Disposition

          WPPT (RS 0.231.171.1)

03 janvier 2012

TAF, 3 janvier 2012, B-1769/2010 (d)

medialex 2/2012, p. 107-109 (rés.) « Tarif A télévision (Swissperform) » ; gestion collective, décision, approbation des tarifs, tarifs des sociétés de gestion, tarif A télévision, qualité pour recourir, effet rétroactif, pouvoir de cognition, autonomie des sociétés de gestion, tarifs séparés, obligation de collaborer, traités internationaux, applicabilité directe, droits voisins, support disponible sur le marché, intégration d'un enregistrement sonore dans un vidéogramme ; art. 19 CR, art. 2 lit. b WPPT, art. 5 Cst., art. 5 PA, art. 48 PA, art. 49 PA, art. 1 LDA, art. 33 LDA, art. 35 LDA, art. 46 LDA, art. 47 LDA, art. 74 al. 1 LDA, art. 9 al. 1 ODAu.

Les décisions de la CAF sont des décisions au sens de l'art. 5 al. 1 PA, qui peuvent faire l'objet d'un recours au TAF (c. 1.1). La SRG SSR, unique partenaire de négociation et unique personne obligée par le tarif, est destinataire de la décision d'approbation de ce tarif et est donc spécialement atteinte par celle-ci (c. 1.1). Elle a un intérêt digne de protection à sa modification, même si elle n'est pas une association d'utilisateurs au sens de l'art. 46 al. 2 LDA (c. 1.1). Lorsqu'un recours est déposé au TAF contre la décision d'approbation d'un tarif et qu'un effet suspensif est décrété, le tarif peut entrer en vigueur avec effet rétroactif s'il est approuvé par le TAF (c. 1.2). La CAF examine un tarif avec pleine cognition en veillant à sa conformité aux exigences légales, mais en respectant une certaine liberté de disposition et l'autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Elle veille à trouver un équilibre des intérêts entre titulaires de droits et utilisateurs, qui serve la sécurité juridique. En cas de dispositions tarifaires approximatives ou d'inégalité de traitement, elle examine s'il faut empiéter sur l'autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Des utilisations semblables d'un même cercle d'utilisateurs, ressortissant à la même société de gestion, doivent être réglées au sein d'un même tarif sauf s'il existe des raisons objectives pour créer plusieurs tarifs. Des utilisations non soumises à redevance d'après la loi doivent être exclues du tarif (c. 2.1). En matière tarifaire, la cognition du TAF n'est pas limitée. Il fait toutefois preuve d'une certaine retenue lorsque la CAF, en tant qu'autorité spécialisée, a examiné des questions complexes de droit de la gestion collective, lorsqu'elle a pesé les intérêts en présence ou lorsqu'elle a sauvegardé l'autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Pour cette raison, le TAF n'examine en principe des formulations tarifaires qu'avec un effet cassatoire. Il ne peut les modifier lui-même qu'exceptionnellement (c. 2.2). En procédure tarifaire, les parties ont un devoir de collaboration. En cas de recours, elles doivent expliquer en détail pourquoi elles ne sont pas d'accord avec la décision de la CAF et prouver leurs allégations. La CAF ne doit s'écarter de l'état de fait allégué par les parties que si elle a des indices qu'il n'est pas correct. Si une partie manque à son devoir de collaboration, la CAF peut se baser uniquement sur les faits allégués par l'autre partie (c. 2.3). Les traités internationaux et le droit suisse forment un système unitaire, si bien que les premiers n'ont pas besoin d'être transposés en droit interne (c. 3.2). Un traité est directement applicable s'il contient des règles claires et suffisamment déterminées qui permettent une décision dans un cas concret, pas s'il s'adresse uniquement au législateur. Les WCT et WPPT ne sont que partiellement directement applicables, mais l'art. 15 WPPT dispose de cette qualité (c. 3.2). La notion de fixation, utilisée à l'art. 33 LDA, n'est pas liée à un support de données physique déterminé. Elle est un synonyme d'enregistrement, terme que l'on trouve aussi à l'art. 33 al. 2 lit. c LDA. En revanche, les mots phonogramme et vidéogramme employés par l'art. 35 LDA sont encore compris en relation avec des supports de données physiques. Mais ils n'impliquent pas une forme de publication particulière. La notion « disponible sur le marché » de l'art. 35 LDA doit être rapportée à la fixation plutôt qu'au support de données physique utilisé concrètement. Peu importe par conséquent que le support utilisé pour la diffusion ne soit pas disponible sur le marché si la fixation qu'il contient l'est quant à elle. L'interprétation de la loi doit tenir compte de l'évolution technique, si bien qu'il serait faux de réserver la notion « disponible sur le marché » aux seuls produits physiques. La fixation peut aussi être mise à disposition sur Internet à des fins de téléchargement gratuit ou payant (c. 5 et 6). L'intégration d'un enregistrement sonore dans un vidéogramme nécessite l'accord des titulaires de droits voisins sur cet enregistrement. Le droit voisin sur le vidéogramme s'étend ensuite aussi à la bande son (c. 7). [VS]

20 août 2012

TF, 20 août 2012, 2C_146/2012 (d)

sic! 1/2013, p. 30-37, « Tarif A Fernsehen» ; medialex 4/2012, p. 230-232 (rés.), « Tarif A Fernsehen » ; gestion collective, décision, approbation des tarifs, tarifs des sociétés de gestion, recours en matière de droit public, interprétation des tarifs, tarif contraignant pour les tribunaux, droits voisins, vidéogramme disponible sur le marché, support disponible sur le marché ; art. 12 CR, art. 2 lit. b WPPT, art. 2 lit. c WPPT, art. 15 WPPT, art. 95 lit. a LTF, art. 35 LDA, art. 60 LDA.

Contre un arrêt du TAF concernant une décision d'approbation d'un tarif par la CAF, c'est le recours en matière de droit public qui est ouvert, même si la décision a interprété une notion de droit civil de la LDA à titre préjudiciel, d'autant qu'il faut aussi trancher dans la procédure tarifaire la question de principe du devoir de payer une rémunération (c. 1). En ce qui concerne les critères de l'art. 60 LDA, la CAF bénéficie d'une certaine liberté d'appréciation en tant qu'autorité spécialisée, que les tribunaux doivent respecter. En revanche, les tarifs ne peuvent pas définir les droits autrement que la loi. L'interprétation de ces tarifs est une question de droit que le TF examine avec pleine cognition sur la base de l'art. 95 lit. a LTF (c. 2.2). La question litigieuse est de savoir si c'est l'enregistrement ou un format déterminé de celui-ci qui doit être disponible sur le marché pour que le droit à rémunération de l'art. 35 LDA trouve application. Ni le texte de cette disposition (c. 3.3), ni les travaux préparatoires (c. 3.4) ne donnent une réponse claire. En cas de doute, on doit admettre que l'art. 35 LDA transpose l'art. 12 CR et l'art. 15 WPPT (c. 3.5.1). Or, l'art. 12 CR prévoit une rémunération pour les phonogrammes publiés à des fins de commerce et pour les reproductions de ceux-ci. Cela pourrait laisser entendre que ce n'est pas le phonogramme concrètement utilisé pour la diffusion qui doit être disponible sur le marché (c. 3.5.2). L'art. 35 LDA va au-delà du droit international, dans la mesure où il prévoit une rémunération non seulement pour les phonogrammes, mais aussi pour les vidéogrammes. Toutefois, comme le législateur a voulu placer ces deux notions sur un pied d'égalité, les dispositions conventionnelles concernant les phonogrammes peuvent aussi être utilisées pour interpréter la notion de vidéogrammes. Or, d'après l'art. 2 lit. b WPPT, un phonogramme est une fixation des sons provenant d'une interprétation ou exécution ou d'autres sons, ou d'une représentation de sons. La fixation est elle-même définie, d'après l'art. 2 lit. c WPPT, comme l'incorporation de sons, ou des représentations de ceux-ci, dans un support qui permette de les percevoir, de les reproduire ou de les communiquer à l'aide d'un dispositif. Cela laisse entendre que la notion de phonogramme concerne la fixation, c'est-à-dire l'enregistrement, et non un format déterminé de celui-ci (c. 3.5.3). D'un point de vue téléologique, l'art. 35 LDA semble avoir pour but de consacrer une redevance là où le prix de vente ne contient pas de rémunération pour les utilisations secondaires du support. Mais l'interprétation de la loi ne peut pas dépendre de la question de savoir si, dans les faits, une rémunération a été convenue contractuellement (c. 3.6.2). C'est plutôt la motivation à la base de la licence légale et de la gestion collective obligatoire qui doit être prise en considération, à savoir assurer une rémunération aux ayants droit aussi simplement que possible, car ils ne sont pas en mesure d'exercer eux-mêmes leurs droits dans les faits. Or, puisque les télévisions n'utilisent pas des formats disponibles sur le marché, rattacher la notion de vidéogrammes à ces formats aurait pour conséquence que les ayants droit devraient exercer individuellement leurs droits, ce qui ne serait guère praticable (c. 3.6.3). En résumé, cette notion concerne donc l'enregistrement lui-même et non le format de celui-ci. [VS]

20 août 2012

TF, 20 août 2012, 2C_146/2012 (d)

sic! 1/2013, p. 30-37, « Tarif A Fernsehen» ; medialex 4/2012, p. 230-232 (rés.), « Tarif A Fernsehen » ; gestion collective, décision, approbation des tarifs, tarifs des sociétés de gestion, recours en matière de droit public, interprétation des tarifs, tarif contraignant pour les tribunaux, droits voisins, vidéogramme disponible sur le marché, support disponible sur le marché ; art. 12 CR, art. 2 lit. b WPPT, art. 2 lit. c WPPT, art. 15 WPPT, art. 95 lit. a LTF, art. 35 LDA, art. 60 LDA.

Contre un arrêt du TAF concernant une décision d'approbation d'un tarif par la CAF, c'est le recours en matière de droit public qui est ouvert, même si la décision a interprété une notion de droit civil de la LDA à titre préjudiciel, d'autant qu'il faut aussi trancher dans la procédure tarifaire la question de principe du devoir de payer une rémunération (c. 1). En ce qui concerne les critères de l'art. 60 LDA, la CAF bénéficie d'une certaine liberté d'appréciation en tant qu'autorité spécialisée, que les tribunaux doivent respecter. En revanche, les tarifs ne peuvent pas définir les droits autrement que la loi. L'interprétation de ces tarifs est une question de droit que le TF examine avec pleine cognition sur la base de l'art. 95 lit. a LTF (c. 2.2). La question litigieuse est de savoir si c'est l'enregistrement ou un format déterminé de celui-ci qui doit être disponible sur le marché pour que le droit à rémunération de l'art. 35 LDA trouve application. Ni le texte de cette disposition (c. 3.3), ni les travaux préparatoires (c. 3.4) ne donnent une réponse claire. En cas de doute, on doit admettre que l'art. 35 LDA transpose l'art. 12 CR et l'art. 15 WPPT (c. 3.5.1). Or, l'art. 12 CR prévoit une rémunération pour les phonogrammes publiés à des fins de commerce et pour les reproductions de ceux-ci. Cela pourrait laisser entendre que ce n'est pas le phonogramme concrètement utilisé pour la diffusion qui doit être disponible sur le marché (c. 3.5.2). L'art. 35 LDA va au-delà du droit international, dans la mesure où il prévoit une rémunération non seulement pour les phonogrammes, mais aussi pour les vidéogrammes. Toutefois, comme le législateur a voulu placer ces deux notions sur un pied d'égalité, les dispositions conventionnelles concernant les phonogrammes peuvent aussi être utilisées pour interpréter la notion de vidéogrammes. Or, d'après l'art. 2 lit. b WPPT, un phonogramme est une fixation des sons provenant d'une interprétation ou exécution ou d'autres sons, ou d'une représentation de sons. La fixation est elle-même définie, d'après l'art. 2 lit. c WPPT, comme l'incorporation de sons, ou des représentations de ceux-ci, dans un support qui permette de les percevoir, de les reproduire ou de les communiquer à l'aide d'un dispositif. Cela laisse entendre que la notion de phonogramme concerne la fixation, c'est-à-dire l'enregistrement, et non un format déterminé de celui-ci (c. 3.5.3). D'un point de vue téléologique, l'art. 35 LDA semble avoir pour but de consacrer une redevance là où le prix de vente ne contient pas de rémunération pour les utilisations secondaires du support. Mais l'interprétation de la loi ne peut pas dépendre de la question de savoir si, dans les faits, une rémunération a été convenue contractuellement (c. 3.6.2). C'est plutôt la motivation à la base de la licence légale et de la gestion collective obligatoire qui doit être prise en considération, à savoir assurer une rémunération aux ayants droit aussi simplement que possible, car ils ne sont pas en mesure d'exercer eux-mêmes leurs droits dans les faits. Or, puisque les télévisions n'utilisent pas des formats disponibles sur le marché, rattacher la notion de vidéogrammes à ces formats aurait pour conséquence que les ayants droit devraient exercer individuellement leurs droits, ce qui ne serait guère praticable (c. 3.6.3). En résumé, cette notion concerne donc l'enregistrement lui-même et non le format de celui-ci. [VS]

13 décembre 2017

TF, 13 décembre 2017, 2C_685/2016, 2C_806/2016 (d)

« Tarif commun 3a complémentaire » ; jonction de causes, motivation du recours, décision incidente, tarifs des sociétés de gestion, tarifs complémentaires, divertissement de fond ou d’ambiance, test des trois étapes, triple test, usage privé, équité du tarif, tarif contraignant pour les tribunaux, cognition de la CAF, pouvoir de cognition de la CAF, pouvoir de cognition du TAF, pouvoir de cognition du TF, effet rétroactif, effet suspensif; art. 11bis CB, art. 8 WCT, art. 6 WPPT, art. 8 Cst, art. 42 LTF, art. 71 LTF, art. 93 al. 3 LTF, art. 95 LTF, art. 97 LTF, art. 105 LTF, art. 106 LTF, art. 107 al. 2 LTF, art. 10 al. 2 lit. e LDA, art. 10 al. 2 lit. f LDA, art. 19 al. 1 lit. a LDA, art. 22 LDA, art. 46 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA, art. 83 al. 2 LDA, art. 24 PCF ; N 797 (CAF, 2 mars 2015)

Les recours concernent le même jugement, ils contiennent pour l’essentiel les mêmes conclusions et ils soulèvent des questions juridiques identiques. Il se justifie donc de joindre les procédures (c. 1.1). Contre une décision du TAF concernant l’approbation d’un tarif par la CAF, c’est le recours en matière de droit public qui est ouvert (c. 1.2). Le TF revoit l’interprétation du droit fédéral et des traités internationaux avec un plein pouvoir de cognition. Il base sa décision sur l’état de fait constaté par l’autorité inférieure, mais il peut le rectifier ou le compléter s’il apparaît manifestement inexact ou s’il a été établi en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (c. 1.3). Le TF applique le droit d’office et n’est pas lié par les arguments des parties ou par les considérants de la décision attaquée (c. 1.4). Les motifs du recours doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit. Cela implique que le recourant doit se pencher au moins brièvement sur ses considérants. En matière de violation des droits fondamentaux et de violation du droit cantonal ou intercantonal, il existe un devoir de motivation qualifié : le grief doit être invoqué et motivé précisément d’après l’art. 106 al. 2 LTF (c. 1.5). Les tarifs approuvés et entrés en force sont contraignants pour les tribunaux. Toutefois, un tarif ne peut pas prévoir de redevance pour une utilisation libre d’après la LDA. En cas de litige, il appartient au juge civil de décider de ce qui est couvert ou non par le droit d’auteur. L’approbation d’un tarif par la CAF ne peut pas créer des droits à rémunération qui ne découlent pas de la loi. A l’inverse, une redevance prévue par la loi ne peut pas être exercée s’il n’existe pas un tarif valable et approuvé. Les tarifs des sociétés de gestion sont donc soumis à un double contrôle complémentaire, d’une part par la CAF et d’autre part par les tribunaux civils (c. 2.2). Si une partie veut attaquer une décision incidente avec la décision finale, elle doit prendre une conclusion spéciale à cet effet, la motiver et expliquer en quoi la décision incidente influe sur la décision finale. Ces exigences sont implicitement respectées en l’espèce (c. 2.2). Lorsqu’un hôtel reçoit des programmes de radio et de télévision grâce à sa propre antenne et les diffuse dans les chambres, il y a un acte de retransmission au sens de l’art. 10 al. 2 lit. e LDA et non de « faire voir ou entendre » au sens de l’art. 10 al. 2 lit. f LDA, car il y a une nouvelle restitution à un cercle indéterminé de destinataires (c. 5.1). Il paraît douteux que l’exception de l’art. 22 al. 2 LDA puisse s’appliquer, vu le texte de la disposition («destinées à un petit nombre d’usagers ») et vu que le législateur voulait avant tout éviter la multiplication d’antennes sur le toit des maisons (c. 5.2.3). Il faut aussi prendre en compte le droit international, qui a évolué depuis 1993, en particulier le test des trois étapes prévu par la CB et les accords ADPIC, et les droits des art. 11bis CB, 8 WCT et 6 WPPT (c. 5.2.4). La CJUE a estimé, dans son arrêt du 7 décembre 2006 C-306/05, que les art. 11bis al. 1 chiffre 2 et 3 CB et 8 WCT s’opposaient à ce que la diffusion d’émissions dans des chambres d’hôtel soit libre sous l’angle du droit d’auteur. Cette décision n’est certes pas contraignante pour les tribunaux suisses, mais elle peut servir à l’interprétation de dispositions juridiques peu claires. Et le TF a déjà reconnu que l’idée d’une harmonisation avec le droit européen avait inspiré le droit d’auteur suisse (c. 5.2.5). Au vu de ce qui précède et des critiques de la doctrine, il faut admettre que la retransmission d’œuvres dans des chambres d’hôtel est une communication publique au sens de l’art. 11bis al. 1 CB, en partie au contraire de ce qui avait été retenu par l’ATF 119 II 51. L’art. 22 al. 2 LDA n’est donc pas applicable (c. 5.2.6). Un but lucratif est incompatible avec l’exception d’usage privé au sens de l’art. 19  al. 1 lit. a LDA. En cas de retransmission d’émissions dans des chambres d’hôtel, l’utilisation d’œuvres est réalisée par l’hôtelier et pas par le client de celui-ci. Cela résulte déjà du fait que les actes d’utilisation de l’art. 10 al. 2 lit. a à f se situent en amont de la jouissance de l’œuvre (c. 5.3.2). La « convergence des technologies » n’y change rien : l’obligation de payer des redevances dépend de l’ampleur de l’infrastructure mise à la disposition du client (c. 5.3.3). En cas de recours au TF, les griefs doivent porter sur les considérants de l’arrêt du TAF, pas sur ceux de la décision de la CAF (c. 6.1). L’industrie de l’électronique qui loue des appareils de réception n’est pas dans la même situation que l’hôtelier : il n’y a donc pas de violation de l’égalité de traitement si elle ne doit pas payer de redevance de droit d’auteur (c. 6.3). La redevance de réception selon la LRTV ne couvre pas les droits d’auteur et les droits voisins : elle profite à d’autres ayants droit et elle relève du droit public, alors que l’indemnité tarifaire relève du droit privé (c. 6.4). Les critères de l’art. 60 LDA sont contraignants pour la CAF et ils ne représentent pas seulement des lignes directrices pour l’exercice de son pouvoir d’appréciation. Ils sont des notions juridiques indéterminées, dont le TF revoit l’interprétation et l’application. Toutefois, ce dernier fait preuve d’une certaine retenue dans le contrôle des décisions prises par des autorités spécialisées, lorsque des aspects techniques particuliers sont en discussion. Cette retenue vaut aussi pour le TAF, malgré sa cognition illimitée selon l’art. 49 PA (c. 7.2.1). Comme la CAF est une autorité spécialisée, le TAF doit respecter son pouvoir d’appréciation dans l’application des critères de l’art. 60 LDA, ce qui revient finalement à ne sanctionner que les abus ou les excès (c. 7.2.2). En l’espèce le TAF s’est tenu à juste titre à ces exigences (c. 7.2.3). En ce qui concerne l’entrée en vigueur d’un tarif, il faut s’en tenir en principe à l’interdiction d’un effet rétroactif. Pour éviter d’autres retards, le TF peut renoncer à renvoyer l’affaire à la CAF et trancher lui-même la question de l’entrée en vigueur et de la durée de validité du tarif, en application de l’art. 107 al. 2 LTF (c. 8.3). La jurisprudence distingue entre la rétroactivité véritable et la rétroactivité impropre. Dans le premier cas, un acte applique le nouveau droit à un état de fait révolu au moment de son entrée en vigueur. Pour que cette rétroactivité proprement dite soit admissible, il faut qu’elle soit expressément prévue par la loi ou qu’elle en résulte clairement, qu'elle soit raisonnablement limitée dans le temps, qu'elle ne conduise pas à des inégalités choquantes, qu'elle réponde à un intérêt public digne de protection et, enfin, qu'elle respecte les droits acquis. En cas de rétroactivité improprement dite, la nouvelle règle s'applique à un état de fait durable, qui a débuté sous l’ancien droit mais qui n’est pas entièrement révolu au moment de l’entrée en vigueur du nouveau droit. La rétroactivité impropre est en principe admise si elle ne porte pas atteinte à des droits acquis. En ce qui concerne l’exigence de la limitation dans le temps, un effet rétroactif d’une année a déjà été admis. Cette exigence découle du principe de la proportionnalité, et avant tout de ce qui est raisonnable. Lorsque la rétroactivité favorise certaines personnes et en désavantage d’autres, comme en l’espèce, les conditions susmentionnées doivent être remplies (c. 8.4). Une entrée en vigueur rétroactive d’un tarif n’est pas exclue, mais elle doit être limitée dans le temps (c. 8.5.1). En l’espèce, la CAF a admis un effet rétroactif de deux ans et deux mois, ce qui est excessif. Les recourantes devaient certes s’attendre à l’introduction du tarif, mais on ne peut pas leur reprocher d’avoir retardé la procédure de manière inconvenante (c. 8.5.3). Une si longue rétroactivité poserait aussi des problèmes pratiques et soulèverait des questions d’égalité de traitement, par exemple lorsque des hôtels ont cessé leur activité ou ont changé de propriétaires (c. 8.5.4). La question de l’effet rétroactif doit cependant être distinguée de celle de la liquidation de l’effet suspensif ordonné suite aux recours (c. 8.6). En principe, l’effet suspensif ne doit pas favoriser matériellement la partie qui succombe au détriment de la partie qui l’emporte (c. 8.6.1). Lorsque le recours est rejeté ou qu’il est irrecevable, l’effet suspensif tombe et un examen du cas particulier conduit en général à admettre que la décision attaquée entre en vigueur avec effet au moment où elle a été rendue, pour ne pas favoriser indûment le recourant (c. 8.6.2). En l’espèce, l’effet suspensif n’avait été ordonné que partiellement et les redevances litigieuses sont perçues depuis le 8 juillet 2015. Il ne paraît pas justifié que le tarif entre en vigueur le 2 mars 2015, soit à la date de la décision de la CAF (c. 8.6.3). Pour les raisons pratiques et juridiques déjà évoquées en relation avec la rétroactivité, il se justifie que le tarif entre en vigueur au 8 juillet 2015. Cela permet aussi d’accorder un délai d’introduction aux recourantes, ce qui se justifie vu la longueur de la procédure qui ne leur est pas imputable (c. 8.6.4). [VS]

CB (RS 0.231.15)

- Art. 11bis

Cst. (RS 101)

- Art. 8

LDA (RS 231.1)

- Art. 83

-- al. 2

- Art. 59

- Art. 22

- Art. 60

- Art. 46

- Art. 19

-- al. 1 lit. a

- Art. 10

-- al. 2 lit. e

-- al. 2 lit. f

LTF (RS 173.110)

- Art. 71

- Art. 93

-- al. 3

- Art. 106

- Art. 107

-- al. 2

- Art. 42

- Art. 95

- Art. 105

- Art. 97

PCF (RS 273)

- Art. 24

WCT (RS 0.231.151)

- Art. 8

WPPT (RS 0.231.171.1)

- Art. 6

20 août 2012

TF, 20 août 2012, 2C_146/2012 (d)

sic! 1/2013, p. 30-37, « Tarif A Fernsehen» ; medialex 4/2012, p. 230-232 (rés.), « Tarif A Fernsehen » ; gestion collective, décision, approbation des tarifs, tarifs des sociétés de gestion, recours en matière de droit public, interprétation des tarifs, tarif contraignant pour les tribunaux, droits voisins, vidéogramme disponible sur le marché, support disponible sur le marché ; art. 12 CR, art. 2 lit. b WPPT, art. 2 lit. c WPPT, art. 15 WPPT, art. 95 lit. a LTF, art. 35 LDA, art. 60 LDA.

Contre un arrêt du TAF concernant une décision d'approbation d'un tarif par la CAF, c'est le recours en matière de droit public qui est ouvert, même si la décision a interprété une notion de droit civil de la LDA à titre préjudiciel, d'autant qu'il faut aussi trancher dans la procédure tarifaire la question de principe du devoir de payer une rémunération (c. 1). En ce qui concerne les critères de l'art. 60 LDA, la CAF bénéficie d'une certaine liberté d'appréciation en tant qu'autorité spécialisée, que les tribunaux doivent respecter. En revanche, les tarifs ne peuvent pas définir les droits autrement que la loi. L'interprétation de ces tarifs est une question de droit que le TF examine avec pleine cognition sur la base de l'art. 95 lit. a LTF (c. 2.2). La question litigieuse est de savoir si c'est l'enregistrement ou un format déterminé de celui-ci qui doit être disponible sur le marché pour que le droit à rémunération de l'art. 35 LDA trouve application. Ni le texte de cette disposition (c. 3.3), ni les travaux préparatoires (c. 3.4) ne donnent une réponse claire. En cas de doute, on doit admettre que l'art. 35 LDA transpose l'art. 12 CR et l'art. 15 WPPT (c. 3.5.1). Or, l'art. 12 CR prévoit une rémunération pour les phonogrammes publiés à des fins de commerce et pour les reproductions de ceux-ci. Cela pourrait laisser entendre que ce n'est pas le phonogramme concrètement utilisé pour la diffusion qui doit être disponible sur le marché (c. 3.5.2). L'art. 35 LDA va au-delà du droit international, dans la mesure où il prévoit une rémunération non seulement pour les phonogrammes, mais aussi pour les vidéogrammes. Toutefois, comme le législateur a voulu placer ces deux notions sur un pied d'égalité, les dispositions conventionnelles concernant les phonogrammes peuvent aussi être utilisées pour interpréter la notion de vidéogrammes. Or, d'après l'art. 2 lit. b WPPT, un phonogramme est une fixation des sons provenant d'une interprétation ou exécution ou d'autres sons, ou d'une représentation de sons. La fixation est elle-même définie, d'après l'art. 2 lit. c WPPT, comme l'incorporation de sons, ou des représentations de ceux-ci, dans un support qui permette de les percevoir, de les reproduire ou de les communiquer à l'aide d'un dispositif. Cela laisse entendre que la notion de phonogramme concerne la fixation, c'est-à-dire l'enregistrement, et non un format déterminé de celui-ci (c. 3.5.3). D'un point de vue téléologique, l'art. 35 LDA semble avoir pour but de consacrer une redevance là où le prix de vente ne contient pas de rémunération pour les utilisations secondaires du support. Mais l'interprétation de la loi ne peut pas dépendre de la question de savoir si, dans les faits, une rémunération a été convenue contractuellement (c. 3.6.2). C'est plutôt la motivation à la base de la licence légale et de la gestion collective obligatoire qui doit être prise en considération, à savoir assurer une rémunération aux ayants droit aussi simplement que possible, car ils ne sont pas en mesure d'exercer eux-mêmes leurs droits dans les faits. Or, puisque les télévisions n'utilisent pas des formats disponibles sur le marché, rattacher la notion de vidéogrammes à ces formats aurait pour conséquence que les ayants droit devraient exercer individuellement leurs droits, ce qui ne serait guère praticable (c. 3.6.3). En résumé, cette notion concerne donc l'enregistrement lui-même et non le format de celui-ci. [VS]

02 juillet 2013

TAF, 2 juillet 2013, B-2612/2011 (d)

medialex 4/2013, p. 203-204 (rés.), « Tarif commun S » ; gestion collective, surveillance de la Confédération, droit d’auteur, droits voisins, gestion individuelle, tarifs des sociétés de gestion, tarifs communs, tarif commun S, équité du tarif, règle des 10 %, règle des 3 %, calcul de la redevance, convention internationale, applicabilité directe, interprétation téléologique, comparaison avec l’étranger, preuve, Commission arbitrale fédérale, allégué tardif, moyens de preuve nouveaux, réparation d’un vice de procédure en instance de recours, réparation de la violation du droit d’être entendu ; art. 11bis ch. 2 CB, art. 15 WPPT, art. 16 WPPT, art. 29 al. 2 Cst., art. 32 al. 2 PA, art. 47 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA, art. 9 ODAu.

Une raison fréquente de la gestion collective surveillée par la Confédération est d'éviter que la gestion individuelle rende difficiles ou impossibles des formes populaires d'utilisations massives d'œuvres et de prestations protégées. En revanche, il ne s'agit pas de rendre les redevances meilleur marché pour les exploitants, lesquels bénéficient déjà d'une simplification pour l'acquisition des licences. D'après les art. 15 WPPT, 60 al. 2 LDA et 11bis al. 2 CB, la redevance doit être équitable. Par la gestion collective, les ayants droit ne doivent donc pas être moins bien traités qu'ils ne le seraient dans un marché libre (c. 3.1.1). L'équité s'apprécie cependant de manière globale, et non pour chaque œuvre ou prestation en particulier (c. 3.1.1 et 3.1.2). Le fait de prévoir un supplément sur la redevance concernant les droits voisins (et non sur celle concernant les droits d'auteur) n'est pas contraire à l'art. 47 LDA si les bases de calcul des redevances sont identiques pour les deux types de droits (c. 6). Un accord donné par une société de gestion à l'occasion d'une procédure tarifaire précédente ne la lie pas dans le cadre de la nouvelle procédure (c. 7.2). Les limites de l'art. 60 al. 2 LDA (10 % pour les droits d'auteur et 3 % pour les droits voisins) peuvent être dépassées si elles risquent de conduire à des redevances inéquitables. Cela est cohérent par rapport à l'interprétation téléologique selon laquelle la gestion collective doit rapporter aux ayants droit autant que ce qu'ils pourraient obtenir dans un marché libre. Ces limites ne doivent donc pas seulement être dépassées dans des cas exceptionnels. Ce n'est que si les preuves ne sont pas suffisantes pour déterminer des valeurs du marché fictives qu'elles peuvent servir d'aide pour fixer les redevances. Par conséquent, il n'y a pas de rapport fixe 10:3 entre les droits d'auteur et les droits voisins (c. 7.3). L'autorité tarifaire doit dépasser les limites chiffrées de l'art. 60 al. 2 LDA si cela est nécessaire pour que les redevances soient équitables au regard des valeurs du marché réelles ou hypothétiques (c. 7.4). Ainsi interprété, l'art. 60 al. 2 LDA est conforme aux art. 15 al. 1 et 16 WPPT. Cette dernière disposition n'est pas d'application directe (self-executing) pour les justiciables (c. 7.5). Comme il peut être difficile de connaître les valeurs du marché réelles, l'autorité tarifaire doit opérer sur la base d'une fiction, pour laquelle les conditions pratiquées à l'étranger n'ont qu'une importance limitée (c. 8.3 et 8.4). En l'espèce, les moyens de preuve apportés par la recourante sont insuffisants pour procéder à cette fiction (c. 8.7). Les moyens de preuve doivent en principe être produits avec la requête d'approbation tarifaire, c'est-à-dire au moins sept mois avant l'entrée en vigueur prévue du tarif (art. 9 al. 1 et 2 ODAu). Mais la CAF admet encore les pièces produites au moins cinq jours avant l'audience, parce que des allégués tardifs des parties sont admissibles s'ils paraissent décisifs (art. 32 al. 2 PA). Ces règles sont impératives pour la CAF, d'après la doctrine dominante. Leur violation peut cependant être réparée en instance de recours, par la production par la partie recourante des pièces que la CAF a refusé à tort (c. 4.3.2). De même, une violation du droit d'être entendu, due à un défaut de motivation de la décision de première instance sur certains points, peut être réparée en instance de recours, si la CAF s'explique suffisamment dans sa prise de position devant le TAF (c. 4.3.3). [VS]

27 février 2014

TF, 27 février 2014, 2C_783/2013 (d)

ATF 140 II 305 ; sic! 6/2014, p. 362-364, « Gemeinsamer Tarif Sender (GT S) », medialex 2/2014, p. 111, « Tarif commun S », JdT 2015 II 206 ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarifs communs S, recours en matière de droit public, redevance équitable, pouvoir de cognition, équité du tarif, règle des 10%, règle des 3%, calcul de la redevance, déduction des frais d’acquisition de la publicité, comparaison avec l’étranger ; art. 15 WPPT, art. 16 WPPT, art. 190 Cst., art. 82 lit. a LTF, art. 86 al. 1 lit. a LTF, art. 90 LTF, art. 49 PA, art. 47 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA.

Contre une décision du TAF concernant l’approbation d’un tarif par la CAF, c’est le recours en matière de droit public qui est ouvert (c. 1.1). Les critères de l’art. 60 LDA sont contraignants pour la CAF et ils ne représentent pas seulement des lignes directrices pour l’exercice de son pouvoir d’appréciation. Ce sont des notions juridiques indéterminées, dont le TF revoit l’interprétation et l’application. Toutefois, ce dernier fait preuve d’une certaine retenue dans le contrôle des décisions prises par des autorités spécialisées, lorsque des aspects techniques particuliers sont en discussion. Cette retenue vaut aussi pour le TAF, malgré sa cognition illimitée selon l’art. 49 PA (c. 2.2.1). Comme la CAF est une autorité spécialisée, le TAF doit respecter son pouvoir d’appréciation dans l’application des critères de l’art. 60 LDA, ce qui revient finalement à ne sanctionner que les abus ou les excès (c. 2.2.2). D’après la systématique de l’art. 15 WPPT, des réserves au sens de l’alinéa 3 ne sont nécessaires que s’il s’agit de déroger au principe de l’alinéa 1, c’est-à-dire à la redevance équitable elle-même. Aussi longtemps qu’une telle redevance équitable est prévue, l’art. 16 WPPT ne s’applique pas (c’est-à-dire notamment l’obligation de ne pas instaurer, dans le domaine des droits voisins, des exceptions plus larges qu’en droit d’auteur) (c. 6.2). Ni l’art. 12 CR, ni l’art. 15 WPPT, ne précisent ce qu’il faut entendre par redevance équitable. Les législateurs nationaux ont donc une marge de manœuvre relativement large pour transposer les obligations internationales. Le simple fait que les droits d’auteur et les droits voisins doivent tous deux être protégés ne signifie pas qu’ils doivent être valorisés de la même manière : la valeur des droits voisins est indépendante de celle des droits d’auteur et la relation entre ces deux catégories de droits varie selon les circonstances. Il est possible de leur attribuer la même valeur, mais cela n’est pas obligatoire (c. 6.3). Les pourcentages de 10 %, respectivement de 3 %, prévus par l’art. 60 LDA, ne représentent pas des taux normaux, mais sont des limites supérieures qui ne peuvent être dépassées qu’à la condition prévue par l’art. 60 al. 2 LDA, à savoir que lesdits pourcentages ne suffisent pas à procurer une rémunération équitable aux ayants droit. A cette condition, un dépassement est alors possible (c. 6.4). Pour juger de ce qui est équitable, il est difficile de se baser sur des valeurs du marché réelles, car la gestion collective obligatoire empêche justement le développement d’un marché comparable. Si l’on voulait rechercher des valeurs du marché fictives, il faudrait tenir compte des difficultés pratiques auxquelles se heurterait la gestion individuelle, qui conduiraient souvent à une rémunération moindre, voire à une disparition de la rémunération. La détermination d’un prix concurrentiel fictif semble donc plutôt hypothétique (c. 6.5). Dans ces conditions, il ne peut être reproché au législateur d’avoir concrétisé la notion d’équité sur la base d’une appréciation politique, et d’avoir attribué aux droits voisins une autre valeur qu’aux droits d’auteur. Le rapport légal 10 : 3 est compatible avec les traités internationaux et lie le TF d’après l’art. 190 Cst. La loi prévoit certes expressément une possibilité de déroger aux limites maximales, donc au rapport 10 : 3, s’il y a pour cela des raisons particulières. Une interprétation ayant pour conséquence une dérogation générale à ce rapport ne serait toutefois plus conforme à la loi, et n’est pas imposée par l’art. 15 al. 1 WPPT (c. 6.6). La déduction des frais d’acquisition de la publicité de l’assiette de la redevance peut être rediscutée dans le cadre d’un tarif futur, mais le rapport 10 : 3 s’oppose à ce qu’elle soit compensée par un supplément seulement pour les droits voisins, et pas pour les droits d’auteur (c. 7.1). Il n’est pas démontré que le marché en ligne soit comparable à celui de la radio et de la télévision, et l’affirmation selon laquelle les droits de reproduction étaient plus valorisés avant d’être soumis à la gestion collective obligatoire (le 1er juillet 2008) n’est pas suffisamment étayée (c. 7.2). D’après la jurisprudence du TF, les comparaisons tarifaires avec l’étranger sont certes admissibles et judicieuses ; elles n’ont cependant qu’une valeur limitée, vu que les législations nationales connaissent des critères différents et que les circonstances de fait peuvent varier. Néanmoins, étant donné les difficultés à apprécier la rémunération équitable, la comparaison avec l’étranger est encore l’un des critères les moins discutables, pour autant que l’on puisse tenir compte de manière appropriée des différences pertinentes (c. 7.3.1). [VS]

22 octobre 2018

TAF, 22 octobre 2018, B-3812/2016 (d)

« Tarif A Fernsehen (Swissperform) » ; tarifs des sociétés de gestion, pouvoir de cognition de la CAF, pouvoir de cognition du TAF, arrêt de renvoi, force obligatoire, unité de la procédure, effet rétroactif, effet suspensif, pouvoir d’appréciation, renvoi de l’affaire, novae, synchronisation, droits voisins, phonogramme disponible sur le marché, vidéogramme disponible sur le marché, support disponible sur le marché, œuvre musicale non théâtrale, effet rétroactif, devoir de collaboration accru des parties en procédure tarifaire, règle du ballet, augmentation de redevance, augmentation du tarif ; art. 12 CR, art. 15 WPPT, art. 11 LDA, art. 22c LDA, art 24b LDA, art. 35 LDA, art. 38 LDA, art. 46 LDA, art. 59 LDA.

Lorsque le TAF a renvoyé antérieurement l’affaire à l’autorité précédente et qu’il y a un nouveau recours sur la nouvelle décision de cette dernière, aussi bien l’autorité précédente que le TAF sont liés par le dispositif de la décision de renvoi, lequel forme le cadre de la nouvelle procédure de recours (c. 1.2). Lorsque le renvoi portait sur un nouvel examen du montant de la redevance, les mesures à prendre pour éviter une augmentation abrupte et la date d’entrée en vigueur de la redevance font partie du cadre fixé par la décision de renvoi (c. 1.2 et 1.3). L’effet contraignant de celle-ci ne s’oppose pas à la prise en compte de novae, pour autant que le droit de procédure et le principe de l’unité de la procédure le permettent (c. 1.4). A supposer que l’obligation de paiement de la redevance soit reportée en raison de l’interdiction de l’effet rétroactif, c’est aussi l’entrée en vigueur de toutes les autres dispositions tarifaires qui devrait être retardée, y compris de celles en défaveur des ayants droit (c. 3.3). En l’espèce, le tarif a produit ses effets dès la date d’entrée en vigueur prévue, car les recours n’ont pas eu d’effet suspensif. En cas de redevance tarifaire trop basse, un recours serait rendu illusoire si la redevance ne pouvait pas être augmentée dès la date d’entrée en vigueur du tarif. De plus, les utilisations déjà entreprises seraient illicites si le tarif corrigé ne pouvait pas les couvrir, ce qui conduirait à des négociations sur les dommages-intérêts. En l’espèce, on est en présence d’un tarif qui est entré en vigueur à la date prévue, mais qui a été modifié suite à un recours. Le cas se distingue des affaires 2C_685/2016 et 2C_806/2016 tranchées par le TF, où un nouveau tarif devait entrer en vigueur pour la première fois à titre rétroactif. Il n’y a donc pas ici d’effet rétroactif non autorisé (c. 3.4). Les tarifs doivent faciliter les utilisations d’œuvres en instaurant une redevance homogène, prévisible et praticable dans l’intérêt des ayants droit et des utilisateurs. La CAF fixe son niveau en ayant pour but un équilibre objectif des intérêts entre les parties concernées, et en respectant l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Un devoir de collaboration accru des parties les oblige à fournir les chiffres et statistiques permettant le contrôle de l’équité. Le TAF se prononce avec un plein pouvoir de cognition, mais il fait preuve de retenue là où la CAF, en tant qu’autorité judiciaire spécialisée indépendante, a traité de questions complexes concernant la gestion collective ou a pesé les intérêts en présence tout en respectant l’autonomie des sociétés de gestion. En fin de compte, cela revient à rechercher si la CAF a excédé son pouvoir d’appréciation ou en a abusé (c. 4.1). Un tarif est équitable lorsqu’il repose sur un équilibre approprié, semblable en substance à ce qui aurait découlé d’un accord entre les parties dans une situation de concurrence. Les difficultés d’application sont à prendre en compte. Des forfaits et des approximations sont admissibles pour mieux couvrir toutes les utilisations et améliorer la praticabilité. L’art. 12 CR et l’art. 15 WPPT ne donnent aucune garantie minimum valable dans tous les cas particuliers (c. 4.3). Le tarif concerne l’utilisation de phonogrammes disponibles sur le marché, sans considération d’une protection éventuelle sur les images. Il est donc compréhensible que la CAF n’ait pas différencié la redevance selon que les phonogrammes sont ou non synchronisés avec des images (c. 5.1). Une utilisation moins intensive des supports lorsqu’ils sont synchronisés n’est pas constatable. La règle du ballet, qui justifierait une diminution de 50% de la redevance, n’est donc pas applicable (c. 5.2). Il est compréhensible également que la CAF, lorsqu’elle s’oppose aux augmentations abruptes de redevance, ne prenne en compte que la charge tarifaire des utilisateurs, et non les montants à répartir aux ayants droit : cette charge détermine en effet les offres des utilisateurs sur le marché et le calcul de leurs prix, alors qu’elle n’a que peu d’influence sur les cachets que touchent les titulaires de droits voisins. Mais il est vrai que la CAF évite les augmentations abruptes unilatéralement en faveur des utilisateurs, alors qu’elle ne recherche pas à assurer la continuité des recettes tarifaires pour les ayants droit, par exemple en évitant des périodes sans tarif ou des retards dans l’approbation des tarifs pour des raisons de procédure. Ainsi, l’interdiction des augmentations abruptes (principe de la continuité) n’est pas un critère qui relève du contrôle de l’équité. Une partie de la doctrine le prétend, mais cela ne découle pas de la loi. Le TF a aussi plusieurs fois admis qu’une augmentation importante de la redevance était admissible en cas de changement dans les bases de calcul justifié objectivement, et qu’elle pouvait même démontrer que la redevance antérieure était trop basse. Ainsi, le principe de la continuité ne sert pas à distinguer une charge tarifaire équitable d’une charge inéquitable mais, en aval, au choix d’une solution préférable parmi plusieurs solutions tarifaires équitables. Il est alors permis d’y recourir et de le mettre en œuvre par un échelonnement annuel des taux tarifaires ou des montants maximaux à payer (c. 6.3). En l’espèce, le plafonnement des redevances ne peut pas être confirmé car le nouveau tarif se base sur un changement des bases de calcul justifié objectivement (c. 6.4.1), les forfaits avaient été payés précédemment expressément « sans valeur de précédent » (c. 6.4.2), depuis 2013 ils n’étaient versés qu’à titre d’acomptes (c. 6.4.3) et, enfin, parce que le plafonnement a été calculé par la CAF en fonction de l’intégralité des recettes tarifaires, alors qu’il a été appliqué uniquement sur la redevance due pour l’utilisation de supports synchronisés, ce qui défavorise les interprètes dont la prestation figure sur de tels supports (c. 6.4.4). L’introduction d’un système de calcul proportionnel à l’utilisation, vingt ans après l’entrée en vigueur de la LDA, plaide contre un échelonnement de l’augmentation, ce qui rend inutile un deuxième renvoi à l’autorité précédente (c. 6.5). [VS]

02 juillet 2013

TAF, 2 juillet 2013, B-2612/2011 (d)

medialex 4/2013, p. 203-204 (rés.), « Tarif commun S » ; gestion collective, surveillance de la Confédération, droit d’auteur, droits voisins, gestion individuelle, tarifs des sociétés de gestion, tarifs communs, tarif commun S, équité du tarif, règle des 10 %, règle des 3 %, calcul de la redevance, convention internationale, applicabilité directe, interprétation téléologique, comparaison avec l’étranger, preuve, Commission arbitrale fédérale, allégué tardif, moyens de preuve nouveaux, réparation d’un vice de procédure en instance de recours, réparation de la violation du droit d’être entendu ; art. 11bis ch. 2 CB, art. 15 WPPT, art. 16 WPPT, art. 29 al. 2 Cst., art. 32 al. 2 PA, art. 47 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA, art. 9 ODAu.

Une raison fréquente de la gestion collective surveillée par la Confédération est d'éviter que la gestion individuelle rende difficiles ou impossibles des formes populaires d'utilisations massives d'œuvres et de prestations protégées. En revanche, il ne s'agit pas de rendre les redevances meilleur marché pour les exploitants, lesquels bénéficient déjà d'une simplification pour l'acquisition des licences. D'après les art. 15 WPPT, 60 al. 2 LDA et 11bis al. 2 CB, la redevance doit être équitable. Par la gestion collective, les ayants droit ne doivent donc pas être moins bien traités qu'ils ne le seraient dans un marché libre (c. 3.1.1). L'équité s'apprécie cependant de manière globale, et non pour chaque œuvre ou prestation en particulier (c. 3.1.1 et 3.1.2). Le fait de prévoir un supplément sur la redevance concernant les droits voisins (et non sur celle concernant les droits d'auteur) n'est pas contraire à l'art. 47 LDA si les bases de calcul des redevances sont identiques pour les deux types de droits (c. 6). Un accord donné par une société de gestion à l'occasion d'une procédure tarifaire précédente ne la lie pas dans le cadre de la nouvelle procédure (c. 7.2). Les limites de l'art. 60 al. 2 LDA (10 % pour les droits d'auteur et 3 % pour les droits voisins) peuvent être dépassées si elles risquent de conduire à des redevances inéquitables. Cela est cohérent par rapport à l'interprétation téléologique selon laquelle la gestion collective doit rapporter aux ayants droit autant que ce qu'ils pourraient obtenir dans un marché libre. Ces limites ne doivent donc pas seulement être dépassées dans des cas exceptionnels. Ce n'est que si les preuves ne sont pas suffisantes pour déterminer des valeurs du marché fictives qu'elles peuvent servir d'aide pour fixer les redevances. Par conséquent, il n'y a pas de rapport fixe 10:3 entre les droits d'auteur et les droits voisins (c. 7.3). L'autorité tarifaire doit dépasser les limites chiffrées de l'art. 60 al. 2 LDA si cela est nécessaire pour que les redevances soient équitables au regard des valeurs du marché réelles ou hypothétiques (c. 7.4). Ainsi interprété, l'art. 60 al. 2 LDA est conforme aux art. 15 al. 1 et 16 WPPT. Cette dernière disposition n'est pas d'application directe (self-executing) pour les justiciables (c. 7.5). Comme il peut être difficile de connaître les valeurs du marché réelles, l'autorité tarifaire doit opérer sur la base d'une fiction, pour laquelle les conditions pratiquées à l'étranger n'ont qu'une importance limitée (c. 8.3 et 8.4). En l'espèce, les moyens de preuve apportés par la recourante sont insuffisants pour procéder à cette fiction (c. 8.7). Les moyens de preuve doivent en principe être produits avec la requête d'approbation tarifaire, c'est-à-dire au moins sept mois avant l'entrée en vigueur prévue du tarif (art. 9 al. 1 et 2 ODAu). Mais la CAF admet encore les pièces produites au moins cinq jours avant l'audience, parce que des allégués tardifs des parties sont admissibles s'ils paraissent décisifs (art. 32 al. 2 PA). Ces règles sont impératives pour la CAF, d'après la doctrine dominante. Leur violation peut cependant être réparée en instance de recours, par la production par la partie recourante des pièces que la CAF a refusé à tort (c. 4.3.2). De même, une violation du droit d'être entendu, due à un défaut de motivation de la décision de première instance sur certains points, peut être réparée en instance de recours, si la CAF s'explique suffisamment dans sa prise de position devant le TAF (c. 4.3.3). [VS]

27 février 2014

TF, 27 février 2014, 2C_783/2013 (d)

ATF 140 II 305 ; sic! 6/2014, p. 362-364, « Gemeinsamer Tarif Sender (GT S) », medialex 2/2014, p. 111, « Tarif commun S », JdT 2015 II 206 ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarifs communs S, recours en matière de droit public, redevance équitable, pouvoir de cognition, équité du tarif, règle des 10%, règle des 3%, calcul de la redevance, déduction des frais d’acquisition de la publicité, comparaison avec l’étranger ; art. 15 WPPT, art. 16 WPPT, art. 190 Cst., art. 82 lit. a LTF, art. 86 al. 1 lit. a LTF, art. 90 LTF, art. 49 PA, art. 47 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA.

Contre une décision du TAF concernant l’approbation d’un tarif par la CAF, c’est le recours en matière de droit public qui est ouvert (c. 1.1). Les critères de l’art. 60 LDA sont contraignants pour la CAF et ils ne représentent pas seulement des lignes directrices pour l’exercice de son pouvoir d’appréciation. Ce sont des notions juridiques indéterminées, dont le TF revoit l’interprétation et l’application. Toutefois, ce dernier fait preuve d’une certaine retenue dans le contrôle des décisions prises par des autorités spécialisées, lorsque des aspects techniques particuliers sont en discussion. Cette retenue vaut aussi pour le TAF, malgré sa cognition illimitée selon l’art. 49 PA (c. 2.2.1). Comme la CAF est une autorité spécialisée, le TAF doit respecter son pouvoir d’appréciation dans l’application des critères de l’art. 60 LDA, ce qui revient finalement à ne sanctionner que les abus ou les excès (c. 2.2.2). D’après la systématique de l’art. 15 WPPT, des réserves au sens de l’alinéa 3 ne sont nécessaires que s’il s’agit de déroger au principe de l’alinéa 1, c’est-à-dire à la redevance équitable elle-même. Aussi longtemps qu’une telle redevance équitable est prévue, l’art. 16 WPPT ne s’applique pas (c’est-à-dire notamment l’obligation de ne pas instaurer, dans le domaine des droits voisins, des exceptions plus larges qu’en droit d’auteur) (c. 6.2). Ni l’art. 12 CR, ni l’art. 15 WPPT, ne précisent ce qu’il faut entendre par redevance équitable. Les législateurs nationaux ont donc une marge de manœuvre relativement large pour transposer les obligations internationales. Le simple fait que les droits d’auteur et les droits voisins doivent tous deux être protégés ne signifie pas qu’ils doivent être valorisés de la même manière : la valeur des droits voisins est indépendante de celle des droits d’auteur et la relation entre ces deux catégories de droits varie selon les circonstances. Il est possible de leur attribuer la même valeur, mais cela n’est pas obligatoire (c. 6.3). Les pourcentages de 10 %, respectivement de 3 %, prévus par l’art. 60 LDA, ne représentent pas des taux normaux, mais sont des limites supérieures qui ne peuvent être dépassées qu’à la condition prévue par l’art. 60 al. 2 LDA, à savoir que lesdits pourcentages ne suffisent pas à procurer une rémunération équitable aux ayants droit. A cette condition, un dépassement est alors possible (c. 6.4). Pour juger de ce qui est équitable, il est difficile de se baser sur des valeurs du marché réelles, car la gestion collective obligatoire empêche justement le développement d’un marché comparable. Si l’on voulait rechercher des valeurs du marché fictives, il faudrait tenir compte des difficultés pratiques auxquelles se heurterait la gestion individuelle, qui conduiraient souvent à une rémunération moindre, voire à une disparition de la rémunération. La détermination d’un prix concurrentiel fictif semble donc plutôt hypothétique (c. 6.5). Dans ces conditions, il ne peut être reproché au législateur d’avoir concrétisé la notion d’équité sur la base d’une appréciation politique, et d’avoir attribué aux droits voisins une autre valeur qu’aux droits d’auteur. Le rapport légal 10 : 3 est compatible avec les traités internationaux et lie le TF d’après l’art. 190 Cst. La loi prévoit certes expressément une possibilité de déroger aux limites maximales, donc au rapport 10 : 3, s’il y a pour cela des raisons particulières. Une interprétation ayant pour conséquence une dérogation générale à ce rapport ne serait toutefois plus conforme à la loi, et n’est pas imposée par l’art. 15 al. 1 WPPT (c. 6.6). La déduction des frais d’acquisition de la publicité de l’assiette de la redevance peut être rediscutée dans le cadre d’un tarif futur, mais le rapport 10 : 3 s’oppose à ce qu’elle soit compensée par un supplément seulement pour les droits voisins, et pas pour les droits d’auteur (c. 7.1). Il n’est pas démontré que le marché en ligne soit comparable à celui de la radio et de la télévision, et l’affirmation selon laquelle les droits de reproduction étaient plus valorisés avant d’être soumis à la gestion collective obligatoire (le 1er juillet 2008) n’est pas suffisamment étayée (c. 7.2). D’après la jurisprudence du TF, les comparaisons tarifaires avec l’étranger sont certes admissibles et judicieuses ; elles n’ont cependant qu’une valeur limitée, vu que les législations nationales connaissent des critères différents et que les circonstances de fait peuvent varier. Néanmoins, étant donné les difficultés à apprécier la rémunération équitable, la comparaison avec l’étranger est encore l’un des critères les moins discutables, pour autant que l’on puisse tenir compte de manière appropriée des différences pertinentes (c. 7.3.1). [VS]

18 février 2019

TAF, 18 février 2019, B-1624/2018, B-1699/2018 (d)

« Tarif A radio (Swissperform) » ; tarifs des sociétés de gestion, compétence de la CAF, pouvoir de cognition du TAF, pouvoir de cognition de la CAF, équité du tarif, recettes brutes, déduction des frais d’acquisition de la publicité, procédure devant la CAF, gestion économique, webcasting, simulcasting, streaming, règle du ballet, musique fonction subordonnée ou d’accompagnement, règle prorata temporis, test des trois étapes, triple test, augmentation de redevance, vente de programmes, obligation d’informer les sociétés de gestion; art. 16 WPPT, art. 13 ADPIC, art. 22c LDA, art. 35 al. 1 LDA, art. 40 LDA, art. 45 al. 1 LDA, art. 47 LDA, art. 51 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA.

Le TAF dispose d’un plein pouvoir de cognition et peut aussi examiner l’équité de la décision tarifaire attaquée. Il fait toutefois preuve de retenue là où la CAF, en tant qu’autorité judiciaire spécialisée indépendante, a traité de questions complexes concernant la gestion collective ou a pesé les intérêts en présence tout en respectant l’autonomie des sociétés de gestion. En fin de compte, cela revient à rechercher si la CAF a excédé son pouvoir d’appréciation ou en a abusé (c. 2.2). Les tarifs doivent respecter l’ordre juridique instauré par la loi au sujet des droits exclusifs et des utilisations autorisées, ils ne peuvent pas instaurer des prérogatives incompatibles avec la loi. S’agissant de l’équité dans le cadre de l’ordre légal, ils lient le juge civil et servent de base juridique pour les prétentions civiles des sociétés de gestion (c. 3.1). Dans le cadre de la procédure d’approbation tarifaire, la CAF poursuit le but d’un équilibre objectif des intérêts entre les parties concernées. Celui-ci s’oriente sur les redevances pratiquées sur le marché et sert la sécurité juridique. La CAF n’a pas seulement une compétence d’approbation puisqu’elle peut modifier le tarif sur la base de l’art. 59 al. 2 LDA. Elle doit de plus examiner à titre préjudiciel si les droits mentionnés par le tarif existent, et si les utilisations sont soumises à la surveillance de la Confédération. Dans l’intérêt des utilisateurs, d’après l’art. 47 LDA, elle doit aussi faire en sorte que des utilisations connexes d’un point de vue économique soient si possible réglées par le même tarif, même si elles relèvent de sociétés de gestion différentes. Si toutes les associations d’utilisateurs n’ont pas consenti au tarif, la CAF organise en général une audience. Toutefois, elle ne doit pas interférer dans l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion plus que ne le nécessite un équilibre objectif des intérêts entre ayants droit et utilisateurs. Si plusieurs solutions sont envisageables, la CAF dépasserait ses compétences en imposant la sienne. Elle examine le projet tarifaire avec pleine cognition, mais doit respecter une certaine liberté de disposition des sociétés de gestion et leur autonomie (c. 3.2). Le webcasting se distingue du simulcasting par le fait qu’il n’y a pas de transmission d’un signal d’émission par voie terrestre ou par câble ; la technique du streaming est utilisée. La mise à disposition n’est pas couverte par l’art. 35 al. 1 LDA, sinon l’art. 22c LDA n’aurait aucun sens (c. 4.5.3). La transmission de signaux de programmes par Internet constitue une diffusion ou une retransmission si elle a lieu de manière linéaire, c’est-à-dire si l’utilisateur ne peut pas influencer le déroulement du programme (c. 4.5.4). En l’espèce, le webcasting d’événements isolés transmis originairement par Internet ne constitue pas un acte de diffusion : il a lieu de manière non linéaire car les utilisateurs peuvent choisir le moment de la consultation (c. 4.5.5). L’art. 60 LDA a pour but de permettre aux ayants droit de participer proportionnellement aux revenus générés par les biens protégés, mais il n’empêche pas des différenciations fondées dans la pondération (c. 5.5.2). Réduire de moitié le taux tarifaire lorsque les enregistrements musicaux sont utilisés en même temps qu’une propre prestation rédactionnelle de la SSR compliquerait l’application du tarif et serait difficilement praticable. Pour cette raison, une forfaitisation est possible. La situation n’est pas comparable avec celle du tarif commun H dans l’arrêt B-1736/2014 du 2 septembre 2015. La concentration cognitive des utilisateurs ne constitue pas un critère de fixation de l’indemnité au sens de l’art. 60 LDA (c. 5.5.3). La formulation « en relation avec la diffusion d’émissions » utilisée par l’art. 22c LDA ne contient pas de composante temporelle et doit être comprise de manière fonctionnelle. La condition peut être réalisée même si l’émission reste disponible sur Internet pour une longue période, dépassant 7 jours suivant la première diffusion. Selon l’interprétation fonctionnelle, la condition de l’art. 22c LDA est réalisée lorsque la musique est contenue dans une émission et que cette dernière, et non les morceaux de musique de manière isolée, est mise à disposition sur Internet (c. 6.6.2). Une limitation temporelle n’est pas nécessaire pour que l’art. 22c LDA soit compatible avec le test des trois étapes prévu par les art. 16 al. 2 WPPT et 13 ADPIC (c. 6.6.3 et 6.6.4). Les recettes au sens de l’art. 60 LDA ne correspondent pas au bénéfice, mais au chiffre d’affaires c’est-à-dire au revenu brut. Elles font partie des bases de calcul de la redevance si elles proviennent de l’utilisation des biens protégés. Elles doivent avoir un rapport direct avec les utilisations régies par le tarif (c. 7.5.1). Une déduction forfaitaire sur les recettes brutes est prévue par le tarif commun S. Par conséquent, une telle déduction dans le tarif A radio ne représente pas une dérogation à un principe constant ou un changement de système inutile et injustifié (c. 7.5.2). Cette réglementation correspond à ce que les parties ont convenu à l’amiable jusqu’ici et elle apparaît justifiée vu l’abolition prévue de la possibilité de déduire les frais d’acquisition de la publicité : il faut en effet éviter les augmentations de redevances abruptes (c. 7.5.3). Une déduction forfaitaire facilite en outre l’application du tarif, car elle évite à la SSR de devoir prouver ses frais d’acquisition et à Swissperform de devoir les contrôler. Des forfaitisations sont dans une certaine mesure inévitables en matière tarifaire (c. 7.5.4). Les recettes provenant de la vente de programmes sans musique ne sont pas dans un rapport direct avec l’activité de diffusion. En effet, les phonogrammes disponibles sur le marché ne contribuent pas à ces recettes (c. 8.6.2). D’après la systématique de l’art. 60 LDA, il faut d’abord déterminer les bases de calcul de la redevance – alinéa 1 – puis ensuite fixer la participation des ayants droit – alinéa 2. Les deux étapes poursuivent toutefois l’objectif d’une indemnité équitable. Il n’y a pas d’ordre de priorité entre les deux et le principe de la participation des ayants droit peut aussi servir à fixer les recettes prises en compte pour calculer la redevance. Cela ne conduit pas à une double déduction. Les frais pour déterminer les programmes sans musique devraient rester raisonnables, si bien que l’art. 45 LDA est respecté (c. 8.6.3). Le devoir d’information selon l’art. 51 LDA englobe tout ce qui permet aux sociétés de gestion de connaître les œuvres utilisées et l’ampleur de l’utilisation. Il n’existe cependant que dans la mesure du raisonnable. Il faut entendre par là qu’il ne doit pas occasionner des coûts disproportionnés pour l’utilisateur d’œuvres (c. 9.6.2). Le tarif prévoit que le code ISRC doit être annoncé s’il est livré à la SSR en même temps que l’enregistrement, ou après coup en référence à un enregistrement donné (c. 9.6.3). Le but de la gestion collective est notamment un encaissement simple, praticable et prévisible des redevances, ce qui est aussi dans l’intérêt des utilisateurs. Pour cette raison, l’interprétation de l’art. 51 al. 1 LDA doit tenir compte de l’art. 45 al. 1 LDA, qui oblige les sociétés de gestion à administrer leurs affaires selon les règles d’une gestion saine et économique. Le code ISRC s’est imposé comme un standard mondial pour les enregistrements musicaux. Il est juste que la SSR doive le fournir à Swissperform, lorsqu’elle l’a reçu, car ce code est nécessaire pour assurer à long terme une gestion saine et économique. Dans son arrêt 2A.539/1996 du 20 juin 1997, c. 6b, le TF a aussi estimé qu’un tarif pouvait obliger les utilisateurs à fournir des codes d’identification (c. 9.6.4). Les coûts pour la SSR paraissent raisonnables (c. 9.6.5). Un tarif peut contenir des règles sur les obligations d’annonce et sur les conséquences en cas d’inobservation. L’exécution du devoir d’information a lieu par la voie civile. Vu l’importance du code ISRC dans le secteur musical et son rôle pour assurer une gestion saine et économique, le tarif peut renforcer le devoir d’information en mettant à la charge de la SSR les frais de recherche démontrés dus à une violation de son obligation de déclarer le code ISRC (c. 10.5.2). [VS]

27 avril 2020

TF, 27 avril 2020, 2C_306/2019 (d)

« Tarif A radio (Swissperform) » ; recours en matière de droit public, tarifs des sociétés de gestion, équité du tarif, droit de mise à disposition, webcasting, simulcasting, musique fonction subordonnée ou d’accompagnement, test des trois étapes, triple test; art. 16 WPPT, art. 13 ADPIC, art. 26 Cst., art. 22c LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA.

Contre une décision du TAF concernant l’approbation d’un tarif, le recours en matière de droit public est ouvert. En l’espèce, il existe un intérêt actuel au recours. De toute manière, il y aurait lieu de renoncer à cette condition, étant donné que la question juridique litigieuse peut se poser à tout moment, qu’il n’est guère possible de l’examiner à temps dans un cas particulier et que la solution à cette question est d’intérêt public (c. 1). L’art. 22c LDA, à certaines conditions, soumet à la gestion collective obligatoire le droit de mettre à disposition des œuvres musicales non théâtrales en relation avec la diffusion d’émissions de radio ou de télévision (c. 3.2). Il ne résulte pas du texte de cette disposition que l’assujettissement obligatoire de ce droit à la gestion collective serait limité dans le temps (c. 4.2.1). Cela ne découle pas non plus des débats au parlement (c. 4.2.2). Le test des trois étapes prévu par les traités internationaux n’implique pas de limiter le champ d’application de l’art. 22c LDA par un élément temporel. En application de ce test, il y aurait un préjudice injustifié aux intérêts légitimes des ayants droit si l’atteinte qu’ils subissent ne pouvait leur être imposée d’après les règles de la bonne foi. Tel serait le cas lorsque les intérêts des ayants droit prévalent sur ceux des tiers. Cependant, le paiement d’une redevance équitable peut amoindrir l’atteinte et la rendre compatible avec les exigences du triple test (c. 4.3.2). Les conditions d’application de l’art. 22c LDA sont suffisamment restrictives pour admettre que la disposition vise certains cas spéciaux (c. 4.3.3). La distribution de musique n’est pas affectée par l’art. 22c LDA : cette norme concerne la communication en différé d’émissions pour lesquelles la musique a une fonction accessoire. Celui qui écoute l’émission et s’intéresse à la musique devra l’acquérir par la suite sur une plateforme musicale. Il ne pourra pas le faire sur le site Internet de la SSR. Aucune concurrence n’est donc portée à des plateformes de streaming comme Spotify ou Deezer (c. 4.3.4). La dernière condition du test est remplie également : la solution légale repose sur une pesée objective des intérêts. La gestion collective obligatoire ne touche pas au contenu des droits, elle empêche seulement un exercice individuel de ceux-ci. Les ayants droit sont rémunérés par les sociétés de gestion. L’importance économique différenciée des différentes formes de mise à disposition peut être prise en compte dans le cadre du tarif. L’atteinte aux intérêts des ayants droit est limitée par les conditions restrictives de l’art. 22c LDA. Il existe au surplus un intérêt prépondérant des organismes de diffusion et des consommateurs. Enfin, l’art. 22c LDA est fondé sur un compromis entre les diffuseurs et l’association Suisseculture (c. 4.3.5). Comme il s’agit d’une solution particulière en faveur des diffuseurs, leur permettant de mettre leurs productions à disposition d’un large public selon ses besoins, il n’apparaît pas juste que les diffuseurs doivent limiter la mise à disposition à sept jours, puis renégocier des autorisations avec les ayants droit individuellement. Les art. 22a et 22c LDA ont des champs d’application différents, si bien que la première disposition ne peut servir à l’interprétation de la seconde (c. 4.3.6). En résumé, l’art. 22c LDA est compatible avec les traités internationaux même sans une limitation dans le temps de la mise à disposition. Cette norme s’applique à tous les cas de mise à disposition, simultanée ou en différé, des émissions sur Internet (c. 4.3.7). Une limitation temporelle n’est pas nécessaire non plus pour que l’art. 22c LDA soit compatible avec la garantie de la propriété. Les droits exclusifs des ayants droit n’existent que dans les limites de l’ordre juridique. L’art. 22c LDA ne touche pas au droit subjectif lui-même, mais il a pour effet, à certaines conditions, de transformer le droit de véto en un droit à rémunération. Il n'est pas prouvé que l’indemnité obtenue soit inférieure à ce pourrait réclamer les ayants droit par une gestion individuelle. Au surplus, les conditions pour une atteinte à la garantie de la propriété seraient remplies, pour les raisons expliquées en rapport avec le test des trois étapes (c. 4.3.8). Pour fixer l’indemnité tarifaire, le fait que la SSR mette ses émissions à disposition de manière illimitée dans le temps pourra être pris en compte. Mais il serait contraire au but de l’art. 22c LDA et de la gestion collective obligatoire que la communication en différé des émissions puisse dépendre du consentement des ayants droit (c. 4.3.9). [VS]

30 juin 2008

CAF, 30 juin 2008, Zusatztarif zum Tarif A Radio (SWISSPERFORM) (d)

sic! 39 9/2009, p. 597-604, « Ergänzung Sendetarif » ; gestion collective, Tarif A Radio, droit de reproduction, droit de mise à disposition, droit de diffusion, droits voisins, triple test, tarif ; art. 16 ch. 2 WPPT, art. 22c LDA, art. 24b LDA, art. 35 al. 1 LDA, art. 60 al. 2 LDA.

En édictant les art. 22c et 24b LDA, le législateur a respecté le triple test de l'art. 16 ch. 2 WPPT. Comme la mise à disposition constitue une utilisation distincte, le tarif de SWISSPERFORM n'épuise pas déjà la limite de 3 % pour les droits voisins. Le législateur n'ayant pas prévu de licence gratuite pour la reproduction de phonogrammes du commerce à des fins de diffusion, une indemnité supplémentaire à la rémunération de l'art. 35 al. 1 LDA est due aux ayants droit. Les reproductions à des fins de diffusion n'ont pas à être limitées dans le temps et peuvent subsister tant qu'un organisme de diffusion a l'intention de les utiliser plus tard pour ses émissions. Il en est tenu compte dans la fixation de l'indemnité dont un dépassement du taux maximal est exceptionnellement possible.