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12 juin 2009

TAF, 12 juin 2009, B-2152/2008 (d)

sic! 5/2010, p. 348-352, « Tarif AS Radio (Swissperform) » ; medialex 3/2009, p. 176-177 (rés.) ; gestion collective, approbation des tarifs, autonomie des sociétés de gestion, obligation de collaborer, équité du tarif, division du tarif, tarifs séparés, Tarif A Radio, Tarif AS Radio, SWISSPERFORM, Internet, simulcasting, inopportunité, pouvoir de cognition, pouvoir d’appréciation, novae, unité de la procédure ; art. 49 lit. c PA, art. 35 LDA, art. 47 al. 1 LDA, art. 59 al. 1 LDA.

La procédure de recours devant le TAF contre les décisions de la CAF se distingue de l'ancienne procédure de recours devant le TF, en vigueur jusqu'à la fin de l'année 2006. Désormais, devant le TAF, le recourant peut invoquer l'inopportunité (art. 49 lit. c PA). Le pouvoir de cognition du TAF est ainsi entier et les vrais « novae » (« tatsächliche Noven ») sont admissibles (c. 2.1). À l'instar de la CAF, le TAF doit toutefois respecter une certaine autonomie des sociétés de gestion dans l'établissement des tarifs. Le TAF doit en outre faire preuve d'une certaine retenue dans l'examen des décisions de l'autorité spécialisée et indépendante que constitue la CAF (c. 2.2). Le TAF doit par ailleurs respecter le principe de l'unité de la procédure (c. 2.2 in limine). Dans la procédure d'approbation des tarifs, tant devant la CAF que devant le TAF, le degré de l'obligation de collaborer des sociétés de gestion et des associations représentatives des utilisateurs est plus élevé que dans une procédure administrative ordinaire, étant donné qu'elles négocient en principe les tarifs entre elles (c. 2.3). L'autonomie dont jouissent les sociétés de gestion dans l'établissement des tarifs n'empêche pas la CAF, dans l'examen de l'équité du tarif (art. 59 al. 1 LDA), de se pencher sur des questions formelles telles que la division du recouvrement des rémunérations en plusieurs tarifs (c. 3.1). Par analogie avec l'art. 47 al. 1 LDA et par mesure de simplification, il est dans l'intérêt des utilisateurs d'exiger que les formes d'utilisation connexes sur le plan économique fassent l'objet d'un même tarif et soient réglées selon les mêmes critères (c. 3.1). En l'espèce, sur la base des faits portés à la connaissance de la CAF par les parties à la procédure, il est soutenable de considérer qu'il n'y a pas de raison d'établir des tarifs séparés (pour les utilisations prévues par l'art. 35 LDA) — l'un pour la diffusion classique (Tarif A Radio) et l'autre pour la diffusion sur Internet (simulcasting notamment) (Tarif AS Radio). Vu l'obligation de collaborer des parties, SWISSPERFORM doit supporter les conséquences du fait que SRG SSR idée suisse n'a pas fourni des éléments qui auraient permis de justifier l'établissement de deux tarifs séparés (c. 3.3). La présente décision n'empêche pas SWISSPERFORM de soumettre les mêmes questions à la CAF dans une nouvelle procédure au cours de laquelle l'état de fait pourrait être complété par les parties (c. 3.3 in fine).

« Tarif commun 3a » ; tarif commun 3a complémentaire, tarifs des sociétés de gestion, équité du tarif, autonomie des sociétés de gestion ; art. 45, art. 47 LDA, art. 59, art. 60 LDA.

Les tarifs communs 3a et 3a complémentaire (réception d’émissions, musique de fond) sont des tarifs fondamentalement basés sur les coûts d’utilisation. Comme tels comptent les frais du matériel de réception, les autres frais concernant la réception d’émission (y compris les coûts d’installation dans le bâtiment), les frais d’électricité, les redevances selon la LRTV et les redevances de droits d’auteur et de droits voisins (c. 6.2). La CAF a considéré en 2007 qu’une majoration de 50% des redevances prévues par le tarif commun 3a en cas d’encaissement par SUISA (au lieu d’un encaissement par Billag SA, conjointement à l’encaissement des redevances selon LRTV) était équitable. Selon la jurisprudence, il appartient aux utilisateurs de prouver que tel n’est plus le cas, même si le tarif de 2007, prolongé depuis lors, reposait sur un accord (c. 6.3.1). Le cas normal d’un point de vue juridique est celui d’un encaissement des redevances tarifaires par une société de gestion, ce qui résulte en particulier de l’art. 47 al. 1 LDA. Un encaissement effectué par Telecom PTT, puis par Billag SA, permettait des économies de gestion qui étaient répercutées sur les utilisateurs. La révision de la LRTV n’autorise plus un encaissement des redevances selon la LDA conjointement à celles prévues par la LRTV. Ni les sociétés de gestion, ni les utilisateurs, ne sont responsables de cette situation. Mais les sociétés de gestion ne peuvent plus accorder des conditions de faveur aux utilisateurs (c. 6.3.2). Les redevances plus basses encaissées par Billag SA sont à considérer comme comportant un rabais (c. 6.3.3). Pour le contrôle de l’équité des redevances prévues par le nouveau tarif commun 3a, il faut comparer ces dernières à celles prévues par l’ancien tarif en cas d’encaissement par SUISA, pas à celles prévues en cas d’encaissement par Billag SA. On voit ainsi que les nouveaux taux sont inférieurs de 20% à 10% par rapport aux anciens (c. 6.3.4). Les sociétés de gestion ont suffisamment prouvé qu’un encaissement par SUISA en remplacement de Billag SA occasionnerait pour elles des surcoûts d’environ CHF 2 mios par année, ce qui justifie une augmentation des redevances de 7.67% (c. 6.4). Une baisse des coûts du matériel de sonorisation de 25% depuis 2008 paraît plausible. Mais ces coûts ne sont pas les seuls déterminants. Si l’on tient compte des autres frais, une baisse des redevances du TC 3a se justifierait à raison de 4.3775% à 11.19% dans le domaine audio, et à raison de 11.05% dans le domaine audiovisuel. L’étude de 2008 sur laquelle se sont basées les sociétés de gestion n’est certes plus actuelle sur certains points, notamment parce que plusieurs entreprises n’auront plus à payer de redevances selon la LRTV dans le futur. Mais une actualisation régulière des chiffres ne peut pas être exigée vu les coûts de telles études. Au surplus, le contrôle de la CAF consiste à pronostiquer l’équité future des redevances en se basant sur des données du passé. En résumé, les sociétés de gestion peuvent prétendre à une augmentation de la redevance de 7.67%, tandis que les associations d’utilisateurs ont droit à une baisse de 4.3775% à 11.19% dans le domaine audio et de 11.05% dans le domaine audiovisuel (c. 6.5). Le fait que les commerces suisses souffriraient du tourisme d’achat ou du commerce électronique n’est pas pertinent d’après l’art. 60 LDA. Cette disposition ne permet pas de prendre en compte la situation économique des utilisateurs et ces derniers sont libres de renoncer aux biens protégés par la LDA (c. 6.6). Le montant absolu des redevances perçues durant les dernières années n’est pas pertinent non plus (c. 6.6.1). L’attention que prêtent les clients des débiteurs de la redevance aux biens protégés par la LDA ne joue aucun rôle, car ce ne sont pas eux qui sont utilisateurs au sens de la LDA. La CAF a déjà reconnu depuis longtemps l’influence positive des actes couverts par le tarif commun 3a sur les recettes des utilisateurs (c. 6.6.2). Les sociétés de gestion ont démontré que les pourcentages maximaux de redevance prévus par l’art. 60 al. 2 LDA étaient respectés (c. 6.6.3). Le renchérissement négatif de 0.7% depuis 2008 justifie une baisse des redevances dans la même proportion (c. 6.6.4). En revanche, la force du franc suisse par rapport à l’euro ne joue pas de rôle car le tarif concerne des utilisations en Suisse (c. 6.6.5). La comparaison avec l’étranger, effectuée par les sociétés de gestion, ne permet pas de conclure que les redevances seraient inéquitablement hautes (c. 6.6.6). Comme la présente affaire concerne la suppression d’un rabais sur les redevances, ni les sociétés de gestion, ni les utilisateurs ne peuvent invoquer les principes de la jurisprudence sur l’augmentation abrupte des redevances (c. 6.6.7). La CAF reconnaît que le préposé à la surveillance des prix a effectué des calculs importants d’un point de vue économique. Mais, sous l’angle du droit d’auteur, la détermination des redevances basée sur les coûts n’est qu’une méthode subsidiaire. Les ayants droit peuvent prétendre dans tous les cas à une rémunération équitable d’après l’art. 60 al. 2 LDA. Une baisse des redevances doit donc être exclue. Même si la CAF a renoncé à un examen détaillé des documents des sociétés de gestion concernant la comparaison avec l’étranger, elle constate que les redevances pratiquées en Suisse se situent à un bas niveau par rapport au reste de l’Europe. Une baisse de celles-ci ne seraient pas justifiable vu les engagements internationaux de la Suisse. En effet, les ayants droit ont droit à une rémunération équitable d’après les art. 11bis al. 2 de la Convention de Berne et 15 al. 1 WPPT, et l’exploitation normale de leurs œuvres ne doit pas être affectée, pas plus que leurs intérêts légitimes, d’après le test des trois étapes prévu par les art. 8 et 10 du WCT. Les sociétés de gestion ont démontré qu’elles avaient examiné d’autres pistes qu’un encaissement par SUISA, pour remplacer Billag SA, et que la gestion des droits impliquait un minimum de services aux clients. En raison de leur autonomie tarifaire, on ne peut pas leur reprocher d’avoir choisi la solution d’un encaissement par SUISA (c. 6.7). Globalement, il existe des motifs de baisse des redevances tarifaires de 4.3775% à 11.19% dans le domaine audio, auxquels s’ajoutent encore 0.7% pour le renchérissement négatif. Dans le domaine audiovisuel, cela correspond à une baisse de 11. 75%. A l’inverse, il y a des motifs de hausse de 7.67% en raison de la disparition de l’encaissement par Billag SA. En tout, il en résulte donc une baisse maximale de 4.22% des taux tarifaires. Il s’agit seulement d’une valeur indicative, vu que les données statistiques sont anciennes et qu’il faut nécessairement faire des pronostics. Mais la baisse des redevances de 20% à 10% proposée par les sociétés de gestion est en tous les cas équitable. Il est également équitable que les petites entreprises profitent plus de cette baisse que les grandes. D’après les exemples fournis en procédure, les petites entreprises pourront supporter les redevances prévues (c. 6.8). Le rabais prévu par le tarif est aussi soumis au contrôle de l’équité, même s’il ne joue pas de rôle pour l’appréciation de l’équité des redevances elles-mêmes. Une disposition réservant le rabais aux utilisateurs qui s’annoncent spontanément a presque un caractère pénal et semble injuste. Les utilisateurs doivent pouvoir compter au moins sur un rappel (c. 7). La charge diachronique du tarif pour les utilisateurs est aussi soumise au contrôle de l’équité par la CAF (c. 8). Il n’apparaît pas équitable que le tarif commun 3a soit fondamentalement modifié dès avant l’entrée en vigueur du nouveau système de redevance selon la LRTV. La comparaison avec l’étranger ne peut pas le justifier, vu les difficultés d’une telle comparaison (c. 8.1). Une prolongation automatique du tarif doit être limitée dans le temps, en particulier parce que les effets du changement de système selon la LRTV sont incertains (c. 8.2). La décision de la CAF ne prendra effet qu’à l’échéance du délai de recours (c. 11). Des dépens de première instance ne sont pas prévus dans la procédure d’approbation tarifaire (c. 12.2). [VS]

29 mai 2008

TAF, 29 mai 2008, B-3113/2008 (d)

sic! 12/2008, p. 887-889, « Public-Viewing- Tarif » ; gestion collective, public viewing, Tarif commun 3c, recours obligatoire aux sociétés de gestion, tarif, force obligatoire, entrée en vigueur ; art. 10 al. 2 lit. c LDA, art. 22 al. 1 LDA, art. 59 al. 3 LDA, art. 74 al. 2 LDA ; cf. N 38 (arrêt similaire).

La question de savoir si le public viewing est ou non soumis à la gestion collective obligatoire au sens de l'art. 22 al. 1 LDA relève de la seule compétence du juge civil. Les décisions de la CAF et du TAF approuvant le tarif correspondant ne lient pas ce juge quant à la question de savoir quelles utilisations, au sens de l'art. 10 al. 2 lit. c LDA, sont obligatoirement sujettes à la gestion collective selon l'art. 22 al. 1 LDA. L'art. 59 al. 3 LDA — qui prévoit que, lorsqu'ils sont entrés en vigueur, les tarifs lient le juge — n'est pas applicable à cette question (c. 3).

29 mai 2008

TAF, 29 mai 2008, B-3116/2008 (d)

Gestion collective, public viewing, Tarif commun 3c, recours obligatoire aux sociétés de gestion, tarif, force obligatoire, entrée en vigueur ; art. 10 al. 2 lit. c LDA, art. 22 al. 1 LDA, art. 59 al. 3 LDA, art. 74 al. 2 LDA.

Cf. N 37 (arrêt similaire).

30 juin 2008

CAF, 30 juin 2008, Zusatztarif zum Tarif A Radio (SWISSPERFORM) (d)

sic! 39 9/2009, p. 597-604, « Ergänzung Sendetarif » ; gestion collective, Tarif A Radio, droit de reproduction, droit de mise à disposition, droit de diffusion, droits voisins, triple test, tarif ; art. 16 ch. 2 WPPT, art. 22c LDA, art. 24b LDA, art. 35 al. 1 LDA, art. 60 al. 2 LDA.

En édictant les art. 22c et 24b LDA, le législateur a respecté le triple test de l'art. 16 ch. 2 WPPT. Comme la mise à disposition constitue une utilisation distincte, le tarif de SWISSPERFORM n'épuise pas déjà la limite de 3 % pour les droits voisins. Le législateur n'ayant pas prévu de licence gratuite pour la reproduction de phonogrammes du commerce à des fins de diffusion, une indemnité supplémentaire à la rémunération de l'art. 35 al. 1 LDA est due aux ayants droit. Les reproductions à des fins de diffusion n'ont pas à être limitées dans le temps et peuvent subsister tant qu'un organisme de diffusion a l'intention de les utiliser plus tard pour ses émissions. Il en est tenu compte dans la fixation de l'indemnité dont un dépassement du taux maximal est exceptionnellement possible.

13 décembre 2017

TF, 13 décembre 2017, 2C_685/2016, 2C_806/2016 (d)

« Tarif commun 3a complémentaire » ; jonction de causes, motivation du recours, décision incidente, tarifs des sociétés de gestion, tarifs complémentaires, divertissement de fond ou d’ambiance, test des trois étapes, triple test, usage privé, équité du tarif, tarif contraignant pour les tribunaux, cognition de la CAF, pouvoir de cognition de la CAF, pouvoir de cognition du TAF, pouvoir de cognition du TF, effet rétroactif, effet suspensif; art. 11bis CB, art. 8 WCT, art. 6 WPPT, art. 8 Cst, art. 42 LTF, art. 71 LTF, art. 93 al. 3 LTF, art. 95 LTF, art. 97 LTF, art. 105 LTF, art. 106 LTF, art. 107 al. 2 LTF, art. 10 al. 2 lit. e LDA, art. 10 al. 2 lit. f LDA, art. 19 al. 1 lit. a LDA, art. 22 LDA, art. 46 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA, art. 83 al. 2 LDA, art. 24 PCF ; N 797 (CAF, 2 mars 2015)

Les recours concernent le même jugement, ils contiennent pour l’essentiel les mêmes conclusions et ils soulèvent des questions juridiques identiques. Il se justifie donc de joindre les procédures (c. 1.1). Contre une décision du TAF concernant l’approbation d’un tarif par la CAF, c’est le recours en matière de droit public qui est ouvert (c. 1.2). Le TF revoit l’interprétation du droit fédéral et des traités internationaux avec un plein pouvoir de cognition. Il base sa décision sur l’état de fait constaté par l’autorité inférieure, mais il peut le rectifier ou le compléter s’il apparaît manifestement inexact ou s’il a été établi en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (c. 1.3). Le TF applique le droit d’office et n’est pas lié par les arguments des parties ou par les considérants de la décision attaquée (c. 1.4). Les motifs du recours doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit. Cela implique que le recourant doit se pencher au moins brièvement sur ses considérants. En matière de violation des droits fondamentaux et de violation du droit cantonal ou intercantonal, il existe un devoir de motivation qualifié : le grief doit être invoqué et motivé précisément d’après l’art. 106 al. 2 LTF (c. 1.5). Les tarifs approuvés et entrés en force sont contraignants pour les tribunaux. Toutefois, un tarif ne peut pas prévoir de redevance pour une utilisation libre d’après la LDA. En cas de litige, il appartient au juge civil de décider de ce qui est couvert ou non par le droit d’auteur. L’approbation d’un tarif par la CAF ne peut pas créer des droits à rémunération qui ne découlent pas de la loi. A l’inverse, une redevance prévue par la loi ne peut pas être exercée s’il n’existe pas un tarif valable et approuvé. Les tarifs des sociétés de gestion sont donc soumis à un double contrôle complémentaire, d’une part par la CAF et d’autre part par les tribunaux civils (c. 2.2). Si une partie veut attaquer une décision incidente avec la décision finale, elle doit prendre une conclusion spéciale à cet effet, la motiver et expliquer en quoi la décision incidente influe sur la décision finale. Ces exigences sont implicitement respectées en l’espèce (c. 2.2). Lorsqu’un hôtel reçoit des programmes de radio et de télévision grâce à sa propre antenne et les diffuse dans les chambres, il y a un acte de retransmission au sens de l’art. 10 al. 2 lit. e LDA et non de « faire voir ou entendre » au sens de l’art. 10 al. 2 lit. f LDA, car il y a une nouvelle restitution à un cercle indéterminé de destinataires (c. 5.1). Il paraît douteux que l’exception de l’art. 22 al. 2 LDA puisse s’appliquer, vu le texte de la disposition («destinées à un petit nombre d’usagers ») et vu que le législateur voulait avant tout éviter la multiplication d’antennes sur le toit des maisons (c. 5.2.3). Il faut aussi prendre en compte le droit international, qui a évolué depuis 1993, en particulier le test des trois étapes prévu par la CB et les accords ADPIC, et les droits des art. 11bis CB, 8 WCT et 6 WPPT (c. 5.2.4). La CJUE a estimé, dans son arrêt du 7 décembre 2006 C-306/05, que les art. 11bis al. 1 chiffre 2 et 3 CB et 8 WCT s’opposaient à ce que la diffusion d’émissions dans des chambres d’hôtel soit libre sous l’angle du droit d’auteur. Cette décision n’est certes pas contraignante pour les tribunaux suisses, mais elle peut servir à l’interprétation de dispositions juridiques peu claires. Et le TF a déjà reconnu que l’idée d’une harmonisation avec le droit européen avait inspiré le droit d’auteur suisse (c. 5.2.5). Au vu de ce qui précède et des critiques de la doctrine, il faut admettre que la retransmission d’œuvres dans des chambres d’hôtel est une communication publique au sens de l’art. 11bis al. 1 CB, en partie au contraire de ce qui avait été retenu par l’ATF 119 II 51. L’art. 22 al. 2 LDA n’est donc pas applicable (c. 5.2.6). Un but lucratif est incompatible avec l’exception d’usage privé au sens de l’art. 19  al. 1 lit. a LDA. En cas de retransmission d’émissions dans des chambres d’hôtel, l’utilisation d’œuvres est réalisée par l’hôtelier et pas par le client de celui-ci. Cela résulte déjà du fait que les actes d’utilisation de l’art. 10 al. 2 lit. a à f se situent en amont de la jouissance de l’œuvre (c. 5.3.2). La « convergence des technologies » n’y change rien : l’obligation de payer des redevances dépend de l’ampleur de l’infrastructure mise à la disposition du client (c. 5.3.3). En cas de recours au TF, les griefs doivent porter sur les considérants de l’arrêt du TAF, pas sur ceux de la décision de la CAF (c. 6.1). L’industrie de l’électronique qui loue des appareils de réception n’est pas dans la même situation que l’hôtelier : il n’y a donc pas de violation de l’égalité de traitement si elle ne doit pas payer de redevance de droit d’auteur (c. 6.3). La redevance de réception selon la LRTV ne couvre pas les droits d’auteur et les droits voisins : elle profite à d’autres ayants droit et elle relève du droit public, alors que l’indemnité tarifaire relève du droit privé (c. 6.4). Les critères de l’art. 60 LDA sont contraignants pour la CAF et ils ne représentent pas seulement des lignes directrices pour l’exercice de son pouvoir d’appréciation. Ils sont des notions juridiques indéterminées, dont le TF revoit l’interprétation et l’application. Toutefois, ce dernier fait preuve d’une certaine retenue dans le contrôle des décisions prises par des autorités spécialisées, lorsque des aspects techniques particuliers sont en discussion. Cette retenue vaut aussi pour le TAF, malgré sa cognition illimitée selon l’art. 49 PA (c. 7.2.1). Comme la CAF est une autorité spécialisée, le TAF doit respecter son pouvoir d’appréciation dans l’application des critères de l’art. 60 LDA, ce qui revient finalement à ne sanctionner que les abus ou les excès (c. 7.2.2). En l’espèce le TAF s’est tenu à juste titre à ces exigences (c. 7.2.3). En ce qui concerne l’entrée en vigueur d’un tarif, il faut s’en tenir en principe à l’interdiction d’un effet rétroactif. Pour éviter d’autres retards, le TF peut renoncer à renvoyer l’affaire à la CAF et trancher lui-même la question de l’entrée en vigueur et de la durée de validité du tarif, en application de l’art. 107 al. 2 LTF (c. 8.3). La jurisprudence distingue entre la rétroactivité véritable et la rétroactivité impropre. Dans le premier cas, un acte applique le nouveau droit à un état de fait révolu au moment de son entrée en vigueur. Pour que cette rétroactivité proprement dite soit admissible, il faut qu’elle soit expressément prévue par la loi ou qu’elle en résulte clairement, qu'elle soit raisonnablement limitée dans le temps, qu'elle ne conduise pas à des inégalités choquantes, qu'elle réponde à un intérêt public digne de protection et, enfin, qu'elle respecte les droits acquis. En cas de rétroactivité improprement dite, la nouvelle règle s'applique à un état de fait durable, qui a débuté sous l’ancien droit mais qui n’est pas entièrement révolu au moment de l’entrée en vigueur du nouveau droit. La rétroactivité impropre est en principe admise si elle ne porte pas atteinte à des droits acquis. En ce qui concerne l’exigence de la limitation dans le temps, un effet rétroactif d’une année a déjà été admis. Cette exigence découle du principe de la proportionnalité, et avant tout de ce qui est raisonnable. Lorsque la rétroactivité favorise certaines personnes et en désavantage d’autres, comme en l’espèce, les conditions susmentionnées doivent être remplies (c. 8.4). Une entrée en vigueur rétroactive d’un tarif n’est pas exclue, mais elle doit être limitée dans le temps (c. 8.5.1). En l’espèce, la CAF a admis un effet rétroactif de deux ans et deux mois, ce qui est excessif. Les recourantes devaient certes s’attendre à l’introduction du tarif, mais on ne peut pas leur reprocher d’avoir retardé la procédure de manière inconvenante (c. 8.5.3). Une si longue rétroactivité poserait aussi des problèmes pratiques et soulèverait des questions d’égalité de traitement, par exemple lorsque des hôtels ont cessé leur activité ou ont changé de propriétaires (c. 8.5.4). La question de l’effet rétroactif doit cependant être distinguée de celle de la liquidation de l’effet suspensif ordonné suite aux recours (c. 8.6). En principe, l’effet suspensif ne doit pas favoriser matériellement la partie qui succombe au détriment de la partie qui l’emporte (c. 8.6.1). Lorsque le recours est rejeté ou qu’il est irrecevable, l’effet suspensif tombe et un examen du cas particulier conduit en général à admettre que la décision attaquée entre en vigueur avec effet au moment où elle a été rendue, pour ne pas favoriser indûment le recourant (c. 8.6.2). En l’espèce, l’effet suspensif n’avait été ordonné que partiellement et les redevances litigieuses sont perçues depuis le 8 juillet 2015. Il ne paraît pas justifié que le tarif entre en vigueur le 2 mars 2015, soit à la date de la décision de la CAF (c. 8.6.3). Pour les raisons pratiques et juridiques déjà évoquées en relation avec la rétroactivité, il se justifie que le tarif entre en vigueur au 8 juillet 2015. Cela permet aussi d’accorder un délai d’introduction aux recourantes, ce qui se justifie vu la longueur de la procédure qui ne leur est pas imputable (c. 8.6.4). [VS]

CB (RS 0.231.15)

- Art. 11bis

Cst. (RS 101)

- Art. 8

LDA (RS 231.1)

- Art. 83

-- al. 2

- Art. 59

- Art. 22

- Art. 60

- Art. 46

- Art. 19

-- al. 1 lit. a

- Art. 10

-- al. 2 lit. e

-- al. 2 lit. f

LTF (RS 173.110)

- Art. 71

- Art. 93

-- al. 3

- Art. 106

- Art. 107

-- al. 2

- Art. 42

- Art. 95

- Art. 105

- Art. 97

PCF (RS 273)

- Art. 24

WCT (RS 0.231.151)

- Art. 8

WPPT (RS 0.231.171.1)

- Art. 6

21 février 2018

TF, 21 février 2018, 4A_549/2017 (f)

« Gestion économique » ; instance cantonale unique, compétence matérielle, commission arbitrale fédérale, tribunal civil, recours en matière civile, recours en matière de droit public, tarifs des sociétés de gestion, tarif contraignant pour les tribunaux, gestion collective, gestion économique, société de gestion ; art. 42 al. 2 LTF, art. 74 al. 2 lit. b LTF, art. 75 al. 2 lit. a LTF, art. 45 al. 1 LDA, art. 46 LDA, art. 53 al. 1 LDA, art. 55 LDA, art. 59 al. 3 LDA, art. 74 al. 1 LDA.

Lorsque le droit fédéral prévoit une instance cantonale unique, le recours en matière civile est recevable quelle que soit la valeur litigieuse selon l’art. 74 al. 2 lit. b LTF ; de plus, le tribunal supérieur n’a pas à statuer sur recours d’après l’art. 75 al. 2 lit. a LTF (c. 1.2). En cas de recours en matière civile, le TF n’est pas lié par l’argumentation des parties et il apprécie librement la portée juridique des faits, mais il s’en tient d’ordinaire aux questions juridiques que la partie recourante a soulevées (c. 1.3). Une fois entrés en force, les tarifs d’une société de gestion lient le juge en vertu de l’art. 59 al. 3 LDA, si bien que les autorités civiles ne sont pas compétentes pour revoir la décision de la CAF sur le caractère équitable du tarif. Celle-ci peut faire l’objet d’un recours au TAF, puis d’un recours en matière de droit public au TF (c. 2.3.1). La gestion économique des sociétés selon l’art. 45 al. 1 LDA implique des tarifs forfaitaires et une répartition des redevances simplifiée. Elle contraint les sociétés à faire l’impossible pour comprimer les frais administratif. L’IPI veille au respect de cette obligation, qui ne peut pas non plus être contrôlée par le juge civil. Les décisions de l’IPI à ce sujet doivent faire l’objet d’un recours au TAF, puis d’un recours en matière de droit public au TF (c. 2.3.2). En revanche, le juge civil peut vérifier qu’un tarif approuvé ne contrevienne pas à des règles légales impératives, en particulier qu’il ne prévoit pas de redevances pour des activités non soumises à rémunération selon la loi. La décision est alors susceptible de recours en matière civile au TF (c. 2.3.3). En l’espèce, le recourant est débiteur d’une redevance en contrepartie de son exploitation d’une photocopieuse et d’un réseau informatique. Il ne supporte pas une participation aux frais de fonctionnement de la société de gestion. Cette participation et son calcul ne concernent que les membres de la société. En reprochant à cette dernière de ne pas administrer ses affaires selon les règles d’une gestion saine et économique, le recourant soulève une question relevant de la compétence exclusive de l’IPI, qui ne peut pas être examinée par l’autorité judiciaire civile (c. 2.4). [VS]

LDA (RS 231.1)

- Art. 55

- Art. 59

-- al. 3

- Art. 74

-- al. 1

- Art. 53

-- al. 1

- Art. 45

-- al. 1

- Art. 46

LTF (RS 173.110)

- Art. 75

-- al. 2 lit. a

- Art. 42

-- al. 2

- Art. 74

-- al. 2 lit. b

04 juin 2019

Cour suprême du canton de Berne, Tribunal de commerce, 4 juin 2019, HG 18 92 (d)

« Quote-part du produit de la redevance » ; instance cantonale unique, tarifs des sociétés de gestion, équité du tarif, tarif contraignant pour les tribunaux, quote-part du produit de la redevance ; art. 59 al. 3 LDA, art. 60 LDA, art. 5 al. 1 lit. a CPC, art. 59 CPC, art. 40 LRTV.

Les litiges contractuels qui portent sur l’inexécution ou la mauvaise exécution d’un contrat licence relatif à un bien immatériel relèvent de la compétence de l’instance cantonale unique au sens de l’art. 5 al. 1 lit. a CPC (c. 16.2). L’allégation qu’un tarif viole une norme légale impérative supérieure relève du fond et ne concerne pas une condition de recevabilité de l’action au sens de l’art. 59 CPC (c. 17). D’après l’art. 59 al. 3 LDA, le juge civil ne peut pas vérifier une nouvelle fois l’équité d’un tarif, mais il doit contrôler qu’un tel tarif ne prévoit aucun droit à rémunération contraire à la loi dans le cas particulier (c. 23.1 et 23.2). En l’espèce, il convient de vérifier si le tarif commun S est compatible avec la LDA, la LRTV et la LSu (c. 24). En ce qui concerne la LDA, le TF et la doctrine admettent que les subventions servant à couvrir les coûts ou un déficit sont des recettes au sens de l’art. 60 al. 1 lit. a LDA (c. 25.1 et 25.2). Selon le TF, il en va de même de la quote-part du produit de la redevance selon l’aLRTV et des autres aides financières de la Confédération dont bénéficient les diffuseurs privés (c. 25.3). Par un arrêt plus récent, le TF a aussi confirmé que les économies permises par le sponsoring privé et les subventions publiques étaient des recettes au sens de l’art. 60 al. 1 lit. a LDA, cela même lorsque l’événement est déficitaire (c. 25.4). Le tarif commun S est donc conforme à la LDA (c. 25.5). Selon l’art. 40 al. 3 LRTV, la LSu est applicable par analogie à la quote-part du produit de la redevance. En d’autres termes, celle-ci est considérée comme une subvention (c. 26.1). La LRTV ou la LSu n’interdisent ni à un diffuseur de radio d’utiliser les subventions pour payer les indemnités tarifaires selon la LDA, ni aux sociétés de gestion de prendre en compte les recettes provenant de la quote-part dans les bases de calcul de ces indemnités (c. 26.3 et 26.4). La LRTV ne règle que les relations entre l’Etat et les bénéficiaires des subventions, elle ne s’adresse pas aux sociétés de gestion. Au surplus, elle n’exige pas que les revenus de la quote-part soient utilisés seulement pour la réalisation des émissions prévues par le mandat de prestation (c. 26.5). Ils peuvent être employés pour tout le programme, y compris pour acquérir et diffuser de la musique protégées par la LDA, cela même dans des émissions non prévues par le mandat de prestation (c. 26.7). Le tarif commun S n’est donc pas non plus contraire à la LRTV, à la LSu ou à la concession de la défenderesse (c. 26.8). La motion Candinas 163849 avait pour but que les diffuseurs des régions périphériques et de montagne ne doivent plus payer d’indemnité de droit d’auteur sur les subventions qu’ils reçoivent, mais elle a été rejetée par le Parlement. Il n’y a aucune raison de changer la pratique actuelle : au contraire, le rejet de la motion Candinas montre que le législateur souhaite toujours considérer les revenus de la redevance de réception comme des recettes au sens de l’art. 60 al. 1 lit. a LDA (c. 27.2.1). Le Conseil fédéral, qui peut régler le montant de la quote-part par voie d’ordonnance, avait lui aussi recommandé le rejet de la motion Candinas pour ce qui concerne cette quote-part (c. 27.2.2). Il a motivé son point de vue en répondant à une question de la Conseillère nationale Viola Amherd du 17 février 2016 : selon lui, la quote-part est versée pour le financement de tout le programme, pas seulement pour la réalisation du mandat de prestation (c. 27.2.3). Enfin, la CAF considère que les revenus de la quote-part font partie des recettes brutes selon l’art. 60 al. 1 lit. a LDA (c. 27.3) et il n’y a aucune raison de penser que la révision du droit d’auteur changera la situation (c. 27.4). Il convient donc en l’espèce de s’en tenir à la jurisprudence actuelle (c. 27.5). [VS]

21 janvier 2020

HG AG, 21 janvier 2020, HOR.2019.9/ts/ts (d)

« Responsabilité de l’organe d’une association » ; responsabilité, violation des droits de propriété intellectuelle, dommage, preuve du dommage, faute, fixation du dommage, tarifs des sociétés de gestion, tarif contraignant pour les tribunaux, obligation d’informer les sociétés de gestion, estimation de la redevance ; art. 55 al. 3 CC, art. 41 CO, art. 10 LDA, art. 35 LDA, art. 51 al. 1 LDA, art. 59 al. 3 LDA, art. 62 al. 2 LDA.

 Les organes d’une personne morale sont personnellement responsables de leurs fautes d’après l’art. 55 al. 3 CC. Tel est le cas lorsque le comportement de l’organe remplit les conditions d’une norme de droit matériel concernant la responsabilité. La jurisprudence rendue sous l’aLDA a retenu que la responsabilité personnelle de l’organe était engagée vis-à-vis des tiers en cas d’exécution illicite de musique lors d’une manifestation associative (c. 4.2.2). Lorsqu’un droit de l’auteur selon l’art. 10 al. 1 LDA est violé, des dommages-intérêts peuvent être demandés selon l’art. 62 al. 2 LDA, en relation avec l’art. 41 CO. Comme l’établissement du dommage est fréquemment impossible, la jurisprudence du TF admet un calcul hypothétique du gain manqué selon la méthode de l’analogie avec la licence. Le dommage correspond alors à la redevance hypothétique qui aurait été convenue par des parties raisonnables à un contrat de licence. On peut se référer aux tarifs des sociétés de gestion. La méthode de l’analogie n’est toutefois admissible, selon le TF, que s’il s’avère qu’un contrat de licence aurait pu être conclu. D’après l’art. 35 LDA, les artistes interprètes ont une prétention en paiement lorsque des phonogrammes disponibles sur la marché sont utilisés, notamment à des fins de représentation. Il s’agit cependant d’un droit à rémunération légal, qui n’est pas soumis aux conditions de l’art. 41 CO (c. 5.2.1). D’après l’art. 51 al. 1 LDA et le tarif commun Hb, les organisateurs de manifestations récréatives avec de la musique doivent renseigner les sociétés de gestion. Les informations nécessaires sont à fournir dans les 30 jours, sinon les données peuvent être estimées par SUISA. En outre, le tarif commun Hb prévoit que la redevance peut être doublée lorsque la musique est utilisée sans autorisation ou lorsque l’utilisateur fournit des données fausses ou lacunaires afin de se procurer un avantage indû. Si l’utilisateur ne communique toujours pas les informations nécessaires, par écrit, dans les 30 jours suivant l’estimation, celle-ci est alors considérée comme reconnue (c. 5.2.2). Les tarifs des sociétés de gestion sont contraignants pour les tribunaux civils, sauf s’ils sont contraires à des dispositions légales impératives (c. 5.2.3). En l’espèce, des exécutions publiques de musique ont eu lieu sans que l’organisateur n’ait requis d’autorisation. Il y a donc une violation de l’art. 10 LDA et ainsi une illicéité par rapport au dommage causé. Le rapport de causalité entre les exécutions musicales et le dommage existe également. En ce qui concerne la faute, une personne raisonnable idéale qui organise chaque année une manifestation réunissant environ 1'000 personnes doit se préoccuper des exigences réglementaires. Une prolongation de l’heure normale de fermeture peut ainsi être nécessaire, de même qu’une patente ou un dispositif de sécurité. En effectuant de telles recherches, le défendeur aurait constaté l’obligation d’annoncer la manifestation à la demanderesse et de requérir une licence. Sa faute doit donc être reconnue (c. 5.3.1.2). Le défendeur a agi comme organe au sens de l’art. 55 al. 3 CC et a violé l’art. 10 LDA. Le dommage subi par la demanderesse est ainsi intervenu illicitement et l’exigence du rapport de causalité est remplie. En outre, le défendeur est en faute car il ne s’est pas suffisamment préoccupé des aspects réglementaires et n’a pas satisfait aux exigences de la demanderesse. Il répond ainsi personnellement et solidairement de la violation du droit d’auteur (c. 5.3.1.3). En revanche, l’art. 35 LDA prévoit une licence légale et n’est pas une norme qui justifierait une responsabilité solidaire et personnelle du défendeur en tant qu’organe. Seule l’association organisatrice est responsable du paiement de la redevance découlant du droit à rémunération (c. 5.3.2). Le dommage doit être calculé selon la méthode de l’analogie avec la licence. Il n’apparaît pas que le tarif commun Hb soit contraire à la loi. En particulier, le doublement de la redevance qu’il prévoit en l’absence d’autorisation a été admis par le TF, comme peine conventionnelle de droit privé. Puisque le défendeur, en tant qu’organe, a violé son devoir d’information vis-à-vis de la demanderesse, celle-ci était en droit de procéder à une estimation. Le tarif prescrit en outre un supplément de CHF 40.- lorsqu’aucune liste des morceaux exécutés n’est remise à la demanderesse. Mais seule la moitié de ce montant peut être ajoutée à la créance en réparation du dommage pour violation du droit d’auteur, l’autre moitié concernant la créance basée sur l’art. 35 LDA pour les droits voisins (c. 5.3.3). [VS]

29 novembre 2019

HG AG, 29 novembre 2019, HOR.2018.49/ts/ts (d)

« Tarifs communs 8 et 9 » ; tarifs des sociétés de gestion, tarif contraignant pour les tribunaux, obligation d’informer les sociétés de gestion, estimation de la redevance, fardeau de l’allégation, fardeau de la preuve ; art. 8 CC, art. 19 al. 1 lit. c LDA, art. 20 al. 2 LDA, art. 51 al. 1 LDA, art. 59 al. 3 LDA.

La notion d’entreprise utilisée à l’art. 19 al. 1 lit. c LDA doit être comprise largement. Elle concerne tout le monde du travail, qu’il soit public ou privé, des personnes indépendantes aux multinationales en passant par la fonction publique, les associations ou les organisations de défense d’intérêts (c. 3.2). La répartition du fardeau de l’allégation entre les parties suit celle du fardeau de la preuve selon l’art. 8 CC. Celui qui prétend à un droit ou à un rapport juridique doit donc alléguer les faits pertinents (c. 4.1). Pour la reproduction d’œuvres en entreprise au sens de l’art. 19 al. 1 lit. c LDA, une rémunération doit être payée selon l’art. 20 al. 2 LDA. D’après la jurisprudence du TF, celle-ci est due déjà de par la possibilité de reproduire des œuvres, c’est-à-dire de par la possession d’un photocopieur ou d’un réseau informatique interne. A l’inverse, celui qui ne dispose pas de tels appareils ne doit aucune redevance. L’art. 51 al. 1 LDA, de même que le chiffre 8.4 des tarifs communs 8 et 9, consacre un devoir d’information des utilisateurs vis-à-vis des sociétés de gestion. Le chiffre 8.2 de ces tarifs dispose que les informations doivent être fournies au moyen d’un formulaire à retourner dans les 30 jours. Si cela n’est pas fait même après un rappel écrit et un délai supplémentaire, ProLitteris peut estimer les données nécessaires et procéder à la facturation sur cette base. Si l’utilisateur ne communique toujours pas les informations nécessaires, par écrit, dans les 30 jours suivant l’estimation, celle-ci est alors considérée comme reconnue (c. 5.4.3). Les tarifs des sociétés de gestion sont normalement contraignants pour les tribunaux. Cela sert la sécurité juridique et évite qu’un tarif approuvé par la CAF, le cas échéant par le TF, soit remis en question dans une action en paiement contre un utilisateur récalcitrant. Le juge civil ne peut donc pas contrôler un tarif entré en force sous l’angle de son équité. Cependant, cela ne signifie pas que les sociétés de gestion pourraient se fonder sur un tarif approuvé pour faire valoir devant les tribunaux civils des droits à rémunération contraires à des dispositions légales impératives. Le droit tarifaire ne peut pas l’emporter sur le droit impératif découlant de la loi (c. 5.4.2). L’allégation implicite de la demanderesse selon laquelle la défenderesse disposerait d’un photocopieur et d’un réseau informatique interne a été contestée. Elle n’est ni motivée, ni prouvée, quand bien même la demanderesse supporte le fardeau de la preuve selon l’art. 8 CC. A défaut d’appareil de reproduction ou de réseau interne, la défenderesse ne doit pas de redevance. Comme elle ne tombe pas dans le champ d’application des art. 19 al. 1 lit. c et 20 al. 2 LDA, la reconnaissance de l’estimation, telle que prévue par le tarif, demeure sans effet. Le droit tarifaire ne peut pas l’emporter sur le droit impératif de la loi. Ainsi, la demanderesse ne peut faire valoir aucune prétention contre la défenderesse (c. 5.5). [VS]

29 novembre 2019

HG AG, 29 novembre 2019, HOR.2018.52/ts/ts (d)

« Tarifs communs 8 et 9 » ; tarifs des sociétés de gestion, tarif contraignant pour les tribunaux, obligation d’informer les sociétés de gestion, estimation de la redevance ; art. 8 CC, art. 19 al. 1 lit. c LDA, art. 20 al. 2 LDA, art. 51 al. 1 LDA, art. 59 al. 3 LDA.

La notion d’entreprise utilisée à l’art. 19 al. 1 lit. c LDA doit être comprise largement. La personnalité juridique ou un établissement stable ne sont pas nécessaires. Cette notion concerne tout le monde du travail, qu’il soit public ou privé, des personnes indépendantes aux multinationales en passant par la fonction publique, les associations ou les organisations de défense d’intérêts (c. 2.2). L’allégation implicite de la demanderesse selon laquelle la défenderesse disposerait d’un réseau informatique interne a été contestée. Elle n’est ni motivée, ni prouvée, quand bien même la demanderesse supporte le fardeau de la preuve selon l’art. 8 CC. A défaut d’un tel réseau, la défenderesse ne doit pas de redevance. Le droit tarifaire ne peut pas l’emporter sur le droit impératif de la loi (c. 3.3.5). [VS]

05 juin 2019

HG ZH, 5 juin 2019, HG180235-O U/dz (d)

« ProLitteris » ; tarifs des sociétés de gestion, tarif contraignant pour les tribunaux, obligation d’informer les sociétés de gestion, estimation de la redevance ; art. 45 al. 1 LDA, art. 51 al. 1 LDA, art. 59 al. 3 LDA.

D’après l’art. 51 LDA et le chiffre 8 du tarif commun 9, il existe une obligation d’informer les sociétés de gestion. Ce tarif prévoit en outre un devoir de déclarer par un formulaire le fait de ne pas disposer d’un réseau informatique interne soumis à redevance. D’après l’art. 59 al. 3 LDA, le juge civil est lié par cette disposition, qui s’explique par l’obligation des sociétés de gestion de gérer leurs affaires de manière économique, conformément à l’art. 45 LDA. L’application et l’interprétation d’un tarif approuvé restent toutefois l’affaire des tribunaux civils (c. 1.2). Si l’obligation d’informer n’est toujours pas respectée malgré un rappel et un délai supplémentaire, le tarif prévoit que la demanderesse peut estimer les données nécessaires et procéder à une facturation sur cette base. Celle-ci est considérée comme reconnue par l’utilisateur s’il ne fournit pas les données manquantes dans les 30 jours. Lors de la facturation, il est procédé de manière forfaitaire, sans tenir compte de l’utilisation individuelle dans le cas particulier (c. 1.3). La défenderesse a refusé de communiquer le nombre de ses employé-e-s. La demanderesse était donc en droit d’évaluer ce nombre et de facturer le supplément de CHF 100.- pour ses frais administratifs prévu par le tarif. La défenderesse avait connaissance de cette estimation et ne l’a pas contestée, si bien que l’évaluation, qui n’était pas arbitraire, doit être considérée comme reconnue (c. 2.3). L’objection selon laquelle aucun réseau informatique interne n’est utilisé n’a pas été formulée au moyen du formulaire prévu par le tarif, si bien qu’elle n’a pas à être prise en compte (c. 3.2). [VS]

26 mai 2020

HG ZH, 26 mai 2020, HG190241-O (anciennement: HG180235-O) (d)

« ProLitteris » ; arrêt de renvoi, force obligatoire, tarifs des sociétés de gestion, tarif contraignant pour les tribunaux, obligation d’informer les sociétés de gestion, estimation de la redevance, renvoi de l’affaire ; art. 45 al. 1 LDA, art. 51 al. 1 LDA, art. 59 al. 3 LDA.

En ce qui concerne les points annulés, le renvoi replace la procédure dans l’état où elle se trouvait avant que la décision attaquée ne soit rendue. L’autorité précédente, qui doit rendre une nouvelle décision, est liée par les considérants juridiques du TF dans sa décision de renvoi, dans la mesure où ils tranchent définitivement l’affaire. De même, elle est liée par les constatations de fait non contestées. Elle ne peut pas rejuger l’affaire sur la base d’un autre état de fait ou revoir des questions de droit tranchées par la décision de renvoi ou non contestées devant l’autorité de recours. La décision de renvoi détermine le cadre factuel et juridique de la nouvelle décision. En ce sens, l’autorité précédente est aussi liée par ses propres constatations non contestées devant le TF ou confirmées par lui. Le TF lui-même est lié par sa décision de renvoi. En l’espèce, l’affaire a été renvoyée à l’autorité précédente parce qu’elle ne pouvait pas juger avant d’avoir ordonné à la demanderesse de produire le formulaire de décembre 2013 renvoyé par la défenderesse (c. II. 1.1, voir TF, 11 décembre 2019, 4A_382/2019). De manière vraisemblable, la demanderesse a expliqué que ce formulaire avait été retourné à la défenderesse pour qu’elle le complète et qu’elle n’en avait pas gardé de copie. La défenderesse n’a donc pas prouvé qu’elle avait rempli ce formulaire, confirmant qu’elle ne disposait pas de réseau informatique interne. Elle est donc débitrice de la redevance (c. III. 2.4). [VS]

09 avril 2020

TAF, 9 avril 2020, A-816/2019 (d)

« Tarif commun 7 » ; accès aux documents officiels, commission arbitrale fédérale, tarifs des sociétés de gestion, cognition du TAF, tarif contraignant pour les tribunaux; art. 2 al. 1 lit. a LTrans, art. 3 al. 1 lit. a ch. 5 LTrans, art. 3 al. 1 lit. a ch. 6 LTrans, art. 6 al. 1 OLOGA, art. 7a al. 1 lit. a OLOGA, art. 8 al. 2 OLOGA, art. 46 LDA, art. 55 LDA, art. 58 LDA, art. 59 LDA, art. 1 ODAu, art. 2 al. 1 ODAu, art. 9 ODAu, art. 14 ODAu, art. 15 ODAu.

Ne sont pas concernées par la présente procédure les activités administratives de la CAF, par exemple relatives aux indemnités de ses membres ou à la charge de travail du secrétariat, pour lesquelles elle admet garantir un accès aux documents selon la LTrans (c. 5). Il faut en revanche déterminer si la procédure d’approbation des tarifs est exclue du champ d’application de cette loi d’après son art. 3 al. 1 lit. a (c. 5.2). Le texte de la disposition, qui représente le point de départ de toute interprétation, ne permet pas de dire si la procédure d’approbation tarifaire est exclue de ce champ d’application en tant que procédure administrative au sens du chiffre 5 ou d’arbitrage au sens du chiffre 6 (c. 5.3). D’un point de vue historique, les travaux parlementaires ne permettent pas non plus de trancher la question. Sur la base du Message, une partie de la doctrine considère que les procédures des commissions arbitrales de l’administration fédérale ne tombent pas sous le coup de la LTrans. Mais le Message ne distingue pas entre les commissions arbitrales et les tribunaux arbitraux proprement dits. Malgré sa désignation, la CAF n’est pas un tribunal arbitral, notamment parce qu’elle ne représente pas une alternative à la justice étatique. Les commissions arbitrales, selon leur composition, peuvent être des autorités administratives ou judiciaires, si bien qu’il ne faut pas les exclure globalement du champ d’application de la Trans. Au surplus, celle-ci a été adoptée avant la réforme de la justice de 2005, qui a largement remplacé les commissions arbitrales et de recours par le TAF, et qui a changé la position de la CAF dans le système juridique. Les explications du Message et l’interprétation historique ne sont donc pas déterminantes (c. 5.4). L’art. 3 al. 1 LTrans a pour but d’exclure l’application de la loi lorsque d’autres dispositions légales règlent l’accès aux documents officiels. En revanche, la LTrans s’applique aux procédures administratives de première instance – sauf en ce qui concerne la consultation du dossier au sens de l’art. 3 al. 1 lit. b – dès que la décision est entrée en force. Il faut donc se demander si la CAF est une autorité administrative décentralisée de première instance ou un organe judiciaire (c. 5.5). Le TF, à plusieurs reprises, a estimé que la CAF était une autorité judiciaire. C’était cependant avant la réforme de l’organisation judiciaire fédérale entrée en vigueur le 1er janvier 2007. Jusqu’à la fin 2006, les décisions de la CAF pouvaient faire l’objet d’un recours direct au TF, et la compétence de celui-ci était limitée à la violation du droit fédéral et à l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation. Il était en revanche en principe lié par l’état de fait, conformément à l’art. 105 al. 2 OJ. Cette situation a changé avec la réforme de la justice. Désormais, la CAF est une commission fédérale au sens de l’art. 33 LTAF. L’approbation des tarifs fait l’objet d’une décision au sens de l’art. 5 PA et peut être attaquée au TAF. Ce dernier dispose d’une pleine cognition et revoit aussi l’opportunité de la décision, bien qu’il fasse preuve en pratique d’une certaine réserve et qualifie la CAF dans ce contexte de « tribunal spécialisé indépendant ». Alors que les commissions arbitrales et de recours ont été pour la plupart abolies, la CAF a subsisté et a été placée au même niveau qu’un office fédéral ou qu’une commission extra-parlementaire. Ses décisions font l’objet d’un système de triple instance, puisque les arrêts du TAF peuvent encore faire l’objet d’un recours en matière de droit public au TF. Un tel système avec trois tribunaux représenterait une exception en droit administratif. Il faut donc réexaminer la qualification d’autorité judiciaire de la CAF, ce d’autant que la révision de la LDA en vigueur depuis le 1er avril 2020 a confirmé les trois instances actuelles (c. 5.5.2). Selon une interprétation systématique, la CAF est réglementée par les art. 55 ss LDA et 1 ss ODAu. Dans la LDA, les normes se trouvent au chapitre 5 du titre 4, sous l’intitulé « Surveillance des sociétés de gestion ». Cela va dans le sens d’une qualification d’autorité administrative de surveillance. Sous l’angle organisationnel, la CAF est une commission extraparlementaire rattachée au DFJP, énumérée à l’annexe 2 chiffre 2 de l’OLOGA pour ce qui concerne la rémunération de ses membres. D’après l’art. 2 al. 1 ODAu, les règles sur les commissions extraparlementaires s’appliquent aussi à la durée du mandat et à la démission des membres de la CAF, lesquels sont nommés lors du renouvellement d’ensemble des commissions extraparlementaires. Ces dernières sont soit consultatives, soit décisionnelles, et elles appartiennent à l’administration fédérale décentralisée d’après l’art. 7a al. 1 lit. a OLOGA. A ce titre, d’après l’art. 2 al. 1 lit. a LTrans, elles tombent dans le champ d’application personnel de cette loi. Il n’est cependant pas exclu que des commissions décisionnelles exerçant une activité judiciaire soient exclues du champ d’application matériel de ladite loi, d’après l’art. 3 LTans (c. 5.5.3). Du point de vue procédural, la CAF décide en chambre de cinq membres et après avoir entendu les parties oralement, de manière semblable à une autorité judiciaire. Selon l’art. 55 al. 3 LDA, elle ne prend en considération aucune instruction pour ses décisions, le DFJP n’exerçant qu’une surveillance administrative d’après l’art. 58 LDA. Mais une telle indépendance ne suffit pas pour la qualifier d’autorité judiciaire. Ainsi, la Commission de la concurrence, celle de la communication ou la surveillance des marchés financiers fonctionnent de manière indépendante, mais elles relèvent de l’administration fédérale décentralisée. La question essentielle est plutôt de savoir si le rôle principal de l’autorité est de régler des différends ou de fonctionner comme autorité de surveillance dans l’intérêt public (c. 5.5.4). La CAF exerce sa surveillance uniquement sur les tarifs, tandis que le contrôle de la gestion administrative et des autres obligations des sociétés de gestion est exercé par l’IPI. Elle n’agit pas d’elle-même mais vérifie seulement les tarifs qui lui sont présentés. Cela, de même qu’une application limitée de la maxime officielle, va plutôt dans le sens d’une autorité judiciaire (c. 5.5.5). Mais la procédure devant la CAF a pour objet l’approbation des tarifs et non de régler des différends entre l’administration et des particuliers. Historiquement, la CAF devait éviter que les sociétés de gestion n’abusent de leur position de monopole. Elle n’était donc pas un tribunal, mais une autorité administrative de contrôle des prix. Par la révision de la LDA de 1989, le contrôle des abus a été remplacé par un contrôle de l’équité des tarifs. Il a désormais pour but un équilibre objectif des intérêts entre ayants droit et utilisateurs, servant la sécurité juridique. Sous de nombreux aspects, la procédure n’a pas pour objectif la décision sur des questions litigieuses, mais plutôt l’approbation de tarifs négociés si possible de manière consensuelle. Elle est précédée de négociations entre les sociétés de gestion et les associations d’utilisateurs. Dans leur requête à la CAF, les sociétés doivent décrire le déroulement de ces négociations et la Présidente ou le Président vérifie qu’elles aient été menées avec la diligence nécessaire. Ces règles, parfois orientées vers la conciliation, ne correspondent pas à celles gouvernant l’activité d’un organe judiciaire, qui doit dire le droit. Au surplus, dans le cadre du contrôle de l’équité, la CAF doit respecter l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion et leur donner la possibilité de modifier les clauses tarifaires qui ne peuvent pas être approuvées, conformément à l’art. 15 ODAu. Si plusieurs solutions sont possibles, il n’appartient pas à la CAF d’imposer celle qui lui paraît préférable, contre l’avis des sociétés de gestion. La règle de l’art. 15 ODAu ne va pas dans le sens d’une activité judiciaire. Si le tarif est litigieux, la CAF a aussi la possibilité de le modifier elle-même, conformément à l’art. 59 al. 2 LDA, ce qu’elle fait fréquemment. Mais cela n’est pas le propre d’une autorité judiciaire : les autorités d’approbation peuvent aussi ne donner qu’une autorisation partielle ou assortie de conditions. Au surplus, la CAF ne tranche pas les prétentions litigieuses entre sociétés de gestion et utilisateurs : même si le juge civil ne peut pas revoir l’équité des tarifs d’après l’art. 59 al. 3 LDA, il doit veiller à ce qu’il n’en découle aucun droit à rémunération incompatible avec la loi. Les aspects de doit matériel ne sont examinés qu’à titre préjudiciel par la CAF. Enfin, la procédure devant la CAF n’a pas pour objet de trancher un litige entre l’administration et des particuliers, les sociétés de gestion étant des personnes morales de droit privé. La surveillance des tarifs est toutefois une activité étatique, si bien que la requête d’accès aux documents officiels ne concerne pas uniquement l’activité d’acteurs privés. Elle concerne la fonction de surveillance de la CAF en tant qu’autorité d’approbation, le contrôle étatique visant l’équité par un équilibre des intérêts si possible consensuel, et non l’application du droit dans des cas litigieux comme tribunal. Cela vaut en tout cas lorsque les parties sont d’accord sur le tarif, comme en l’espèce (c. 5.5.6). En revanche, la composition paritaire de la CAF ne va pas a priori à l’encontre d’une qualification d’instance judiciaire : sur les cinq membres qui prennent les décisions, trois sont indépendants. Et le Conseil des Etats a expressément relevé que la présence de représentants d’intérêts ne violait pas le droit à un juge indépendant. Cependant, le fait que le ou la président-e ait voix prépondérante en cas d’égalité, d’après l’art. 14 al. 3 ODAu, est atypique pour un tribunal et va dans le sens d’une autorité administrative (c. 5.5.7). On peut en dire de même de la désignation des membres de la CAF, qui a lieu par nomination du Conseil fédéral, et non par élection de l’Assemblée fédérale, cela en même temps que pour les membres des commissions extraparlementaires. Les critères de nomination fixés l’art. 1 al. 1 ODAu seraient d’ailleurs inhabituels pour une instance judiciaire (c. 5.5.8). Enfin, la publicité des débats de la CAF n’est pas assurée et ses décisions ne sont publiées que de manière limitée selon l’art. 5 al. 1 ODAu. Au regard de l’art. 30 al. 3 Cst, cela plaide également contre une qualification d’autorité judiciaire (c. 5.6). En résumé, la CAF a certes une position juridique différenciée. Mais elle doit être qualifiée d’autorité de surveillance, et est seulement partiellement comparable à une autorité judiciaire, cela sur des points accessoires. En ce qui concerne le champ d’application matériel de la LTrans, la procédure d’approbation des tarifs ne peut pas être considérée comme une procédure judiciaire. Il n’y a d’ailleurs pas de disposition légale spéciale concernant l’accès aux documents du dossier. Cette procédure n’est donc pas exclue du champ d’application de la LTrans d’après l’art. 3 al. 1 lit. a ch. 5 et 6 de cette loi. Elle en fait partie en tant que procédure administrative de première instance (c. 5.7). L’affaire doit donc être renvoyée à la CAF pour qu’elle examine en particulier si le droit d’accès doit être limité, différé ou refusé en application de l’art. 7 LTrans (c. 6). [VS]

LDA (RS 231.1)

- Art. 58

- Art. 55

- Art. 59

- Art. 46

LTrans (RS 152.3)

- Art. 3

-- al. 1 lit. a ch. 6

-- al. 1 lit. a ch. 5

- Art. 2

-- al. 1 lit. a

ODAu (RS 231.11)

- Art. 14

- Art. 2

-- al. 1

- Art. 1

- Art. 15

- Art. 9

OLOGA (RS 172.010.01)

- Art. 8

-- al. 2

- Art. 7a

-- al. 1 lit. a

- Art. 6

-- al. 1

11 décembre 2019

TF, 11 décembre 2019, 4A_382/2019 (d)

« ProLitteris » ; tarifs des sociétés de gestion, tarif contraignant pour les tribunaux, obligation d’informer les sociétés de gestion ; art. 45 al. 1 LDA, art. 46 LDA, art. 51 al. 1 LDA, art. 59 al. 3 LDA.

L’art. 59 al. 3 LDA sert la sécurité juridique. Il doit éviter que des tarifs approuvés par les autorités compétentes soient remis en cause par les tribunaux civils dans un procès en paiement contre un utilisateur récalcitrant. Ces tribunaux civils ne peuvent pas contrôler un tarif entré en force sous l’angle de son équité ; à ce sujet, ils sont liés par le résultat de la procédure d’approbation (c. 3.3.1). Les tarifs au sens de l’art. 46 al. 1 LDA ne contiennent pas seulement des clauses sur l’indemnité pour l’utilisation des droits, mais aussi régulièrement des dispositions sur le devoir d’informer à charge des utilisateurs et sur les modalités de la facturation. L’effet contraignant de l’art. 59 al. 3 LDA ne concerne pas seulement la structure et les clauses pécuniaires du tarif, mais aussi les dispositions qui règlent le devoir d’information. En effet, cette norme légale prévoit que les tarifs lient le juge, non pas certaines parties de ceux-ci. En revanche, les tribunaux civils peuvent et doivent contrôler qu’aucun droit à rémunération contraire à la loi ne découle des tarifs dans le cas particulier. En l’espèce, on ne voit pas en quoi le devoir d’informer la société de gestion au moyen d’un formulaire particulier serait incompatible avec des règles légales impératives. Il s’agit au contraire d’une concrétisation admissible de l’obligation prévue à l’art. 51 LDA. La gestion collective des droits concerne des utilisations massives pour lesquelles des redevances souvent modiques sont dues. L’envoi de formulaires déterminés à une adresse spéciale contribue à une gestion efficiente des droits. Si des communications sous n’importe quelle forme devaient être admises, les coûts d’administration pourraient compliquer le fonctionnement du système, ou même le remettre en question (c. 3.3.2). Toutefois, dans son argumentation, l’autorité de première instance paraît admettre qu’il existe deux formulaires, l’un pour attester ne pas posséder de photocopieur, l’autre pour certifier ne pas exploiter de réseau informatique. Au vu du dossier, cela est erroné pour les déclarations concernant l’année 2014. Il appartiendra à l’autorité de première instance de vérifier la forme et le contenu des déclarations pour l’année 2013. Pour cette raison, le recours est admis (c. 4.2). [VS]