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19 mars 2014

TF, 19 mars 2014, 4A_482/2013 (d)

sic! 7-8/2014, p. 448-453, « Gemeinsamer Tarif K / Basel Tattoo » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun K, tarif contraignant pour les tribunaux, motivation du recours, règle du ballet, droit d’être entendu, œuvre, individualité de l’œuvre, œuvre chorégraphique, droits voisins, recueil ; art. 29 al. 2 Cst., art. 42 LTF, art. 106 al. 2 LTF, art. 2 al. 2 lit. h LDA, art. 4 LDA, art. 34 al. 3 LDA, art. 59 al. 3 LDA, art. 60 LDA.

Le TF n’est lié ni par l’argumentation du recourant, ni par celle de l’autorité de première instance. Cependant, vu l’obligation de motiver le recours (art. 42 al. 1 et 2 LTF), le TF ne traite en principe que des griefs allégués, sauf si d’autres lacunes juridiques sont évidentes. En matière de violation des droits fondamentaux et de violation du droit cantonal ou intercantonal, il existe un devoir de motivation qualifié : le grief doit être invoqué et motivé précisément (art. 106 al. 2 LTF). Par exemple, il ne suffit pas de prétendre que la décision attaquée est arbitraire. Il faut montrer dans les détails pourquoi elle est manifestement insoutenable (c. 1.3). D’après l’art. 59 al. 3 LDA, les tarifs lient le juge lorsqu’ils sont en vigueur. Cette disposition sert la sécurité du droit : le juge civil ne doit pas à nouveau examiner l’équité d’un tarif puisque cette question est traitée dans le cadre de la procédure administrative d’approbation de ce tarif. Toutefois, le juge civil peut et doit vérifier que les sociétés de gestion, sur la base d’un tarif, ne font pas valoir de droits à rémunération incompatibles avec les dispositions impératives de la loi, en particulier lorsque l’utilisation est libre d’après la LDA (c. 2.2.1). Les critères de l’art. 60 LDA servent à la fixation des redevances tarifaires et à leur contrôle par les autorités judiciaires administratives, mais ils ne donnent pas un droit individuel à ce que les rémunérations dues sur la base des tarifs correspondent à ces critères dans chaque cas. La compatibilité avec l’art. 60 al. 1 lit. c LDA des conditions tarifaires d’octroi d’une réduction de la redevance (fondée sur l’exécution simultanée d’autres prestations en application de la règle du ballet) est une question qui relève exclusivement de la procédure administrative d’approbation du tarif. Elle ne peut pas être réexaminée par le juge civil (c. 2.2.2). La règle du ballet a pour but de tenir compte de l’existence dans le spectacle d’autres œuvres protégées par le droit d’auteur, dont les droits ne sont pas gérés collectivement. Il s’agit de faire de la place pour ces autres œuvres. S’il n’y a pas d’autres ayants droit protégés par le droit d’auteur, la règle du ballet ne doit pas être appliquée. Il convient d’interpréter le chiffre 15 de l’ancien tarif K dans ce sens (c. 2.2.3). Le droit d’être entendu implique que l’autorité motive ses décisions, mais pas qu’elle traite en détail et contredisent tous les arguments des parties. Il suffit que la décision puisse être attaquée de manière appropriée (c. 3.1). Le caractère individuel d’une œuvre n’implique pas une originalité dans le sens que l’œuvre devrait porter l’empreinte personnelle de son auteur. Le caractère individuel doit provenir de l’œuvre elle-même. Il n’est pas contesté que les différents numéros du « Basel Tattoo » 2007 et 2009 puissent être des œuvres chorégraphiques au sens de l’art. 2 al. 2 lit. h LDA. En revanche, il n’est pas démontré que les spectacles dans leur ensemble aient le caractère individuel nécessaire pour être protégés (c. 3.2.2). De même, il n’est pas démontré que ces spectacles soient des recueils au sens de l’art. 4 LDA, ce qui impliquerait qu’ils aient une certaine unité en raison du choix et de la disposition du contenu. Du reste, dans ce cas, l’élément protégé serait l’agencement des différentes parties, ce qui n’entrainerait pas l’application de la règle du ballet vu l’exigence de simultanéité entre la musique et l’autre prestation protégée (c. 3.2.3). La prestation du metteur en scène relève des droits voisins (cf. art. 34 al. 3 LDA) et il n’est pas prouvé qu’elle soit aussi protégée par le droit d’auteur (c. 3.2.4). Par conséquent, il est juste d’examiner pour chaque numéro du spectacle si les conditions d’application de la règle du ballet sont réalisées. Pour décider si la musique a un rôle subordonné, la durée de celle-ci dans le spectacle n’est pas déterminante puisque le chiffre 14 du tarif tient déjà compte de la règle pro rata temporis (c. 3.3). Les mouvements de fanfares militaires relèvent fréquemment de la tradition et paraissent fortement répondre à des normes préétablies. On ne peut donc pas partir du principe que la protection du droit d’auteur soit donnée facilement (c. 4.1.2). [VS]

Cst. (RS 101)

- Art. 29

-- al. 2

LDA (RS 231.1)

- Art. 34

-- al. 3

- Art. 4

- Art. 59

-- al. 3

- Art. 60

- Art. 2

-- al. 2 lit. h

LTF (RS 173.110)

- Art. 106

-- al. 2

- Art. 42

27 juin 2014

TAF, 27 juin 2014, B-2385/2013 (d)

sic! 12/2014, p. 776-779, « GT 12 : Catchup- TV » (FabianWigger, Anmerkung), medialex 4/2014, p. 214, « Tarif commun 12 » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun 12, qualité pour recourir, intérêt digne de protection, intérêt divergent, formalisme excessif ; art. 48 PA, art. 46 LDA.

La qualité pour recourir est une condition du procès qui se juge exclusivement d’après l’art. 48 PA, indépendamment du droit d’auteur matériel (c. 2). L’exigence d’avoir pris part à la procédure devant l’autorité précédente tombe lorsque cette participation a été refusée au recourant. Tel est le cas si une erreur de l’autorité l’a empêché de se constituer en tant que partie alors qu’il en avait le droit (c. 2.1.1). En outre, le recourant doit être plus fortement atteint par la décision attaquée qu’une personne ordinaire. Dans le domaine du droit d’auteur, il faut partir du principe que les intérêts des ayants droit sont sauvegardés par les sociétés de gestion, que ce soit lors des négociations de tarifs ou pour les règles de répartition. En cas d’intérêts divergents de certains ayants droit, la qualité pour recourir peut exceptionnellement leur être reconnue. Mais ils doivent alors prouver non seulement qu’ils sont atteints par la décision, mais aussi que leurs intérêts divergent de ceux représentés par les sociétés de gestion. Du côté des utilisateurs, il y a moins de risques que certains intérêts diffèrent de ceux défendus par les associations représentatives: tous les utilisateurs ont un intérêt économique commun à ce que les redevances tarifaires soient les plus basses possible (c. 2.1.2). En l’espèce, la recourante (qui est ayant droit) n’a pas participé à la procédure de première instance et n’a pas demandé à le faire (c. 2.1.4 et 2.1.5). Il n’est pas possible de dire après coup si l’autorité de première instance aurait accepté sa participation. En effet, cette autorité n’a pas encore une jurisprudence constante et vérifiée par les autorités de recours s’agissant des ayants droit qui ont des intérêts divergents. Par conséquent, il n’est pas à exclure qu’une demande de participation aurait été admise par l’autorité précédente (c. 2.1.5.1). Dans ces circonstances, refuser la qualité pour recourir au motif que la recourante n’a pas participé à la procédure de première instance ne relève pas du formalisme excessif : toute la procédure tarifaire est orientée vers la négociation et la recherche d’un compromis. Les parties doivent donc connaître les intérêts en jeu et savoir qui pourrait attaquer la décision d’approbation du tarif. En outre, les négociations seraient rendues plus compliquées si des personnes pouvaient remettre en cause un tarif seulement devant les autorités de recours, sans avoir participé à la procédure auparavant (c. 2.1.5.3). Au surplus, la recourante ne démontre pas en quoi ses intérêts divergeraient de ceux des autres ayants droit défendus par les sociétés de gestion (c. 2.1.5.3). [VS]

09 octobre 2014

TF, 9 octobre 2014, 2C_53/2014 (d)

ATF 140 II 483 ; sic! 2/2015, p. 89-92, « Tarif A Radio (Swissperform II) [2013-2016] », JdT 2015 II 206 ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif A télévision, tarif contraignant pour les tribunaux, recours en matière de droit public, question préalable, autonomie des sociétés de gestion, qualité pour agir des sociétés de gestion ; art. 82 lit. a LTF, art. 86 al. 1 lit. a LTF, art. 90 LTF, art. 35 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA.

Contre une décision du TAF concernant l’approbation d’un tarif par la CAF, c’est le recours en matière de droit public qui est ouvert (c. 1.1). La question de savoir si un tarif permet ou non de calculer la redevance dans une situation donnée (en l’espèce l’existence de plusieurs canaux de distribution pour le même programme) relève de l’interprétation de ce tarif. Il s’agit donc d’une question de droit et non de fait (c. 3). D’après l’art. 59 al. 3 LDA, les tarifs lient le juge lorsqu’ils sont en vigueur. Cette disposition sert la sécurité du droit: le juge civil ne doit pas à nouveau examiner l’équité d’un tarif puisque cette question est traitée dans le cadre de la procédure administrative d’approbation de ce tarif. Toutefois, le juge civil peut et doit vérifier que les sociétés de gestion, sur la base d’un tarif, ne font pas valoir de droits à rémunération incompatibles avec les dispositions impératives de la loi. De plus, l’application et l’interprétation d’un tarif approuvé dans un cas concret sont des questions juridiques qui relèvent de la compétence des tribunaux civils (c. 5.2). Les autorités d’approbation tarifaire doivent éclaircir les questions juridiques qui ont une influence sur le champ d’application du tarif (c. 6.2). Lorsque la gestion collective obligatoire est prévue, ce sont les sociétés de gestion qui peuvent faire valoir les actions civiles prévues par la LDA (gesetzliche Prozessstandschaft). Elles peuvent aussi demander par la voie civile le paiement des simples droits à rémunération, quand bien même l’action n’est pas directement prévue par la LDA. La créance se base alors sur le tarif. Il en découle que les sociétés de gestion, dans les domaines surveillés par la Confédération, ne peuvent faire valoir des redevances que s’il existe un tarif. Mais, à l’inverse, l’inexistence d’un tarif valable ne signifie pas que les rémunérations prévues par la loi ne seraient pas dues (c. 6.4). Dans une affaire antérieure, la recourante avait intenté une action en constatation pour éclaircir la question de savoir si certains actes étaient couverts par l’art. 35 LDA. Le TF avait alors nié l’existence d’un intérêt digne de protection, au motif que la question devait être éclaircie dans le cadre de la procédure d’approbation du tarif (c. 6.6). Dans l’intérêt de la sécurité juridique, les autorités tarifaires doivent examiner à quels droits s’applique le tarif et, en cas de contestation à ce sujet, quels sont les droits qui existent; cela même si la question n’influe pas sur l’équité du tarif. Le fait que cette question puisse aussi être examinée par les tribunaux civils n’y change rien. Le tarif n’est certes pas contraignant pour les tribunaux civils s’agissant des aspects de droit matériel. Mais si l’affaire est portée jusqu’au TF, celui-ci pourra coordonner sa décision sur les questions matérielles avec la Iiere Cour de droit civil, ce qui assurera la sécurité du droit au plus haut niveau et réduira le nombre de procès civils (c. 6.6 et 6.7). Si plusieurs solutions tarifaires sont équitables, il n’appartient pas à la CAF de restreindre l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion et le pouvoir de négociation des partenaires tarifaires en imposant la solution qui lui paraît appropriée (c. 7.3). Un tarif n’est pas inéquitable du seul fait qu’il contient des clauses non contestées, qui peuvent ne pas être absolument nécessaires. En effet, de telles clauses peuvent éclairer le lecteur qui ne connaît pas la loi suisse ou la jurisprudence fédérale (c. 7.4). La détermination dans le tarif des conditions de protection d’un phonogramme en Suisse, litigieuses entre les parties, n’est pas une question d’application du tarif, mais plutôt une question juridique abstraite sur l’étendue de la protection qui doit être tranchée par les autorités tarifaires même si elle pourrait aussi être éclaircie par les tribunaux civils (c. 8.4). Une clause tarifaire destinée à être appliquée uniquement si le point de vue juridique de la société de gestion est confirmé ne doit pas être biffée. En effet une telle clause est nécessaire pour que la société de gestion puisse exercer les droits, à supposer que son point de vue juridique soit fondé (c. 9.2). [VS]

Tarif commun S ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun S, procédure tarifaire en cours, mesures provisionnelles, vide tarifaire, effet suspensif ; art. 56 PA, art. 74 al. 2 LDA ; cf. N 614 (vol. 2012-2013 ; TAF, 24 janvier 2013, B-6540/2012) et N 615 (vol. 2012-2013 ; TAF, 13 février 2013, B-8558/2010 ; sic! 7-8/2013, p. 434-439, Gemeinsamer Tarif Z)

D’après l’art. 56 PA, des mesures provisionnelles sont possibles pour maintenir intact un état de fait existant ou pour sauvegarder des intérêts menacés. Dans son arrêt du 13 février 2013 (cf. N 615, vol. 2012-2013), le TAF a estimé que la CAF pouvait ordonner de telles mesures pour éviter un vide tarifaire, même sans base légale expresse. L’art. 56 PA concerne la procédure de recours, mais il est applicable par analogie en première instance. Les mesures provisionnelles peuvent être ordonnées par l’autorité compétente sur le fond, aussi par le président ou la présidente en cas d’autorité collégiale. Si elles concernent la période entre le moment où la décision de première instance est rendue et celui où l’autorité de recours peut prendre d’autres mesures provisionnelles, elles peuvent être ordonnées dans la décision finale ou rendues séparément (c. 1). De telles mesures supposent toutefois une situation d’urgence, de même qu’un dommage difficile à réparer. À ce sujet, une pesée des intérêts en présence devra être effectuée, pour laquelle un pronostic sur l’issue du litige sera pris en compte s’il est clair. En cas d’incertitudes sérieuses sur les faits ou sur le droit, des mesures provisionnelles ne seront ordonnées qu’avec retenue, car la procédure principale devra encore éclaircir la situation. L’urgence, le dommage difficile à réparer, la pesée des intérêts et, le cas échéant, le pronostic sur l’issue du litige seront étudiés à l’aune du principe de la proportionnalité. Pour l’exécution anticipée d’une prestation pécuniaire, comme en matière d’effet suspensif, il faut en outre que le pronostic sur l’issue du litige soit positif et que le remboursement éventuel de la prestation soit assuré (c. 3). D’après le TAF, le droit d’être entendu implique celui de recevoir une décision motivée (cf. N 614, vol. 2012-2013). En l’espèce, la motivation écrite de la décision d’approbation du nouveau tarif ne pourra pas être rendue avant l’échéance de l’ancien tarif. Un vide tarifaire est donc inévitable. Comme le tarif commun S concerne des droits exclusifs, ce vide aurait pour conséquence qu’aucune licence ne pourrait être donnée et que les utilisations d’œuvres et de prestations ne pourraient pas être entreprises (c. 4). D’après la jurisprudence constante de la CAF, un tel vide tarifaire doit si possible être évité, au besoin par des mesures provisionnelles (c. 5). La prolongation de l’ancien tarif jusqu’à l’issue du délai de recours contre l’approbation du nouveau tarif est une mesure provisionnelle opportune. Comme les associations d’utilisateurs ont consenti à cette prolongation, une pesée des intérêts en présence est inutile. En outre, la mesure est urgente. Les parties ne sont pas d’accord entre elles sur la question de savoir si un décompte selon le nouveau tarif doit être réservé. La CAF ne doit examiner cette question que pour le cas où l’approbation du nouveau tarif ne serait pas frappée de recours. Dans le cas contraire, c’est au juge instructeur du TAF de statuer sur un effet suspensif à l’encontre de la décision de la CAF, conformément à l’art. 74 al. 2 LDA (c. 7). Comme le nouveau tarif prévoit une date d’entrée en vigueur antérieure à l’échéance des mesures provisionnelles, il est opportun de réserver un décompte selon le nouveau tarif. On peut s’abstenir de procéder à un pronostic sur l’issue du litige puisque la CAF a déjà approuvé le nouveau tarif (quand bien même la motivation écrite est encore pendante) (c. 8). [VS]

« Tarif commun S » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun S, négociation des tarifs, redevance de réception radio, redevance de réception TV, quote-part du produit de la redevance, recettes brutes, déduction des frais d’acquisition de la publicité, égalité de traitement, augmentation de redevance, équité du tarif, devoir d’informer les sociétés de gestion, rabais tarifaire, témoin, audition ; art. 8 al. 2 Cst., art. 14 PA, art. 45 al. 2 LDA, art. 46 al. 2 LDA, art. 51 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA, art. 9 al. 3 ODAu; cf. N 788 (CAF, 4 novembre 2013) et N 789 (TF, 27 février 2014, 2C_783/2013 ; ATF 140 II 305 ; sic! 6/2014, p. 362-364, « Gemeinsamer Tarif Sender (GT S) » ; medialex 2/2014, p. 111, « Tarif commun S »).

Les parties à une procédure tarifaire ne sont pas obligées de négocier sans fin lorsque les positions sont arrêtées. Si un accord n’est pas possible en raison de divergences sur des questions de principe, le tarif peut être soumis à la CAF (c. 2). Dans sa décision du 4 novembre 2010 sur le tarif commun S, la CAF a déjà admis que les quotes-parts du produit de la redevance selon la LRTV faisaient partie des bases de calcul tarifaires, même si elles sont affectées à un but déterminé (c. 3.2.b). D’après l’art. 60 al. 1 lit. a LDA, l’indemnité doit être calculée en fonction des recettes provenant de l’utilisation, par quoi il faut entendre les recettes brutes. Le principe dit des recettes brutes a été confirmé aussi bien par le TF que par la CAF. Dans sa décision du 4 novembre 2013 (cf. N 788), la CAF a admis que ce principe impliquait que les revenus de sponsoring et de publicité soient pris en compte sans déduction pour les frais de leur acquisition. Le fait qu’une telle déduction ait été tolérée dans le passé d’un commun accord n’y change rien: les diffuseurs n’ont pas de droit à celle-ci. De même, le fait que d’autres tarifs prévoient cette déduction, d’entente avec les utilisateurs concernés et comme résultat des négociations, n’est pas contraire à l’égalité de traitement. Dans son arrêt du 27 février 2014 (cf. N 789,(c. 7.1)), le TF n’a pas exclu que la déduction des frais d’acquisition de la publicité soit renégociée dans le cadre d’un nouveau tarif commun S. Il n’y a pas non plus d’inégalités de traitement entre diffuseurs soumis à ce tarif: la solution tarifaire retenue est la même pour les diffuseurs qui acquièrent eux-mêmes la publicité que pour ceux qui recourent à une société-tierce. Au contraire, la réglementation actuelle a révélé un certain potentiel d’abus, ce qui est justement problématique pour l’égalité de traitement. Un changement en faveur du principe des recettes brutes n’a pas besoin d’être neutre financièrement, mais il ne doit pas entraîner des augmentations de redevances abruptes. La CAF a déjà accepté des augmentations importantes si elles sont échelonnées dans le temps. Il peut être renoncé à cet échelonnement si les redevances antérieures étaient manifestement insuffisantes, si l’augmentation résulte d’un changement de système objectivement justifié ou si elle est la conséquence d’une redevance plus juste. Ces conditions ne sont pas réalisées en l’espèce. Il n’est certes pas facile de prévoir les effets financiers du nouveau tarif. Mais les augmentations devraient globalement se situer entre 20% et 40% et il devrait y avoir de grandes différences d’un diffuseur à l’autre. L’échelonnement proposé par les sociétés de gestion dans leurs conclusions principales n’est pas équitable. En revanche, il l’est selon leurs conclusions subsidiaires. Une abolition complète de la déduction forfaitaire dans un futur tarif, pour se conformer entièrement au principe des recettes brutes, est fondamentalement possible, mais il faudra alors vérifier si les taux de redevance restent équitables (c. 3.3.c). Une obligation pour les diffuseurs d’annoncer les codes ISRC et ISAN est conforme à l’art. 51 LDA si ces codes sont fournis par les producteurs au moment de la livraison des enregistrements et s’ils peuvent être lus par les systèmes des diffuseurs. Un traitement manuel des codes ou une adaptation coûteuse des systèmes des diffuseurs dépasseraient la limite du raisonnable prévue par l’art. 51 LDA (c. 3.4.c). Par sa décision du 4 novembre 2010, la CAF a déjà estimé inutile de préciser que seuls les spots publicitaires avec de la musique protégée devaient être déclarés. Au surplus, pour ne pas accroître le travail administratif des diffuseurs, il n’y a pas lieu de leur imposer une obligation de vérifier si un morceau de musique est protégé ou non (c. 3.5.c). Un tarif doit être équitable indépendamment des rabais qu’il prévoit. Ceux-ci doivent être octroyés en échange de prestations concrètes de la part des utilisateurs. Tel n’est pas le cas lorsqu’un rabais est prévu en contrepartie de la signature d’un contrat dont le contenu n’est pas précisé. Pour cette raison, la CAF décide de faire dépendre le rabais du respect par les diffuseurs de la procédure de déclaration, et de l’adaptation de leurs systèmes informatiques à celle-ci (c. 4.4). La CAF peut s’abstenir d’examiner en détail, sous l’angle des art. 59 ss LDA, les clauses tarifaires non contestées s’il n’y a pas d’indices qu’elles pourraient être inéquitables (c. 5). D’après l’art. 14 PA, une audition de témoins n’est possible que si les faits ne peuvent pas être suffisamment élucidés d’une autre façon. Au surplus, ladite disposition ne mentionne pas la CAF parmi les autorités qui peuvent entendre des témoins, et ni la LDA ni l’ODAu ne lui donnent cette compétence. Il faut donc, en l’espèce, renoncer à entendre des témoins (c. 6). [VS]

Tarifs commun 4e 2014 et 2015-2016 ; gestion collective, tarif des sociétés de gestion, tarif 4e, effet rétroactif, question préalable, équité du tarif, égalité de traitement, transaction ; art. 45 al. 2 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA, art. 9 al. 2 ODAu, art. 11 ODAu, art. 12 ODAu ; cf. N 46 (vol. 2007-2011 ; TAF, 21 février 2011, B-2346/2009 ; ATAF 2011/2; sic! 7-8/2011, p. 430–436, Public-Viewing-Tarif III ; medialex 2/2011, p. 114-116 (rés.) (Brem Ernst, Anmerkungen) et N 614 (vol. 2012-2013 ; TAF, 24 janvier 2013, B-6540/2012).

La requête d’approbation des tarifs a été présentée à la CAF en respectant le délai de 7 mois prévu par l’art. 9 al. 2 ODAu. Toutefois, les sociétés de gestion ont ensuite modifié les projets tarifaires sur la base d’une transaction qu’elles avaient conclue avec les associations d’utilisateurs parties à la procédure. Cela est acceptable, étant donné que les sociétés de gestion ont encore la possibilité de changer un projet de tarif lors de la séance de la CAF (au sens des art. 12 ss ODAu). De plus, l’art. 9 al. 2 ODAu est une prescription d’ordre, à laquelle il peut être dérogé dans des cas fondés, notamment lorsque les sociétés de gestion et les associations d’utilisateurs ont pu se mettre d’accord sur un tarif. Vu cet accord, l’arrêt du TAF du 24 janvier 2013 (cf. N 614, vol. 2012-2013) ne s’oppose pas à une entrée en vigueur anticipée ou rétroactive du tarif (c. 1). La transaction prévoit le paiement de montants forfaitaires par les membres des associations pour la période 2010 à 2014. Vu les difficultés d’un encaissement rétroactif, cette solution est judicieuse, praticable et plus facile à mettre en œuvre. Elle devrait concerner la grande majorité des producteurs et importateurs. Dans des cas particuliers, il n’est certes pas exclu que des non-membres d’associations doivent payer des montants plus élevés. Mais les difficultés d’un encaissement rétroactif pourraient conduire à devoir forfaitiser la redevance dans ces cas également. Pour cette raison, la solution trouvée est acceptable du point de vue de l’égalité de traitement prévue par l’art. 45 al. 2 LDA (c. 2). Comme les parties ont pu se mettre d’accord sur les montants de redevance et qu’elles renoncent à débattre des questions juridiques, respectivement qu’elles ont demandé la suspension des procédures en cours devant le TAF et qu’elles retireront leurs recours, la CAF n’est pas tenue d’examiner ces questions juridiques à titre préalable (c. 3). D’après sa pratique constante, la CAF considère que l’accord des personnes intéressées est un indice du caractère équitable d’un tarif. Si les principales associations d’utilisateurs donnent un tel accord, la CAF renonce à un examen détaillé du tarif basé sur les art. 59 et 60 LDA. Cette pratique se fonde sur un arrêt du TF du 7 mars 1986, selon lequel un accord des utilisateurs sur un tarif correspond à un contrat passé dans une situation de concurrence. Toutefois, le TAF est d’avis que cet accord ne restreint pas la cognition de la CAF (cf. N 46, vol. 2007-2011). Il est seulement un indice qu’une entente entre parties intéressées aurait aussi pu intervenir dans des rapports de concurrence. De sérieux indices allant en sens contraire doivent toutefois aussi être pris en compte (c. 4). Même si une erreur rédactionnelle doit être corrigée dans la formule de calcul des redevances prévue par le TC 4e 2015-2016, de tels indices en sens contraire n’existent pas en l’espèce. La valeur élevée à donner à l’accord obtenu découle aussi de l’art. 11 ODAu, selon lequel la CAF peut prendre sa décision par voie de circulation, sans audience, lorsque le tarif a été accepté par les associations représentatives d’utilisateurs (c. 5). [VS]

« Tarif commun 3a complémentaire » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif 3a complémentaire, décision sur recours, instructions impératives à l’autorité précédente, divertissement de fond ou d’ambiance, divertissement ciblé, équité du tarif, forfait, redevance de réception radio, redevance de réception TV, effet rétroactif, entrée en vigueur rétroactive, approbation des tarifs rétroactive, introduction d’une redevance, édition du dossier, effets de la décision d’approbation, hôtellerie, logement de vacances ; art. 26 al. 1 Cst., art. 61 al. 1 PA, art. 46 LDA, art. 47 LDA, art. 60 LDA, art. 83 al. 2 LDA, art. 68 LRTV ; cf. N 27 (vol. 2007-2011 ; TF, 19 juin 2007, ATF 133 II 263 ; sic! 10/2007, p. 722-735, « MP3-Player II » ; JdT 2007 I 146) ; N 601 (vol. 2012- 2013 ; CAF, 17 novembre 2011) ; N 603 (vol. 2012-2013 ; TAF, 3 janvier 2012, B-1769/2010 ; medialex 2/2012, p. 107-109 (rés.), « Tarif A télévision (Swissperform) ») ; N 609 (vol. 2012-2013 ; TF, 13 novembre 2012, 2C_580/2012 ; sic! 3/2013, p. 154-157, « GT 3a » ; medialex 1/2013, p. 49-50 ; N 611 (vol. 2012-2013 ; CAF, 30 novembre 2012) ; N 790 (TAF, 14 mars 2014, B-6540/2012 ; sic! 10/2014, p. 618-623, « Zusatztarif zumGT 3a ») , N 802 (TAF, 8 juillet 2015, B-3865/2015, « Tarif commun 3a complémentaire ») et N 1040 (TF,13 décembre 2017, 2C_685/2016, 2C_806/2016).

En vertu de l’art. 61 al. 1 PA, une décision de renvoi du TAF est contraignante pour la CAF. Si le renvoi est effectué avec la formule « pour nouvelle décision dans le sens des considérants », le caractère impératif s’étend aux considérants. La CAF ne doit donc plus se prononcer sur la base légale du tarif et sur la possibilité d’établir un tarif séparé (c. 3). Dans le cadre de son arrêt du 14mars 2012 (recte : 2014) (cf. N 790), le TAF a estimé que l’utilisateur au sens du droit d’auteur, en cas de réception d’émissions dans des chambres d’hôtel, n’était pas le client,mais l’hôtelier. Il ne s’agit pas de simple divertissement de fond ou d’ambiance, mais de divertissement ciblé dûment choisi, ce qui pourrait plaider pour une utilisation plus intensive.Cependant, les émissions ne sont pas regardées longtemps et elles profitent à un plus petit nombre de personnes qu’en cas de diffusion dans un magasin, par exemple. Dans le cadre d’un tarif qui doit couvrir un grand nombre de situations, une réglementation forfaitaire est justifiée (c. 10). Une probable évolution technologique, qui rendrait désuète la réception d’émissions au moyen d’appareils radio / TV, n’a pas à être prise en compte pour juger de l’équité du tarif (c. 11). Ni la redevance selon l’art. 68 LRTV, ni les droits de retransmission payés par les câblodistributeurs n’empêchent un tarif de droits d’auteur et de droits voisins pour la réception d’émissions dans des chambres d’hôtel (c. 12). Dans le cadre d’un tarif forfaitaire, il n’est pas inéquitable que les exploitants de logements de vacances soient traités comme les hôteliers (c. 13). Un moyen de preuve concernant une question tranchée par le TAF (qui lie la CAF) n’est pas pertinent (c. 14). La question de l’entrée en vigueur du tarif, éventuellement rétroactive, relève du contrôle de l’équité (c. 16). Selon l’ATF 133 II 263 (cf. N 27, vol. 2007-2011, c. 11.2), l’entrée en vigueur rétroactive d’un tarif se décide au cas par cas, en fonction des circonstances de fait et de droit et des différents intérêts en présence. Il semble s’agir d’un examen sui generis, fondé sur d’autres critères que ceux concernant l’effet rétroactif dit « véritable » des actes administratifs, qui fait appel à deux éléments : d’une part la prévisibilité de l’obligation de payer, d’autre part le fait de pouvoir raisonnablement exiger des utilisateurs qu’ils provisionnent les montants litigieux. Les conditions de l’absence d’inégalités choquantes et de l’absence d’atteintes à des droits acquis sont également à observer, car elles valent dans tous les domaines du droit administratif. Le critère de la prévisibilité implique nécessairement une rétroactivité limitée dans le temps, à déterminer en fonction des circonstances du cas particulier. Enfin, le principe de la proportionnalité, fondamental en droit administratif, doit être respecté. Lorsque la CAF a approuvé un tarif, les utilisateurs doivent compter avec l’entrée en vigueur de ce tarif,même lorsque la décision d’approbation fait l’objet d’un recours avec effet suspensif. Sous l’empire de l’aLDA, l’entrée en vigueur et l’application rétroactives d’un tarif étaient exclues, car la loi ne consacrait que des droits exclusifs, si bien que les utilisations ne pouvaient pas être entreprises sans qu’un tarif soit applicable (c. 22). Aujourd’hui, l’art. 83 al. 2 LDA et la jurisprudence du TF dans l’affaire 2A. 142/173/174/1994 du 24 mars 1995 montrent que la procédure d’approbation tarifaire ne doit pas conduire à des périodes d’utilisations sans redevances, cela aussi bien dans le domaine des droits exclusifs que dans celui des droits à rémunération. Sinon le droit de la gestion collective interférerait sur le droit d’auteur matériel, qui est couvert par la garantie de la propriété au sens de l’art. 26 al. 1 Cst. (c. 23). La CAF a déjà accepté l’entrée en vigueur rétroactive d’un tarif, par sa décision du 17 novembre 2011 (cf. N 601, vol. 2012-2013) (c. 25). La doctrine va dans le même sens (c. 26). Il faut distinguer l’approbation avec effet rétroactif d’un tarif en première instance et l’entrée en vigueur rétroactive d’un tarif suite à une procédure de recours. En l’espèce, cette procédure de recours concerne un tarif complémentaire, ayant pour but de compléter un tarif commun dont la durée est limitée à quelques années. Si l’on excluait l’entrée en vigueur rétroactive d’un tarif complémentaire suite à une procédure de recours (qui peut durer deux à trois ans), l’institution même des tarifs complémentaires pourrait devenir obsolète. La procédure d’approbation tarifaire (y compris les éventuels recours) ne doit pas être un moyen d’obtenir des périodes d’utilisation gratuites, sinon les recours deviendront la règle (et la gestion collective ira à l’encontre de ce que permet la gestion individuelle). De plus, les autorités ne doivent pas être livrées aux circonstances de chaque cas particulier pour déterminer si d’autres moyens que l’effet rétroactif (comme un supplément sur la redevance courante) sont admissibles ou non (c. 27). Depuis la première décision de la CAF (cf. N 611, vol. 2012-2013) les utilisateurs devaient compter avec l’introduction d’une redevance. Admettre une réalisation de la condition de prévisibilité seulement si un tarif antérieur existait déjà ne découle ni de l’art. 83 al. 2 LDA, ni de la jurisprudence, en particulier de l’arrêt du TAF du 3 janvier 2012 (cf.N 603, vol. 2012- 2013) (c. 28). D’autre part, on pouvait raisonnablement exiger des utilisateurs qu’ils provisionnent les montants litigieux,même si leurs associations avaient fait recours en contestant la base légale du tarif (c. 29). La longueur de la procédure n’est pas seulement imputable aux sociétés de gestion. Par sa prise de position concernant l’effet suspensif dans la procédure de recours, Hotellerie-suisse a montré qu’elle était consciente du risque que le tarif entre en vigueur rétroactivement (c. 30). Enfin, l’effet rétroactif ne cause pas d’inégalités choquantes ou de distorsions dans les rapports de concurrence, et il ne porte pas atteinte à des droits acquis.Compte tenu des circonstances de fait et de droit et des différents intérêts en présence, il est admissible que le tarif entre en vigueur au 1er janvier 2013. Le TAF a d’ailleurs déjà admis un effet rétroactif d’environ deux ans (cf. N 603, vol. 2012-2013) (c. 31). L’édition du dossier de la procédure de recours devant la CAF n’est pas recevable, car la requérante n’indique pas pour quelles questions concrètes elle entend se prévaloir de ce dossier. De plus, le TAF a probablement déjà retourné les pièces aux parties et il n’est pas sûr que la CAF ait les moyens juridiques d’exiger une telle édition (c. 33). Le TC 3a complémentaire est donc approuvé.Mais, comme les associations d’utilisateurs peuvent difficilement recourir sans disposer de la décision motivée par écrit, il convient de préciser que cette décision ne prendra effet qu’à l’échéance du délai de recours (c. 35). [VS]

30 mars 2015

TAF, 30 mars 2015, B-1298/2014 (d)

« Tarif A Fernsehen (Swissperform) » ;  gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif A télévision, tarif contraignant pour les tribunaux, tarifs séparés, question préalable, pouvoir d’appréciation, pouvoir de cognition, autonomie des sociétés de gestion, synchronisation, droits voisins, phonogramme disponible sur le marché, vidéogramme disponible sur le marché, support disponible sur le marché, reproduction à des fins de diffusion, droit à rémunération, intégrité de l’œuvre, œuvre musicale non théâtrale, films musicaux ; art. 11 LDA, art. 22c LDA, art. 24b LDA, art. 35 LDA, art. 38 LDA, art. 46 LDA, art. 47 LDA, art. 59 LDA ; cf. N 608 (vol. 2012-2013 ; TF, 20 août 2012, 2C_146/2012 ; sic! 1/2013, p. 30-37, « Tarif A Fernsehen ») et N 800 (TF, 4 juin 2015, 2C_394/2015 ; sic! 10/2015, p. 603-605, « Tarif A Fernsehen II (Swissperform) »).

Lorsque la gestion des droits est soumise à la surveillance de la Confédération, les sociétés de gestion ne peuvent exercer ces droits que sur la base de tarifs valables. Ces derniers doivent certes respecter la réglementation légale des droits exclusifs et des utilisations autorisées et ils ne peuvent pas instaurer de prérogatives incompatibles avec la loi. Mais ils lient le juge en ce qui concerne leur caractère équitable et fondent les prétentions civiles des sociétés de gestion. Grâce à des tarifs formulés en termes généraux et approuvés par l’autorité, la gestion collective doit résoudre les difficultés pratiques qu’occasionnent le recensement et le contrôle des utilisations massives (c. 2.1). Lorsqu’elle vérifie l’équité d’un tarif, la CAF poursuit l’objectif d’un équilibre approprié des intérêts des ayants droit et des utilisateurs, qui doit aussi servir la sécurité juridique, et elle s’appuie sur le critère d’une rémunération conforme au marché. Elle doit en particulier examiner à titre préjudiciel l’existence des droits couverts par le tarif et l’assujettissement au contrôle fédéral des utilisations qu’il vise. Elle doit faire en sorte que des utilisations connexes d’un point de vue économique soient si possible réglées par le même tarif, même si elles relèvent de la compétence de sociétés de gestion différentes. La CAF ne doit cependant pas interférer dans l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion plus que le nécessite un équilibre approprié des intérêts entre ayants droit et utilisateurs. Si plusieurs solutions sont possibles, elle ne peut pas imposer la sienne contre la volonté des sociétés de gestion. Elle dispose d’un plein pouvoir d’examen, mais doit respecter une certaine liberté de disposition et l’autonomie des sociétés de gestion (c. 2.2). Le TAF examine l’affaire avec une pleine cognition. Cependant, il fait preuve de retenue là où la CAF, en tant qu’autorité judiciaire indépendante et spécialisée, a tranché des questions complexes concernant la gestion collective ou a pesé les intérêts en présence en respectant l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Cela revient à ne sanctionner que les excès ou les abus du pouvoir d’appréciation de la CAF (c. 2.3). La synchronisation va au-delà de l’intégration d’un phonogramme dans un vidéogramme: elle implique une interaction coordonnée dans le temps entre le son et l’image (c. 3.3) et la création d’un arrangement ou d’une œuvre dérivée, de même que l’enregistrement d’un phonogramme dans un vidéogramme. Elle n’est pas couverte par l’art. 35 LDA (c. 3.4). L’art. 35 LDA doit permettre d’indemniser les ayants droit pour les utilisations secondaires du support disponible sur le marché, qui ne sont pas comprises dans le prix d’achat de ce support. Comme la synchronisation n’est ni visée par l’art. 35 LDA, ni comprise dans le prix d’achat du support, elle doit être autorisée par les ayants droit (c. 4.1). L’art. 24b LDA n’y change rien, puisqu’il réserve l’art. 11 LDA. Cette réserve concerne aussi les droits voisins, étant donné le renvoi de l’art. 38 LDA. Vu la théorie de la finalité, l’accord des ayants droit englobe toutes les copies qui sont nécessaires pour la synchronisation. Par conséquent, celles-ci ne doivent pas être couvertes par le tarif, d’autant plus qu’elles ne sont pas visées par l’art. 24b LDA (c. 4.2). Le TF a estimé contraire à la volonté du législateur qu’un phonogramme intégré dans un vidéogramme soit exclu du droit à rémunération, cela aussi lorsque le vidéogramme n’est pas disponible sur le marché (cf. N 608, vol. 2012-2013) (c. 5). La demande d’enregistrements sonores synchronisés à des fins de diffusion dans des propres productions du diffuseur est en augmentation (c. 6.2). Les art. 24b et 35 LDA instaurent la gestion collective pour des raisons pratiques, les ayants droit n’étant plus en mesure de faire valoir leurs droits individuellement. Pour ces ayants droit, licencier la diffusion de leurs enregistrements en même temps que leur synchronisation pourrait être difficile, car la réalité et la fréquence de la diffusion ne sont pas forcément connues au moment où la synchronisation est autorisée. Pour cette raison, la gestion collective prévue par les art. 35 et 24b LDA s’impose (c. 6.3). Il est donc juste, comme le veut la recourante, que le tarif A Télévision englobe aussi la diffusion de phonogrammes du commerce synchronisés dans des propres productions du diffuseur. L’affaire doit ainsi être renvoyée à la CAF pour qu’elle examine l’équité de la redevance compte tenu de cette constatation juridique (c. 6.4). Les vidéos musicales, les vidéoclips et les films musicaux sont disponibles sur le marché en tant que tels et ne tombent pas sous le coup de la notion de musique de film ayant fait l’objet de l’arrêt du TF 2A_288/2002 du 24 mars 2003. Les films d’opéras, de danse, de concerts ou de comédies musicales sont des films musicaux et leur diffusion relève traditionnellement des grands droits. Dans un film musical, l’image suit la musique (d’un point de vue dramaturgique) et la souligne d’une manière théâtrale (c. 7.2). Pour cette raison, les art. 22c et 24b LDA ne s’appliquent pas aux films musicaux (c. 7.3). [VS]

30 mars 2015

HG ZH, 30 mars 2015, HG140151 (d)

Gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, SUISA, SWISSPERFORM, qualité pour agir, société de gestion, œuvre musicale non théâtrale, droits voisins, procédure devenue sans objet, frais de procédure ; art. 35 LDA, art. 46 LDA, art. 107 al. 1 lit. e CPC, art. 241 CPC, art. 242 CPC.

Fondée sur les contrats passés avec ses membres et sur les contrats de représentation réciproque, SUISA gère la quasi-totalité du répertoire mondial de musique non théâtrale. Comme elle est titulaire des droits, c’est auprès d’elle que doit être obtenue l’autorisation d’exécuter en public la musique qu’elle administre et c’est auprès d’elle que doit être payée l’indemnité prévue par les tarifs au sens de l’art. 46 LDA. Pour le droit voisin de l’art. 35 LDA, c’est Swissperform qui est compétente. Mais SUISA est autorisée à faire valoir ce droit à rémunération parce qu’elle est l'organe d’encaissement et la représentante de Swissperform d’après le tarif applicable. Il découle de ce qui précède que SUISA a qualité pour agir en paiement des redevances de droit d’auteur et de droits voisins dues pour les concerts d’un festival open-air (c. 3.1). Le paiement d’une partie de la créance litigieuse après l’introduction du procès n’est pas un acquiescement au sens de l’art. 241 CPC, car l’exigence de forme n’est pas respectée, mais il rend la procédure sans objet au sens de l’art. 242 CPC à hauteur du montant payé (c. 1.3.3). Dans ce cas, les frais judiciaires sont répartis selon la libre appréciation du tribunal conformément à l’art. 107 al. 1 lit. e CPC. Il faut se demander quelle partie a occasionné le procès, quelle aurait été son issue probable, à qui sont dues les raisons qui ont rendu la procédure sans objet et quelle partie a causé inutilement des frais. En l’espèce, le paiement n’est intervenu que sous la pression de l’action intentée et la demanderesse aurait de toute manière obtenu gain de cause. La défenderesse doit donc supporter l’intégralité des frais judiciaires (c. 4.1). [VS]

04 juin 2015

TF, 4 juin 2015, 2C_394/2015 (d)

sic! 10/2015, p. 603-605, «Tarif A Fernsehen II (Swissperform) » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif A télévision, recours en matière de droit public, décision de renvoi, décision finale, décision partielle, décision préjudicielle, décision incidente, marge décisionnelle, préjudice irréparable ; art. 90 LTF, art. 91 LTF, art. 92 LTF, art. 93 LTF ; cf. N 798 (TAF, 30 mars 2015, B-1298/2014).

Le recours au TF est recevable contre les décisions finales, c’est-à-dire contre celles qui mettent fin à la procédure d’après l’art. 90 LTF. Il est aussi recevable contre les décisions partielles au sens de l’art. 91 LTF, et contre les décisions préjudicielles et incidentes si les conditions des art. 92 et 93 LTF sont remplies. Les décisions de renvoi sont en principe des décisions incidentes, car elles ne mettent pas fin à la procédure. Il en va différemment lorsque l’autorité précédente, à laquelle l’affaire est renvoyée, n’a pas de marge décisionnelle et que le renvoi sert uniquement à la mise en application (purement mathématique) des instructions de l’autorité supérieure. Dans une telle hypothèse, la décision de renvoi est une décision finale. Vu le but de l’art. 93 LTF, il faut toutefois admettre une telle décision finale seulement s’il est exclu que le TF doive se prononcer une deuxième fois sur l’affaire en cause (c. 2.1). En l’espèce, le TAF a renvoyé l’affaire à la CAF pour qu’elle fixe l’indemnité tarifaire et se prononce sur son caractère équitable. La tâche de la CAF va ainsi au-delà de la simple mise en application mathématique des instructions de l’autorité supérieure. Il n’y a donc pas de décision finale (c. 2.2.1). L’arrêt du TAF n’est pas non plus une décision partielle au sens de l’art. 91 LTF. Certes, selon l’ampleur du rejet du recours par le TAF, certains aspects du tarif seront tranchés définitivement. Mais, pour les points qui restent litigieux, il n’y a justement pas de décision mettant fin à la procédure. Il y a un renvoi, qui impliquera que la CAF se prononce à nouveau avec une certaine marge de liberté décisionnelle. Pour les aspects demeurés litigieux, l’arrêt du TAF est donc une simple décision incidente, qui ne peut être attaquée au TF que si les conditions de l’art. 93 LTF sont remplies (c. 2.2.2). Or, tel n’est pas le cas. En effet, d’une part il n’est ni avéré ni démontré que l’admission du recours conduirait à une décision finale permettant d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse ; d’autre part, la décision de renvoi ne cause aucun préjudice irréparable à la recourante : la CAF devra réexaminer l’affaire avec une certaine marge décisionnelle et, s’agissant des aspects restés litigieux, le TAF n’a pas approuvé le tarif. Par conséquent, la recourante n’aura pas à payer des redevances sur la base d’une appréciation juridique qu’elle conteste (c. 2.3). [VS]

30 juin 2015

TF, 30 juin 2015, 4A_203/2015 (d)

sic! 11/2015, p. 639-640, « Vergütung für die Vervielfältigung in Netzwerken » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif contraignant pour les tribunaux, recours en matière civile, valeur litigieuse, obligation d’alléguer, motivation du recours, droit d’être entendu, sécurité du droit, interprétation des tarifs, usage privé, ProLitteris, réseau numérique, copie analogique, copie numérique ; art. 29 al. 2 Cst., art. 42 LTF, art. 74 al. 2 lit. b LTF, art. 106 LTF, art. 19 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA, art. 55 CPC, art. 58 CPC.

Contre une décision d’un tribunal civil cantonal concernant l’application d’un tarif, le recours en matière civile est recevable, indépendamment de la valeur litigieuse d’après l’art. 74 al. 2 lit. b LTF (c. 1.1). Le TF applique le droit d’office (art. 106 al. 1 LTF). Il n’est donc lié ni par l’argumentation du recourant, ni par celle de l’autorité de première instance. Cependant, vu l’obligation de motiver le recours (art. 42 al. 1 et al. 2 LTF), le TF ne traite en principe que des griefs allégués, sauf si d’autres lacunes juridiques sont évidentes. Il n’est pas tenu d’examiner toutes les questions juridiques abordées en première instance, si celles-ci ne lui sont plus soumises. En matière de violation des droits fondamentaux et de violation du droit cantonal ou intercantonal, il existe un devoir de motivation qualifié: le grief doit être invoqué et motivé précisément conformément à l’art. 106 al. 2 LTF (c. 1.2). En l’espèce, le grief de violation du droit d’être entendu est manifestement infondé : le recourant reproche plutôt à l’autorité précédente de ne pas avoir suivi son point de vue juridique (c. 2). D’après l’art. 59 al. 3 LDA, les tarifs lient le juge lorsqu’ils sont en vigueur. Cette disposition sert la sécurité du droit: le juge civil ne doit pas à nouveau examiner l’équité d’un tarif puisque cette question est traitée dans le cadre de la procédure administrative d’approbation de ce tarif. Toutefois, le juge civil peut et doit vérifier que les sociétés de gestion, sur la base d’un tarif, ne font pas valoir de droits à rémunération incompatibles avec les dispositions impératives de la loi, en particulier lorsque l’utilisation est libre d’après la LDA. Au surplus l’application et l’interprétation d’un tarif dans un cas particulier sont des questions juridiques du ressort des tribunaux civils (c. 3.3). La réglementation concernant l’usage privé, comme toute la LDA, est technologiquement neutre. Elle vaut pour les copies effectuées sur une base analogique comme pour les copies numériques (c. 3.4.1). Pour cette raison, les principes de l’ATF 125 III 141 concernant les photocopies sont aussi applicables aux reproductions réalisées sur l’intranet d’une entreprise. Dans cet arrêt le TF a estimé admissible qu’une redevance soit forfaitaire et qu’elle soit due indépendamment du fait qu’une œuvre soit on non reproduite. Cela peut certes s’avérer insatisfaisant dans des cas particuliers, mais est inévitable dans le domaine des utilisations massives incontrôlables. La simple possibilité de reproduire une œuvre dans le cadre de la licence légale de l’art. 19 al. 1 lit. c LDA suffit donc à justifier la redevance (c. 3.4.2). Le projet de révision de la LDA du 15 septembre 2004 prévoyait une redevance sur les appareils, ainsi qu’une exonération pour les petites et moyennes entreprises qui ne reproduisent qu’accessoirement des œuvres à des fins d’information interne ou de documentation. Le législateur a cependant renoncé à une telle réglementation, cela à une époque (2007) où l’environnement numérique existait déjà. Le recourant doit donc s’acquitter de la redevance tarifaire, même s’il se peut qu’il n’utilise pas son réseau numérique pour des actes de copie. Les art. 55 et 58 CPC n’impliquent pas que ProLitteris allègue les différents actes de reproduction du recourant (c. 3.4.3). [VS]

08 juillet 2015

TAF, 8 juillet 2015, B-3865/2015 (d)

« Tarif commun 3a complémentaire » ; gestion collective, tarif des sociétés de gestion, effet suspensif, pesée d’intérêts, effet rétroactif d’un tarif, sécurité du droit ; art. 74 al. 2 LDA; cf. N 27 (vol. 2007- 2011 ; TF, 19 juin 2007 ; ATF 133 II 263 ; sic! 10/2007, p. 722-735, «MP3-Player II ») ; N 611 (vol. 2012-2013 ; CAF, 30 novembre 2012) ; N 790 (TAF, 14 mars 2014, B-6540/2012 ; sic! 10/2014, p. 618-623, « Zustatztarif zum GT 3a » et N 797 (CAF, 2mars 2015).

En l’espèce, les recours n’apparaissent a priori ni manifestement bien fondés, ni manifestement mal fondés. Pour décider sur leur effet suspensif, il faut donc procéder à une pesée des intérêts en présence, sans préjuger la situation à régler ou la rendre impossible. Prioritairement, ce sont les intérêts des personnes représentées par les parties qui doivent être pris en considération, à savoir ceux des ayants droit, d’une part, et des utilisateurs d’œuvres, d’autre part. Les sociétés de gestion peuvent en général, sans grands frais, compenser des redevances non dues avec des créances tarifaires futures; tandis que, sans tarif approuvé, elles ne peuvent pas encaisser d’indemnités, même lorsque l’utilisation concernée est soumise à la surveillance de la Confédération. Le TAF a déjà tranché la question de l’assujettissement des utilisations faisant l’objet du tarif litigieux (cf.N 79), mais il n’a jamais examiné de manière approfondie celle de l’effet rétroactif d’un tarif, qui a été laissée ouverte par le TF (cf. N 27, vol. 2007-2011). Si l’effet suspensif devait être refusé, l’insécurité juridique relative à la rétroactivité concernerait de nombreux utilisateurs et occasionnerait des difficultés pratiques de part et d’autre. En comparaison, le risque de pertes sur débiteurs avant qu’un encaissement ne soit possible paraît supportable. En l’espèce, il faut donc décréter l’effet suspensif s’agissant de l’approbation rétroactive du tarif et mettre provisoirement en vigueur ce tarif pour les utilisations se produisant dès l’entrée en force de la présente décision incidente. [VS]

21 février 2018

TF, 21 février 2018, 4A_549/2017 (f)

« Gestion économique » ; instance cantonale unique, compétence matérielle, commission arbitrale fédérale, tribunal civil, recours en matière civile, recours en matière de droit public, tarifs des sociétés de gestion, tarif contraignant pour les tribunaux, gestion collective, gestion économique, société de gestion ; art. 42 al. 2 LTF, art. 74 al. 2 lit. b LTF, art. 75 al. 2 lit. a LTF, art. 45 al. 1 LDA, art. 46 LDA, art. 53 al. 1 LDA, art. 55 LDA, art. 59 al. 3 LDA, art. 74 al. 1 LDA.

Lorsque le droit fédéral prévoit une instance cantonale unique, le recours en matière civile est recevable quelle que soit la valeur litigieuse selon l’art. 74 al. 2 lit. b LTF ; de plus, le tribunal supérieur n’a pas à statuer sur recours d’après l’art. 75 al. 2 lit. a LTF (c. 1.2). En cas de recours en matière civile, le TF n’est pas lié par l’argumentation des parties et il apprécie librement la portée juridique des faits, mais il s’en tient d’ordinaire aux questions juridiques que la partie recourante a soulevées (c. 1.3). Une fois entrés en force, les tarifs d’une société de gestion lient le juge en vertu de l’art. 59 al. 3 LDA, si bien que les autorités civiles ne sont pas compétentes pour revoir la décision de la CAF sur le caractère équitable du tarif. Celle-ci peut faire l’objet d’un recours au TAF, puis d’un recours en matière de droit public au TF (c. 2.3.1). La gestion économique des sociétés selon l’art. 45 al. 1 LDA implique des tarifs forfaitaires et une répartition des redevances simplifiée. Elle contraint les sociétés à faire l’impossible pour comprimer les frais administratif. L’IPI veille au respect de cette obligation, qui ne peut pas non plus être contrôlée par le juge civil. Les décisions de l’IPI à ce sujet doivent faire l’objet d’un recours au TAF, puis d’un recours en matière de droit public au TF (c. 2.3.2). En revanche, le juge civil peut vérifier qu’un tarif approuvé ne contrevienne pas à des règles légales impératives, en particulier qu’il ne prévoit pas de redevances pour des activités non soumises à rémunération selon la loi. La décision est alors susceptible de recours en matière civile au TF (c. 2.3.3). En l’espèce, le recourant est débiteur d’une redevance en contrepartie de son exploitation d’une photocopieuse et d’un réseau informatique. Il ne supporte pas une participation aux frais de fonctionnement de la société de gestion. Cette participation et son calcul ne concernent que les membres de la société. En reprochant à cette dernière de ne pas administrer ses affaires selon les règles d’une gestion saine et économique, le recourant soulève une question relevant de la compétence exclusive de l’IPI, qui ne peut pas être examinée par l’autorité judiciaire civile (c. 2.4). [VS]

LDA (RS 231.1)

- Art. 55

- Art. 59

-- al. 3

- Art. 74

-- al. 1

- Art. 53

-- al. 1

- Art. 45

-- al. 1

- Art. 46

LTF (RS 173.110)

- Art. 75

-- al. 2 lit. a

- Art. 42

-- al. 2

- Art. 74

-- al. 2 lit. b

07 mai 2018

TAF, 7 mai 2018, B-5220/2014 (d)

« ProLitteris » ; gestion économique, société de gestion, qualité pour recourir, intérêt digne de protection, action en constatation, droit d’être entendu,  réparation de la violation du droit d’être entendu, principe de la proportionnalité, surveillance des sociétés de gestion par l’IPI ; art. 29 al. 2 Cst, art. 25 al. 2 PA, art. 48 al. 1 lit. c PA, art. 45 LDA, art. 50 LDA, art. 54 LDA.

ProLitteris demande l’annulation d’une décision de l’IPI lui enjoignant de réclamer à trois anciens directeurs le remboursement des parts de l’employé sur des versements complémentaires effectués à des fins de prévoyance professionnelle. La société de gestion a un intérêt digne de protection à recourir, car elle sauvegarde son autonomie privée ; en revanche, il n’existe pas un tel intérêt au niveau pécuniaire, puisque l’exécution de la décision attaquée placerait la recourante dans une meilleure situation financière que son annulation (c. 1.2). Des conclusions en constatation de la licéité des versements litigieux ne sont pas recevables, vu que l’intérêt digne de protection de la recourante est déjà sauvegardé par les conclusions en annulation (c. 1.3). Une lettre précédente de l’IPI, par laquelle il avait considéré comme licites les paiements disputés, doit aussi être qualifiée de décision (c. 2.4.1). Cette dernière, de même que l’approbation du rapport annuel 2012 par l’IPI, se basaient toutefois sur des informations incomplètes (c. 2.4.3). Au surplus, elle n’est pas la cause des versements. La recourante ne peut donc pas invoquer la protection de sa bonne foi (c. 2.4.4). Elle ne prouve pas que le remboursement ordonné serait impossible à exécuter (c. 2.4.5). Une pesée des intérêts ne joue pas non plus en sa faveur : elle est certes une société privée, mais elle accomplit des tâches d’intérêt public, ce qui explique le contrôle de la Confédération. D’après l’art. 45 al. 1 et 3 LDA, elle doit administrer ses affaires selon les règles d’une gestion saine et économique et ne doit pas viser de but lucratif, ce qui optimise la rémunération des ayants droit. L’intérêt de ceux-ci a une importance particulière et l’emporte sur celui de la recourante ou de ses trois anciens directeurs (c. 2.4.7). La recourante a eu suffisamment l’occasion de s’exprimer sur les circonstances de l’affaire, mais elle n’a pas été transparente. Le rapport du Contrôle fédéral des finances, sur lequel se base la décision attaquée, ne repose pas sur des éléments inconnus de la recourante. Par conséquent, l’IPI n’était pas obligé de lui donner une nouvelle fois l’occasion de prendre position sur l’appréciation juridique des faits. Mais même s’il y avait eu une violation du droit d’être entendu, celle-ci aurait été réparée dans le cadre de la procédure de recours (c. 3.3.1). Un délai convenable pour régulariser la situation illicite a été imparti à la recourante, conformément à l’art. 54 al. 1 LDA. Elle n’avait pas droit à un avertissement préalable informel, vu que l’IPI était déjà intervenu à plusieurs reprises, vu qu’elle était tenue de renseigner l’autorité de surveillance d’après l’art. 50 LDA et vu qu’un tel avertissement informel n’est pas prévu par la loi. Sur la base des informations limitées données par la recourante, l’IPI pouvait considérer qu’un avertissement informel ne suffirait pas pour rétablir la légalité. Les mesures prises respectent donc le principe de la proportionnalité (c. 3.3.2). La décision attaquée a été suffisamment motivée (c. 3.3.3). Quant au fond, l’ubiquité des œuvres, le nombre d’utilisateurs et d’utilisations, de même que le progrès technique contraignent les auteurs à recourir à une société de gestion collective. Celle-ci agit comme intermédiaire entre les ayants droit et les utilisateurs, sur la base de tarifs négociés approuvés par la CAF (c. 4.2.1). La société répartit les redevances perçues en se fondant sur un règlement approuvé par l’IPI, selon les prescriptions de l’art. 49 LDA (c. 4.2.2). Les règles de l’art. 45 LDA protègent les ayants droit et les utilisateurs. Les sociétés de gestion agissent à titre fiduciaire et, pour cette raison, elles sont tenues d’administrer leurs affaires selon les règles d’une gestion saine et économique, ce qui implique de renoncer à tout arbitraire, de procéder selon des règles fixes et de minimiser les frais de gestion. L’obligation d’agir selon des règles déterminées et selon le principe d’égalité de traitement a pour corollaire d’exercer les tâches de manière transparente et prévisible. De là découle le devoir d’établir des règles de répartition et des tarifs. Si les sociétés de gestion ont l’interdiction de viser un but lucratif, c’est parce qu’elles sont au service des ayants droit originaires et qu’elles doivent leur reverser tout l’argent perçu, après couverture des frais. Enfin, l’obligation de conclure des contrats de représentation réciproque selon l’art. 45 al. 4 LDA a pour but d’offrir aux ayant droit suisses une gestion simple de leurs droits à l’étranger (c. 4.2.3). Le contrôle de la Confédération sur les sociétés de gestion concerne d’une part les tarifs, d’autre part la conduite des affaires. Le premier est exercé par la CAF et porte sur les rapports externes de la société avec les utilisateurs, le second est du ressort de l’IPI et concerne avant tout les relations internes de la société avec ses membres (c. 4.2.5). La surveillance de la CAF s’étend à l’équité du tarif, mais l’autorité reconnaît une certaine liberté de disposition et une certaine autonomie aux sociétés de gestion. En revanche, le contrôle de l’IPI est limité à la légalité (c. 4.2.6). L’abus, l’excès ou le non-exercice du pouvoir d’appréciation relèvent du contrôle de la légalité (c. 4.2.7). Avec la révision totale de la LDA en 1989, la surveillance de l’Etat sur les sociétés de gestion a été renforcée (c. 4.3.1). Elle doit assurer la protection des ayants droit et des utilisateurs et une gestion des droits efficiente ; mais au surplus, l’autonomie privée des sociétés doit être préservée (c. 4.3.2). L’ampleur des coûts totaux de gestion ne dit encore rien sur le respect de l’obligation d’agir économiquement selon l’art. 45 al. 1 LDA. C’est la finalité des moyens investis qui doit être conforme aux normes légales. Si ce n'est pas le cas, la gestion ne saurait être économique au sens de l’art. 45 al. 1 LDA. En l’espèce, les versements litigieux aux anciens directeurs ne peuvent être justifiés par une clause statutaire tolérant des frais administratifs allant jusqu’à un quart des recettes perçues. En effet, il est douteux que l’IPI ait approuvé cette clause, qui ne figure pas dans le règlement de répartition. La question peut toutefois rester ouverte : lesdits versements ont été effectués dans le seul intérêt des trois anciens directeurs, ce qui n’est pas conforme au but des normes réglant la gestion collective et n’est donc pas économique (c. 4.3.3). Le fait que la recourante soit une coopérative n’y change rien : son autonomie privée n’existe que dans le cadre des dispositions légales. Même s’il était usuel, dans l’économie privée, que l’employeur prenne à sa charge les parts de cotisations sociales dues par ses cadres, cela ne serait pas compatible avec la situation particulière de la recourante et les tâches publiques qu’elle accomplit (c. 4.3.4). Le respect de la gestion saine et économique est d’autant plus important que la recourante est en position de monopole, ce qui empêche les ayants droit de mandater une autre entité (c. 4.3.5). Les anciens directeurs sont eux-mêmes responsables de la couverture de prévoyance professionnelle insuffisante qu’ils ont tolérée pendant 20 ans. Par les versements complémentaires subséquents, ils sont mieux traités que si la couverture avait été adéquate dès le départ. La recourante ne prouve pas les raisons qui auraient justifié une prise en charge par l’employeur des parts de cotisations dues par l’employé. L’IPI devait intervenir d’office vu que la gestion n’a pas été saine et économique (c. 4.3.6). Les mécanismes de contrôle interne de la recourante n’étaient pas suffisants, car le Conseil d’administration avait lui-même décidé des versements litigieux. De plus, l’Assemblée générale n’a pas été informée de manière transparente et l’organe de contrôle n’avait pas à vérifier ces versements. Enfin, le cercle des ayants droit protégés par l’art. 45 LDA est plus large que celui des seuls membres de la recourante (c. 4.3.7). Il y a en l’espèce une faute qualifiée dans l’exercice du pouvoir d’appréciation, qui devait être sanctionnée par l’IPI dans le cadre de son contrôle de la légalité des actes de gestion (c. 4.3.9). [VS]

16 janvier 2019

HG.2018.48-HGK (d)

Droit d’auteur, gestion collective, « ProLitteris »; instance cantonale unique, compétence matérielle, procédure simplifié ; art. 5 al. 1 lit. a CPC, art. 5 al. 1 lit. c CPC, art. 6 al. 4 lit. a CPC, art. 243 CPC.

L’instauration d’une instance cantonale unique en propriété intellectuelle a pour but de concentrer les connaissances juridiques et spécialisées auprès d’un seul tribunal. La valeur litigieuse ne joue aucun rôle, sauf pour les litiges concernant la LCD selon l’art. 5 al. 1 lit. d CPC. Pour ceux-ci, la procédure simplifiée selon les art. 243 ss CPC est applicable lorsque la valeur litigieuse est inférieure à CHF 30'000.- (c. 3.1). Si le législateur avait voulu que la procédure simplifiée influence la compétence matérielle de l’instance cantonale unique, il aurait été inutile de prévoir une valeur litigieuse minimale pour les litiges relevant de la LCD (c. 3.2). Devant l’instance cantonale unique, la procédure simplifiée est inapplicable d’après l’art. 243 al. 3 CPC. Les litiges sont soumis à la procédure ordinaire, aussi pour une valeur litigieuse inférieure à CHF 30'000.-. La compétence matérielle de l’instance cantonale unique l’emporte ainsi sur la règle de procédure générale de l’art. 243 al. 1 CPC, aussi lorsque c’est le Tribunal de commerce qui fonctionne comme instance cantonale unique (c. 3.3). La jurisprudence du TF selon laquelle les règles sur le type de procédure l’emportent sur la compétence matérielle du tribunal de commerce n’est pas applicable (c. 3.4 et 3.5). [VS]

CPC (RS 272)

- Art. 243

- Art. 6

-- al. 4 lit. a

- Art. 5

-- al. 1 lit. c

-- al. 1 lit. a