IV Droit des brevets d'invention

Procédure

Mesures provisionnelles

12 mai 2014

TFB, 12 mai 2014, S2013_004 (d) (mes. prov.)

Mesures provisionnelles, urgence, principe de la proportionnalité, violation d’un brevet, action en cessation, médicament générique, maladie digestive, vraisemblance, Tribunal fédéral des brevets, juge suppléant de formation technique, préjudice difficilement réparable, produits pharmaceutiques, Office européen des brevets ; art. 183 al. 3 CPC, art. 261 al. 1 CPC, art. 292 CP ; cf. N 930 (TFB, 12 mai 2014, S2013_003) et N 940 (TF, 15 décembre 2014, 4A_362/2014).

Selon l’art. 261 al. 1 CPC, le tribunal ordonne l'octroi de mesures provisionnelles lorsque le demandeur rend vraisemblable qu’une prétention dont il est titulaire réunit les deux conditions suivantes : cette prétention est l’objet d’une atteinte ou risque de l’être ; cette atteinte peut causer au demandeur un préjudice difficilement réparable. Le tribunal ajoute à ces critères les conditions d’urgence et de proportionnalité de la mesure requise (c. 4.1). En l’espèce, le demandeur, une société pharmaceutique, soutient que le défendeur doit cesser de mettre en circulation des médicaments génériques, utilisés pour traiter certaines maladies digestives, car ils violeraient le brevet européen, protégé en Suisse, dont il est le titulaire (c. 3.2). Ce brevet, dans un premier temps révoqué par la division d’opposition de l’OEB, a ensuite été reconnu valable par une des Chambres de recours de cet office, l’affaire étant pendante devant la Grande Chambre de recours de l’OEB à la date du présent arrêt (c. 3.3 et 4.2). Suite à la décision rendue par la Chambre de recours de l’OEB, le défendeur prétend avoir cessé de distribuer les médicaments litigieux et avoir modifié la composition de ses médicaments. L’analyse des médicaments modifiés, réalisée par le demandeur pour démontrer la violation de son brevet, est contestée par le défendeur. Selon le tribunal, des doutes existent quant à l’arrêt de la distribution des médicaments litigieux, car le défendeur continue de contester toute violation du brevet dont le demandeur est titulaire (c. 4.3). Le tribunal, qui se fonde sur l’expertise du juge suppléant de formation technique (art. 183 al. 3 CPC), considère que le brevet du demandeur est valable (c. 4.4) et qu’il s’agit d’un cas de violation du brevet, le défendeur n’ayant pas rendu vraisemblable la nullité du brevet (c. 4.6). Le tribunal constate l’existence d’un préjudice difficilement réparable, l’urgence (c. 4.7 et 4.8) et ordonne l'octroi de mesures provisionnelles. Le tribunal interdit au défendeur, jusqu’à l’expiration de la période de protection du brevet dont le demandeur est titulaire, d’importer lui-même ou de faire importer par des tiers les médicaments litigieux, de les stocker, de les vendre ou de les faire distribuer sur le marché suisse. Le tribunal ordonne également le rappel des médicaments litigieux. [CB]

11 juillet 2014

TFB, 11 juillet 2014, S2013_011 (d) (mes. prov.)

sic! 1/2015, p. 54-57, « Muffenautomat II » ; mesures provisionnelles, mesures superprovisionnelles, compétence internationale, convention internationale, droit international, brevet européen, violation d’un brevet, fait dommageable, exécution de jugement à l’étranger, description à des fins de renseignement, preuve à futur, procédure contradictoire, droit d’être entendu ; art. 5 ch. 3 CL, art. 31 CL, art. 26 al. 1 lit. b LTFB, art. 77 LBI, art. 158 al. 1 lit.b CPC; cf. N 755 (vol. 2012-2013 ; TFB, 14 juin 2012, S2012_007) et N 928 (TFB, 30 août 2013, S2013_008 ; sic! 3/2014, p. 160-162, « Muffenautomat »).

Le demandeur A est une personne physique de nationalité autrichienne, détentrice d’un brevet européen pour la Suisse concernant un procédé de fabrication de formes plastiques façonnées à l’état chaud. Il soupçonne C Gmbh, une société en commandite de droit autrichien, de violer son brevet en Suisse par l’intermédiaire de sa société commanditaire I AG dont le siège et l’activité se situent en Suisse. À ouvre action devant le TFB contre C Gmbh et requiert le prononcé de mesures superprovisionnelles et provisionnelles imposant à I AG une inspection de ses locaux au cours de laquelle il devra être procédé à une description de machines. Parallèlement, A requiert que les données mesurées au cours de l’inspection soient recueillies comme preuves à futur au sens de l’art. 158 CPC. Au cours de la procédure, I AG accepte amiablement que A procède à une inspection de ses locaux, à la suite de quoi A estime que les machines de I AG ont été partiellement démontées en vue de l’inspection. Les deux parties au litige étant autrichiennes, le TFB examine d’office sa compétence internationale. Si le fait dommageable au sens de l’art. 5 ch. 3 CL (actes délictuels) risque de se produire en Suisse, les tribunaux suisses sont potentiellement compétents pour statuer sur le fond (c. 11-14). Des règles particulières s’appliquent toutefois lorsqu’un tribunal suisse est saisi en vue de prononcer d’uniques mesures provisionnelles (conservation des preuves par description ou preuve à futur) susceptibles d’être exécutées ultérieurement dans un État contractant de la CL. Selon la jurisprudence de la CJUE applicable pour l’interprétation de la CL ainsi que la jurisprudence du Tribunal fédéral, des mesures (super-)provisionnelles appelées à être exécutées dans un État contractant doivent impérativement faire l’objet d’une procédure contradictoire entre les parties. Reconnaître l’inverse permettrait en effet de priver la partie intimée de son droit d’être entendue dans l’État où la mesure doit être exécutée (c. 18). En l’espèce, des mesures superprovisionnelles ne peuvent pas être prononcées puisque le droit suisse ne prévoit pas de procédure contradictoire pour ce type de procédure. L’examen du litige est par conséquent limité à l’éventuel prononcé de mesures provisionnelles, soit en l’espèce à l’administration ou non d’une preuve à futur (c. 15-19). Dans la mesure où A a pu visiter les locaux de I AG et y prendre des mesures, aucune mise en danger des preuves n’a en l’espèce été suffisamment rendue vraisemblable. Les conditions nécessaires à l’administration d’une preuve à futur ne sont par conséquent pas remplies. La demande est rejetée. [FE]

06 octobre 2014

TFB, 6 octobre 2014, S2014_006 (d) (mes. prov.)

sic! 3/2015, p. 177-181 « Kaltmilchschäumer » ; mesures provisionnelles, action en interdiction, intérêt digne de protection, risque de récidive, urgence, conclusions précises, photographie, usage antérieur, conditions de la protection du brevet, nouveauté en droit des brevets, vraisemblance, témoin, allégation des parties, sûretés, procédé de fabrication, mousse de lait, machine à café ; art. 59 al. 2 lit. a CPC, art. 261 al. 1 CPC, art. 264 CPC.

Le litige porte sur un procédé de fabrication automatique de mousse de lait « Milchschaum » froide (c. 1.3). Les demanderesses requièrent des mesures d’interdiction de fabrication, d’offre, de promotion, de vente ou de mise sur le marché des machines à café de la défenderesse (c. 2.1). Elles sont en effet susceptibles d’être équipées d’un système de fabrication de mousse de lait qui viole leurs brevets suisse et européen (c. 2.2). La défenderesse fait valoir la nullité du droit conféré par les brevets en raison de l’absence de nouveauté (c. 2.8). En l’espèce, une récidive est à craindre, car la défenderesse n’a pas contesté que son produit constitue une violation de brevet. Elle conteste la validité du brevet et n’a fait aucune déclaration d’abstention inconditionnelle. Elle a également continué à produire et distribuer le produit jusqu’à épuisement de son stock, cinq mois après avoir reçu un avertissement de la demanderesse. On peut considérer dans un tel cas qu’un risque de violation existe et que l’intérêt digne de protection pour une action en interdiction « Unterlassungsbegehren » est donné (art. 59 al. 2 lit. a CPC) (c. 5.2). Le tribunal ordonne les mesures provisionnelles nécessaires lorsque le requérant rend vraisemblable qu’une prétention dont il est titulaire est l’objet d’une atteinte ou risque de l’être et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (art. 261 al. 1 CPC). La condition de l’urgence est en l’espèce remplie, la requête de mesures provisionnelles ayant été déposée peu après qu’une décision sur opposition confirmant la validité du brevet fut rendue par l’OEB (c. 13). La formulation d’une requête de mesures provisionnelles doit être précise. Une photo peut suffire à concrétiser la forme et les dimensions d’un objet et est donc formellement admissible (c. 7.2 et 7.3). Le manque de nouveauté découlant d’un usage antérieur ne peut être pris en considération sur la base d’une simple déclaration non substantifiée par des documents supplémentaires tels que des photos ou des dessins techniques lorsque les faits remontent à plus de dix ans et que l’allégation se fonde sur la seule mémoire de celui qui la formule. Même dans le cas de mesures provisionnelles, les critères relatifs à l’usage antérieur doivent être appliqués strictement, en particulier lorsqu’il s’agit de déterminer si ce sont effectivement les mêmes spécificités techniques qui ont été rendues accessibles au public (c. 10.2). Dans la mesure où la défenderesse argumente que les machines incriminées ne sont plus commercialisées, des mesures provisionnelles d’interdiction ne sont pas susceptibles de lui causer un dommage (art. 264 CPC) (c. 14). [CH]

28 octobre 2014

TFB, 28 octobre 2014, S2014_008 (d)

sic! 6/2015, p. 398-399, « Kombinationstherapie », mesures provisionnelles, mesures superprovisionnelles, for, droit international privé, action en cession d’une demande de brevet, action d’état, compétence matérielle, tribunal fédéral des brevets, droit applicable, préjudice difficilement réparable, transfert d’une demande de brevet, vraisemblance, entrave à l’exécution, restriction au droit de disposer ; art. 26 LTFB, art. 29 LBI, art. 105 al. 1 lit. d OBI, art. 236 al. 3 CPC, art. 261 al. 1 CPC, art. 262 lit. a CPC, art. 262 lit. c CPC, art. 265 al. 1 CPC, art. 343 al. 1 lit. b CPC, art. 1 LDIP, art. 10 LDIP, art. 109 al. 1 LDIP, art. 110 al. 1 LDIP ; cf. N 935 (TFB, 4 février 2015, S2014_008).

Les deux parties ayant leur siège aux États-Unis, les tribunaux suisses compétents pour prononcer des mesures provisoires sont les tribunaux ou les autorités suisses compétents au fond ou ceux du lieu d’exécution de la mesure au sens de l’art. 10 LDIP (c. 2.1). L’action au fond est une demande en cession selon l’art. 29 LBI de deux demandes de brevet suisses. Elle a été introduite devant le TFB le 25 septembre 2014. Les mesures provisoires requises visent à faire interdire tout acte de disposition éventuel des demandes de brevet en question et à faire porter la mention de la restriction du droit de disposer au registre des brevets. L’action en cession de l’art. 29 LBI est, aux côtés des actions portant sur la validité et l’inscription de droits de propriété intellectuelle, une action d’état au sens de l’art. 109 al. 1 LDIP qui se rapporte à l’existence du droit de propriété intellectuelle ou à son titulaire. En outre, la mesure doit être exécutée en Suisse puisque les autorités suisses qui tiennent le registre, soit l’IPI, sont requises d’y porter l’annotation d’une restriction du droit de disposer des demandes de brevet. La compétence du TFB à raison du lieu et à raison de la matière découle à la fois des art. 1, 10 et 109 al. 1 LDIP, ainsi que de l’art. 26 LTFB (c. 2.2). Le droit suisse est applicable selon l’art. 110 al. 1 LDIP (c. 2.3). Le TFB suit l’argumentaire de la demanderesse selon lequel un dommage difficilement réparable résulterait du fait que la défenderesse, en transférant les deux demandes de brevet à un tiers, rendrait plus difficile, si ce n’est absolument impossible, la mise en œuvre de l’action en cession. En cédant les demandes de brevet à un tiers, la défenderesse perdrait sa légitimité passive et l’introduction d’une nouvelle action en cession contre l’acquéreur des demandes de brevet s’imposerait, ce qui retarderait de manière importante la procédure et entraînerait une augmentation des coûts. Le TFB retient que l’octroi des mesures requises qu’il soit fait interdiction à la défenderesse de céder le droit à la délivrance des deux demandes de brevet litigieuses ou de leur apporter des modifications, est de nature à supprimer le risque d’entrave à l’exécution, en particulier en lien avec l’ordre supplémentaire donné à l’autorité qui tient le registre d’y porter cette restriction du droit de disposer. Le risque d’entrave à l’exécution ne peut être supprimé que par l’octroi de mesures provisionnelles immédiates sans audition préalable de la défenderesse, au sens de l’art. 265 al. 1 CPC. Pour le TFB, les mesures superprovisionnelles requises sont proportionnées et ne sont pas de nature à porter préjudice à la défenderesse si cette dernière ne peut pas momentanément transférer ou modifier les demandes de brevet déposées. La requête de mesures superprovisionnelles est ainsi admise et il est donné l’ordre à l’IPI, en vertu des art. 262 lit. c CPC et 105 al. 1 lit. d OBI de porter au registre les restrictions correspondantes au droit de disposer des demandes de brevet concernées (c. 4.2). Le TFB assortit, au titre de mesure d’exécution, l’interdiction de disposer des demandes de brevet, respectivement de les modifier, de la menace d’une amende d’ordre de CHF 5 000.- au sens de l’art. 236 al. 3 CPC en lien avec l’art. 343 al. 1 lit. b CPC. [NT]

04 février 2015

TFB, 4 février 2015, S2014_008 (d)

Mesures provisionnelles, for, droit international privé, action en cession d’une demande de brevet, action d’état, compétence matérielle, tribunal fédéral des brevets, droit applicable, droit de réplique inconditionnel, formalisme excessif préjudice difficilement réparable, transfert d’une demande de brevet, vraisemblance, restriction au droit de disposer ; art. 26 LTFB, art. 29 LBI, art. 105 al. 1 lit. d OBI, art. 236 al. 3 CPC, art. 261 al. 1 CPC, art. 262 lit. a CPC, art. 262 lit. c CPC, art. 265 al. 1 CPC, art. 343 al. 1 lit. b CPC, art. 1 LDIP, art. 10 LDIP, art. 109 al. 1 LDIP, art. 110 al. 1 LDIP ; cf. N 934 (TFB, 28 octobre 2014, S2014_008 ; sic! 6/2015, p. 398-399, « Kombinationstherapie »).

L’arrêt du TFB du 4 février 2015 rendu dans la même cause que celui du TFB du 28 octobre 2014 porte sur des mesures provisoires, alors que le précédent visait à l’obtention de mesures superprovisionnelles. Il est renvoyé au résumé de l’arrêt du 28 octobre 2014 (cf. N 934 c. 2.1-c. 2.3) pour les considérants se rapportant au for, au droit applicable, ainsi qu’à la compétence matérielle du TFB qui sont identiques. Le TFB admet que lorsque les allégués d’une requête de mesures provisoires seraient identiques à ceux de l’action au fond dont les mesures provisoires visent à garantir l’exécution et qui a été déposée simultanément, il serait contraire au principe de l’interdiction du formalisme excessif d’exiger que ces allégués soient reproduits dans la demande de mesures provisoires et de refuser un renvoi à ceux de la demande principale (c. 11). Le droit de réplique inconditionnel vaut aussi dans les procédures de mesures provisionnelles. Il n’est toutefois tenu compte dans ce cadre que des prises de position de la demanderesse suscitées par les allégations de la défenderesse. Les explications de la défenderesse qui iraient au-delà ne sont pas prises en considération (c. 11). [NT]

11 février 2015

TFB, 11 février 2015, S2014_001 (d) (mes. prov.)

sic! 9/2015, p. 522-525, « Dibenzothiazepinderivat » ; mesures provisionnelles, compétence internationale, droit international privé, compétence matérielle, for, internationalité, langue de la procédure, anglais, vraisemblance, nullité d’un brevet, revendication, interprétation de la revendication, non-évidence, décision étrangère, médicament ; art. 2 ch. 1 CL, art. 60 ch. 1 lit. a CL, art. 26 al. 1 lit. b LTFB, art. 36 al. 3 LTFB, art. 343 al. 1 lit. b CPC ; cf. N 923 (TFB, 7 octobre 2015, O2013_006).

Lorsque la demanderesse a son siège à l’étranger (en l’espèce en Suède) et la défenderesse en Suisse, l’état de fait est international; la compétence à raison du lieu s’établit ainsi sur la base de la convention de Lugano (art. 1 al. 2 LDIP en relation avec les articles 1ss CL). Le Tribunal fédéral des brevets (TFB) est compétent à raison de la matière et du lieu sur la base des art. 2 ch. 1 CL en relation avec l’art. 60 ch. 1 lit. a CL de même que l’art. 26 al. 1 lit. b LTFB (c. 2.1.). L’anglais peut être utilisé avec l’accord du Tribunal, même si la langue de procédure est une des langues nationales (en l’espèce l’allemand, cf. art. 36 al. 3 LTFB) (c. 2.2.). Selon les articles 261 al. 1 CPC et 77 LBI, le tribunal peut ordonner les mesures provisionnelles nécessaires si la partie qui les requiert rend vraisemblable qu’une prétention dont elle est titulaire est l’objet d’une atteinte ou risque de l’être (lit. a) et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (lit. b). Une allégation est rendue vraisemblable même lorsque le juge n’est pas totalement convaincu de sa véracité, mais la considère comme en bonne partie véridique ; certains doutes peuvent demeurer. Il suffit également à la partie adverse de rendre ses objections vraisemblables. Ceci vaut également pour l’objection de la nullité d’un droit de propriété intellectuelle. Si le défendeur rend une telle nullité vraisemblable, l’atteinte au droit du titulaire ne l’est pas. Enfin, un certain degré d’urgence doit également exister et la mesure à ordonner doit être proportionnée (c. 4.1.). L’objection de la nullité d’un brevet est vraisemblable du seul fait que ce dernier a été déclaré nul dans cinq pays européens (c. 4.2.). Les revendications ne s’adressent pas à des profanes, mais à des spécialistes, qui lisent les textes techniques dans leurs domaines de manière à leur donner un sens. Les revendications du brevet doivent ainsi être lues de manière à ce qu’en ressorte le sens habituel des termes utilisés dans un domaine particulier, à moins qu’un terme nécessite une définition particulière (c. 5.5). L’activité inventive s’évalue selon l’approche problème-solution, qui comporte trois étapes : (1) la détermination de l'état de la technique le plus proche; (2) l’établissement du problème technique objectif à résoudre, et (3) l’examen de la question de savoir si l'invention revendiquée, en partant de l'état de la technique le plus proche et du problème technique objectif, aurait été évidente pour l'homme du métier. En général, l’examen de ces questions auquel il a été procédé dans des procédures ordinaires d’autres juridictions européennes peut être pris en considération par le TFB. Dans le cas d’espèce, les procédures sommaires d’autres juridictions européennes relatives au brevet litigieux ne peuvent pas être prises en compte, car la validité du brevet n’y a fait l’objet d’aucun examen (c. 5.6 à 5.9). Le droit d’obtenir une décision motivée ne signifie pas que le tribunal doive se prononcer expressément sur chaque allégation de fait et chaque objection de droit. Il suffit – mais il est également nécessaire – que le tribunal se prononce sur les éléments qui lui paraissent déterminants (c. 7). [DK]

05 avril 2018

TFB, 5 avril 2018, S2018_002 (d) (mes. prov.)

sic! 10/2018, p. 565-566, « Valsartan / Amlodipin II » ; mesures provisionnelles, mesures superprovisionnelles, procédure ordinaire parallèle, urgence, droit d’être entendu ; art. 77 al. 1 lit. a LBI, art. 261 al. 1 CPC, art. 265 al. 1 CPC.

Pour obtenir une mesure superprovisionnelle, il faut, en sus de remplir les conditions requises pour les mesures provisionnelles, que le requérant se trouve dans une situation dans laquelle il lui est impossible d’attendre que la partie adverse ait été entendue. S’agissant d’une restriction sévère au droit fondamental d’être entendu, une telle mesure doit demeurer l’exception. Elle peut entrer en considération lorsqu’un effet de surprise est nécessaire ; lorsqu’un risque de récidive ou d’intensification de la violation se présente ; ou en en cas d’urgence temporelle particulière. Ce n’est que dans ce dernier cas que le tribunal examine si la demande n’a pas manifestement été déposée trop tard (c.5.). Un des critères est le temps généralement accordé par le juge à l’autre partie pour formuler ses observations. Si la partie requérante attend beaucoup plus longtemps, en l’espèce plus de deux mois après l’avis spécialisé (c. 7), il est difficile de conclure à une urgence particulière au sens de l’art. 265 CPC et la requête doit donc être rejetée (c. 5). Une situation ne devient par ailleurs pas particulièrement urgente du simple fait que la partie adverse n’est pas disponible pour avancer la tenue d’une audience dans une procédure parallèle en nullité de brevet ou qu’elle dépose des requêtes procédurales supplémentaires propres à prolonger la procédure (c.7). [CS-DK]

08 février 2019

TFB, 8 février 2019, S2018_006 (d) (mes. prov)

Mesures provisionnelles, homme de métier, activité inventive, imitation, équivalence, urgence, approche « problème-solution », doctrine des équivalents; art. 69 (1) CBE 2000, Protocole interprétatif de l'art. 69 de la convention de brevet européen, art. 66 lit. a LBI.

Dans une procédure en contrefaçon, le demandeur est déchu de son droit aux mesures provisionnelles, si approximativement quatorze mois se sont écoulés depuis la date à laquelle il aurait pu introduire une demande en procédure ordinaire. Attendu que la durée moyenne d’une procédure ordinaire est de vingt-quatre mois et celle pour des mesures provisionnelles de huit à dix mois, dans la situation précitée, cette demande de mesures provisionnelles présente une « urgence relative » qui la rend donc caduque (c. 13). Les connaissances et les compétences de l’homme de métier doivent être déterminées en deux étapes. La première vise à définir le domaine d’expertise de l’invention à évaluer, la seconde à évaluer le niveau et l’étendue des connaissances et des compétences de l’homme de métier (c. 18). Ainsi, l’homme de métier constitué d’une équipe composée d’un micromécanicien spécialisé en horlogerie mécanique et d’un physicien spécialisé dans les techniques de microfabrication n’a pas de connaissances particulières en horlogerie électronique (c. 20). L’approche en trois phases problème-solution de l’OEB est systématiquement appliquée pour l’évaluation de l’activité inventive. La première phase détermine l’état de la technique le plus proche, la deuxième établit le problème technique objectif à résoudre, et la troisième examine si l’invention revendiquée, en partant de l’état de la technique le plus proche et du problème technique objectif, aurait été évidente pour l’homme du métier (c. 23). Le problème technique objectif doit être formulé de manière à être exempt de solutions techniques qui tendraient à imposer une approche rétrospective (c. 27). L’article 66 lit. a LBI 2e phrase stipule que l’imitation d’une invention brevetée, soit son utilisation par des moyens équivalents, constitue également une utilisation illicite. Les réponses à trois questions permettent de déterminer si une infraction par des moyens équivalents est réalisée : 1. La caractéristique modifiée, conjointement avec les autres caractéristiques techniques de la revendication, remplit-elle objectivement la même fonction que la caractéristique revendiquée ? 2. L’équivalence de la fonction est-elle, sur une base objective, évidente pour un homme du métier, compte tenu de l’enseignement du brevet, lorsque les caractéristiques sont échangées ? 3. La personne du métier conclut-elle, à la lecture objective du fascicule du brevet, que le titulaire du brevet a formulé la revendication - pour quelque raison que ce soit - de manière si restrictive qu’il renonce à la protection des équivalents ? Si les deux premières réponses obtiennent une réponse affirmative et la troisième une négative, alors l’infraction est consommée. Une renonciation à la protection des équivalents peut être présumée, si dans la description du brevet au moins deux modes de réalisation sont présentés pour obtenir les effets de l’invention, mais qu’il n’y en a qu’un seul dans les revendications (c. 34). [CS]