Disposition

LCD (RS 241)

     Art. 9

          al. 2

09 janvier 2019

TF, 9 janvier 2019, 4A_584/2017, 4A_590/2017 (f)

Qualité pour agir, qualité pour défendre, intérêt pour agir, décision partielle, devoir d’interpellation du Tribunal, bonne foi, précision des conclusions, interprétation d’un contrat, réelle et commune intention des parties, action en cessation, action en paiement, action en interdiction, action en constatation de droit, concurrence déloyale, exploitation indue du résultat d’un travail confié, stipulation pour autrui ; art. 91 lit. a LTF, art. 18 al. 1 CO, art. 112 CO, art. 5 lit. a LCD, art. 9 al. 1 lit. a LCD, art. 9 al. 1 lit. b LCD, art. 9 al. 1 lit. c LCD, art. 9 al. 2 LCD, art. 9 al. 3 LCD, art. 52 CPC, art. 56 CPC, art. 125 lit. a CPC, art. 227 al. 1 CPC, art. 230 CPC.

Les actions en cessation de trouble et les actions en paiement prévues tant par les différentes lois de propriété intellectuelle que par la LCD se prêtent à des jugements indépendants et pourraient être intentées dans des procès distincts. Le jugement limité en application de l’art. 125 lit. a CPC aux actions en cessation de trouble est donc une décision partielle visée par l’art. 91 lit. a LTF, susceptible d’un recours indépendant selon cette disposition (c. 2 et réf.cit.). Le résultat d’un travail est confié à une personne aux termes de l’art. 5 al. 1 lit. a LCD lorsque cette personne entre en possession de ce résultat par l’effet d’un rapport contractuel, précontractuel ou quasi contractuel. Le résultat d’un travail est notamment confié lorsque l’accomplissement du travail a été lui-même confié dans le cadre d’un contrat, en particulier à un travailleur par son employeur, à un mandataire par son mandant ou à un entrepreneur par le maître de l’ouvrage (c. 4 et réf.cit.). L’art. 5 LCD n’a pas pour objet de créer ni de protéger des droits de propriété intellectuelle, mais d’interdire des comportements contraires à une concurrence loyale. L’art. 9 al. 1 lit. c LCD prévoit une action en constatation de droits, mais celle-ci est subsidiaire par rapport aux actions en interdiction accordées par l’art. 9 al. 1 lit. a et b LCD, et elle ne porte de toute manière pas sur la constatation de droits de propriété intellectuelle. En règle générale, les actions en constatation de droits doivent répondre à un intérêt important et digne de protection du plaideur qui les exerce et elles sont subsidiaires par rapport aux actions en condamnation. Celui qui a déjà obtenu que l’exploitation de son savoir-faire soit interdite à un tiers, n’a pas d’intérêt à agir en constatation ni non plus à ce que le Juge constate formellement des recherches de quelles entités les procédés constituant ce savoir-faire sont le résultat aux termes de l’art. 5 LCD (c. 6). Le succès de toute action en justice suppose que les parties demanderesse et défenderesse aient respectivement qualité pour agir et pour défendre au regard du droit applicable. Le défaut de la qualité pour agir ou pour défendre entraîne le rejet de l’action. Les actions en cessation de trouble prévues par l’art. 9 al. 1 et 2 LCD sont destinées à la protection d’intérêts économiques individuels. La qualité pour agir est réservée au concurrent qui est directement lésé par un comportement déloyal et qui a un intérêt immédiat au maintien ou à l’amélioration de sa propre situation sur le marché (c. 8.1). Tel n’est le cas que si celui qui se prévaut d’une violation de l’art. 5 LCD et agit en cessation de trouble sur la base des art. 9 al. 1 et 2 LCD peut démontrer que les résultats exploités de manière indue devaient lui revenir. Pour le déterminer, il convient d’interpréter le contrat à l’origine des résultats concernés en recherchant la réelle et commune intention des parties conformément à l’art. 18 al. 1 CO. Dans ce cadre, le comportement que les cocontractants ont adopté dans l’exécution de leur accord peut dénoter, le cas échéant, de quelle manière ils l’ont eux-mêmes compris, et révéler ainsi leur réelle et commune intention (c. 8.3 et réf.cit.). Il peut résulter d’une stipulation pour autrui implicite au sens de l’art. 112 CO que le résultat de travaux de recherche doive profiter à un tiers autre que les seules parties au contrat à l’origine de ces résultats. En pareil cas, ce tiers a le droit de se défendre contre une exploitation indue de ces résultats par des entreprises concurrentes, et a qualité pour agir sur la base des art. 9 al. 1 et 2 LCD (c. 8.4). Quiconque exerce une action judiciaire portant sur une obligation de s’abstenir doit décrire avec précision, dans ses conclusions, le comportement à interdire. Si l’adverse partie succombe, elle doit apprendre ce qu’elle ne peut désormais plus faire, et les autorités d’exécution ou de poursuite pénale doivent elles aussi savoir quels actes elles doivent respectivement empêcher ou réprimer. S’il est allégué devant ces autorités que la partie condamnée ne respecte pas l’interdiction prononcée, il importe que lesdites autorités puissent agir sur la base du jugement, sans qu’une appréciation juridique du comportement dénoncé ne soit encore nécessaire. Ces exigences de précision relative aux conclusions de la partie demanderesse s’appliquent aussi, par suite, au dispositif du jugement (c. 10.1 et réf.cit.). Des conclusions insuffisamment précises sont en principe irrecevables. La partie qui les présente est cependant autorisée à les préciser sans égard aux conditions d’une modification de la demande posée par l’art. 227 al. 1 CPC ou au stade des débats principaux par l’art. 230 CPC. En vertu du devoir d’interpellation que l’art. 56 CPC assigne au Juge instructeur, celui-ci doit inviter la partie concernée à préciser, s’il y a lieu, ses conclusions défectueuses. Les règles de la bonne foi, à respecter aussi dans le procès civil en vertu de l’art. 52 CPC, s’imposent également au Juge. Elles commandent que la partie dont les conclusions sont défectueuses au sens de ce qui précède reçoive une nouvelle possibilité de les préciser (c. 10.5 et réf.cit.). [NT]

01 décembre 2020

TF, 1er décembre 2020, 4A_235/2020 (d)

sic! 2021, p. 252-261, « Viagogo » ; concurrence déloyale, indication publicitaire fallacieuse, indication publicitaire inexacte, méthode de vente particulièrement agressive, légitimation active, intérêt public, territorialité, cercle des destinataires pertinent, consommateur moyen, degré d’attention accru, indication de prix, nom de domaine, site Internet, adresse électronique, vente de billets, Google AdWords, Viagogo, recours rejeté ; art. 2 LCD, art. 3 al. 1 lit. b LCD, art. 3 al. 1 lit. h LCD, art. 9 al. 1 LCD, art. 9 al. 2 LCD, art. 10 al. 3 LCD.

La société Viagogo, défenderesse, exploite une plateforme de revente de billets en ligne, sur laquelle elle n’agit pas en tant que vendeuse, mais permet des transactions entre utilisateurs moyennant une rémunération. Elle est titulaire du domaine www.viagogo.com, ainsi que de nombreuses sous-pages spécifiques à différents pays. Les prix des billets sont fixés par les vendeurs, et servent de base pour le calcul des frais perçus par la société. Lorsqu’un utilisateur effectue une recherche de billets et consulte une offre, il lui est indiqué que d’autres personnes regardent la même offre et que les billets sont très demandés. Après que l’utilisateur ait confirmé sa volonté d’acheter un billet, un compte à rebours apparaît. La Confédération suisse, recourante (représentée par le Secrétariat d’Etat à l’économie), considère que le comportement de la défenderesse tombe sous le coup de la LCD et de l’ordonnance sur l’indication des prix (OIP). Elle reproche à l’instance précédente d’avoir violé l’art. 10 al. 3 LCD, en posant des exigences trop élevées quant à la preuve de la légitimation active (c. 4). L’art. 10 al. 3 LCD prévoit que la Confédération peut intenter les actions prévues à l’art. 9 al. 1 et 2 LCD si elle le juge nécessaire à la protection de l’intérêt public (c. 4.1). L’introduction du droit de la Confédération d’intenter une action visait à prévenir les pratiques déloyales commises à partir de la Suisse, et non à introduire de manière générale l’applicabilité extraterritoriale de la LCD. La Confédération a pour mission de protéger la réputation de la Suisse à l’étranger, et non d’appliquer le droit suisse de la concurrence déloyale dans le monde entier, sans conditions préalables, en ce qui concerne les offres en ligne qui sont exploitées par des entreprises établies en Suisse. On ne saurait reprocher à l’instance inférieure une violation du droit fédéral lorsqu’elle a considéré que l’offre Internet mondiale de la défenderesse ne suffisait pas en elle-même à fonder la capacité d’ester en justice de la recourante. L’instance précédente a nié cette capacité concernant l’absence d’adresse électronique dans l’impressum, l’utilisation de l’expression « pas de file d’attente » dans les publicités Google et l’absence de fourniture des coordonnées des fournisseurs commerciaux, en considérant qu’il n’existait pas d’intérêt public, concernant ces problématiques, à agir sur le fondement de l’art. 10 al. 3 LCD. C’est à tort que la recourante soutient que le simple fait que la plateforme soit accessible à un grand nombre de personnes sur Internet suffit à fonder sa légitimation active (c. 4.2-4.5). Selon le jugement attaqué, les destinataires sont des consommateurs du monde entier qui achètent des billets pour des évènements sur Internet à des fins privées. Le consommateur moyen n’est pas averti, mais dispose d’un niveau de connaissances normal. Etant donné que l’achat d’un billet se fait de manière consciente, l’instance précédente considère qu’on peut admettre un degré d’attention assez élevé (c. 5.1). La recourante ne parvient pas à démontrer que l’instance précédente aurait violé le droit fédéral par ces considérations. Notamment, le fait que l’achat d’un billet pour un évènement ne représente pas un « investissement particulièrement important » ne conduit pas à un faible niveau d’attention du consommateur moyen (c. 5.2). Contrairement à ce que considère le jugement attaqué, la recourante soutient que la défenderesse a adopté un comportement trompeur tombant sous le coup des art. 2 et 3 al. 1 lit. b LCD (c. 7). La juridiction inférieure a constaté que, lors de recherches en ligne sur Google, la défenderesse apparaissait souvent avant même les canaux de distribution officiels, que ce soit de manière naturelle ou au moyen d’annonces Google. Sur le site www.viagogo.ch, la société indique notamment que les prix sont fixés par les vendeurs et peuvent être supérieurs ou inférieurs au prix d’origine, ainsi que le fait que les billets peuvent avoir été achetés à l’origine par un tiers. La recourante critique notamment les déclarations qui figurent dans les annonces Google, la position de la défenderesse dans les résultats de recherche, ainsi que le fait qu’elle ne rendrait pas les utilisateurs suffisamment attentifs à son caractère de simple plateforme de revente, et non de canal de vente officiel. Le jugement attaqué ne considère pas ces comportements comme déloyaux (c. 7.1.1). Il faut partir du principe que les destinataires moyens ne sont vraisemblablement pas familiers avec le détail du fonctionnement des recherches sur Internet, et qu’il est douteux qu’ils connaissent l’influence des AdWords sur les résultats de recherche. En revanche, la recourante ne parvient pas à invalider l'hypothèse de l'instance précédente selon laquelle il est reconnaissable pour les destinataires moyens que les annonces sont des annonces payantes, qui apparaissent généralement avant les résultats de recherche, et selon laquelle ils sont en mesure de distinguer les annonces marquées en conséquence des autres résultats de recherche. Contrairement à ce que soutient la recourante, on ne voit donc pas pourquoi de telles annonces seraient propres à faire croire au destinataire moyen qu’il a affaire au vendeur officiel de billets. Il ne peut être reproché à l’instance précédente de violer l’art. 3 al. 1 lit. b LCD ou l’art. 2 LCD (c. 7.1.2). Le jugement attaqué nie l’existence d’un devoir d’information sur les faits que les billets peuvent être personnalisés ou libellés à un autre nom et qu’ils ne donnent pas toujours accès à l’évènement. Selon lui, le destinataire moyen perçoit le site de l’intimée comme une plateforme de revente, et est bien conscient, lorsqu’il y achète des billets, que l’accès à un évènement peut poser des problèmes. Il ne s’attend pas à recevoir d’indications sur d’éventuels problèmes, car ces indications ne sont pas habituelles. Par conséquent, l’absence d’information ne constitue pas, selon l’instance précédente, un comportement déloyal (c. 7.2.1). La recourante ne peut être suivie lorsqu’elle affirme que le destinataire moyen ne reconnaît pas qu’il a affaire à une plateforme de revente, ce qui entraînerait une obligation d’information (c. 7.2.2). Pour ce motif, on ne peut non plus admettre qu’il existe une obligation d’informer sur les prix des autres vendeurs (c. 7.3), et la recourante ne parvient pas non plus à prouver la déloyauté de l’allégation « prix bas » dans les annonces Google de la défenderesse (c. 8.2). L’instance précédente a constaté que le prix réel à payer n’était pas indiqué dès le départ. Au début du processus de commande, un prix pour les billets était affiché, qui n'incluait pas encore les frais de livraison, la TVA et les frais de réservation, ajoutés par la suite. Le fait que ces éléments étaient exclus du prix initial était expressément indiqué. Selon son texte même, l’art. 3 al. 1 lit. b LCD vise aussi les indications de prix. Le jugement attaqué considère que le consommateur moyen s’intéresse, en matière de prix, au prix réel à payer. Par conséquent, ce prix doit être connu avant la conclusion du contrat. Selon l’instance précédente, il n’existe pas de pratique commerciale exigeant que le prix réel à payer soit indiqué au début du processus de vente en ligne, et l’ajout ultérieur de suppléments constitue une pratique répandue. Le consommateur moyen connaissant, au moment de la décision finale d’achat, le prix qu’il devra effectivement payer, il n’y a selon elle aucun risque de tromperie ou d’induction en erreur en raison de l’indication d’un prix initial inférieur. Le consommateur moyen comprend que, dans ce type de vente (contrairement, par exemple, à une vente dans un magasin physique) le prix initialement affiché ne correspond pas au prix définitif (c. 9.1). La recourante ne parvient pas à démontrer en quoi ces considérations seraient contraires au droit fédéral (c. 9.2). Elle reproche enfin au jugement attaqué d’avoir nié l’existence de méthodes de vente particulièrement agressives au sens de l’art. 3 al. 1 lit. h LCD (c. 10). L’instance précédente a constaté que la défenderesse utilisait sur son site les mentions « les billets sont très demandés », « il ne reste que quelques billets », « les billets sont presque tous vendus » et, sur certaines pages, un compte à rebours. La société indiquait en outre le nombre de billets disponibles, sans préciser s’ils étaient épuisés sur les autres sites de vente, mais en indiquant, lorsqu’on cliquait sur la rubrique appropriée, que l’information ne concernait que la plateforme. Selon l’instance précédente, l’utilisation d’un compte à rebours, indiquant la durée pendant laquelle les billets sélectionnés sont réservés à l’utilisateur, est habituelle pour ce type de vente, et la restriction de la durée de réservation de billets est nécessaire lorsque les billets font l’objet d’une demande particulièrement élevée, afin de garantir le bon déroulement du processus de vente. Ces éléments ne doivent par conséquent pas être qualifiés, selon elle, de méthodes de vente particulièrement agressives. Il est vrai qu’ils peuvent inciter le consommateur moyen à ne pas traîner au moment d’effectuer un achat, et qu’ils peuvent ainsi à tout le moins être désagréables pour lui, mais le consommateur est habitué à ce type de pratiques, usuelles dans le secteur, et ne se sent donc pas mis sous pression. Selon l’instance précédente, le consommateur moyen n’est pas influencé en ce qui concerne le choix de l’évènement et la décision d’achat elle-même. Il ne conclut pas le contrat en raison de la méthode de vente, mais en définitive toujours en raison de l’objet de l’achat. Il ne se trouve pas dans une situation de contrainte qui entrave sensiblement sa liberté de choix, et il sait également que des billets sont encore disponibles sur le marché secondaire auprès d'autres fournisseurs. Lorsqu'il recherche un produit, il visite ces plateformes en ligne de son propre chef. Il n'est pas pris par surprise ou mis sous pression, comme c'est le cas notamment pour le démarchage à domicile ou pour la vente par téléphone. Par conséquent, le comportement de la défenderesse ne tombe selon le jugement attaqué pas sous le coup de l’art. 3 al. 1 lit. h LCD. Il ne constitue pas non plus une tromperie au sens de l’art. 3 al. 1 lit. b LCD ou une violation de l’art. 2 LCD, les informations fournies n’ayant pas créé une impression fausse ou ambigüe quant à la disponibilité des billets (c. 10.1). La recourante ne parvient là encore pas à démontrer que les considérations du jugement attaqué son erronées (c. 10.2). Le recours est rejeté (c. 11). [SR]

27 octobre 2021

TF, 27 octobre 2021, 4A_265/2021 (d)

sic! 4/2022, p. 163-166, « Flüssigkeitsstrahl » ; concurrence déloyale, mise en demeure, dénigrement, brevet, juge de formation technique, étendue de la protection, revendication, interprétation de la revendication, interprétation d’un brevet, homme de métier, état de la technique liquide, connaissances techniques, doctrine des équivalents, imitation, droit d’être entendu, arbitraire, courrier, courrier électronique, recours rejeté ; art. 9 Cst., art. 29 Cst., art. 69 al. 1 CBE 2000, art. 51 al. 2 LBI, art. 51 al. 3 LBI, art. 66 lit. a LBI, art. 3 al. 1 lit. a LCD, art. 9 al. 2 LCD.

La demanderesse, titulaire d’un brevet concernant un procédé de production d’un jet de liquide en vue de l’usinage d’une pièce, reproche à l’intimée une violation de son brevet. En février 2018, elle a adressé deux courriers de mise en demeure à des partenaires commerciaux de la défenderesse, les menaçant de poursuites civiles et pénales pour leur participation, en se fondant uniquement sur une demande de brevet de la défenderesse, sans savoir quels produits cette dernière produisait et vendait en réalité. En mai 2020, durant la procédure en contrefaçon de brevet qu’elle avait ouverte contre l’intimée, la demanderesse a adressé un courriel d’avertissement à une autre de ses partenaires commerciales, alors même que le juge spécialisé avait rendu, en mai 2020, un avis concluant à la non-violation. L’étendue de la protection conférée par un brevet est déterminée par les revendications (art. 51 al. 2 LBI et art. 69 al. 1 CBE 2000). Les instructions techniques décrites dans les revendications doivent être interprétées de la manière dont l’homme du métier les comprend. Le point de départ de toute interprétation est leur texte. La description et les dessins doivent aussi être pris en compte (art. 51 al. 3 LBI et art. 69 al. 1 2ème phrase CBE 2000). Les connaissances techniques générales constituent également un moyen d’interprétation en tant qu’état de la technique liquide. La description et les dessins ne servent qu'à interpréter la revendication dans la mesure où le texte n'est pas clair, mais et non à la compléter. Le titulaire du brevet doit donc décrire précisément l'objet de l'invention dans la revendication, et supporte le risque d'une définition incorrecte, incomplète ou contradictoire (c. 2.1). Le droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.) exige que l'autorité entende effectivement les arguments des parties, les examine et en tienne compte dans sa décision. Il en découle l'obligation pour l'autorité de motiver sa décision. Elle n'est pas tenue de se déterminer en détails sur chacun des points soulevés par les parties, ni de réfuter expressément chaque argument. Elle peut au contraire se limiter aux points essentiels pour la décision. La motivation doit toutefois être rédigée de manière à ce que les personnes concernées puissent se rendre compte de la portée de la décision et la porter en toute connaissance de cause devant l'instance supérieure. Dans ce sens, il faut au moins mentionner brièvement les considérations qui ont conduit l’autorité à prendre sa décision. Le droit d'être entendu comprend aussi le droit de la partie concernée de s’exprimer dans une procédure susceptible de modifier sa situation juridique, ainsi que de fournir, en temps utile et dans la forme prescrite, des preuves pertinentes (c. 3.1.1). Selon la jurisprudence, l’arbitraire (art. 9 Cst.) ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération, ou même qu’elle serait préférable, mais seulement du fait que la décision attaquée est manifestement insoutenable, clairement en contradiction avec la situation effective, qu'elle viole de manière flagrante une norme ou un principe juridique incontesté ou qu'elle contrevient de manière choquante à l'idée de justice. En outre, le Tribunal fédéral n'annule une décision que si elle est arbitraire non seulement dans sa motivation, mais aussi dans son résultat (c. 3.1.2). L'instance précédente a fondé son appréciation de l'utilisation de l’invention brevetée (par imitation au sens de l’art. 66 lit. a LBI) sur la doctrine des équivalents, développée par la jurisprudence du Tribunal fédéral, qui recourt aux éléments de l’équivalence de la fonction, de l’évidence et de l’équivalence. Elle est arrivée à la conclusion qu’il n’y a pas en l’espèce d’imitation de l’invention brevetée (c. 3.2). La recourante ne peut être suivie lorsqu’elle affirme que l’instance précédente n’a pas tenu compte de ses allégations et des moyens de preuve présentés. Il n’y a pas en l’espèce de violation du droit d’être entendu (c. 3.3). Le reproche d’arbitraire est lui aussi infondé, et la conclusion de l’instance précédente selon laquelle il n’y a pas d’utilisation de l’invention brevetée par des moyens équivalents est maintenue (c. 3.4). Même si des mises en demeures peuvent être fréquentes dans certains secteurs, il n’en reste pas moins qu’une accusation injustifiée de violation d’un droit de propriété intellectuelle peut constituer un dénigrement au sens de l’art. 3 al. 1 lit. a LCD (c. 6.2). L’avertissement injustifié doit être distingué de la défense justifiée contre les violations des droits de propriété intellectuelle. L’enregistrement d’un brevet autorise son titulaire à le défendre contre les violations commises par des tiers, et l’application de la LCD ne doit pas limiter les possibilités d’action de celui qui, de bonne foi, veut faire valoir ses droits réels ou supposés. A cet égard, il ne faut pas considérer comme une violation du principe de la bonne foi le fait qu'au moment de l'avertissement, l'incertitude régnait encore quant à l'existence ou à la violation du brevet invoqué, puis que la nullité ou la non-violation a été constatée lors du procès qui a suivi. Le titulaire du brevet agit toutefois de manière déloyale lorsqu'il sait qu'il n'y a pas de contrefaçon ou qu'il doit au moins avoir des doutes sérieux quant à la véracité de l’accusation de contrefaçon. Il convient de noter que l’admissibilité des avertissements adressés à des tiers doit être soumise à des exigences plus strictes que celle des avertissements adressés aux auteurs directs de violations (c. 6.3). C’est à juste titre que l’instance précédente s’est fondée sur le fait que la recourante a donné l’impression, dans ses lettres de février 2018, de connaître la technologie prétendument contrefaisante de manière suffisamment précise pour qu’une appréciation en droit des brevets soit possible, alors qu’elle ne se fondait en réalité que sur la demande de brevet de la défenderesse. Compte tenu des circonstances de fait, c’est à juste titre que l’instance précédente a considéré que la demanderesse devait avoir des doutes sérieux quand à l’exactitude de son accusation de violation de son brevet. Les courriers adressés en 2018 à des partenaires commerciaux de la défenderesse, qui présentaient clairement un caractère de mise en demeure en raison de leur référence aux sanctions civiles et pénales encourues en raison d’éventuels actes de participation, ne constituaient pas, selon les règles de la bonne foi, une mesure de défense justifiée pour la protection du brevet. C’est d’autre part à juste titre que l’instance précédente a considéré que la demanderesse devait avoir des doutes sérieux quant à son allégation de violation de son brevet au moment de l’envoi de son courriel, en mai 2020, dans lequel elle menaçait un autre partenaire commercial de la défenderesse sans mentionner l’avis du juge expert (c. 6.4). L’instance précédente a considéré que les lettres et le courriel violaient l’art. 3 lit. a LCD, et que les intimées étaient en droit, en vertu de l’art. 9 al. 2 LCD, d’exiger une clarification vis-à-vis de tous les destinataires (c. 7.1), impliquant l’obligation de les informer de l’issue de la procédure, et d’en obtenir copie. Cette sanction n’est pas disproportionnée (c. 7.3). Le recours est rejeté (c. 8). [SR]