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« Tarif commun 4i » ; tarif des sociétés de gestion, équité du tarif, durée de validité du tarif, prolongation automatique, devoir de négocier, pouvoir de cognition de la CAF ; art. 19 LDA, art. 20 LDA, art. 40 LDA, art. 46 al. 2 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA.

Tandis que l’équité de la redevance se détermine d’après l’art. 60 LDA, les autres dispositions du tarif relèvent d’une libre appréciation de la CAF d’après l’art. 59 al. 1 LDA (c. 3). Sous l’angle du contrôle de l’équité, la CAF doit aussi examiner la charge diachronique du tarif pour les utilisateurs (c. 4). La CAF n’a pas de jurisprudence bien établie en ce qui concerne les clauses tarifaires prévoyant une prolongation automatique du tarif pour une durée illimitée. L’équité de la durée de validité du tarif doit être examinée de cas en cas, en fonction du système tarifaire, des faits qui l’ont déterminé et de leur caractère durable ou au contraire changeant (c. 4.2). En l’espèce, le tarif contient une clause selon laquelle il se prolonge automatiquement d’année en année, sauf résiliation donnée par une partie au moins une année à l’avance. La durée de validité initiale de deux ans pourrait donc rester lettre morte et le tarif pourrait se prolonger à l’infini, sans que la CAF puisse à nouveau vérifier son équité. Cela paraît problématique, d’autant que les parties au tarif se sont réservées d’étendre ce dernier à d’autres appareils permettant la copie privée (c. 4.3). Les tendances en matière de copie privée sont en constante évolution. En particulier, les appareils ont des capacités de stockage de plus en plus grandes, et les prix sont en baisse. Il n’est donc pas garanti que le tarif soit toujours équitable dans cinq ou dix ans. Le besoin de flexibilité et de prévisibilité à long terme des parties est certes légitime. Mais, dans un environnement en mutation, il est difficilement compatible avec le devoir de négocier des sociétés de gestion, prévu par l’art. 46 al. 2 LDA, et de faire approuver le tarif par la CAF comme exigé par les art. 40 et 46 al. 2 LDA. L’admissibilité d’une clause de prolongation automatique dépend des circonstances et il s’impose en l’espèce de limiter son effet dans le temps, afin que les sociétés de gestion et les associations d’utilisateurs examinent à l’échéance si le tarif correspond toujours aux circonstances (c. 4.4). Il y a un certain déséquilibre entre les parties, s’agissant de la possibilité de résiliation. Les sociétés de gestion sont spécialisées dans les questions de gestion collective, ce qui n’est pas le cas des utilisateurs. Tendanciellement, il n’est pas à exclure que les sociétés de gestion n’aient aucun intérêt à résilier le tarif. De leur côté, les utilisateurs, moins organisés, pourraient oublier de procéder à une telle résiliation dans les délais. Et, s’ils le font, ce sera à eux de démontrer que le tarif est devenu inéquitable si les sociétés de gestion veulent le prolonger (c. 4.5). La limitation dans le temps de la prolongation automatique obligera les parties, à l’échéance, à examiner si le tarif est encore actuel. En cas de réponse affirmative, une requête de prolongation pourra être adressée à la CAF selon une procédure relativement simple et peu coûteuse (c. 4.6). Cette démarche peut être exigée pour éviter le risque d’un tarif inéquitable. Le mécontentement des parties concernant l’actuelle procédure d’approbation tarifaire, soumise à un système de triple instance et impliquant des décisions de renvoi aux autorités inférieures, n’est pas une raison d’instaurer une clause de prolongation automatique illimitée contournant le devoir de négocier et de soumettre les tarifs à la CAF. Une telle clause n’est pas équitable au sens de l’art. 59 al. 1 LDA (c. 4.7). L’accord des parties ne restreint pas la cognition de la CAF. Toutefois, cette dernière ne modifie qu’avec retenue un tarif sur lequel les parties sont d’accord. Sinon personne n’aurait de raisons de faire des concessions dans les négociations tarifaires et de rechercher une solution de compromis. Cependant, en l’espèce, il ne s’agit pas de modifier une disposition matérielle du tarif, mais uniquement sa durée de validité. Le droit d’être entendu au sens de l’art. 59 al. 2 LDA a été respecté et les sociétés de gestion ont accepté que la CAF modifie elle-même le tarif si elle devait l’estimer inéquitable. La CAF décide donc de limiter la prolongation automatique d’année en année, au plus tard jusqu’à fin 2020. Ainsi, le tarif aura une durée maximale de quatre ans (c. 4.8). [VS]

« Tarif commun K » ; tarif des sociétés de gestion, équité du tarif, durée de validité du tarif, prolongation automatique, devoir de négocier, pouvoir de cognition de la CAF ; art. 40 LDA, art. 46 al. 2 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA ; cf. N 1067 (CAF, 8 décembre 2016)

Même motivation que CAF, 8 décembre 2016, « Tarif commun 4i » (N 1067). En l’espèce, le marché des concerts et des spectacles serait en évolution parce que les recettes des sociétés de gestion ont continuellement augmenté ces dernières années, comme les coûts des organisateurs. De plus, ces derniers ont émis des doutes sur le tarif. Ces facteurs justifieraient une limitation dans le temps de la prolongation automatique, pour que les parties examinent à l’échéance si le tarif correspond toujours aux circonstances (c. 4.4). [VS]

« Tarif commun 1 » ; tarif des sociétés de gestion, équité du tarif, durée de validité du tarif, prolongation automatique, devoir de négocier, pouvoir de cognition de la CAF ; art. 40 LDA, art. 46 al. 2 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA ; cf. N 1067 (CAF, 8 décembre 2016)

Même motivation que CAF, 8 décembre 2016, « Tarif commun 4i » (N 1067). En l’espèce, le marché de la retransmission serait en évolution parce que la part de la télévision dans les offres groupées est de moins en moins importante selon les utilisateurs. De plus, les réseaux doivent constamment être améliorés en raison des besoins accrus en bande passante dus à Internet et à la haute définition, ce qui a une incidence sur les prix des abonnements. Dans un environnement en mutation, il n’est pas exclu que les études sur lesquelles repose le tarif soient vite dépassées (c. 4.4). La doctrine s’est prononcée en faveur de tarifs avec une durée de validité ouverte surtout en raison de la problématique de l’entrée en vigueur rétroactive des nouveaux tarifs et pour éviter des périodes de vide tarifaire. Mais les tarifs de sociétés de gestion contiennent désormais des clauses empêchant un vide tarifaire tant qu’un nouveau tarif n’est pas encore entrée en vigueur. De plus, une prolongation automatique des tarifs n’occasionne pas forcément une économie de la procédure (c. 4.5). [VS]

22 octobre 2018

TAF, 22 octobre 2018, B-3812/2016 (d)

« Tarif A Fernsehen (Swissperform) » ; tarifs des sociétés de gestion, pouvoir de cognition de la CAF, pouvoir de cognition du TAF, arrêt de renvoi, force obligatoire, unité de la procédure, effet rétroactif, effet suspensif, pouvoir d’appréciation, renvoi de l’affaire, novae, synchronisation, droits voisins, phonogramme disponible sur le marché, vidéogramme disponible sur le marché, support disponible sur le marché, œuvre musicale non théâtrale, effet rétroactif, devoir de collaboration accru des parties en procédure tarifaire, règle du ballet, augmentation de redevance, augmentation du tarif ; art. 12 CR, art. 15 WPPT, art. 11 LDA, art. 22c LDA, art 24b LDA, art. 35 LDA, art. 38 LDA, art. 46 LDA, art. 59 LDA.

Lorsque le TAF a renvoyé antérieurement l’affaire à l’autorité précédente et qu’il y a un nouveau recours sur la nouvelle décision de cette dernière, aussi bien l’autorité précédente que le TAF sont liés par le dispositif de la décision de renvoi, lequel forme le cadre de la nouvelle procédure de recours (c. 1.2). Lorsque le renvoi portait sur un nouvel examen du montant de la redevance, les mesures à prendre pour éviter une augmentation abrupte et la date d’entrée en vigueur de la redevance font partie du cadre fixé par la décision de renvoi (c. 1.2 et 1.3). L’effet contraignant de celle-ci ne s’oppose pas à la prise en compte de novae, pour autant que le droit de procédure et le principe de l’unité de la procédure le permettent (c. 1.4). A supposer que l’obligation de paiement de la redevance soit reportée en raison de l’interdiction de l’effet rétroactif, c’est aussi l’entrée en vigueur de toutes les autres dispositions tarifaires qui devrait être retardée, y compris de celles en défaveur des ayants droit (c. 3.3). En l’espèce, le tarif a produit ses effets dès la date d’entrée en vigueur prévue, car les recours n’ont pas eu d’effet suspensif. En cas de redevance tarifaire trop basse, un recours serait rendu illusoire si la redevance ne pouvait pas être augmentée dès la date d’entrée en vigueur du tarif. De plus, les utilisations déjà entreprises seraient illicites si le tarif corrigé ne pouvait pas les couvrir, ce qui conduirait à des négociations sur les dommages-intérêts. En l’espèce, on est en présence d’un tarif qui est entré en vigueur à la date prévue, mais qui a été modifié suite à un recours. Le cas se distingue des affaires 2C_685/2016 et 2C_806/2016 tranchées par le TF, où un nouveau tarif devait entrer en vigueur pour la première fois à titre rétroactif. Il n’y a donc pas ici d’effet rétroactif non autorisé (c. 3.4). Les tarifs doivent faciliter les utilisations d’œuvres en instaurant une redevance homogène, prévisible et praticable dans l’intérêt des ayants droit et des utilisateurs. La CAF fixe son niveau en ayant pour but un équilibre objectif des intérêts entre les parties concernées, et en respectant l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Un devoir de collaboration accru des parties les oblige à fournir les chiffres et statistiques permettant le contrôle de l’équité. Le TAF se prononce avec un plein pouvoir de cognition, mais il fait preuve de retenue là où la CAF, en tant qu’autorité judiciaire spécialisée indépendante, a traité de questions complexes concernant la gestion collective ou a pesé les intérêts en présence tout en respectant l’autonomie des sociétés de gestion. En fin de compte, cela revient à rechercher si la CAF a excédé son pouvoir d’appréciation ou en a abusé (c. 4.1). Un tarif est équitable lorsqu’il repose sur un équilibre approprié, semblable en substance à ce qui aurait découlé d’un accord entre les parties dans une situation de concurrence. Les difficultés d’application sont à prendre en compte. Des forfaits et des approximations sont admissibles pour mieux couvrir toutes les utilisations et améliorer la praticabilité. L’art. 12 CR et l’art. 15 WPPT ne donnent aucune garantie minimum valable dans tous les cas particuliers (c. 4.3). Le tarif concerne l’utilisation de phonogrammes disponibles sur le marché, sans considération d’une protection éventuelle sur les images. Il est donc compréhensible que la CAF n’ait pas différencié la redevance selon que les phonogrammes sont ou non synchronisés avec des images (c. 5.1). Une utilisation moins intensive des supports lorsqu’ils sont synchronisés n’est pas constatable. La règle du ballet, qui justifierait une diminution de 50% de la redevance, n’est donc pas applicable (c. 5.2). Il est compréhensible également que la CAF, lorsqu’elle s’oppose aux augmentations abruptes de redevance, ne prenne en compte que la charge tarifaire des utilisateurs, et non les montants à répartir aux ayants droit : cette charge détermine en effet les offres des utilisateurs sur le marché et le calcul de leurs prix, alors qu’elle n’a que peu d’influence sur les cachets que touchent les titulaires de droits voisins. Mais il est vrai que la CAF évite les augmentations abruptes unilatéralement en faveur des utilisateurs, alors qu’elle ne recherche pas à assurer la continuité des recettes tarifaires pour les ayants droit, par exemple en évitant des périodes sans tarif ou des retards dans l’approbation des tarifs pour des raisons de procédure. Ainsi, l’interdiction des augmentations abruptes (principe de la continuité) n’est pas un critère qui relève du contrôle de l’équité. Une partie de la doctrine le prétend, mais cela ne découle pas de la loi. Le TF a aussi plusieurs fois admis qu’une augmentation importante de la redevance était admissible en cas de changement dans les bases de calcul justifié objectivement, et qu’elle pouvait même démontrer que la redevance antérieure était trop basse. Ainsi, le principe de la continuité ne sert pas à distinguer une charge tarifaire équitable d’une charge inéquitable mais, en aval, au choix d’une solution préférable parmi plusieurs solutions tarifaires équitables. Il est alors permis d’y recourir et de le mettre en œuvre par un échelonnement annuel des taux tarifaires ou des montants maximaux à payer (c. 6.3). En l’espèce, le plafonnement des redevances ne peut pas être confirmé car le nouveau tarif se base sur un changement des bases de calcul justifié objectivement (c. 6.4.1), les forfaits avaient été payés précédemment expressément « sans valeur de précédent » (c. 6.4.2), depuis 2013 ils n’étaient versés qu’à titre d’acomptes (c. 6.4.3) et, enfin, parce que le plafonnement a été calculé par la CAF en fonction de l’intégralité des recettes tarifaires, alors qu’il a été appliqué uniquement sur la redevance due pour l’utilisation de supports synchronisés, ce qui défavorise les interprètes dont la prestation figure sur de tels supports (c. 6.4.4). L’introduction d’un système de calcul proportionnel à l’utilisation, vingt ans après l’entrée en vigueur de la LDA, plaide contre un échelonnement de l’augmentation, ce qui rend inutile un deuxième renvoi à l’autorité précédente (c. 6.5). [VS]

09 janvier 2019

TF, 9 janvier 2019, 4A_584/2017, 4A_590/2017 (f)

Qualité pour agir, qualité pour défendre, intérêt pour agir, décision partielle, devoir d’interpellation du Tribunal, bonne foi, précision des conclusions, interprétation d’un contrat, réelle et commune intention des parties, action en cessation, action en paiement, action en interdiction, action en constatation de droit, concurrence déloyale, exploitation indue du résultat d’un travail confié, stipulation pour autrui ; art. 91 lit. a LTF, art. 18 al. 1 CO, art. 112 CO, art. 5 lit. a LCD, art. 9 al. 1 lit. a LCD, art. 9 al. 1 lit. b LCD, art. 9 al. 1 lit. c LCD, art. 9 al. 2 LCD, art. 9 al. 3 LCD, art. 52 CPC, art. 56 CPC, art. 125 lit. a CPC, art. 227 al. 1 CPC, art. 230 CPC.

Les actions en cessation de trouble et les actions en paiement prévues tant par les différentes lois de propriété intellectuelle que par la LCD se prêtent à des jugements indépendants et pourraient être intentées dans des procès distincts. Le jugement limité en application de l’art. 125 lit. a CPC aux actions en cessation de trouble est donc une décision partielle visée par l’art. 91 lit. a LTF, susceptible d’un recours indépendant selon cette disposition (c. 2 et réf.cit.). Le résultat d’un travail est confié à une personne aux termes de l’art. 5 al. 1 lit. a LCD lorsque cette personne entre en possession de ce résultat par l’effet d’un rapport contractuel, précontractuel ou quasi contractuel. Le résultat d’un travail est notamment confié lorsque l’accomplissement du travail a été lui-même confié dans le cadre d’un contrat, en particulier à un travailleur par son employeur, à un mandataire par son mandant ou à un entrepreneur par le maître de l’ouvrage (c. 4 et réf.cit.). L’art. 5 LCD n’a pas pour objet de créer ni de protéger des droits de propriété intellectuelle, mais d’interdire des comportements contraires à une concurrence loyale. L’art. 9 al. 1 lit. c LCD prévoit une action en constatation de droits, mais celle-ci est subsidiaire par rapport aux actions en interdiction accordées par l’art. 9 al. 1 lit. a et b LCD, et elle ne porte de toute manière pas sur la constatation de droits de propriété intellectuelle. En règle générale, les actions en constatation de droits doivent répondre à un intérêt important et digne de protection du plaideur qui les exerce et elles sont subsidiaires par rapport aux actions en condamnation. Celui qui a déjà obtenu que l’exploitation de son savoir-faire soit interdite à un tiers, n’a pas d’intérêt à agir en constatation ni non plus à ce que le Juge constate formellement des recherches de quelles entités les procédés constituant ce savoir-faire sont le résultat aux termes de l’art. 5 LCD (c. 6). Le succès de toute action en justice suppose que les parties demanderesse et défenderesse aient respectivement qualité pour agir et pour défendre au regard du droit applicable. Le défaut de la qualité pour agir ou pour défendre entraîne le rejet de l’action. Les actions en cessation de trouble prévues par l’art. 9 al. 1 et 2 LCD sont destinées à la protection d’intérêts économiques individuels. La qualité pour agir est réservée au concurrent qui est directement lésé par un comportement déloyal et qui a un intérêt immédiat au maintien ou à l’amélioration de sa propre situation sur le marché (c. 8.1). Tel n’est le cas que si celui qui se prévaut d’une violation de l’art. 5 LCD et agit en cessation de trouble sur la base des art. 9 al. 1 et 2 LCD peut démontrer que les résultats exploités de manière indue devaient lui revenir. Pour le déterminer, il convient d’interpréter le contrat à l’origine des résultats concernés en recherchant la réelle et commune intention des parties conformément à l’art. 18 al. 1 CO. Dans ce cadre, le comportement que les cocontractants ont adopté dans l’exécution de leur accord peut dénoter, le cas échéant, de quelle manière ils l’ont eux-mêmes compris, et révéler ainsi leur réelle et commune intention (c. 8.3 et réf.cit.). Il peut résulter d’une stipulation pour autrui implicite au sens de l’art. 112 CO que le résultat de travaux de recherche doive profiter à un tiers autre que les seules parties au contrat à l’origine de ces résultats. En pareil cas, ce tiers a le droit de se défendre contre une exploitation indue de ces résultats par des entreprises concurrentes, et a qualité pour agir sur la base des art. 9 al. 1 et 2 LCD (c. 8.4). Quiconque exerce une action judiciaire portant sur une obligation de s’abstenir doit décrire avec précision, dans ses conclusions, le comportement à interdire. Si l’adverse partie succombe, elle doit apprendre ce qu’elle ne peut désormais plus faire, et les autorités d’exécution ou de poursuite pénale doivent elles aussi savoir quels actes elles doivent respectivement empêcher ou réprimer. S’il est allégué devant ces autorités que la partie condamnée ne respecte pas l’interdiction prononcée, il importe que lesdites autorités puissent agir sur la base du jugement, sans qu’une appréciation juridique du comportement dénoncé ne soit encore nécessaire. Ces exigences de précision relative aux conclusions de la partie demanderesse s’appliquent aussi, par suite, au dispositif du jugement (c. 10.1 et réf.cit.). Des conclusions insuffisamment précises sont en principe irrecevables. La partie qui les présente est cependant autorisée à les préciser sans égard aux conditions d’une modification de la demande posée par l’art. 227 al. 1 CPC ou au stade des débats principaux par l’art. 230 CPC. En vertu du devoir d’interpellation que l’art. 56 CPC assigne au Juge instructeur, celui-ci doit inviter la partie concernée à préciser, s’il y a lieu, ses conclusions défectueuses. Les règles de la bonne foi, à respecter aussi dans le procès civil en vertu de l’art. 52 CPC, s’imposent également au Juge. Elles commandent que la partie dont les conclusions sont défectueuses au sens de ce qui précède reçoive une nouvelle possibilité de les préciser (c. 10.5 et réf.cit.). [NT]

« Tarif commun 5 » ; tarifs des sociétés de gestion, négociation des tarifs, devoir de collaboration accru des parties en procédure tarifaire, devoir d’informer les sociétés de gestion, location, prêt , épuisement, recettes brutes, augmentation de redevance, augmentation du tarif, équité du tarif, valeur litigieuse, frais de procédure, interprétation conforme au droit international, interprétation téléologique, égalité de traitement; art. 12 PA, art. 13 al. 1 PA, art. 63 al. 4bis PA, art. 1 lit. a OFIPA, art. 2 OFIPA, art. 14 à 18 OFIPA, art. 8 CC, art. 13 LDA, art. 46 al. 2 LDA, art. 47 al. 1 LDA, art. 51 LDA, art. 60 LDA, art. 16a ODAu, art. 16b ODAu.

Même si les associations d’utilisateurs n’avaient pas négocié sérieusement le tarif, cela ne constituerait pas un motif de renvoi de la requête d’approbation (c. 1). En adressant celle-ci en commun à la CAF, les sociétés de gestion ont satisfait à l’obligation prévue à l’art. 47 al. 1 LDA (c. 2). Selon la jurisprudence du TF, les parties à une procédure tarifaire ont un devoir de collaboration accru d’après l’art. 13 al. 1 PA, qui relativise la maxime officielle prévue par l’art. 12 PA et en fait même partie. Ce devoir existe indépendamment de la question de savoir si la partie en question supporte les conséquences de l’absence de preuve. En tant que requérantes, les sociétés de gestion ont le fardeau de la preuve par application analogique de l’art. 8 CC, cela même si les utilisateurs ont l’obligation de les informer d’après l’art. 51 LDA (c. 4.1). Avant de contrôler l’équité d’un tarif, la CAF doit examiner si les utilisations visées par ce tarif sont réservées aux ayants droit et si elles sont soumises à la surveillance de la Confédération (c. 5). En l’espèce, il s’agit d’interpréter l’art. 13 LDA. La location contre paiement fait l’objet d’un droit à rémunération en faveur des auteurs, au contraire du prêt gratuit. En Allemagne, le prêt est aussi assujetti à un droit à rémunération (c. 6.1). La doctrine considère l’art. 13 LDA comme une exception au principe de l’épuisement ou comme un correctif à celui-ci (c. 6.2). En plus de l’interprétation grammatico-littérale, systématique, historique ou téléologique, une interprétation de droit comparé avec l’Europe est admissible, le TF ayant relevé la volonté du législateur d’harmoniser le droit d’auteur suisse avec le droit européen (c. 8). L’interprétation grammatico-littérale de l’art. 13 LDA n’exclut pas qu’il puisse y avoir une location au sens de cette disposition, si le loyer est payé forfaitairement et non pour chaque transaction (c. 8.1). L’interprétation systématique n’apporte rien sur cette question (c. 8.2). Dans le cadre des discussions parlementaires sur la LDA, l’introduction d’un droit de prêt était une question discutée, mais le législateur a finalement renoncé à un tel droit. Le Conseil fédéral est parti de l’idée que les bibliothèques procédaient à du prêt, pas à de la location, ce qui ne correspond plus à la situation actuelle. L’interprétation historique ne permet donc pas d’exclure de l’art. 13 LDA les mises à disposition contre paiement d’un forfait (c. 8.3). D’un point de vue téléologique, l’art. 13 LDA doit réaliser un équilibre équitable entre les intérêts des ayants droit, d’une part, et ceux de la communauté en général d’autre part, basés sur les libertés d’opinion et d’information de même que sur la politique culturelle et de la formation. Cet équilibre repose sur le caractère payant ou non de la mise à disposition. La loi ne considère pas que les ayants droit seraient à ce point redevables à la société qu’ils devraient renoncer à une participation lorsque leurs œuvres génèrent des revenus. Elle exonère du droit à rémunération non pas certains utilisateurs – comme les bibliothèques – mais certains actes, à savoir la mise à disposition gratuite d’exemplaires d’œuvres. Les bibliothèques sont assujetties à ce droit à rémunération dès lors qu’elles reçoivent un paiement, indépendamment de la question de savoir comment celui-ci est structuré (c. 8.4). L’interprétation de droit comparé avec le droit européen n’apporte rien vu les différences avec le droit suisse. Tout en plus peut-on constater que la différence entre le prêt et la location se fait aussi sur la base de considérations économiques (c. 8.5). Un principe fondamental du droit d’auteur est que les ayants droit doivent participer à toute exploitation économique de leurs œuvres et prestations. Le principe des recettes brutes figure à l’art. 60 al. 1 lit. a LDA, tandis que celui de la participation est ancré à l’art. 60 al. 2 LDA. Selon le principe des recettes brutes, les subventions font partie des recettes servant de base au calcul de la redevance ; et selon le principe de la participation, les auteurs doivent être intéressés au produit économique que des tiers réalisent grâce à leurs œuvres. La doctrine ne fait pas de différence entre un paiement forfaitaire et un paiement par transaction. Encore faut-il préciser que le montant versé doit être en relation avec l’intensité de l’utilisation par la bibliothèque. On ne peut pas encore parler d’une utilisation payante si la bibliothèque ne fait que demander une cotisation modeste servant à couvrir les coûts de la tenue d’une liste de ses membres et d’une publication à leur attention (c. 8.6). De même le paiement forfaitaire reçu par les bibliothèques doit être réduit pour tenir compte des prestations offertes par elles n’ayant rien à voir avec la mise à disposition d’exemplaires d’œuvres, ou pour tenir compte de la part du forfait servant à couvrir leurs simples frais d’administration. Il s’agit de la conséquence du fait que seule la mise à disposition payante est soumise à redevance selon l’art. 13 LDA. Pour des raisons de praticabilité, il convient d’opérer une déduction forfaitaire. Les sociétés de gestion n’ont pas démontré pourquoi une déduction de 10% serait suffisante et ont donc manqué à leur devoir de collaboration. Vu les difficultés à chiffrer cette déduction, la CAF estime équitable de la fixer à 50% (c. 9.1). Les frais d’inscription aux hautes écoles relèvent du droit public et ne peuvent pas être considérés comme un loyer de location, d’autant plus qu’ils donnent droit à une multitude de prestations, dont l’utilisation des bibliothèques représente une très petite partie. Egalement pour des raisons d’efficience, il ne serait pas opportun de prendre en compte, dans le cadre du tarif, une partie forcément très modique de ces écolages (c. 9.2). Cette solution n’est pas contraire au principe d’égalité de traitement (c. 10). D’après la jurisprudence de la CAF, les augmentations abruptes de redevance doivent être évitées. Des augmentations importantes ont parfois été acceptées si elles étaient échelonnées dans le temps. Mais il est possible de renoncer à un tel échelonnement si les redevances antérieures étaient manifestement trop basses, si les augmentations sont dues à un changement de système tarifaire justifié objectivement ou si elles permettent une redevance plus juste. Le TAF a estimé que l’interdiction des augmentations abruptes devait être rattachée au principe de la continuité tarifaire, qui peut servir les intérêts de toutes les parties, et qu’elle ne relevait pas du contrôle de l’équité. Mais cette décision n’est pas encore entrée en force. En l’espèce, l’augmentation de redevance doit être échelonnée dans le temps (c. 13). L’approbation du nouveau tarif n’est pas contraire au principe de la confiance, car les sociétés de gestion avaient déjà signalé en 2006 que l’ancien tarif reposait sur des concessions de leur part. Les tarifs antérieurs n’étaient pas litigieux, si bien que la CAF a pu les approuver. C’est seulement depuis 2011 qu’elle doit examiner l’équité des tarifs sur lesquels les parties sont d’accord. De surcroît, la question litigieuse en l’espèce ne concerne pas l’équité du tarif (c. 14). La valeur litigieuse de la présente affaire consiste en la différence de redevances à payer par année, selon les conclusions des sociétés de gestion, d’une part, et selon les conclusions des associations d’utilisateurs d’autre part ; cette différence doit être multipliée par le nombre d’années de validité du tarif. C’est cette valeur litigieuse qui sert à fixer les frais de procédure (c. 17.1). Une indemnité de dépens n’est pas prévue en première instance (c. 17.2). [VS]

27 octobre 2021

TAF, 27 octobre 2021, B-4112/2020 (d)

Motif d’exclusion absolu, marque verbale, signe appartenant au domaine public, signe banal, signe descriptif, Droit d’être entendu, motivation de la décision, devoir de motivation, constatation inexacte des faits pertinents, maxime inquisitoire, cercle des destinataires pertinent, grand public, spécialiste du secteur des assurances, degré d’attention moyen, spécialiste du secteur financier, spécialistes du domaine médical, égalité de traitement, recours rejeté ; art. 8 Cst., art. 29 al. 2 Cst., art. 12 PA, art. 29 PA, art. 35 PA, art. 2 lit. a LPM.

« HOSPITAL HALBPRIVAT »

Demande d’enregistrement N° 72753/2018 « HOSPITAL HALBPRIVAT »


Demande d’enregistrement N° 72753/2018 « HOSPITAL HALBPRIVAT »

Liste des produits et services revendiqués

Classe 36 : Versicherungswesen; Versicherungsdienstleistungen; Versicherungsberatung; Erteilung von Auskünften in Versicherungsangelegenheiten; Erarbeitung von Dokumentationen und Gutachten auf dem Gebiet des Versicherungswesens; Erstellung von Gutachten für Versicherungen; Finanzwesen; Geldgeschäfte; finanzielle Beratung; Beratung für, Auskunft über und Informationen über die vorgenannten Dienstleistungen der Klasse 36.



Classe 44 : Dienstleistungen von Kliniken und Krankenhäusern einschliesslich Ambulanzen; Krankenpflegedienste; ärztliche, therapeutische und andere Dienstleistungen im Gesundheitswesen; medizinische Betreuung und Pflege von kranken und verunfallten Personen; medizinische Labordienstleistungen und medizinische Analysen; Erarbeiten von Informationen, Dokumentationen und Gutachten auf dem Gebiet des Gesundheitswesens; Vermittlung von Informationen über Dienstleistungen von Ärzten, Kliniken und Krankenhäusern; Beratung für die vorgenannten Dienstleistungen der Klasse 44 sowie für Dienstleistungen von Ärzten, Kliniken und Krankenhäusern.

Cercle des destinataires pertinent

Les services de « Versicherungswesen; Versicherungsdienstleistungen; Erarbeiten von Dokumentationen und Gutachten auf dem Gebiet des Versicherungswesens; Erstellung von Gutachten für Versicherungen » en classe 36 s’adressent aux spécialistes du secteur des assurances et au grand public.



Les services de « ersicherungsberatung; Erteilung von Auskünften in Versicherungsangelegenheiten; Beratung für, Auskunft über und Informationen über die vorgenannten Dienstleistungen der Klasse 36 » s’adressent au grand public qui fait preuve d’un degré d’attention moyen et aux professionnels du courtage en assurance.



Les services de « finanzielle Beratung » en classe 36 s’adressent au grand public et aux spécialistes du secteur financier (c. 4.1).



Les « Dienstleistungen von Kliniken und Krankenhäusern einschliesslich Ambulanzen; Krankenpflegedienste; ärztliche, therapeutische und andere Dienstleistungen im Gesundheitswesen; medizinische Betreuung und Pflege von kranken und verunfallten Personen » en classe 44 s’adressent en premier lieu aux patients suisses et aux professionnels qui les traitent en particulier pour les « medizinische Labordienstleistungen und medizinische Analysen; Erarbeiten von Informationen, Dokumentationen und Gutachten auf dem Gebiet des Gesundheitswesens ».



Les services de « vermittlung von Informationen über Dienstleistungen von Ärzten, Kliniken und Krankenhäusern; Beratung für die vorgenannten Dienstleistungen der Klasse 44 sowie für Dienstleistungen von Ärzten, Kliniken und Krankenhäusern » s’adressent au grand public et aux spécialistes des assurances ou du courtage en assurance (c. 4.2).

Motif absolu d’exclusion examiné 

signe appartenant au domaine public, art. 2 lit. a LPM.

Conclusion

Dans sa décision, l’autorité peut se limiter à motiver les points essentiels sur lesquels elle se fonde (c. 2.1). L’établissement des faits est incomplet lorsque la preuve n’est pas apportée pour tous les faits juridiquement importants, ou lorsqu’un fait pertinent est relevé mais n’est pas pris en compte (c. 2.2). En l’espèce, l’instance précédente a, à de multiples reprises, donné les raisons et les analyses sur la base desquelles elle considérait que le signe revendiqué appartenait au domaine public. Le droit d’être entendu n’a pas été violé et il n’y a pas lieu de demander des preuves supplémentaires (c. 2.3). Le mot « hospital » doit être lu en allemand dans la mesure où il est lié au mot « halbprivat », et désigne le mot « hôpital ». L’élément « halbprivat » est composé de « halb » signifiant « en partie » et « privat » qui signifie « non-destiné à tous » ou « non destiné au public ». Le fait que l’adjectif se situe après le nom n’est pas incorrect sur le plan grammatical. Le signe revendiqué évoque dès lors chez les destinataires un cas typique de prestation d’assurance maladie qui irait au-delà de l’assurance obligatoire de base, le terme « semi-privé » exposant la prestation à l’acheteur. Le signe « HOSPITAL HALBPRIVAT » évoque ains directement son étendue ou celui qui la fournit (c. 6). Le signe revendiqué est en conséquence descriptif et appartient au domaine public. Le recours est rejeté (c. 7). La recourante ne parvient pas à démontrer une quelconque inégalité de traitement : les marques qu’elle cite étant soit trop anciennes, soit structurées trop différemment pour être comparables (c. 8). [YB]

07 juillet 2021

TAF, 7 juillet 2021, B-4552/2020 (d)

sic! 2/2021, p. 677 (rés.) « E*trade (fig.) / e trader (fig.) ; Motifs d’exclusion relatifs, procédure d’opposition, motivation du recours, irrecevabilité, délai supplémentaire, contenu d’un site internet, prolongation, devoir de motivation, exception de non-usage, non-usage, preuve de l’usage d’une marque, usage de la marque, défaut d’usage, invocation du défaut d’usage, déclaration sur l’honneur, recours rejeté, abus de droit ; art. 12 PA, art. 13 al. 1 PA, art. 52 al. 2 PA, art. 3 al. 1 lit, c LPM, art. 11 LPM, art. 12 LPM, art. 32 LPM, art. 22 al. 3 OPM.

Lors de la procédure d’opposition à l’enregistrement de la marque « e trader (fig.) », l’intimée soulève l’exception de non-usage (c. A - D) de la marque opposante « E*Trade (fig.) ». L’instance précédente rejette l’opposition pour les mêmes motifs (c. F). La titulaire de la marque opposante recourt contre cette décision, mais n’expose pas ses motifs immédiatement. Par ordonnance, le TAF a octroyé un délai supplémentaire afin d’y remédier (c. G). L’intimée conteste cette prolongation, arguant que la recourante a sciemment omis ces motifs (état de fait G - J). Le délai supplémentaire que l’art 52 PA impartit à la recourante pour régulariser son recours vise à éviter le formalisme excessif et non à permettre à celui qui dépose un recours sciemment défectueux d’obtenir une prolongation de délai afin d’améliorer sa position (c. 1.2). En l’espèce, la recourante ne détaille pas les raisons pour lesquelles son mémoire était lacunaire ni pourquoi elle aurait été empêchée d’agir dans les délais impartis. Le recours est en conséquence irrecevable (c. 1.5). Le TAF examine malgré tout le contenu matériel du recours (c. 2). L’intimée a soulevé l’exception de non-usage en temps utiles (c. 2.3). Les déclarations sous serment établies en vue d’un procès ne sont pas exclues d’emblée. Celles-ci, combinées à d’autres éléments, peuvent apporter la preuve d’allégations factuelles (c. 4.1). En l’espèce cependant, l’affidavit déposé par la recourante ne prouve pas que la marque opposante est utilisée en lien avec la fourniture de services en Suisse (c. 4.2). L’utilisation de la marque par une filiale permet à la titulaire de conserver ses droits. Les documents déposés par la recourante sont certes adressés par sa filiale à des clients ayant une adresse suisse, mais ils ne rendent pas vraisemblable dans quelle mesure la marque opposante est utilisée en lien avec des services en suisse (c. 4.3.1). Le profil de la recourante sur www.wallstreet-online.de ne permet pas d’en déduire qu’elle a réalisé des efforts publicitaires en Suisse en plus d’être postérieur au moment où l’exception de non-usage est soulevée par l’intimée (c. 4.4.1). Sur le site de la recourante, seules des adresses situées aux États-Unis peuvent être indiquées pour les nouveaux clients. Aucun lien avec la Suisse n’est visible et celui-ci est disponible uniquement en anglais. Celui-ci ne constitue ainsi pas un usage en Suisse d’un site internet (c. 4.4.2). En résumé, la recourante ne parvient pas à démontrer un usage sérieux de sa marque. Même s’il devait être recevable, le recours serait rejeté (c. 4.5). [YB]