L’instance précédente considère
que le signe « APPLE » est compris par le cercle des
destinataires pertinents comme « Apfel »,
et que dès lors ce signe est descriptif du contenu thématique ou de
l’aspect des produits ou services revendiqués (c. G.). La
recourante estime, du fait de sa notoriété que le cercle des
destinataires pertinents comprendra le signe « APPLE »
comme l’indication de la provenance industrielle des biens ou
services revendiqués (c. 4.2). Lors de l’examen du caractère
distinctif originaire, une éventuelle notoriété de la marque ne
doit pas être prise en considération. En l’espèce, la requérante
ne fait pas valoir un caractère distinctif acquis par l’usage.
C’est donc à juste titre que l’instance précédente a associé
le signe « APPLE » au vocabulaire de base anglais l’a
traduit en « Apfel »
(c. 4.4).
L’instance précédente a refusé
l’enregistrement du signe « APPLE » au motif que la
forme de pomme était déjà utilisée et par conséquent pas
inattendue. Le motif de pomme est également usuel. Enfin, la pomme
est une forme tridimensionnelle usuelle pour certains des produits et
services revendiqués en classes 14 et 28.
Les signes qui décrivent un aspect
possible des produits revendiqués ne sont protégeables qu’à la
condition d’être distinctifs, soit qu’ils se distinguent
suffisamment des formes usuelles et habituelles.
Les biens et services de la classe
14 sont acheté principalement pour leur esthétique. Les motifs
possédant une forte symbolique sont particulièrement populaires. En
l’espèce, le motif ou la forme de pomme, en tant que symbole de la
vie éternelle, de la séduction ou de la fertilité ne sont pas
inattendus.
Les produits ou les services ayant
un aspect particulier sont généralement commercialisés avec une
indication à celui-ci. L’inscription d’un concept générique a
pour conséquence de monopoliser également l’aspect en question.
Le besoin de libre disposition n’est donc pas limité aux concepts
qui désignent une forme typique ou caractéristique. Comme il
n’existe pas de synonyme permettant de décrire une pomme, il
existe bel et bien un besoin de libre disposition absolu (c. 5.1.1).
Les indications relatives à la forme, l’emballage ou l’aspect ne
sont pas protégeables si elles sont usuelles pour les produits et
services revendiqués, ou s’il en résulte un avantage d’usage.
Le lien entre la marque et la marchandise doit être reconnaissable
sans effort mental particulier. L’effet bloquant d’une marque
verbale qui renvoie à l’aspect de des produits ou services
revendiqués est limité à l’usage du mot en question, et ne
s’étend pas à l’utilisation de la forme ou de l’aspect
décrit. Les indications relatives à l’emballage doivent être
examinées avec plus d’attention afin de garantir que les
emballages les moins compliqués techniquement ou les moins chers
restent à la libre disposition des concurrents (c. 5.2.2). Les
indications relatives à la forme, l’aspect ou l’emballage
appartiennent au domaine public lorsque celles-ci sont usuelles en
lien avec les produits et services revendiqués. C’est le rapport
entre la marque et l’aspect qui doit être reconnaissable sans
effort particulier (c. 5.2.3). L’arrêt « Milchbärchen »
(cf. N 175, arrêt du TAF B-2054/2011) n’a pas conduit à un
durcissement de la jurisprudence selon laquelle les signes indiquant
la forme des marchandises appartiennent au domaine public dès lors
que ce lien est possible et non inattendu. Une marque verbale ne peut
pas être examinée comme une marque de forme. En effet, un signe
verbal ne monopolise pas la forme elle-même. En effet, seuls les
mots indiquant une forme usuelle appartiennent au domaine public (c.
5.2.4). La force distinctive d’une marque verbale ne dépend pas
immédiatement de l’originalité de la forme décrite, et un signe
ne doit pas être refusé immédiatement si la forme décrite n’est
pas inattendue (c. 5.2.5). Les sites étrangers peuvent être
utilisés afin de déterminer l’appartenance au domaine public d’un
signe s’ils sont pertinents pour le cercle des destinataires
pertinents en Suisse bien qu’il faille adopter un point de vue
critique afin de tenir compte des particularités du marché suisse
(c. 5.3.3). Les preuves apportées par l’instance inférieure,
ainsi que le fait qu’une recherche sur internet montre peu de
produits en forme de pomme ou utilisant un motif de pomme ne permet
pas de conclure au caractère usuel du signe « APPLE »
pour les marchandises en classe 14 telles que les montres, montres
bracelet, etc. (c. 5.3.3). Concernant les bijoux en classe 14, et
malgré le grand nombre de formes à disposition, les pièces ayant
une symbolique importante occupent une place particulière. Les
motifs liés à la beauté, la sensualité, la masculinité ou la
féminité, la tradition ou la richesse sont particulièrement
prisés. Les motifs liés à la nature, au sein desquels la pomme
occupe une place particulière ont une symbolique très forte. La
pomme, dans la culture eurasiatique symbolise la fertilité, la
beauté, l’amour et l’immortalité en plus d’être dans la
tradition chrétienne le fruit de la connaissance et de la tentation.
Dans le domaine des bijoux, la pomme est ainsi régulièrement
utilisée, si bien qu’en tant que forme ou que motif, la pomme est
usuelle. Le signe « APPLE » sera compris par le cercle
des destinataires pertinent sans effort particulier comme une
indication de forme, et bien que la marque verbale ne monopolise pas
la forme de pomme en elle-même, le signe doit être, en tant
qu’indication de forme, laissé à la libre disposition (c. 5.4.1).
Les bijoux revendiqués en classe 14 font partie du terme générique
« edelmetallen oder
plattiert ». La
protection étant refusée dès lors que qu’il existe un motif
d’exclusion pour une partie des produits ou services compris dans
ce terme générique, l’inscription doit également être refusée
pour « edelmetal »
(c. 5.4.2) L’appartenance de la pomme au domaine public, ainsi que
le signe « APPLE » décrivant cette forme est également
valable pour les « spiele
etc » de la classe 28. Il est cependant possible de se demander
si le signe est descriptif également pour les marchandises définies
par leur contenu (probablement un mot juste dans le thésaurus). La
pomme, de par sa forme simple et sa fréquente utilisation est
également un motif apprécié, en particulier pour les produits à
destination des jeunes enfants. Le signe « APPLE » est
donc compris comme une indication de contenu et appartient ainsi au
domaine public. L’inscription est donc refusée également pour ces
marchandises (6.4). Le TAF rappelle également qu’en droit des
marques, la pratique liée à l’enregistrement est très
casuistique, si bien que lorsqu’il s’agit de déceler une
inégalité de traitement, de petites différences entre les signes
comparés peuvent avoir une importance considérable (c. 7.2). Les
signes construits d’une autre manière (Trois Pommes, Fast Fruit et
Blooming Rose), ou les signes ayant une autre signification ne sont
pas comparables du point de vue de l’égalité de traitement. Les
signes enregistrés depuis plus de 8 ans non plus, dans la mesure où
leur enregistrement ne correspond plus à la pratique actuelle (c.
7.3). Le fait qu’un signe soit enregistré à l’étranger ne
permet pas de préjuger de l’imprescriptibilité
d’un signe (c. 7.4). Le recours est donc partiellement admis, et le
signe « APPLE » est enregistrable pour les produits
revendiqués en classe 14. [YB]