante soit exposée à un préjudice de nature juridique, qu’une décision favorable ultérieure ne permettrait pas de faire disparaître. Les inconvénients de pur fait, tels que l’accroissement des frais de procédure ou la prolongation de celle-ci, ne sont pas considérés comme un préjudice irréparable de ce point de vue (c. 1.2). En l’espèce, c’est à juste titre que la plaignante affirme être exposée à un préjudice qui dépasse l’inconvénient de pur fait. Par sa demande de mesures provisionnelles, elle cherche notamment à prévenir la divulgation de secrets à des tiers, qui ne pourrait être empêchée par un jugement au principal qui lui serait favorable. Par ailleurs, en ce qui concerne les autres actes couverts par l’interdiction requise, le préjudice dont elle est concrètement menacée ne peut pas non plus être éliminé par une éventuelle décision future qui lui serait favorable, d’autant plus que les fonctions de programme du logiciel litigieux prétendument utilisées par le défendeur constituent les éléments d’un nouveau produit, pour lequel le chiffre d’affaire et le bénéfice sont inconnus. Il faut en outre partir du principe, avec la plaignante, que les motifs pour lesquels la clientèle pourrait être amenée à choisir des produits de la concurrence, élaborés en utilisant des composants logiciels protégés, sont peu susceptibles d'être démontrables. Dans ces circonstances, contrairement à l'opinion de la partie défenderesse, il ne faut pas s'attendre à ce que le préjudice dont la plaignante est menacée puisse être réparé par le versement de dommages et intérêts, par une réparation du tort moral ou par la remise du gain (c. 1.3). Relativement aux mesures provisionnelles qu’elle a requis en se fondant sur le droit d’auteur, sur le droit de la concurrence déloyale et sur le droit des contrats, la demanderesse invoque une violation par l’autorité inférieure de son droit d’être entendue (art. 29 al. 2 Cst.) et de l’interdiction de l’arbitraire (art. 9 Cst.). Aucune violation du droit d’être entendu ne peut être reprochée à l’instance inférieure (c. 4). Quant à l’arbitraire, il ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération, ou même qu’elle serait préférable, mais seulement du fait que la décision attaquée apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d’un droit certain. Il ne suffit en outre pas que les motifs de la décision soient insoutenables, mais il faut encore que celle-ci soit arbitraire dans son résultat (c. 5.1). Selon la demanderesse, l’autorité inférieure a violé de manière « flagrante et arbitraire » plusieurs dispositions de droit fédéral en considérant que, dans la demande de mesures provisionnelles, aucune violation du droit d’auteur n’a été rendue vraisemblable, au motif qu’elle n’a pas démontré les fonctions du programme qui auraient été copiées et la contribution personnelle créative de son employé. La demanderesse ne parvient pas à démontrer l’existence d’une violation de l’art. 9 Cst. : outre le fait qu'elle se fonde de manière irrecevable sur des éléments factuels relatifs au contexte technique de son logiciel et à l'effort de développement qui a été consenti, qui ne peuvent être déduits de la décision attaquée, elle se contente de présenter son avis juridique sur la protection des programmes d'ordinateur et des parties de programmes ainsi que son avis selon lequel son logiciel est protégé par le droit d'auteur. Elle ne peut démontrer que les considérations de la décision attaquée, selon lesquelles elle n’a ni expliqué le contenu des fonctions prétendument copiées, ni fait de déclarations quant à la contribution créative de son employé, sont arbitraires. Elle affirme avoir montré le contenu des fonctions du programme copiées, mais, dans sa demande de mesures provisionnelles, elle ne révèle pas le code du programme, mais se contente d’une brève description de son objectif, avec des mots-clés individuels. Du point de vue de l'arbitraire, l'objection de la juridiction inférieure selon laquelle la demande de mesures provisionnelles n'était pas suffisamment motivée ne peut pas être contestée. La demanderesse ne parvient pas non plus à démontrer une application anticonstitutionnelle de l’art. 2 LDA en soulignant que l’instance inférieure a elle-même, dans une décision en matière de mesures super-provisionnelles, initialement assumé la protection par le droit d’auteur des composants logiciels en question, l’instance inférieure n’étant bien entendue pas liée par cette décision (c. 5.2). Concernant ses prétentions reposant sur le droit de la concurrence déloyale, la demanderesse ne parvient pas non plus à démontrer une violation de l’interdiction de l’arbitraire. En alléguant une prétendue violation de l’art. 5 LCD, elle s’appuie sur des éléments de fait qui ne peuvent être déduits de la décision attaquée. Elle n’est pas non plus en mesure de démontrer que l’appréciation de l’instance précédente, selon laquelle les faits à l’origine de la demande n’ont pas été exposés de manière suffisamment étayée, est arbitraire (c. 5.3). La plaignante ne parvient pas non plus à démontrer une violation de l’interdiction d’arbitraire en ce qui concerne ses prétentions contractuelles (c. 5.4). Le recours est rejeté (c. 6). [SR]

02 mai 2019

TFB, 2 mai 2019, S2018_007 (d)

sic! 1/2020, p. 38-42, « Sägebletter » ; conditions de la protection du brevet, nouveauté en droit des brevets, revendication, interprétation de la revendication, homme de métier, état de la technique, divulgation antérieure, brevet européen, violation d’un brevet, caractéristiques de l’invention, description de l’invention, dessin, mesures provisionnelles, vraisemblance ; art. 69 al. 1 CBE 2000, art. 1 LBI, art. 7 al. 1 LBI, art. 7 al. 2 LBI, art. 51 al. 3 LBI, art. 77 LBI, art. 261 al. 1 CPC.

Les plaignantes, co-titulaires d’un brevet sur un outil destiné à être utilisé avec une machine, réclament le prononcé de mesures provisionnelles contre la défenderesse (c. 1), en invoquant une violation de la partie suisse de leur brevet européen (c. 7). Selon l’art. 77 LBI, en lien avec l’art. 261 al. 1 CPC, le juge doit ordonner les mesures provisionnelles nécessaires lorsque la partie requérante rend vraisemblable qu’une prétention dont elle est titulaire a été l’objet d’une atteinte ou risque de l’être (art. 261 al. 1 lit. a CPC) et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (art. 261 al. 1 lit. b CPC). Un fait allégué est vraisemblable lorsque certains éléments parlent en faveur de son existence, même si le tribunal tient encore pour possible qu’il ne se soit pas produit. Les exigences en matière de vraisemblance dépendent du caractère plus ou moins incisif des mesures requises. Si elles affectent gravement la partie adverse, les exigences sont plus élevées. Si à l’inverse les mesures l’affectent peu, notamment lorsqu’elles sont purement conservatoires, les exigences sont plus faibles (c. 8). L’homme du métier pour lequel l’activité inventive est évaluée n’est ni un expert du domaine technique dans lequel se pose le problème résolu par l’invention, ni un spécialiste disposant de connaissances exceptionnelles. Il ne connaît pas l’état de la technique dans son ensemble, mais il dispose de solides connaissances et compétences dans la branche en question, et est au bénéfice d’une bonne formation et d’une expérience suffisante et, ainsi, du bagage nécessaire pour aborder le domaine technique concerné. Ce personnage fictif est dépourvu d’intuition ou de capacité associative (c. 11). Les revendications doivent être interprétées du point de vue de l’homme du métier, à la lumière de la description et des dessins (art. 51 al. 3 LBI), ainsi que des connaissances techniques générales. Si le dossier de brevet ne définit pas un terme différemment, il faut présumer de la compréhension habituelle dans le domaine technique concerné. Les revendications doivent être interprétées de manière fonctionnelle, en ce sens qu’une caractéristique doit être interprétée de telle sorte qu’elle puisse remplir la fonction prévue. La revendication doit être lue de manière à ce que les modes de réalisation divulgués dans le brevet soient littéralement couverts. En outre, la formulation de la revendication ne doit pas être limitée à ces modes de réalisation si elle en couvre d’autres. Lorsque la jurisprudence fait référence à une « interprétation la plus large » des caractéristiques d'une revendication, la caractéristique doit toujours pouvoir remplir sa fonction dans le contexte de l’invention. La revendication ne doit ainsi, en principe, pas être interprétée de manière à inclure les modes de réalisation qui ne produiraient pas l’effet prévu par l’invention (c. 14). Une invention doit être nouvelle, en ce sens qu’elle ne doit pas être comprise dans l’état de la technique (art. 1 et 7 al. 1 LBI). L’état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt ou de priorité par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen (art. 7 al. 2 LBI). La nouveauté d’une invention n’est détruite que lorsque toutes ses caractéristiques ont été divulguées dans un seul document avant la date pertinente. L’existence d’une divulgation dans un document s’apprécie du point de vue de l’homme du métier concerné. Il faut pour ce faire prendre en compte ses connaissances et compétences à la date pertinente (date de dépôt ou de priorité) de l’invention à examiner. N’est considéré comme divulgué que ce qui est directement et clairement évident pour l’homme du métier sur la base du document pertinent. Cela comprend également les informations qui ne sont pas explicitement divulguées dans le document, mais qui le sont de manière implicite, compte tenu des connaissances et des compétences de l’homme du métier (c. 17). [SR]

05 mars 2020

TF, 5 mars 2020, 4A_453/2019 (d)

Etendue de la protection, interprétation de la revendication, revendication, description de l’invention, dessin, état de la technique, brevet européen, droit d’être entendu, arbitraire, mesures provisionnelles ; art. 69 CBE 2000, art. 9 Cst., art. 29 al. 2 Cst., art. 98 LTF, art. 51 LBI.

Le droit d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) exige que l’autorité entende effectivement les arguments des parties, qu’elle les examine et qu’elle en tienne compte dans sa propre décision. En outre, elle doit motiver sa décision, en indiquant au moins brièvement les considérations essentielles sur lesquelles elle s'est fondée. Par contre, il ne confère pas aux parties le droit d’être entendues sur leur appréciation juridique des faits qu’elles ont introduit dans la procédure. Le droit d’être entendu n’implique pas non plus que le juge doive aviser les parties à l’avance des faits sur lesquels il entend fonder sa décision. Il existe toutefois une exception à ce principe, lorsque le juge s’apprête à fonder sa décision sur un motif juridique dont les parties ne se sont pas prévalues et dont elles ne pouvaient raisonnablement supputer la pertinence (c. 4.1). L’arbitraire (art. 9 Cst.) ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution que celle retenue pourrait entrer en considération, ou même qu’elle serait préférable, mais uniquement du fait qu’une décision est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou encore qu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit manifestement insoutenable, mais il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (c. 5.1). Les recourantes ne parviennent à démontrer aucune violation arbitraire de l’art. 51 LBI ou de l’art. 69 CBE 2000, selon lesquels l’étendue de la protection conférée par le brevet européen est déterminée par les revendications, bien que les descriptions et les dessins soient aussi utilisés pour interpréter les revendications. Dans son appréciation de l'étendue de la protection du brevet en cause, l'instance inférieure est partie à juste titre du principe que la formulation des revendications constitue le point de départ de toute interprétation. Conformément aux normes précitées, elle a utilisé la description et les dessins. Comme les recourantes elles-mêmes l’admettent, la formulation de la caractéristique 6.1 de la revendication 1 du brevet européen en cause peut être interprétée de deux manières différentes. Contrairement à ce qu’elles affirment, une interprétation tenant compte de la description et des dessins n’a pas non plus permis d’aboutir à un résultat clair. L’instance précédente est seulement partie du principe que la description fournissait certaines indications étayant la compréhension des recourantes. Le fait qu’elle n’en soit pas restée là, mais qu’elle ait continué à examiner si la compréhension des recourantes était compatible avec une interprétation cohérente des revendications, en tenant compte des autres revendications (dépendantes), n’est pas arbitraire. Au contraire, les revendications dépendantes peuvent également fournir des indications pour la compréhension de la revendication interprétée. En outre, il ne faut pas perdre de vue que les connaissances techniques générales constituent également un moyen d’interprétation. On ne peut reprocher à l’instance précédente d’avoir agi de manière arbitraire en examinant si l'interprétation de la revendication 1 proposée par les recourantes, qui permettait d'éviter une incohérence entre la revendication 1 et la revendication 4, était techniquement pertinente en donnant aux caractéristiques un sens leur permettant de remplir la fonction qui leur est destinée dans le cadre de l'invention. Le reproche selon lequel l'instance précédente aurait pour ainsi dire « chamboulé » les règles d’interprétation faisant foi est tout aussi infondé que celui selon lequel elle aurait méconnu de manière flagrante le principe d’interprétation reconnu selon lequel le titulaire du brevet supporte le risque d'une définition inexacte, incomplète ou contradictoire. Elles ne démontrent pas non plus le caractère arbitraire de l’interprétation de l’instance précédente de la caractéristique 6.1, pas plus qu’elles ne parviennent à prouver que diverses prémisses juridiques et factuelles sur lesquelles l’instance précédente aurait fondé son « interprétation erronée » seraient infondées. Dans le passage qu’elles critiquent, l’instance précédente fait simplement référence à l’interprétation de la revendication 1 proposée par les recourantes, qui éviterait l’incohérence entre les revendications 1 et 4. La question de savoir si les considérations de l'instance précédente concernant la délimitation des deux revendications sont correctes, ou s’il faut plutôt suivre l’avis des recourantes concernant leur interprétation ne peut être examinée librement dans le cadre d’un recours contre une décision portant sur des mesures provisionnelles (art. 98 LTF). En tout état de cause, les considérations qu’émettent les recourantes ne laissent pas apparaître que l’interprétation faite par l’instance précédente de la revendication 1, qui est également couverte par le texte de la revendication, soit manifestement incorrecte (c. 5.2). Le recours est rejeté (c. 6). [SR]

10 septembre 2019

TAF, 10 septembre 2019, B-3599/2019 (d)

« Tarif commun 5 » ; tarifs des sociétés de gestion, effet suspensif, pesée d’intérêts, mesures provisionnelles; art. 55 PA, art. 56 PA, art. 74 al. 2 LDA.

Les recours contre les décisions de la CAF n’ont un effet suspensif que si le juge instructeur du TAF l’ordonne. Pour décider, il faut peser les différents intérêts privés et publics en jeu. Le juge doit se prononcer sur la base d’un examen sommaire et provisoire, sans faire de recherches fastidieuses allant au-delà du but à atteindre. La situation à régler par la décision finale ne doit être ni préjugée, ni rendue impossible. Les pronostics sur l’issue de la procédure ne peuvent être pris en compte que s’ils sont clairs (c. 1). En l’espèce, il faudra déterminer si le nouveau tarif est conforme à la loi. Le recours n’apparaît ni manifestement infondé, ni manifestement bien fondé et aucun pronostic clair sur son sort ne peut être fait à ce stade. Il faut donc peser les différents intérêts en présence (c. 2). Sur la base d’un examen sommaire, les coûts et le travail de mise en œuvre du nouveau tarif apparaissent importants mais supportables pour les utilisateurs. Ceux-ci seraient d’ailleurs plus fortement atteints si les sociétés de gestion, en cas de gain de la procédure, devaient leur réclamer un supplément basé sur le nouveau tarif. L’application immédiate de ce dernier facilitera aussi le remboursement de l’indû si le recours devait être admis et elle évitera aux utilisateurs de devoir constituer des provisions difficiles à calculer. La recourante ne peut pas être suivie lorsqu’elle prétend qu’un encaissement provisoire doit être empêché en cas d’incertitudes sur l’admissibilité, la base légale ou le niveau d’un tarif. Il faut s’accommoder d’un éventuel examen parallèle du tarif par le juge civil. Comme la pesée des intérêts ne fait pas pencher la balance manifestement en faveur de l’une ou l’autre des parties, il faut s’en tenir à la solution de l’art. 74 al. 2 LDA et refuser l’effet suspensif (c. 4.1). Des mesures provisionnelles au sens de l’art. 56 PA doivent être justifiées par un intérêt privé ou public prépondérant et respecter le principe de la proportionnalité. De plus, il doit s’avérer nécessaire de les prendre immédiatement (c. 5.2). Le simple fait que la mise en œuvre de l’ancien tarif était claire ne justifie pas des mesures provisionnelles pour maintenir l’état de fait existant. En outre, les difficultés liées à l’application du nouveau tarif ne sont pas telles, selon un examen sommaire, qu’elles nécessiteraient de prolonger l’ancien tarif de manière provisionnelle. On peut au surplus renvoyer aux considérants concernant l’effet suspensif (c. 5.3). [VS]