Disposition

CO (RS 220)

     Art. 18

          al. 1

20 juillet 2007

TF, 20 juillet 2007, 4A_215/2007 (d)

Droits d’auteur, contrat, interprétation du contrat, principe de la confiance, arbitraire ; art. 18 al. 1 CO.

La clause (intitulée « Geistiges Eigentum ») du contrat (Reservations- und Entwicklungsvereinbarung) signé par les parties prévoit que, si le propriétaire de la parcelle fait usage du droit de résilier le contrat et que « liegt zu diesem Zeitpunkt bereits auch schon ein rechtskräftiger Gestaltungsplan vor », le propriétaire de la parcelle peut disposer de ce « Gestaltungsplan », mais doit verser à l'entreprise générale cocontractante une indemnité de 150 000 francs s'il confie à une autre entreprise la réalisation d'un projet conditionné par ce « Gestaltungsplan » (c. A). Lorsque la réelle et commune intention des parties (art. 18 al. 1 CO) ne peut pas être établie, il convient d'interpréter le contrat à l'aide du principe de la confiance (c. 2.1). Il résulte de l'interprétation de la clause contractuelle signée par les parties que l'indemnité est due même si la décision d'approbation du « Gestaltungsplan » — prise par la commune avant le jour où la résiliation du contrat a pris effet — n'est entrée en force que plus tard, à l'échéance du délai de recours contre la décision (c. 2.2). Il n'est pas arbitraire de ne pas faire de cette clause contractuelle une interprétation purement grammaticale selon laquelle la décision d'approbation du « Gestaltungsplan » devrait effectivement (formellement) être entrée en force, car le terme « rechtskräftig » est strictement juridique et n'est a priori pas courant dans le vocabulaire d'une entreprise générale (c. 2.2-2.3).

08 mai 2008

TF, 8 mai 2008, 4A_104/2008 (d)

sic! 10/2008, p. 713-717, « SBB-Uhren IV » ; droits d’auteur, contrat, CFF, transfert de droits d’auteur, principe de la confiance, théorie de la finalité, arbitraire ; art. 9 Cst., art. 95 LTF, art. 105 al. 2 LTF, art. 18 al. 1 CO, art. 9 al. 1 aLDA, art. 16 LDA ; cf. N 20 (arrêt du Handelsgericht AG dans cette affaire).

La constatation de la volonté effective de transférer des droits d'auteur relève du fait et le TF ne peut la revoir que si elle est manifestement inexacte ou arbitraire, ou si elle repose sur une violation des règles de droit selon l'art. 95 LTF. Il n'y a pas arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. du seul fait qu'une autre solution aurait également pu entrer en ligne de compte, ou même qu'elle aurait pu paraître préférable. Il n'est pas arbitraire de déduire un transfert de droits d'auteur du fait que leur titulaire originaire ne se considérait pas comme investi de ces droits et qu'il ne les a pas fait valoir à l'encontre de leur utilisateur dont il connaissait l'activité. Les règles relatives au transfert des droits d'auteur de la nouvelle LDA correspondent à celles de l'ancienne LDA. Les droits d'utilisation sont cessibles selon l'art. 9 al. 1 aLDA et leur transfert peut intervenir de manière informelle, le cas échéant tacitement ou par actes concluants. Ce qui est déterminant pour juger de l'existence d'un transfert des droits d'auteur, c'est la réelle et commune intention des parties selon l'art. 18 al. 1 CO. Lorsque celle-ci ne peut être établie, l'objet du contrat de transfert des droits d'auteur doit être déterminé en recourant au principe de la confiance, selon la théorie de la finalité. Le fait que le titulaire originaire de droits d'auteur n'ait pas eu conscience de ce qu'il en était investi n'empêche pas qu'il ait pu valablement transférer ces droits au sens de l'art. 16 LDA. Le transfert de droits d'auteur ne suppose en effet pas nécessairement la connaissance exacte de l'existence et de la portée des droits se rapportant à une œuvre. Il suffit que le cédant soit conscient, au moment du transfert, du fait que des droits pouvaient lui appartenir à titre originaire.

25 novembre 2010

TF, 25 novembre 2010, 4A_522/2010 (d)

medialex 1/2011, p. 57 (rés.), « Bob-Marley-Fotografie » ; droits d’auteur, contrat, contrat de travail, transfert de droits d’auteur, œuvre photographique, Bob Marley, interprétation du contrat, principe de la confiance, délai de recours, conclusion, motivation de la décision, décision prise par une autorité cantonale de dernière instance ; art. 42 al. 1 LTF, art. 75 al. 1 LTF, art. 100 al. 6 LTF, art. 107 al. 2 LTF, art. 8 CC, art. 18 al. 1 CO, § 281 ss ZPO/ZH ; cf. N 23 (arrêt de l’Obergericht ZH dans cette affaire).

Selon l'art. 100 al. 6 LTF, si la décision d'un tribunal cantonal supérieur peut être déférée à une autre autorité judiciaire cantonale (en l'espèce, le Kassationsgericht ZH) pour une partie seulement des griefs visés aux art. 95 à 98 LTF, le délai de recours commence à courir à compter de la notification de la décision de cette autorité (c. 1). La recevabilité du recours en matière civile (moyen réformatoire ; art. 107 al. 2 LTF) est déjà douteuse du fait que le recourant, sans prendre de conclusions (art. 42 al. 1 LTF) matérielles et justifier pourquoi le TF ne pourrait pas statuer lui-même, se limite à demander l'annulation de l'arrêt de l'Obergericht ZH et le renvoi à cette autorité (c. 2). Le recours contre une décision basée sur une motivation principale et une motivation subsidiaire (indépendantes l'une de l'autre) est irrecevable s'il ne s'en prend pas de manière suffisante à la motivation subsidiaire (c. 3). Au regard des griefs de la constatation arbitraire des faits, de la violation du droit d'être entendu et de l'application arbitraire de dispositions cantonales de procédure, l'arrêt attaqué, rendu par l'Obergericht ZH, n'est pas une décision prise par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 al. 1 LTF), car ces griefs pouvaient être examinés par le Kassationsgericht ZH dans le cadre d'un Nichtigkeitsbeschwerde (§ 281 ss ZPO/ZH) (c. 4.1). Dès lors, en lien avec l'état de fait, seul le grief de la violation de l'art. 8 CC peut être invoqué devant le TF contre l'arrêt attaqué, rendu par l'Obergericht ZH (c. 4.2). Ce n'est que lorsque la réelle et commune intention des parties (art. 18 al. 1 CO) ne peut pas être établie qu'il convient d'interpréter le contrat à l'aide du principe de la confiance; en l'espèce, une telle interprétation du contrat est superflue (c. 5). Le recours à l'art. 8 CC ne permet pas au recourant de contester qu'il a cédé à Y. AG l'ensemble de ses droits d'exploitation sur la photographie litigieuse en la remettant, sans réserve, aux archives de Y. AG (c. 6).

23 avril 2013

TF, 23 avril 2013, 4A_643/2012 (f)

sic! 10/2013, p. 605-608, « Reportages SSR » ; Société Suisse de Radio diffusion et Télévision, droits d’auteur, recours en matière civile, instance cantonale unique, transfert de droits d’auteur, méthode d’interprétation, théorie de la finalité, établissement des faits, arbitraire dans la constatation des faits, actes concluants, principe de la confiance ; art. 42 al. 1 LTF, art. 42 al. 2 LTF, art. 75 al. 2 lit. a LTF, art. 105 al. 1 LTF, art. 105 al. 2 LTF, art. 106 al. 1 LTF, art. 108 al. 1 lit. b LTF, art. 18 al. 1 CO, art. 16 al. 2 LDA, art. 5 al. 1 lit. a CPC, art. 405 al. 2 CPC.

Dès l'entrée en vigueur du CPC, le 1er janvier 2011, les voies de recours sont régies par le nouveau droit (art. 405 al. 1 CPC). L'art. 5 al. 1 lit. a in initio CPC prévoit que le droit cantonal institue une juridiction statuant en instance cantonale unique sur les litiges portant sur des droits de propriété intellectuelle. Le recours en matière civile au TF est donc ouvert en vertu de l'art. 75 al. 2 lit. a LTF, quand bien même le tribunal supérieur cantonal n'a pas statué sur recours (c. 1.1). Le TF applique d'office le droit dont il peut contrôler le respect (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est pas limité par les arguments soulevés dans le recours, ni par la motivation retenue par l'autorité précédente. Toutefois, compte tenu de l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 lit. b LTF), le TF n'examine en principe que les griefs invoqués : il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (c. 1.2). Le TF conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte — ce qui correspond à la notion d'arbitraire — ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF) (c. 1.3). En principe, tous les droits patrimoniaux qui découlent du droit d'auteur peuvent être transférés sans que le respect d'aucune exigence de forme ne soit nécessaire. Le transfert peut parfaitement être conclu tacitement, voire par actes concluants (c. 3.1). Pour déterminer l'étendue des droits cédés par l'auteur de l'œuvre à son partenaire contractuel, il faut appliquer les règles usuelles d'interprétation des contrats dégagées par la jurisprudence. Mais s'il n'est pas possible de déterminer la volonté réelle des parties, il convient, dans le domaine du transfert des droits d'auteur, d'appliquer des règles spéciales en complément du principe de la confiance. En particulier, si l'interprétation d'après la théorie de la confiance laisse subsister un doute sur la volonté normative des parties, il faut partir de l'idée que l'auteur n'a pas cédé plus de droits liés au droit d'auteur que ne le requiert le but poursuivi par le contrat, selon la théorie de la finalité (c. 3.1). Le juge doit donc recourir en premier lieu à l'interprétation subjective qui le contraint à rechercher la commune et réelle intention des parties, sans s'arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO). S'il y parvient, il s'agit d'une constatation de fait qui lie en principe le TF conformément à l'art. 105 LTF. Si la volonté réelle des parties n'a pas pu être déterminée ou si les volontés intimes de celles-ci divergent, le juge doit interpréter les déclarations et les comportements selon la théorie de la confiance, ce qui l'oblige à rechercher comment une déclaration ou une attitude pouvait être comprise de bonne foi en fonction de l'ensemble des circonstances. Le principe de la confiance permet d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même s'il ne correspond pas à sa volonté intime. L'application du principe de la confiance est une question de droit que le TF peut examiner librement (art. 106 al. 1 LTF). Cependant, pour trancher cette question, il doit se fonder sur le contenu de la manifestation de volonté et sur les circonstances dont la constatation relève du fait. Lorsque l'interprétation objective aboutit à une ambiguïté, il est possible de faire application de la théorie de la finalité. Conformément à celle-ci et à la teneur de l'art. 16 al. 2 LDA, en cas de doute, l'interprétation des contrats de droit d'auteur doit pencher en faveur de la personne protégée (in dubio pro auctore) (c. 3.1). Lorsque la volonté réelle des parties ne peut pas être arrêtée, mais que des reportages protégés par le droit d'auteur ont été remis par leur auteur à une institution dont le but est d'émettre des émissions de radio, il doit être admis, selon la théorie de la confiance, que tous ces reportages étaient destinés à être diffusés sur les ondes. La diffusion des reportages est ainsi intervenue avec l'autorisation, au moins tacite, de leur auteur, ce qui exclut toute exploitation illicite de ceux-ci. Du moment qu'en droit suisse des contrats d'auteur, la liberté contractuelle prévaut, les parties étaient libres de convenir, expressément ou tacitement, que les honoraires facturés par l'auteur pour chacun des reportages seraient la seule rémunération qui lui serait versée, en contrepartie du travail effectué et de l'autorisation d'exploiter l'œuvre (c. 3.2). [NT]

CO (RS 220)

- Art. 18

-- al. 1

CPC (RS 272)

- Art. 405

-- al. 2

- Art. 5

-- al. 1 lit. a

LDA (RS 231.1)

- Art. 16

-- al. 2

LTF (RS 173.110)

- Art. 108

-- al. 1 lit. b

- Art. 106

-- al. 1

- Art. 75

-- al. 2 lit. a

- Art. 42

-- al. 2

-- al. 1

- Art. 105

-- al. 1

-- al. 2

17 février 2015

TF, 17 février 2015, 4A_553/2014 (d)

sic! 6/2015, p. 396-391, « Von Roll Hydro / Von Roll Water » ; marque combinée, nom de domaine, raison de commerce, contrat de coexistence en matière de marque, interprétation du contrat, réelle et commune intention des parties, principe de la confiance, principe de la bonne foi, action en cession du nom de domaine, action en radiation de la marque, similarité des signes sur le plan sonore, similarité des signes sur le plan visuel, risque de confusion, contenu significatif, Von Roll Water Holding AG ; art. 42 al. 1 LTF, art. 42 al. 2 LTF, art. 74 al. 2 lit. b LTF, art. 75 al. 2 lit. a LTF, art. 90 LTF, art. 106 al. 1 LTF, art. 106 al. 2 LTF, art. 18 al. 1 CO, art. 951 al. 2 CO, art. 956 al. 2 CO, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 3 al. 3 LPM, art. 13 al. 1 LPM.

Selon l’art. 951 al. 2 CO, les raisons de commerce des sociétés anonymes, des sociétés à responsabilité limitée et des sociétés coopératives doivent se distinguer nettement de toute autre raison de commerce d’une société revêtant l’une de ces formes déjà inscrites en Suisse. En outre, selon l’art. 956 al. 2 CO, celui qui subit un dommage du fait d’une utilisation indue d’une raison de commerce peut agir en cessation de trouble et, en cas de faute, réclamer des dommages et intérêts. L’art. 13 al. 1 LPM confère au titulaire d’une marque le droit exclusif de l’utiliser pour distinguer les produits ou les services enregistrés et d’en disposer. Le titulaire d’une marque antérieure peut également faire valoir le motif relatif d’exclusion à l’enregistrement de l’art. 3 al. 1 lit. c LPM vis-à-vis du titulaire d’une marque postérieure à la sienne. Selon l’art. 3 al. 1 lit. c LPM, sont exclus de l’enregistrement les signes similaires à une marque antérieure destinés à des produits ou services identiques ou similaires lorsqu’il en résulte un risque de confusion. Le TF est amené à trancher la question de savoir si ces principes s’appliquent sans autre ou si la convention de coexistence passée entre les parties au moment du rachat d’une partie des actions de la recourante par l’intimée, ainsi que la transaction judiciaire intervenue par la suite en complément de cette convention, l’emportent sur les principes généralement applicables du droit des signes distinctifs concernant l’existence d’un risque de confusion. L’objet d’un contrat doit être déterminé par l’interprétation des manifestations de volonté des parties. Le but de l’interprétation du contrat est ainsi en premier lieu l’établissement de la réelle et commune intention des parties, selon l’art. 18 al. 1 CO. Si une concordance réelle des volontés n’est pas établie, il convient, pour déterminer la volonté hypothétique des parties, d’interpréter leurs déclarations selon le principe de la confiance en s’arrêtant à la manière dont elles pouvaient et devaient être comprises, tant du point de vue de leur teneur qu’en lien avec l’ensemble des circonstances. Il s’agit ainsi d’analyser le contenu des déclarations des parties qui ne doivent pas être examinées de manière isolée, mais en fonction de leur signification concrète. C’est le moment de la conclusion du contrat qui est déterminant, car une interprétation en fonction du comportement ultérieur des parties n’est pas significative. La question de l’interprétation objective des déclarations de volonté relève du droit et est examinée librement par le TF qui demeure cependant lié par les constatations cantonales précédentes portant sur les circonstances extérieures de fait, ainsi que sur la connaissance et la volonté des parties (c. 2.2.2). Comme l’autorité précédente n’a pas pu établir de volonté concordante des parties concernant l’utilisation de la raison sociale « Von Roll Water Holding AG » et de la marque « VON ROLLWATER » litigieuse, les conventions, soit le contrat de vente initial et l’arrangement judiciaire ultérieur, doivent être interprétées selon le principe de la confiance. Il en résulte que les sociétés membres du groupe Von Roll pourraient continuer d’utiliser la marque « VON ROLL » seule ou en lien avec des éléments se distinguant significativement des marques revenant aux sociétés du groupe dont les actions étaient reprises. Il est ainsi établi qu’en tout cas en ce qui concerne les signes dont l’utilisation a été autorisée à ces dernières et qui ont été reconnus conventionnellement comme leur étant propres, les champs de protection des signes des deux partenaires contractuels ont été délimités, en ce sens que les sociétés du groupe Von Roll s’interdisaient non seulement l’utilisation de signes identiques,mais aussi celle de signes similaires, de manière à ce qu’un risque de confusion puisse être exclu en vertu des éléments additionnels utilisés. Le risque de confusion ne doit ainsi pas être examiné sans autre selon les principes du droit des marques, puisque le contrat prévoit que chacune des parties peut continuer d’utiliser l’élément « Von Roll » de sorte qu’un risque de confusion ne peut résulter que de l’utilisation des éléments l’accompagnant. Il ne saurait toutefois en être déduit que l’examen du risque de confusion ne saurait au moins être orienté par les principes posés en droit des signes distinctifs. La conception de l’autorité précédente que l’exigence d’une différence significative entre les signes devrait se limiter à leurs aspects graphiques et sonores ne convainc pas. Une compréhension aussi étroite ne découle pas de l’interprétation objective du contrat qui implique bien plus que le contenu significatif des ajouts utilisés soit pris en compte (c. 2.2.3). La transaction judiciaire du 7 septembre 2006 complète le contrat de coexistence initial qui prévoyait l’utilisation des marques « VON ROLL INFRATEC », « VON ROLL HYDROTEC » et « VON ROLL CASTING » par les sociétés du groupe repris. Le contrat de base doit ainsi être compris selon le principe de la bonne foi que les sociétés du groupe Von Roll sont libres d’utiliser les marques, respectivement la raison de commerce « VON ROLL », avec toutes les formes d’ajouts possibles, dans la mesure où ceux-ci se différencient de manière significative des marques « VON ROLL INFRATEC », « VON ROLL HYDRO », « VON ROLL CASTING » et « VON ROLL ITEC ». Les signes distinctifs de l’intimée doivent ainsi en particulier conserver une distance suffisante par rapport à la marque « VON ROLL HYDRO ». Le fait que les sociétés du groupe repris soient expressément autorisées selon le contrat à protéger en outre les dénominations « hy », « rohr », « pipes », « tubi », « tubes », « tuyeaux », « valves », « valvole », « valvi » et « schieber » en lien avec le terme « vonRoll » comme élément de marque, ne permet pas de déduire, comme le soutient l’intimée, qu’elle-même serait en contrepartie sans autre habilitée à utiliser des traductions des termes attribués à l’autre partie. L’obligation pour les sociétés du groupe Von Roll de se distinguer suffisamment des signes « VON ROLL INFRATEC », « VONROLLHYDRO », «VONROLLCASTING » et « VONROLL ITEC » est indépendante du droit des sociétés du groupe repris d’enregistrer d’autres signes à titre de marques. En vertu de l’arrangement conventionnel intervenu, l’intimée ne peut ainsi utiliser la raison de commerce « Von RollWater Holding AG » et la marque « VON ROLL WATER » que dans la mesure où il n’en résulterait pas de risque de confusion avec le signe « VON ROLL HYDRO », respectivement avec les raisons de commerce inscrites de la recourante « vonRoll hydroservices AG » et « vonRoll hydro (suisse) AG » ou avec la marque enregistrée « VON ROLL HYDRO ». Il n’est pas déterminant à cet égard que ni le contrat initial, ni son complément judiciaire, n’aient expressément concédé l’utilisation du terme « Water » à la recourante (c. 2.2.4). Le recours est partiellement admis et la cause renvoyée à l’autorité cantonale pour l’examen de l’existence d’un éventuel risque de confusion entre les dénominations concernées, en particulier en raison du contenu significatif des désignations litigieuses. [NT]

07 janvier 2015

TF, 7 janvier 2015, 4A_442/2014 (f)

sic! 4/2015, p. 255-259, « Mécanisme de déclenchement » ; droit à la délivrance du brevet, for, internationalité, brevet, montre, titularité du brevet, domicile du défendeur, lieu du domicile du défendeur, contrat tacite, interprétation du contrat, transfert du droit à la délivrance du brevet, réelle et commune intention des parties, territorialité ; art. 105 al. 2 LTF, art. 1 al. 2 CO, art. 18 al. 1 CO, art. 332 al. 1 CO, art. 3 LBI, art. 5 al. 1 lit. a CPC, art. 14 al. 1 CPC, art. 2 LDIP, art. 109 al. 1 LDIP, art. 109 al. 2 LDIP, art. 110 al. 3 LDIP, art. 122 LDIP.

Lorsqu’une action tend seulement à faire contraindre le défendeur à accomplir des démarches juridiques destinées au transfert du brevet, le jugement le condamnant n’exerce qu’une influence médiate sur la titularité de ce bien immatériel et la contrainte ne résulte que de la menace d’une sanction pénale à infliger par les autorités suisses. Cette action n’est pas clairement exclue par l’art. 109 al. 1 LDIP. Elle n’est visée par aucune disposition spécifique de la loi, de sorte que les tribunaux suisses du lieu du domicile du défendeur sont compétents par l’effet de l’art. 2 LDIP (c. 2). Lorsque les deux parties ont leur siège ou domicile en Suisse et que le défendeur a fourni ses services dans ce pays, le droit suisse est applicable à leurs relations contractuelles conformément aux art. 110 al. 3 et 122 LDIP (c. 3). L’inventeur peut valablement transférer à une autre personne le droit d’introduire une demande de brevet, puis de devenir titulaire du brevet, avant même le dépôt d’une telle demande. Ce transfert n’est soumis à aucune condition de forme. Déjà avant l’achèvement de l’invention et la naissance du droit au brevet correspondant, l’inventeur peut convenir avec une autre personne que ce droit lui appartiendra d’emblée; c’est le régime ordinairement prévu par l’art. 332 al. 1 CO dans les relations entre travailleurs et employeurs. L’inventeur peut d’ailleurs aussi s’obliger valablement et par avance à exécuter, le moment venu, les actes éventuellement nécessaires à un transfert du droit au brevet (c. 4). En cas de litige sur la portée d’un accord intervenu entre l’inventeur et une autre personne revendiquant le droit au brevet, le juge doit au premier chef s’efforcer de déterminer conformément à l’art. 18 al. 1 CO leur réelle et commune intention, ce qui relève de la constatation des faits. Au stade des déductions à opérer sur la base d’indices, lesquelles relèvent elles aussi de la constatation des faits, le comportement que les cocontractants ont adopté dans l’exécution de leur accord peut éventuellement dénoter de quelle manière ils l’ont eux-mêmes compris et révéler ainsi leur réelle et commune intention (c. 4). Le comportement du défendeur, qui a personnellement concouru à ce que les droits de propriété intellectuelle afférents à la création au développement de laquelle il a collaboré soient acquis par la demanderesse – en souscrivant un acte de cession de ces droits, en répondant aux demandes d’instructions du mandataire de la demanderesse et en consentant ainsi de manière implicite au moins au fait que cette dernière dépose la demande de brevet correspondant à l’invention concernée – dénote avec certitude qu’il admettait, selon sa propre conception de la collaboration rémunérée par la demanderesse, que les droits de propriété intellectuelle se rapportant à la création à laquelle il avait collaboré, revenaient à cette dernière. Pour le TF, le défendeur a ainsi implicitement admis que le droit à la délivrance du brevet appartenait d’emblée à la demanderesse ou que, à défaut, en particulier pour les brevets américains, ils devaient lui être transférés avec son concours. Le TF procède d’office en application de l’art. 105 al. 2 LTF à cette constatation de fait qui pour lui s’impose (c. 5). L’acquisition de droits de propriété intellectuelle en contrepartie d’une rémunération peut faire l’objet d’un contrat tacitement, mais valablement conclu entre les parties, conformément à l’art. 1 al. 2 CO. Il importe peu que le lien entre la rémunération versée et l’invention considérée ne ressorte peut-être pas clairement du libellé des factures établies par le défendeur. Ce contrat englobe tous les brevets d’invention afférents au mécanisme concerné, y compris celui faisant l’objet du litige. Il autorise la demanderesse à exiger le transfert de ce brevet aussi, quelle que soit la qualification des relations contractuelles nouées entre les parties (c. 5). [NT]

CO (RS 220)

- Art. 1

-- al. 2

- Art. 332

-- al. 1

- Art. 18

-- al. 1

CPC (RS 272)

- Art. 14

-- al. 1

- Art. 5

-- al. 1 lit. a

LBI (RS 232.14)

- Art. 3

LDIP (RS 291)

- Art. 122

- Art. 2

- Art. 109

-- al. 1

-- al. 2

- Art. 110

-- al. 3

LTF (RS 173.110)

- Art. 105

-- al. 2

19 septembre 2017

TF, 19 septembre 2017, 4A_556/2016 (f)

Compétence matérielle, principe de la confiance, compétences concurrentes, compétences exclusives, instance cantonale unique, tribunal fédéral des brevets, objet du litige, concurrence déloyale, principe de la confiance, interprétation des conclusions et des allégués d’une demande ; art. 26 al. 1 LTFB, art. 26 al. 3 LTFB, art. 16 al. 4 LTFB, art. 18 al. 1 CO, art. 66 lit. a LBI, art. 1 LCD, art. 2 LCD, art. 5 LCD, art. 5 al. 1 lit. a CPC, art. 5 al. 1 lit. d CPC.

Le moment déterminant pour trancher la question de la compétence matérielle est celui où les conclusions des deux parties sont connues, l’importance du procès étant fixée à ce moment-là. Il importe ainsi de tenir compte des conclusions figurant dans le dernier mémoire échangé par les parties, et en l’espèce la Cour cantonale a, à juste titre, tenu compte, pour décider de la compétence matérielle, de la réplique de la demanderesse dans laquelle cette dernière avait retirée certaines des conclusions de sa demande (c. 2.1). Le système légal prévoit un régime de compétences exclusives et de compétences concurrentes entre le Tribunal cantonal statuant en instance cantonale unique et le Tribunal fédéral des brevets, en fonction de la nature de l’action introduite, et détermine laquelle de ces juridictions est compétente pour statuer sur des questions préjudicielles ou sur une reconvention en matière de brevet. Le Tribunal cantonal est impérativement et exclusivement compétent pour les litiges relevant de la loi sur la concurrence déloyale (LCD) lorsque la valeur litigieuse dépasse CHF. 30'000.- (art. 5 al. 1 lit. d CPC). Le Tribunal fédéral des brevets, qui est une juridiction fédérale spécialisée créé en 2012, est impérativement et exclusivement compétent notamment pour l’action en contrefaçon d’un brevet (art. 66 lit. a LBI et art. 26 al. 1 lit. a LTFB), plus précisément lorsque cette action touche à l’application du droit matériel des brevets. Lorsque le Tribunal cantonal saisi devrait statuer sur une question préjudicielle de droit des brevets ou sur une exception de nullité ou de contrefaçon d’un brevet, il doit suspendre sa procédure et fixer un délai aux parties pour intenter l’action en nullité ou en contrefaçon devant le Tribunal fédéral des brevets (art. 26 al. 3 LTFB). Il tiendra compte dans son jugement de la décision qui aura été rendue par la juridiction spécialisée. Lorsque le Tribunal cantonal saisi statue sur une demande reconventionnelle en nullité ou en contrefaçon d’un brevet, il doit transmettre les deux demandes au Tribunal fédéral des brevets (art. 26 al. 4 LTFB) (c. 3.1). Il faut donc distinguer entre l’action en concurrence déloyale et l’action en contrefaçon qui ont des objets distincts (c. 3.2). L’action en concurrence déloyale se fonde sur une ou plusieurs prétentions fondées exclusivement sur la LCD ; elle ne concerne pas l’exploitation contrefaisante d’un brevet par le défendeur. Elle vise un défendeur qui a un comportement propre à fausser la concurrence ou à nuire à son caractère loyal (cf. art. 1 et 2 LCD). Elle a pour but de protéger, par exemple, contre une confusion évitable quant à la provenance des produits, contre un risque de confusion, un comportement astucieux ou un rapprochement systématique. Concrètement, tel est le cas lorsque le demandeur reproche au défendeur de s’être approprié le travail qu’il a lui-même accompli (cf. art. 5 LCD) (c. 3.2.1). L’action en contrefaçon (ou en violation du brevet), qui se fonde sur une ou plusieurs prétentions fondées exclusivement sur la LBI, est une action du droit matériel des brevets. Elle tend à protéger le titulaire d’un brevet contre l’utilisation illicite (imitation ou contrefaçon) de son invention brevetée (art. 66 lit. a LBI) et donc contre une exploitation contrefaisante d’un brevet (c. 3.2.2). Pour déterminer quelle autorité est (exclusivement) compétente dans un cas concret, il faut examiner la nature de l’action qui a été introduite, ce qui présuppose de déterminer l’objet de la demande (ou du litige) (c. 4). L’objet du litige est déterminé par les conclusions du demandeur et par le complexe de faits (ou fondement du procès) sur lequel les conclusions se fondent. La cause juridique invoquée ne joue pas de rôle. L’argumentation juridique des parties n’est donc pas décisive. Déterminer le sens qu’il y a lieu d’attribuer aux conclusions et allégués du demandeur est affaire d’interprétation. Dès lors qu’il s’agit de manifestations de volonté faites dans le procès, qui sont adressées tant au Juge qu’à la partie adverse, elles doivent être interprétées objectivement, soit selon le sens que d’après les règles de la bonne foi les destinataires pouvaient et devaient raisonnablement leur prêter (principe de la confiance). Il faut donc rechercher le sens des déclarations de volonté unilatérales du demandeur telles qu’elles pouvaient être comprises de bonne foi en fonction de l’ensemble des circonstances. Un texte apparemment clair n’est pas forcément déterminant, l’interprétation purement littérale étant prohibée (art. 18 al. 1 CO). En effet, même si la teneur d’une déclaration paraît limpide à première vue, il peut résulter d’autres passages du mémoire de demande qu’elle n’en restitue pas exactement le sens. Il s’agit d’une question de droit que le Tribunal fédéral revoit librement (c. 4.1). Il est erroné de croire qu’une violation alléguée de la LCD ne pourrait être admise que s’il y avait contrefaçon et donc violation d’un brevet également. En effet, la LCD ne revêt pas un caractère subsidiaire par rapport aux diverses lois qui protègent la propriété intellectuelle, notamment par rapport au droit des brevets. En l’espèce, la demanderesse invoque des circonstances autres que celles relevant d’une exploitation contrefaisante, à savoir la violation du rapport de confidentialité résultant de la convention de confidentialité conclue entre les parties. Cette violation relève exclusivement de la concurrence déloyale (c. 4.5) et le recours est rejeté. [NT]

CO (RS 220)

- Art. 18

-- al. 1

CPC (RS 272)

- Art. 5

-- al. 1 lit. d

-- al. 1 lit. a

LBI (RS 232.14)

- Art. 66

-- lit. a

LCD (RS 241)

- Art. 2

- Art. 1

- Art. 5

LTFB (RS 173.41)

- Art. 16

-- al. 4

- Art. 26

-- al. 3

-- al. 1

09 janvier 2019

TF, 9 janvier 2019, 4A_584/2017, 4A_590/2017 (f)

Qualité pour agir, qualité pour défendre, intérêt pour agir, décision partielle, devoir d’interpellation du Tribunal, bonne foi, précision des conclusions, interprétation d’un contrat, réelle et commune intention des parties, action en cessation, action en paiement, action en interdiction, action en constatation de droit, concurrence déloyale, exploitation indue du résultat d’un travail confié, stipulation pour autrui ; art. 91 lit. a LTF, art. 18 al. 1 CO, art. 112 CO, art. 5 lit. a LCD, art. 9 al. 1 lit. a LCD, art. 9 al. 1 lit. b LCD, art. 9 al. 1 lit. c LCD, art. 9 al. 2 LCD, art. 9 al. 3 LCD, art. 52 CPC, art. 56 CPC, art. 125 lit. a CPC, art. 227 al. 1 CPC, art. 230 CPC.

Les actions en cessation de trouble et les actions en paiement prévues tant par les différentes lois de propriété intellectuelle que par la LCD se prêtent à des jugements indépendants et pourraient être intentées dans des procès distincts. Le jugement limité en application de l’art. 125 lit. a CPC aux actions en cessation de trouble est donc une décision partielle visée par l’art. 91 lit. a LTF, susceptible d’un recours indépendant selon cette disposition (c. 2 et réf.cit.). Le résultat d’un travail est confié à une personne aux termes de l’art. 5 al. 1 lit. a LCD lorsque cette personne entre en possession de ce résultat par l’effet d’un rapport contractuel, précontractuel ou quasi contractuel. Le résultat d’un travail est notamment confié lorsque l’accomplissement du travail a été lui-même confié dans le cadre d’un contrat, en particulier à un travailleur par son employeur, à un mandataire par son mandant ou à un entrepreneur par le maître de l’ouvrage (c. 4 et réf.cit.). L’art. 5 LCD n’a pas pour objet de créer ni de protéger des droits de propriété intellectuelle, mais d’interdire des comportements contraires à une concurrence loyale. L’art. 9 al. 1 lit. c LCD prévoit une action en constatation de droits, mais celle-ci est subsidiaire par rapport aux actions en interdiction accordées par l’art. 9 al. 1 lit. a et b LCD, et elle ne porte de toute manière pas sur la constatation de droits de propriété intellectuelle. En règle générale, les actions en constatation de droits doivent répondre à un intérêt important et digne de protection du plaideur qui les exerce et elles sont subsidiaires par rapport aux actions en condamnation. Celui qui a déjà obtenu que l’exploitation de son savoir-faire soit interdite à un tiers, n’a pas d’intérêt à agir en constatation ni non plus à ce que le Juge constate formellement des recherches de quelles entités les procédés constituant ce savoir-faire sont le résultat aux termes de l’art. 5 LCD (c. 6). Le succès de toute action en justice suppose que les parties demanderesse et défenderesse aient respectivement qualité pour agir et pour défendre au regard du droit applicable. Le défaut de la qualité pour agir ou pour défendre entraîne le rejet de l’action. Les actions en cessation de trouble prévues par l’art. 9 al. 1 et 2 LCD sont destinées à la protection d’intérêts économiques individuels. La qualité pour agir est réservée au concurrent qui est directement lésé par un comportement déloyal et qui a un intérêt immédiat au maintien ou à l’amélioration de sa propre situation sur le marché (c. 8.1). Tel n’est le cas que si celui qui se prévaut d’une violation de l’art. 5 LCD et agit en cessation de trouble sur la base des art. 9 al. 1 et 2 LCD peut démontrer que les résultats exploités de manière indue devaient lui revenir. Pour le déterminer, il convient d’interpréter le contrat à l’origine des résultats concernés en recherchant la réelle et commune intention des parties conformément à l’art. 18 al. 1 CO. Dans ce cadre, le comportement que les cocontractants ont adopté dans l’exécution de leur accord peut dénoter, le cas échéant, de quelle manière ils l’ont eux-mêmes compris, et révéler ainsi leur réelle et commune intention (c. 8.3 et réf.cit.). Il peut résulter d’une stipulation pour autrui implicite au sens de l’art. 112 CO que le résultat de travaux de recherche doive profiter à un tiers autre que les seules parties au contrat à l’origine de ces résultats. En pareil cas, ce tiers a le droit de se défendre contre une exploitation indue de ces résultats par des entreprises concurrentes, et a qualité pour agir sur la base des art. 9 al. 1 et 2 LCD (c. 8.4). Quiconque exerce une action judiciaire portant sur une obligation de s’abstenir doit décrire avec précision, dans ses conclusions, le comportement à interdire. Si l’adverse partie succombe, elle doit apprendre ce qu’elle ne peut désormais plus faire, et les autorités d’exécution ou de poursuite pénale doivent elles aussi savoir quels actes elles doivent respectivement empêcher ou réprimer. S’il est allégué devant ces autorités que la partie condamnée ne respecte pas l’interdiction prononcée, il importe que lesdites autorités puissent agir sur la base du jugement, sans qu’une appréciation juridique du comportement dénoncé ne soit encore nécessaire. Ces exigences de précision relative aux conclusions de la partie demanderesse s’appliquent aussi, par suite, au dispositif du jugement (c. 10.1 et réf.cit.). Des conclusions insuffisamment précises sont en principe irrecevables. La partie qui les présente est cependant autorisée à les préciser sans égard aux conditions d’une modification de la demande posée par l’art. 227 al. 1 CPC ou au stade des débats principaux par l’art. 230 CPC. En vertu du devoir d’interpellation que l’art. 56 CPC assigne au Juge instructeur, celui-ci doit inviter la partie concernée à préciser, s’il y a lieu, ses conclusions défectueuses. Les règles de la bonne foi, à respecter aussi dans le procès civil en vertu de l’art. 52 CPC, s’imposent également au Juge. Elles commandent que la partie dont les conclusions sont défectueuses au sens de ce qui précède reçoive une nouvelle possibilité de les préciser (c. 10.5 et réf.cit.). [NT]

26 octobre 2020

TF, 26 octobre 2020, 4A_129/2020 (d)

Action en constatation, action en constatation négative, intérêt digne de protection, action en exécution, action formatrice, opposition, marque verbale, marque combinée, marque figurative, interprétation du contrat, principe de la confiance, principe de la bonne foi, droit d’être entendu, arbitraire, Von Roll, recours rejeté ; art. 9 Cst., art. 29 al. 2 Cst., art. 18 al. 1 CO, art. 3 LPM, art. 14 LPM, art. 31 al.1 LPM, art. 33 LPM, art. 52 LPM, art. 59 al. 2 lit. a CPC, art. 88 CPC.

L’un des plus anciens groupes industriels de Suisse, le groupe Von Roll, s’est restructuré en 2003. Les contrats conclus au moment de la scission ont fait l’objet de plusieurs contentieux. L’un d’entre eux prévoyait notamment que la défenderesse avait le droit d’utiliser et/ou de faire protéger la dénomination sociale « vonRoll » avec les adjonctions « infratec », « hydro », « casting » et « itec », en tant que raison sociale et/ou en tant que marque. En 2017, la défenderesse a déposé quatre marques combinées contenant ces désignations. Après que la demanderesse ait fait opposition à ces enregistrements, la défenderesse a intenté avec succès devant le tribunal cantonal soleurois une action en constatation de droit contre elle. La demanderesse, qui recourt contre le jugement du tribunal cantonal, ne parvient pas à démontrer l’existence d’une violation de son droit d’être entendue au sens de l’art. 29 al. 2 Cst. ou de l’interdiction de l’arbitraire au sens de l’art. 9 Cst. par l’instance précédente (c. 2.2 – 2.4). Elle fait aussi valoir que l’instance inférieure aurait estimé à tort que la défenderesse avait un intérêt à la constatation et qu’elle aurait violé, en entrant en matière sur le recours, les art. 59 al. 2 lit. a et 88 CPC, ainsi que l’art. 52 LPM (c. 3). L’action en constatation de droit vise à faire constater l’existence ou l’inexistence d’un droit ou d’un rapport de droit. Le demandeur doit établir un intérêt digne de protection à la constatation immédiate. Cet intérêt n’est pas nécessairement de nature juridique, il peut s’agir d’un pur intérêt de fait. Cette condition est notamment remplie lorsque les relations juridiques entre les parties sont incertaines et que cette incertitude peut être levée par la constatation judiciaire. Toute incertitude n’est pas suffisante : il faut qu’on ne puisse plus attendre du demandeur qu’il en tolère le maintien, parce qu’elle l’entrave dans sa liberté de décision. Dans le cas d’une action en constatation négative, notamment, il faut également tenir compte des intérêts de la partie intimée, qui est contrainte d’entrer de manière prématurée dans une procédure. Cela enfreint la règle selon laquelle c’est en principe au créancier, et non au débiteur, de déterminer à quel moment il entend faire valoir son droit. Une procédure judiciaire précoce peut désavantager le créancier s’il est obligé de fournir des preuves avant qu’il ait la volonté et les moyens de le faire. En règle générale, l’intérêt à la constatation fait défaut lorsque le titulaire d’un droit dispose d’une action en exécution ou d’une action formatrice, immédiatement ouverte, qui lui permettrait d’obtenir directement le respect de son droit ou l’exécution de l’obligation. En ce sens, l’action en constatation de droit est subsidiaire par rapport à ces actions (c. 3.2). C’est à tort que la demanderesse nie l’intérêt à la constatation de la défenderesse, en faisant valoir que l’IPI peut examiner avec un plein pouvoir de cognition s’il existe un risque de confusion, et donc un motif d’exclusion, dans le cadre de la procédure d’opposition pendante en vertu des art. 31 al. 1 et 33 LPM. En réalité, sa cognition est strictement limitée, le conflit de signes devant être évalué tel qu’il ressort du registre. Par conséquent, dans une procédure d’opposition, l’intimé ne peut pas se défendre en faisant valoir que l’opposant ne tient pas compte des accords contractuels. La demanderesse ne peut pas non plus être suivie lorsque, dans le même contexte, elle estime qu’il est (matériellement) sans importance dans la présente procédure que la défenderesse soit habilitée à enregistrer les marques en cause sur la base de la relation contractuelle existant entre les parties. Si la demanderesse est contractuellement obligée de tolérer les enregistrements litigieux, elle ne peut pas invoquer son droit à la marque prioritaire pour les empêcher. Le titulaire de la marque ne peut faire valoir son droit exclusif à l'encontre de la partie contractante que si celle-ci viole le contrat (c. 3.3). L’argument de la demanderesse selon lequel, en vertu du principe de subsidiarité de l’action en constatation, la défenderesse aurait pu introduire une action en exécution pour mettre fin à la situation illicite ne peut pas non plus être suivi. Compte tenu des incertitudes découlant de la relation contractuelle spécifique entre les parties quant à l’admissibilité de l’usage respectif des signes, ainsi que des différents litiges juridiques survenus entre les parties ou entre les sociétés de leurs groupes, la défenderesse a un intérêt digne de protection à ce qu’il soit établi, au-delà de la procédure d’opposition en cours, que ses signes ne portent pas atteinte aux marques de la plaignante. L’incertitude existant dans la relation juridique entre les parties peut être levée par la décision judiciaire demandée, et on ne peut attendre de la défenderesse qu’elle tolère le maintien de cette incertitude (c. 3.4). La demanderesse reproche à l’instance précédente, en se basant sur l’art. 18 al.1 CO, une interprétation erronée des conventions passées entre les parties (c. 4). Compte tenu de la formulation et des circonstances concrètes de la conclusion des deux contrats en cause, la juridiction inférieure a considéré que les parties n’avaient pas eu l’intention, en utilisation la désignation « vonRoll » dans le second contrat, de restreindre l’orthographe de cet élément du signe. Ce faisant, elle a notamment tenu compte du comportement ultérieur de la demanderesse, qui a elle-même utilisé le signe verbal « vonRoll » dans cette orthographe. Le Tribunal fédéral est lié par ces constatations. Même si l’on n’admettait pas qu’il existait une concordance de volontés entre les parties, on ne pourrait reprocher à l’instance précédente de ne pas avoir tenu compte des principes d’interprétation pertinents du droit des contrats, conformément au principe de la confiance. Une partie ne peut en effet s’appuyer sur le fait que son cocontractant aurait dû comprendre une disposition contractuelle de bonne foi dans un certain sens que dans la mesure où elle a elle-même effectivement compris cette disposition de cette manière. Si la demanderesse n’a pas compris l’utilisation de l’orthographe « vonRoll » au moment de la conclusion du second contrat comme une restriction de l’utilisation autorisée du signe, elle ne peut attribuer, selon le principe de la bonne foi, un tel sens à cette disposition. En tout état de cause, compte tenu de la disposition contractuelle permettant expressément à la défenderesse d’enregistrer le signe « VON ROLL » avec certains ajouts en tant que « marque verbale et/ou figurative », la simple utilisation d’une orthographe différente dans la deuxième convention, qui ne sert en outre qu’à « confirmer, préciser et compléter » la première, ne saurait être comprise, même d’un point de vue objectif, comme une restriction de la forme d’usage autorisée sans autre indication particulière. Selon le principe de la bonne foi, il ne pouvait être déduit du simple fait de l'orthographe spécifique utilisée qu'une représentation graphique des éléments du mot, telle qu'elle était utilisée dans les marques déposées par la défenderesse, n'était pas contractuellement autorisée (c. 4.3.2). Compte tenu des accords passés entre les parties, la demanderesse ne peut pas s’opposer aux enregistrements effectués en se fondant, sur la base de l’art. 3 LPM, sur ses propres marques prioritaires « VON ROLL » et « VON ROLL ENERGY ». Elle ne dispose d’aucun droit de priorité fondé sur le droit des marques sur le logo déposé par la défenderesse, puisqu’elle admet elle-même que sa marque « VON ROLL » (fig.), incorporant ce logo, a été radiée, et que les marques opposantes sont des marques purement verbales. En conséquence, c’est à raison que l’instance précédente a considéré que, compte tenu des accords conclus entre les parties, les marques déposées par la défenderesse ne violent pas les marques verbales "VON ROLL" et "VON ROLL ENERGY" détenues par la requérante, et que celles-ci ne font pas obstacle à leur enregistrement (c. 4.4). Le recours est rejeté (c. 5). [SR]