Disposition

     CP (RS 311.0)

          Art. 292

30 novembre 2011

TF, 30 novembre 2011, 4A_478/2011 (f) (mes. prov.)

sic! 6/2012, p. 412-413, « Risque de disparition de moyens de preuve » (Schlosser Ralph, Remarque) ; mesures provisionnelles, programme d’ordinateur, recours, motivation du recours, préjudice irréparable, bonne foi, injonctions sous menace des peines de l’art. 292 CP, preuve à futur, irrecevabilité, valeur litigieuse, connexité, concurrence déloyale, droit du travail, arbitraire dans la constatation des faits, motivation de la décision ; art. 9 Cst., art. 29 al. 2 Cst., art. 74 al. 2 lit. b LTF, art. 93 al. 1 lit. a LTF, art. 107 al. 2 LTF, art. 6 LCD, art. 5 al. 1 CPC, art. 15 al. 2 CPC, art. 158 CPC, art. 261 al. 1 lit. a CPC, art. 292 CP.

Vu la jurisprudence (ATF 134 I 83 [cf. N 439]) et en vertu du principe de la bonne foi (art. 9 Cst.), il ne peut pas être reproché aux recourantes de ne pas expliquer davantage en quoi consiste le préjudice irréparable (art. 93 al. 1 lit. a LTF) pouvant être causé par la décision — (incidente) sur mesures provisionnelles — attaquée. Ce n'est en effet que dans l'ATF 137 III 324 (cf. N 208) (publié au Recueil officiel après le dépôt du présent recours en matière civile) que le TF précise que, dans un recours au TF contre une telle décision, le recourant doit démontrer dans quelle mesure il est concrètement menacé d'un préjudice irréparable de nature juridique (c. 1.1). S'agissant des injonctions sous menace des peines de l'art. 292 CP, les recourantes ne démontrent pas qu'elles sont exposées à un préjudice (de nature juridique) qu'une décision finale favorable ne pourrait pas faire disparaître entièrement (c. 1.1). Les questions de savoir s'il existe un risque qu'un moyen de preuve disparaisse et si ce risque justifie l'administration d'une preuve à futur (art. 158 CPC) touchent le bien-fondé de la requête et ne peuvent donc pas être tranchées au stade de la recevabilité du recours. Ce n'est qu'en cas d'admission du recours — qui concerne aussi bien des injonctions que la conservation de preuves — et de réforme (art. 107 al. 2 LTF) qu'il faut dire si le recours est partiellement irrecevable (c. 1.1 in fine). En raison de la connexité entre les différents fondements de la requête, la prétention fondée sur le droit du travail relève également (art. 15 al. 2 CPC) de l'instance cantonale unique appelée à statuer sur les actions fondées sur la LDA et la LCD (art. 5 al. 1 CPC) et le recours au TF n'est pas soumis à l'exigence d'une valeur litigieuse minimale (art. 74 al. 2 lit. b LTF) (c. 1.2). En se basant en partie sur de simples suppositions, les recourantes ne parviennent pas à démontrer que l'état de fait cantonal omet de manière arbitraire (art. 9 Cst.; c. 2.1.1) des faits importants propres à modifier la décision attaquée (c. 2.1.2) ou retient arbitrairement certains faits (c. 2.1.3). Il n'y a par ailleurs rien d'arbitraire à considérer avec circonspection les déclarations du représentant des recourantes et à admettre qu'elles ne peuvent pas fonder la vraisemblance exigée (c. 2.1.3-2.1.4). Le refus des mesures provisionnelles se justifie pour le seul motif que les recourantes ne sont pas parvenues à rendre vraisemblable que leurs droits étaient l'objet d'une atteinte ou risquaient de l'être (art. 261 al. 1 lit. a CPC), sans qu'il ne soit nécessaire de se pencher sur la question de la titularité des droits d'auteur (c. 2.1.5). La motivation de la décision attaquée est suffisante (art. 29 al. 2 Cst.; c. 2.2.1) puisqu'elle montre clairement que les mesures provisionnelles sont refusées en raison du fait que les recourantes ne rendent pas vraisemblables les faits (exploitation de façon indue du code-source de logiciels) permettant l'application de l'art. 6 LCD (c. 2.2.2). La cour cantonale a également suffisamment motivé (art. 29 al. 2 Cst.) son refus d'ordonner des preuves à futur (art. 158 CPC) (c. 2.2.3).

13 mai 2009

TF, 13 mai 2009, 1B_250/2008 (d)

sic! 9/2009, p. 626-627, « Abfallbehälter » ; injonctions sous menace des peines de l’art. 292 CP, suspension de procédure, tribunal civil, tribunal pénal, compétence matérielle, mesures provisionnelles, mesures superprovisionnelles ; art. 29 al. 1 Cst., art. 292 CP.

Ce n'est pas au tribunal civil d'examiner si un comportement constitue une insoumission à une décision de l'autorité au sens de l'art. 292 CP de la communcation duquel est assortie une ordonnance de mesures superprovisoires. L'autorité chargée de l'instruction pénale, compétente pour trancher, doit limiter son examen à la question de savoir si l'interdiction judiciaire a été violée et ne doit pas décider d'une éventuelle violation des dispositions du droit des biens immatériels. Même s'il y a une corrélation entre les procédures pénale et civile, le sort de l'action civile n'a « pas d’importance constitutive » dans la détermination d'une éventuelle violation de l'art. 292 CP. La suspension de la procédure pénale pour violation de cette disposition jusqu'à la clôture de la procédure civile pourrait être constitutive d'un retard injustifié.

06 décembre 2007

HG ZH, 6 décembre 2007, HG 920584 (d)

sic! 7/8/2008, p. 545- 516, « Rohrschelle IV » ; action, action en remise du gain, gain, preuve, injonctions sous menace des peines de l'art. 292 CP ; art. 43 CO, art. 423 CO, art. 493 CO, art. 292 CP.

Dans la détermination du montant du gain qui doit être restitué sous commination des peines de l'art. 292 CP, il n'est pas suffisant de communiquer le chiffre d'affaires, les frais d'acquisition des produits et les coûts fixes, mais bien toutes les pièces comptables permettant un calcul plus fin du gain. Il peut être attendu du défendeur qu'il ait conservé ces pièces en tout cas à partir du moment où il a su que son activité pouvait déboucher sur une éventuelle action en remise du gain. Le calcul du gain réalisé se fait en fonction du chiffre d'affaires brut, moins une part des coûts fixes qui ne peut être déterminée que si des documents comptables suffisamment précis ont été communiqués. Il ne s'agit en effet pas de s'arrêter à une partie proportionnelle des frais fixes (par rapport au chiffre d'affaires global du défendeur), mais de déterminer dans quelle mesure les frais généraux ont été augmentés du fait de l'activité délictuelle. Le plus souvent, celle-ci n'influe que très marginalement sur des frais de personnel et sur les investissements matériels nécessaires à l'entreprise. Cela doit être pris en compte dans le calcul du gain net dont la restitution peut être exigée.

06 mars 2008

TF, 6 mars 2008, 4A_31/2008 (d)

sic! 7/8/2008, p. 543-545, « Druckweiterverarbeitung » ; exécution de jugement, mesures provisionnelles, action en interdiction, injonctions sous menace des peines de l’art. 292 CP ; art. 98 LTF, art. 77 LBI, art. 292 CP.

La prétention en abstention prévue par l'art. 77 LBI ne peut être exécutée en elle-même, mais ne peut être que garantie par la contrainte indirecte d'une commination de sanction pénale. Lorsque le recours ne porte pas sur la mesure provisoire elle-même au sens de l'art. 77 LBI, mais sur le jugement qui refuse de la faire exécuter, les limitations prévues par l'art. 98 LTF quant à la violation du seul droit constitutionnel n'entrent pas en ligne de compte.

13 février 2013

TFB, 13 février 2013, O2012_036 (d)

sic! 12/2013, p. 770-772, « Reiseadaptateur » ; violation d’un brevet, adaptateur électrique de voyage, action en fourniture de renseignements, obligation de renseigner, injonctions sous menace des peines de l’art. 292 CP, décision incidente ; art. 423 CO, art. 66 lit. b LBI, art. 292 CP.

La demanderesse, dans sa demande principale, requiert la remise du gain de la défenderesse, car celle-ci a vendu des adaptateurs électriques de voyage entrant dans le champ de protection d'un brevet de la demanderesse (c. 3.2). Dans le cadre de son action fondée sur l'art. 423 CO, la demanderesse a la charge de prouver le bénéfice brut de la défenderesse. Ce chiffre est inconnu de la demanderesse, raison pour laquelle elle dépend de la défenderesse pour obtenir les informations nécessaires (c. 4.2). L'art. 66 LBI contient une obligation matérielle de fournir des renseignements. L'argumentation de la défenderesse, selon laquelle la demanderesse, ayant elle-même empêché l'administration complète des preuves, agit de mauvaise foi en fourniture de renseignements, ne peut ainsi pas être retenue (c. 4.4). Le droit d'obtenir des renseignements en procédure incidente s'étend à ce qui est nécessaire pour poursuivre la demande principale. Les renseignements visés par ce droit comprennent l'étendue et la durée des actes illicites ou la présentation d'un catalogue des produits vendus. Les renseignements de nature comptable couvrent, quant à eux, le nombre de produits livrés, les coordonnées des acquéreurs (avec nom et adresse), le moment de la livraison et le prix de vente ainsi que les coûts d'acquisition ou de fabrication. La défenderesse n'a contesté aucun des renseignements demandés, mais s'est contentée de faire valoir son impossibilité de communiquer les noms des clients, car ceux-ci n'ont pas été enregistrés lors de la vente des objets litigieux. Le fait que la défenderesse ne dispose pas des noms des acquéreurs des produits litigieux doit toutefois être pris en compte (c. 4.5). L'obligation faite à la défenderesse de fournir les renseignements demandés, y compris les renseignements comptables, est confirmée et doit être assortie de la menace des peines de l'art. 292 CP (c. 5). [JD]

05 janvier 2015

HG AG, 5 janvier 2015, HSU.2014.68/DP/mv (d) (mes. prov.)

sic! 7-8/2015, p. 449-455, « Totenkopf-Tatoo » ; mesures provisionnelles, droit international privé, vraisemblance, œuvre de service, montre, présomption de la qualité d’auteur, principe du créateur, risque de récidive, précision des conclusions, œuvre, double création, préjudice irréparable, urgence, péremption du droit d’agir, principe de la proportionnalité ; art. 2 ch. 1 CL, art. 60 ch. 1 CL, art. 332 al. 1 CO, art. 2 al. 1 LDA, art. 6 LDA, art. 8 LDA, art. 62 al. 1 lit. a LDA, art. 261 al. 1 CPC, art. 343 al. 1CPC, art. 10LDIP, art. 109 al. 2LDIP, art. 110 al. 1LDIP, art. 129 LDIP, art. 292 CP.

La CL prévoit une compétence internationale des tribunaux suisses pour prononcer des mesures provisionnelles. Au niveau national, la compétence locale se détermine d’après l’art. 10 LDIP, qui l’attribue soit aux tribunaux compétents au fond, soit aux tribunaux du lieu d’exécution de la mesure (c. 2.2). Comme l’intimée a son siège à Genève, il existe une compétence internationale des tribunaux suisses pour se prononcer sur le fond, d’après les art. 2 ch. 1 et 60 ch. 1 CL (c. 2.3). Au niveau national, les art. 109 al. 2 et 129 LDIP prévoient la compétence des tribunaux du lieu de l’acte ou du résultat. Comme le requérant a rendu vraisemblable que les montres litigieuses pouvaient être commandées à Wettingen et étaient livrées depuis là, la compétence des tribunaux argoviens est donnée (c. 2.4). Pour obtenir une interdiction par voie de mesures provisionnelles, le requérant doit rendre vraisemblable que les conditions de l’art. 261 al. 1 CPC sont remplies (c. 4). Une allégation est vraisemblable lorsque le juge n’est pas totalement convaincu de sa véracité, mais qu’il la considère comme globalement vraie, quand bien même tous les doutes ne peuvent être écartés. Certains éléments doivent parler pour les faits prétendus, même si le tribunal compte encore avec l’éventualité qu’ils puissent ne pas être réalisés (c. 5). D’après l’art. 110 al. 1 LDIP, les droits de la propriété intellectuelle sont régis par le droit de l'État pour lequel la protection de la propriété intellectuelle est revendiquée (c. 6.2.1). Le principe connu en droit anglais du « work for hire », selon lequel le droit d’auteur appartient originairement à l’employeur ou au mandant du créateur, n’est donc pas applicable en l’espèce (c. 6.2.2). L’art. 8 LDA prévoit une présomption légale de la qualité d’auteur et un renversement du fardeau de la preuve: celui qui est indiqué comme auteur sur l’exemplaire de l’œuvre ou au moment de sa publication bénéficie de la protection de la LDA, jusqu’à preuve du contraire. D’après le principe du créateur de l’art. 6 LDA, l’auteur est la personne physique qui a créé l’œuvre et l’art. 332 al. 1 CO n’est pas applicable (c. 6.3.1). Le requérant a ainsi la légitimation active (c. 6.3.3). Ses conclusions sont suffisamment précises et il faut retenir un risque de récidive, car il est rendu vraisemblable que l’intimée fabrique et commercialise les montres visées par l’interdiction (c. 6.4.2). Pour déterminer si la tête de mort dessinée par le requérant est protégée, il est décisif de savoir s’il s’agit d’une création de l’esprit humain ayant un caractère individuel. C’est l’individualité de l’œuvre qui est déterminante, pas celle de l’auteur (c. 6.5.2). L’intimée n’est pas parvenue à rendre vraisemblable qu’il existait d’autres créations semblables à celle du requérant, avant que celui-ci ne réalise la sienne. Cette dernière à la qualité d’œuvre au sens de l’art. 2 LDA (c. 6.5.3). Quant à lui, le requérant a rendu vraisemblable que sa tête de mort, sur les montres litigieuses, était reconnaissable dans son caractère individuel. L’allégation de l’intimée, selon laquelle elle se serait inspirée de crânes en sucre mexicains, sans connaître l’œuvre du requérant, n’est pas suffisamment motivée pour pouvoir juger d’une éventuelle double création (c. 6.6.3). Il est notoire que les actions en dommages-intérêts, dans le domaine de la propriété intellectuelle, sont souvent très coûteuses et difficiles à mener. De plus, il paraît vraisemblable qu’une menace de dilution du droit d’auteur pèse sur le requérant, en raison des actes illicites, ce qui pourrait aussi nuire à sa réputation. La condition du préjudice difficile à réparer est donc réalisée (c. 7.3 et 7.4). L’urgence existe lorsqu’un procès ordinaire durerait clairement plus longtemps qu’une procédure de mesures provisionnelles. Une éventuelle péremption du droit d’agir se juge d’après la durée du procès au fond (c. 8.2). En l’espèce, le requérant a attendu environ un an avant de demander des mesures provisionnelles. Cela est clairement inférieur au temps nécessaire pour obtenir un jugement au fond, si bien que la condition de l’urgence est réalisée (c. 8.3 et 8.4). L’interdiction provisionnelle doit toutefois satisfaire au principe de la proportionnalité: elle se limitera à ce qui est nécessaire (c. 9 et 9.1). L’interdiction de mettre en circulation les montres litigieuses et de les promouvoir est proportionnée, mais pas celle de les garder en stock (c. 9.3.2). Comme mesures d’exécution, la menace de la peine prévue à l’art. 292 CP et l’amende d’ordre selon l’art. 343 al. 1 lit. b CPC sont appropriées (c. 10). [VS]

CL (RS 0.275.12)

- Art. 60

-- ch. 1

- Art. 2

-- ch. 1

CO (RS 220)

- Art. 332

-- al. 1

CP (RS 311.0)

- Art. 292

CPC (RS 272)

- Art. 343

-- al. 1

- Art. 261

-- al. 1

LDA (RS 231.1)

- Art. 8

- Art. 6

- Art. 62

-- al. 1 lit. a

- Art. 2

-- al. 1

LDIP (RS 291)

- Art. 10

- Art. 109

-- al. 2

- Art. 129

- Art. 110

-- al. 1

30 août 2013

TFB, 30 août 2013, S2013_008 (d) (mes.prov.)

sic! 3/2014, p. 160-162, « Muffenautomat » ; secret de fabrication ou d’affaires, Tribunal fédéral des brevets, mesures provisionnelles, violation d’un brevet, description à des fins de renseignements, procédé de fabrication, description d’un procédé de fabrication, participation à la description, avocat, conseils en brevets, devoir de discrétion, manchon ; art. 77 LBI, art. 158 CPC, art. 261 al. 1 CPC, art. 292 CP; cf. N 755 (vol. 2012- 2013 ; TFB, 14 juin 2012, S2012_007) et N 932 (TFB, 11 juillet 2014, S2013_011 ; sic! 1/2015, p. 54-57, « Muffenautomat II »).

Bien qu’il soit possible d’interdire à la demanderesse de participer à l’établissement de la description précise du procédé de fabrication de manchons si cette description implique la divulgation de secrets d’affaires, l’avocat et le conseil en brevets de la demanderesse peuvent participer à l’établissement de la description. L’avocat et le conseil en brevets de la demanderesse peuvent également recourir aux services d’un technicien indépendant si cela s’avère être nécessaire pour la description (c. 7-8). Le technicien est lui aussi soumis au devoir de discrétion. La description est directement faite sur place, imprimée, présentée à la défenderesse et à l’avocat de la demanderesse pour contrôle de son exactitude et de son intégralité ainsi que pour signature (c. 7). Comme l’énonce l’art. 77 al. 5 LBI, le tribunal envoie ensuite la description pour commentaire à la défenderesse. Celle-ci bénéfice d’un délai fixé par le tribunal pour indiquer d’éventuels secrets d’affaires figurant dans la description et qui ne doivent pas être divulgués à la demanderesse (c. 8). Le devoir de discrétion prend fin avec la notification de la description à la demanderesse, mais perdure pour les informations contenues dans la description et qui n’ont pas été communiquées à la demanderesse. La violation du devoir de discrétion est sanctionnée selon l’art. 292 CP (insoumission à une décision de l’autorité) par une amende (c. 7). [CB]

12 mai 2014

TFB, 12 mai 2014, S2013_004 (d) (mes. prov.)

Mesures provisionnelles, urgence, principe de la proportionnalité, violation d’un brevet, action en cessation, médicament générique, maladie digestive, vraisemblance, Tribunal fédéral des brevets, juge suppléant de formation technique, préjudice difficilement réparable, produits pharmaceutiques, Office européen des brevets ; art. 183 al. 3 CPC, art. 261 al. 1 CPC, art. 292 CP ; cf. N 930 (TFB, 12 mai 2014, S2013_003) et N 940 (TF, 15 décembre 2014, 4A_362/2014).

Selon l’art. 261 al. 1 CPC, le tribunal ordonne l'octroi de mesures provisionnelles lorsque le demandeur rend vraisemblable qu’une prétention dont il est titulaire réunit les deux conditions suivantes : cette prétention est l’objet d’une atteinte ou risque de l’être ; cette atteinte peut causer au demandeur un préjudice difficilement réparable. Le tribunal ajoute à ces critères les conditions d’urgence et de proportionnalité de la mesure requise (c. 4.1). En l’espèce, le demandeur, une société pharmaceutique, soutient que le défendeur doit cesser de mettre en circulation des médicaments génériques, utilisés pour traiter certaines maladies digestives, car ils violeraient le brevet européen, protégé en Suisse, dont il est le titulaire (c. 3.2). Ce brevet, dans un premier temps révoqué par la division d’opposition de l’OEB, a ensuite été reconnu valable par une des Chambres de recours de cet office, l’affaire étant pendante devant la Grande Chambre de recours de l’OEB à la date du présent arrêt (c. 3.3 et 4.2). Suite à la décision rendue par la Chambre de recours de l’OEB, le défendeur prétend avoir cessé de distribuer les médicaments litigieux et avoir modifié la composition de ses médicaments. L’analyse des médicaments modifiés, réalisée par le demandeur pour démontrer la violation de son brevet, est contestée par le défendeur. Selon le tribunal, des doutes existent quant à l’arrêt de la distribution des médicaments litigieux, car le défendeur continue de contester toute violation du brevet dont le demandeur est titulaire (c. 4.3). Le tribunal, qui se fonde sur l’expertise du juge suppléant de formation technique (art. 183 al. 3 CPC), considère que le brevet du demandeur est valable (c. 4.4) et qu’il s’agit d’un cas de violation du brevet, le défendeur n’ayant pas rendu vraisemblable la nullité du brevet (c. 4.6). Le tribunal constate l’existence d’un préjudice difficilement réparable, l’urgence (c. 4.7 et 4.8) et ordonne l'octroi de mesures provisionnelles. Le tribunal interdit au défendeur, jusqu’à l’expiration de la période de protection du brevet dont le demandeur est titulaire, d’importer lui-même ou de faire importer par des tiers les médicaments litigieux, de les stocker, de les vendre ou de les faire distribuer sur le marché suisse. Le tribunal ordonne également le rappel des médicaments litigieux. [CB]

18 mars 2014

AG BS, 18 mars 2014, ZK.2014.5 (d) (mes.prov.)

Concurrence déloyale, incitation à rompre un contrat, carburant, mesures superprovisionnelles ; art. 2 LCD, art. 4 lit. a LCD, art. 261 al. 1 CPC, art. 265 al. 1 CPC, art. 292 CP.

La demanderesse, spécialisée dans la distribution de carburant, a conclu un contrat de livraison avec la société Delta Auto AG, qui a exploité une station-service à Riehen, et dont le défendeur est l’unique actionnaire. Suite à une violation du contrat, la demanderesse considère notamment que la société, respectivement le défendeur, aurait agi de manière déloyale à son encontre. Elle requiert qu’il soit interdit au défendeur, à titre superprovisionnel, d’exploiter une station-service sur l’emplacement en son nom propre, en particulier de vendre du carburant ou du lubrifiant ou de lui faire de toute autre manière concurrence. L’art. 4 lit. a LCD prévoit qu’agit de façon déloyale celui qui incite un client à rompre un contrat en vue d'en conclure un autre avec lui. Cette disposition ne s’applique pas aux cas dans lesquels celui qui rompt un contrat le fait de sa propre initiative, sans y être incité. En l’espèce, il existe un litige de nature contractuelle entre la demanderesse et la société Delta Auto AG. Le défendeur est administrateur de la société, mais il n’est pas le partenaire contractuel de la demanderesse. En tant que personne morale, la société Delta Auto AG a pris ses décisions en son nom propre. Si le défendeur a repris l’exploitation de la station-service, et s’il se fournit auprès de tiers, il n’a pas pour autant « incité » la société Delta Auto AG à rompre son contrat avec la demanderesse, et il ne l’a en tout état de cause pas fait pour conclure un nouveau contrat avec Delta Auto AG. Par ailleurs, les actes commis ne tombent pas non plus sous le coup de la clause générale de l’art. 2 LCD (c. 3.3). La demande est rejetée (c. 4). [SR]

CP (RS 311.0)

- Art. 292

CPC (RS 272)

- Art. 265

-- al. 1

- Art. 261

-- al. 1

LCD (RS 241)

- Art. 4

-- lit. a

- Art. 2

06 février 2014

HG ZH, 6 février 2014, HG130037 (d)

Droit de la personnalité, droit au nom, concurrence déloyale, usurpation, risque de confusion admis, nom de domaine, Internet, site Internet, sigle, signe descriptif, force distinctive faible, cercle des destinataires pertinent, action en constatation, action en cessation, demande reconventionnelle, banque, canton, lettre ; art. 29 al. 2 CC, art. 292 CP.

La demanderesse est détentrice des noms de domaine « ...-blog.ch », « ...- online.ch » et « ...24.ch », débutant par un sigle identique au sigle de la défenderesse, sur lesquels elle publie principalement des articles financiers. Elle demande qu’il soit constaté qu’elle est titulaire de ces noms de domaine, et qu’elle n’a violé aucun des droits de la défenderesse, une banque cantonale. Cette dernière demande reconventionnellement qu’il soit interdit à la demanderesse d’utiliser son sigle comme élément principal dans le cadre commercial en Suisse, et qu’il lui soit ordonné de lui transférer ces noms de domaine. Selon l’art. 29 al. 2 CC, celui qui est lésé par une usurpation de son nom peut intenter action pour la faire cesser. Un sigle peut bénéficier de la protection du droit au nom lorsque le public le perçoit comme un nom. L’existence d’un risque de confusion est décisive pour l’application de l’art. 29 al. 2 CC, également lorsqu’un nom est utilisé comme nom de domaine. Un tel risque existe notamment lorsqu’il y a un danger que des utilisateurs souhaitant visiter la page d’accueil du titulaire du droit au nom aboutissent de manière involontaire sur une autre page (c. 4.1.1). La défenderesse a établi de manière convaincante qu’elle utilise son sigle aux niveaux régional et suprarégional, est qu’elle est connue sous cette désignation. Les banques cantonales, à tout le moins dans la partie germanophone de la Suisse, abrègent leur nom comme la défenderesse le fait depuis plus de dix ans : les deux dernières lettres « KB » signifient « Kantonalbank », et la première ou les deux premières lettres désignent le canton concerné. Le sigle utilisé par la défenderesse est propre à la distinguer des autres sujets de droit. En raison de cette fonction d’individualisation, il jouit de la protection du droit au nom. La banque cantonale bénéficie d’une priorité, puisqu’elle a lancé en 2001 son site web, sur lequel elle utilise son sigle, alors que la demanderesse n’a enregistré les noms de domaines litigieux qu’en octobre 2012 (c. 4.1.3). Ces noms de domaine se composent de deux éléments, soit d’abord le sigle protégé par le droit au nom, puis une désignation d’activité (« blog », « online ») ou un numéro (« 24 »). Dans les trois noms de domaine, le deuxième élément est descriptif, et n’a donc qu’une très faible force distinctive. Ainsi, pour chacun d’entre eux, le sigle est l’élément déterminant pour l’impression d’ensemble qu’ils produisent. Les deux parties s’adressent au même cercle de destinataires. Le risque que la banque cantonale soit associée à la demanderesse est évident. Les éléments descriptifs présents dans les trois adresses litigieuses renforcent encore l’impression d’une relation avec la banque cantonale. L’adjonction « blog » évoque un portail de nouvelles en ligne, tel que l’offre la banque sur son site. L’adjonction « online » évoque une présence sur Internet, comme l’exerce la banque depuis 2001. L’adjonction « 24 » suggère une accessibilité vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce qui est une caractéristique qu’on attend d’une banque cantonale, à tout le moins en ce qui concerne l’accès en ligne. Le fait qu’on puisse relativement facilement reconnaître, après avoir accédé aux sites de la défenderesse, qu’on ne se trouve pas sur le site de la banque, n’est pas décisif. Par l’utilisation des noms de domaines litigieux, la demanderesse lèse de manière illicite les intérêts juridiquement protégés de la défenderesse, en créant un risque de confusion. La demande reconventionnelle est admise. La question de savoir si les actes de la demanderesse constituent aussi des actes de concurrence déloyale peut être laissée ouverte (c. 4.1.5). [SR]

11 juillet 2016

TF, 11 juillet 2016, 4A_406/2015 (d)

Droit des marques, action en interdiction, amende d’ordre, insoumission à une décision de l’autorité, recours en matière civile, usage à titre de marque, exécution de jugement, précision des conclusions, mesures provisionnelles, mesures superprovisionnelles ; art. 98 LTF, art. 13 al. 2 LPM, art. 13 al. 2 lit. c LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM, art. 261 al. 1 lit. a CPC, art. 265 al. 1 CPC, art. 267 CPC, art. 268 al. 1 CPC, art. 343 al. 1 lit. a CPC, art. 343 al. 1 lit. c CPC, art. 292 CP.

Un recours contre une amende d’ordre prononcée pour insoumission à une décision de l’autorité est un recours en matière civile (c. 1.2). À la différence de l’interdiction provisoire prononcée dans le cadre de mesures provisionnelles suivant des mesures superprovisionnelles, l’amende d’ordre qui l’accompagne n’est en elle-même pas ordonnée à titre provisoire et ne constitue ainsi pas une décision portant sur une mesure provisionnelle au sens de l’art. 98 LTF (c. 1.4). Concernant l’exécution des jugements, en matière de mesures provisionnelles, l’art. 267 CPC prévoit que le tribunal qui a ordonné ces mesures prend également les dispositions d’exécution qui s’imposent. C’est ce qu’a fait le jugement de mesures provisionnelles dans le point du dispositif contre lequel s’élève le recours qui condamne le recourant à une amende d’ordre de Fr. 48'000.- pour ne pas avoir respecté pendant 48 jours les mesures superprovisionnelles confirmées par le jugement, assorties d’une menace de la peine prévue à l’art. 292 CP et prévoyant une amende d’ordre de Fr. 1'000.- pour chaque jour d’inexécution (c. 3). L’amende d’ordre de l’art. 343 al. 1 lit. c CPC permet en particulier de garantir l’exécution d’une interdiction d’agir, notamment dans les cas où l’interdiction ordonnée a pour conséquence que la partie condamnée est tenue d’abandonner un comportement illicite durable. En lien avec des mesures provisionnelles, et en particulier avec une interdiction superprovisoire, il convient en outre de tenir compte du fait que celles-ci (jusqu’à leur modification ou leur suppression) doivent être respectées, même si elles devaient par la suite s’avérer injustifiées. Même après qu’un jugement au fond a tranché autrement, une amende d’ordre peut être ordonnée pour le comportement intervenu dans l’intervalle en violation du jugement provisoire levé par la suite (c. 5.2). Les actions en interdiction doivent viser un comportement décrit de manière précise. La partie obligée doit ainsi savoir ce qu’elle n’ose plus faire et les autorités pénales ou d’exécution doivent également savoir quels actes elles doivent empêcher ou auxquels elles doivent infliger une peine. Lorsqu’elles sont saisies, ces autorités doivent uniquement examiner si la condition de fait (du renouvellement d’un comportement interdit par le juge civil) est remplie. Elles n’ont par contre pas à qualifier juridiquement ce comportement. Cela est vrai aussi lorsque l’interdiction a été prononcée dans le cadre de mesures superprovisionnelles sans l’audition de la partie adverse selon l’art. 265 al. 1 CPC. Dans ce cas toutefois, le tribunal doit être particulièrement attentif à la formulation de l’interdiction du moment que la partie adverse est privée tant de la possibilité de s’exprimer préalablement que de voies de droit contre le jugement rendu. L’interdiction provisoire doit ainsi être formulée de manière à ce qu’aucune question de droit matériel n’ait à être tranchée dans le cadre de la procédure d’exécution. Le requérant des mesures superprovisionnelles doit donc décrire de manière très concrète le comportement qui le menace et dont il souhaite obtenir l’interdiction au sens de l’art. 261 al. 1 lit. a CPC. Si les circonstances changent et que la partie adverse modifie sa manière de porter atteinte aux droits du requérant, les mesures provisionnelles peuvent être modifiées selon l’art. 268 al. 1 CPC (c. 5.3). La question de savoir si la publication sur Facebook d’une seule photo illustrant entre autres un coureur automobile dont le maillot arbore le sigle dont l’utilisation a été interdite, constitue une utilisation illicite dans les affaires au sens de l’ordonnance de mesures provisionnelles et une violation du droit des marques et de la concurrence, aurait dû être tranchée dans le cadre de la procédure de jugement civile. La portée de l’ordonnance de mesures superprovisionnelles n’est ainsi pas limitée de façon suffisamment précise, la formulation de l’art. 13 al. 2 LPM ne permettant pas de déterminer quel comportement concret constituerait dans le cas particulier une violation du droit à la marque et quel autre pas, ainsi que le démontre l’énumération des lit. c et e par exemple. Il ne ressort pas de l’ordonnance de mesures superprovisionnelles que toute publication du logo sur le profil Facebook de la recourante devrait être interdite sans exception et indépendamment de son contexte (photo souvenir de la cérémonie de remise des honneurs d’une course automobile). L’ordonnance en question ne suffit donc pas à fonder l’amende d’ordre querellée (c. 5.4). L’utilisation du logo sur le compte Instagram de la recourante constitue, elle, une violation de l’interdiction prononcée dans le cadre de l’ordonnance de mesures superprovisionnelles. Bien que la modification de son compte Instagram pour en supprimer le logo aurait impliqué un comportement actif de la part de la recourante, l’obligation d’opter pour un tel comportement peut également découler d’une ordonnance d’interdiction dans la mesure où, comme en l’espèce, elle résulte clairement des circonstances (c. 5.5). Lorsque l’ordonnance d’interdiction a été partiellement respectée et que le comportement incriminé ne s’est poursuivi que « de manière mineure » et par négligence, le montant de l’amende ne saurait être maximal et atteindre les Fr. 1'000.- par jour prévus par l’art. 343 al. 1 lit. c CPC (c. 6). Le recours est partiellement admis. [NT]

16 novembre 2016

TF, 16 novembre 2016, 4B_142/2016 (f)

« Google » ; décision incidente, préjudice irréparable, droit d’être entendu, déni de justice, surveillance de la correspondance, fournisseur d’accès, droit d’auteur, obligation  de dépôt, cybercriminalité, territorialité, entraide internationale, protection des données ; art. 18 CCC, art. 292 CP, art. 265 CPP, art. 269 CPP, art. 1 LSCPT.

Une décision par laquelle l’autorité d’instruction ordonne de produire des pièces est une décision incidente, qui ne peut faire l’objet d’un recours au TF que si elle peut causer un préjudice irréparable. Tel est le cas lorsque l’ordre de production est assorti de la menace des peines prévues à l’art. 292 CP (c. 1.1). Le droit d’être entendu implique notamment l’obligation pour l’autorité de motiver sa décision. Il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, ses motifs. Il peut se limiter à l’examen des questions décisives pour l’issue du litige. En l’espèce, l’autorité n’a pas commis de déni de justice formel (c. 2.1 et 2.2). Le champ d’application de l’art. 269 CPP (surveillance de la correspondance par poste et télécommunication) est défini à l’art. 1 de la loi fédérale sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (LSCPT, RS 780.1). Un simple fournisseur de messagerie électronique n’est pas un fournisseur d’accès à internet au sens de cette disposition. Dans leur teneur actuelle, les art. 269 ss CPP ne s’appliquent donc pas à ce genre de services. En revanche, en cas d’infractions au droit d’auteur commises au moyen d’un compte de messagerie électronique Gmail, les autorités de poursuite pénale peuvent se fonder sur l’art. 265 CPP (obligation de dépôt) pour ordonner la production de l’identité du détenteur du compte, les adresses IP utilisées pour créer ce compte, les logs de connexions et les adresses IP en relation avec ces logs (c. 3.1). La Convention de Budapest sur la cybercriminalité (CCC, RS 0.311.43) repose sur le principe de la territorialité : un Etat n’est pas habilité à prendre des mesures d’instruction et de poursuite pénale sur le territoire d’un autre Etat. Pour ce faire, l’Etat demandeur doit agir par le biais de l’entraide internationale (c. 3.2). Selon l’art. 18 CCC, chaque Etat partie doit habiliter ses autorités à ordonner à une personne présente sur son territoire de communiquer les données informatiques en sa possession ou sous son contrôle. Le lieu de stockage de ces données n’est à lui seul pas déterminant (c. 3.3). En l’espèce, la filiale suisse de Google conteste intervenir, à un titre ou à un autre, lors de l’ouverture ou de l’exploitation d’un compte Gmail, le système de messagerie étant du seul ressort de la société américaine. De plus, le pouvoir de représentation de cette dernière par la société suisse peut être reconnu dans d’autres matières du droit comme la protection des données (cf. ATF 138 II 346), mais non dans le cadre d’une procédure pénale nécessitant l’accès aux données de la messagerie (c. 3.5). Il n’est donc pas démontré que la société suisse ait un accès aux données litigieuses ou une maîtrise sur celle-ci. Or il découle tant de l’art. 18 CCC que de l’art. 265 CPP que la personne visée par l’injonction doit être le possesseur ou le détenteur des données visées, ou tout au moins en avoir le contrôle. La cause doit donc être renvoyée à la cour cantonale pour complément d’instruction sur ce point. S’il devait s’avérer que la société suisse ne peut effectivement pas, en fait et en droit, disposer des données litigieuses, l’autorité n’aurait pas d’autre choix que de recourir à l’entraide judiciaire internationale (c. 3.6). [VS]