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05 mars 2008

TAF, 5 mars 2008, B-6113/2007 (f)

sic! 10/2008, p. 739-740, « Damassine » ; AOP, Damassine, Fédération Suisse des Spiritueux, statuts, opposition, qualité pour recourir, qualité pour agir des associations, intérêt pour agir, concurrence, action populaire ; art. 48 PA, art. 10 Ordonnance sur les AOP et les IGP.

Une association dispose de la qualité pour recourir ou pour former opposition si, à défaut d’être elle-même touchée par la décision entreprise, elle a pour but statutaire de défendre des intérêts dignes de protection de ses membres, si ces intérêts sont communs à la majorité ou au moins à un grand nombre d’entre eux et si chacun des membres aurait qualité pour s’en prévaloir à titre individuel. La Fédération Suisse des Spiritueux (FSS) ne produit ni ne commercialise elle même de la « Damassine ». Sa qualité pour former opposition contre la décision de l’OFAG d’admettre la demande d’enregistrement de la « Damassine » comme AOP ne peut être admise que si la FSS remplit les conditions du recours corporatif. Comme, en l’espèce, si la condition du but statutaire est remplie, seuls trois de ses sociétaires produisent de la « Damassine », la FSS n’a pas qualité pour agir. Sa qualité pour agir ne saurait non plus être déduite de ce que la FSS invoque un motif idéal en déclarant vouloir, par son action, préserver la concurrence au sein du marché de la production de fruits. Cela reviendrait sinon à admettre l’action populaire.

25 novembre 2011

TF, 25 novembre 2011, 2C_11/2010 (f)

ATF 138 II 134 ; sic! 7/8/2012, p. 467-472, « Gruyère II » ; AOP, Gruyère, certification, Organisme intercantonal de certification, sanction, cahier des charges, recours, OFAG, décision, droit public, droit privé,méthodes d’interprétation, puissance publique, transfert de compétence relevant de la puissance publique, base légale, intérêt pour agir, renvoi de l’affaire, frais et dépens ; art. 82 lit. a LTF, art. 166 al. 1 LAgr, art. 180 LAgr, art. 16 al. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 3 lit. b LETC, art. 7 al. 1 OAccD, art. 35 OAccD ; cf. N 579 (arrêt du TAF dans cette affaire).

Dans la mesure où la sanction litigieuse (infligée à la recourante par l'Organisme intercantonal de certification [OIC] pour non-conformité majeure au cahier des charges de l'appellation Gruyère AOC) s'inscrit dans le cadre de la réglementation relative à la protection des AOP et des IGP (qui relève du droit public au sens de l'art. 82 lit. a LTF), il convient d'entrer en matière sur le recours en matière de droit public et de trancher, au fond, le caractère de droit public ou de droit privé de la contestation (c. 1.1). La recourante a un intérêt digne de protection à recourir (c. 1.3). Le TF s'appuie sur plusieurs critères (dont aucun ne l'emporte a priori sur les autres) pour déterminer si une contestation relève du droit public ou du droit privé (c. 4.1 et 4.6). En l'espèce, dans la qualification des rapports juridiques entre l'OIC et la recourante, le critère de l'intérêt prépondérant penche légèrement en faveur du droit public, car le système de protection des AOP et des IGP poursuit plutôt un intérêt public (information et protection des consommateurs) (c. 4.2-4.2.4). Le critère de la fonction (ou fonctionnel) (c. 4.3-4.3.9) et le critère de la subordination (ou du sujet) (c. 4.4-4.4.5) n'apparaissent, en eux-mêmes, pas déterminants en raison de la nature de l'activité de certification — qui implique un rapport de subordination — et du système particulier d'accréditation mis en place en Suisse — qui n'emporte en principe pas la délégation de la puissance publique (art. 35 OAccD ; c. 4.3.9). Au final, le critère modal (ou de la sanction) est le plus approprié en ce sens que, lorsque la certification se présente comme une obligation pour commercialiser un produit, elle doit être considérée comme relevant du droit public dès lors que le fondement légal de cette obligation réside dans une norme de droit public, en l'espèce l'art. 16 al. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP (c. 4.5-4.5.3). À cet égard, il importe peu que l'obligation découle d'un impératif légal incontournable (une prescription technique au sens de l'art. 3 lit. b LETC) ou, comme dans le cas présent, d'un impératif commercial ; seul compte que cet impératif ait son siège, à l'instar du système de protection des AOP et des IGP, dans une matière réglementée par le droit public (c. 4.5.3). Il s'ensuit que la relation entre l'OIC et la recourante est soumise au droit public (c. 4.6). Que la compétence de rendre des décisions soit explicitement ou implicitement comprise dans la délégation de la tâche publique à un organisme extérieur à l'administration, il faut que cette délégation repose sur une base légale formelle (c. 5.1). Bien qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne confère formellement à l'OIC le pouvoir de rendre des décisions à l'encontre des entreprises soumises à son contrôle, encore moins de leur infliger des sanctions en présence d'une irrégularité, un tel pouvoir décisionnel peut être déduit du renvoi de l'art. 7 al. 1 OAccD aux normes européennes de la série EN 45000. De plus, le Manuel de contrôle, qui fait partie intégrante de l'assurance qualité de l'OIC, prévoit expressément que l'OIC peut prendre les sanctions litigieuses. En tout état de cause, de telles sanctions se laissent implicitement déduire de la réglementation et elles apparaissent indispensables pour que l'OIC puisse utilement mener à bien ses activités de contrôle et de certification. Il faut donc admettre que les compétences déléguées à l'OIC incluent le pouvoir de rendre des décisions administratives, singulièrement des sanctions (c. 5.2). L'OIC doit ainsi être considéré comme délégataire d'une tâche publique et investi du pouvoir de rendre des décisions administratives — sujettes à recours auprès de l'OFAG (art. 166 al. 1 LAgr ; art. 180 LAgr ; c. 5.1) — à l'encontre des entreprises soumises à son contrôle (c. 5.3). Il n'appartient pas au TF, mais au législateur, de décider s'il ne serait pas préférable que la décision de la Commission de recours de l'OIC puisse être portée directement devant le TAF (c. 5.3). Le recours doit être admis et la cause renvoyée à l'OFAG pour qu'il examine la cause au fond et rende une décision (c. 6). Le TAF est invité à statuer à nouveau sur les dépens relatifs à la procédure qui s'est déroulée devant lui au regard de l'issue du litige (c. 6).

20 janvier 2012

TF, 20 janvier 2012, 2C_559/2011 (d)

sic! 6/2012, p. 399-404, « Heidi-Alpen Bergkäse » ; montagne, alpage, Heidi, fromage, denrées alimentaires, région de montagne, Bergkäse, région d’estivage, Alpkäse, Alpes, Suisse, indication de provenance, égalité de traitement, signe trompeur, liberté économique, interprétation conforme à la Constitution, recours, effet suspensif, dispositions transitoires, intérêt pour agir ; art. 27 Cst., art. 18 LDAl, art. 21 al. 1 LDAl, art. 14 LAgr, art. 1 al. 2 ODMA (2006), art. 1 ODMA (2011), art. 3 ODMA (2011), art. 4 ODMA (2011), art. 8 ODMA (2011), art. 16 al. 5 ODMA (2011) ; cf. N 581 (arrêt du TAF dans cette affaire).

Vu l’issue de la cause, il n’y a pas lieu d’examiner les griefs liés à l’établissement des faits (c. 1.2). Vu que, du fait de l’effet suspensif accordé au recours (en matière de droit public), la recourante a pu continuer à utiliser la dénomination litigieuse «Heidi-Alpen Bergkäse », seule doit être examinée la situation à partir du 1er janvier 2012, c’est-à-dire à partir de la date de l’entrée en vigueur du nouveau droit (ODMA [2011] ; c. 2.2). Si le nouveau droit autorise l’utilisation de la dénomination litigieuse, la recourante n’a pas d’intérêt à recourir en ce qui concerne la période qui s’est achevée le 31 décembre 2011. Si le nouveau droit n’autorise pas l’utilisation de la dénomination litigieuse, la recourante a malgré tout un intérêt à recourir en ce qui concerne la période qui s’est achevée le 31 décembre 2011, car les dispositions transitoires du nouveau droit (art. 16 al. 5 ODMA [2011]) permettent de continuer d’utiliser jusqu’au 31 décembre 2013 les dénominations autorisées par l’ancien droit (ODMA [2006] ; c. 2.1) (c. 1.4- 1.5). Vu que le fromage de la recourante provient d’une région de montagne, il peut être désigné par la dénomination « Bergkäse » (art. 4 al. 1 ODMA [2011]). En revanche, du fait qu’il ne provient pas d’une région d’estivage, il ne peut pas être désigné par la dénomination « Alpkäse » (art. 4 al. 2 ODMA [2011]) (c. 1.3, 2.3 et 5.1). Bien que l’ODMA ne s’applique à l’utilisation des dénominations «montagne » et « alpage » qu’en lien avec des produits agricoles produits en Suisse (art. 1 al. 2ODMA [2006], art. 1ODMA [2011] ; c. 4.4), les produits suisses ne sont pas défavorisés par rapport aux produits étrangers, car – du fait que, en application de l’art. 21 al. 1 LDAl, le pays de production doit être mentionné sur l’emballage de denrées alimentaires préemballées et que, selon l’art. 18 LDAl, les indications sur la provenance ne doivent pas être trompeuses – les produits étrangers peuvent certes être désignés comme « Berg- oder Alpprodukt »,mais pas comme « ‹ SchweizerBerg- oder Alpprodukt » (c. 4.5). Combinée avec la LDAl, l’ODMA atteint le but fixé par l’art. 14 LAgr (c. 4.3-4.4) et ne viole ni l’égalité de traitement entre concurrents ni la liberté économique (art. 27 Cst. ; c. 4.2) (c. 4.5). Le but de l’ODMA étant de permettre au consommateur de faire la différence entre les produits provenant d’une région d’estivage et ceux provenant d’une région de montagne, il convient d’interpréter l’ODMA selon la compréhension du consommateur et non pas selon celle du producteur (c. 5.2.1). À la différence de l’élément « Alp- » et – clairement – de la notion d’« alpage » (art. 8 ODMA), qui se rapportent à la région d’estivage, l’élément « Alpen- » se rapporte aux Alpes en tant que massif géographique au sens de l’art. 3 al. 1 ODMA (2011) (c. 5.2 et 5.2.2). L’art. 3 al. 2 ODMA (2011) n’empêche pas qu’un fromage qui ne provient pas d’une région d’estivage puisse être désigné par l’expression « Alpenkäse » (c. 5.2.3). Sous réserve de la violation de l’art. 18 LDAl (c. 6-6.6), l’art. 3 ODMA (2011) (interprété conformément à la Constitution) permet de désigner par l’élément « Alpen » – en l’espèce par l’expression « Heidi-Alpen Bergkäse » – un fromage qui – sans provenir d’une région d’estivage – provient d’une région de montagne (art. 8 al. 1 ODMA [2011]) pour autant que, comme en l’espèce, la dénomination ne donne pas l’impression – trompeuse – que le fromage provient d’une région d’estivage (c. 5.2.4). L’expression « Heidi-Alpen Bergkäse » n’est pas trompeuse au sens de l’art. 18 LDAl (c. 6.1-6.2), car le consommateur ne s’attend pas à ce qu’un fromage désigné par cette expression provienne d’une région d’estivage (c. 5.2.2 et 6.4) ; l’élément « Heidi » – qui n’est pas une référence à la seule région Sargans/Maienfeld – n’est pas non plus trompeur (c. 6.5-6.6).

02 octobre 2017

TF, 2 octobre 2017, 4A_299/2017 (d)

« ABANCA », « ABANKA », usage de la marque, usage à titre de marque, marque internationale, banque, défaut d’usage, usage sérieux, invocation du défaut d’usage, preuve de l’usage d’une marque, action en constatation de la nullité d’une marque, procédure administrative en radiation, intérêt pour agir, fardeau de la preuve, vraisemblance, expertise privée, rapport de recherche, maxime de disposition, cercle des destinataires pertinent ; art. 8 CC, art. 11 al. 1 LPM, art. 12 al. 1 LPM, art. 12 al. 3 LPM, art. 35 LPM, art. 35a al. 1 LPM, art. 55 CPC.

Le défaut d’usage peut être invoqué dans le cadre d’une action en radiation qui n’est pas expressément prévue par la LPM, mais découle implicitement de la loi. Chacun peut faire valoir un défaut d’usage au sens de l’art. 12 LPM. Il n’est pas nécessaire de bénéficier d’un intérêt particulier pour le faire car l’intérêt général à ne pas être entravé dans la libre formation d’un signe distinctif par des marques nulles faute d’usage suffit en règle générale. Exceptionnellement, un intérêt digne de protection au prononcé de la nullité d’une marque peut faire défaut, lorsque la partie qui requiert la constatation de cette nullité ne pourra pas utiliser le signe ou un signe semblable ou ne sera pas autorisée à le faire pour d’autres motifs qui lui sont propres, de sorte que l’enregistrement de la marque non utilisée ne constitue pas pour elle un empêchement supplémentaire à son libre choix d’un signe comme marque. En pareil cas, le défaut d’usage ne peut être invoqué que si l’opposante dispose néanmoins, en raison de circonstances particulières, d’un intérêt digne de protection à empêcher le maintien en vigueur d’une marque déchue faute d’usage (c. 3.1). A côté d’une action civile en radiation ou en nullité, existe désormais une procédure administrative en radiation, dans le cadre de laquelle chacun peut adresser une demande de radiation à l’IPI faute d’usage selon l’art. 35a al. 1 LPM (c. 3.2). L’obligation d’usage de l’art. 11 al. 1 LPM correspond à la fonction commerciale de la marque : seuls les signes qui sont effectivement utilisés dans le commerce après l'échéance du délai de grâce et qui remplissent ainsi leur fonction distinctive et d’indication de provenance industrielle peuvent bénéficier du monopole du droit des marques. L’obligation d’usage permet aussi d’éviter que des marques soient enregistrées à titre de réserve, que le registre des marques soit ainsi artificiellement gonflé et la création de nouvelles marques entravée (c. 3.3). Celui qui invoque un défaut d’usage doit le rendre vraisemblable. La preuve de l’usage incombe alors au titulaire de la marque (c. 3.4). Une expertise de partie qui n’a que la valeur d’un allégué peut contribuer, en lien avec d’autres indices, à rendre une absence d’usage vraisemblable (c. 4.1). Parmi les moyens permettant de rendre vraisemblable un défaut d’usage, la doctrine en matière de marque mentionne en particulier les rapports de recherche négatifs qui documentent une absence de réponse des fournisseurs et des commerçants concernés, le matériel publicitaire se rapportant à la période concernée, une présence ou plutôt une non présence sur Internet, etc. L’avis d’un professionnel de la branche entre aussi en ligne de compte. Parmi les indices de non usage qui ont permis d’étayer le rapport de recherche qui ne constitue pas une expertise judiciaire mais uniquement une expertise de partie, le TF relève l’absence d’établissement, de représentation et de collaborateurs en Suisse du titulaire de la marque concernée ; le fait qu’aucune publicité pour les produits ne soit intervenue en Suisse ; le fait enfin que le résultat de recherche en ligne ne permette pas d’établir d’activité, de publicité ou autre en Suisse, ni non plus une présence en ligne du titulaire de la marque (c. 4.1). Le défaut d’usage ayant été rendu vraisemblable, la recourante aurait dû apporter une preuve stricte de l’usage (c. 4.3). L’usage maintenant le droit à la marque doit être un usage sérieux, soit animé du désir de satisfaire toute la demande du marché, sans pour autant qu’un chiffre d’affaires minimum n’ait à être atteint. Pour être sérieux, l’usage doit être économiquement relevant et ne pas se limiter à une apparence d’usage seulement. Il doit être établi en Suisse, et le signe distinctif doit être utilisé dans le commerce. Enfin, l’usage doit intervenir conformément à la fonction d’une marque, soit comme signe distinctif de certains produits ou services. Tel est clairement le cas lorsque la marque est apposée sur les produits ou leur emballage. La marque peut toutefois aussi être utilisée autrement en relation avec les produits ou services revendiqués, pour autant que les acteurs commerciaux perçoivent concrètement l’utilisation comme étant celle d’un signe distinctif. C’est la perception des consommateurs auxquels est destinée l’offre des produits/services pour lesquels la marque est enregistrée, qui est déterminante pour décider du caractère sérieux de l’usage fait de celle-ci. Les circonstances particulières du cas d’espèce doivent être prises en compte, notamment les coutumes de la branche économique concernée. Le cercle des destinataires pertinent se détermine en fonction des produits/services pour lesquels la marque est revendiquée (c. 5.3). [NT]

12 septembre 2019

TAF, 12 septembre 2018, B-1714/2018 (d)

« Tarif commun 12 » ; tarifs des sociétés de gestion, gestion collective, approbation des tarifs, décision incidente, qualité de partie, action populaire, qualité pour recourir, intérêt pour agir, télévision de rattrapage, catch-up-TV ; art. 6 PA, art. 48 PA ; art. 42 al. 1 lit. d LDA.

En ce qui concerne leur qualité de parties en première instance, les recourantes peuvent attaquer la décision incidente qui la leur a niée (c. 1.2). Leur qualité pour recourir contre la décision d’approbation du tarif est étroitement liée à la question précédente (c. 1.3). Les conditions d’être spécialement atteintes par la décision attaquée, d’après l’art. 48 al. 1 lit. b PA, respectivement d’avoir un intérêt digne de protection selon l’art. 48 al. 1 lit. c PA, ne jouent pas de rôle pour les personnes qui sont destinataires matérielles (primaires) de la décision. Il en va différemment pour les tiers. Pour eux, les deux conditions doivent être réalisées cumulativement, selon un examen propre à chaque domaine juridique. Il convient d’éviter l’action populaire et de délimiter clairement le recours et la dénonciation à l’autorité de surveillance sans qualité de partie. Ont une importance, d’une part le fait pour les intéressés de pouvoir obtenir satisfaction par une autre voie, d’autre part le souci de ne pas compliquer excessivement l’activité administrative (c. 2.3). En ce qui concerne les tarifs de droit d’auteur, les critères ont été définis par l’ATF 135 II 172. En résumé, les tiers n’ont normalement pas de droit de recours, sauf s’ils se distinguent du gros des ayants droit et ont un intérêt divergent propre (c. 2.4). La partie recourante doit prouver sa qualité pour recourir, laquelle est examinée d’office (c. 2.5). En l’espèce, les recourantes ont cherché à participer à la procédure de première instance, mais la qualité de partie leur a été refusée par décision incidente du 22 mars 2017. Ainsi, elles ont pris part à la procédure devant l’autorité inférieure au sens de l’art. 48 al. 1 lit. a PA (c. 4.1). Les ayants droit eux-mêmes ne sont pas parties à la procédure d’approbation tarifaire mais, s’ils se distinguent du gros des ayants droit et sont spécialement atteints par le tarif, ils obtiennent la qualité de partie concernant la question de l’assujettissement à la gestion collective obligatoire des utilisations réglées par ce tarif (c. 4.2). Ils doivent se distinguer du gros des ayants droit non pas de manière générale, mais dans le cas particulier spécifique au litige. Or, en l’espèce, le tarif règle la reproduction d’œuvres et de prestations contenues dans des programmes de la même manière pour tous les ayants droit. Il ne contient aucune clause qui concernerait spécialement les organismes de diffusion. La condition de l’art. 48 al. 1 lit. b PA n’est donc pas remplie (c. 4.3.1). La question de l’intérêt digne de protection au sens de l’art. 48 al. 1 lit. c PA est étroitement liée à la précédente. Vu la multitude des ayants droit représentés par les sociétés de gestion, il est inévitable que leurs intérêts divergent. Mais, en l’espèce, les sociétés de gestion devaient représenter aussi les intérêts des organismes de diffusion, ce qu’elles ont fait effectivement. La formulation « spécialement atteint » à l’art. 48 al. 1 lit. b PA montre qu’un grand nombre de personnes concernées rend difficile la réalisation de la condition. Le droit de la gestion collective veut rassembler les droits en obligeant les ayants droit à passer par une société de gestion et en leur conférant un droit de participation approprié aux décisions de cette société. Les recourantes ne sont pas des ayants droit isolés, elles sont au nombre de 23. Si on admettait leur qualité pour recourir, on rendrait pratiquement impossible les négociations tarifaires et l’équilibre des intérêts entre associations d’utilisateurs et sociétés de gestion (c. 4.3.2). Une divergence d’opinion concernant la situation juridique n’est pas suffisante pour admettre cette qualité (c. 4.3.3). Au contraire de ce qui prévalait pour l’ATF 135 II 172, le TC 12 n’est pas un nouveau tarif et les organismes de diffusion n’ont pas jusqu’ici exercé individuellement leurs droits pour la télévision de rattrapage. De surcroît, l’autorité de première instance n’a fait que confirmer une analyse juridique précédente. Les recourantes ne peuvent rien tirer de la jurisprudence concernant la qualité pour recourir des concurrents directs, puisque la question doit être examinée de manière particulière pour chaque domaine juridique (c. 4.4). [VS]

09 janvier 2019

TF, 9 janvier 2019, 4A_584/2017, 4A_590/2017 (f)

Qualité pour agir, qualité pour défendre, intérêt pour agir, décision partielle, devoir d’interpellation du Tribunal, bonne foi, précision des conclusions, interprétation d’un contrat, réelle et commune intention des parties, action en cessation, action en paiement, action en interdiction, action en constatation de droit, concurrence déloyale, exploitation indue du résultat d’un travail confié, stipulation pour autrui ; art. 91 lit. a LTF, art. 18 al. 1 CO, art. 112 CO, art. 5 lit. a LCD, art. 9 al. 1 lit. a LCD, art. 9 al. 1 lit. b LCD, art. 9 al. 1 lit. c LCD, art. 9 al. 2 LCD, art. 9 al. 3 LCD, art. 52 CPC, art. 56 CPC, art. 125 lit. a CPC, art. 227 al. 1 CPC, art. 230 CPC.

Les actions en cessation de trouble et les actions en paiement prévues tant par les différentes lois de propriété intellectuelle que par la LCD se prêtent à des jugements indépendants et pourraient être intentées dans des procès distincts. Le jugement limité en application de l’art. 125 lit. a CPC aux actions en cessation de trouble est donc une décision partielle visée par l’art. 91 lit. a LTF, susceptible d’un recours indépendant selon cette disposition (c. 2 et réf.cit.). Le résultat d’un travail est confié à une personne aux termes de l’art. 5 al. 1 lit. a LCD lorsque cette personne entre en possession de ce résultat par l’effet d’un rapport contractuel, précontractuel ou quasi contractuel. Le résultat d’un travail est notamment confié lorsque l’accomplissement du travail a été lui-même confié dans le cadre d’un contrat, en particulier à un travailleur par son employeur, à un mandataire par son mandant ou à un entrepreneur par le maître de l’ouvrage (c. 4 et réf.cit.). L’art. 5 LCD n’a pas pour objet de créer ni de protéger des droits de propriété intellectuelle, mais d’interdire des comportements contraires à une concurrence loyale. L’art. 9 al. 1 lit. c LCD prévoit une action en constatation de droits, mais celle-ci est subsidiaire par rapport aux actions en interdiction accordées par l’art. 9 al. 1 lit. a et b LCD, et elle ne porte de toute manière pas sur la constatation de droits de propriété intellectuelle. En règle générale, les actions en constatation de droits doivent répondre à un intérêt important et digne de protection du plaideur qui les exerce et elles sont subsidiaires par rapport aux actions en condamnation. Celui qui a déjà obtenu que l’exploitation de son savoir-faire soit interdite à un tiers, n’a pas d’intérêt à agir en constatation ni non plus à ce que le Juge constate formellement des recherches de quelles entités les procédés constituant ce savoir-faire sont le résultat aux termes de l’art. 5 LCD (c. 6). Le succès de toute action en justice suppose que les parties demanderesse et défenderesse aient respectivement qualité pour agir et pour défendre au regard du droit applicable. Le défaut de la qualité pour agir ou pour défendre entraîne le rejet de l’action. Les actions en cessation de trouble prévues par l’art. 9 al. 1 et 2 LCD sont destinées à la protection d’intérêts économiques individuels. La qualité pour agir est réservée au concurrent qui est directement lésé par un comportement déloyal et qui a un intérêt immédiat au maintien ou à l’amélioration de sa propre situation sur le marché (c. 8.1). Tel n’est le cas que si celui qui se prévaut d’une violation de l’art. 5 LCD et agit en cessation de trouble sur la base des art. 9 al. 1 et 2 LCD peut démontrer que les résultats exploités de manière indue devaient lui revenir. Pour le déterminer, il convient d’interpréter le contrat à l’origine des résultats concernés en recherchant la réelle et commune intention des parties conformément à l’art. 18 al. 1 CO. Dans ce cadre, le comportement que les cocontractants ont adopté dans l’exécution de leur accord peut dénoter, le cas échéant, de quelle manière ils l’ont eux-mêmes compris, et révéler ainsi leur réelle et commune intention (c. 8.3 et réf.cit.). Il peut résulter d’une stipulation pour autrui implicite au sens de l’art. 112 CO que le résultat de travaux de recherche doive profiter à un tiers autre que les seules parties au contrat à l’origine de ces résultats. En pareil cas, ce tiers a le droit de se défendre contre une exploitation indue de ces résultats par des entreprises concurrentes, et a qualité pour agir sur la base des art. 9 al. 1 et 2 LCD (c. 8.4). Quiconque exerce une action judiciaire portant sur une obligation de s’abstenir doit décrire avec précision, dans ses conclusions, le comportement à interdire. Si l’adverse partie succombe, elle doit apprendre ce qu’elle ne peut désormais plus faire, et les autorités d’exécution ou de poursuite pénale doivent elles aussi savoir quels actes elles doivent respectivement empêcher ou réprimer. S’il est allégué devant ces autorités que la partie condamnée ne respecte pas l’interdiction prononcée, il importe que lesdites autorités puissent agir sur la base du jugement, sans qu’une appréciation juridique du comportement dénoncé ne soit encore nécessaire. Ces exigences de précision relative aux conclusions de la partie demanderesse s’appliquent aussi, par suite, au dispositif du jugement (c. 10.1 et réf.cit.). Des conclusions insuffisamment précises sont en principe irrecevables. La partie qui les présente est cependant autorisée à les préciser sans égard aux conditions d’une modification de la demande posée par l’art. 227 al. 1 CPC ou au stade des débats principaux par l’art. 230 CPC. En vertu du devoir d’interpellation que l’art. 56 CPC assigne au Juge instructeur, celui-ci doit inviter la partie concernée à préciser, s’il y a lieu, ses conclusions défectueuses. Les règles de la bonne foi, à respecter aussi dans le procès civil en vertu de l’art. 52 CPC, s’imposent également au Juge. Elles commandent que la partie dont les conclusions sont défectueuses au sens de ce qui précède reçoive une nouvelle possibilité de les préciser (c. 10.5 et réf.cit.). [NT]

29 janvier 2019

TF, 29 janvier 2019, 4A_435/2018, 4A_441/2018 (f)  

Maxime des débats, procédure devant le TFB, activité inventive, approche « problème-solution », action en constatation de la nullité d’un brevet, action en constatation de l’illicéité de l’atteinte, action en interdiction, intérêt pour agir, intérêt digne de protection, arbitraire ; art. 9 Cst., art. 105 al. 1 LTF, art. 105 al. 2 LTF, art. 106 al. 1 LTF, art. 106 al. 2 LTF, art. 55 al. 1 CPC.

La réelle et commune intention des parties quant à la portée d’un accord de transfert d’une demande de brevet, respectivement de l’invention correspondante et des droits s’y rapportant, relève non pas du domaine du droit, mais de celui des faits. Elle ne peut être revue par le TF que si elle se révèle manifestement inexacte, c’est-à-dire arbitraire ; ce qui implique qu’il soit démontré dans le cadre du recours devant le TF que la constatation factuelle en question serait manifestement insoutenable, méconnaîtrait gravement une norme ou un principe juridique clair et reconnu ou encore heurterait de manière choquant le sentiment de la justice et de l’équité (c. 3.2). Lorsque la maxime des débats est applicable (art. 55 al. 1 CPC), il incombe aux parties et non au Juge de rassembler les faits du procès. Il importe peu de savoir laquelle des parties a allégué les faits déterminants puisqu’il suffit que ceux-ci fassent partie du cadre du procès pour que le Juge puisse en tenir compte (c. 4.3.1). Il n’est pas contesté en l’espèce que tous les éléments de faits nécessaires à l’analyse de l’activité inventive déployée par l’inventeur ont été rassemblés par les parties. Le TFB n’a pas eu à suppléer ou suggérer des faits non allégués par les parties. La juridiction précédente était ainsi en mesure de procéder à l’analyse de l’activité inventive, une question de droit, ce qu’elle a fait en se fondant sur l’approche « problème-solution » consacrée par la jurisprudence. Il est sans importance à cet égard que la présence ou l’absence de caractéristiques litigieuses dans la présentation et/ou le brevet ait été alléguée par la défenderesse ou la demanderesse. En se fondant sur les faits rassemblés par les parties afin d’examiner une question de droit, la juridiction précédente n’a pas violé la maxime des débats (c. 4.3.2). L’action en constatation de droit est subsidiaire par rapport à l’action condamnatoire ou à l’action formatrice et seule l’existence de circonstances exceptionnelles peut conduire à admettre un intérêt digne de protection à la constatation de droit bien qu’une action condamnatoire soit ouverte. Ne constitue pas de telles circonstances le fait qu’au moment de l’introduction de l’action ou de la modification de ses conclusions, aucune vente du produit litigieux n’ait été encore été réalisée. Cela ne justifie en rien un intérêt digne de protection à la constatation de la violation du brevet. Dans un tel cas, outre la possibilité d’intenter une action tendant à la divulgation d’informations, le titulaire du brevet peut, en particulier, intenter une action condamnatoire visant à interdire la commercialisation du produit litigieux (c. 6.1.2). Les deux recours sont rejetés.  [NT]

05 août 2020

TF, 5 août 2020, 4A_97/2020 (f)

Action en constatation de la nullité d’une marque, marque de base, marque internationale, enregistrement international, intérêt digne de protection, intérêt pour agir, attaque centrale, sécurité du droit, recours admis ; art. 6 al. 3 PAM, art. 52 LPM, art. 59 al. 2 lit. a CPC.

Une société fait enregistrer en novembre 2016 le signe « EF-G […] ». En se basant sur cette marque, elle obtient l’enregistrement international du signe auprès de l’OMPI. En mars 2018, les demanderesses ont ouvert une action en constatation de nullité (art. 52 LPM) contre elle, et demandé la radiation de la marque. Le Tribunal cantonal, considérant qu’elles n’ont aucun intérêt digne de protection à l’issue d’un procès en Suisse, a rejeté leur action. La question de savoir s'il convient d'examiner l'exigence d'un intérêt à l'action à la lumière de l'art. 59 al. 2 lit. a CPC (intérêt digne de protection) ou à l'aune de l'art. 52 LPM (intérêt juridique) peut rester ouverte. A cet égard, la notion d' « intérêt juridique » telle qu'elle découle de l'art. 52 LPM doit être comprise largement, et n'exclut pas la prise en compte d'un intérêt de fait. Comme l'art. 59 al. 2 lit. a CPC, l'art. 52 LPM consacre en réalité, malgré la formulation employée par le législateur, l'exigence d'un intérêt digne de protection à la constatation immédiate. Un intérêt digne de protection à l’action en nullité existe lorsqu'une incertitude plane sur les relations juridiques des parties, qu'une constatation touchant l'existence et l'objet du rapport de droit pourrait l'éliminer et que la persistance de celle-ci entrave le demandeur dans sa liberté de décision au point d'en devenir insupportable (c. 3.1). Indépendamment des éventuelles activités commerciales menées (ou qui seront menées) par les demanderesses sur le territoire suisse, celles-ci ont un intérêt (digne de protection) évident à introduire leur action en nullité. Il faut en effet tenir compte du fait que la demande en constatation de nullité des demanderesses est une « attaque centrale » en vertu du système de Madrid, qui leur permettrait, dans l’hypothèse d’une admission, de réduire à néant la protection conférée à la marque de la défenderesse dans tous les pays étrangers désignés par celle-ci dans son enregistrement international (obtenu sur la base de la marque suisse) (c. 3.2). Selon le mécanisme prévu par le système de Madrid, l’enregistrement international s’appuie toujours sur une marque déposée ou enregistrée (la marque de base) sur le plan national (c’est-à-dire dans le pays d’origine). La marque internationale est dépendante de la marque de base nationale durant cinq ans, à partir de la date de l’inscription dans le registre du Bureau international de l’OMPI (c. 4.1). En vertu de l'art. 6 al. 3 PM, si, avant l'expiration du délai de cinq ans, une action visant à la radiation ou à l'invalidation de l'enregistrement issu de la demande de base (dans le pays d'origine) aboutit, la protection résultant de l'enregistrement international ne pourra plus être invoquée et celle conférée (ou demandée) dans tous les territoires étrangers désignés par le titulaire s'éteint également automatiquement. La possibilité d’une telle action, dite « attaque centrale », est une pierre angulaire du système de Madrid (c. 4.2). La demande de constatation de nullité a été introduite alors que l’enregistrement international était encore dépendant de l’enregistrement de base (suisse). Partant, si la marque suisse est déclarée nulle, la protection internationale ne pourra plus être invoquée et elle s’éteindra dans tous les territoires nationaux désignés par la défenderesse. Il résulte des constatations cantonales que les parties sont en litige, au sujet de la marque « EF-G. _____ » dans de nombreux pays, parmi lesquels ceux qui sont désignés dans l’enregistrement international de la défenderesse. En outre, l’une des demanderesses détient, dans certains de ses pays, plusieurs enregistrements de marques qui contiennent l’acronyme « EFG.______ » (c. 4.3.1). Dans ces conditions, les demanderesses disposent d’un intérêt réel (concret) à actionner en nullité la marque (de base) suisse de la défendresse : ce n’est qu’ainsi qu’elles peuvent bénéficier des effets de l’ « attaque centrale », prévue par le système de Madrid. L’admission de cette action aura un effet direct sur les litiges opposant les parties dans les pays désignés par l’enregistrement international de la défenderesse. L'intérêt (à l'action) est d'autant plus marqué que la Suisse est membre de l'Arrangement et du Protocole de Madrid et que, en comparaison internationale, elle est à l'origine d'un grand nombre d'enregistrements internationaux. Il serait dès lors tout à fait inapproprié de soustraire ceux-ci à l'examen de l'autorité judiciaire (seule à même de trancher définitivement la question de la nullité) pour la seule raison que les parties ne sont pas en concurrence sur le territoire suisse (c. 4.3.2). A cela s'ajoute que l’ « attaque centrale » incite les déposants (qui ne souhaitent pas prendre le risque, en cas d'admission de cette « attaque », de perdre leur marque dans l'ensemble des pays désignés) à entreprendre une évaluation sérieuse de la qualité de leurs marques (s'agissant en particulier de leur force distinctive), avant tout dépôt dans le pays d'origine. Cela a pour effet de favoriser la clarté des registres et, de manière générale, la sécurité juridique, que les milieux intéressés suisses actifs dans le domaine des marques appellent de leurs vœux ; le contrôle par l'autorité judiciaire est à cet égard un corollaire utile est nécessaire (c. 4.3.3). Il en résulte que, contrairement à l'opinion de l'autorité précédente, les demanderesses ont un intérêt digne de protection à faire constater la nullité de la marque de base (suisse) (c. 4.4). Le recours est admis (c. 5). [SR]

07 septembre 2020

TF, 7 septembre 2020, 4A_297/2020 (d)

Action en interdiction, intérêt pour agir, intérêt digne de protection, risque d’atteinte, raison de commerce, raison sociale, marque verbale, marque combinée, recours admis ; art. 55 al. 1 lit. a LPM.

La recourante, FRACTAL-SWISS AG, est titulaire de la marque verbale « Fractal » et de la marque combinée «Fractal-Swiss », revendiquant toutes deux la protection pour des produits et services de la classe 9. La défenderesse a été inscrite au registre du commerce en janvier 2017 sous la raison sociale « FRACTA-SWISS (pma) Sàrl ». En mai 2018, la demanderesse a résilié l’accord de licence qui existait entre les deux parties. En mars 2019, la défenderesse a tenté d’enregistrer le signe « Fractal-Swiss » comme marque pour la protection de produits et services des classes 35 et 45. En juillet 2019, la demanderesse a notamment requis devant l’autorité précédente, sans succès, qu’il soit fait interdiction à la défenderesse d’utiliser le signe « FRACTAL » en Suisse comme raison sociale ou comme partie d’une raison sociale, et qu’il lui soit ordonné de faire radier la raison sociale « FRACTAL-SWISS (pma) Sàrl » du registre du commerce. La défenderesse n’a pas répondu à la plainte, et s’est contentée de modifier sa raison sociale en août 2019. Dans son jugement, l’autorité inférieure a, au vu du changement de nom, admis le bien fondé de la première demande et considéré que l’action pouvait être radiée du rôle sur ce point. Elle a rejeté les autres demandes. L’action en interdiction de l’art. 55 al. 1 lit. a LPM nécessite un intérêt digne de protection, qui n’existe que lorsqu’une atteinte menace, c’est-à-dire lorsque le comportement du défendeur fait sérieusement craindre un acte illicite dans le futur. Un indice de menace d’une atteinte peut résider dans le fait que des atteintes analogues ont déjà été commises dans le passé et qu’on peut en craindre la répétition. Le danger existe lorsque celui qui a lésé un droit conteste l’illicéité du comportement incriminé (c. 2.1). La menace d’une atteinte est présente en l’espèce, la demanderesse ayant demandé à plusieurs reprises à la défenderesse, sans succès, de changer sa raison sociale avant d’ouvrir action contre elle, et cette dernière ayant déposé une demande d’enregistrement pour le signe « Fractal-Swiss ». Bien que la défenderesse ait changé de raison sociale entre-temps, elle ne l’a fait qu’après l’ouverture de l’action. Selon la jurisprudence, le simple fait de faire cesser une atteinte en vue d’un procès, tout en continuant à soutenir que son attitude est acceptable, ne suffit pas à renverser cette présomption de risque d’atteinte future. La défenderesse n’a pas reconnu le droit exclusif (prétendu) de la demanderesse sur le signe « FRACTAL », et paraît maintenir son dépôt de marque. C’est donc à tort que l’instance précédente a nié le risque d’atteinte (c. 2.3). Le recours est admis (c. 4). [SR]

07 septembre 2020

TF, 7 septembre 2020, 4A_297/2020 (d)

Action en interdiction, intérêt pour agir, intérêt digne de protection, risque d’atteinte, raison de commerce, raison sociale, marque verbale, marque combinée, recours admis ; art. 55 al. 1 lit. a LPM.

La recourante, FRACTAL-SWISS AG, est titulaire de la marque verbale « Fractal » et de la marque combinée «Fractal-Swiss », revendiquant toutes deux la protection pour des produits et services de la classe 9. La défenderesse a été inscrite au registre du commerce en janvier 2017 sous la raison sociale « FRACTA-SWISS (pma) Sàrl ». En mai 2018, la demanderesse a résilié l’accord de licence qui existait entre les deux parties. En mars 2019, la défenderesse a tenté d’enregistrer le signe « Fractal-Swiss » comme marque pour la protection de produits et services des classes 35 et 45. En juillet 2019, la demanderesse a notamment requis devant l’autorité précédente, sans succès, qu’il soit fait interdiction à la défenderesse d’utiliser le signe « FRACTAL » en Suisse comme raison sociale ou comme partie d’une raison sociale, et qu’il lui soit ordonné de faire radier la raison sociale « FRACTAL-SWISS (pma) Sàrl » du registre du commerce. La défenderesse n’a pas répondu à la plainte, et s’est contentée de modifier sa raison sociale en août 2019. Dans son jugement, l’autorité inférieure a, au vu du changement de nom, admis le bien fondé de la première demande et considéré que l’action pouvait être radiée du rôle sur ce point. Elle a rejeté les autres demandes. L’action en interdiction de l’art. 55 al. 1 lit. a LPM nécessite un intérêt digne de protection, qui n’existe que lorsqu’une atteinte menace, c’est-à-dire lorsque le comportement du défendeur fait sérieusement craindre un acte illicite dans le futur. Un indice de menace d’une atteinte peut résider dans le fait que des atteintes analogues ont déjà été commises dans le passé et qu’on peut en craindre la répétition. Le danger existe lorsque celui qui a lésé un droit conteste l’illicéité du comportement incriminé (c. 2.1). La menace d’une atteinte est présente en l’espèce, la demanderesse ayant demandé à plusieurs reprises à la défenderesse, sans succès, de changer sa raison sociale avant d’ouvrir action contre elle, et cette dernière ayant déposé une demande d’enregistrement pour le signe « Fractal-Swiss ». Bien que la défenderesse ait changé de raison sociale entre-temps, elle ne l’a fait qu’après l’ouverture de l’action. Selon la jurisprudence, le simple fait de faire cesser une atteinte en vue d’un procès, tout en continuant à soutenir que son attitude est acceptable, ne suffit pas à renverser cette présomption de risque d’atteinte future. La défenderesse n’a pas reconnu le droit exclusif (prétendu) de la demanderesse sur le signe « FRACTAL », et paraît maintenir son dépôt de marque. C’est donc à tort que l’instance précédente a nié le risque d’atteinte (c. 2.3). Le recours est admis (c. 4). [SR]