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14 février 2019

TAF, 14 février 2019, B-4574/2017 (d)

sic! 7-8/2019p. 427 (rés.), « Coco/Cocoo (fig.) » ; Motifs d’exclusion relatifs, signe verbal, signe figuratif, cercle des destinataires pertinent, degré d’attention moyen, spécialiste de la branche de la bijouterie, spécialiste de l’horlogerie, spécialiste de la branche de la joaillerie, degré d’attention accru, horlogerie, similarité des produits et services, identité des produits et services, similarité des signes sur le plan sémantique, similarité des signes sur le plan graphique, similarité des signes sur le plan sonore, prononciation, force distinctive normale, risque de confusion admis, objet du litige, égalité de traitement, fait notoire, pouvoir d’examen du TAF ; art. 29 al. 2 Cst., art. 3 al. 1 lit. c LPM

Marque(s) attaqué(s)
Marque(s) opposante(s)
cocoo.jpg

COCO

Classe 14 : Präsentationsschatullen für Schmuck; Furnituren (Schmuckzubehör) ; Uhrkettenanhänger (Berlocken) ; Ketten (Schmuckwaren) ; Halsketten (Schmuck) ; Medaillons (Schmuck) ; Schmuckwaren; Strass (Edelsteinimitation) ; Ringe (Schmuck); Ohrringe; Uhren; Armbanduhren; Uhrenarmbänder; Zifferblätter für Uhren; Chronografen (Uhren); elektrische Uhren; Uhrengehäuse (Taschen-/Armbanduhren); Präsentationsschatullen für Uhren."

Classe 14 : Métaux précieux et leurs alliages et objets en ces matières ou en plaqué (excepté coutellerie, fourchettes et cuillers), joaillerie, pierres précieuses ; horlogerie et autres instruments chronométriques.

Contenu de la décision

Produits faisant l’objet de l’opposition

Classe 14 : Uhrkettenanhänger (Berlocken) ; Ketten (Schmuckwaren) ; Halsketten (Schmuck) ; Medaillons (Schmuck) ; Schmuckwaren, Ringe (Schmuck) ; Ohrringe.

L’instance précédente rejette l’opposition pour les autres produits revendiqués par la marque attaquée au motif que la force distinctive de la marque opposante est limitée pour ceux-ci (c. A. b.d).

Cercle des destinataires pertinent et degré d’attention des consommateurs

Les produits revendiqués sont destinés au grand public, qui fait preuve d’un degré d’attention moyen, et aux spécialistes des domaines de la joaillerie, de la bijouterie et de l’horlogerie qui font preuve d’un degré d’attention accru (c. 4.2.2).

Identité/similarité des produits et services

Les produits « Uhrkettenanhänger (Berlocken) » en classe 14 sont identiques aux produits d’ « horlogerie et autres instruments chronométriques ». Les autres produits sont identiques, respectivement très similaires aux produits revendiqués par la marque opposante (c. 5.2.2).

Similarité des signes

Sur le plan visuel, la marque opposante est reprise dans son intégralité. L’adjonction d’un « O » à la fin n’atténue que légèrement l’effet graphique. Les signes sont similaires sur le plan visuel (c. 8.1.1.1). Sur le plan sonore, les deux marques sont prononcées de la même manière par les consommateurs italophones et germanophones, indiquant une similarité sur le plan sonore. La question de la prononciation par les consommateurs francophones peut être laissée ouverte (c. 8.1.3). En revanche, le signe « COCOO » n’a pas de signification propre contrairement à « COCO », qui fait référence soit à la noix, soit au pseudonyme de la créatrice de mode Gabrielle Chanel, alias Coco Chanel. Malgré cette différence sur le plan sémantique, les signes sont similaires (c. 8.2).

Force distinctive des signes opposés

Force distinctive de la marque attaquée



--



Force distinctive de la marque opposante et champ de protection



La marque opposante n’a pas de caractère descriptif en lien avec les produits revendiqués (c. 10.1.1). La recourante ne parvient pas à démontrer une notoriété particulière de la marque « COCO » en relation avec la renommée de Coco Chanel qui aurait pu induire une force distinctive accrue (c. 10.1.2.2). En revanche, il est également nécessaire d’examiner la force distinctive de la marque opposante par rapport aux produits revendiqués par la marque attaquée. En l’espèce, la marque « COCO » n’est pas descriptive pour les produits revendiqués par la marque attaquée, dans la mesure où ceux-ci ne sont pas fabriqués avec de la noix de coco, ou ne sont pas en forme de noix de coco. La marque opposante dispose d’une force distinctive moyenne (c. 10.2.2.2).

Risques de confusion admis ou rejetés / motifs

Les produits revendiqués sont identiques, voire fortement similaires, les signes sont similaires, la marque opposante, reprise dans son intégralité dispose d’un champ de protection normal, et les consommateurs font preuve d’un degré d’attention moyen. Il existe donc un risque de confusion, mais uniquement pour les produits pour lesquels la marque opposante n’est pas limitée (11.2.1).

En l’absence de précision dans la liste des produits revendiqués, il est possible que ceux-ci puissent être en forme de noix de coco ou fabriqués en noix de coco, auquel cas la force distinctive de la marque opposante serait réduite. La marque attaquée doit cependant être révoquée dans son ensemble, dans la mesure où l’existence d’un motif d’exclusion en lien avec ne serait-ce qu’un seul des produits ou services appartenant à une catégorie entraîne la révocation de l’enregistrement de la marque attaquée pour l’ensemble de la catégorie en question (c. 11.3.2.2).

Divers

La recourante conclut uniquement à l’annulation de la décision attaquée qui rejette seulement en partie son opposition. Se fondant sur les motifs de son recours, le TAF limite lui-même l’objet du litige aux produits et services pour lesquels l’instance précédente a rejeté l’opposition ainsi que la répartition des frais et dépens y relatifs. La décision attaquée peut donc entrer en force pour le reste des produits revendiqués par l’intimée, dans la mesure où celle-ci ne l’a pas contestée (c. 1-1.3).

Le droit d’être entendu est violé lorsque l’autorité ne donne pas l’occasion aux parties de se prononcer au sujet des nouvelles pièces dont elle entend se prévaloir lorsque celles-ci ne portent pas sur des faits notoires. Concernant les informations trouvées en ligne, seules celles qui bénéficient d’une empreinte officielle sont considérées comme des faits notoires dans la mesure où elles sont facilement accessibles et proviennent de sources non controversées (c. 2.2.2.3). En l’espèce, l’autorité inférieure devait soumettre aux parties le fruit de ses recherches internet avant de statuer sur l’opposition (c. 2.3.1.3). Le TAF disposant d’un pouvoir d’examen aussi étendu que l’autorité inférieure, la violation du droit d’être entendu peut cependant être réparée devant celui-ci (c. 2.3.2.2).

Conclusion : le signe attaqué est enregistré / refusé

L’opposition et le recours sont admis. L’enregistrement de la marque attaquée est rejeté pour tous les produits et services revendiqués (c. 12). [YB]

15 mars 2019

TAF, 15 mars 2019, B-5334/2016 (d)

sic! 9/2019 p. 491 (rés), « Think different/Tick different » (fig.) ; Motifs d’exclusion relatifs, marque verbale, marque figurative, marque notoirement connue, fardeau de la preuve, maxime inquisitoire, fait notoire, légitimation active, slogan, apple, défaut d’usage, droit étranger américain ; art. 13 PA, art. 3 al. 2 lit. b LPM, art. 11 LPM, art. 12 LPM.

La recourante est titulaire de la marque « THINK DIFFERENT ». Invoquant l’article 3 al. 1 lit b LPM, elle considère que l’instance précédente a, à tort nié la notoriété de sa marque en lui imposant des exigences trop importantes en matière de preuve (c. 4.1). La titulaire de marque opposante « TICK DIFFERENT », enregistrée en Suisse le 19 octobre 2015 conteste la qualité pour agir de la recourante et, subsidiairement le caractère notoire de la marque opposante (c. 4.2). C’est « l’untersuchungsmaxime » (maxime inquisitoire) qui s’applique dans la procédure d’opposition. Or, les parties sont tenues de collaborer à la constatation des faits, d’amener les éléments de preuve et d’invoquer les droits sur lesquels elles fondent leurs conclusions. En particulier dans l’examen du caractère notoire d’une marque, le devoir de collaborer est fondamental. Chaque partie est en effet la plus à même de produire les documents nécessaires à l’établissement d’un tel caractère. (c. 5). Aux Etats-Unis, il n’est pas obligatoire d’enregistrer un signe afin de bénéficier de la protection du droit des marques. Une marque non-enregistrée voit sa protection limitée aux produits et services pour lesquels elle est utilisée, et à l’aire géographique dans laquelle elle est également utilisée (c. 6.1). Celui qui se fonde sur la notoriété d’une marque non enregistrée doit au moins rendre vraisemblable son droit à s’opposer, de la même manière que le titulaire d’une marque enregistrée doit définir la marque sur laquelle se fonde l’opposition. En l’espèce, la recourante doit démontrer que sa marque existe encore aux Etats-Unis au moment du dépôt de la marque attaquée (c. 6.3). La recourante a déposé de nombreux éléments, mais aucun n’est daté. Toutefois, il est possible d’en déduire une date approximative. La notion de notoriété, au sens de la LPM ne doit pas être confondue avec les faits qui sont notoires pour l’autorité en procédure. On attend donc d’une partie qu’elle démontre l’utilisation et l’existence de sa marque au moyen de preuves. Il n’est pas exorbitant d’exiger de la recourante qu’elle amène des preuves permettant de dater ses documents, et quand c’est possible, de préciser cette datation avec des éléments complémentaires. En effet, c’est la recourante qui est la plus à même de savoir quand, sous quelle forme et pour quels produits elle a utilisé sa marque (c. 6.5). La recourante parvient à rendre vraisemblable l’utilisation de la marque « THINK DIFFERENT » entre 1997 et 2002, puis depuis 2014 en rapport avec des ordinateurs en classe 9. Bien qu’elle ait produit deux photographies de montres, rien ne permet de les dater, si bien que rien ne laisse supposer un usage pour des produits en classe 14, le signe « THINK DIFFERENT » était bien utilisé au moment du dépôt de la marque attaquée. La recourante dispose donc bien de la légitimation active, dans la mesure où la similarité des produits et services n’est pas une condition d’entrée en matière (c. 6.6 et 6.7). Une marque peut être notoirement connue, et cette caractéristique peut être un fait notoire pour le tribunal, mais les deux notions ne sont pas synonymes (c. 7.1). La notoriété d’une marque n’est pas facilement admise (7 à refaire). La marque « THINK DIFFERENT » est un très bon slogan court et frappant, très lié à la politique marketing de la recourante comme à son fondateur, Steve Jobs, mais cela ne suffit pas à rendre sa notoriété au sens de la LPM notoire pour le tribunal (c. 7.2.1-7.3.3). Au sein des divers éléments invoqués, divers articles publiés dans des rubriques « médias et informatique » permettent de rendre vraisemblable la notoriété de la marque « THINK DIFFERENT » pour les destinataires pertinents jusqu’à 2006. Cependant, la recourante ne parvient pas à prouver un usage en suisse ou à l’étranger de sa marque au moment du dépôt de la marque attaquée. Si une marque, même non utilisée, peut rester notoire pour les consommateurs, elle peut également perdre sa notoriété des suites de sa non-utilisation (c. 7.3.4). En l’espèce, la marque opposante a avant tout servi à caractériser Steve Jobs et sa philosophie jusqu’à à son décès. A partir de 2009, la recourante ne parvient plus à démontrer la notoriété de sa marque, et ne peut démontrer un usage sérieux au sens des articles 11 et 12 LPM. C’est donc à raison que l’instance précédente a reconnu la qualité pour agir à la recourante tout en rejetant son opposition au motif que la marque « THINK DIFFERENT » n’était pas notoire au sens de l’article 3 al.1 lit. b LPM (c. 7.3.5-8). [YB]

19 novembre 2019

TAF, 19 novembre 2019, B-5177/2017 (f)

Motifs d’exclusion relatifs, marque connue, marque notoirement connue, marque étrangère, fait notoire, sondage, procédure, hôtellerie ; art. 3 al. 2 lit. b LPM, art 151 CPC.

La marque « RITZCOFFIER », est enregistrée en Suisse pour différents services en classes 8, 9, 16, 21, 29, 30, 32, 41 et 43. La recourante se fonde sur sa marque « RITZ », enregistrée pour des services en classes 41 et 42, ainsi que sur la marque « RITZ » prétendument notoire pour les « services d’hôtellerie » afin de s’y opposer (c. A.a et A.b). La recourante affirme que le fait que sa marque soit notoirement connue au sens de l’article 3 al. 2 let. b LPM constitue un fait notoire au sens de l’article 151 CPC (c. 4.4). La notoriété d’un fait au sens de l’article 151 CPC implique un degré d’évidence qui confine à la certitude. Le fait que le signe « RITZ » fasse référence à un prestigieux hôtel de luxe parisien n’apporte pas encore la certitude que le public y voie une marque notoirement connue. La notoriété d’une marque ne doit être considérée comme notoire dans le contexte de la procédure que lorsqu’il n’est pas raisonnablement possible de discuter de la notoriété de la marque en question en raison de sa généralisation dans le commerce ou de son imprégnation dans la culture populaire (c. 4.5.1). La reconnaissance d’une marque notoirement connue au sens de la LPM doit rester l’exception. S’il n’est pas exclu que le signe « RITZ » soit notoirement connu des destinataires, une telle considération n’est pas notoire au sens de l’article 151 CPC (c. 5.4.2). La recourante n’ayant pas déposé d’élément permettant de conclure à l’éventuelle notoriété du signe « RITZ » en Suisse pour les « services d’hôtellerie », celle-ci ne bénéficie pas de l’exception au principe de l’enregistrement prévue à l’article 3 al. 2 lit. b LPM. La question relative l’admission du caractère notoire d’une marque déjà enregistrée en suisse peut être laissée ouverte (c. 4.1). Le recours est rejeté. [YB]

13 mai 2020

TF, 13 mai 2020, 4A_420/2019

Brevet, nullité partielle d’un brevet, procédé de moulage par injection, céramique, recours en matière civile, rectification des revendications d’un brevet, renonciation partielle à un brevet, allégués tardifs, fait nouveau, moyens de preuves nouveaux, acquiescement partiel, décision incidente, simplification de la procédure, frais et dépens, valeur litigieuse ; art. 74 al. 2 lit. e LTF, art. 75 al. 1 LTF, art. 31 al. 1 LTFB, art. 31 al. 2 LTFB, art. 31 al. 3 LTFB, art. 33 LTFB, art. 4 FP-TFB, art. 5 FP-TFB, art. 24 LBI, art. 25 LBI, art. 26 LBI, art. 91 al. 2 CPC, art. 125 CPC, art. 225 CPC, art. 229 CPC, art. 237 CPC.

Le recours en matière civile est en principe recevable contre les jugements du Tribunal fédéral des brevets, sans égard à la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 lit. e LTF et art. 75 al. 1 LTF) (c. 1). Toutefois, dans les cas d’erreurs d’écriture ou de calcul que vise l’art. 334 CPC, la voie du recours en matière civile n’est disponible qu’après l’échec d’une demande de rectification. En l’espèce cependant, l’objet du recours en matière civile (annulation du jugement du TFB et nullité complète du brevet concerné) ne recoupait pas une hypothétique demande en rectification (reproduction dans le dispositif du jugement du TFB de l’ensemble des nouvelles revendications du brevet limité par la défenderesse et intimée), de sorte que le recours en matière civile est recevable (c. 2). La renonciation partielle à un brevet est prévue par les art. 24 et 25 LBI. Elle permet au titulaire de conserver certains éléments du brevet menacé de nullité, lorsque les revendications se révèlent formulées de manière trop large, en méconnaissance de l’état de la technique. Elle suppose une modification des revendications dans le cadre des modalités prévues par l’art. 24 LBI. Elle s’accomplit en principe par une requête adressée à l’IPI, mais peut intervenir aussi devant le tribunal saisi d’une action en nullité. Ce tribunal doit alors vérifier si les revendications nouvellement énoncées réduisent valablement la portée du brevet litigieux. Parce que cette vérification nécessite de constater et d’apprécier aussi des faits, la renonciation partielle au brevet litigieux est assimilée à l’introduction de faits ou de moyens de preuves nouveaux dans le procès civil. La renonciation partielle doit donc intervenir avant la clôture de la phase de l’allégation ; elle ne peut intervenir plus tard qu’aux conditions de l’art. 229 al. 1 lit. a ou lit. b CPC. En l’espèce, la phase de l’allégation s’est terminée avec la réplique pour la demanderesse et avec la duplique pour la défenderesse (2ème échange d’écritures selon les art. 225 et 229 al. 2 CPC). La renonciation partielle déclarée au stade de la duplique était inconditionnellement recevable. Si la demanderesse voulait contester la validité de cette renonciation, notamment au regard de l’art. 24 LBI, ou contester la validité de la partie restante du brevet consistant dans les revendications nouvellement énoncées par la défenderesse, sur la base de faits non encore allégués mais dont l’allégation se justifiait objectivement aux fins de ces constatations, ladite allégation lui était encore permise par l’art. 229 al. 1 lit. a ou lit. b CPC. La renonciation partielle au brevet litigieux équivaut à un acquiescement partiel à la demande en justice. C’est pourquoi le TFB, alors même qu’il rejetait l’action en nullité et aussi l’action en cession du brevet, a réparti les frais judiciaires entre les parties et compensé les dépens (c. 3). Les moyens développés à l’appui du recours en matière civile ne sont pas mentionnés dans le jugement attaqué et encore moins discutés dans ce jugement. Les précédents juges n’y discutent que les moyens soulevés à l’encontre du brevet dans son état antérieur à la renonciation partielle. Celle-ci a de toute évidence introduit une modification très importante de l’objet du litige. Ni le Code de procédure civile, ni la LTFB ne prévoient explicitement une procédure appropriée à cette situation. D’ordinaire, toutefois, une renonciation partielle est apte à permettre une simplification mdu procès. A première vue, il eût été opportun de rendre une décision incidente selon l’art. 237 CPC sur les conclusions en renonciation partielle articulées par la défenderesse, puis d’inviter la demanderesse à recentrer son argumentation. Une pareille solution pouvait s’inscrire dans le cadre de l’art. 125 CPC car cette disposition n’énumère pas limitativement les mesures de simplification du procès. Selon la jurisprudence relative à l’art. 75 al. 1 LTF, les moyens soumis au TF doivent avoir été autant que possible déjà soulevés devant l’autorité précédente ; à défaut, ils sont irrecevables. Cette exigence n’est en l’occurrence pas satisfaite. L’argumentation développée dans le cadre du recours est nouvelle et elle ne s’impose pas en raison des motifs du jugement attaqué. La demanderesse ne paraît pas avoir été empêchée de la soulever déjà devant le TFB, notamment au stade des débats principaux. Elle a simplement omis de le faire. Le recours en matière civile se révèle par conséquence irrecevable dans la mesure où il tend à la nullité du brevet litigieux (c. 4). La valeur litigieuse est un des critères de fixation de l’émolument judiciaire à percevoir par le TFB selon l’art. 31 al. 1 à 3 LTFB. Cette valeur est aussi l’un des critères de fixation des dépens qu’une partie doit à une autre partie, le cas échéant, selon les art. 4 et 5 du tarif prévu par l’art. 33 LTFB. La valeur litigieuse doit être elle-même estimée conformément à l’art. 91 al. 2 CPC lorsque, comme en l’espèce, l’action intentée devant le Tribunal ne porte pas sur le paiement d’une somme d’argent déterminée. L’issue du litige ne saurait influencer l’estimation litigieuse et il importe donc peu qu’en définitive le brevet soit éventuellement jugé nul. Pour le surplus, la valeur économique du droit d’exclusivité qui est l’enjeu du brevet et de la contestation est sans aucun doute un critère d’estimation pertinent. Le TFB exerce un pouvoir d’appréciation. En dépit des protestations de la demanderesse, il n’appert pas que l’estimation présentement attaquée procède d’un abus ou d’un excès de ce pouvoir. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
[NT]

26 août 2021

TAF, 26 août 2021, B-2597/2020 (f)

Demande de radiation d’une marque, action en radiation d’une marque, défaut d’usage, fardeau de la preuve, fait négatif, preuve du défaut d’usage, vraisemblance, principe de l’épuisement, nom géographique, indication de provenance géographique, limitation des revendications, usage par représentation, usage pour l’exportation, recours partiellement admis ; art. 35b al.1 lit. a LPM, art. 47 al. 2 LPM.

L’intimée a déposé auprès de l’instance précédente entre autres une demande de radiation totale pour les marques « U UNIVERSAL GENEVE » (enregistrement N°329720 du 3 avril 1984 pour des montres, leurs parties et des bijoux en classe 14), et « UNIVERSAL GENEVE » (enregistrement N°410354 du 30 mai 1994 pour en particulier des montres en classe 14) (c. A – A.c). La titulaire des marques en cause recourt contre la décision de radiation de l’IPI (c. A.d). Selon l’art. 35b al. 1 let. a LPM, c’est au requérant de rendre vraisemblable le défaut d’usage de la marque attaquée. Comme il s’agit d’un fait négatif, la preuve directe ne peut être apportée (c. 5.1.1). Dans une telle configuration, le requérant doit rendre, au moyen d’un faisceau d’indices, non seulement possible mais aussi probable le fait que la marque n’est plus utilisée (c. 5.1.2). Si le requérant rend vraisemblable le non-usage de la marque, et qu’en même temps le titulaire rend vraisemblable cet usage, la demande de radiation doit être rejetée (c. 5.3). Les deux marques étant déposées pour des produits en classe 14 uniquement, les services que la recourante prétend offrir ne sont pas protégés. Le principe de l’épuisement s’applique également au droit des marques, en particulier lorsqu’il s’agit de démontrer l’usage sérieux de la marque. A ce titre, la recourante ne peut se prévaloir de l’activité des maisons de vente aux enchères pour elle-même (c. 6.2.2). Les marques en cause contiennent le nom géographique « GENEVE » (c. 7 – 7-2.2). Les limitations quant à l’aire géographique des produits revendiqués ont un effet direct sur le champ de protection de la marque. L’usage de la marque en lien avec des produits provenant d’un autre pays n’entre pas en ligne de compte (c. 6.2.3). En l’espèce, l’élément « GENEVE » doit être considéré comme une indication de provenance au sens de l’art. 47 LPM (c. 7.3.2). Compte tenu de la restriction inscrite au registre des marques, les produits revendiqués par les deux marques doivent remplir les critères applicables à des produits de provenance suisse pour se revendiquer de provenance genevoise (c. 7.3.2). Concernant les montres, la révision de l’ordonnance sur l’utilisation du nom « Suisse » pour les montres n’est en l’espèce pas applicable (c. 7.4.1). Les éléments de preuve déposés par la recourante permettent de constater que les mouvements étaient suisses, tout comme l’assemblage et le contrôle des montres. Celles-ci peuvent donc rendre vraisemblable l’usage de la marque (c. 7.4.2). Concernant les parties de montre, la recourante ne présente aucune facture d’acquisition et ne parvient pas à rendre l’usage vraisemblable (c. 7.5.2). Les factures de la société ETA pour des mouvements de montres acquis durant la période de référence permettent cependant d’attester la provenance suisse pour les mouvements de montre (c. 7.5.3). Toutes les montres ont été vendues en Asie (c. 8.3.2.1). Les parties de montres sont quant à elles commercialisées en Suisse et, s’agissant de biens économiquement indépendants, sont compatibles avec l’usage pour l’exportation des montres, au contraire des mouvements (c. 8.3.2.2). La condition d’exclusivité est ainsi remplie pour les montres (c. 8.3.2.3). Concernant la condition d’utilisation hors de la sphère interne du titulaire de la marque, le fait qu’un transfert ait lieu à l’intérieur du groupe d’entreprise dont le titulaire fait partie n’est pas décisif si le produit est sorti du groupe pour être proposé à la vente par une filiale étrangère (c. 9.1 – 9.2.2). Les marques ont bien été utilisées telles qu’enregistrées (10.1.2), sauf pour les mouvements de montres pour lesquels il est exclu de retenir un usage sérieux (c. 10.1.3). Les factures déposées par la recourante sont régulières et conséquentes (pour des ventes de montres dans un segment de prix supérieur). Le TAF retient donc le sérieux de l’usage pour les montres (c. 10.2.2). Contrairement à l’avis de l’instance précédente, la recourante parvient à démontrer l’usage sérieux de ses marques en lien avec des montres. La décision de radier l’enregistrement pour les parties de montres est cependant confirmée (c. 12.1). Le recours est partiellement admis (c. 12.2).[YB]