Disposition

LPM (RS 232.11)

     Art. 13

          al. 2 lit. e

13 mars 2008

KG ZG, 13 mars 2008, A3200730 (d)

sic! 1/2009, p. 32-33 (rés.), « Swissolar (fig.) / e-swissolar GmbH » ; motifs relatifs d’exclusion, signes similaires, Swissolar, e-swissolar GmbH, solaire, énergie, information, conseil, formation, recherche scientifique, assurance qualité, placement, participation, centrale solaire, Grèce, force distinctive faible, similarité des produits ou services, droits conférés par la marque, droit absolu, raison sociale, risque de confusion, droit au nom, usurpation, concurrence déloyale ; art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM.

En cas de risque de confusion (art. 3 al. 1 lit. c LPM), seul peut être interdit l’usage d’un signe effectivement utilisé, mais en principe pas l’usage de l’un de ses éléments. Il n’existe en effet pas de risque de confusion si un signe est utilisé dans un autre contexte et qu’il n’a qu’une faible force distinctive (c. 2). L’art. 13 al. 2 lit. e LPM permet au titulaire d’un marque d’interdire à des tiers d’utiliser un signe similaire à titre de raison sociale pour offrir des produits ou des services similaires (c. 4.1). Dans la raison sociale « e-swissolar GmbH », l’élément « swissolar » constitue l’élément marquant,malgré l’adjonction du préfixe « e- » et la présence de l’abréviation « GmbH ».D’un point de vue sonore, visuel et sémantique, la raison sociale « e-swissolar GmbH » est très similaire à la marque « Swissolar (fig.) ». Bien que « Swissolar » soit un signe faible, la raison sociale « e-swissolar GmbH » doit être considérée comme similaire à la marque « Swissolar (fig.) », ce d’autant que le public visé n’est pas uniquement composé de spécialistes. Un risque de confusion (art. 3 al. 1 lit. c LPM) ne peut donc être écarté que si les prestations des parties se distinguent suffisamment les unes des autres (c. 4.2). La sensibilisation, l’information, le conseil, la formation (continue), la recherche et l’assurance qualité dans le domaine de l’énergie solaire en Suisse, d’une part, et le placement dans des participations au capital de centrales solaires en Europe du sud-est (qui s’adresse donc en priorité à des investisseurs), d’autre part, ne constituent pas des services similaires au sens de l’art. 3 al. 1 lit. c LPM, même s’ils ont le même but final de promouvoir l’énergie solaire. En l’espèce, les activités de la filiale grecque de « e-swissolar GmbH » (« e-greeksolar Ltd. ») n’entrent pas en considération. Un risque de confusion au sens de l’art. 3 al. 1 lit. c LPM est ainsi exclu (c. 4.3). Un cas isolé de confusion effective n’y change rien, car des erreurs dues à l’inattention sont toujours possibles, même en l’absence de risque de confusion (c. 4.3 in fine). Il n’existe pas non plus de risque de confusion ni d’usurpation sous l’angle du droit au nom (c. 5). Il n’y a enfin pas de risque de confusion sous l’angle de la LCD (c. 6).

Swissolar (fig.)
Swissolar (fig.)

04 mai 2009

KG GR, 4 mai 2009, ZFE 08 3 (d)

sic! 1/2010, p. 34-40, « stmoritz.com » ; motifs relatifs d’exclusion, signes similaires, nom géographique, nom de domaine, stmoritz.com, Suisse, force distinctive, droit au nom, risque de confusion, for, droit applicable ; art. 29 al. 2 CC, art. 3 al. 1 LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM, art. 129 al. 1 LDIP, art. 133 al. 2 LDIP.

Il suffit qu'un nom de domaine soit utilisé pour désigner un site Internet consultable, conformément à sa destination, depuis la Suisse pour fonder la compétence territoriale des tribunaux du lieu de résultat en Suisse. Comme le résultat se produit en Suisse, le droit suisse est applicable. Du fait de l'attente qu'il suscite chez l'internaute quant à l'offre d'informations, de services ou de marchandises sur le site qu'il désigne, un nom de domaine est, en tant que signe distinctif, comparable à un nom, une raison de commerce ou une marque. Sa fonction distinctive a pour conséquence qu'il doit se différencier suffisamment des signes distinctifs protégés appartenant à des tiers pour éviter tout risque de confusion. Le contenu du site Internet consultable sous le nom de domaine litigieux n'est pas de nature à exclure un éventuel risque de confusion, de même que les éléments techniques nécessaires à l'adressage sur Internet. La reprise du nom d'une commune sans aucune adjonction est de nature à provoquer un risque de confusion très élevé. L'utilisation pure du nom d'un État ou d'une commune comme nom de domaine suscite chez l'internaute l'attente d'une offre émanant de la collectivité publique en question.

14 octobre 2008

TF, 14 octobre 2008, 4A_253/2008 (f)

sic! 4/2009, p. 268-273, « Gallup » (Schlosser Ralph, Remarque) ; usage de la marque, Suisse, Allemagne, décision étrangère, livre, titre, contenu immatériel, usage à titre de marque, preuve, enregistrement en faveur d’un utilisateur autorisé, contrat, traitement national, nom commercial, raison de commerce, droit au nom, usurpation, concurrence déloyale, droits conférés par la marque, nom de domaine, gallup.ch ; art. 2 CUP, art. 8 CUP, art. 5 ch. 1 Conv. CH-D (1892), art. 29 al. 2 CC, art. 4 LPM, art. 11 al. 1 LPM, art. 12 al. 1 et 3 LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM.

L'art. 5 ch. 1 Conv. CH-D (1892) permet de tenir compte de l'usage fait sur le territoire des deux États afin de déterminer si une marque est utilisée pendant une période de cinq ans au sens de l'art. 12 al. 1 LPM. La notion d'usage est celle du droit suisse, même si la marque a été utilisée en Allemagne. Le fait qu'un tribunal allemand ait admis un usage selon le droit allemand n'est donc pas déterminant (c. 2.1). La référence à une marque dans le contenu et/ou dans le titre de livres ne constitue pas une utilisation de cette marque comme signe distinctif au sens de l'art. 11 al. 1 LPM (c. 2.2). Afin de rendre vraisemblable le défaut d'usage (art. 12 al. 3 LPM), il convient de démontrer la production de pièces ou la réquisition de l'administration de moyens de preuve à ce sujet (c. 4.1; critiqué par SCHLOSSER [ch. 3]). Le motif d'exclusion prévu par l'art. 4 LPM ne s'applique que s'il existe un contrat entre le véritable titulaire et l'usurpateur; tel n'est pas le cas en l'espèce (c. 4.2). En vertu du principe du traitement national (art. 2 CUP), le nom commercial (art. 8 CUP) d'une entreprise qui n'est pas inscrite au registre du commerce suisse n'est protégé qu'en cas d'atteinte au droit au nom (art. 29 al. 2 CC) ou d'acte de concurrence déloyale (c. 5.1). Les collisions entre droit au nom ou à la raison de commerce, d'une part, et droit des marques et de la concurrence déloyale, d'autre part, doivent être résolues dans le cadre d'une pesée des intérêts (c. 5.2). En l'espèce, le nom de la recourante n'est pas usurpé par les marques de l'intimée (c. 5.3). La recourante n'ayant pas en Suisse le droit exclusif à la marque Gallup, elle ne peut pas obtenir la radiation du nom de domaine gallup.ch sur la base de l'art. 13 al. 2 lit. e LPM (c. 6).

09 juillet 2010

HG ZH, 9 juillet 2010, HG080097 (d)

sic! 1/2011, p. 39-42, « Wunder-Baum » ; action, action en fourniture de renseignements, marque tridimensionnelle, désodorisant, arbre, signe appartenant au domaine public, marque imposée, presse, risque de récidive, droits conférés par la marque, confiscation, destruction, dommage, contrat de licence ; art. 42 al. 2 CO, art. 13 al. 2 lit. b et e LPM, art. 55 al. 1 lit. a, b et c LPM, art. 57 LPM.

Dans le domaine des désodorisants, la forme d'arbre de la marque tridimensionnelle « Wunder-Baum » de la demanderesse est originale et, même si elle devait être qualifiée de signe appartenant au domaine public (ce qui n'est pas le cas), elle devrait être considérée comme s'étant imposée comme marque pour les désodorisants concernés (c. V.2.1). Bien que les défenderesses se soient engagées à ne pas renouveler l'envoi (dans un magazine publicitaire) de désodorisants en forme d'arbre, elles n'ont pas reconnu l'illicéité de l'envoi déjà effectué; il existe dès lors un risque de récidive, qui rend une violation du droit à la marque (art. 13 al. 2 lit. b et e LPM) imminente au sens de l'art. 55 al. 1 lit. a LPM (c. V.3). La confiscation et la destruction (art. 57 LPM, en lien avec l'art. 55 al. 1 lit. b LPM) des magazines restants suite à l'envoi déjà effectué par les défenderesses n'est pas nécessaire vu leur nombre restreint et le fait que l'ancienne raison sociale de l'une des défenderesses figure sur les désodorisants en forme d'arbre qu'ils contiennent (c. V.4). L'action en fourniture de renseignements (art. 55 al. 1 lit. c LPM) ne permet d'obtenir d'un défendeur des renseignements qu'au sujet de son fournisseur direct (c. V.5). Le montant du dommage subi par la demanderesse ne peut pas résulter de pures suppositions sur un hypothétique développement futur, mais doit se fonder sur une comparaison concrète entre la valeur de la marque avant et après sa violation (c. V.6.4.2). Dans la détermination du montant du dommage (art. 42 al. 2 CO) par analogie avec une licence, le pourcentage (15 ) du chiffre d'affaires net perçu par la demanderesse dans un contrat de licence existant ne doit pas être appliqué au prix de vente net pratiqué par le preneur de licence de ce contrat, mais au prix de vente net pratiqué par la défenderesse (c. V.6.4.3).

Fig. 156 – Wunder-Baum(3D)
Fig. 156 – Wunder-Baum(3D)

18 décembre 2014

HG ZH, 18 décembre 2014, HG140055 (d)

ZR 114/2015, p. 69-71 ; sic! 10/2015, p. 593-595, « Unirenova II » ; motifs relatifs d’exclusion, risque de confusion admis, droits conférés par la marque, usage de la marque, inscription au registre du commerce, reprise d’une marque antérieure, similarité des produits ou services, similarité des signes, marque verbale, marque combinée, force distinctive forte, force distinctive faible, cercle des destinataires pertinent, immobilier, construction, concurrence déloyale ; art. 954a al. 1 CO, art. 13 al. 1 LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM, art. 55 al. 1 lit. a LPM, art. 55 al. 1 lit. b LPM, art. 2 LCD, art. 3 al. 1 lit. d LCD, art. 9 al. 1 lit. a LCD, art. 9 al. 1 lit. b LCD ; cf. N 894 (HG ZH, 7 mars 2014, HG 130059 ; sic! 4/2015, p. 250-254, « Unirenova / Unirenova Bau AG »).

L’inscription au registre du commerce constitue déjà un usage dans les affaires au sens de l’art. 13 al. 2 lit. e LPM, car l’art. 954a al. 1 CO impose au titulaire d’une raison de commerce de l’utiliser (c. 2.2). Le signe de la défenderesse reprend celui de la demanderesse en y ajoutant l’élément « Holzbau ». Le signe repris « Unirenova » possède une forte force distinctive. L’élément ajouté possède une faible force distinctive. Considérés ensemble, les deux signes sont donc très semblables. Les marques verbales et combinées de la demanderesse sont enregistrées en classes 35 à 37, 42 et 45. Elles comprennent notamment les domaines de la construction, des réparations et des travaux d’installation dans le domaine immobilier. Les prestations offertes par la demanderesse couvrent notamment le développement, la réalisation et l’exploitation de biens immobiliers et projets de construction de tous types ainsi que la conception et la mise en œuvre de constructions et rénovations, en particulier en tant qu’entrepreneur général pour le compte de tiers. Le but principal de la défenderesse consiste en la prise en charge de travaux de charpenterie et de menuiserie, l’installation de cuisines, portes, fenêtres et escaliers, ainsi que la production de placards sur mesure. Les prestations offertes par les deux parties sont similaires, et il existe donc un grand risque de confusion chez les destinataires pertinents. Ainsi, par l’inscription et l’utilisation de sa raison de commerce, la défenderesse viole le droit exclusif de la demanderesse de faire usage de sa marque pour désigner ses commerces et ses services (c. 2.3). Le tribunal interdit par conséquent à la défenderesse d’utiliser en Suisse le signe de la demanderesse en relation avec des services relatifs au bâtiment, isolément ou en combinaison avec d’autres signes, comme raison de commerce, sur des papiers à en-tête, dans sa publicité ou de toute autre manière dans les affaires (c. 2.4.3). Il lui est en outre ordonné de faire radier sa raison de commerce du registre du commerce cantonal (c. 2.5.4). Par ses agissements, la défenderesse crée aussi un risque de confusion au sens de l’art. 3 al. 1 lit. d LCD (c. 3.2). L’action de la demanderesse doit donc être admise aussi sur ce point (c. 3.3). [SR]

10 décembre 2013

OG AR, 10 décembre 2013, D2Z 12 2 (d)

sic! 10/2014, p. 632-634, « Axxeva / Adexxa » ; droits conférés par la marque, droit absolu, raison de commerce, but social, droit de la personnalité, concurrence déloyale, risque de confusion admis, principe de la spécialité, similarité des produits ou services, jugement partiel, action échelonnée, nom de domaine, clientèle, placement de personnel, marque verbale, mesures provisionnelles ; art. 956 al. 2 CO, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 13 al. 1 LPM, art. 13 al. 2 lit. c LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM, art. 55 al. 1 lit. a LPM, art. 55 al. 1 lit. b LPM, art. 85 CPC.

La plaignante, « Axxeva Services AG », qui a pour but d’opérer du placement de personnel, de la location de services et de fournir des services commerciaux, est titulaire de la marque verbale « Axxeva », enregistrée dans les classes 35, 41 et 42. Elle reproche notamment à la défenderesse, qui a temporairement utilisé la raison de commerce « Adexxa Services AG » et a des buts sociaux similaires, une atteinte à sa marque et à sa raison de commerce. La défenderesse a expressément reconnu qu’il existe un risque de confusion entre les deux raisons de commerce. En outre, le juge unique de l’Obergericht AR a octroyé des mesures provisionnelles à la plaignante, fondées sur le droit des marques (ERZ 12 58). Comme la notion de risque de confusion s’apprécie de manière similaire dans les différents domaines du droit des signes distinctifs, et du fait de la concession opérée par la défenderesse, le tribunal se limite, quant à l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion entre les signes « AXXEVA » et « ADEXXA », à renvoyer aux considérants du jugement rendu en matière de mesures provisionnelles, desquels il découle que l’existence d’un risque de confusion entre les deux raisons de commerce est manifeste. L’action en cessation fondée sur l’art. 956 al. 2 CO est admise et le tribunal interdit à la défenderesse d’utiliser la raison de commerce « Adexxa Services AG » en Suisse (c. 2.1). Les droits exclusifs conférés par l’art. 13 LPM incluent l’emploi de la marque en tant que nom, raison de commerce, enseigne, dénomination commerciale ou nom de domaine. En se référant aux considérants du jugement précité, le tribunal admet qu’il existe un risque de confusion entre la marque enregistrée « AXXEVA » et le signe « ADDEXA » utilisé par la défenderesse. Les demandes fondées sur l’art. 55 al. 1 lit. a et b LPM sont admises (c. 2.2). Par contre, la demanderesse ne peut exiger qu’il soit interdit à la défenderesse d’utiliser des noms de domaines de manière générale. L’utilisation d’un nom de domaine ne peut être interdite qu’en relation avec les biens et services pour lesquels la marque est protégée (c. 2.3). L’action échelonnée suppose l’existence d’une prétention de droit matériel en fourniture de renseignements, qui existe en l’espèce (c. 2.5). [SR]

07 mars 2014

HG ZH, 7 mars 2014, HG130059 (d)

sic 4/2015, p. 250-254, « Unirenova / Unirenova Bau AG » ; droits conférés par la marque, droit absolu, reprise d’une marque antérieure, raison de commerce, registre du commerce, risque de confusion admis, similarité des signes, marque verbale, marque combinée, cercle des destinataires pertinent, principe de la proportionnalité, liquidation forcée, mesures de contrainte, mesures d’exécution, but social, immobilier, construction, concurrence déloyale ; art. 944 CO, art. 954a al. 1 CO, art. 13 al. 2 lit. e LPM, art. 55 al. 1 lit. a LPM, art. 55 al. 1 lit. b LPM, art. 236 al. 3 CPC, art. 343 al. 1 lit. d CPC ; cf. N 863 (HG ZH, 18 décembre 2014, HG 140055 ; sic! 10/2015, p. 593- 595, « Unirenova II »).

L’art. 954a al. 1 CO imposant au titulaire d’une raison de commerce de l’utiliser, l’inscription d’une raison de commerce au registre du commerce constitue déjà un usage dans les affaires au sens de l’art. 13 al. 2 lit. e LPM (c. 3.3.2). Il existe un risque de confusion chez les destinataires pertinents entre les deux signes en cause, qui sont presque identiques. Les droits conférés à la plaignante par les marques verbale et combinée qu’elle a déposées en classes 36 et 37 couvrent partiellement le but social de la défenderesse. Le but principal de la défenderesse, à savoir l’exécution de travaux de constructions et de transformations, de rénovations et la conduite de travaux, est identique à celui de la défenderesse (c. 3.4.1). Il existe donc une atteinte aux droits absolus de la plaignante au sens de l’art. 13 al. 2 lit. e LPM (c. 3.4.2). Il est par conséquent fait interdiction à la défenderesse d’utiliser en Suisse le signe « Unirenova » en relation avec des services relatifs au bâtiment, isolément ou en combinaison avec d’autres signes, comme raison de commerce, sur des papiers à en-tête, dans sa publicité ou de toute autre manière dans les affaires (c. 3.5.2). La demanderesse requiert la suppression de l’élément « Unirenova » de la raison de commerce de la défenderesse. Comme il est douteux que la raison « Bau AG » remplisse les conditions posées par l’art. 944CO, il se justifie d’ordonner, à titre de mesure d’exécution, la radiation de l’ensemble de la raison de commerce. Cette mesure apparaît conforme au principe de la proportionnalité (c. 3.6.2). Le tribunal ordonne par conséquent à la défenderesse de faire radier sa raison de commerce du registre du commerce (c. 3.6.3). En raison du comportement qu’elle a adopté durant la procédure, le tribunal considère qu’il faut s’attendre à ce qu’elle ne respecte pas ses injonctions (c. 5.3.1). Il la menace par conséquent de faire procéder à sa liquidation forcée si elle ne donne pas suite dans les délais à l’obligation judiciaire de modifier sa raison de commerce. L’art. 343 al. 1 lit. d CPC prévoit expressément deux mesures de contrainte, mais il se déduit de la formulation « telle que» que d’autres mesures peuvent être adoptées. La mesure choisie respecte le principe de la proportionnalité (c.5.3.2). Lorsque le tribunal ordonne des mesures d’exécution sur requête de la partie qui a obtenu gain de cause, au sens de l’art. 236 al. 3 CPC, il décide librement des mesures à ordonner, en respectant le principe de la proportionnalité et sans être lié par les demandes qu’elle a formulées (c. 5.3.3). [SR]

25 avril 2014

HG ZH, 25 avril 2014, HG130195 (d)

ZR 114/2015, p. 66-69 ; droits conférés par la marque, droit absolu, risque de confusion admis, concurrence déloyale, similarité des produits ou services, similarité des signes, force distinctive faible, flèche, ruban, banque, services financiers, marque verbale, marque figurative, logo, lettre ; art. 13 al. 2 lit. e LPM, art. 55 al. 1 lit. a LPM, art. 3 al. 1 lit. d LCD, art. 9 al. 1 lit. a LCD.

La plaignante, Rothschild Bank AG, est titulaire de la marque verbale « ROTHSCHILD » et d’une marque figurative représentant cinq flèches orientées vers le bas et reliées par un ruban, enregistrées en classes 35 et 36, qui comprennent la tenue d’affaires et la fourniture de services financiers. La demanderesse utilise en outre le signe « R », non déposé, comme logo dans ses affaires. Le défendeur utilise la marque figurative sous forme stylisée, et se sert de la marque « ROTHSCHILD » et des logos utilisés par la demanderesse dans sa correspondance commerciale et sur des cartes de visite. Il utilise également la marque « ROTHSCHILD » dans plusieurs dénominations d’entreprises. Les noms utilisés montrent qu’il cherche à s’établir dans le secteur de la finance, dans le même domaine que celui dans lequel la plaignante est active en tant que banque. Ces noms sont similaires à la marque de la plaignante, car la dénomination « ROTHSCHILD », qu’on retrouve dans ces dénominations, est centrale. Les éléments ajoutés, tels que « International », « Bank » ou « Group », sont des concepts communs, à faible force distinctive. Le logo utilisé par le défendeur ne constitue qu’une forme stylisée de la marque figurative de la demanderesse et ne s’en distingue que très peu. Par ses agissements, le défendeur crée un risque de confusion manifeste et viole le droit exclusif de la demanderesse de faire usage de ses marques pour désigner ses affaires et ses services financiers (c. 2.4). Il lui est dès lors interdit d’utiliser ces signes dans les affaires, isolément ou en les combinant, en particulier pour la promotion, l’offre ou la diffusion de services financiers (c. 2.5). L’interdiction repose aussi sur l’art. 3 lit. d LCD, les actes du défendeur créant un risque de confusion au sens de cette disposition (c. 3.2 et 3.3). [SR]

ROTHSCHILD (fig.)
ROTHSCHILD (fig.)

02 mars 2015

HG ZH, 2 mars 2015, HG140169 (d)

Droits conférés par la marque, droit absolu, usage de la marque, risque de confusion admis, registre du commerce, raison de commerce, reprise d’une marque antérieure, similarité des produits ou services, similarité des signes, marque verbale, marque combinée, force distinctive forte, force distinctive faible, cercle des destinataires pertinent, immobilier, construction, concurrence déloyale ; art. 954a al. 1 CO, art. 13 al. 1 LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM, art. 55 al. 1 lit. a LPM, art. 55 al. 1 lit. b LPM, art. 2 LCD, art. 3 al. 1 lit. d LCD, art. 9 al. 1 lit. a LCD, art. 9 al. 1 lit. b LCD.

L’inscription au registre du commerce constitue déjà un usage dans les affaires au sens de l’art. 13 al. 2 lit. e LPM, car l’art. 954a al. 1 CO impose au titulaire d’une raison de commerce de l’utiliser (c. 4.1.2). Le signe de la défenderesse reprend celui de la demanderesse en y ajoutant un élément. Le signe repris possède une forte force distinctive. L’élément ajouté, qui est une abréviation usuelle dans le domaine technique ou technologique, possède une faible force distinctive. Considérés ensemble, les deux signes sont donc très semblables, et on peut craindre des confusions chez le public (c. 4.2.3). Les marques verbales et combinées de la demanderesse sont enregistrées en classes 35 à 37, 42 et 45. Les prestations offertes par la demanderesse couvrent notamment le développement, la réalisation et l’exploitation de biens immobiliers et projets de construction de tous types ainsi que la conception et la mise en œuvre de constructions et rénovations, en particulier en tant qu’entrepreneur général pour le compte de tiers. Le but principal de la défenderesse consiste en la planification et la réalisation d’installations techniques du bâtiment comme entrepreneur général. Les prestations offertes par les deux parties sont similaires, et il existe donc un grand risque de confusion chez les destinataires pertinents (c. 4.2.4). Ainsi, par l’inscription et l’utilisation de sa raison de commerce, la défenderesse viole le droit exclusif de la demanderesse de faire usage de sa marque pour désigner ses commerces et ses services (c. 4.2.5). Le tribunal interdit par conséquent à la défenderesse d’utiliser en Suisse le signe de la demanderesse en relation avec des services relatifs au bâtiment, isolément ou en combinaison avec d’autres signes, comme raison de commerce, sur des papiers à en-tête, dans sa publicité ou de toute autre manière dans les affaires (c. 4.3.4). Il lui est en outre ordonné de faire radier sa raison de commerce du registre du commerce cantonal (c. 4.4.4). Par ses agissements, la défenderesse crée aussi un risque de confusion au sens de l’art. 3 lit. d LCD (c. 5.2.1). L’action de la demanderesse doit donc être admise sur ce point également (c. 5.2.2). [SR]

CO (RS 220)

- Art. 954a

-- al. 1

LCD (RS 241)

- Art. 3

-- al. 1 lit. d

- Art. 9

-- al. 1 lit. b

-- al. 1 lit. a

- Art. 2

LPM (RS 232.11)

- Art. 55

-- al. 1 lit. b

-- al. 1 lit. a

- Art. 13

-- al. 2 lit. e

-- al. 1

25 août 2015

TF, 25 août 2015, 4A_123/2015 (d)

sic! 1/2016, p. 16-19, « Mipa Lacke + Farben AG / MIPA Baumatec AG » ; droits conférés par la marque, droit absolu, raison de commerce, risque de confusion admis, risque de confusion indirect, recours, force distinctive, identité des produits ou services, similarité des signes, signe fantaisiste, signe descriptif, acronyme, marque internationale, marque verbale, élément verbal, cercle des destinataires pertinent, but social, site Internet, lettres, peinture, couleur, construction, machines, outil ; art. 951 al. 2 CO, art. 956 al. 2 CO, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM.

La recourante et défenderesse, « MIPA Baumatec AG », assure le commerce et la fourniture de services, en lien avec des matériaux de construction, machines et outils de toutes sortes. L’intimée et plaignante,« Mipa Lacke + Farben AG », a pour but la fabrication et le commerce de couleurs et de vernis. Elle est preneuse de licence pour la partie suisse de la marque « mipa », ayant fait l’objet d’un enregistrement international en classe 2 pour des « couleurs, vernis, peintures, produits de conservation du bois et produits antirouilles ». Comme les sociétés anonymes peuvent fondamentalement choisir librement leur raison de commerce, la jurisprudence pose en général des exigences élevées quant à leur capacité à se distinguer des autres raisons de commerce enregistrées. De jurisprudence constante, le Tribunal fédéral protège aussi les raisons de commerce contre les entreprises qui sont actives dans une autre branche. Les exigences sont cependant plus élevées quand deux entreprises, en vertu de leurs dispositions statutaires, peuvent entrer en concurrence ou s’adressent à la même clientèle à un autre titre, ou encore lorsqu’elles sont géographiquement proches (c. 4.2). Les deux raisons de commerce en cause commencent respectivement par les éléments « MIPA » et « Mipa ». C’est à raison que l’instance précédente a considéré que, dans la raison de commerce de la plaignante, l’élément « Mipa » reste en mémoire, d’autant plus que les éléments suivants « Lacke + FarbenAG » constituent des indications purement génériques. Du fait que l’élément « Mipa » est écrit en lettres majuscules et minuscules et qu’il peut être prononcé comme un terme fantaisiste, le public ne peut déterminer de manière évidente s’il est en présence d’un acronyme ou d’une désignation purement fantaisiste. Pour le profane, le terme « Mipa » n’a pas de sens reconnaissable. Le simple fait qu’il se retrouve dans des raisons de commerce de tiers ne veut pas dire qu’il doit rester à libre disposition. Contrairement à ce que soutient la recourante, il ne s’agit pas d’un élément faible sans force distinctive. Comme l’a considéré à raison l’instance précédente, cet élément imprègne fortement la raison sociale de la plaignante et possède une force distinctive correspondante. « Baumatec » ne constitue pas un terme d’usage courant qui figurerait dans un dictionnaire. C’est à raison que l’instance précédente a considéré que l’élément « tec » est fréquemment utilisé en Suisse et aisément associé à la technique, et qu’il est concevable que l’élément « Bau » soit associé à des activités de construction. Elle a en outre considéré, de manière compréhensible, que l’élément verbal « Bauma- » peut éveiller une association avec les termes « Baumaterial » ou « Baumaschinen ». Au vu de ces considérations, elle a exposé de manière convaincante que l’élément « Baumatec » suscite des associations avec les activités de la recourante. Bien qu’il puisse être vrai que l’élément « Baumatec » ne représente pas une indication purement générique pour le public pertinent, l’instance précédente n’a pas violé le droit fédéral en considérant qu’il ne s’agit pas d’un élément prépondérant dans la raison sociale de la défenderesse. En prenant en compte le fait que, selon les constatations de l’instance précédente, les cercles de destinataires pertinents se recoupent partiellement et que les buts sociaux sont partiellement les mêmes, indépendamment de la distance géographique, il existe un risque de confusion accru. Il faut donc admettre comme elle que la raison de commerce de la recourante ne se distingue pas suffisamment de la raison antérieure de l’intimée. Les destinataires pertinents sont, à tout le moins, amenés à admettre à tort qu’il existe un lien juridique ou économique avec cette dernière (c. 4.3.1). L’usage du signe litigieux sur le site Internet de la recourante constitue un usage dans les affaires au sens de l’art. 13 al. 2 lit. e LPM. Aucun sens descriptif de « mipa » n’est manifeste pour les biens revendiqués en classe 2. Le terme apparaît bien plus, pour ces biens, comme une désignation fantaisiste, qui possède une force distinctive. Les couleurs qu’offre la recourante sur son site Internet font partie des produits pour lesquels la marque de la plaignante est enregistrée. Pour l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion, il faut donc tenir compte du fait qu’on est en présence d’une identité de produits, et appliquer des critères particulièrement stricts. En l’espèce, c’est à raison que l’instance précédente a admis l’existence d’un risque de confusion (c. 5.2.2). Le recours est rejeté (c. 6). [SR]

15 juillet 2019

TF, 15 juillet 2019, 4A_95/2019 (d)  

« VW-LAND TOGGENBURG », usage à titre de marque, droits conférés par la marque, risque de confusion indirect, publicité, enseigne, péremption ; art. 2 CC, art. 3 al. 1 LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM.  

L’art. 13 al. 2 lit. e LPM permet au titulaire d’une marque d’interdire à des tiers l’utilisation d’un signe dont la protection est exclue en vertu de l’art. 3 al. 1 LPM, et en particulier de l’apposer sur des papiers d’affaires ainsi que de l’utiliser à des fins publicitaires ou de quelque autre manière dans les affaires. L’art. 3 al. 1 LPM exclut de la protection les signes plus récents en particulier lorsqu’ils sont si similaires à une marque antérieure qu’il en résulte un risque de confusion. Un tel risque existe lorsque le signe le plus récent porte atteinte à la force distinctive de la marque antérieure. C’est le cas lorsqu’il doit être craint que les cercles des destinataires pertinents soient induits en erreur par la similitude des signes et attribuent les produits qui portent l’un ou l’autre de ceux-ci au mauvais titulaire de la marque ; ou lorsque le public fait bien la différence entre les signes, mais déduit de leur similitude de faux liens entre leurs titulaires. Le commerçant qui utilise la marque d’un tiers pour offrir des produits originaux de cette marque ou pour faire de la publicité pour des travaux ou des services se rapportant à de tels articles ne viole pas le droit des marques si sa publicité se réfère clairement à ce qu’il offre en propre. Chacun peut utiliser les indications décrivant sa propre offre de produits ou de services, même si des marques de tiers sont ainsi touchées. Les titulaires de marques ne peuvent pas prescrire aux revendeurs de leurs produits originaux ou à ceux qui fournissent des prestations en lien avec ceux-ci comment les mettre en circulation, ni comment en faire la publicité. Toutefois, la publicité générale de la marque qui, sans lien avec un assortiment de produits déterminés ou de services concrets, porte sur l’apparence et la renommée de la marque elle-même auprès du public en général demeure réservée au titulaire de la marque. La publicité recourant à la marque d’un tiers trouve également ses limites lorsqu’elle éveille auprès du public l’impression erronée de l’existence de liens particuliers entre le titulaire de la marque et celui qui s’y réfère pour promouvoir l’offre qui lui est propre (c. 2.2.1). Dans le cas particulier, l’indication « VW-LAND TOGGENBURG » désigne le garage exploité par la recourante. Le signe revêt une fonction distinctive dans la mesure où il individualise les locaux commerciaux de la recourante qu’il distingue des autres garages. Il y a ainsi un usage concurrent (« Mitgebrauch ») à titre distinctif de la marque VW de la demanderesse. L’utilisation conjointe (« Mitverwendung ») d’un signe comme enseigne, respectivement pour désigner une activité commerciale, tombe aussi sous le coup du droit exclusif conféré par la marque à son titulaire selon l’art. 13 al. 2 lit. e LPM. Peu importe que la désignation « VW » soit une information utilisée de manière descriptive par la recourante pour donner des indications sur son offre. La mention « VW-LAND TOGGENBURG » éveille auprès du public l’impression erronée qu’une relation particulière existerait entre le titulaire de la marque et l’exploitant du garage. Le public n’y voit pas l’offre large de certains produits de marque mais la désignation d’une entreprise du titulaire de la marque ou en tout cas présentant certains liens avec celui-ci (c. 2.2.2). Il y a péremption du droit d’agir et la mise en œuvre d’un droit est abusive lorsqu’elle contredit un comportement antérieur et déçoit les attentes légitimes ainsi suscitées. En l’espèce, l’action en interdiction ouverte par l’intimée n’est pas en contradiction avec sa passivité antérieure. En effet, tant que la recourante a été la représentante et la fournisseuse de services agréé d’une des demanderesses (soit pendant plus de 10 ans) elle était contractuellement autorisée à utiliser la marque concernée. Elle n’a donc pas porté atteinte à cette marque et aucune attente légitime n’a pu être éveillée chez elle concernant une autorisation de continuer l’utilisation de la marque après la fin du contrat. Seule n’est ainsi à prendre en compte pour déterminer s’il y aurait péremption du droit d’agir, la durée pendant laquelle le signe « VW-LAND TOGGENBURG » a été utilisé entre la fin des relations contractuelles entre les parties à mi-2014 et le dépôt de la demande début octobre 2016. La recourante a pendant cette période fait l’objet de plusieurs mises en demeure écrites de la part d’une des demanderesses (en particulier en août 2014 et en mai 2015), il n’y a donc pas péremption du droit d’agir au sens de l’art. 2 CC (c. 2.3). [NT]

28 décembre 2020

TF, 28 décembre 2020, 4A_265/2020 (d)

Motifs relatifs d’exclusion, similarité des produits ou services, similarité des signes, similarité des signes sur le plan sonore, similarité des signes sur le plan visuel, similarité des signes sur le plan sémantique, risque de confusion, cercle des destinataires pertinents, consommateur moyen, degré d’attention moyen, force distinctive faible, force distinctive accrue par l’usage, usage de la marque, usage à titre de marque, interruption de l’usage de la marque, délai de grâce, action en interdiction, action en constatation de la nullité d’une marque, intérêt digne de protection, nullité d’une marque, marque défensive, marque combinée, marque verbale, logo, territorialité, territoire suisse, lien géographique suffisant, apposition de signe, dilution de la marque, péremption, abus de droit, site Internet, blocage de sites Internet, nom de domaine, contournement, lumière, lampe, luminaire, Coop, recours rejeté ; art. 2 al. 2 CC, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 11 al. 1 LPM, art. 12 al. 1 LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM, art. 52 LPM, art. 55 LPM, art. 55 al. 1 lit. a LPM.

La défenderesse, le groupe Coop, est titulaire de la marque combinée « Lumimart » (fig. 1), déposée en 1996 en classe 11 pour des appareils et équipements d’éclairage. Elle détient une filiale qui distribue des luminaires et des sources lumineuses sous ce nom. Sur son site Internet www.lumimart.ch, elle utilise depuis 2018 un nouveau logo (fig. 2). La recourante, Luminarte GmbH, est une société allemande qui distribue le même types de produits en Suisse, sous le nom de « Luminarte ». Elle est titulaire de la marque verbale « Luminarte », déposée en 2013. En 2020, le tribunal de commerce du canton d’Argovie a constaté la nullité de la marque suisse « Luminarte » (sauf pour certains produits spécifiques), et a interdit à la demanderesse de commercialiser des luminaires et des sources lumineuses en Suisse sous ce signe. Selon le principe de territorialité, les droits de propriété intellectuelle et les prétentions découlant de la loi contre la concurrence déloyale sont limités au territoire de l’Etat qui accorde la protection. Par conséquent, l’action de l’art. 55 LPM ne permet d’interdire que les actes qui ont lien géographique suffisant avec la Suisse. La demande de l’intimée d’interdire certaines pratiques en Suisse ne constitue donc pas une « interprétation extensive de la territorialité du droit Suisse », comme le prétend la recourante, mais plutôt une conséquence du principe de territorialité (c. 5.2). En outre, contrairement à ce que soutient la recourante, le simple fait d’offrir la possibilité technique de consulter un signe sur Internet ne constitue pas un usage tombant sous le coup du droit suisse des marques. L’usage suppose un lien qualifié avec la Suisse, comme par exemple une livraison en Suisse ou une indication des prix en francs suisses. Il ne saurait être question d’interdire à la recourante d’être présente sur Internet dans le monde entier, d’autant plus qu’il est techniquement possible de bloquer l’accès à un site web aux utilisateurs d’un pays spécifique. La question de savoir si les mesures de géoblocage peuvent être contournées par des moyens techniques sophistiqués, comme le prétend la recourante, n’est pas pertinente (c. 5.3). Le prononcé d’une interdiction sur le fondement de l’art. 55 al. 1 lit. a LPM suppose l’existence d’un intérêt juridiquement protégé à obtenir l’interdiction, qui n’existe que lorsqu’une atteinte menace, c’est-à-dire lorsque le comportement visé fait sérieusement craindre un acte illicite dans le futur (c. 6.1). La recourante considère que la défenderesse n’a pas utilisé le logo déposé comme marque combinée depuis septembre 2018, et qu’elle n’aurait par conséquent d’intérêt juridiquement protégé ni à obtenir l’interdiction de l’usage litigieux, ni à faire constater la nullité de sa marque. La question qui se pose en l’espèce n’est pas celle de l’existence d’un intérêt juridiquement protégé, mais plutôt de savoir dans quelle mesure le titulaire d’une marque qu’il n’utilise pas peut se prévaloir de son droit à la marque (c. 6.3.1). Selon l’art. 11 al. 1 LPM, la protection n’est accordée que pour autant que la marque soit utilisée en relation avec les produits ou les services enregistrés. L’art. 12 al. 1 LPM prévoit qu’à l’expiration d’un délai de grâce de cinq ans, le titulaire qui n’a pas utilisé la marque en relation avec les produits ou les services enregistrés ne peut plus faire valoir son droit à la marque. La doctrine admet que le délai de grâce ne s’applique pas seulement pendant la période comprise entre l’enregistrement et la première utilisation, mais aussi en cas d’interruption de l’utilisation après que celle-ci a déjà commencé. Cela est également indiqué par l’art. 12 al. 2 LPM, qui mentionne la « reprise » de l’utilisation (c. 6.3.2). La juridiction inférieure a considéré que la marque de la défenderesse n’ayant pas été utilisée depuis septembre 2018, elle bénéficiait encore du délai de grâce de l’art. 12 al. 1 LPM, et que la défenderesse pouvait donc encore faire valoir son droit à la marque à l’encontre de la recourante. Cette dernière soutient qu’en l’espèce, l’usage de la marque a été définitivement abandonné, ce qui entraînerait l’inapplicabilité du délai de grâce (c. 6.3.3). Si l’usage de la marque peut cesser pendant la période de grâce de cinq ans sans atteinte au droit à la marque, il est toutefois exact que la règle de l’art. 12 LPM ne protège pas les marques enregistrées de manière abusive. Les marques qui ne sont pas déposées dans le but d'être utilisées, mais qui sont destinées à empêcher l'enregistrement de signes correspondants par des tiers ou à accroître l'étendue de la protection des marques effectivement utilisées, ne peuvent prétendre à la protection. En particulier, le titulaire d'une telle marque défensive ne peut pas invoquer le délai de grâce de cinq ans pour l'usage en vertu de l'article 12 al. 1 LPM. C'est dans ce sens qu'il faut comprendre la doctrine, principalement francophones, qui considère que l’abandon de la marque entraîne également une perte (définitive) des droits avant la fin du délai de grâce de cinq ans. Il s’agit de cas d’abus dans lesquels la marque est défendue sans qu’il n’y ait d’intention de l’utiliser à nouveau. De telles circonstances n'ont pas été établies en l'espèce. La défenderesse a utilisé le signe de manière continue pendant 20 ans en relation avec les produits pour lesquels la marque est revendiquée, et il n’apparaît pas qu’elle soit utilisée de manière défensive. Le simple fait que la défenderesse ne paraisse pas utiliser la marque actuellement ne permet pas de conclure à un abus. C'est par conséquent à juste titre que le tribunal de commerce a considéré que la marque est encore protégée et que la défenderesse peut faire valoir son droit à la marque (c. 6.3.4). En lien avec l’action en interdiction, la recourante fait valoir que l’instance précédente a conclu à tort à l’existence d’un motif relatif d’exclusion au sens de l’art. 3 al. 1 lit. c LPM (c. 7). Pour déterminer s’il existe une similarité de produits au sens de cette disposition, les produits pour lesquels la marque de la défenderesse est enregistrée doivent être comparés aux produits ou services pour lesquels il existe la menace d’un usage (c. 7.2). La défenderesse revendique la protection pour des appareils et équipements d’éclairage (classe 11). C’est à raison que l’instance précédente a conclu que ces produits sont similaires à ceux de la recourante. Même les armatures et équipements d’éclairage sont étroitement liés aux produits d’éclairage. En particulier, l'un ne peut être utilisé utilement sans l'autre. Ces produits sont perçus dans leur ensemble par le public. Ils ont la même finalité et sont destinés à des groupes de clients similaires (c. 7.3). La recourante estime que sa présence sur le marché suisse est limitée à la vente en ligne (dans les catégories des luminaires et des équipements d'éclairage). Les produits qu'elle vend proviendraient exclusivement de tiers et seraient identifiés comme tels. Le signe « Luminarte » qu'elle utilise ne serait donc pas associé par le consommateur suisse moyen aux luminaires, mais serait compris comme une indication se rapportant à ses services commerciaux. En particulier, ses activités ne relèveraient pas des classes de produits 9 et 11. Elle n'utiliserait pas les signes en cause à titre de marques, mais en ferait uniquement usage à d’autres fins, dont la désignation d’une boutique un ligne et d’un site web, et sur des documents commerciaux. La recourante se réfère à une ancienne jurisprudence du Tribunal fédéral, selon laquelle l’utilisation d’un signe pour nommer un magasin et sur des sacs cabas ne tombe pas sous le coup du droit des marques. Étant donné qu’elle n'a pas apposé les signes sur les produits eux-mêmes, la défenderesse ne pourrait selon elle pas faire interdire l'utilisation des signes litigieux (c. 7.4.1). Sous l'empire de l'ancienne loi sur les marques, abrogée le 1er avril 1993, la pratique du Tribunal fédéral était en effet que le droit à la marque d'un tiers ne pouvait être violé que par l'utilisation d'un signe sur le produit lui-même ou sur son emballage. Le législateur a estimé que cette situation juridique n'était pas satisfaisante, et s’est explicitement écarté de la pratique précitée du Tribunal fédéral en adoptant l’art. 13 al. 2 lit. e LPM dans la nouvelle loi sur la protection des marques de 1992. Ainsi, le titulaire de la marque peut interdire à des tiers l’usage de signes dont la protection est exclue en vertu de l’art. 3 al. 1 LPM sur des papiers d’affaires, à des fins publicitaires ou de quelque autre manière dans la vie des affaires. Cette notion doit être comprise dans un sens large ; elle couvre également l'usage d'un signe qui n'est pas directement lié aux produits ou aux services concernés (c. 7.4.2). La situation juridique créée par l'article 13 al. 2 lit. e LPM prive les arguments de la demanderesse de tout fondement. Il est incontestable qu'elle utilise le signe « Luminarte » (y compris le logo et le nom de domaine) à titre de marque. Le fait que les produits qu'elle vend ne portent pas ce signe est sans importance. La demanderesse se fonde essentiellement sur l'allégation selon laquelle elle fournit un service, alors que la marque de l'intimé n'est protégée que pour des produits. Or, selon les constatations de la juridiction inférieure, le « service » de la recourante consiste essentiellement en la vente de luminaires et d'appareils d'éclairage, c'est-à-dire les produits pour lesquels la marque de la défenderesse revendique la protection. Il existe donc un lien si étroit que l'offre de la recourante est facilement perçue comme liée à celle de la défenderesse. En outre, il n’est pas exact que les biens sont en soi dissemblables des services. Selon la jurisprudence, la similitude entre les services, d'une part, et les marchandises, d'autre part, doit être présumée, par exemple s'il existe un lien habituel sur le marché en ce sens que les deux produits sont typiquement proposés par la même entreprise sous la forme d'un ensemble de services uniforme. En l'espèce, c'est à juste titre que le tribunal de commerce a affirmé la similarité au sens de l'art. 3 al. 1 lit. c LPM, et il ne fait aucun doute que la défenderesse peut faire valoir l’art. 13 al. 2 lit. e LPM à l’encontre de la recourante. La question de savoir si la vente de produits sur Internet constitue un service au sens du droit des marques ou si la marque est utilisée pour identifier les produits vendus en eux-mêmes peut rester ouverte (c. 7.4.3). L’art. 3 al. 1 lit. c LPM suppose l’existence d’un risque de confusion (c. 8), que l’instance précédente a admis à raison (c. 8.3). Comme elle l’a expliqué à juste titre, les appareils et équipements d’éclairage sont vendus dans des magasins spécialisés et dans des magasins de meubles, ainsi que dans des grandes surfaces destinées au grand public. Les destinataires achètent ces produits avec un degré d’attention moyen, plus élevé que pour les biens de grande consommation d’usage courant (c. 8.3.1). Le tribunal de commerce a considéré que la marque de la recourante, bien que composée d’éléments descriptifs, bénéficie d’une certaine force distinctive, qui doit être considérée comme faible. Toutefois, il a constaté que cette force distinctive s’est accrue avec l’usage, en se fondant notamment sur l’utilisation de longue date du signe depuis 1998, sur la large diffusion des magasins spécialisés portant le signe ainsi que sur les efforts publicitaires intensifs consentis. Le Tribunal fédéral est lié par ces constatations (c. 8.3.2.1). Il faut donc admettre, comme l’a fait l’instance précédente, que la marque de la défenderesse possède une force distinctive accrue, et un large champ de protection (c. 8.3.2.4). La comparaison des signes « Lumimart » et « Luminarte » révèle leur similarité sur les plans visuel et sonore, notamment parce que leurs préfixes sont identiques et parce que la séquence des voyelles et des consonnes est quasiment identique. La différence dans le nombre de syllabes n'est pas d'une importance décisive au regard de la longueur totale des signes. Sur le plan sémantique, la juridiction inférieure a considéré, en se référant au sens lexical des différents éléments verbaux, que le public concerné comprend sans effort de réflexion significatif que les signes se réfèrent au marché des luminaires pour l’un, et à l’art de l’éclairage pour l’autre, et a ainsi reconnu leurs significations différentes. Les éléments figuratifs des signes respectifs sont eux aussi différents. C’est à raison que le tribunal de commerce a conclu que les signes utilisés par la recourante sont similaires à la marque de la défenderesse, en tenant compte que du fait que le caractère distinctif de la marque de la défenderesse a été substantiellement renforcé par de nombreuses années d’efforts publicitaires. C’est aussi à raison qu’il a adopté un standard particulièrement strict en tentant compte de la similitude des produits pour lesquels les signes sont utilisés. Même l'ajout par la recourante de l'indication « die Lichtmacher » en minuscules dans une police de caractères conventionnelle n'est pas de nature à éliminer le risque de confusion du point de vue de la clientèle concernée. La conclusion de l’instance précédente selon laquelle, sur la base d'une appréciation globale, il est clair que les signes de la recourante créent un risque de confusion, résiste à l'examen du Tribunal fédéral (c. 8.3.3). Le fait que les désignations du domaine public ne puissent être monopolisées n’implique pas que les termes « lumi », « mart » et « arte », qui appartiennent au domaine public, peuvent être exclus de l’évaluation de l’existence d’un risque de confusion. Même les éléments qui appartiennent au domaine public peuvent influencer l’impression générale produite par les marques (c. 8.3.4). La question d’une éventuelle dilution de la marque de la défenderesse ne se pose pas en l’espèce, car le caractère distinctif de la marque ne résulte pas principalement de son originalité, mais de la réputation qu’elle a acquise auprès du public. Le fait qu’il existe de nombreux enregistrements de marques avec les éléments « lumi » et « mart » est une expression du fait que ces éléments ne sont pas originaux. L’instance précédente en a tenu compte dans l’évaluation du risque de confusion (c. 8.3.5). L’instance précédente n’a commis aucune violation du droit fédéral en admettant l’existence d’un risque de confusion au sens de l’art. 3 al. 1 lit. c LPM, et en reconnaissant à la défenderesse le bénéfice des droits de l’art. 13 al. 2 LPM (c. 8.4). La recourante allègue en outre que les prétentions découlant du droit des marques sont périmées, car la défenderesse aurait trop tardé à réagir (c. 9). L’art. 2 al. 2 CC prévoit que l’abus manifeste d’un droit n’est pas protégé par la loi. La péremption présuppose que l’ayant droit avait connaissance de l’atteinte à ses droits par l’usage d’un signe identique ou similaire, ou qu’il aurait dû en avoir connaissance s’il avait fait preuve de la diligence requise, qu’il a toléré cet usage pendant une longue période sans s’y opposer et que l’auteur de la violation a acquis entre-temps, de bonne foi, une position digne de protection (c. 9.1). Il faut que l’auteur de l’atteinte ait acquis une confiance légitime dans le fait que sa responsabilité ne sera pas engagée à l’avenir. Il doit penser que l’ayant droit agit passivement en ayant connaissance de l’atteinte, et non par simple ignorance. Il va de soi que cette connaissance doit se rapporter à une atteinte à la marque en Suisse (c. 9.3.3). L’instance précédente a relevé que le domaine www.luminarte.ch était accessible depuis 2008. Elle considère toutefois que la défenderesse n’avait pas d’obligation générale de surveiller les domaines nationaux, d’autant plus que les visiteurs de ce site web étaient redirigés vers le domaine allemand www.luminarte.de. Ce site web, quant à lui, n’était pas clairement destiné à la Suisse. Ces considérations ne sont pas critiquables. L’auteur de l’infraction ne peut pas s’attendre à ce que l’ayant droit surveille en permanence tous les mouvements effectués sur le marché (c. 9.3.4). Si le titulaire tolère une atteinte à son droit, la période de tolérance après laquelle la péremption doit être admise dépend des circonstances spécifiques de chaque cas. La jurisprudence en matière de droit des signes distinctifs fluctue entre quatre et huit ans. Dans deux cas particuliers, une péremption a été admise après des périodes d'un an et demi et de deux ans. Toutefois, le temps écoulé n'est pas le seul facteur décisif. La question déterminante est de savoir si l’auteur de l’infraction pouvait, d’un point de vue raisonnable et objectif, supposer que l’ayant droit tolérait son comportement. En l’espèce, il ne peut être déduit des constatations de fait de l'arrêt attaqué que de telles circonstances particulières étaient présentes déjà après une période de trois ans. Comme l’a considéré avec raison le tribunal de commerce, la défenderesse n’a pas commis d’abus de droit manifeste au sens de l’art. 2 al. 2 CC (c. 9.4.2). Enfin, la recourante reproche à l’instance précédente d’avoir, partiellement, admis l’action en nullité (c. 10). Dans le cadre de l’action en nullité se fondant sur l’art. 52 LPM, les marques en cause doivent être comparées telles qu’inscrites au registre. La similarité des produits doit s’apprécier en prenant en compte les produits pour lesquels les marques revendiquent la protection, selon leur inscription au registre (c. 10.3). On ne saurait reprocher à l’instance précédente une violation du droit fédéral lorsqu’elle a constaté que la marque suisse de la recourante était nulle pour la plupart des produits revendiqués (c. 10.5). En résumé, c’est à juste titre que le tribunal de commerce a considéré que les signes de la plaignante sont (dans une large mesure) exclus de la protection des marques en vertu de l'art. 3 al. 1 lit. c LPM. L’action en cessation fondée sur l’art. 55 al. 1 LPM, en lien avec l’art. 13 al. 2 LPM, doit donc être admise. C’est également à juste titre que le tribunal de commerce a admis l’action en constatation fondée sur l’art. 52 LPM (c. 11). Le recours est rejeté (c. 12). [SR]