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10 octobre 2018

TAF, 10 octobre 2018, B-7159/2016 (f)

« Dénonciation », gestion collective, sociétés de gestion, surveillance des sociétés de gestion, dénonciation, frais de procédure, témérité, principe de l’équivalence, principe de la proportionnalité, causalité ; art. 127 al. 1 Cst, art. 46a LOGA, art. 13 al. 1 LIPI, art. 71 PA, art. 1 O-PA, art. 10 O-PA, art. 2 al. 1 OGEmol, art. 3 al. 2 OGEmol, art. 53 LDA, art. 16d ODAu, art. 2 OTa-IPI.

Au sens de l'art. 53 LDA, la surveillance de la gestion est étendue et permet à l'IPI d'examiner si les sociétés de gestion exécutent leurs tâches selon des règles déterminées, respectivement si les tarifs sont respectés (c. 3.2). La dénonciation est une procédure non contentieuse par laquelle un administré peut attirer l'attention d'une autorité hiérarchiquement supérieure sur une situation de fait ou de droit qui justifierait à son avis une intervention de l'Etat dans l'intérêt public (c. 4.1). La jurisprudence et la doctrine retiennent que celui qui dépose une plainte auprès de l'IPI en raison d'une mesure prise par une société de gestion est considéré comme un dénonciateur au sens de l'art. 71 PA. Cette disposition est en effet applicable par analogie (c. 4.3). Selon l'art. 71 al. 2 PA, le dénonciateur n'a aucun des droits reconnus à la partie. L'autorité saisie décide, d’après son pouvoir d'appréciation, si elle donne suite on non à la dénonciation. La seule qualité de dénonciateur ne donne pas le droit de recourir contre la décision prise à la suite de la dénonciation ; le dénonciateur doit encore pouvoir invoquer un intérêt digne de protection à ce que l'autorité de surveillance intervienne (c. 4.4). Le principe de la légalité en droit fiscal, érigé en droit constitutionnel indépendant à l'art. 127 al. 1 Cst, s'applique à toutes les contributions publiques (c. 5.1). Si la qualité de contribuable et l'objet de l'impôt doivent toujours être définis dans une loi formelle, la jurisprudence a assoupli cette exigence en ce qui concerne le mode de calcul de certaines contributions. La compétence d'en fixer le montant peut ainsi être déléguée à l'exécutif lorsqu'il s'agit d'une contribution dont la quotité est limitée par des principes constitutionnels contrôlables, tels que ceux de la couverture des frais et de l'équivalence (c. 5.2). Ce dernier est l'expression du principe de la proportionnalité en matière de contributions publiques : le montant de la contribution exigée d'une personne déterminée doit être en rapport avec la valeur objective de la prestation fournie à celle-ci (c. 5.3). L’assouplissement du principe de la légalité en matière fiscale ne vaut pas lorsqu'une contribution ne permet de couvrir qu'une partie des dépenses effectives. Dans ce cas, les principes de l'équivalence et de la couverture des frais ne permettent pas d'encadrer de manière suffisante la contribution en cause (c. 5.4). Il est notoire que les émoluments encaissés par les tribunaux et les administrations n'arrivent pas, et de loin, à couvrir leurs dépenses effectives (c. 5.5). Lorsque les activités du secteur privé sont soumises à la surveillance étatique, l'autorité responsable peut prélever des émoluments pour couvrir ses frais. En principe, c’est à l’administré surveillé qu’il incombe de les payer, conformément à l’art. 2 al. 1 OGEmol (c. 5.6.1). Les prestations de surveillance peuvent entraîner des émoluments dus en contrepartie de prestations déterminées ou une taxe annuelle (c. 5.6.3). L'art. 46a LOGA constitue une base légale permettant au Conseil fédéral d'édicter des dispositions prévoyant la perception d'émoluments pour les décisions et les autres prestations de l'administration fédérale (c. 6.1). Le cercle des contribuables doit être fixé dans une loi au sens formel. Force est de constater que l’art. 13 al. 1 LIPI ne dit pas clairement qui doit supporter les taxes perçues par l’IPI pour la surveillance des sociétés de gestion. La logique veut cependant que ce soit ces dernières (c. 6.2.3). Cela découle aussi des interprétations historique, téléologique (c. 6.2.4) et systématique (c. 6.2.5). L'application des dispositions réglementaires sur les frais et émoluments n'aboutit pas à un résultat différent (c. 7). Les art. 16d ODAu et 2 OTa-IPI renvoient à l’OGEmol (c. 7.1.1 et c. 7.1.2). L’art. 2 al. 1 de cette ordonnance consacre le principe de causalité. Selon celui-ci, des frais de procédure sont mis à la charge de celui qui les a causés (c. 7.2.2). La causalité naturelle entre deux événements (rapport de cause à effet) est un lien tel que sans le premier événement, le second ne se serait pas produit ; il n'est pas nécessaire que l'événement en question soit la cause unique ou immédiate du résultat. Il y a causalité adéquate lorsque le comportement incriminé était propre, d'après le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s'est produit. La causalité adéquate peut être interrompue par un événement extraordinaire ou exceptionnel auquel on ne pouvait s'attendre, et qui revêt une importance telle qu'il s'impose comme la cause la plus immédiate du dommage (c. 7.3). En l’espèce, l'existence même de la recourante comme société de gestion est l'événement sine qua non de la mesure de surveillance (causalité naturelle) (c. 7.5.1). Sous l'angle de la causalité adéquate, le principe de causalité ou du perturbateur conduit à conclure que c'est la société de gestion qui est tenue de payer les frais de sa surveillance (c. 7.5.2). L'entité surveillée doit objectivement s'attendre à faire parfois l'objet de dénonciations. Cela entre dans le champ raisonnable des possibilités objectivement prévisibles. En ce sens, la dénonciation ne peut pas être vue en l'espèce comme un facteur d'interruption de la chaîne causale (c. 7.5.2). L'art. 3 al. 2 OGEmol dispose qu'il est possible de renoncer à percevoir des émoluments lorsque la décision ou la prestation sert un intérêt public prépondérant ou que la décision ou la prestation engendre des coûts insignifiants (c. 9.1). Cette disposition est de nature potestative (c. 9.2). La surveillance des sociétés de gestion, aussi importante soit-elle, ne protège pas un intérêt public aussi prépondérant que, par exemple, la surveillance des denrées alimentaires. Quant aux coûts engendrés par l'enquête, du fait qu'une décision a dû être rendue à la suite d'une procédure d'instruction, ceux-ci ne sauraient être vus comme insignifiants (c. 9.3). L'art. 1 O-PA suit le principe consistant à mettre les frais à la charge de la partie qui succombe. Ce principe ne s'applique, conformément à l’art. 10 O-PA, que pour autant que la dénonciation soit téméraire (c. 10.1.2) ou d’une ampleur extraordinaire, ou qu’elle présente des difficultés particulières. L'imputation de frais de justice à un dénonciateur est contraire au principe d'intérêt public de la surveillance et ne devrait être prévue que dans des cas exceptionnels. En particulier, il faut éviter que des administrés renoncent à déposer des dénonciations par crainte d'un éventuel impact financier (c. 10.2.1). Agit par témérité ou légèreté la partie qui, en faisant preuve de l'attention et de la réflexion que l'on peut attendre d'elle, sait ou devait savoir que les faits invoqués à l'appui de ses conclusions n'étaient pas conformes à la vérité ou qui, malgré l'absence évidente de toute chance de succès, persiste dans sa volonté de recourir. Tombe également sous le coup de cette disposition la partie qui forme un recours manifestement dénué de chances de succès, dont s'abstiendrait tout plaideur raisonnable et de bonne foi (c. 10.2.4). En l'espèce, au vu de la longueur et de la densité de l'analyse contenue dans la décision attaquée (19 pages), la dénonciation n'apparaît pas comme téméraire. Une dénonciation téméraire aurait été écartée autrement plus simplement et plus rapidement, car la témérité est quelque chose de manifeste (c. 10.2.5). La dénonciation n’était pas non plus d’une ampleur extraordinaire et ne pouvait être vue comme présentant des difficultés particulières (c. 10.3). Le montant de l’émolument demandé est conforme aux principes de l’équivalence et de la couverture des frais (c. 11). La décision attaquée rétablit une situation conforme au droit. L'ancienne pratique de l’IPI ne correspondait pas à la volonté du législateur et c'est avec raison qu’elle a été changée (c. 12.2). Quant au grief tiré de l'inopportunité, il ressort de ce qui précède que la décision attaquée ne découle que de la simple application du droit. Partant, il n'y a pas de place ici pour le grief d'inopportunité (c. 13). [VS]

12 septembre 2019

TAF, 12 septembre 2018, B-1714/2018 (d)

« Tarif commun 12 » ; tarifs des sociétés de gestion, gestion collective, approbation des tarifs, décision incidente, qualité de partie, action populaire, qualité pour recourir, intérêt pour agir, télévision de rattrapage, catch-up-TV ; art. 6 PA, art. 48 PA ; art. 42 al. 1 lit. d LDA.

En ce qui concerne leur qualité de parties en première instance, les recourantes peuvent attaquer la décision incidente qui la leur a niée (c. 1.2). Leur qualité pour recourir contre la décision d’approbation du tarif est étroitement liée à la question précédente (c. 1.3). Les conditions d’être spécialement atteintes par la décision attaquée, d’après l’art. 48 al. 1 lit. b PA, respectivement d’avoir un intérêt digne de protection selon l’art. 48 al. 1 lit. c PA, ne jouent pas de rôle pour les personnes qui sont destinataires matérielles (primaires) de la décision. Il en va différemment pour les tiers. Pour eux, les deux conditions doivent être réalisées cumulativement, selon un examen propre à chaque domaine juridique. Il convient d’éviter l’action populaire et de délimiter clairement le recours et la dénonciation à l’autorité de surveillance sans qualité de partie. Ont une importance, d’une part le fait pour les intéressés de pouvoir obtenir satisfaction par une autre voie, d’autre part le souci de ne pas compliquer excessivement l’activité administrative (c. 2.3). En ce qui concerne les tarifs de droit d’auteur, les critères ont été définis par l’ATF 135 II 172. En résumé, les tiers n’ont normalement pas de droit de recours, sauf s’ils se distinguent du gros des ayants droit et ont un intérêt divergent propre (c. 2.4). La partie recourante doit prouver sa qualité pour recourir, laquelle est examinée d’office (c. 2.5). En l’espèce, les recourantes ont cherché à participer à la procédure de première instance, mais la qualité de partie leur a été refusée par décision incidente du 22 mars 2017. Ainsi, elles ont pris part à la procédure devant l’autorité inférieure au sens de l’art. 48 al. 1 lit. a PA (c. 4.1). Les ayants droit eux-mêmes ne sont pas parties à la procédure d’approbation tarifaire mais, s’ils se distinguent du gros des ayants droit et sont spécialement atteints par le tarif, ils obtiennent la qualité de partie concernant la question de l’assujettissement à la gestion collective obligatoire des utilisations réglées par ce tarif (c. 4.2). Ils doivent se distinguer du gros des ayants droit non pas de manière générale, mais dans le cas particulier spécifique au litige. Or, en l’espèce, le tarif règle la reproduction d’œuvres et de prestations contenues dans des programmes de la même manière pour tous les ayants droit. Il ne contient aucune clause qui concernerait spécialement les organismes de diffusion. La condition de l’art. 48 al. 1 lit. b PA n’est donc pas remplie (c. 4.3.1). La question de l’intérêt digne de protection au sens de l’art. 48 al. 1 lit. c PA est étroitement liée à la précédente. Vu la multitude des ayants droit représentés par les sociétés de gestion, il est inévitable que leurs intérêts divergent. Mais, en l’espèce, les sociétés de gestion devaient représenter aussi les intérêts des organismes de diffusion, ce qu’elles ont fait effectivement. La formulation « spécialement atteint » à l’art. 48 al. 1 lit. b PA montre qu’un grand nombre de personnes concernées rend difficile la réalisation de la condition. Le droit de la gestion collective veut rassembler les droits en obligeant les ayants droit à passer par une société de gestion et en leur conférant un droit de participation approprié aux décisions de cette société. Les recourantes ne sont pas des ayants droit isolés, elles sont au nombre de 23. Si on admettait leur qualité pour recourir, on rendrait pratiquement impossible les négociations tarifaires et l’équilibre des intérêts entre associations d’utilisateurs et sociétés de gestion (c. 4.3.2). Une divergence d’opinion concernant la situation juridique n’est pas suffisante pour admettre cette qualité (c. 4.3.3). Au contraire de ce qui prévalait pour l’ATF 135 II 172, le TC 12 n’est pas un nouveau tarif et les organismes de diffusion n’ont pas jusqu’ici exercé individuellement leurs droits pour la télévision de rattrapage. De surcroît, l’autorité de première instance n’a fait que confirmer une analyse juridique précédente. Les recourantes ne peuvent rien tirer de la jurisprudence concernant la qualité pour recourir des concurrents directs, puisque la question doit être examinée de manière particulière pour chaque domaine juridique (c. 4.4). [VS]

18 février 2019

TAF, 18 février 2019, B-1624/2018, B-1699/2018 (d)

« Tarif A radio (Swissperform) » ; tarifs des sociétés de gestion, compétence de la CAF, pouvoir de cognition du TAF, pouvoir de cognition de la CAF, équité du tarif, recettes brutes, déduction des frais d’acquisition de la publicité, procédure devant la CAF, gestion économique, webcasting, simulcasting, streaming, règle du ballet, musique fonction subordonnée ou d’accompagnement, règle prorata temporis, test des trois étapes, triple test, augmentation de redevance, vente de programmes, obligation d’informer les sociétés de gestion; art. 16 WPPT, art. 13 ADPIC, art. 22c LDA, art. 35 al. 1 LDA, art. 40 LDA, art. 45 al. 1 LDA, art. 47 LDA, art. 51 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA.

Le TAF dispose d’un plein pouvoir de cognition et peut aussi examiner l’équité de la décision tarifaire attaquée. Il fait toutefois preuve de retenue là où la CAF, en tant qu’autorité judiciaire spécialisée indépendante, a traité de questions complexes concernant la gestion collective ou a pesé les intérêts en présence tout en respectant l’autonomie des sociétés de gestion. En fin de compte, cela revient à rechercher si la CAF a excédé son pouvoir d’appréciation ou en a abusé (c. 2.2). Les tarifs doivent respecter l’ordre juridique instauré par la loi au sujet des droits exclusifs et des utilisations autorisées, ils ne peuvent pas instaurer des prérogatives incompatibles avec la loi. S’agissant de l’équité dans le cadre de l’ordre légal, ils lient le juge civil et servent de base juridique pour les prétentions civiles des sociétés de gestion (c. 3.1). Dans le cadre de la procédure d’approbation tarifaire, la CAF poursuit le but d’un équilibre objectif des intérêts entre les parties concernées. Celui-ci s’oriente sur les redevances pratiquées sur le marché et sert la sécurité juridique. La CAF n’a pas seulement une compétence d’approbation puisqu’elle peut modifier le tarif sur la base de l’art. 59 al. 2 LDA. Elle doit de plus examiner à titre préjudiciel si les droits mentionnés par le tarif existent, et si les utilisations sont soumises à la surveillance de la Confédération. Dans l’intérêt des utilisateurs, d’après l’art. 47 LDA, elle doit aussi faire en sorte que des utilisations connexes d’un point de vue économique soient si possible réglées par le même tarif, même si elles relèvent de sociétés de gestion différentes. Si toutes les associations d’utilisateurs n’ont pas consenti au tarif, la CAF organise en général une audience. Toutefois, elle ne doit pas interférer dans l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion plus que ne le nécessite un équilibre objectif des intérêts entre ayants droit et utilisateurs. Si plusieurs solutions sont envisageables, la CAF dépasserait ses compétences en imposant la sienne. Elle examine le projet tarifaire avec pleine cognition, mais doit respecter une certaine liberté de disposition des sociétés de gestion et leur autonomie (c. 3.2). Le webcasting se distingue du simulcasting par le fait qu’il n’y a pas de transmission d’un signal d’émission par voie terrestre ou par câble ; la technique du streaming est utilisée. La mise à disposition n’est pas couverte par l’art. 35 al. 1 LDA, sinon l’art. 22c LDA n’aurait aucun sens (c. 4.5.3). La transmission de signaux de programmes par Internet constitue une diffusion ou une retransmission si elle a lieu de manière linéaire, c’est-à-dire si l’utilisateur ne peut pas influencer le déroulement du programme (c. 4.5.4). En l’espèce, le webcasting d’événements isolés transmis originairement par Internet ne constitue pas un acte de diffusion : il a lieu de manière non linéaire car les utilisateurs peuvent choisir le moment de la consultation (c. 4.5.5). L’art. 60 LDA a pour but de permettre aux ayants droit de participer proportionnellement aux revenus générés par les biens protégés, mais il n’empêche pas des différenciations fondées dans la pondération (c. 5.5.2). Réduire de moitié le taux tarifaire lorsque les enregistrements musicaux sont utilisés en même temps qu’une propre prestation rédactionnelle de la SSR compliquerait l’application du tarif et serait difficilement praticable. Pour cette raison, une forfaitisation est possible. La situation n’est pas comparable avec celle du tarif commun H dans l’arrêt B-1736/2014 du 2 septembre 2015. La concentration cognitive des utilisateurs ne constitue pas un critère de fixation de l’indemnité au sens de l’art. 60 LDA (c. 5.5.3). La formulation « en relation avec la diffusion d’émissions » utilisée par l’art. 22c LDA ne contient pas de composante temporelle et doit être comprise de manière fonctionnelle. La condition peut être réalisée même si l’émission reste disponible sur Internet pour une longue période, dépassant 7 jours suivant la première diffusion. Selon l’interprétation fonctionnelle, la condition de l’art. 22c LDA est réalisée lorsque la musique est contenue dans une émission et que cette dernière, et non les morceaux de musique de manière isolée, est mise à disposition sur Internet (c. 6.6.2). Une limitation temporelle n’est pas nécessaire pour que l’art. 22c LDA soit compatible avec le test des trois étapes prévu par les art. 16 al. 2 WPPT et 13 ADPIC (c. 6.6.3 et 6.6.4). Les recettes au sens de l’art. 60 LDA ne correspondent pas au bénéfice, mais au chiffre d’affaires c’est-à-dire au revenu brut. Elles font partie des bases de calcul de la redevance si elles proviennent de l’utilisation des biens protégés. Elles doivent avoir un rapport direct avec les utilisations régies par le tarif (c. 7.5.1). Une déduction forfaitaire sur les recettes brutes est prévue par le tarif commun S. Par conséquent, une telle déduction dans le tarif A radio ne représente pas une dérogation à un principe constant ou un changement de système inutile et injustifié (c. 7.5.2). Cette réglementation correspond à ce que les parties ont convenu à l’amiable jusqu’ici et elle apparaît justifiée vu l’abolition prévue de la possibilité de déduire les frais d’acquisition de la publicité : il faut en effet éviter les augmentations de redevances abruptes (c. 7.5.3). Une déduction forfaitaire facilite en outre l’application du tarif, car elle évite à la SSR de devoir prouver ses frais d’acquisition et à Swissperform de devoir les contrôler. Des forfaitisations sont dans une certaine mesure inévitables en matière tarifaire (c. 7.5.4). Les recettes provenant de la vente de programmes sans musique ne sont pas dans un rapport direct avec l’activité de diffusion. En effet, les phonogrammes disponibles sur le marché ne contribuent pas à ces recettes (c. 8.6.2). D’après la systématique de l’art. 60 LDA, il faut d’abord déterminer les bases de calcul de la redevance – alinéa 1 – puis ensuite fixer la participation des ayants droit – alinéa 2. Les deux étapes poursuivent toutefois l’objectif d’une indemnité équitable. Il n’y a pas d’ordre de priorité entre les deux et le principe de la participation des ayants droit peut aussi servir à fixer les recettes prises en compte pour calculer la redevance. Cela ne conduit pas à une double déduction. Les frais pour déterminer les programmes sans musique devraient rester raisonnables, si bien que l’art. 45 LDA est respecté (c. 8.6.3). Le devoir d’information selon l’art. 51 LDA englobe tout ce qui permet aux sociétés de gestion de connaître les œuvres utilisées et l’ampleur de l’utilisation. Il n’existe cependant que dans la mesure du raisonnable. Il faut entendre par là qu’il ne doit pas occasionner des coûts disproportionnés pour l’utilisateur d’œuvres (c. 9.6.2). Le tarif prévoit que le code ISRC doit être annoncé s’il est livré à la SSR en même temps que l’enregistrement, ou après coup en référence à un enregistrement donné (c. 9.6.3). Le but de la gestion collective est notamment un encaissement simple, praticable et prévisible des redevances, ce qui est aussi dans l’intérêt des utilisateurs. Pour cette raison, l’interprétation de l’art. 51 al. 1 LDA doit tenir compte de l’art. 45 al. 1 LDA, qui oblige les sociétés de gestion à administrer leurs affaires selon les règles d’une gestion saine et économique. Le code ISRC s’est imposé comme un standard mondial pour les enregistrements musicaux. Il est juste que la SSR doive le fournir à Swissperform, lorsqu’elle l’a reçu, car ce code est nécessaire pour assurer à long terme une gestion saine et économique. Dans son arrêt 2A.539/1996 du 20 juin 1997, c. 6b, le TF a aussi estimé qu’un tarif pouvait obliger les utilisateurs à fournir des codes d’identification (c. 9.6.4). Les coûts pour la SSR paraissent raisonnables (c. 9.6.5). Un tarif peut contenir des règles sur les obligations d’annonce et sur les conséquences en cas d’inobservation. L’exécution du devoir d’information a lieu par la voie civile. Vu l’importance du code ISRC dans le secteur musical et son rôle pour assurer une gestion saine et économique, le tarif peut renforcer le devoir d’information en mettant à la charge de la SSR les frais de recherche démontrés dus à une violation de son obligation de déclarer le code ISRC (c. 10.5.2). [VS]

08 août 2019

TF, 8 août 2019, 4A_167/2019 (f)  

Arveron SA / Arveyron-Rhône Sàrl, raison de commerce, raison sociale, services dans l’immobilier, services de gestion et conseil patrimonial, gestion de projets immobiliers, services de construction, cercle des destinataires pertinent, similarité sur le plan visuel, similarité sur le plan sonore, principe de la spécialité, risque de confusion, signe fantaisiste, nom géographique, force distinctive moyenne ; art. 956 al. 1 CO, art. 956 al. 2 CO.

L’inscription au registre du commerce de la raison de commerce notamment d’un particulier confère à l’ayant droit l’usage exclusif de celle-ci (art. 956 al. 1 CO). Celui qui subit un préjudice du fait de l’usage indu d’une raison de commerce peut demander au Juge d’y mettre fin et, s’il y a faute, réclamer des dommages-intérêts (art. 956 al. 2 CO). Sont donc prohibés non seulement l’usage d’une raison de commerce identique à celle dont le titulaire a le droit exclusif, mais aussi l’utilisation d’une raison semblable qui ne se différencie pas suffisamment de celle inscrite au point de créer un risque de confusion. Si la notion de risque de confusion est la même dans tout le droit relatif aux signes distinctifs, ce risque ne s’apprécie pas forcément selon les mêmes critères dans les différents domaines du droit (c. 3.1.1). En droit des raisons de commerce, tous les signes n’ont pas la même importance pour l’appréciation du risque de confusion. Selon la jurisprudence, il convient surtout de prendre en compte les éléments frappants que leur signification ou leur sonorité mettent particulièrement en évidence, si bien qu’ils ont une importance accrue pour l’appréciation du risque de confusion. Cela vaut en particulier pour les désignations de pure fantaisie qui jouissent généralement d’une force distinctive importante, à l’inverse, des désignations génériques appartenant au domaine public. Il est possible pour celui qui emploie comme élément de sa raison sociale un signe similaire, voire identique à celui d’une raison plus ancienne, de se distinguer en la complétant avec des éléments additionnels qui l’individualisent. Là encore, tous les éléments additionnels n’ont pas la même force distinctive. A cet égard, ne sont généralement pas suffisants les éléments descriptifs qui ont trait à la forme juridique ou au domaine d’activité de l’entreprise. La jurisprudence retient que les exigences posées quant à la force distinctive de ces éléments additionnels ne doivent pas être exagérées lorsque ceux-ci viennent compléter des désignations génériques, le public n’attribuant qu’une importance limitée aux éléments génériques et accordant plus d’attention aux autres composantes de la raison sociale. Il en va autrement lorsque l’élément identique ou similaire de la raison sociale est une dénomination de fantaisie jouissant d’une force distinctive importante ; il est nécessaire que l’élément additionnel complétant la raison sociale jouisse d’une force distinctive telle qu’il permette d’éviter une confusion entre les raisons de commerce (c. 3.1.2). En droit des marques également, il est admis que les éléments présentant un degré élevé de fantaisie revêtent une force distinctive plus élevée que des éléments appartenant au domaine public. Les marques dites imaginatives étant considérées comme fortes, leur périmètre de protection est plus étendu que celui des marques faibles ayant par exemple pour objet des notions descriptives (c. 3.1.3). S’agissant de la branche et du cercle de clientèle, le droit des raisons de commerce se distingue du droit des marques en ce qu’il ne connaît pas le principe de la spécialité. Alors qu’il ne peut y avoir un risque de confusion au sens du droit des marques que si les produits et services proposés sont similaires, il en va autrement en droit des raisons de commerce. La raison de commerce ayant en effet pour but de permettre l’identification d’une entreprise, la coexistence de deux entreprises aux raisons de commerce identiques ou quasi-identiques pourrait s’avérer problématique, ceci indépendamment de leurs activités respectives. Il y a lieu de noter toutefois que la jurisprudence se montre plus stricte dans l’appréciation du risque de confusion lorsque les entreprises ont des activités identiques ou similaires ou qu’elles exercent leurs activités dans un périmètre géographique restreint (c. 3.1.4). Dans le cadre de l’examen du risque de confusion entre deux raisons de commerce, la question n’est pas tant de savoir quelles activités les parties déploient au moment de la procédure, mais plutôt celles qu’elles peuvent déployer selon leurs statuts, le cas échéant à terme également (c. 3.2.1). S’agissant de la force distinctive du terme « Arveron » (contraction des noms de l’Arve et du Rhône), il est vrai que les mots « Arve » et « Rhône » appartiennent au domaine public, mais le fait que la recourante se soit inspirée de ces deux noms de cours d’eau dans le cadre du processus créatif débouchant sur la création de sa marque et raison de commerce n’est pas déterminant. La véritable question se posant dans le cadre de l’examen de la force distinctive de ce vocable et de savoir si, en tant que résultat de ce processus créatif, il est un élément appartenant au domaine public ou pouvant être rattaché avec aisance à un ou plusieurs éléments appartenant au domaine public. Tel n’est pas le cas de la dénomination « Arveron » qu’un tiers ne saurait instinctivement rattacher aux cours d’eau mentionnés. Si deux mots tirés du domaine public sont à l’origine de ce terme, ceux-ci ont été modifiés et associés de façon à ce que le résultat constitue une désignation de fantaisie. Dès lors, il ne peut être attribué à la marque de la recourante un caractère faible du fait qu’elle se composerait de notions descriptives appartenant au domaine public et une force distinctive moyenne doit être retenue (c. 3.2.2). Du point de vue visuel, les signes « Arveron » et « Arveyron » se distinguent par la lettre « y ». Du point de vue auditif, ces signes se prononcent de manière similaire voire identique en français. S’agissant du risque de confusion, la discussion doit donc se concentrer sur l’élément additionnel de la raison de commerce de la défenderesse « -Rhône ». Il se pose la question de savoir si cet élément additionnel est propre à imprégner la raison de commerce concernée de manière à ce que l’impression d’ensemble qui s’en dégage permette d’écarter un risque de confusion avec la marque et raison de commerce de la demanderesse. En droit des raisons de commerce, il est admis que les indications de lieu jouissent généralement d’une fonction distinctive faible. En l’espèce toutefois, si l’élément additionnel litigieux est bien une désignation à caractère géographique, il n’est pas un nom de ville, de lieu, de territoire, de région ou de pays. Le Rhône, un fleuve de plusieurs centaines de kilomètres, ne peut être compris comme une indication de la zone géographique dans laquelle la société serait établie et/ou offrirait ses services. Cet élément additionnel se distingue à ce titre des indications de lieu sur lesquelles le Tribunal fédéral a eu à se pencher dans d’autres arrêts. La raison de commerce « ARVEYRON-RHÔNE Sàrl » se compose, en plus de l’indication de la forme juridique de la société, de deux éléments distinctifs reliés par un trait d’union. Elle ne constitue ainsi pas simplement un signe auquel aurait été ajoutée une indication de lieu. Si la force distinctive de l’élément additionnel est relativement faible, l’impression globale qui ressort du signe litigieux permet d’écarter un risque de confusion avec celui de la recourante (c. 3.2.3). Le recours est rejeté. [NT]

12 novembre 2019

TF, 12 novembre 2019, 4A_88/2019 (f)  

Contrat de distribution, escroquerie, concurrence déloyale, droit des marques, droit d’auteur, remise du gain, appréciation des preuves, arbitraire, allégation des parties, gestion d’affaires, fardeau de la preuve, fardeau de l’allégation, remise du gain, atteinte combinée, concours de causes ; art. 9 Cst., art. 8 CC, art. 42 al. 2 CO, art. 62 CO, art. 423 CO, art. 70 CP, art. 62 al. 2 LDA.

Selon l’art. 423 al. 1 CO, auquel renvoie l’art. 62 al. 2 LDA (de même que l’art. 55 al. 2 LPM et l’art. 9 al. 3 LCD), lorsque la gestion n’a pas été entreprise dans l’intérêt du maître, celui-ci n’en a pas moins le droit de s’approprier les profits qui en résultent (c. 3.1). Cette disposition vise l’hypothèse de la gestion d’affaires imparfaite de mauvaise foi, le gérant intervenant illicitement dans les affaires du maître en agissant non pas dans l’intérêt de ce dernier mais dans son propre intérêt ou celui d’un tiers. L’art. 423 CO a pour but essentiel d’éviter que le gérant, auteur de l’ingérence, ne profite de celle-ci et qu’il en conserve les profits. La remise du gain remplit ainsi aujourd’hui également une fonction préventive (ou punitive) et plus seulement une fonction de rééquilibrage. Pour que la règle de l’art. 423 CO trouve application, trois conditions cumulatives doivent être réalisées : 1) une atteinte illicite aux droits d’autrui, l’intervention du gérant ayant lieu sans cause et ne reposant ni sur un contrat, ni sur la loi. En matière de droit d’auteur, toute utilisation non autorisée des droits appartenant à des tiers est considérée comme une intervention illicite ; 2) le gérant intervenant sans droit dans les affaires d’autrui doit avoir la volonté de gérer celle-ci exclusivement ou de manière prépondérante dans son propre intérêt ; 3) la mauvaise foi du gérant est nécessaire qui est donnée s’il sait ou doit savoir qu’il s’immisce dans la sphère d’autrui sans avoir de motif pour le faire (c. 3.1.1). Si ces conditions sont remplies, le gérant est tenu de restituer au maître le profit (illégitime) qu’il a réalisé, soit tout avantage pécuniaire résultant de l’ingérence qui réside dans la différence entre le patrimoine effectif de l’auteur de la violation et la valeur qu’aurait ce patrimoine en l’absence de toute violation. Le profit doit être en lien de causalité avec l’atteinte illicite incriminée. Il incombe au maître de rapporter la preuve d’un lien de causalité entre l’atteinte illicite à ses biens juridiques et les profits nets réalisés par le gérant. A cet égard, une vraisemblance prépondérante suffit (c. 3.1.2). On est en présence d’une « atteinte combinée » ou d’un « concours de causes » lorsque le profit réalisé par le gérant résulte aussi bien de l’atteinte aux biens juridiquement protégés d’un tiers (le maître) que de l’activité licite menée par le gérant lui-même (know-how, qualité de ses services, recours à une campagne de marketing particulièrement réussie, réseau de distribution performant, etc.). La restitution (au maître) ne peut alors porter que sur la partie du profit qui découle de l’atteinte, par le gérant, aux biens juridiquement protégés du maître. Ce concours de causes a été envisagé par le législateur puisque celui-ci a explicitement exprimé sa volonté de laisser le Juge apprécier librement (parmi les divers facteurs ayant permis au gérant de réaliser un gain) la mesure dans laquelle celui-ci résulte de l’atteinte illicite aux biens du maître. Lorsque le gérant ayant porté atteinte aux droits de propriété intellectuelle du maître a également commis une infraction pénale (in casu : une escroquerie) au détriment d’une tierce personne, la part du profit qui en découle (soit le produit de l’infraction) ne devra pas être restituée au maître. Dans cette situation, le comportement du gérant, qui s’est enrichi illégitimement au dépens du consommateur (lésé), donne naissance à un (nouveau) fondement juridique (distinct de celui à l’origine de la remise de gain) permettant exclusivement à ce lésé de faire valoir sa prétention tendant au remboursement du montant qu’il a versé sans cause (c. 3.1.3). Dans la mesure où la restitution porte sur l’enrichissement net du gérant, le maître a la charge de prouver le montant de la recette brute, alors que le gérant doit établir le montant des coûts engagés. Une évaluation par application analogique de l’art. 42 al. 2 CO n’est admissible que si les conditions en sont remplies. La preuve facilitée prévue par cette règle ne libère pas le demandeur de la charge de fournir au Juge, dans la mesure où cela est possible et où on peut l’attendre de lui, tous les éléments de faits qui constituent des indices de l’existence du profit et qui permettent ou facilitent son estimation ; elle n’accorde pas au lésé la faculté de formuler, sans indication plus précise, des prétentions en remise de gain de n’importe quelle ampleur. Par conséquent, si le lésé ne satisfait pas entièrement à son devoir de fournir des éléments utiles à l’estimation, l’une des conditions dont dépend l’application de l’art. 42 al. 2 CO n’est pas réalisée, alors même que, le cas échéant, l’existence d’un dommage est certaine. Le lésé est alors déchu du bénéfice de cette disposition ; la preuve du dommage n’est pas rapportée et, en conséquence, conformément au principe de l’art. 8 CC, le Juge doit refuser la réparation (c. 3.1.4). In casu, en amenant par une construction astucieuse, ses clients à lui payer des montants surfacturés, le défendeur a en réalité adopté un comportement constitutif d’escroquerie. Celui-ci lui a permis de s’enrichir illégitimement au dépens des clients lésés, donnant ainsi naissance à un (nouveau) fondement juridique (distinct de celui applicable pour la remise du gain). L’enrichissement du défendeur découle de la mise en scène, constitutive d’une infraction pénale, que celui-ci a élaborée au préjudice de ses clients. Lésés par les agissements du défendeur, ce sont ses clients qui, sur le plan civil, sont légitimés à demander la restitution de l’indu au défendeur qui s’est enrichi illégitimement (art. 62ss CO ; cf. éventuellement aussi l’art. 70 CP sur la confiscation de valeurs patrimoniales). La défenderesse ne saurait dès lors prétendre au paiement d’un montant dont un tiers (le client lésé) est le seul créancier et qui repose sur un fondement différent de celui qui sous-tend l’art. 423 CO (c. 3.2.1). Le recours est rejeté. [NT]

21 mai 2022

CAF, 21 mai 2022 (f)

« Tarif commun 4i » ; qualité pour participer aux négociations tarifaires, tarif des sociétés de gestion, équité du tarif, usage privé, support propre à l’enregistrement d’œuvres, appareils multifonctionnels, valeur litigieuse, frais de procédure, contestation pécuniaire ; art. 63 al. 4bis PA ; art. 2 al. 2 OFIPA ; art. 19 LDA, art. 20 al. 3 LDA, art. 46 al. 2 LDA, art. 60 LDA ; art. 16a ODAu.

Une association membre d’une faîtière ne peut pas prétendre participer aux négociations tarifaires, à moins que la faîtière n’y soit pas elle-même partie. La CAF admet une exception lorsque l’association en question est particulièrement touchée (c. 7.1). En l’espèce, Swissstream et Swico n’étaient en principe pas légitimées à prendre part aux négociations, puisqu’elles étaient représentées par leur faîtière DUN. Leur participation n’a toutefois pas été contestée par les autres parties, de sorte qu’elles doivent être admises à la procédure d’approbation, selon le principe de la bonne foi (c. 7.2). Le tarif ayant fait l’objet d’un consensus, l’examen de son caractère équitable peut se limiter à la recherche d’indices en défaveur de son approbation (c. 11.3). Le champ d’application matériel du tarif a été étendu aux mémoires des laptops et aux disques durs externes, si bien qu’il faut examiner si cette extension repose sur une base légale suffisante (c. 12.2). Il n’est pas douteux que les disques durs externes et les ordinateurs sont aptes à l’enregistrement d’œuvres protégées. Au vu des études produites par les sociétés de gestion, l’usage de tels dispositifs pour l’enregistrement d’œuvres est également « probable ». L’ATF 133 II 263 ne s’oppose pas à leur assujettissement à la redevance : par ses considérations sur l’absence d’une redevance générale sur les appareils en droit suisse, le TF a voulu dire que l’art. 20 al. 3 LDA était inapplicable aux supports non destinés à l’enregistrement d’œuvres protégées. Il a relevé qu’une telle absence de redevance générale ne signifiait pas que d’autres supports soient exclus du champ d’application de l’art. 20 al. 3 LDA, lorsque les conditions de cette disposition étaient remplies. Or, tel est bien le cas en l’espèce. Aujourd’hui, la copie privée est presque exclusivement réalisée sur des supports multifonctionnels. Le comportement des utilisateurs a donc évolué depuis l’arrêt du TF précité, si bien qu’un assujettissement à la redevance des laptops et des disques durs externes n’est pas non plus exclu par le rapport explicatif de 2015 sur l’avant-projet de révision de la LDA. Cette approche est par ailleurs conforme au droit international. Le tarif garantit au surplus un juste équilibre entre les intérêts des auteurs et ceux des utilisateurs, les supports intégrés dans des ordinateurs fixes, soit principalement des ordinateurs de bureau, en étant exclus (c. 12.2.3). Les redevances perçues selon ce tarif n’apparaissent pas comme inéquitables (c. 12.3.1). De même, le tarif distingue entre les supports permettant « principalement » l’enregistrements d’œuvres et de prestations protégées et les autres supports à caractère multifonctionnel, pour lesquels la redevance est moins élevée (c. 12.3.2). Il peut donc être approuvé, dans la mesure où il est soumis à la surveillance de la Confédération (c. 12. 6). S’agissant des frais de la procédure, la CAF change sa jurisprudence et considère que l’intérêt pécuniaire à l’approbation d’un tarif consiste en la différence entre la situation sans tarif, dans laquelle les sociétés de gestion ne peuvent pas faire valoir les droits, et la situation avec tarif. La pratique actuelle de la CAF revient à considérer qu’un tarif consensuel n’a aucun effet économique, ce qui n’est manifestement pas le cas. On ne peut pas non plus retenir que l’art. 2 al. 2 OFIPA, applicable par le renvoi de l’art. 16a al. 1 ODAu, doit être appliqué en suivant les principes d’une procédure contentieuse. Il faut plutôt comprendre que cette disposition, directement applicable aux « contestations pécuniaires », est applicable par analogie aux procédures non contentieuses d’approbation d’un tarif consensuel (c. 13.1.3). [VS]