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21 février 2014

TF, 21 février 2014, 4A_594/2013 (f) (mes.prov.)

Mesures provisionnelles, marque verbale, service(s) publicitaires, service(s) de gestion d’affaires commerciales, travaux de bureau, raison de commerce, nom de domaine, instance cantonale unique, décision incidente, préjudice irréparable, préjudice difficilement réparable, dilution de la marque, recours en matière civile, arbitraire ; art. 9 Cst., art. 93 al. 1 lit. a LTF, art. 261 al. 1 lit. b LTF, art. 5 al. 1 lit. a CPC, art. 5 al. 2 CPC.

Les décisions en matière de mesures provisionnelles sont incidentes, aux termes de l’art. 93 al. 1 LTF, lorsque l’effet des mesures en cause est limité à la durée d’un procès en cours ou à entreprendre, dans un délai qui lui est imparti, par la partie requérante. En conséquence, la recevabilité d’un recours en matière civile suppose que la décision soit de nature à causer un préjudice irréparable aux termes de l’art. 93 al. 1 lit. a LTF. Selon la jurisprudence relative à ladite exigence, un préjudice irréparable n’est réalisé que lorsque la partie recourante subit un dommage qu’une décision favorable sur le fond ne fera pas disparaître complètement; il faut en outre un dommage de nature juridique, tandis qu’un inconvénient seulement matériel, résultant par exemple d’un accroissement de la durée et des frais de procédure, est insuffisant. Il incombe à la partie recourante d’indiquer de manière détaillée en quoi elle se trouve menacée d’un préjudice juridique irréparable par la décision de mesures provisionnelles qu’elle conteste ; à défaut, le recours est irrecevable. La jurisprudence actuelle n’admet plus qu’une décision en matière de mesures provisionnelles entraîne de par sa nature un préjudice juridique irréparable; elle exige au contraire que la partie recourante fournisse des indications topiques sur ce point (c. 4), ceci que la décision attaquée accorde ou refuse les mesures provisionnelles requises (c. 5). La simple déclaration que l’usage abusif d’une marque par un tiers entraînerait sa dilution ne suffit pas à montrer en quoi le recourant se trouve censément menacé par la décision de refus des mesures provisionnelles sollicitées, d’un préjudice juridique irréparable. Alors que la défenderesse avait probablement exercé une activité dans le domaine de la publicité depuis son inscription au registre du commerce en 2005, le recourant n’est pas intervenu, sinon par quelques lettres de protestation en 2010 et au début de 2011, et il n’a entrepris d’aller en justice que le 6 août 2013. Il a ainsi toléré une situation prétendument contraire à ses droits durant plusieurs années. Il en découle que même dans l’éventualité où cette situation se prolongerait durant le procès à entreprendre par le recourant, celui-ci n’en subirait pas de préjudice difficilement réparable aux termes de l’art. 261 al. 1 lit. b CPC. Le recours est rejeté. [NT]

03 octobre 2014

HG ZH, 3 octobre 2014, HE14094 (d) (mes. prov.)

Mesures provisoires, vraisemblance, moyens de preuve, preuve, violation du droit à la marque, contrat de licence, signe appartenant au domaine public, besoin de libre disposition, imposition par l’usage, imposition comme marque, radio ; art. 3 al. 1 lit. a LPM, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 11 LPM, art. 12 LPM, art. 59 lit. d LPM, art. 3 al. 1 lit. d LCD, art. 9 al. 1 lit. b LCD, art. 261 CPC.

Suite à l'échec des discussions pour le renouvellement d’un contrat de licence, la défenderesse a changé de marque. L’ancienne marque licenciée est demeurée visible sur le site internet de la défenderesse durant quelques jours, ainsi que sur une protection de micro, lors de la Street Parade, par l’erreur de l’un de ses apprentis. Ces éléments ne suffisent pas à rendre vraisemblable le risque de trouble du droit à la marque de la demanderesse au sens de l’art. 3 al. 1 lit. a LPM (c. 4.2). Il n’y a pas de besoin de libre disposition pour les chiffres 87.5 à 108 pour des émissions de radio. Il n’est pas contesté que le chiffre « 105 » appartient au domaine public. La demanderesse ne parvient pas à établir que sa marque se serait imposée par l’usage, de sorte qu’elle ne peut pas se prévaloir de l’art. 3 al. 1 lit. c LPM (c. 4.3). Afin de bénéficier de la protection offerte par l’art. 3 al. 1 lit. d LCD, le titulaire d’un signe originairement non distinctif doit établir une imposition par l’usage, qui, contrairement à ce qui est requis dans le cadre du droit des marques, peut être uniquement local. Or la demanderesse ne parvient pas à établir cette imposition par l’usage, même sur le plan local. De plus, la défenderesse possède bien un intérêt digne de protection à utiliser le chiffre « 105 », puisqu’elle émet (également) sur cette fréquence (c. 4.4). À défaut de vraisemblance d'une violation du droit à la marque ou d'un comportement déloyal de la défenderesse, les mesures provisionnelles demandées par la demanderesse sont rejetées (c. 4.5). [AC]

CPC (RS 272)

- Art. 261

LCD (RS 241)

- Art. 3

-- al. 1 lit. d

- Art. 9

-- al. 1 lit. b

LPM (RS 232.11)

- Art. 59

-- lit. d

- Art. 12

- Art. 3

-- al. 1 lit. a

-- al. 1 lit. c

- Art. 11

02 juin 2014

OG SO, 2 juin 2014, ZKEIV.2014.1 (d)

Frais et dépens, mesures provisionnelles.
Après avoir obtenu l’octroi de mesures provisionnelles contre la défenderesse, la demanderesse a renoncé à ouvrir action au fond, dans l’espoir que le jugement rendu aurait fait prendre conscience à la défenderesse de l’illicéité de son comportement. Le jugement rendu en procédure sommaire mettait provisoirement les frais à la charge de la demanderesse et prévoyait un partage des dépens. La demanderesse requiert qu’une décision soit prise sur ce point. Dans le cas d’espèce, par l’octroi de mesures provisionnelles, la demanderesse a obtenu entièrement et durablement gain de cause, la défenderesse ayant été découragée de poursuivre ses agissements. Il est tout à fait compréhensible qu’elle ait renoncé à ouvrir action au fond, et il ne se justifie pas de la contraindre à mener un procès ordinaire pour éclaircir la question de la répartition des frais et dépens. Ces derniers doivent donc être supportés par la défenderesse (c. 4.5). [SR]

22 janvier 2014

AG BS, 22 janvier 2014, ZK.2014.3 (AG.2014.98) (d) (mes.prov.)

Conditions de la protection du design, mesures provisionnelles, instance cantonale unique, internationalité, for, droit international privé, urgence, délai de péremption, nouveauté en droit des designs, originalité en droit des designs, élément caractéristique essentiel, impression générale, souvenir à court terme, caractère techniquement nécessaire, besoin de libre disposition, étendue de la protection, charnière, parois de douche ; art. 2 LDes, art. 4 lit. c LDes, art. 8 LDes, art. 21 LDes, art. 29 LDes, art. 5 al. 1 lit. a CPC, art. 5 al. 2 CPC, art. 261 al. 1 CPC, art. 10 LDIP, art. 109 al. 2 LDIP.

L’instance cantonale unique compétente en vertu de l’art. 5 al. 1 lit. a CPC pour connaître des litiges portant sur des droits de propriété intellectuelle, y compris en matière de nullité, de titularité, de licence, de transfert et de violation de ces droits, l’est aussi selon l’art. 5 al. 2 CPC pour statuer sur les mesures provisionnelles requises avant litispendance (c. 1.1). Selon l’art. 10 LDIP, sont compétents pour prononcer des mesures provisoires les tribunaux ou les autorités suisses qui sont compétents au fond (lit. a), ou les tribunaux ou les autorités suisses du lieu d’exécution de la mesure (lit. b). La demanderesse fait valoir une violation de droits de propriété intellectuelle pour laquelle la compétence internationale est déterminée par l’art. 109 al. 2 LDIP. Les actions portant sur la violation de droits de propriété intellectuelle peuvent ainsi être intentées devant les tribunaux suisses du domicile du demandeur, ou à défaut ceux du lieu de l’acte ou du résultat. Pour les charnières de cloisons de douche qui seront effectivement présentées dans le cadre de l’exposition internationale Swissbau se tenant à Bâle (et pour celles-là uniquement), Bâle est bien un lieu de résultat fondant la compétence à raison du lieu des tribunaux bâlois (c. 1.2). Pour que des mesures provisionnelles puissent être ordonnées dans le cadre de l’art. 261 al. 1 CPC, il est nécessaire de rendre vraisemblable l’existence d’une prétention de nature civile fondée sur le droit civil matériel, que cette prétention est l’objet d’une atteinte ou risque de l’être et que cette atteinte causerait un préjudice difficilement réparable au titulaire de la prétention. L’art. 261 CPC ne mentionne pas explicitement l’exigence d’une urgence temporelle, ni non plus celle de proportionnalité, les mesures prises ne devant pas aller plus loin que ce qui est nécessaire à la protection de la prétention rendue vraisemblable (c. 2). Il y a urgence lorsque la procédure ordinaire (jusqu’à la décision de l’autorité de dernière instance dans la mesure où un recours est doté d’effet suspensif) durerait clairement plus longtemps que la procédure sur mesures provisionnelles. Les mesures provisionnelles supposent ainsi l’existence d’une urgence relative, les mesures superprovisionnelles, elles, une urgence particulière. Le fait pour un demandeur d’avoir traîné ou attendu pour agir ne conduit en principe au rejet de la requête que si des mesures superprovisionnelles sont demandées. Des mesures provisionnelles peuvent-elles être requises tant et aussi longtemps que demeure le risque que la prétention ne puisse plus être exécutée à temps ou complètement, notamment lorsque de nouvelles atteintes sont à craindre. La passivité n’est assimilée, en lien avec des mesures provisionnelles, à une attente constitutive d’abus de droit, qu’après un temps extrêmement long. Un délai, comme en l’espèce de quelques mois (3-4 mois), ne suffit pas à lever l’urgence relative des mesures provisionnelles, et ne saurait être assimilé à une attente constitutive d’abus de droit (c. 3.2). Pour déterminer l’originalité des charnières pour parois de douche concernées, il convient de comparer l’impression d’ensemble qu’elles dégagent de celle résultant pour leurs acquéreurs potentiels des éléments caractéristiques essentiels des charnières préexistantes (c. 4.3). L’exigence d’originalité implique que le design considéré se différencie par l’impression d’ensemble qu’il suscite de manière objective de ce qui était déjà connu. Un design nouveau et original peut tout à fait être banal s’il se distingue du point de vue de son impression d’ensemble, soit par des éléments caractéristiques essentiels, clairement de ce qui préexistait. La Cour considère que tel est le cas pour la charnière pour paroi de douche de la demanderesse dont elle admet à la foi l’originalité et la nouveauté (c. 4.3.2). Pour que la protection du droit du design entre en ligne de compte, il faut aussi que la forme choisie ne soit pas exclusivement conditionnée par la technique. Le besoin de libre disposition doit ainsi être pris en compte et découle de l’absence de liberté dans la détermination des formes retenues. Le droit exclusif découlant d’un enregistrement de design ne peut et ne doit limiter la concurrence dans le choix de la forme de ses produits que dans la mesure où la forme enregistrée n’est pas la simple expression du but utilitaire recherché et dictée par la fonctionnalité de l’objet de telle façon qu’il ne subsiste aucune liberté de création pour atteindre l’effet technique voulu. Un besoin général de libre disposition doit être nié tant qu’il existe des solutions alternatives permettant d’atteindre le même effet technique. L’existence de formes alternatives suffit pour justifier la protection du design. Des charnières de parois de douche peuvent revêtir une multitude de formes différentes, lesquelles ne sont dès lors pas exclusivement imposées par leur fonction au sens de l’art. 4 lit. c LDes (c. 4.4). Les exigences en matière d’examen de l’originalité au sens de l’art. 2 LDes sont les mêmes que celles concernant la détermination du champ de protection au sens de l’art. 8 LDes. L’impression d’ensemble de l’utilisateur intéressé est ainsi à nouveau déterminante. Il ne s’agit pas de procéder à une comparaison simultanée des designs en cause pour mettre en évidence des ressemblances ou des différences de détail. Le juge doit se concentrer sur les éléments caractéristiques essentiels qui déterminent l’impression d’ensemble et les apprécier en fonction de sa conception propre. De simples différences de détail ne suffisent pas pour que les designs puissent coexister. C’est en fonction du souvenir à court terme que l’acquéreur potentiel conserve des charnières concernées qu’il doit être tranché. La Cour considère que les charnières de la défenderesse reprennent justement l’élément caractéristique essentiel de celles de la demanderesse. La différence de quelques millimètres dans la mesure de la fente des charnières ne modifie pas l’impression d’ensemble qui en résulte. Il en va de même pour les autres détails dans les proportions et la forme des différents éléments constitutifs des charnières, qui ne peuvent être relevés qu’après une comparaison attentive et simultanée des produits, et ne sont pas susceptibles de demeurer dans le souvenir que l’acquéreur potentiel gardera à court terme des deux charnières (c. 5.4). [NT]

Charnière de douche
Charnière de douche

26 septembre 2013

AG BS, 26 septembre 2013, ZK.2013.8 (d) (mes. prov.)

Mesures provisionnelles, mesures superprovisionnelles, action en interdiction, préjudice irréparable, vraisemblance, droit du design, conditions de la protection du design, nouveauté, originalité, motifs d’exclusion en droit du design, forme techniquement nécessaire, similarité des designs, impression générale, lampes, LED ; art. 2 LDes, art. 4 lit. c LDes, art. 8 LDes, art. 38 LDes, art. 239 al. 1 lit. b CPC, art. 252 al. 2 CPC, art. 261 al. 1 CPC.

Selon l’art. 252 al. 2 CPC, dans les cas urgents (in casu durant une foire d’exposition), une requête en mesures superprovisionnelles peut être dictée au procès-verbal au tribunal. Lorsqu’il lui a communiqué sa décision, le tribunal a invité, en même temps, la défenderesse à prendre position par écrit. Puis, quelques jours plus tard (7 jours), il lui a transmis, par courrier électronique, une copie du procès-verbal rédigé à la main lors de l’audience de mesures superprovisionnelles. Cette procédure respecte l’art. 265 al. 2 CPC (c. 2.2). La décision sur requête en mesures superprovisionnelles peut être communiquée aux parties sans motivation, si le dispositif de la décision est notifié par écrit (art. 239 al. 1 lit. b CPC) (c. 2.3). Depuis l’introduction du CPC, l’art. 38 LDes ne détermine plus les conditions d’octroi des mesures provisionnelles (art. 261 al. 1 CPC), mais uniquement les conclusions que ces dites mesures permettent de formuler en droit du design (c. 3). Les conditions de protection du design enregistré par la demanderesse semblent remplies. Il ne paraît pas y avoir de motifs d’exclusion (c. 4.3.3). L’impression d’ensemble qui se dégage de plusieurs lampes commercialisées par la défenderesse est similaire au design de la demanderesse. La défenderesse semble donc violer le design de la demanderesse (c. 4.4.2). Compte tenu de ce qui précède, sur la base de critères objectifs, il est vraisemblable que les prétentions de la demanderesse découlant de son design soient l’objet d’une atteinte ou risque de l’être. Il n’est pas contesté que la perte de part de marché ou la perte de gains représentent un préjudice difficile à réparer. Il n’est pas non plus contesté que les conditions de l’urgence et de la proportionnalité sont données. La demande est partiellement admise. La défenderesse est interdite de fabriquer et de mettre en circulation plusieurs modèles de lampes (c. 4.6). [AC]

27 février 2014

TFB, 27 février 2014, S2014_002 (d) (mes. prov.)

Mesures superprovisionnelles, mesures provisionnelles, certificat complémentaire de protection, médicament, médicament générique, questionnaire de besoins, préjudice difficilement réparable, générique, violation d’un brevet ; art. 27 LTFB, art. 8 LBI, art. 77 LBI, art. 140d LBI, art. 261 al. 1 CPC, art. 265 al. 1 CPC.

Quatre mois environ avant l’échéance d’un certificat complémentaire de protection pour un médicament de traitement de la dépression, les titulaires apprennent qu’un concurrent (supposément la défenderesse) approche les médecins et les pharmaciens pour leur soumettre un questionnaire de besoins. Le texte du questionnaire explique que le brevet arrivera prochainement à échéance et que le renvoi du questionnaire permettrait d’adapter les stocks de produits génériques en vue d’assurer une continuité dans les livraisons. Le produit protégé n’était pas directement proposé à la vente. Statuant sur mesures superprovisionnelles, le TFB reconnaît la vraisemblance d’une atteinte au brevet des recourantes, en particulier le caractère difficilement réparable de l’atteinte. La remise d’un questionnaire de besoins à des professionnels de la santé mentionnant expressément l’échéance prochaine de la protection d’un médicament et qui vise de manière évidente la remise d’un générique constitue en effet une violation de la protection du droit des brevets (art. 140d LBI en lien avec art. 8 LBI). Afin d’obtenir le prononcé de mesures superprovisionnelles ou provisionnelles, il faut au surplus rendre vraisemblable que le générique mentionné dans le questionnaire contrevient à la protection du certificat complémentaire de protection (c. 4), condition remplie en l’espèce. L’existence de doutes sur l’auteur du questionnaire n’est pas propre à remettre en cause l’interdiction faite à la défenderesse de distribuer le questionnaire. [FE]

31 mars 2014

TFB, 31 mars 2014, S2014_003 (d) (mes. prov.)

sic! 10/2014, p. 641-642, « Selektiver Serotonin-Wiederaufnahmehemmer » ; certificat complémentaire de protection, durée de protection du certificat complémentaire de protection, urgence, brevet, violation d’un brevet, médicament générique, offre de médicaments génériques, mesures superprovisionnelles ; art. 8 LBI, art. 77 LBI, art. 140d al. 1 LBI, art. 98 CPC, art. 261 al. 1 CPC, art. 265 al. 1 CPC.

Les demanderesses sont titulaires de la partie suisse d’un brevet européen de base ainsi que d’un certificat complémentaire de protection (CCP) enregistré en Suisse qui protège la préparation originale d’une substance médicale. Bien que la période de protection du CCP ne soit pas encore écoulée, la défenderesse, titulaire de deux médicaments génériques contenant comme unique substance médicale celle protégée par le CCP, fait de la publicité pour ses médicaments génériques et enregistre des commandes. Les demanderesses introduisent une action devant le TFB et réclament des mesures superprovisionnelles à l’encontre de la défenderesse. Les mesures demandées sont notamment l’interdiction de l’offre et de la commercialisation des médicaments génériques ainsi qu’une réparation financière pour le préjudice subi (c. 2). Selon le TFB, il est rendu vraisemblable que l’offre des médicaments génériques de la défenderesse porte atteinte au CCP des demanderesses. En effet, elle constitue une violation de brevet selon l’art. 140d LBI et l’art. 8 LBI, car les produits des demanderesses doivent être protégés contre toute violation pendant la durée de protection du CCP. Le TFB considère qu’il y a également violation du brevet lorsque la livraison consécutive à une offre faite pendant la période de protection du CCP a lieu après la fin de cette période. En l’espèce, il est rendu vraisemblable que le comportement de la défenderesse a causé un préjudice aux demanderesses qui ne cesse de s’aggraver jour après jour. Par conséquent, les conditions pour octroyer des mesures superprovisionnelles sont remplies, le préjudice étant rendu vraisemblable et le caractère d’urgence démontré (c. 4). [CB]

30 août 2013

TFB, 30 août 2013, S2013_008 (d) (mes.prov.)

sic! 3/2014, p. 160-162, « Muffenautomat » ; secret de fabrication ou d’affaires, Tribunal fédéral des brevets, mesures provisionnelles, violation d’un brevet, description à des fins de renseignements, procédé de fabrication, description d’un procédé de fabrication, participation à la description, avocat, conseils en brevets, devoir de discrétion, manchon ; art. 77 LBI, art. 158 CPC, art. 261 al. 1 CPC, art. 292 CP; cf. N 755 (vol. 2012- 2013 ; TFB, 14 juin 2012, S2012_007) et N 932 (TFB, 11 juillet 2014, S2013_011 ; sic! 1/2015, p. 54-57, « Muffenautomat II »).

Bien qu’il soit possible d’interdire à la demanderesse de participer à l’établissement de la description précise du procédé de fabrication de manchons si cette description implique la divulgation de secrets d’affaires, l’avocat et le conseil en brevets de la demanderesse peuvent participer à l’établissement de la description. L’avocat et le conseil en brevets de la demanderesse peuvent également recourir aux services d’un technicien indépendant si cela s’avère être nécessaire pour la description (c. 7-8). Le technicien est lui aussi soumis au devoir de discrétion. La description est directement faite sur place, imprimée, présentée à la défenderesse et à l’avocat de la demanderesse pour contrôle de son exactitude et de son intégralité ainsi que pour signature (c. 7). Comme l’énonce l’art. 77 al. 5 LBI, le tribunal envoie ensuite la description pour commentaire à la défenderesse. Celle-ci bénéfice d’un délai fixé par le tribunal pour indiquer d’éventuels secrets d’affaires figurant dans la description et qui ne doivent pas être divulgués à la demanderesse (c. 8). Le devoir de discrétion prend fin avec la notification de la description à la demanderesse, mais perdure pour les informations contenues dans la description et qui n’ont pas été communiquées à la demanderesse. La violation du devoir de discrétion est sanctionnée selon l’art. 292 CP (insoumission à une décision de l’autorité) par une amende (c. 7). [CB]

12 mai 2014

TFB, 12 mai 2014, S2013_003 (d) (mes. prov.)

Mesures provisionnelles, violation d’un brevet, vraisemblance, atteinte, risque d’atteinte, risque de récidive, principe de la proportionnalité, intérêt pour agir, déclaration d’abstention inconditionnelle et non équivoque, demande sans objet, conditions de la protection du brevet, approche « problème-solution », répartition des frais de procédure, préjudice difficilement réparable, urgence, Tribunal fédéral des brevets, produits pharmaceutiques ; art. 107 al. 1 lit. e CPC, art. 261 al. 1 CPC ; cf. N 940 (TF, 15 décembre 2014, 4A_362/2014) et N 931 (TFB, 12 mai 2014, S2013_004).

Selon l’art. 261 al. 1 CPC, le tribunal ordonne les mesures provisionnelles lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être (lit. a) et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (lit. b). Pour que la vraisemblance soit donnée, le juge n’a pas besoin d’être totalement convaincu de la véracité de l’allégation ; il suffit qu’il la considère globalement comme vraie, même si tout doute n’est pas écarté. Il suffira également à la partie adverse de rendre vraisemblables les objections et les exceptions qu’elle soulève. Enfin, une certaine urgence doit être donnée et la mesure provisionnelle requise doit être proportionnée (c. 4.1). L’intérêt juridique protégé à une demande en interdiction n’existe que si un dommage menace, c’est-à-dire que le comportement de la défenderesse laisse présager sérieusement une violation future du droit. Un indice d’une telle violation future peut résulter du fait que de telles violations ont déjà eu lieu par le passé et qu’une répétition est à craindre. On peut généralement admettre un tel risque de répétition lorsque le contrevenant conteste l’illégalité de son comportement. Tel peut être le cas lorsque le contrevenant, au vu d’un procès à venir, a mis fin au comportement contesté, mais cherche à le justifier dans la procédure. Il s’agit là d’une présomption réfragable. Le risque de répétition n’est cependant pas donné lorsque le défendeur a signé une déclaration d’abstention inconditionnelle et non équivoque et que cette dernière n’apparaît pas comme une simple manœuvre procédurale. Tel est le cas en l’espèce (c. 4.2 et 4.3). Les acheteurs des médicaments concernés ne peuvent pas être astreints à restituer les produits achetés. Une injonction visant à rappeler les médicaments ne permet pas d’atteindre le but visé et doit être considérée comme disproportionnée (c. 4.4). La procédure étant devenue sans objet, les frais sont à répartir selon la libre appréciation du tribunal (art. 107 al. 1 lit. e CPC). Il sera tenu compte du fait de savoir quelle partie a donné lieu à la plainte, quelle était l’issue probable du procès, quelle est la partie responsable du fait que la procédure est devenue sans objet et quelle partie a causé des frais sans raison. Dans un cas tel qu’en l’espèce, où la défenderesse a émis une déclaration de cessation uniquement après que l’instance ait été saisie, c’est elle qui a rendu la procédure sans objet (c. 5.2). Est également déterminante la question de savoir si la défenderesse a causé l’introduction de la procédure. Tel est le cas lorsque la validité et la violation d’un brevet sont retenues par le juge. L’examen de l’activité inventive se fera selon l’approche problème-solution, selon laquelle sera d’abord déterminé l’état de la technique le plus proche, puis le problème technique objectif à résoudre puis, enfin si l’invention revendiquée, en partant de l’état de la technique le plus proche et du problème technique objectif, non seulement aurait pu être obtenue par l’homme de métier, mais aurait pu l’être sans autre (c. 5.3). Un préjudice peut s’avérer difficilement réparable en particulier si un dommage matériel ne peut plus être déterminé ou mesuré, respectivement s’il ne peut plus être réparé (c. 5.10). Pour ce qui est de l’urgence, un délai de cinq mois entre la saisie d’un produit et le dépôt d’une demande de mesure provisionnelle n’est pas considéré comme exagéré dans le domaine des brevets ; en effet, les recherches juridiques préalables et la rédaction d’un mémoire dans les litiges relatifs aux brevets nécessitent la plupart du temps un effort important (c. 5.11). [DK]

12 mai 2014

TFB, 12 mai 2014, S2013_004 (d) (mes. prov.)

Mesures provisionnelles, urgence, principe de la proportionnalité, violation d’un brevet, action en cessation, médicament générique, maladie digestive, vraisemblance, Tribunal fédéral des brevets, juge suppléant de formation technique, préjudice difficilement réparable, produits pharmaceutiques, Office européen des brevets ; art. 183 al. 3 CPC, art. 261 al. 1 CPC, art. 292 CP ; cf. N 930 (TFB, 12 mai 2014, S2013_003) et N 940 (TF, 15 décembre 2014, 4A_362/2014).

Selon l’art. 261 al. 1 CPC, le tribunal ordonne l'octroi de mesures provisionnelles lorsque le demandeur rend vraisemblable qu’une prétention dont il est titulaire réunit les deux conditions suivantes : cette prétention est l’objet d’une atteinte ou risque de l’être ; cette atteinte peut causer au demandeur un préjudice difficilement réparable. Le tribunal ajoute à ces critères les conditions d’urgence et de proportionnalité de la mesure requise (c. 4.1). En l’espèce, le demandeur, une société pharmaceutique, soutient que le défendeur doit cesser de mettre en circulation des médicaments génériques, utilisés pour traiter certaines maladies digestives, car ils violeraient le brevet européen, protégé en Suisse, dont il est le titulaire (c. 3.2). Ce brevet, dans un premier temps révoqué par la division d’opposition de l’OEB, a ensuite été reconnu valable par une des Chambres de recours de cet office, l’affaire étant pendante devant la Grande Chambre de recours de l’OEB à la date du présent arrêt (c. 3.3 et 4.2). Suite à la décision rendue par la Chambre de recours de l’OEB, le défendeur prétend avoir cessé de distribuer les médicaments litigieux et avoir modifié la composition de ses médicaments. L’analyse des médicaments modifiés, réalisée par le demandeur pour démontrer la violation de son brevet, est contestée par le défendeur. Selon le tribunal, des doutes existent quant à l’arrêt de la distribution des médicaments litigieux, car le défendeur continue de contester toute violation du brevet dont le demandeur est titulaire (c. 4.3). Le tribunal, qui se fonde sur l’expertise du juge suppléant de formation technique (art. 183 al. 3 CPC), considère que le brevet du demandeur est valable (c. 4.4) et qu’il s’agit d’un cas de violation du brevet, le défendeur n’ayant pas rendu vraisemblable la nullité du brevet (c. 4.6). Le tribunal constate l’existence d’un préjudice difficilement réparable, l’urgence (c. 4.7 et 4.8) et ordonne l'octroi de mesures provisionnelles. Le tribunal interdit au défendeur, jusqu’à l’expiration de la période de protection du brevet dont le demandeur est titulaire, d’importer lui-même ou de faire importer par des tiers les médicaments litigieux, de les stocker, de les vendre ou de les faire distribuer sur le marché suisse. Le tribunal ordonne également le rappel des médicaments litigieux. [CB]

11 juillet 2014

TFB, 11 juillet 2014, S2013_011 (d) (mes. prov.)

sic! 1/2015, p. 54-57, « Muffenautomat II » ; mesures provisionnelles, mesures superprovisionnelles, compétence internationale, convention internationale, droit international, brevet européen, violation d’un brevet, fait dommageable, exécution de jugement à l’étranger, description à des fins de renseignement, preuve à futur, procédure contradictoire, droit d’être entendu ; art. 5 ch. 3 CL, art. 31 CL, art. 26 al. 1 lit. b LTFB, art. 77 LBI, art. 158 al. 1 lit.b CPC; cf. N 755 (vol. 2012-2013 ; TFB, 14 juin 2012, S2012_007) et N 928 (TFB, 30 août 2013, S2013_008 ; sic! 3/2014, p. 160-162, « Muffenautomat »).

Le demandeur A est une personne physique de nationalité autrichienne, détentrice d’un brevet européen pour la Suisse concernant un procédé de fabrication de formes plastiques façonnées à l’état chaud. Il soupçonne C Gmbh, une société en commandite de droit autrichien, de violer son brevet en Suisse par l’intermédiaire de sa société commanditaire I AG dont le siège et l’activité se situent en Suisse. À ouvre action devant le TFB contre C Gmbh et requiert le prononcé de mesures superprovisionnelles et provisionnelles imposant à I AG une inspection de ses locaux au cours de laquelle il devra être procédé à une description de machines. Parallèlement, A requiert que les données mesurées au cours de l’inspection soient recueillies comme preuves à futur au sens de l’art. 158 CPC. Au cours de la procédure, I AG accepte amiablement que A procède à une inspection de ses locaux, à la suite de quoi A estime que les machines de I AG ont été partiellement démontées en vue de l’inspection. Les deux parties au litige étant autrichiennes, le TFB examine d’office sa compétence internationale. Si le fait dommageable au sens de l’art. 5 ch. 3 CL (actes délictuels) risque de se produire en Suisse, les tribunaux suisses sont potentiellement compétents pour statuer sur le fond (c. 11-14). Des règles particulières s’appliquent toutefois lorsqu’un tribunal suisse est saisi en vue de prononcer d’uniques mesures provisionnelles (conservation des preuves par description ou preuve à futur) susceptibles d’être exécutées ultérieurement dans un État contractant de la CL. Selon la jurisprudence de la CJUE applicable pour l’interprétation de la CL ainsi que la jurisprudence du Tribunal fédéral, des mesures (super-)provisionnelles appelées à être exécutées dans un État contractant doivent impérativement faire l’objet d’une procédure contradictoire entre les parties. Reconnaître l’inverse permettrait en effet de priver la partie intimée de son droit d’être entendue dans l’État où la mesure doit être exécutée (c. 18). En l’espèce, des mesures superprovisionnelles ne peuvent pas être prononcées puisque le droit suisse ne prévoit pas de procédure contradictoire pour ce type de procédure. L’examen du litige est par conséquent limité à l’éventuel prononcé de mesures provisionnelles, soit en l’espèce à l’administration ou non d’une preuve à futur (c. 15-19). Dans la mesure où A a pu visiter les locaux de I AG et y prendre des mesures, aucune mise en danger des preuves n’a en l’espèce été suffisamment rendue vraisemblable. Les conditions nécessaires à l’administration d’une preuve à futur ne sont par conséquent pas remplies. La demande est rejetée. [FE]

06 octobre 2014

TFB, 6 octobre 2014, S2014_006 (d) (mes. prov.)

sic! 3/2015, p. 177-181 « Kaltmilchschäumer » ; mesures provisionnelles, action en interdiction, intérêt digne de protection, risque de récidive, urgence, conclusions précises, photographie, usage antérieur, conditions de la protection du brevet, nouveauté en droit des brevets, vraisemblance, témoin, allégation des parties, sûretés, procédé de fabrication, mousse de lait, machine à café ; art. 59 al. 2 lit. a CPC, art. 261 al. 1 CPC, art. 264 CPC.

Le litige porte sur un procédé de fabrication automatique de mousse de lait « Milchschaum » froide (c. 1.3). Les demanderesses requièrent des mesures d’interdiction de fabrication, d’offre, de promotion, de vente ou de mise sur le marché des machines à café de la défenderesse (c. 2.1). Elles sont en effet susceptibles d’être équipées d’un système de fabrication de mousse de lait qui viole leurs brevets suisse et européen (c. 2.2). La défenderesse fait valoir la nullité du droit conféré par les brevets en raison de l’absence de nouveauté (c. 2.8). En l’espèce, une récidive est à craindre, car la défenderesse n’a pas contesté que son produit constitue une violation de brevet. Elle conteste la validité du brevet et n’a fait aucune déclaration d’abstention inconditionnelle. Elle a également continué à produire et distribuer le produit jusqu’à épuisement de son stock, cinq mois après avoir reçu un avertissement de la demanderesse. On peut considérer dans un tel cas qu’un risque de violation existe et que l’intérêt digne de protection pour une action en interdiction « Unterlassungsbegehren » est donné (art. 59 al. 2 lit. a CPC) (c. 5.2). Le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu’une prétention dont il est titulaire est l’objet d’une atteinte ou risque de l’être et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (art. 261 al. 1 CPC). La condition de l’urgence est en l’espèce remplie, la requête de mesures provisionnelles ayant été déposée peu après qu’une décision sur opposition confirmant la validité du brevet fut rendue par l’OEB (c. 13). La formulation d’une requête de mesures provisionnelles doit être précise. Une photo peut suffire à concrétiser la forme et les dimensions d’un objet et est donc formellement admissible (c. 7.2 et 7.3). Le manque de nouveauté découlant d’un usage antérieur ne peut être pris en considération sur la base d’une simple déclaration non substantifiée par des documents supplémentaires tels que des photos ou des dessins techniques lorsque les faits remontent à plus de dix ans et que l’allégation se fonde sur la seule mémoire de celui qui la formule. Même dans le cas de mesures provisionnelles, les critères relatifs à l’usage antérieur doivent être appliqués strictement, en particulier lorsqu’il s’agit de déterminer si ce sont effectivement les mêmes spécificités techniques qui ont été rendues accessibles au public (c. 10.2). Dans la mesure où la défenderesse argumente que les machines incriminées ne sont plus commercialisées, des mesures provisionnelles d’interdiction ne sont pas susceptibles de lui causer un dommage (art. 264 CPC) (c. 14). [CH]

28 octobre 2014

TFB, 28 octobre 2014, S2014_008 (d)

sic! 6/2015, p. 398-399, « Kombinationstherapie », mesures provisionnelles, mesures superprovisionnelles, for, droit international privé, action en cession d’une demande de brevet, action d’état, compétence matérielle, tribunal fédéral des brevets, droit applicable, préjudice difficilement réparable, transfert d’une demande de brevet, vraisemblance, entrave à l’exécution, restriction au droit de disposer ; art. 26 LTFB, art. 29 LBI, art. 105 al. 1 lit. d OBI, art. 236 al. 3 CPC, art. 261 al. 1 CPC, art. 262 lit. a CPC, art. 262 lit. c CPC, art. 265 al. 1 CPC, art. 343 al. 1 lit. b CPC, art. 1 LDIP, art. 10 LDIP, art. 109 al. 1 LDIP, art. 110 al. 1 LDIP ; cf. N 935 (TFB, 4 février 2015, S2014_008).

Les deux parties ayant leur siège aux États-Unis, les tribunaux suisses compétents pour prononcer des mesures provisoires sont les tribunaux ou les autorités suisses compétents au fond ou ceux du lieu d’exécution de la mesure au sens de l’art. 10 LDIP (c. 2.1). L’action au fond est une demande en cession selon l’art. 29 LBI de deux demandes de brevet suisses. Elle a été introduite devant le TFB le 25 septembre 2014. Les mesures provisoires requises visent à faire interdire tout acte de disposition éventuel des demandes de brevet en question et à faire porter la mention de la restriction du droit de disposer au registre des brevets. L’action en cession de l’art. 29 LBI est, aux côtés des actions portant sur la validité et l’inscription de droits de propriété intellectuelle, une action d’état au sens de l’art. 109 al. 1 LDIP qui se rapporte à l’existence du droit de propriété intellectuelle ou à son titulaire. En outre, la mesure doit être exécutée en Suisse puisque les autorités suisses qui tiennent le registre, soit l’IPI, sont requises d’y porter l’annotation d’une restriction du droit de disposer des demandes de brevet. La compétence du TFB à raison du lieu et à raison de la matière découle à la fois des art. 1, 10 et 109 al. 1 LDIP, ainsi que de l’art. 26 LTFB (c. 2.2). Le droit suisse est applicable selon l’art. 110 al. 1 LDIP (c. 2.3). Le TFB suit l’argumentaire de la demanderesse selon lequel un dommage difficilement réparable résulterait du fait que la défenderesse, en transférant les deux demandes de brevet à un tiers, rendrait plus difficile, si ce n’est absolument impossible, la mise en œuvre de l’action en cession. En cédant les demandes de brevet à un tiers, la défenderesse perdrait sa légitimité passive et l’introduction d’une nouvelle action en cession contre l’acquéreur des demandes de brevet s’imposerait, ce qui retarderait de manière importante la procédure et entraînerait une augmentation des coûts. Le TFB retient que l’octroi des mesures requises qu’il soit fait interdiction à la défenderesse de céder le droit à la délivrance des deux demandes de brevet litigieuses ou de leur apporter des modifications, est de nature à supprimer le risque d’entrave à l’exécution, en particulier en lien avec l’ordre supplémentaire donné à l’autorité qui tient le registre d’y porter cette restriction du droit de disposer. Le risque d’entrave à l’exécution ne peut être supprimé que par l’octroi de mesures provisionnelles immédiates sans audition préalable de la défenderesse, au sens de l’art. 265 al. 1 CPC. Pour le TFB, les mesures superprovisionnelles requises sont proportionnées et ne sont pas de nature à porter préjudice à la défenderesse si cette dernière ne peut pas momentanément transférer ou modifier les demandes de brevet déposées. La requête de mesures superprovisionnelles est ainsi admise et il est donné l’ordre à l’IPI, en vertu des art. 262 lit. c CPC et 105 al. 1 lit. d OBI de porter au registre les restrictions correspondantes au droit de disposer des demandes de brevet concernées (c. 4.2). Le TFB assortit, au titre de mesure d’exécution, l’interdiction de disposer des demandes de brevet, respectivement de les modifier, de la menace d’une amende d’ordre de CHF 5 000.- au sens de l’art. 236 al. 3 CPC en lien avec l’art. 343 al. 1 lit. b CPC. [NT]

04 février 2015

TFB, 4 février 2015, S2014_008 (d)

Mesures provisionnelles, for, droit international privé, action en cession d’une demande de brevet, action d’état, compétence matérielle, tribunal fédéral des brevets, droit applicable, droit de réplique inconditionnel, formalisme excessif préjudice difficilement réparable, transfert d’une demande de brevet, vraisemblance, restriction au droit de disposer ; art. 26 LTFB, art. 29 LBI, art. 105 al. 1 lit. d OBI, art. 236 al. 3 CPC, art. 261 al. 1 CPC, art. 262 lit. a CPC, art. 262 lit. c CPC, art. 265 al. 1 CPC, art. 343 al. 1 lit. b CPC, art. 1 LDIP, art. 10 LDIP, art. 109 al. 1 LDIP, art. 110 al. 1 LDIP ; cf. N 934 (TFB, 28 octobre 2014, S2014_008 ; sic! 6/2015, p. 398-399, « Kombinationstherapie »).

L’arrêt du TFB du 4 février 2015 rendu dans la même cause que celui du TFB du 28 octobre 2014 porte sur des mesures provisoires, alors que le précédent visait à l’obtention de mesures superprovisionnelles. Il est renvoyé au résumé de l’arrêt du 28 octobre 2014 (cf. N 934 c. 2.1-c. 2.3) pour les considérants se rapportant au for, au droit applicable, ainsi qu’à la compétence matérielle du TFB qui sont identiques. Le TFB admet que lorsque les allégués d’une requête de mesures provisoires seraient identiques à ceux de l’action au fond dont les mesures provisoires visent à garantir l’exécution et qui a été déposée simultanément, il serait contraire au principe de l’interdiction du formalisme excessif d’exiger que ces allégués soient reproduits dans la demande de mesures provisoires et de refuser un renvoi à ceux de la demande principale (c. 11). Le droit de réplique inconditionnel vaut aussi dans les procédures de mesures provisionnelles. Il n’est toutefois tenu compte dans ce cadre que des prises de position de la demanderesse suscitées par les allégations de la défenderesse. Les explications de la défenderesse qui iraient au-delà ne sont pas prises en considération (c. 11). [NT]

11 février 2015

TFB, 11 février 2015, S2014_001 (d) (mes. prov.)

sic! 9/2015, p. 522-525, « Dibenzothiazepinderivat » ; mesures provisionnelles, compétence internationale, droit international privé, compétence matérielle, for, internationalité, langue de la procédure, anglais, vraisemblance, nullité d’un brevet, revendication, interprétation de la revendication, non-évidence, décision étrangère, médicament ; art. 2 ch. 1 CL, art. 60 ch. 1 lit. a CL, art. 26 al. 1 lit. b LTFB, art. 36 al. 3 LTFB, art. 343 al. 1 lit. b CPC ; cf. N 923 (TFB, 7 octobre 2015, O2013_006).

Lorsque la demanderesse a son siège à l’étranger (en l’espèce en Suède) et la défenderesse en Suisse, l’état de fait est international; la compétence à raison du lieu s’établit ainsi sur la base de la convention de Lugano (art. 1 al. 2 LDIP en relation avec les articles 1ss CL). Le Tribunal fédéral des brevets (TFB) est compétent à raison de la matière et du lieu sur la base des art. 2 ch. 1 CL en relation avec l’art. 60 ch. 1 lit. a CL de même que l’art. 26 al. 1 lit. b LTFB (c. 2.1.). L’anglais peut être utilisé avec l’accord du Tribunal, même si la langue de procédure est une des langues nationales (en l’espèce l’allemand, cf. art. 36 al. 3 LTFB) (c. 2.2.). Selon les articles 261 al. 1 CPC et 77 LBI, le tribunal peut ordonner les mesures provisionnelles nécessaires si la partie qui les requiert rend vraisemblable qu’une prétention dont elle est titulaire est l’objet d’une atteinte ou risque de l’être (lit. a) et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (lit. b). Une allégation est rendue vraisemblable même lorsque le juge n’est pas totalement convaincu de sa véracité, mais la considère comme en bonne partie véridique ; certains doutes peuvent demeurer. Il suffit également à la partie adverse de rendre ses objections vraisemblables. Ceci vaut également pour l’objection de la nullité d’un droit de propriété intellectuelle. Si le défendeur rend une telle nullité vraisemblable, l’atteinte au droit du titulaire ne l’est pas. Enfin, un certain degré d’urgence doit également exister et la mesure à ordonner doit être proportionnée (c. 4.1.). L’objection de la nullité d’un brevet est vraisemblable du seul fait que ce dernier a été déclaré nul dans cinq pays européens (c. 4.2.). Les revendications ne s’adressent pas à des profanes, mais à des spécialistes, qui lisent les textes techniques dans leurs domaines de manière à leur donner un sens. Les revendications du brevet doivent ainsi être lues de manière à ce qu’en ressorte le sens habituel des termes utilisés dans un domaine particulier, à moins qu’un terme nécessite une définition particulière (c. 5.5). L’activité inventive s’évalue selon l’approche problème-solution, qui comporte trois étapes : (1) la détermination de l'état de la technique le plus proche; (2) l’établissement du problème technique objectif à résoudre, et (3) l’examen de la question de savoir si l'invention revendiquée, en partant de l'état de la technique le plus proche et du problème technique objectif, aurait été évidente pour l'homme du métier. En général, l’examen de ces questions auquel il a été procédé dans des procédures ordinaires d’autres juridictions européennes peut être pris en considération par le TFB. Dans le cas d’espèce, les procédures sommaires d’autres juridictions européennes relatives au brevet litigieux ne peuvent pas être prises en compte, car la validité du brevet n’y a fait l’objet d’aucun examen (c. 5.6 à 5.9). Le droit d’obtenir une décision motivée ne signifie pas que le tribunal doive se prononcer expressément sur chaque allégation de fait et chaque objection de droit. Il suffit – mais il est également nécessaire – que le tribunal se prononce sur les éléments qui lui paraissent déterminants (c. 7). [DK]