Bentley,
usage à titre de marque, usage de la marque, usage pour
l’exportation, territorialité, usage sérieux, preuve de l’usage
d’une marque ; art. 8 CC, art. 11 al. 1 LPM, art. 11 al. 2
LPM, art. 12 al. 1 LPM, art. 12 al. 3 LPM.
Les
marques d’exportation étant appliquées sur des produits destinés
exclusivement à l’exportation, elles ne répondent pas à
l’exigence de la commercialisation sur le territoire suisse. Le
législateur en a tenu compte et a prévu, à l’art. 11 al. 2 in
fine LPM, que « l’usage pour l’exportation est assimilé
à l’usage de la marque » (c. 2.1). Le législateur en
introduisant dans la loi la « marque dite d’exportation »
a explicitement manifesté son intention d'ancrer l’exigence de
« l’apposition en Suisse d’une marque sur des produits
destinés exclusivement à l’exportation (ou sur leur emballage)
dans le souci de s’aligner par-là sur le droit communautaire qui
posait (et pose toujours) cette exigence (voir réf.cit.). L’art.
11 al. 2 in fine LPM ne constitue pas à proprement parler une
exception au principe de la territorialité, mais cette règle légale
tient compte du fait que les produits destinés exclusivement à
l’exportation ne sont pas commercialisés sur le territoire
suisse ; elle concède, pour les marques dont les produits sont
destinés exclusivement à l’exportation, un allègement de
l’exigence de l’usage sur le territoire national, mais sans
renoncer à tout rattachement concret avec ce territoire. La marque
doit être utilisée en lien avec un produit déterminé. Ainsi, le
seul fait d’apposer en Suisse la marque sur un support (hypothèse
de l’impression d’étiquette comportant la marque) destiné à un
produit maintenu à l’étranger ne répond pas à l’exigence de
l’apposition, sur le territoire suisse, de la marque sur le produit
(c. 2.2.1). Un usage à titre de marque doit intervenir conformément
à la fonction de la marque, c’est-à-dire pour distinguer les
produits ou les services. En d’autres termes, l’usage doit être
public, la marque devant être utilisée de telle façon que le
marché y voie un signe distinctif. Une utilisation dans la sphère
interne de l’entreprise du titulaire de la marque ne suffit pas.
Ainsi, l’utilisation à des fins privées (par exemple pour
récompenser, à certaines occasions, les employés de l’entreprise)
ou à l’intérieur de l’entreprise (notamment le flux de
marchandises et le stockage à l’interne) n’est pas de nature à
maintenir le droit. Il en va de même lorsque la marque est utilisée
exclusivement entre deux ou plusieurs sociétés étroitement liées
sur le plan économique. Dans ce dernier cas, même si les transferts
de biens (notamment durant la période de fabrication d’un produit
déterminé) entre les sociétés du « groupe » sont en
principe inscrits comme des achats-ventes dans la comptabilité
propre de chacune des sociétés, il ne s’agit que d’une
utilisation (flux de marchandises) à l’interne du « groupe »
qui ne vaut pas usage à titre de marque. Cet usage ne pourra alors
être reconnu qu’au moment de leur (re)vente à des tiers
(grossistes, détaillants, clientèle privée). Pour déterminer si
on est en présence d’un usage en tant que marque (qui est une
question de droit), il convient de se fonder sur la perception
(présumée) des personnes auxquelles s’adressent les produits
enregistrés. Les circonstances du cas particulier, et notamment les
habitudes de la branche concernée et la catégorie de marque en
cause, doivent ainsi être prises en considération (c. 2.3.1). Par
la nature des choses, il est plus aisé de prouver l’usage d’une
marque que son non-usage. L’art. 12 al. 3 LPM prévoit ainsi que
quiconque invoque le défaut d’usage doit le rendre vraisemblable,
la preuve de l’usage incombant alors au titulaire. Ce dernier doit
établir tous les éléments de faits qui permettront ensuite au
Juge, sous l’angle du droit, de déterminer que l’usage est
intervenu conformément à la fonction de la marque (c. 2.3.2). Dans
le cas d’espèce, la marque est appliquée sur le cadran destiné
aux futures montres, à l’étranger, puis le cadran posé sur les
montres en Suisse avant leur exportation. Il n’en résulte pas que
l’apposition de la marque interviendrait à l’étranger
uniquement et que la condition qu’elle intervienne dans notre pays
ne serait pas réalisée, dans la mesure où la marque est simplement
appliquée sur un support, le cadran, à l’étranger, puis apparaît
réellement sur le produit fini, ce qui constitue l’élément
déterminant, sur le territoire suisse, dans le cadre des opérations
d’assemblage, au moment où le cadran est posé sur les montres (c.
2.4). Faute toutefois d’avoir établi un usage public, à
l’extérieur des sociétés du « groupe » pendant le
délai de carence de 5 ans de l’art. 12 al. 1 LPM, la défenderesse
n’a pas fourni les preuves permettant d’établir l’usage de la
marque litigieuse durant la période de carence (c. 2.5.4). Le TF
admet le recours en matière civile et réforme l’arrêt attaqué
en ce sens que la nullité de la marque litigieuse (pour défaut
d’usage) est constatée et qu’il ordonne à l’IPI de radier
cette marque pour les produits de la classe 14 (c. 2.6). [NT]