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29 juin 2015

CAF, 29 juin 2015 (d)

« Tarif A Radio (Swissperform) 2013-2016 » ; tarifs des sociétés de gestion, effet suspensif, pesée d’intérêts, mesures provisionnelles ; art. 55 PA, art. 56 PA, art. 74 al. 2 LDA.

Il convient de traiter sans délai une demande d’effet suspensif, l’art. 55 al. 3 PA étant en l’espèce applicable par analogie (c. 1). Les recours contre les décisions de la CAF n’ont un effet suspensif que si le juge instructeur du TAF l’ordonne. Pour décider, il faut peser les différents intérêts privés et publics en jeu. Il faut déterminer si les raisons qui parlent en faveur d’une exécution immédiate l’emportent sur celles qui plaident pour la solution contraire. La situation à régler par la décision finale ne doit ni être préjugée, ni rendue impossible. Les pronostics sur l’issue de la procédure ne peuvent être pris en compte que s’ils sont clairs. En cas d’incertitudes de fait ou de droit, il faut faire preuve de retenue (c. 2.1). L’effet suspensif est limité aux ordres positifs figurant dans la décision attaquée ; il ne doit pas avoir valeur de précédent en remodelant le rapport de droit litigieux et sert  tout au plus à maintenir la situation préexistante durant la procédure de recours. D’après l’art. 56 LDA, d’autres mesures provisionnelles que l’effet suspensif sont possibles pour maintenir intact un état de fait existant, ou pour sauvegarder des intérêts menacés (c. 2.2). La recourante (à titre principal) et l’intimée (dans une conclusion subsidiaire) souhaitent que la prétention tarifaire litigieuse ne puisse pas faire l’objet de mesures d’exécution (forcée) durant la procédure de recours. En général, une telle solution sera préférée à celle l’art. 74 al. 2 LDA dans les cas où le recours s’avère manifestement fondé ou infondé, tandis que l’effet suspensif sera décrété dans les cas où il est incertain que les redevances litigieuses soient dues ; en revanche, la solution de l’art. 74 al. 2 LDA (c’est-à-dire l’entrée en vigueur immédiate du nouveau tarif) aura la priorité si la pesée des intérêts conduit à une impasse et qu’aucun intérêt de l’une ou l’autre des parties n’apparaît prépondérant (c. 3). En l’espèce, il faut peser les différents intérêts en présence, car il n’est pas possible de faire un pronostic clair sur l’issue de la procédure et le recours n’apparaît ni manifestement bienfondé, ni manifestement mal fondé. Ce sont les intérêts des personnes représentées par les parties qui doivent être pris en considération, à savoir ceux des ayants droit, d’une part, et des utilisateurs d’œuvres, d’autre part (c. 4). En l’espèce, d’éventuels paiements indus pourraient être compensés avec des créances tarifaires futures. La diminution provisoire de liquidités dont souffrira la recourante n’est pas un intérêt prépondérant justifiant l’effet suspensif. Au contraire, il serait encore plus délicat pour elle que l’intimée au recours, si elle devait gagner la procédure, puisse après coup lui réclamer un surcroît de redevance à titre rétroactif. Au surplus, sous l’angle de la simplification des déclarations à fournir, aucun argument ne plaide pour l’une ou l’autre des parties. Comme on ne peut dégager aucun intérêt prépondérant en l’espèce, il faut s’en tenir à la solution de l’art. 74 al. 2 LDA et refuser l’effet suspensif (c. 5). Peut rester ouverte la question de savoir si le TAF est compétent (et si oui sous quelle forme) pour ordonner une interdiction de recouvrer la prétention litigieuse par voie d’exécution forcée (c. 6). [VS]

11 juillet 2016

TF, 11 juillet 2016, 4A_406/2015 (d)

Droit des marques, action en interdiction, amende d’ordre, insoumission à une décision de l’autorité, recours en matière civile, usage à titre de marque, exécution de jugement, précision des conclusions, mesures provisionnelles, mesures superprovisionnelles ; art. 98 LTF, art. 13 al. 2 LPM, art. 13 al. 2 lit. c LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM, art. 261 al. 1 lit. a CPC, art. 265 al. 1 CPC, art. 267 CPC, art. 268 al. 1 CPC, art. 343 al. 1 lit. a CPC, art. 343 al. 1 lit. c CPC, art. 292 CP.

Un recours contre une amende d’ordre prononcée pour insoumission à une décision de l’autorité est un recours en matière civile (c. 1.2). À la différence de l’interdiction provisoire prononcée dans le cadre de mesures provisionnelles suivant des mesures superprovisionnelles, l’amende d’ordre qui l’accompagne n’est en elle-même pas ordonnée à titre provisoire et ne constitue ainsi pas une décision portant sur une mesure provisionnelle au sens de l’art. 98 LTF (c. 1.4). Concernant l’exécution des jugements, en matière de mesures provisionnelles, l’art. 267 CPC prévoit que le tribunal qui a ordonné ces mesures prend également les dispositions d’exécution qui s’imposent. C’est ce qu’a fait le jugement de mesures provisionnelles dans le point du dispositif contre lequel s’élève le recours qui condamne le recourant à une amende d’ordre de Fr. 48'000.- pour ne pas avoir respecté pendant 48 jours les mesures superprovisionnelles confirmées par le jugement, assorties d’une menace de la peine prévue à l’art. 292 CP et prévoyant une amende d’ordre de Fr. 1'000.- pour chaque jour d’inexécution (c. 3). L’amende d’ordre de l’art. 343 al. 1 lit. c CPC permet en particulier de garantir l’exécution d’une interdiction d’agir, notamment dans les cas où l’interdiction ordonnée a pour conséquence que la partie condamnée est tenue d’abandonner un comportement illicite durable. En lien avec des mesures provisionnelles, et en particulier avec une interdiction superprovisoire, il convient en outre de tenir compte du fait que celles-ci (jusqu’à leur modification ou leur suppression) doivent être respectées, même si elles devaient par la suite s’avérer injustifiées. Même après qu’un jugement au fond a tranché autrement, une amende d’ordre peut être ordonnée pour le comportement intervenu dans l’intervalle en violation du jugement provisoire levé par la suite (c. 5.2). Les actions en interdiction doivent viser un comportement décrit de manière précise. La partie obligée doit ainsi savoir ce qu’elle n’ose plus faire et les autorités pénales ou d’exécution doivent également savoir quels actes elles doivent empêcher ou auxquels elles doivent infliger une peine. Lorsqu’elles sont saisies, ces autorités doivent uniquement examiner si la condition de fait (du renouvellement d’un comportement interdit par le juge civil) est remplie. Elles n’ont par contre pas à qualifier juridiquement ce comportement. Cela est vrai aussi lorsque l’interdiction a été prononcée dans le cadre de mesures superprovisionnelles sans l’audition de la partie adverse selon l’art. 265 al. 1 CPC. Dans ce cas toutefois, le tribunal doit être particulièrement attentif à la formulation de l’interdiction du moment que la partie adverse est privée tant de la possibilité de s’exprimer préalablement que de voies de droit contre le jugement rendu. L’interdiction provisoire doit ainsi être formulée de manière à ce qu’aucune question de droit matériel n’ait à être tranchée dans le cadre de la procédure d’exécution. Le requérant des mesures superprovisionnelles doit donc décrire de manière très concrète le comportement qui le menace et dont il souhaite obtenir l’interdiction au sens de l’art. 261 al. 1 lit. a CPC. Si les circonstances changent et que la partie adverse modifie sa manière de porter atteinte aux droits du requérant, les mesures provisionnelles peuvent être modifiées selon l’art. 268 al. 1 CPC (c. 5.3). La question de savoir si la publication sur Facebook d’une seule photo illustrant entre autres un coureur automobile dont le maillot arbore le sigle dont l’utilisation a été interdite, constitue une utilisation illicite dans les affaires au sens de l’ordonnance de mesures provisionnelles et une violation du droit des marques et de la concurrence, aurait dû être tranchée dans le cadre de la procédure de jugement civile. La portée de l’ordonnance de mesures superprovisionnelles n’est ainsi pas limitée de façon suffisamment précise, la formulation de l’art. 13 al. 2 LPM ne permettant pas de déterminer quel comportement concret constituerait dans le cas particulier une violation du droit à la marque et quel autre pas, ainsi que le démontre l’énumération des lit. c et e par exemple. Il ne ressort pas de l’ordonnance de mesures superprovisionnelles que toute publication du logo sur le profil Facebook de la recourante devrait être interdite sans exception et indépendamment de son contexte (photo souvenir de la cérémonie de remise des honneurs d’une course automobile). L’ordonnance en question ne suffit donc pas à fonder l’amende d’ordre querellée (c. 5.4). L’utilisation du logo sur le compte Instagram de la recourante constitue, elle, une violation de l’interdiction prononcée dans le cadre de l’ordonnance de mesures superprovisionnelles. Bien que la modification de son compte Instagram pour en supprimer le logo aurait impliqué un comportement actif de la part de la recourante, l’obligation d’opter pour un tel comportement peut également découler d’une ordonnance d’interdiction dans la mesure où, comme en l’espèce, elle résulte clairement des circonstances (c. 5.5). Lorsque l’ordonnance d’interdiction a été partiellement respectée et que le comportement incriminé ne s’est poursuivi que « de manière mineure » et par négligence, le montant de l’amende ne saurait être maximal et atteindre les Fr. 1'000.- par jour prévus par l’art. 343 al. 1 lit. c CPC (c. 6). Le recours est partiellement admis. [NT]

18 janvier 2017

TFB, 18 janvier 2017, S2017_002 (d) (mes. prov.)

Mesures provisionnelles, action en interdiction, droit à la délivrance du brevet, fardeau de la preuve, fardeau de l’allégation ; art. 332 al. 2 CO, art. 3 LBI, art. 77 LBI, art. 261 al. 1 CPC.

L’art. 332 CO ne concerne que les relations entre un travailleur et son employeur et ne saurait fonder une prétention d’un tiers au droit à la délivrance du brevet. La demanderesse qui prétend être investie d’un droit sur le brevet litigieux (ou d’une copropriété sur une part de celui-ci) ne le rend vraisemblable que si elle démontre : a) qu’elle (respectivement ses employés) a réalisé ou co-réalisé l’invention (quoi exactement, où, comment), b) comment l’invention a été portée à la connaissance de celui qui l’a déposée sans droit (causalité), c) que l’objet de la demande tel qu’il est finalement défini correspond à l’invention réalisée par la demanderesse. Ce sont les trois éléments centraux qui permettent de fonder une demande (c. 5). [NT]

06 décembre 2016

TFB, 6 décembre 2016, S2016_004 (d) (mes. prov.)

Action en interdiction, mesures provisionnelles, imitation, doctrine des équivalents, fonction objective, solution équivalente, limitation d'une revendication, Prosectuion History Estoppel, bonne foi, principe de la confiance ; art. 69 CBE ; art. 66 a LBI ; art. 2 CC

Afin de déterminer si l’on se trouve en présence d’une imitation illicite d’une invention brevetée, il convient d’appliquer la doctrine des équivalents. Se posent alors trois questions : 1. Les caractéristiques substituées remplissent-elles la même fonction objective (même effet) ? On se fondera ici sur les principaux effets innovants découlant du brevet. 2. Les caractéristiques substituées et leur même fonction objective sont-elles rendues évidentes à l’homme du métier par l’enseignement du brevet (accessibilité) ? Ce n’est pas l’état de la technique, mais le brevet litigieux qui constitue le point de départ pour répondre à cette question. 3. Enfin, l’homme de métier, en s’orientant selon la lettre de la revendication et à la lumière de la description, aurait-il considéré que les caractéristiques substituées présentent une solution équivalente ? (c. 4.5.2, c. 4.6.1.). Même si la Suisse, comme d’autres pays européens d’ailleurs, ne connaît pas la Prosecution History Estoppel, l’historique de la procédure du dépôt du brevet peut et doit même être prise en considération en particulier si une revendication a été limitée par le déposant afin d’obtenir le brevet. En application du principe de confiance énoncé à l’art. 2 CC, le titulaire du brevet est lié par les limitations qu’il a faites à son brevet dans le cadre de la procédure d’octroi. Il ne peut pas, par la suite, contourner ces limitations par la voie de la doctrine des équivalents (c. 4.5.3). [DK]

« Tarif commun 12 » ; tarifs des sociétés de gestion, procédure tarifaire en cours, mesures provisionnelles, vide tarifaire, droit à rémunération; art. 56 PA, art. 40 al. 2 LDA, art. 74 al. 2 LDA.

Voir CAF, 11 juillet 2016 « tarif commun 3a ». Le tarif commun 12 vise des droits à rémunération, dont l’exercice est soumis à la surveillance de la Confédération. Sans tarif approuvé, les utilisations litigieuses pourraient certes être entreprises, mais les redevances ne pourraient pas être perçues. Il y a donc une urgence qui justifie des mesures provisionnelles (c. 5). De plus, une situation de vide tarifaire conduirait à une insécurité juridique aussi pour les utilisateurs, qui pourraient être confrontés à des prétentions après coup. Il y a ainsi un intérêt à ce que le fonctionnement de la gestion collective soit assuré durant la procédure par des mesures provisionnelles (c. 6). [VS]

05 septembre 2016

TF, 5 septembre 2016, 2C_685/2016 (d)

« Tarif commun 3a complémentaire » ; tarifs des sociétés de gestion, effet suspensif ; art. 32 al. 1 LTF, art. 103 LTF.

Selon l’art. 103 al. 1 LTF le recours, en règle générale, n’a pas d’effet suspensif. Mais le juge instructeur ou le président de la cour peut en décider autrement, d’office ou sur une requête d’une partie. L’effet suspensif sera ordonné si l’intérêt prépondérant d’une partie, de la collectivité ou d’un tiers le nécessite. Tel sera le cas si la décision attaquée risque de causer un dommage qui ne pourrait pas être réparé par l’admission ultérieure du recours, et que ce risque ne paraît pas supportable pour l’intéressé d’après les circonstances concrètes. Dans la pesée des intérêts, les pronostics sur l’issue de la procédure ne peuvent être pris en compte que s’ils sont clairs. De plus, il faut respecter une certaine continuité dans la procédure (c. 2.1). En l’espèce, on ne peut pas faire un pronostic clair sur l’issue de la procédure et la requête d’effet suspensif garantit que le régime qui valait déjà devant le TAF sera continué. En outre, son rejet occasionnerait des frais aussi pour les intimées au recours. La requête doit donc être admise (c. 2.2). [VS]

23 décembre 2016

CAF, 23 décembre 2016 (d)

« Tarif commun 12 » ; tarifs des sociétés de gestion, mesures provisionnelles, demande de réexamen, nouvel examen, déni de justice, révision, droit d’être entendu ; art. 29 Cst, art. 55 al. 2 LDA, art. 58 al. 1 PA, art 66 PA.

L’art. 58 al. 1 PA est applicable en procédure tarifaire devant la CAF, vu l’art. 55 al. 2 LDA. Il n’y a cependant aucun droit à ce que l’autorité procède à un nouvel examen de sa décision en application de cette disposition. Il faut entrer en matière sur une demande de réexamen, pour éviter un déni de justice au sens de l’art. 29 al. 1 et 2 Cst, lorsque la décision devient erronée après coup ; de plus, l’existence d’un motif de révision au sens de l’art. 66 PA peut fonder une demande de réexamen d’une décision entrée en force. Ce motif doit toutefois avoir été découvert après l’échéance du délai de recours et la demande doit être traitée selon les règles de la procédure de révision (c. 1.1). Une demande de réexamen peut être formée par toute partie qui disposait d’un droit de recours dans la procédure initiale (c. 1.2). C’est au demandeur de prouver l’existence d’un motif de révision. Mais celui-ci peut tomber lorsque ce demandeur aurait pu invoquer le grief dans une procédure de recours ordinaire. En effet, la demande de réexamen ne doit pas servir à remettre constamment en cause une décision entrée en force ou à contourner les délais de recours (c. 1.3). La décision rendue suite au réexamen peut être attaquée de la même manière que la décision initiale. Une décision de non-entrée en matière sur la demande de reconsidération est également attaquable (c. 1.4). En l’espèce, la demande de réexamen est recevable : les requérantes n’ont certes pas cherché à recourir par la voie ordinaire contre les mesures provisionnelles qu’elles contestent, mais elles ont déposé leur demande alors que le délai de recours n’était pas encore échu ; ce délai n’a donc pas été contourné ; de plus, même si les requérantes n’ont pas participé à la procédure initiale, leur qualité de partie fait l’objet de la procédure sur le fond et la question ne pourra pas être tranchée avant l’entrée en vigueur des mesures provisionnelles (c. 3.1). Celles-ci consistent en une prolongation de l’ancien tarif pour la durée de la procédure devant la CAF, cela sous réserve de décompte ultérieur selon le tarif qui résultera de cette procédure. Les mesures provisionnelles ne resteront en vigueur que quelques mois. Ces éléments relativisent le dommage que pourraient subir les requérantes du fait des mesures, d’autant qu’elles n’ont pas agi civilement contre l’ancien tarif durant les quatre ans où il a été en vigueur (c. 3.2). De plus, les mesures provisionnelles ont été ordonnées justement en raison de la prolongation de la procédure due à la participation des requérantes, lesquelles ont pris passablement de temps pour soumettre leur écriture à la CAF, quand bien même elles se basaient principalement sur un arrêt du TF datant de deux ans (c. 3.3). Contrairement à ce que prétendent les requérantes, leur position juridique en l’espèce est incertaine (c. 3.4). Les intérêts des requérantes, à supposer que la CAF soit compétente pour les sauvegarder, ne sont pas aptes à surpasser les autres intérêts privés et publics en présence (c. 3.5). Les mesures provisionnelles n’auraient pas pu être ordonnées avec la décision sur le fond ou juste avant l’échéance de l’ancien tarif, car il fallait donner aux tiers la possibilité de les attaquer avant qu’elles n’entrent en vigueur. Les requérantes ont eu cette possibilité et l’on ne peut que spéculer sur les raisons qui les ont conduites à ne pas recourir par la voie ordinaire et à se contenter d’une demande de réexamen (c. 3.6). Le droit d’être entendu des requérantes n’a pas été violé lors de la décision sur les mesures provisionnelles (c. 3.7). La demande de réexamen doit donc être rejetée, d’autant que les mesures provisionnelles pourront être en tout temps modifiées ou révoquées dans le cadre de la procédure (c. 3.8). Le droit d’être entendu n’implique pas de consulter les sociétés de gestion et les associations d’utilisateurs avant de rendre la présente décision, car le maintien des mesures provisionnelles correspond à ce qu’elles ont demandé par leurs conclusions antérieures (c. 4). [VS]

29 décembre 2017

TFB, 29 décembre 2017, S2017_008 (d) (mes. prov.)

Compétence internationale ; mesures provisionnelles ; art. 11 Protocole sur la compétence judiciaire et la reconnaissance de décisions portant sur le droit à l'obtention du brevet européen, art. 2 al. 1 CL, art. 23 al. 1 lit. b LTFB, art. 26 al. 1 et 2 LTFB, art. 1 LDIP.

Le demandeur, une personne physique, a sa résidence en France. La défenderesse est une société anonyme ayant son siège en Suisse. Il s’agit ainsi d’un état de fait international. La LDIP s’applique ainsi à la question de la compétence (art. 1 LDIP). D’après l’art. 1 al. 2 LDIP, les traités internationaux sont réservés. Dans le présent cas, il s’agit de la Convention sur le brevet européen (CBE, RS 0.232.142.2), du Protocole sur la compétence judiciaire et la reconnaissance de décisions portant sur le droit à l'obtention du brevet européen (Protocole sur la reconnaissance, RS 0232.142.22) et de la Convention de Lugano (RS 0.275.12). Dans la mesure où la CBE et le Protocole sur la reconnaissance sont applicables, ils priment la Convention de Lugano, conformément à l'art. 11 du Protocole sur la reconnaissance. En ce qui concerne le droit à la demande de brevet européen, seule la CBE est applicable. Conformément à l'article 2 du Protocole sur la reconnaissance, le déposant d'un brevet européen dont le siège est situé dans un État contractant à la CBE doit être attrait devant les tribunaux de cet État contractant.  Dans le cas d’espèce, la défenderesse, basée en Suisse, est titulaire de la demande de brevet européen objet du litige. La compétence à raison du lieu du Tribunal fédéral des brevets est donc donnée en ce qui concerne la demande et l’évaluation du droit à la demande du brevet européen. Les autres dépôts litigieux doivent être jugés par les tribunaux du domicile des défendeurs, selon les règles de compétence de l’art. 2 al. 1 CL. Le Tribunal fédéral des brevets est donc compétent pour le différend objet du cas d’espèce, tant à raison du lieu que de la matière (art. 26 al. 2 LTFB). Cela vaut également pour les mesures provisionnelles (art. 1 al. 2 LDIP, combiné avec art. 31 CL et art. 26 al. 1 et 2 LTFB). Conformément à l'art. 23 al. 1 lit. b LTFB, le président, en tant que juge unique, décide des demandes de mesures provisionnelles (c.3). [DK]

29 novembre 2018

TAF, 29 novembre 2018, B-5852/2017 (d)

« Tarif commun 3a (2019-2021) » ; tarifs des sociétés de gestion, effet suspensif, dommage difficile à réparer, pesée d’intérêts, mesures provisionnelles; art. 56 PA, art. 74 al. 2 LDA.

Des mesures provisionnelles au sens de l’art. 56 PA impliquent un dommage difficile à réparer et une pesée des intérêts, dans le cadre de laquelle il faudra prendre en compte les effets des mesures pendant la durée prévisible de la procédure au fond (c. 1.1). Une demande de mesures provisionnelles tendant à prolonger l’ancien tarif avec certaines adaptations revient à demander un effet suspensif contre le nouveau tarif. D’après l’art. 74 al. 2 LDA, les recours contre les décisions de la CAF n’ont en principe pas d’effet suspensif et la règle est que le nouveau tarif produise ses effets avant l’entrée en force de la décision (c. 1.2). Il n’est pas vraisemblable que SUISA puisse continuer l’encaissement du TC 3a aux mêmes coûts que Billag SA actuellement (c. 2.1). Mais la reprise de l’encaissement par SUISA n’entrainera pas nécessairement des complications administratives. Le fait que le montant des redevances soit incertain jusqu’à chose jugée ne constitue pas un dommage difficile à réparer et l’incertitude ne peut être évitée par des mesures provisionnelles. D’éventuelles redevances versées en trop pourraient être compensées avec de futures créances tarifaires. Les coûts seraient semblables à ceux qu’occasionnerait une facturation après coup d’un surplus à réclamer aux utilisateurs. L’augmentation prévue par le nouveau tarif n’est pas d’une importance telle que des retards de paiement, des poursuites ou des licenciements soient à craindre. Il n’y a pas d’urgence, de dommage difficile à réparer ou d’intérêts prépondérants qui justifieraient de retarder l’entrée en vigueur du nouveau tarif. Les requêtes de mesures provisionnelles doivent donc être rejetées (c. 2.2). [VS]

24 août 2018

TFB, 24 août 2018, S2018_003 (f)

Action en cession d’une demande de brevet, mesures provisionnelles avant litispendance, mesures super-provisionnelles, vraisemblance, droit à la délivrance du brevet, invention de service, machine à café ; art. 3 al. 1 LBI, art. 29 al. 1 LBI, art. 332 al. 1 CO.

S’agissant de la prétention en cession d’une demande de brevet au sens de l’art. 29 al. 1 LBI, le demandeur, prétendu ayant droit, doit alléguer et, en cas de contestation, prouver : 1. Qui est l’inventeur de quel enseignement technique, 2. De quelle manière le droit à la délivrance du brevet pour cet enseignement technique a été transféré par l’inventeur au prétendu ayant droit, 3. Comment et quand l’enseignement technique en question a été porté à la connaissance de la déposante inscrite auprès de l’autorité d’enregistrement et 4. En quoi l’enseignement technique coïncide avec la demande de brevet litigieuse. Des allégations générales ne suffisent pas : il convient de décrire l’enseignement technique concret. Il appartient précisément au tribunal de déterminer la mesure dans laquelle l’enseignement technique de l’ayant droit et l’enseignement technique de la demande litigieuse correspondent (c. 8). Aux termes de l’art. 3 al. 1 LBI, le droit à la délivrance du brevet appartient à l’inventeur, à son ayant cause ou au tiers à qui l’invention appartient à un autre titre. L’inventeur est la personne physique à l’origine de la création technique constitutive d’une invention. Selon l’art. 332 al. 1 CO, les inventions que le travailleur a fait dans l’exercice de son activité au service de l’employeur et conformément à ses obligations contractuelles appartiennent à l’employeur, qu’elles puissent être protégées ou non. La titularité des droits sur de telles inventions, dites de service, dépend donc de la réalisation de deux conditions : 1. L’invention a été faite « dans l’exercice de son activité au service de l’employeur » et 2. L’invention (ou la participation à sa réalisation) a été faite par l’employé « conformément à ses obligations contractuelles ». Selon la jurisprudence, est décisive la question de savoir si le travailleur a l’obligation de mettre ses capacités inventives au service de son employeur (c. 9). Lorsque des employés sont engagés en tant qu’ingénieurs de développement, ils sont chargés de développer des innovations techniques. Que ces inventions aient été faites pendant les heures de travail à leur bureau ou après les heures de travail à leur domicile n’a pas d’importance tant que la réalisation des inventions faisait partie de leurs obligations contractuelles. Le développement litigieux a donc été réalisé dans l’exercice des activités des travailleurs au service de leur employeur (c. 42). Lorsque des employés sont chargés de mettre au point un système de production rapide de vapeur, le développement d’un dispositif de production d’eau chaude fait partie de leurs obligations contractuelles. En effet, tout système capable de produire de la vapeur produit nécessairement de l’eau chaude et les différences techniques entre un dispositif de production d’eau chaude et un dispositif de production de vapeur sont minimes. Le développement a donc in casu également été effectué conformément aux obligations contractuelles des deux employés. En vertu de l’art. 332 al. 1 CO, la demanderesse est ainsi l’ayant droit de l’invention ou des inventions revendiquées dans les revendications des demandes de brevet litigieuses et a par conséquent droit à ce que celles-ci lui soient partiellement transférées selon l’art. 29 al. 1 LBI (c. 44). [NT]

05 avril 2018

TFB, 5 avril 2018, S2018_002 (d) (mes. prov.)

sic! 10/2018, p. 565-566, « Valsartan / Amlodipin II » ; mesures provisionnelles, mesures superprovisionnelles, procédure ordinaire parallèle, urgence, droit d’être entendu ; art. 77 al. 1 lit. a LBI, art. 261 al. 1 CPC, art. 265 al. 1 CPC.

Pour obtenir une mesure superprovisionnelle, il faut, en sus de remplir les conditions requises pour les mesures provisionnelles, que le requérant se trouve dans une situation dans laquelle il lui est impossible d’attendre que la partie adverse ait été entendue. S’agissant d’une restriction sévère au droit fondamental d’être entendu, une telle mesure doit demeurer l’exception. Elle peut entrer en considération lorsqu’un effet de surprise est nécessaire ; lorsqu’un risque de récidive ou d’intensification de la violation se présente ; ou en en cas d’urgence temporelle particulière. Ce n’est que dans ce dernier cas que le tribunal examine si la demande n’a pas manifestement été déposée trop tard (c.5.). Un des critères est le temps généralement accordé par le juge à l’autre partie pour formuler ses observations. Si la partie requérante attend beaucoup plus longtemps, en l’espèce plus de deux mois après l’avis spécialisé (c. 7), il est difficile de conclure à une urgence particulière au sens de l’art. 265 CPC et la requête doit donc être rejetée (c. 5). Une situation ne devient par ailleurs pas particulièrement urgente du simple fait que la partie adverse n’est pas disponible pour avancer la tenue d’une audience dans une procédure parallèle en nullité de brevet ou qu’elle dépose des requêtes procédurales supplémentaires propres à prolonger la procédure (c.7). [CS-DK]

19 juillet 2019

TAF, 19 juillet 2019, B-3599/2019 (d)

« Tarif commun 5 » ; tarifs des sociétés de gestion, effet suspensif, mesures provisionnelles, urgence, mesures superprovisionnelles ; art. 55 al. 5 PA, art. 56 PA, art. 74 al. 2 LDA

Selon les art. 55 al. 5 PA et 74 al. 2 LDA, les recours contre l’approbation de tarifs n’ont aucun effet suspensif de par la loi. Cette règle a pour but d’éviter que de tels recours occasionnent des lacunes tarifaires. Le juge instructeur peut toutefois ordonner l’effet suspensif, d’office ou sur demande d’une partie (c. 1.2). En cas de requête de mesures superprovisionnelles, il faut mettre en balance l’intérêt du requérant à une protection juridique immédiate et celui de l’intimé à s’exprimer sur les arguments invoqués. Comme en procédure provisionnelle ordinaire, il faut peser les différents intérêts privés et publics. La situation à régler par la décision finale ne doit être ni préjugée, ni rendue impossible (c. 2.2). En l’espèce, la requérante fait valoir une certaine urgence, mais celle-ci ne paraît pas telle qu’il faille renoncer à entendre les parties intimées (c. 2.3). [VS]

08 février 2019

TFB, 8 février 2019, S2018_006 (d) (mes. prov)

Mesures provisionnelles, homme de métier, activité inventive, imitation, équivalence, urgence, approche « problème-solution », doctrine des équivalents; art. 69 (1) CBE 2000, Protocole interprétatif de l'art. 69 de la convention de brevet européen, art. 66 lit. a LBI.

Dans une procédure en contrefaçon, le demandeur est déchu de son droit aux mesures provisionnelles, si approximativement quatorze mois se sont écoulés depuis la date à laquelle il aurait pu introduire une demande en procédure ordinaire. Attendu que la durée moyenne d’une procédure ordinaire est de vingt-quatre mois et celle pour des mesures provisionnelles de huit à dix mois, dans la situation précitée, cette demande de mesures provisionnelles présente une « urgence relative » qui la rend donc caduque (c. 13). Les connaissances et les compétences de l’homme de métier doivent être déterminées en deux étapes. La première vise à définir le domaine d’expertise de l’invention à évaluer, la seconde à évaluer le niveau et l’étendue des connaissances et des compétences de l’homme de métier (c. 18). Ainsi, l’homme de métier constitué d’une équipe composée d’un micromécanicien spécialisé en horlogerie mécanique et d’un physicien spécialisé dans les techniques de microfabrication n’a pas de connaissances particulières en horlogerie électronique (c. 20). L’approche en trois phases problème-solution de l’OEB est systématiquement appliquée pour l’évaluation de l’activité inventive. La première phase détermine l’état de la technique le plus proche, la deuxième établit le problème technique objectif à résoudre, et la troisième examine si l’invention revendiquée, en partant de l’état de la technique le plus proche et du problème technique objectif, aurait été évidente pour l’homme du métier (c. 23). Le problème technique objectif doit être formulé de manière à être exempt de solutions techniques qui tendraient à imposer une approche rétrospective (c. 27). L’article 66 lit. a LBI 2e phrase stipule que l’imitation d’une invention brevetée, soit son utilisation par des moyens équivalents, constitue également une utilisation illicite. Les réponses à trois questions permettent de déterminer si une infraction par des moyens équivalents est réalisée : 1. La caractéristique modifiée, conjointement avec les autres caractéristiques techniques de la revendication, remplit-elle objectivement la même fonction que la caractéristique revendiquée ? 2. L’équivalence de la fonction est-elle, sur une base objective, évidente pour un homme du métier, compte tenu de l’enseignement du brevet, lorsque les caractéristiques sont échangées ? 3. La personne du métier conclut-elle, à la lecture objective du fascicule du brevet, que le titulaire du brevet a formulé la revendication - pour quelque raison que ce soit - de manière si restrictive qu’il renonce à la protection des équivalents ? Si les deux premières réponses obtiennent une réponse affirmative et la troisième une négative, alors l’infraction est consommée. Une renonciation à la protection des équivalents peut être présumée, si dans la description du brevet au moins deux modes de réalisation sont présentés pour obtenir les effets de l’invention, mais qu’il n’y en a qu’un seul dans les revendications (c. 34). [CS]

22 septembre 2020

TF, 22 septembre 2020, 4A_115/2020 (d)

Mesures provisionnelles, décision incidente, préjudice irréparable, droit d’être entendu, arbitraire, arbitraire dans la constatation des faits, droit d’auteur, programme d’ordinateur, concurrence déloyale, droit des obligations, contrat, recours rejeté ; art. 9 Cst., art. 29 Cst., art. 93 al. 1 lit. a LTF, art. 1 CO, art. 2 LDA, art. 5 LCD.

La demanderesse, alléguant l’utilisation et la transmission non autorisées de logiciels nouvellement développés, a demandé sans succès l’octroi de mesures provisionnelles. Un recours contre une décision rendue en matière de mesures provisionnelles, lorsqu’elle constitue une décision incidente, n’est recevable que si lesdites mesures peuvent causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 lit. a LTF). La réalisation de cette condition suppose que la partie recourante soit exposée à un préjudice de nature juridique, qu’une décision favorable ultérieure ne permettrait pas de faire disparaître. Les inconvénients de pur fait, tels que l’accroissement des frais de procédure ou la prolongation de celle-ci, ne sont pas considérés comme un préjudice irréparable de ce point de vue (c. 1.2). En l’espèce, c’est à juste titre que la plaignante affirme être exposée à un préjudice qui dépasse l’inconvénient de pur fait. Par sa demande de mesures provisionnelles, elle cherche notamment à prévenir la divulgation de secrets à des tiers, qui ne pourrait être empêchée par un jugement au principal qui lui serait favorable. Par ailleurs, en ce qui concerne les autres actes couverts par l’interdiction requise, le préjudice dont elle est concrètement menacée ne peut pas non plus être éliminé par une éventuelle décision future qui lui serait favorable, d’autant plus que les fonctions de programme du logiciel litigieux prétendument utilisées par le défendeur constituent les éléments d’un nouveau produit, pour lequel le chiffre d’affaire et le bénéfice sont inconnus. Il faut en outre partir du principe, avec la plaignante, que les motifs pour lesquels la clientèle pourrait être amenée à choisir des produits de la concurrence, élaborés en utilisant des composants logiciels protégés, sont peu susceptibles d'être démontrables. Dans ces circonstances, contrairement à l'opinion de la partie défenderesse, il ne faut pas s'attendre à ce que le préjudice dont la plaignante est menacée puisse être réparé par le versement de dommages et intérêts, par une réparation du tort moral ou par la remise du gain (c. 1.3). Relativement aux mesures provisionnelles qu’elle a requis en se fondant sur le droit d’auteur, sur le droit de la concurrence déloyale et sur le droit des contrats, la demanderesse invoque une violation par l’autorité inférieure de son droit d’être entendue (art. 29 al. 2 Cst.) et de l’interdiction de l’arbitraire (art. 9 Cst.). Aucune violation du droit d’être entendu ne peut être reprochée à l’instance inférieure (c. 4). Quant à l’arbitraire, il ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération, ou même qu’elle serait préférable, mais seulement du fait que la décision attaquée apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d’un droit certain. Il ne suffit en outre pas que les motifs de la décision soient insoutenables, mais il faut encore que celle-ci soit arbitraire dans son résultat (c. 5.1). Selon la demanderesse, l’autorité inférieure a violé de manière « flagrante et arbitraire » plusieurs dispositions de droit fédéral en considérant que, dans la demande de mesures provisionnelles, aucune violation du droit d’auteur n’a été rendue vraisemblable, au motif qu’elle n’a pas démontré les fonctions du programme qui auraient été copiées et la contribution personnelle créative de son employé. La demanderesse ne parvient pas à démontrer l’existence d’une violation de l’art. 9 Cst. : outre le fait qu'elle se fonde de manière irrecevable sur des éléments factuels relatifs au contexte technique de son logiciel et à l'effort de développement qui a été consenti, qui ne peuvent être déduits de la décision attaquée, elle se contente de présenter son avis juridique sur la protection des programmes d'ordinateur et des parties de programmes ainsi que son avis selon lequel son logiciel est protégé par le droit d'auteur. Elle ne peut démontrer que les considérations de la décision attaquée, selon lesquelles elle n’a ni expliqué le contenu des fonctions prétendument copiées, ni fait de déclarations quant à la contribution créative de son employé, sont arbitraires. Elle affirme avoir montré le contenu des fonctions du programme copiées, mais, dans sa demande de mesures provisionnelles, elle ne révèle pas le code du programme, mais se contente d’une brève description de son objectif, avec des mots-clés individuels. Du point de vue de l'arbitraire, l'objection de la juridiction inférieure selon laquelle la demande de mesures provisionnelles n'était pas suffisamment motivée ne peut pas être contestée. La demanderesse ne parvient pas non plus à démontrer une application anticonstitutionnelle de l’art. 2 LDA en soulignant que l’instance inférieure a elle-même, dans une décision en matière de mesures super-provisionnelles, initialement assumé la protection par le droit d’auteur des composants logiciels en question, l’instance inférieure n’étant bien entendue pas liée par cette décision (c. 5.2). Concernant ses prétentions reposant sur le droit de la concurrence déloyale, la demanderesse ne parvient pas non plus à démontrer une violation de l’interdiction de l’arbitraire. En alléguant une prétendue violation de l’art. 5 LCD, elle s’appuie sur des éléments de fait qui ne peuvent être déduits de la décision attaquée. Elle n’est pas non plus en mesure de démontrer que l’appréciation de l’instance précédente, selon laquelle les faits à l’origine de la demande n’ont pas été exposés de manière suffisamment étayée, est arbitraire (c. 5.3). La plaignante ne parvient pas non plus à démontrer une violation de l’interdiction d’arbitraire en ce qui concerne ses prétentions contractuelles (c. 5.4). Le recours est rejeté (c. 6). [SR]

02 mai 2019

TFB, 2 mai 2019, S2018_007 (d)

sic! 1/2020, p. 38-42, « Sägebletter » ; conditions de la protection du brevet, nouveauté en droit des brevets, revendication, interprétation de la revendication, homme de métier, état de la technique, divulgation antérieure, brevet européen, violation d’un brevet, caractéristiques de l’invention, description de l’invention, dessin, mesures provisionnelles, vraisemblance ; art. 69 al. 1 CBE 2000, art. 1 LBI, art. 7 al. 1 LBI, art. 7 al. 2 LBI, art. 51 al. 3 LBI, art. 77 LBI, art. 261 al. 1 CPC.

Les plaignantes, co-titulaires d’un brevet sur un outil destiné à être utilisé avec une machine, réclament le prononcé de mesures provisionnelles contre la défenderesse (c. 1), en invoquant une violation de la partie suisse de leur brevet européen (c. 7). Selon l’art. 77 LBI, en lien avec l’art. 261 al. 1 CPC, le juge doit ordonner les mesures provisionnelles nécessaires lorsque la partie requérante rend vraisemblable qu’une prétention dont elle est titulaire a été l’objet d’une atteinte ou risque de l’être (art. 261 al. 1 lit. a CPC) et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (art. 261 al. 1 lit. b CPC). Un fait allégué est vraisemblable lorsque certains éléments parlent en faveur de son existence, même si le tribunal tient encore pour possible qu’il ne se soit pas produit. Les exigences en matière de vraisemblance dépendent du caractère plus ou moins incisif des mesures requises. Si elles affectent gravement la partie adverse, les exigences sont plus élevées. Si à l’inverse les mesures l’affectent peu, notamment lorsqu’elles sont purement conservatoires, les exigences sont plus faibles (c. 8). L’homme du métier pour lequel l’activité inventive est évaluée n’est ni un expert du domaine technique dans lequel se pose le problème résolu par l’invention, ni un spécialiste disposant de connaissances exceptionnelles. Il ne connaît pas l’état de la technique dans son ensemble, mais il dispose de solides connaissances et compétences dans la branche en question, et est au bénéfice d’une bonne formation et d’une expérience suffisante et, ainsi, du bagage nécessaire pour aborder le domaine technique concerné. Ce personnage fictif est dépourvu d’intuition ou de capacité associative (c. 11). Les revendications doivent être interprétées du point de vue de l’homme du métier, à la lumière de la description et des dessins (art. 51 al. 3 LBI), ainsi que des connaissances techniques générales. Si le dossier de brevet ne définit pas un terme différemment, il faut présumer de la compréhension habituelle dans le domaine technique concerné. Les revendications doivent être interprétées de manière fonctionnelle, en ce sens qu’une caractéristique doit être interprétée de telle sorte qu’elle puisse remplir la fonction prévue. La revendication doit être lue de manière à ce que les modes de réalisation divulgués dans le brevet soient littéralement couverts. En outre, la formulation de la revendication ne doit pas être limitée à ces modes de réalisation si elle en couvre d’autres. Lorsque la jurisprudence fait référence à une « interprétation la plus large » des caractéristiques d'une revendication, la caractéristique doit toujours pouvoir remplir sa fonction dans le contexte de l’invention. La revendication ne doit ainsi, en principe, pas être interprétée de manière à inclure les modes de réalisation qui ne produiraient pas l’effet prévu par l’invention (c. 14). Une invention doit être nouvelle, en ce sens qu’elle ne doit pas être comprise dans l’état de la technique (art. 1 et 7 al. 1 LBI). L’état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt ou de priorité par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen (art. 7 al. 2 LBI). La nouveauté d’une invention n’est détruite que lorsque toutes ses caractéristiques ont été divulguées dans un seul document avant la date pertinente. L’existence d’une divulgation dans un document s’apprécie du point de vue de l’homme du métier concerné. Il faut pour ce faire prendre en compte ses connaissances et compétences à la date pertinente (date de dépôt ou de priorité) de l’invention à examiner. N’est considéré comme divulgué que ce qui est directement et clairement évident pour l’homme du métier sur la base du document pertinent. Cela comprend également les informations qui ne sont pas explicitement divulguées dans le document, mais qui le sont de manière implicite, compte tenu des connaissances et des compétences de l’homme du métier (c. 17). [SR]