Disposition

     LDA (RS 231.1)

          Art. 47

03 janvier 2012

TAF, 3 janvier 2012, B-1769/2010 (d)

medialex 2/2012, p. 107-109 (rés.) « Tarif A télévision (Swissperform) » ; gestion collective, décision, approbation des tarifs, tarifs des sociétés de gestion, tarif A télévision, qualité pour recourir, effet rétroactif, pouvoir de cognition, autonomie des sociétés de gestion, tarifs séparés, obligation de collaborer, traités internationaux, applicabilité directe, droits voisins, support disponible sur le marché, intégration d'un enregistrement sonore dans un vidéogramme ; art. 19 CR, art. 2 lit. b WPPT, art. 5 Cst., art. 5 PA, art. 48 PA, art. 49 PA, art. 1 LDA, art. 33 LDA, art. 35 LDA, art. 46 LDA, art. 47 LDA, art. 74 al. 1 LDA, art. 9 al. 1 ODAu.

Les décisions de la CAF sont des décisions au sens de l'art. 5 al. 1 PA, qui peuvent faire l'objet d'un recours au TAF (c. 1.1). La SRG SSR, unique partenaire de négociation et unique personne obligée par le tarif, est destinataire de la décision d'approbation de ce tarif et est donc spécialement atteinte par celle-ci (c. 1.1). Elle a un intérêt digne de protection à sa modification, même si elle n'est pas une association d'utilisateurs au sens de l'art. 46 al. 2 LDA (c. 1.1). Lorsqu'un recours est déposé au TAF contre la décision d'approbation d'un tarif et qu'un effet suspensif est décrété, le tarif peut entrer en vigueur avec effet rétroactif s'il est approuvé par le TAF (c. 1.2). La CAF examine un tarif avec pleine cognition en veillant à sa conformité aux exigences légales, mais en respectant une certaine liberté de disposition et l'autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Elle veille à trouver un équilibre des intérêts entre titulaires de droits et utilisateurs, qui serve la sécurité juridique. En cas de dispositions tarifaires approximatives ou d'inégalité de traitement, elle examine s'il faut empiéter sur l'autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Des utilisations semblables d'un même cercle d'utilisateurs, ressortissant à la même société de gestion, doivent être réglées au sein d'un même tarif sauf s'il existe des raisons objectives pour créer plusieurs tarifs. Des utilisations non soumises à redevance d'après la loi doivent être exclues du tarif (c. 2.1). En matière tarifaire, la cognition du TAF n'est pas limitée. Il fait toutefois preuve d'une certaine retenue lorsque la CAF, en tant qu'autorité spécialisée, a examiné des questions complexes de droit de la gestion collective, lorsqu'elle a pesé les intérêts en présence ou lorsqu'elle a sauvegardé l'autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Pour cette raison, le TAF n'examine en principe des formulations tarifaires qu'avec un effet cassatoire. Il ne peut les modifier lui-même qu'exceptionnellement (c. 2.2). En procédure tarifaire, les parties ont un devoir de collaboration. En cas de recours, elles doivent expliquer en détail pourquoi elles ne sont pas d'accord avec la décision de la CAF et prouver leurs allégations. La CAF ne doit s'écarter de l'état de fait allégué par les parties que si elle a des indices qu'il n'est pas correct. Si une partie manque à son devoir de collaboration, la CAF peut se baser uniquement sur les faits allégués par l'autre partie (c. 2.3). Les traités internationaux et le droit suisse forment un système unitaire, si bien que les premiers n'ont pas besoin d'être transposés en droit interne (c. 3.2). Un traité est directement applicable s'il contient des règles claires et suffisamment déterminées qui permettent une décision dans un cas concret, pas s'il s'adresse uniquement au législateur. Les WCT et WPPT ne sont que partiellement directement applicables, mais l'art. 15 WPPT dispose de cette qualité (c. 3.2). La notion de fixation, utilisée à l'art. 33 LDA, n'est pas liée à un support de données physique déterminé. Elle est un synonyme d'enregistrement, terme que l'on trouve aussi à l'art. 33 al. 2 lit. c LDA. En revanche, les mots phonogramme et vidéogramme employés par l'art. 35 LDA sont encore compris en relation avec des supports de données physiques. Mais ils n'impliquent pas une forme de publication particulière. La notion « disponible sur le marché » de l'art. 35 LDA doit être rapportée à la fixation plutôt qu'au support de données physique utilisé concrètement. Peu importe par conséquent que le support utilisé pour la diffusion ne soit pas disponible sur le marché si la fixation qu'il contient l'est quant à elle. L'interprétation de la loi doit tenir compte de l'évolution technique, si bien qu'il serait faux de réserver la notion « disponible sur le marché » aux seuls produits physiques. La fixation peut aussi être mise à disposition sur Internet à des fins de téléchargement gratuit ou payant (c. 5 et 6). L'intégration d'un enregistrement sonore dans un vidéogramme nécessite l'accord des titulaires de droits voisins sur cet enregistrement. Le droit voisin sur le vidéogramme s'étend ensuite aussi à la bande son (c. 7). [VS]

30 novembre 2012

CAF, 30 novembre 2012 (d)

« Tarif commun 3a complémentaire » ; gestion collective, recours obligatoire aux sociétés de gestion, approbation des tarifs, preuve, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun 3a complémentaire, obligation de gérer, vide tarifaire, question préalable, tarifs complémentaires, négociation des tarifs, Commission arbitrale fédérale, obligation de collaborer, moyens de preuve nouveaux, droits d’auteur, droits voisins, droit de faire voir ou entendre, usage privé, équité du tarif, calcul de la redevance, augmentation de redevance, épuisement de la redevance ; art. 12 PA, art. 13 PA, art. 33 PA, art. 10 al. 2 lit. f LDA, art. 19 al. 1 lit. a LDA, art. 22 al. 1 LDA, art. 33 al. 2 lit. e LDA, art. 35 LDA, art. 37 lit. b LDA, art. 44 LDA, art. 46 al. 2 LDA, art. 47 LDA, art. 59 LDA, art. 60 al. 2 LDA.

D'après l'art. 12 PA, l'autorité constate les faits d'office. Les parties ont cependant un devoir de collaboration selon l'art. 13 PA qui, d'après la jurisprudence, est même plus important en procédure d'approbation tarifaire. La CAF ne doit toutefois admettre les moyens de preuve offerts que s'ils paraissent propres à élucider les faits (art. 33 PA). En l'espèce, les preuves complémentaires offertes par les sociétés de gestion sont admissibles, étant donné que les parties adverses ne s'y sont pas opposées et que les documents ont été produits plus de cinq jours ouvrables avant l'audience (c. 5). Lorsqu'il n'existe aucun tarif pour des droits relevant de leur domaine d'activité, les sociétés de gestion doivent en établir un d'après l'art. 44 LDA. La question de savoir si un tarif complémentaire est admissible ne concerne pas la recevabilité de la requête, mais relève du droit. Cas échéant, un état de vide tarifaire ne serait dans l'intérêt d'aucune des parties. Si les sociétés de gestion sont habilitées à faire valoir des droits pour la réception d'émissions dans les chambres d'hôtels et d'hôpitaux, dans les logements de vacances ou dans les cellules de prison, elles ont la possibilité de demander une interdiction de ces utilisations devant le juge civil. Il y a donc un intérêt juridique important à ce que la CAF se prononce sur cette question, serait-ce à titre préjudiciel (c. 2). En l'espèce, un tarif complémentaire est admissible car la situation est semblable à celle créée par l'entrée en vigueur de la nouvelle LDA. Celle-ci avait introduit les droits voisins, pour lesquels des tarifs complémentaires étaient possibles (c. 3). L'existence de divergences quant à la base légale d'un tarif n'est pas pertinente pour examiner le respect du devoir de négocier. Il appartient en effet à la CAF de se prononcer sur cette question à titre préjudiciel (c. 4). L'utilisation d'appareils de radio/télévision et de phono/vidéogrammes dans des chambres d'hôtels et d'hôpitaux, dans des logements de vacances ou dans des cellules de prison, n'est pas un usage privé au sens de l'art. 19 al. 1 lit. a LDA. Il s'agit en effet d'un cas d'application du droit exclusif de faire voir et entendre des œuvres (art. 10 al. 2 lit. f LDA, art. 33 al. 2 lit. e LDA et art. 37 lit. b LDA), lequel ne peut être exercé que par les sociétés de gestion d'après l'art. 22 al. 1 LDA, ou du droit voisin de l'art. 35 LDA. Ce n'est pas la jouissance de l'œuvre par le client ou le patient qui est déterminante au niveau du droit d'auteur, mais le fait que celle-ci soit transmise par l'exploitant de l'hôtel, du logement de vacances ou de l'hôpital. La situation est semblable à celle régie par le tarif commun 3b, auquel les compagnies d'aviation sont assujetties parce qu'elles mettent un équipement de divertissement à disposition des passagers (c. 6.1). En droit européen, la Cour de justice a aussi estimé le 18 mars 2010 (C-136/09) qu'il y avait une communication publique lorsqu'un hôtelier place des appareils de télévision dans les chambres et les relie à une antenne centrale (c. 6.2). Comme des recettes sont réalisées grâce aux chambres d'hôtels, d'hôpitaux et grâce aux logements de vacances, il n'est pas exclu de se baser sur ces recettes pour calculer la redevance due pour la réception d'émissions dans de tels locaux. Mais il faut prendre en compte le fait que lesdites recettes ne sont pas directement en rapport avec les utilisations pertinentes selon le droit d'auteur (c. 7). D'après la pratique de la CAF, les pourcentages maximaux de 10 % et de 3 % prévus par l'art. 60 al. 2 LDA ne peuvent pas être épuisés sans autre, particulièrement en cas de nouveaux tarifs. En l'espèce, un tel épuisement serait problématique aussi parce que les recettes ne sont réalisées qu'accessoirement grâce aux biens protégés par la LDA (c. 8). Comme la réception d'émissions dans les locaux susmentionnés n'a jamais fait l'objet d'un tarif, on ne peut pas parler d'augmentation abrupte de la redevance à payer. Toutefois, comme les pourcentages de l'art. 60 al. 2 LDA ne peuvent pas être épuisés, la CAF ne peut pas approuver un tarif qui conduirait à une redevance plus importante que celle prévue par le tarif commun 3a pour la réception d'émissions dans d'autres locaux que ceux faisant l'objet de la procédure (c. 9). [VS]

13 février 2013

TAF, 13 février 2013, B-8558/2010 (d)

sic! 7-8/2013, p. 434-439, « Gemeinsamer Tarif Z » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun Z, décision, approbation des tarifs, qualité pour recourir, pouvoir de cognition, vide tarifaire, base légale, perception de redevances, redevance, mesures provisionnelles, Tribunal administratif fédéral, Commission arbitrale fédérale, obligation de collaborer, preuve, moyens de preuve nouveaux, équité du tarif, tarifs séparés, augmentation de redevance, contrat de gestion, œuvre musicale non théâtrale, gestion individuelle ; art. 12 PA, art. 33 al. 1 PA, art. 48 PA, art. 49 lit. b PA, art. 61 al. 1 PA, art. 40 LDA, art. 47 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA.

Un utilisateur individuel, qui a participé à la procédure d'approbation du tarif devant la CAF et est destinataire de la décision, est directement concerné par celle-ci et a donc qualité pour recourir au TAF (c. 1). En cas d'admission du recours, la décision d'approbation du tarif serait annulée si bien qu'il y a un risque de vide tarifaire empêchant l'encaissement des redevances. Il appartient toutefois en premier lieu aux sociétés de gestion de soumettre leurs projets tarifaires à la CAF assez tôt pour qu'il n'y ait pas d'interruption dans l'encaissement. Une fois la procédure pendante, la CAF peut ordonner des mesures provisionnelles permettant cet encaissement, même s'il n'y a pas de base légale explicite à ce sujet. Le TAF n'a pas lui-même la possibilité de prendre de telles mesures pour la période entre la fin de la procédure de recours et l'entrée en force du tarif (c. 2.2). En matière tarifaire, le TAF examine un recours avec plein pouvoir de cognition. Il fait toutefois preuve de retenue lorsque la CAF, en tant qu'autorité spécialisée, a examiné des questions complexes de droit de la gestion collective ou lorsqu'elle a soupesé les intérêts en présence et tenu compte d'une certaine autonomie des sociétés de gestion pour l'élaboration du tarif (c. 3). Pour cette raison, même si le renvoi à l'autorité de première instance doit rester exceptionnel, le TAF examine les formulations du tarif avec un effet cassatoire uniquement (c. 3 et 8). En l'espèce, le dispositif de la décision attaquée ne contient pas le texte de la disposition tarifaire litigieuse. La recourante n'a cependant pas pu être induite en erreur à ce sujet, vu que ce texte lui avait été notifié antérieurement pour prise de position (c. 4.1.2). Étant donné que les sociétés de gestion sont à la fois parties à la procédure et compétentes pour la publication du tarif, il serait néanmoins souhaitable que les dispositions tarifaires modifiées dans le cadre de la procédure apparaissent dans le dispositif de la décision, afin que les tiers non parties puissent s'assurer que le tarif publié correspond à celui qui a été approuvé (c. 4.1.3). En procédure administrative, l'autorité établit d'office l'état de fait mais les parties ont un devoir de collaboration, qui est même accru dans les affaires tarifaires puisque ces parties doivent d'abord négocier le tarif et fournir tous les renseignements nécessaires au contrôle de son équité. De nouvelles preuves à ce sujet sont aussi recevables en procédure de recours (c. 4.2.2). Le droit de produire des preuves découle du droit d'être entendu, mais il peut être restreint si les preuves ne sont pas pertinentes (c. 4.2.3). En l'espèce des preuves concernant la situation d'un utilisateur en particulier ne sont pas pertinentes étant donné que le tarif doit régler globalement la situation de tous les utilisateurs (c. 4.2.4). Des utilisations semblables d'un même cercle d'utilisateurs, relevant de la compétence de la même société de gestion, doivent être réglées par le même tarif, sauf s'il existe des raisons objectives pour des tarifs séparés (c. 5.2). Lorsque les personnes concernées ont pu s'entendre, un tarif est équitable s'il correspond à ce qui aurait pu être convenu dans une situation de concurrence (c. 5.4). Pour l'approbation d'un tarif, il suffit que son équité apparaisse au vu de l'état de fait actuel, les modifications dans le mode de calcul des redevances par rapport à l'ancien tarif n'ayant pas besoin d'être spécialement motivées (c. 7.2.1). Il est certes compréhensible que la CAF souhaite de cas en cas éviter les augmentations tarifaires abruptes. Mais un changement de circonstances permettant de mieux tenir compte des critères de l'art. 60 al. 1 LDA dans un nouveau tarif doit aussi être pris en considération. Même une augmentation importante de la redevance peut être admissible si celle-ci était jusqu'ici trop basse en raison de bases de calcul inappropriées. L'augmentation peut d'ailleurs être un indice d'un tel défaut (c. 7.2.3). Un contrat de gestion concernant les œuvres musicales non théâtrales ne laisse plus la possibilité à un auteur de disposer lui-même de ses droits, même si la gestion collective n'est pas obligatoire d'après la loi (c. 5.3). Dans le domaine du cirque, la musique est combinée avec une prestation comme en cas de ballet, d'opéra ou de comédie musicale. Mais elle a un rôle d'accompagnement plus distancié. Il s'agit donc de musique non théâtrale (c. 6.1). D'après l'art. 40 al. 3 LDA, un auteur peut gérer ses droits lui-même sur la musique non théâtrale, c'est-à-dire sans passer un contrat de gestion avec la SUISA. Le tarif doit par conséquent tenir compte de cette situation (c. 6.2). [VS]

02 juillet 2013

TAF, 2 juillet 2013, B-2612/2011 (d)

medialex 4/2013, p. 203-204 (rés.), « Tarif commun S » ; gestion collective, surveillance de la Confédération, droit d’auteur, droits voisins, gestion individuelle, tarifs des sociétés de gestion, tarifs communs, tarif commun S, équité du tarif, règle des 10 %, règle des 3 %, calcul de la redevance, convention internationale, applicabilité directe, interprétation téléologique, comparaison avec l’étranger, preuve, Commission arbitrale fédérale, allégué tardif, moyens de preuve nouveaux, réparation d’un vice de procédure en instance de recours, réparation de la violation du droit d’être entendu ; art. 11bis ch. 2 CB, art. 15 WPPT, art. 16 WPPT, art. 29 al. 2 Cst., art. 32 al. 2 PA, art. 47 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA, art. 9 ODAu.

Une raison fréquente de la gestion collective surveillée par la Confédération est d'éviter que la gestion individuelle rende difficiles ou impossibles des formes populaires d'utilisations massives d'œuvres et de prestations protégées. En revanche, il ne s'agit pas de rendre les redevances meilleur marché pour les exploitants, lesquels bénéficient déjà d'une simplification pour l'acquisition des licences. D'après les art. 15 WPPT, 60 al. 2 LDA et 11bis al. 2 CB, la redevance doit être équitable. Par la gestion collective, les ayants droit ne doivent donc pas être moins bien traités qu'ils ne le seraient dans un marché libre (c. 3.1.1). L'équité s'apprécie cependant de manière globale, et non pour chaque œuvre ou prestation en particulier (c. 3.1.1 et 3.1.2). Le fait de prévoir un supplément sur la redevance concernant les droits voisins (et non sur celle concernant les droits d'auteur) n'est pas contraire à l'art. 47 LDA si les bases de calcul des redevances sont identiques pour les deux types de droits (c. 6). Un accord donné par une société de gestion à l'occasion d'une procédure tarifaire précédente ne la lie pas dans le cadre de la nouvelle procédure (c. 7.2). Les limites de l'art. 60 al. 2 LDA (10 % pour les droits d'auteur et 3 % pour les droits voisins) peuvent être dépassées si elles risquent de conduire à des redevances inéquitables. Cela est cohérent par rapport à l'interprétation téléologique selon laquelle la gestion collective doit rapporter aux ayants droit autant que ce qu'ils pourraient obtenir dans un marché libre. Ces limites ne doivent donc pas seulement être dépassées dans des cas exceptionnels. Ce n'est que si les preuves ne sont pas suffisantes pour déterminer des valeurs du marché fictives qu'elles peuvent servir d'aide pour fixer les redevances. Par conséquent, il n'y a pas de rapport fixe 10:3 entre les droits d'auteur et les droits voisins (c. 7.3). L'autorité tarifaire doit dépasser les limites chiffrées de l'art. 60 al. 2 LDA si cela est nécessaire pour que les redevances soient équitables au regard des valeurs du marché réelles ou hypothétiques (c. 7.4). Ainsi interprété, l'art. 60 al. 2 LDA est conforme aux art. 15 al. 1 et 16 WPPT. Cette dernière disposition n'est pas d'application directe (self-executing) pour les justiciables (c. 7.5). Comme il peut être difficile de connaître les valeurs du marché réelles, l'autorité tarifaire doit opérer sur la base d'une fiction, pour laquelle les conditions pratiquées à l'étranger n'ont qu'une importance limitée (c. 8.3 et 8.4). En l'espèce, les moyens de preuve apportés par la recourante sont insuffisants pour procéder à cette fiction (c. 8.7). Les moyens de preuve doivent en principe être produits avec la requête d'approbation tarifaire, c'est-à-dire au moins sept mois avant l'entrée en vigueur prévue du tarif (art. 9 al. 1 et 2 ODAu). Mais la CAF admet encore les pièces produites au moins cinq jours avant l'audience, parce que des allégués tardifs des parties sont admissibles s'ils paraissent décisifs (art. 32 al. 2 PA). Ces règles sont impératives pour la CAF, d'après la doctrine dominante. Leur violation peut cependant être réparée en instance de recours, par la production par la partie recourante des pièces que la CAF a refusé à tort (c. 4.3.2). De même, une violation du droit d'être entendu, due à un défaut de motivation de la décision de première instance sur certains points, peut être réparée en instance de recours, si la CAF s'explique suffisamment dans sa prise de position devant le TAF (c. 4.3.3). [VS]

27 février 2014

TF, 27 février 2014, 2C_783/2013 (d)

ATF 140 II 305 ; sic! 6/2014, p. 362-364, « Gemeinsamer Tarif Sender (GT S) », medialex 2/2014, p. 111, « Tarif commun S », JdT 2015 II 206 ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarifs communs S, recours en matière de droit public, redevance équitable, pouvoir de cognition, équité du tarif, règle des 10%, règle des 3%, calcul de la redevance, déduction des frais d’acquisition de la publicité, comparaison avec l’étranger ; art. 15 WPPT, art. 16 WPPT, art. 190 Cst., art. 82 lit. a LTF, art. 86 al. 1 lit. a LTF, art. 90 LTF, art. 49 PA, art. 47 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA.

Contre une décision du TAF concernant l’approbation d’un tarif par la CAF, c’est le recours en matière de droit public qui est ouvert (c. 1.1). Les critères de l’art. 60 LDA sont contraignants pour la CAF et ils ne représentent pas seulement des lignes directrices pour l’exercice de son pouvoir d’appréciation. Ce sont des notions juridiques indéterminées, dont le TF revoit l’interprétation et l’application. Toutefois, ce dernier fait preuve d’une certaine retenue dans le contrôle des décisions prises par des autorités spécialisées, lorsque des aspects techniques particuliers sont en discussion. Cette retenue vaut aussi pour le TAF, malgré sa cognition illimitée selon l’art. 49 PA (c. 2.2.1). Comme la CAF est une autorité spécialisée, le TAF doit respecter son pouvoir d’appréciation dans l’application des critères de l’art. 60 LDA, ce qui revient finalement à ne sanctionner que les abus ou les excès (c. 2.2.2). D’après la systématique de l’art. 15 WPPT, des réserves au sens de l’alinéa 3 ne sont nécessaires que s’il s’agit de déroger au principe de l’alinéa 1, c’est-à-dire à la redevance équitable elle-même. Aussi longtemps qu’une telle redevance équitable est prévue, l’art. 16 WPPT ne s’applique pas (c’est-à-dire notamment l’obligation de ne pas instaurer, dans le domaine des droits voisins, des exceptions plus larges qu’en droit d’auteur) (c. 6.2). Ni l’art. 12 CR, ni l’art. 15 WPPT, ne précisent ce qu’il faut entendre par redevance équitable. Les législateurs nationaux ont donc une marge de manœuvre relativement large pour transposer les obligations internationales. Le simple fait que les droits d’auteur et les droits voisins doivent tous deux être protégés ne signifie pas qu’ils doivent être valorisés de la même manière : la valeur des droits voisins est indépendante de celle des droits d’auteur et la relation entre ces deux catégories de droits varie selon les circonstances. Il est possible de leur attribuer la même valeur, mais cela n’est pas obligatoire (c. 6.3). Les pourcentages de 10 %, respectivement de 3 %, prévus par l’art. 60 LDA, ne représentent pas des taux normaux, mais sont des limites supérieures qui ne peuvent être dépassées qu’à la condition prévue par l’art. 60 al. 2 LDA, à savoir que lesdits pourcentages ne suffisent pas à procurer une rémunération équitable aux ayants droit. A cette condition, un dépassement est alors possible (c. 6.4). Pour juger de ce qui est équitable, il est difficile de se baser sur des valeurs du marché réelles, car la gestion collective obligatoire empêche justement le développement d’un marché comparable. Si l’on voulait rechercher des valeurs du marché fictives, il faudrait tenir compte des difficultés pratiques auxquelles se heurterait la gestion individuelle, qui conduiraient souvent à une rémunération moindre, voire à une disparition de la rémunération. La détermination d’un prix concurrentiel fictif semble donc plutôt hypothétique (c. 6.5). Dans ces conditions, il ne peut être reproché au législateur d’avoir concrétisé la notion d’équité sur la base d’une appréciation politique, et d’avoir attribué aux droits voisins une autre valeur qu’aux droits d’auteur. Le rapport légal 10 : 3 est compatible avec les traités internationaux et lie le TF d’après l’art. 190 Cst. La loi prévoit certes expressément une possibilité de déroger aux limites maximales, donc au rapport 10 : 3, s’il y a pour cela des raisons particulières. Une interprétation ayant pour conséquence une dérogation générale à ce rapport ne serait toutefois plus conforme à la loi, et n’est pas imposée par l’art. 15 al. 1 WPPT (c. 6.6). La déduction des frais d’acquisition de la publicité de l’assiette de la redevance peut être rediscutée dans le cadre d’un tarif futur, mais le rapport 10 : 3 s’oppose à ce qu’elle soit compensée par un supplément seulement pour les droits voisins, et pas pour les droits d’auteur (c. 7.1). Il n’est pas démontré que le marché en ligne soit comparable à celui de la radio et de la télévision, et l’affirmation selon laquelle les droits de reproduction étaient plus valorisés avant d’être soumis à la gestion collective obligatoire (le 1er juillet 2008) n’est pas suffisamment étayée (c. 7.2). D’après la jurisprudence du TF, les comparaisons tarifaires avec l’étranger sont certes admissibles et judicieuses ; elles n’ont cependant qu’une valeur limitée, vu que les législations nationales connaissent des critères différents et que les circonstances de fait peuvent varier. Néanmoins, étant donné les difficultés à apprécier la rémunération équitable, la comparaison avec l’étranger est encore l’un des critères les moins discutables, pour autant que l’on puisse tenir compte de manière appropriée des différences pertinentes (c. 7.3.1). [VS]

« Tarif commun 3a complémentaire » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif 3a complémentaire, décision sur recours, instructions impératives à l’autorité précédente, divertissement de fond ou d’ambiance, divertissement ciblé, équité du tarif, forfait, redevance de réception radio, redevance de réception TV, effet rétroactif, entrée en vigueur rétroactive, approbation des tarifs rétroactive, introduction d’une redevance, édition du dossier, effets de la décision d’approbation, hôtellerie, logement de vacances ; art. 26 al. 1 Cst., art. 61 al. 1 PA, art. 46 LDA, art. 47 LDA, art. 60 LDA, art. 83 al. 2 LDA, art. 68 LRTV ; cf. N 27 (vol. 2007-2011 ; TF, 19 juin 2007, ATF 133 II 263 ; sic! 10/2007, p. 722-735, « MP3-Player II » ; JdT 2007 I 146) ; N 601 (vol. 2012- 2013 ; CAF, 17 novembre 2011) ; N 603 (vol. 2012-2013 ; TAF, 3 janvier 2012, B-1769/2010 ; medialex 2/2012, p. 107-109 (rés.), « Tarif A télévision (Swissperform) ») ; N 609 (vol. 2012-2013 ; TF, 13 novembre 2012, 2C_580/2012 ; sic! 3/2013, p. 154-157, « GT 3a » ; medialex 1/2013, p. 49-50 ; N 611 (vol. 2012-2013 ; CAF, 30 novembre 2012) ; N 790 (TAF, 14 mars 2014, B-6540/2012 ; sic! 10/2014, p. 618-623, « Zusatztarif zumGT 3a ») , N 802 (TAF, 8 juillet 2015, B-3865/2015, « Tarif commun 3a complémentaire ») et N 1040 (TF,13 décembre 2017, 2C_685/2016, 2C_806/2016).

En vertu de l’art. 61 al. 1 PA, une décision de renvoi du TAF est contraignante pour la CAF. Si le renvoi est effectué avec la formule « pour nouvelle décision dans le sens des considérants », le caractère impératif s’étend aux considérants. La CAF ne doit donc plus se prononcer sur la base légale du tarif et sur la possibilité d’établir un tarif séparé (c. 3). Dans le cadre de son arrêt du 14mars 2012 (recte : 2014) (cf. N 790), le TAF a estimé que l’utilisateur au sens du droit d’auteur, en cas de réception d’émissions dans des chambres d’hôtel, n’était pas le client,mais l’hôtelier. Il ne s’agit pas de simple divertissement de fond ou d’ambiance, mais de divertissement ciblé dûment choisi, ce qui pourrait plaider pour une utilisation plus intensive.Cependant, les émissions ne sont pas regardées longtemps et elles profitent à un plus petit nombre de personnes qu’en cas de diffusion dans un magasin, par exemple. Dans le cadre d’un tarif qui doit couvrir un grand nombre de situations, une réglementation forfaitaire est justifiée (c. 10). Une probable évolution technologique, qui rendrait désuète la réception d’émissions au moyen d’appareils radio / TV, n’a pas à être prise en compte pour juger de l’équité du tarif (c. 11). Ni la redevance selon l’art. 68 LRTV, ni les droits de retransmission payés par les câblodistributeurs n’empêchent un tarif de droits d’auteur et de droits voisins pour la réception d’émissions dans des chambres d’hôtel (c. 12). Dans le cadre d’un tarif forfaitaire, il n’est pas inéquitable que les exploitants de logements de vacances soient traités comme les hôteliers (c. 13). Un moyen de preuve concernant une question tranchée par le TAF (qui lie la CAF) n’est pas pertinent (c. 14). La question de l’entrée en vigueur du tarif, éventuellement rétroactive, relève du contrôle de l’équité (c. 16). Selon l’ATF 133 II 263 (cf. N 27, vol. 2007-2011, c. 11.2), l’entrée en vigueur rétroactive d’un tarif se décide au cas par cas, en fonction des circonstances de fait et de droit et des différents intérêts en présence. Il semble s’agir d’un examen sui generis, fondé sur d’autres critères que ceux concernant l’effet rétroactif dit « véritable » des actes administratifs, qui fait appel à deux éléments : d’une part la prévisibilité de l’obligation de payer, d’autre part le fait de pouvoir raisonnablement exiger des utilisateurs qu’ils provisionnent les montants litigieux. Les conditions de l’absence d’inégalités choquantes et de l’absence d’atteintes à des droits acquis sont également à observer, car elles valent dans tous les domaines du droit administratif. Le critère de la prévisibilité implique nécessairement une rétroactivité limitée dans le temps, à déterminer en fonction des circonstances du cas particulier. Enfin, le principe de la proportionnalité, fondamental en droit administratif, doit être respecté. Lorsque la CAF a approuvé un tarif, les utilisateurs doivent compter avec l’entrée en vigueur de ce tarif,même lorsque la décision d’approbation fait l’objet d’un recours avec effet suspensif. Sous l’empire de l’aLDA, l’entrée en vigueur et l’application rétroactives d’un tarif étaient exclues, car la loi ne consacrait que des droits exclusifs, si bien que les utilisations ne pouvaient pas être entreprises sans qu’un tarif soit applicable (c. 22). Aujourd’hui, l’art. 83 al. 2 LDA et la jurisprudence du TF dans l’affaire 2A. 142/173/174/1994 du 24 mars 1995 montrent que la procédure d’approbation tarifaire ne doit pas conduire à des périodes d’utilisations sans redevances, cela aussi bien dans le domaine des droits exclusifs que dans celui des droits à rémunération. Sinon le droit de la gestion collective interférerait sur le droit d’auteur matériel, qui est couvert par la garantie de la propriété au sens de l’art. 26 al. 1 Cst. (c. 23). La CAF a déjà accepté l’entrée en vigueur rétroactive d’un tarif, par sa décision du 17 novembre 2011 (cf. N 601, vol. 2012-2013) (c. 25). La doctrine va dans le même sens (c. 26). Il faut distinguer l’approbation avec effet rétroactif d’un tarif en première instance et l’entrée en vigueur rétroactive d’un tarif suite à une procédure de recours. En l’espèce, cette procédure de recours concerne un tarif complémentaire, ayant pour but de compléter un tarif commun dont la durée est limitée à quelques années. Si l’on excluait l’entrée en vigueur rétroactive d’un tarif complémentaire suite à une procédure de recours (qui peut durer deux à trois ans), l’institution même des tarifs complémentaires pourrait devenir obsolète. La procédure d’approbation tarifaire (y compris les éventuels recours) ne doit pas être un moyen d’obtenir des périodes d’utilisation gratuites, sinon les recours deviendront la règle (et la gestion collective ira à l’encontre de ce que permet la gestion individuelle). De plus, les autorités ne doivent pas être livrées aux circonstances de chaque cas particulier pour déterminer si d’autres moyens que l’effet rétroactif (comme un supplément sur la redevance courante) sont admissibles ou non (c. 27). Depuis la première décision de la CAF (cf. N 611, vol. 2012-2013) les utilisateurs devaient compter avec l’introduction d’une redevance. Admettre une réalisation de la condition de prévisibilité seulement si un tarif antérieur existait déjà ne découle ni de l’art. 83 al. 2 LDA, ni de la jurisprudence, en particulier de l’arrêt du TAF du 3 janvier 2012 (cf.N 603, vol. 2012- 2013) (c. 28). D’autre part, on pouvait raisonnablement exiger des utilisateurs qu’ils provisionnent les montants litigieux,même si leurs associations avaient fait recours en contestant la base légale du tarif (c. 29). La longueur de la procédure n’est pas seulement imputable aux sociétés de gestion. Par sa prise de position concernant l’effet suspensif dans la procédure de recours, Hotellerie-suisse a montré qu’elle était consciente du risque que le tarif entre en vigueur rétroactivement (c. 30). Enfin, l’effet rétroactif ne cause pas d’inégalités choquantes ou de distorsions dans les rapports de concurrence, et il ne porte pas atteinte à des droits acquis.Compte tenu des circonstances de fait et de droit et des différents intérêts en présence, il est admissible que le tarif entre en vigueur au 1er janvier 2013. Le TAF a d’ailleurs déjà admis un effet rétroactif d’environ deux ans (cf. N 603, vol. 2012-2013) (c. 31). L’édition du dossier de la procédure de recours devant la CAF n’est pas recevable, car la requérante n’indique pas pour quelles questions concrètes elle entend se prévaloir de ce dossier. De plus, le TAF a probablement déjà retourné les pièces aux parties et il n’est pas sûr que la CAF ait les moyens juridiques d’exiger une telle édition (c. 33). Le TC 3a complémentaire est donc approuvé.Mais, comme les associations d’utilisateurs peuvent difficilement recourir sans disposer de la décision motivée par écrit, il convient de préciser que cette décision ne prendra effet qu’à l’échéance du délai de recours (c. 35). [VS]

30 mars 2015

TAF, 30 mars 2015, B-1298/2014 (d)

« Tarif A Fernsehen (Swissperform) » ;  gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif A télévision, tarif contraignant pour les tribunaux, tarifs séparés, question préalable, pouvoir d’appréciation, pouvoir de cognition, autonomie des sociétés de gestion, synchronisation, droits voisins, phonogramme disponible sur le marché, vidéogramme disponible sur le marché, support disponible sur le marché, reproduction à des fins de diffusion, droit à rémunération, intégrité de l’œuvre, œuvre musicale non théâtrale, films musicaux ; art. 11 LDA, art. 22c LDA, art. 24b LDA, art. 35 LDA, art. 38 LDA, art. 46 LDA, art. 47 LDA, art. 59 LDA ; cf. N 608 (vol. 2012-2013 ; TF, 20 août 2012, 2C_146/2012 ; sic! 1/2013, p. 30-37, « Tarif A Fernsehen ») et N 800 (TF, 4 juin 2015, 2C_394/2015 ; sic! 10/2015, p. 603-605, « Tarif A Fernsehen II (Swissperform) »).

Lorsque la gestion des droits est soumise à la surveillance de la Confédération, les sociétés de gestion ne peuvent exercer ces droits que sur la base de tarifs valables. Ces derniers doivent certes respecter la réglementation légale des droits exclusifs et des utilisations autorisées et ils ne peuvent pas instaurer de prérogatives incompatibles avec la loi. Mais ils lient le juge en ce qui concerne leur caractère équitable et fondent les prétentions civiles des sociétés de gestion. Grâce à des tarifs formulés en termes généraux et approuvés par l’autorité, la gestion collective doit résoudre les difficultés pratiques qu’occasionnent le recensement et le contrôle des utilisations massives (c. 2.1). Lorsqu’elle vérifie l’équité d’un tarif, la CAF poursuit l’objectif d’un équilibre approprié des intérêts des ayants droit et des utilisateurs, qui doit aussi servir la sécurité juridique, et elle s’appuie sur le critère d’une rémunération conforme au marché. Elle doit en particulier examiner à titre préjudiciel l’existence des droits couverts par le tarif et l’assujettissement au contrôle fédéral des utilisations qu’il vise. Elle doit faire en sorte que des utilisations connexes d’un point de vue économique soient si possible réglées par le même tarif, même si elles relèvent de la compétence de sociétés de gestion différentes. La CAF ne doit cependant pas interférer dans l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion plus que le nécessite un équilibre approprié des intérêts entre ayants droit et utilisateurs. Si plusieurs solutions sont possibles, elle ne peut pas imposer la sienne contre la volonté des sociétés de gestion. Elle dispose d’un plein pouvoir d’examen, mais doit respecter une certaine liberté de disposition et l’autonomie des sociétés de gestion (c. 2.2). Le TAF examine l’affaire avec une pleine cognition. Cependant, il fait preuve de retenue là où la CAF, en tant qu’autorité judiciaire indépendante et spécialisée, a tranché des questions complexes concernant la gestion collective ou a pesé les intérêts en présence en respectant l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Cela revient à ne sanctionner que les excès ou les abus du pouvoir d’appréciation de la CAF (c. 2.3). La synchronisation va au-delà de l’intégration d’un phonogramme dans un vidéogramme: elle implique une interaction coordonnée dans le temps entre le son et l’image (c. 3.3) et la création d’un arrangement ou d’une œuvre dérivée, de même que l’enregistrement d’un phonogramme dans un vidéogramme. Elle n’est pas couverte par l’art. 35 LDA (c. 3.4). L’art. 35 LDA doit permettre d’indemniser les ayants droit pour les utilisations secondaires du support disponible sur le marché, qui ne sont pas comprises dans le prix d’achat de ce support. Comme la synchronisation n’est ni visée par l’art. 35 LDA, ni comprise dans le prix d’achat du support, elle doit être autorisée par les ayants droit (c. 4.1). L’art. 24b LDA n’y change rien, puisqu’il réserve l’art. 11 LDA. Cette réserve concerne aussi les droits voisins, étant donné le renvoi de l’art. 38 LDA. Vu la théorie de la finalité, l’accord des ayants droit englobe toutes les copies qui sont nécessaires pour la synchronisation. Par conséquent, celles-ci ne doivent pas être couvertes par le tarif, d’autant plus qu’elles ne sont pas visées par l’art. 24b LDA (c. 4.2). Le TF a estimé contraire à la volonté du législateur qu’un phonogramme intégré dans un vidéogramme soit exclu du droit à rémunération, cela aussi lorsque le vidéogramme n’est pas disponible sur le marché (cf. N 608, vol. 2012-2013) (c. 5). La demande d’enregistrements sonores synchronisés à des fins de diffusion dans des propres productions du diffuseur est en augmentation (c. 6.2). Les art. 24b et 35 LDA instaurent la gestion collective pour des raisons pratiques, les ayants droit n’étant plus en mesure de faire valoir leurs droits individuellement. Pour ces ayants droit, licencier la diffusion de leurs enregistrements en même temps que leur synchronisation pourrait être difficile, car la réalité et la fréquence de la diffusion ne sont pas forcément connues au moment où la synchronisation est autorisée. Pour cette raison, la gestion collective prévue par les art. 35 et 24b LDA s’impose (c. 6.3). Il est donc juste, comme le veut la recourante, que le tarif A Télévision englobe aussi la diffusion de phonogrammes du commerce synchronisés dans des propres productions du diffuseur. L’affaire doit ainsi être renvoyée à la CAF pour qu’elle examine l’équité de la redevance compte tenu de cette constatation juridique (c. 6.4). Les vidéos musicales, les vidéoclips et les films musicaux sont disponibles sur le marché en tant que tels et ne tombent pas sous le coup de la notion de musique de film ayant fait l’objet de l’arrêt du TF 2A_288/2002 du 24 mars 2003. Les films d’opéras, de danse, de concerts ou de comédies musicales sont des films musicaux et leur diffusion relève traditionnellement des grands droits. Dans un film musical, l’image suit la musique (d’un point de vue dramaturgique) et la souligne d’une manière théâtrale (c. 7.2). Pour cette raison, les art. 22c et 24b LDA ne s’appliquent pas aux films musicaux (c. 7.3). [VS]

« Tarif commun 3a » ; tarif commun 3a complémentaire, tarifs des sociétés de gestion, équité du tarif, autonomie des sociétés de gestion ; art. 45, art. 47 LDA, art. 59, art. 60 LDA.

Les tarifs communs 3a et 3a complémentaire (réception d’émissions, musique de fond) sont des tarifs fondamentalement basés sur les coûts d’utilisation. Comme tels comptent les frais du matériel de réception, les autres frais concernant la réception d’émission (y compris les coûts d’installation dans le bâtiment), les frais d’électricité, les redevances selon la LRTV et les redevances de droits d’auteur et de droits voisins (c. 6.2). La CAF a considéré en 2007 qu’une majoration de 50% des redevances prévues par le tarif commun 3a en cas d’encaissement par SUISA (au lieu d’un encaissement par Billag SA, conjointement à l’encaissement des redevances selon LRTV) était équitable. Selon la jurisprudence, il appartient aux utilisateurs de prouver que tel n’est plus le cas, même si le tarif de 2007, prolongé depuis lors, reposait sur un accord (c. 6.3.1). Le cas normal d’un point de vue juridique est celui d’un encaissement des redevances tarifaires par une société de gestion, ce qui résulte en particulier de l’art. 47 al. 1 LDA. Un encaissement effectué par Telecom PTT, puis par Billag SA, permettait des économies de gestion qui étaient répercutées sur les utilisateurs. La révision de la LRTV n’autorise plus un encaissement des redevances selon la LDA conjointement à celles prévues par la LRTV. Ni les sociétés de gestion, ni les utilisateurs, ne sont responsables de cette situation. Mais les sociétés de gestion ne peuvent plus accorder des conditions de faveur aux utilisateurs (c. 6.3.2). Les redevances plus basses encaissées par Billag SA sont à considérer comme comportant un rabais (c. 6.3.3). Pour le contrôle de l’équité des redevances prévues par le nouveau tarif commun 3a, il faut comparer ces dernières à celles prévues par l’ancien tarif en cas d’encaissement par SUISA, pas à celles prévues en cas d’encaissement par Billag SA. On voit ainsi que les nouveaux taux sont inférieurs de 20% à 10% par rapport aux anciens (c. 6.3.4). Les sociétés de gestion ont suffisamment prouvé qu’un encaissement par SUISA en remplacement de Billag SA occasionnerait pour elles des surcoûts d’environ CHF 2 mios par année, ce qui justifie une augmentation des redevances de 7.67% (c. 6.4). Une baisse des coûts du matériel de sonorisation de 25% depuis 2008 paraît plausible. Mais ces coûts ne sont pas les seuls déterminants. Si l’on tient compte des autres frais, une baisse des redevances du TC 3a se justifierait à raison de 4.3775% à 11.19% dans le domaine audio, et à raison de 11.05% dans le domaine audiovisuel. L’étude de 2008 sur laquelle se sont basées les sociétés de gestion n’est certes plus actuelle sur certains points, notamment parce que plusieurs entreprises n’auront plus à payer de redevances selon la LRTV dans le futur. Mais une actualisation régulière des chiffres ne peut pas être exigée vu les coûts de telles études. Au surplus, le contrôle de la CAF consiste à pronostiquer l’équité future des redevances en se basant sur des données du passé. En résumé, les sociétés de gestion peuvent prétendre à une augmentation de la redevance de 7.67%, tandis que les associations d’utilisateurs ont droit à une baisse de 4.3775% à 11.19% dans le domaine audio et de 11.05% dans le domaine audiovisuel (c. 6.5). Le fait que les commerces suisses souffriraient du tourisme d’achat ou du commerce électronique n’est pas pertinent d’après l’art. 60 LDA. Cette disposition ne permet pas de prendre en compte la situation économique des utilisateurs et ces derniers sont libres de renoncer aux biens protégés par la LDA (c. 6.6). Le montant absolu des redevances perçues durant les dernières années n’est pas pertinent non plus (c. 6.6.1). L’attention que prêtent les clients des débiteurs de la redevance aux biens protégés par la LDA ne joue aucun rôle, car ce ne sont pas eux qui sont utilisateurs au sens de la LDA. La CAF a déjà reconnu depuis longtemps l’influence positive des actes couverts par le tarif commun 3a sur les recettes des utilisateurs (c. 6.6.2). Les sociétés de gestion ont démontré que les pourcentages maximaux de redevance prévus par l’art. 60 al. 2 LDA étaient respectés (c. 6.6.3). Le renchérissement négatif de 0.7% depuis 2008 justifie une baisse des redevances dans la même proportion (c. 6.6.4). En revanche, la force du franc suisse par rapport à l’euro ne joue pas de rôle car le tarif concerne des utilisations en Suisse (c. 6.6.5). La comparaison avec l’étranger, effectuée par les sociétés de gestion, ne permet pas de conclure que les redevances seraient inéquitablement hautes (c. 6.6.6). Comme la présente affaire concerne la suppression d’un rabais sur les redevances, ni les sociétés de gestion, ni les utilisateurs ne peuvent invoquer les principes de la jurisprudence sur l’augmentation abrupte des redevances (c. 6.6.7). La CAF reconnaît que le préposé à la surveillance des prix a effectué des calculs importants d’un point de vue économique. Mais, sous l’angle du droit d’auteur, la détermination des redevances basée sur les coûts n’est qu’une méthode subsidiaire. Les ayants droit peuvent prétendre dans tous les cas à une rémunération équitable d’après l’art. 60 al. 2 LDA. Une baisse des redevances doit donc être exclue. Même si la CAF a renoncé à un examen détaillé des documents des sociétés de gestion concernant la comparaison avec l’étranger, elle constate que les redevances pratiquées en Suisse se situent à un bas niveau par rapport au reste de l’Europe. Une baisse de celles-ci ne seraient pas justifiable vu les engagements internationaux de la Suisse. En effet, les ayants droit ont droit à une rémunération équitable d’après les art. 11bis al. 2 de la Convention de Berne et 15 al. 1 WPPT, et l’exploitation normale de leurs œuvres ne doit pas être affectée, pas plus que leurs intérêts légitimes, d’après le test des trois étapes prévu par les art. 8 et 10 du WCT. Les sociétés de gestion ont démontré qu’elles avaient examiné d’autres pistes qu’un encaissement par SUISA, pour remplacer Billag SA, et que la gestion des droits impliquait un minimum de services aux clients. En raison de leur autonomie tarifaire, on ne peut pas leur reprocher d’avoir choisi la solution d’un encaissement par SUISA (c. 6.7). Globalement, il existe des motifs de baisse des redevances tarifaires de 4.3775% à 11.19% dans le domaine audio, auxquels s’ajoutent encore 0.7% pour le renchérissement négatif. Dans le domaine audiovisuel, cela correspond à une baisse de 11. 75%. A l’inverse, il y a des motifs de hausse de 7.67% en raison de la disparition de l’encaissement par Billag SA. En tout, il en résulte donc une baisse maximale de 4.22% des taux tarifaires. Il s’agit seulement d’une valeur indicative, vu que les données statistiques sont anciennes et qu’il faut nécessairement faire des pronostics. Mais la baisse des redevances de 20% à 10% proposée par les sociétés de gestion est en tous les cas équitable. Il est également équitable que les petites entreprises profitent plus de cette baisse que les grandes. D’après les exemples fournis en procédure, les petites entreprises pourront supporter les redevances prévues (c. 6.8). Le rabais prévu par le tarif est aussi soumis au contrôle de l’équité, même s’il ne joue pas de rôle pour l’appréciation de l’équité des redevances elles-mêmes. Une disposition réservant le rabais aux utilisateurs qui s’annoncent spontanément a presque un caractère pénal et semble injuste. Les utilisateurs doivent pouvoir compter au moins sur un rappel (c. 7). La charge diachronique du tarif pour les utilisateurs est aussi soumise au contrôle de l’équité par la CAF (c. 8). Il n’apparaît pas équitable que le tarif commun 3a soit fondamentalement modifié dès avant l’entrée en vigueur du nouveau système de redevance selon la LRTV. La comparaison avec l’étranger ne peut pas le justifier, vu les difficultés d’une telle comparaison (c. 8.1). Une prolongation automatique du tarif doit être limitée dans le temps, en particulier parce que les effets du changement de système selon la LRTV sont incertains (c. 8.2). La décision de la CAF ne prendra effet qu’à l’échéance du délai de recours (c. 11). Des dépens de première instance ne sont pas prévus dans la procédure d’approbation tarifaire (c. 12.2). [VS]

01 février 2016

HG ZH, 1er février 2016, HG150137-O (d)

sic! 9/2016, p. 457 ss, « Geschätzte Kopier- und Verwaltungsvergütungen » ; tarifs des sociétés de gestion, devoir d’informer les sociétés de gestion, estimation de la redevance, frais administratifs ; art. 46 LDA, art. 47 LDA, art. 51 LDA.

Les utilisateurs d’oeuvres ont un devoir de renseigner les sociétés de gestion selon l’art. 51 LDA. Lorsque celui-ci n’est pas respecté, les dispositions des tarifs communs 8 et 9 permettent à ProLitteris d’estimer les données nécessaires à la facturation. L’estimation est considérée comme reconnue si l’utilisateur ne fournit pas les informations voulues dans les 30 jours. En outre, la société de gestion peut réclamer un supplément pour ses frais administratifs (c. 5.2). [VS]

18 février 2019

TAF, 18 février 2019, B-1624/2018, B-1699/2018 (d)

« Tarif A radio (Swissperform) » ; tarifs des sociétés de gestion, compétence de la CAF, pouvoir de cognition du TAF, pouvoir de cognition de la CAF, équité du tarif, recettes brutes, déduction des frais d’acquisition de la publicité, procédure devant la CAF, gestion économique, webcasting, simulcasting, streaming, règle du ballet, musique fonction subordonnée ou d’accompagnement, règle prorata temporis, test des trois étapes, triple test, augmentation de redevance, vente de programmes, obligation d’informer les sociétés de gestion; art. 16 WPPT, art. 13 ADPIC, art. 22c LDA, art. 35 al. 1 LDA, art. 40 LDA, art. 45 al. 1 LDA, art. 47 LDA, art. 51 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA.

Le TAF dispose d’un plein pouvoir de cognition et peut aussi examiner l’équité de la décision tarifaire attaquée. Il fait toutefois preuve de retenue là où la CAF, en tant qu’autorité judiciaire spécialisée indépendante, a traité de questions complexes concernant la gestion collective ou a pesé les intérêts en présence tout en respectant l’autonomie des sociétés de gestion. En fin de compte, cela revient à rechercher si la CAF a excédé son pouvoir d’appréciation ou en a abusé (c. 2.2). Les tarifs doivent respecter l’ordre juridique instauré par la loi au sujet des droits exclusifs et des utilisations autorisées, ils ne peuvent pas instaurer des prérogatives incompatibles avec la loi. S’agissant de l’équité dans le cadre de l’ordre légal, ils lient le juge civil et servent de base juridique pour les prétentions civiles des sociétés de gestion (c. 3.1). Dans le cadre de la procédure d’approbation tarifaire, la CAF poursuit le but d’un équilibre objectif des intérêts entre les parties concernées. Celui-ci s’oriente sur les redevances pratiquées sur le marché et sert la sécurité juridique. La CAF n’a pas seulement une compétence d’approbation puisqu’elle peut modifier le tarif sur la base de l’art. 59 al. 2 LDA. Elle doit de plus examiner à titre préjudiciel si les droits mentionnés par le tarif existent, et si les utilisations sont soumises à la surveillance de la Confédération. Dans l’intérêt des utilisateurs, d’après l’art. 47 LDA, elle doit aussi faire en sorte que des utilisations connexes d’un point de vue économique soient si possible réglées par le même tarif, même si elles relèvent de sociétés de gestion différentes. Si toutes les associations d’utilisateurs n’ont pas consenti au tarif, la CAF organise en général une audience. Toutefois, elle ne doit pas interférer dans l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion plus que ne le nécessite un équilibre objectif des intérêts entre ayants droit et utilisateurs. Si plusieurs solutions sont envisageables, la CAF dépasserait ses compétences en imposant la sienne. Elle examine le projet tarifaire avec pleine cognition, mais doit respecter une certaine liberté de disposition des sociétés de gestion et leur autonomie (c. 3.2). Le webcasting se distingue du simulcasting par le fait qu’il n’y a pas de transmission d’un signal d’émission par voie terrestre ou par câble ; la technique du streaming est utilisée. La mise à disposition n’est pas couverte par l’art. 35 al. 1 LDA, sinon l’art. 22c LDA n’aurait aucun sens (c. 4.5.3). La transmission de signaux de programmes par Internet constitue une diffusion ou une retransmission si elle a lieu de manière linéaire, c’est-à-dire si l’utilisateur ne peut pas influencer le déroulement du programme (c. 4.5.4). En l’espèce, le webcasting d’événements isolés transmis originairement par Internet ne constitue pas un acte de diffusion : il a lieu de manière non linéaire car les utilisateurs peuvent choisir le moment de la consultation (c. 4.5.5). L’art. 60 LDA a pour but de permettre aux ayants droit de participer proportionnellement aux revenus générés par les biens protégés, mais il n’empêche pas des différenciations fondées dans la pondération (c. 5.5.2). Réduire de moitié le taux tarifaire lorsque les enregistrements musicaux sont utilisés en même temps qu’une propre prestation rédactionnelle de la SSR compliquerait l’application du tarif et serait difficilement praticable. Pour cette raison, une forfaitisation est possible. La situation n’est pas comparable avec celle du tarif commun H dans l’arrêt B-1736/2014 du 2 septembre 2015. La concentration cognitive des utilisateurs ne constitue pas un critère de fixation de l’indemnité au sens de l’art. 60 LDA (c. 5.5.3). La formulation « en relation avec la diffusion d’émissions » utilisée par l’art. 22c LDA ne contient pas de composante temporelle et doit être comprise de manière fonctionnelle. La condition peut être réalisée même si l’émission reste disponible sur Internet pour une longue période, dépassant 7 jours suivant la première diffusion. Selon l’interprétation fonctionnelle, la condition de l’art. 22c LDA est réalisée lorsque la musique est contenue dans une émission et que cette dernière, et non les morceaux de musique de manière isolée, est mise à disposition sur Internet (c. 6.6.2). Une limitation temporelle n’est pas nécessaire pour que l’art. 22c LDA soit compatible avec le test des trois étapes prévu par les art. 16 al. 2 WPPT et 13 ADPIC (c. 6.6.3 et 6.6.4). Les recettes au sens de l’art. 60 LDA ne correspondent pas au bénéfice, mais au chiffre d’affaires c’est-à-dire au revenu brut. Elles font partie des bases de calcul de la redevance si elles proviennent de l’utilisation des biens protégés. Elles doivent avoir un rapport direct avec les utilisations régies par le tarif (c. 7.5.1). Une déduction forfaitaire sur les recettes brutes est prévue par le tarif commun S. Par conséquent, une telle déduction dans le tarif A radio ne représente pas une dérogation à un principe constant ou un changement de système inutile et injustifié (c. 7.5.2). Cette réglementation correspond à ce que les parties ont convenu à l’amiable jusqu’ici et elle apparaît justifiée vu l’abolition prévue de la possibilité de déduire les frais d’acquisition de la publicité : il faut en effet éviter les augmentations de redevances abruptes (c. 7.5.3). Une déduction forfaitaire facilite en outre l’application du tarif, car elle évite à la SSR de devoir prouver ses frais d’acquisition et à Swissperform de devoir les contrôler. Des forfaitisations sont dans une certaine mesure inévitables en matière tarifaire (c. 7.5.4). Les recettes provenant de la vente de programmes sans musique ne sont pas dans un rapport direct avec l’activité de diffusion. En effet, les phonogrammes disponibles sur le marché ne contribuent pas à ces recettes (c. 8.6.2). D’après la systématique de l’art. 60 LDA, il faut d’abord déterminer les bases de calcul de la redevance – alinéa 1 – puis ensuite fixer la participation des ayants droit – alinéa 2. Les deux étapes poursuivent toutefois l’objectif d’une indemnité équitable. Il n’y a pas d’ordre de priorité entre les deux et le principe de la participation des ayants droit peut aussi servir à fixer les recettes prises en compte pour calculer la redevance. Cela ne conduit pas à une double déduction. Les frais pour déterminer les programmes sans musique devraient rester raisonnables, si bien que l’art. 45 LDA est respecté (c. 8.6.3). Le devoir d’information selon l’art. 51 LDA englobe tout ce qui permet aux sociétés de gestion de connaître les œuvres utilisées et l’ampleur de l’utilisation. Il n’existe cependant que dans la mesure du raisonnable. Il faut entendre par là qu’il ne doit pas occasionner des coûts disproportionnés pour l’utilisateur d’œuvres (c. 9.6.2). Le tarif prévoit que le code ISRC doit être annoncé s’il est livré à la SSR en même temps que l’enregistrement, ou après coup en référence à un enregistrement donné (c. 9.6.3). Le but de la gestion collective est notamment un encaissement simple, praticable et prévisible des redevances, ce qui est aussi dans l’intérêt des utilisateurs. Pour cette raison, l’interprétation de l’art. 51 al. 1 LDA doit tenir compte de l’art. 45 al. 1 LDA, qui oblige les sociétés de gestion à administrer leurs affaires selon les règles d’une gestion saine et économique. Le code ISRC s’est imposé comme un standard mondial pour les enregistrements musicaux. Il est juste que la SSR doive le fournir à Swissperform, lorsqu’elle l’a reçu, car ce code est nécessaire pour assurer à long terme une gestion saine et économique. Dans son arrêt 2A.539/1996 du 20 juin 1997, c. 6b, le TF a aussi estimé qu’un tarif pouvait obliger les utilisateurs à fournir des codes d’identification (c. 9.6.4). Les coûts pour la SSR paraissent raisonnables (c. 9.6.5). Un tarif peut contenir des règles sur les obligations d’annonce et sur les conséquences en cas d’inobservation. L’exécution du devoir d’information a lieu par la voie civile. Vu l’importance du code ISRC dans le secteur musical et son rôle pour assurer une gestion saine et économique, le tarif peut renforcer le devoir d’information en mettant à la charge de la SSR les frais de recherche démontrés dus à une violation de son obligation de déclarer le code ISRC (c. 10.5.2). [VS]

12 juin 2009

TAF, 12 juin 2009, B-2152/2008 (d)

sic! 5/2010, p. 348-352, « Tarif AS Radio (Swissperform) » ; medialex 3/2009, p. 176-177 (rés.) ; gestion collective, approbation des tarifs, autonomie des sociétés de gestion, obligation de collaborer, équité du tarif, division du tarif, tarifs séparés, Tarif A Radio, Tarif AS Radio, SWISSPERFORM, Internet, simulcasting, inopportunité, pouvoir de cognition, pouvoir d’appréciation, novae, unité de la procédure ; art. 49 lit. c PA, art. 35 LDA, art. 47 al. 1 LDA, art. 59 al. 1 LDA.

La procédure de recours devant le TAF contre les décisions de la CAF se distingue de l'ancienne procédure de recours devant le TF, en vigueur jusqu'à la fin de l'année 2006. Désormais, devant le TAF, le recourant peut invoquer l'inopportunité (art. 49 lit. c PA). Le pouvoir de cognition du TAF est ainsi entier et les vrais « novae » (« tatsächliche Noven ») sont admissibles (c. 2.1). À l'instar de la CAF, le TAF doit toutefois respecter une certaine autonomie des sociétés de gestion dans l'établissement des tarifs. Le TAF doit en outre faire preuve d'une certaine retenue dans l'examen des décisions de l'autorité spécialisée et indépendante que constitue la CAF (c. 2.2). Le TAF doit par ailleurs respecter le principe de l'unité de la procédure (c. 2.2 in limine). Dans la procédure d'approbation des tarifs, tant devant la CAF que devant le TAF, le degré de l'obligation de collaborer des sociétés de gestion et des associations représentatives des utilisateurs est plus élevé que dans une procédure administrative ordinaire, étant donné qu'elles négocient en principe les tarifs entre elles (c. 2.3). L'autonomie dont jouissent les sociétés de gestion dans l'établissement des tarifs n'empêche pas la CAF, dans l'examen de l'équité du tarif (art. 59 al. 1 LDA), de se pencher sur des questions formelles telles que la division du recouvrement des rémunérations en plusieurs tarifs (c. 3.1). Par analogie avec l'art. 47 al. 1 LDA et par mesure de simplification, il est dans l'intérêt des utilisateurs d'exiger que les formes d'utilisation connexes sur le plan économique fassent l'objet d'un même tarif et soient réglées selon les mêmes critères (c. 3.1). En l'espèce, sur la base des faits portés à la connaissance de la CAF par les parties à la procédure, il est soutenable de considérer qu'il n'y a pas de raison d'établir des tarifs séparés (pour les utilisations prévues par l'art. 35 LDA) — l'un pour la diffusion classique (Tarif A Radio) et l'autre pour la diffusion sur Internet (simulcasting notamment) (Tarif AS Radio). Vu l'obligation de collaborer des parties, SWISSPERFORM doit supporter les conséquences du fait que SRG SSR idée suisse n'a pas fourni des éléments qui auraient permis de justifier l'établissement de deux tarifs séparés (c. 3.3). La présente décision n'empêche pas SWISSPERFORM de soumettre les mêmes questions à la CAF dans une nouvelle procédure au cours de laquelle l'état de fait pourrait être complété par les parties (c. 3.3 in fine).

21 février 2011

TAF, 21 février 2011, B-2346/2009 (d)

ATAF 2011/2 ; sic! 7/8/2011, p. 430-436, « Public-Viewing-Tarif III » ; medialex 2/2011, p. 114-116 (rés.) (Brem Ernst, Anmerkungen) ; gestion collective, Tarif commun 3c, public viewing, droit de mise à disposition, droit de diffusion, droit de faire voir ou entendre, recours obligatoire aux sociétés de gestion, négociation des tarifs, autonomie des sociétés de gestion, équité du tarif, surveillance de la Confédération, pouvoir de cognition, dispositions transitoires, force obligatoire ; art. 10 al. 2 lit. c, d et f LDA, art. 22 LDA, art. 33 al. 2 lit. e LDA, art. 37 lit. b LDA, art. 40 LDA, art. 46 LDA, art. 47 al. 1 LDA, art. 59-60 LDA, art. 59 al. 3 LDA, art. 60 al. 1 LDA, art. 9 al. 3 ODAu, art. 15 al. 1 ODAu.

À défaut de disposition transitoire à ce sujet et de motifs qui imposeraient leur application, les nouvelles dispositions de la LDA (2007) ne s'appliquent pas à la présente cause (c. 2). Bien que son pouvoir de cognition soit entier, le TAF doit faire preuve d'une certaine retenue dans l'examen des décisions de l'autorité spécialisée et indépendante que constitue la CAF et respecter une certaine autonomie des sociétés de gestion dans l'établissement des tarifs (c. 3). Avant d'en examiner l'équité (art. 59-60 LDA), la CAF détermine si le tarif (en l'occurrence: Tarif commun 3c) est soumis à la surveillance de la Confédération (art. 40 LDA) (à défaut, elle n'entre pas en matière) et si les sociétés de gestion l'ont négocié avec la diligence requise avec les associations représentatives des utilisateurs (art. 46 LDA) (à défaut, son président peut renvoyer le dossier aux sociétés de gestion [art. 9 al. 3 ODAu]) (c. 4.1). C'est pour des raisons pratiques que la LDA impose la gestion collective de certains droits (c. 5.2 et 5.6). Le public viewing (c'est-à-dire le fait, en dehors de la sphère privée, de faire voir ou entendre, simultanément et sans modification, des émissions télévisées sur des écrans et surfaces de projection dont la diagonale est supérieure à 3 m) implique non pas l'exercice du droit de représenter, d'exécuter ou de mettre à disposition l'œuvre (art. 10 al. 2 lit. c LDA), mais l'exercice du droit — soumis à la gestion collective obligatoire par l'art. 22 LDA — de faire voir ou entendre des œuvres mises à disposition, diffusées ou retransmises (art. 10 al. 2 lit. f LDA; art. 33 al. 2 lit. e et art. 37 lit. b LDA) (c. 5.1, 5.5-5.7). La distinction entre ces deux droits (art. 10 al. 2 lit. c et f LDA) est déjà présente dans la CB (1948) et l'aLDA (1955) (c. 5.3). Quel que soit le contexte, le nombre de personnes présentes (et leurs attentes) ou la taille de l'écran, la réception publique d'émissions — public viewing — (art. 10 al. 2 lit. f LDA) a un public propre, distinct de celui des personnes présentes dans le studio où a lieu une représentation (art. 10 al. 2 lit. c LDA) ou de celui des abonnés à une télévision assistant à une diffusion (art. 10 al. 2 lit. d LDA) (c. 5.6). S'ils ne jouent pas de rôle dans la qualification du droit de faire voir ou entendre (art. 10 al. 2 lit. f LDA) (voir toutefois l'avis divergent d'une partie de la doctrine: c. 5.4-5.5), les prestations fournies simultanément (et leur caractère principal ou accessoire) ainsi que le nombre de personnes présentes doivent être pris en considération dans le calcul de l'indemnité (art. 60 al. 1 LDA) (c. 5.6). Suffisamment connu du législateur au moment de la rédaction de l'art. 10 al. 2 lit. f LDA (1992), le public viewing a été soumis à la gestion collective (art. 22 LDA [1992]) en toute connaissance de cause et n'a pas fait l'objet d'une exception à l'art. 22 al. 3 LDA (1992) (c. 5.6). Le fait que le public viewing tombe également sous le coup de l'art. 10 al. 2 lit. c LDA (faire voir ou entendre) ne l'exclut pas de la gestion collective prévue par l'art. 22 LDA (c. 5.6). L'art. 37 LDA n'accorde pas de droit comparable au droit d'exécuter l'oe uvre de l'art. 10 al. 2 lit. c LDA, car un organisme de diffusion ne peut que faire voir ou entendre (art. 37 lit. b LDA) son émission (c. 5.6). Étant donné qu'un tarif lie le juge (art. 59 al. 3 LDA), la CAF doit en examiner l'équité, même s'il n'est pas contesté par les associations représentatives des utilisateurs (c. 6.2). L'affaire est renvoyée à la CAF afin qu'elle examine l'équité du Tarif commun 3c, notamment au regard de l'art. 47 al. 1 LDA (c. 3 et 6.1), en ce qui concerne les critères déterminants pour le calcul du montant des indemnités (c. 6.2-6.3) et en application de l'art. 15 al. 1 ODAu (c. 7).

LDA (RS 231.1)

- Art. 59-60

- Art. 40

- Art. 33

-- al. 2 lit. e

- Art. 47

-- al. 1

- Art. 59

-- al. 3

- Art. 37

-- lit. b

- Art. 22

- Art. 60

-- al. 1

- Art. 46

- Art. 10

-- al. 2 lit. f

-- al. 2 lit. c

-- al. 2 lit. d

ODAu (RS 231.11)

- Art. 15

-- al. 1

- Art. 9

-- al. 3

14 mars 2014

TAF, 14 mars 2014, B-6540/2012 (d)

sic! 10/2014, p. 618-623, « Zusatztarif zumGT 3a », medialex 3/2014, p. 166-167, «Uhreberrechtsentschädigungen für Sendeempfang in Gästezimmern » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarifs communs 3a complémentaire, tarifs séparés, question préalable, négociation des tarifs, devoir de négocier, traités internationaux, applicabilité directe, interprétation conforme au droit international, économie de procédure, droit d’être entendu, droit de retransmission, droit de faire voir ou entendre, chambres d’hôtes, usage privé ; art. 8 WCT, art. 5 al. 4 Cst., art. 29 Cst., art. 190 Cst., art. 1 al. 2 LDA, art. 10 al. 2 lit. e LDA, art. 10 al. 2 lit. f LDA, art. 19 al. 1 lit. a LDA, art. 22 al. 2 LDA, art. 46 al. 2 LDA, art. 47 al. 1 LDA ; cf. N 802 (TAF, 8 juillet 2015, B-3865/2015).

Si la CAF entend modifier elle-même la proposition tarifaire des sociétés de gestion, elle doit accorder aux parties le droit d’être entendu (c. 2.2). Dans le domaine du droit d’auteur, en matière de droit à rémunération, les autorités doivent tenir compte du droit international public. Les traités internationaux et le droit interne font partie d’un système juridique uniforme, les particuliers ne pouvant se prévaloir des premiers que s’ils ont un caractère « self executing ». Tel est le cas lorsqu’un traité contient des normes claires et suffisamment déterminées permettant de trancher un cas particulier, pas lorsqu’il s’adresse au législateur en prescrivant comment une matière doit être réglementée (c. 3.2). En revanche, les tribunaux suisses n’ont pas à respecter la jurisprudence européenne, lorsqu’il y a des raisons objectives de consacrer une solution différente (c. 3.3). La LDA doit être interprétée de manière compatible avec les accords ADPIC (c. 3.4). Les garanties minimales découlant du droit d’être entendu englobent le droit à une orientation préalable, à pouvoir s’exprimer, à être écouté, à consulter le dossier et à recevoir une décision motivée. Les parties ont le droit de recevoir toutes les écritures déposées, qu’elles apportent ou non des éléments nouveaux ou importants, et de prendre position à leur sujet (c. 4.4.1). Une violation du droit d’être entendu peu importante peut exceptionnellement être réparée si la partie concernée a la possibilité de s’exprimer en procédure de recours. Même en cas de violations graves, il faut renoncer à un renvoi afin d’éviter le formalisme excessif et les retards inutiles. Mais la doctrine s’exprime majoritairement pour un renvoi en cas de telles violations graves du droit d’être entendu (c. 4.4.3). En l’espèce, la CAF a invité les sociétés de gestion à déposer un tarif totalement nouveau, qu’elle a approuvé sans en informer les parties adverses et le Préposé à la surveillance des prix, et sans requérir leur détermination. De plus, le tarif aurait dû entrer en vigueur dès avant la motivation écrite de la décision d’approbation (c. 5.1). Ces violations du droit d’être entendu sont graves, elles n’étaient pas justifiées par des impératifs de rapidité ou par des droits de tiers et n’étaient pas proportionnées. Elles ne peuvent être réparées en procédure de recours, car les parties lésées seraient privées d’une instance judiciaire. La décision doit donc être annulée (c. 5.4). En l’espèce, on peut se demander si le devoir de négocier au sens de l’art. 46 al. 2 LDA a été respecté, car les mêmes positions ont été répétées de fois en fois, sans entrer en matière sur les arguments des parties adverses. Mais la question peut rester ouverte, car le devoir de négocier a de toute manière été violé s’agissant du nouveau projet tarifaire déposé directement devant la CAF, ce qui était une raison supplémentaire pour que celle-ci requière la détermination des parties adverses (c. 6.2). Enfin, la CAF a négligé de demander l’avis du Préposé à la surveillance des prix sur ce nouveau projet (c. 6.3). Nonobstant le renvoi, pour des questions d’économie de procédure, il convient de trancher déjà les questions préalables de droit matériel et celle de savoir si des tarifs séparés sont possibles (c. 7.2 et 7.3). Le droit de retransmission de l’art. 10 al. 2 lit. e LDA n’est pas identique à celui que consacrait l’aLDA, dans la mesure il n’exige pas une communication publique. On ne peut donc pas déduire de l’ATF 119 II 62 (c. 3b) que la distribution d’un signal dans des chambres d’hôtes représenterait une retransmission (c. 8.5). Le droit de faire voir ou entendre une émission au sens de l’art. 10 al. 2 lit. f LDA implique qu’il n’y ait pas d’autres installations entre l’appareil de réception et le public, mis à part les amplificateurs et les haut-parleurs. Ce droit englobe tout ce qui ne représente pas un usage privé au sens de l’art. 19 al. 1 lit a et b LDA. En d’autres termes, il concerne la réception publique (c. 8.6). Ce qui est public en droit d’auteur n’est défini que pour le droit de divulgation (art. 9 al. 3 LDA) et qualifie un grand nombre de personnes ne constituant pas un cercle privé au sens de l’art. 19 al. 1 lit. a LDA. Cette notion est vague et doit être interprétée (c. 8.7). Pour déterminer ce qui était une communication publique dans le cadre du droit de retransmission de l’aLDA, le TF ne se basait pas sur le nombre d’abonnements, mais sur l’étendue territoriale du réseau. Aujourd’hui, le nombre d’abonnés est déterminant d’après l’art. 22 al. 2 LDA. (c. 8.7.2). Ce nombre, d’emblée, doit être restreint (c. 8.7.3). Quant à elle, la CJUE admet le caractère public d’une diffusion dans des chambres d’hôtel, parce qu’elle prend en compte aussi les personnes se trouvant dans d’autres endroits de l’hôtel et parce que les personnes qui occupent les chambres se succèdent rapidement. Contrairement à ce qui vaut en droit allemand, ce critère n’implique pas que les personnes qui se succèdent consultent la même œuvre (c. 8.7.4). Le droit de communiquer publiquement des émissions de l’art. 11bis al. 1 ch. 2 CB implique l’existence d’un nouveau public. Tel est le cas lorsque la communication intervient dans un but lucratif ou devant un cercle de personnes plus large que celui visé par l’auteur lorsqu’il a accordé son autorisation de diffusion (à l’organisme de radio ou de télévision) (c. 8.7.5). D’après l’art. 8 WCT, la communication est publique si le contenu est disponible pour chacun, de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement. Ce ne sont pas les différents accès qui sont déterminants, mais la mise à disposition effectuée au même moment pour tous. L’art. 8 WCT n’est toutefois pas applicable à la réception d’émissions (c. 8.7.6). Ce qui est public n’est donc pas défini uniformément en droit d’auteur et n’est pas apte à distinguer les utilisations libres et celles qui sont soumises à redevance (c. 8.7.6). L’opposé de l’usage public est l’usage privé au sens de l’art. 19 al. 1 lit. a LDA. Les personnes étroitement liées au sens de cette disposition ne doivent pas être réunies par hasard, leur nombre doit être restreint et il doit exister entre elles une communauté de destin. Tel est le cas entre les élèves d’un internat, entre les habitants d’un même logement ou d’une pension familiale, mais pas entre les clients d’un hôtel qui ne se connaissent que superficiellement et qui changent rapidement (c. 8.8.1). Les chambres d’un hôtel sont toutefois des lieux privés, sous réserve d’une appréciation économique ou de la reconnaissance d’un caractère public parce que les divers occupants se succèdent rapidement (c. 8.8.2). D’un point de vue économique, l’application de l’exception d’usage privé à des actes de nature commerciale peut sembler inadmissible. Cette argumentation est essentiellement fondée sur le texte de l’art. 22 aLDA. Mais même sous l’empire du nouveau droit, l’exception d’usage privé implique que l’utilisation ne procure aucune recette et ne porte pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre (c. 8.8.3). La jurisprudence du TF rendue en application de l’art. 22 aLDA a d’ailleurs été reprise pour interpréter la loi actuelle (c. 8.8.4). Un but lucratif de l’utilisateur d’œuvre est donc incompatible avec l’exception de l’art. 19 al. 1 lit. a LDA (c. 8.9.2). En l’espèce, il faut se demander qui est l’utilisateur d’œuvres (c. 8.9.3). Les actes visés par l’art. 10 al. 2 lit. a-f LDA sont accomplis par des intermédiaires, et non par la personne qui bénéficie de l’œuvre. Ils se produisent avant la consommation de l’œuvre (c. 8.9.4). L’utilisateur d’œuvres dans des chambres d’hôtes n’est donc pas l’occupant de la chambre, mais l’intermédiaire, par exemple l’hôtelier (c. 8.9.6). Cette approche pourrait certes être remise en cause par la convergence des technologies, à savoir le fait que des émissions peuvent être reçues sur les propres appareils du client (tablettes, ordinateurs portables ou smartphones). On peut en effet se demander quel degré d’infrastructure l’hôtelier doit mettre à disposition pour être débiteur de redevances. La fourniture d’un réseau WLAN ne suffit pas. De plus, la perception d’une rémunération lorsqu’il n’y a pas de nouveau public peut paraît inopportune. Il appartient cependant au pouvoir politique d’adapter le droit au progrès technique (c. 8.10). La réception d’émissions dans des chambres d’hôtes est donc soumise à redevance (c. 8.11). Un tarif complémentaire est admissible lorsqu’il s’agit de compléter un tarif existant jusqu’à la fin de sa période de validité, que la situation juridique est incertaine et qu’un vide tarifaire menace. Le tarif complémentaire doit cependant être intégré dans le tarif principal à son échéance, afin que l’art. 47 LDA soit respecté (c. 9.2). [VS]

« Tarif commun 5 » ; tarifs des sociétés de gestion, négociation des tarifs, devoir de collaboration accru des parties en procédure tarifaire, devoir d’informer les sociétés de gestion, location, prêt , épuisement, recettes brutes, augmentation de redevance, augmentation du tarif, équité du tarif, valeur litigieuse, frais de procédure, interprétation conforme au droit international, interprétation téléologique, égalité de traitement; art. 12 PA, art. 13 al. 1 PA, art. 63 al. 4bis PA, art. 1 lit. a OFIPA, art. 2 OFIPA, art. 14 à 18 OFIPA, art. 8 CC, art. 13 LDA, art. 46 al. 2 LDA, art. 47 al. 1 LDA, art. 51 LDA, art. 60 LDA, art. 16a ODAu, art. 16b ODAu.

Même si les associations d’utilisateurs n’avaient pas négocié sérieusement le tarif, cela ne constituerait pas un motif de renvoi de la requête d’approbation (c. 1). En adressant celle-ci en commun à la CAF, les sociétés de gestion ont satisfait à l’obligation prévue à l’art. 47 al. 1 LDA (c. 2). Selon la jurisprudence du TF, les parties à une procédure tarifaire ont un devoir de collaboration accru d’après l’art. 13 al. 1 PA, qui relativise la maxime officielle prévue par l’art. 12 PA et en fait même partie. Ce devoir existe indépendamment de la question de savoir si la partie en question supporte les conséquences de l’absence de preuve. En tant que requérantes, les sociétés de gestion ont le fardeau de la preuve par application analogique de l’art. 8 CC, cela même si les utilisateurs ont l’obligation de les informer d’après l’art. 51 LDA (c. 4.1). Avant de contrôler l’équité d’un tarif, la CAF doit examiner si les utilisations visées par ce tarif sont réservées aux ayants droit et si elles sont soumises à la surveillance de la Confédération (c. 5). En l’espèce, il s’agit d’interpréter l’art. 13 LDA. La location contre paiement fait l’objet d’un droit à rémunération en faveur des auteurs, au contraire du prêt gratuit. En Allemagne, le prêt est aussi assujetti à un droit à rémunération (c. 6.1). La doctrine considère l’art. 13 LDA comme une exception au principe de l’épuisement ou comme un correctif à celui-ci (c. 6.2). En plus de l’interprétation grammatico-littérale, systématique, historique ou téléologique, une interprétation de droit comparé avec l’Europe est admissible, le TF ayant relevé la volonté du législateur d’harmoniser le droit d’auteur suisse avec le droit européen (c. 8). L’interprétation grammatico-littérale de l’art. 13 LDA n’exclut pas qu’il puisse y avoir une location au sens de cette disposition, si le loyer est payé forfaitairement et non pour chaque transaction (c. 8.1). L’interprétation systématique n’apporte rien sur cette question (c. 8.2). Dans le cadre des discussions parlementaires sur la LDA, l’introduction d’un droit de prêt était une question discutée, mais le législateur a finalement renoncé à un tel droit. Le Conseil fédéral est parti de l’idée que les bibliothèques procédaient à du prêt, pas à de la location, ce qui ne correspond plus à la situation actuelle. L’interprétation historique ne permet donc pas d’exclure de l’art. 13 LDA les mises à disposition contre paiement d’un forfait (c. 8.3). D’un point de vue téléologique, l’art. 13 LDA doit réaliser un équilibre équitable entre les intérêts des ayants droit, d’une part, et ceux de la communauté en général d’autre part, basés sur les libertés d’opinion et d’information de même que sur la politique culturelle et de la formation. Cet équilibre repose sur le caractère payant ou non de la mise à disposition. La loi ne considère pas que les ayants droit seraient à ce point redevables à la société qu’ils devraient renoncer à une participation lorsque leurs œuvres génèrent des revenus. Elle exonère du droit à rémunération non pas certains utilisateurs – comme les bibliothèques – mais certains actes, à savoir la mise à disposition gratuite d’exemplaires d’œuvres. Les bibliothèques sont assujetties à ce droit à rémunération dès lors qu’elles reçoivent un paiement, indépendamment de la question de savoir comment celui-ci est structuré (c. 8.4). L’interprétation de droit comparé avec le droit européen n’apporte rien vu les différences avec le droit suisse. Tout en plus peut-on constater que la différence entre le prêt et la location se fait aussi sur la base de considérations économiques (c. 8.5). Un principe fondamental du droit d’auteur est que les ayants droit doivent participer à toute exploitation économique de leurs œuvres et prestations. Le principe des recettes brutes figure à l’art. 60 al. 1 lit. a LDA, tandis que celui de la participation est ancré à l’art. 60 al. 2 LDA. Selon le principe des recettes brutes, les subventions font partie des recettes servant de base au calcul de la redevance ; et selon le principe de la participation, les auteurs doivent être intéressés au produit économique que des tiers réalisent grâce à leurs œuvres. La doctrine ne fait pas de différence entre un paiement forfaitaire et un paiement par transaction. Encore faut-il préciser que le montant versé doit être en relation avec l’intensité de l’utilisation par la bibliothèque. On ne peut pas encore parler d’une utilisation payante si la bibliothèque ne fait que demander une cotisation modeste servant à couvrir les coûts de la tenue d’une liste de ses membres et d’une publication à leur attention (c. 8.6). De même le paiement forfaitaire reçu par les bibliothèques doit être réduit pour tenir compte des prestations offertes par elles n’ayant rien à voir avec la mise à disposition d’exemplaires d’œuvres, ou pour tenir compte de la part du forfait servant à couvrir leurs simples frais d’administration. Il s’agit de la conséquence du fait que seule la mise à disposition payante est soumise à redevance selon l’art. 13 LDA. Pour des raisons de praticabilité, il convient d’opérer une déduction forfaitaire. Les sociétés de gestion n’ont pas démontré pourquoi une déduction de 10% serait suffisante et ont donc manqué à leur devoir de collaboration. Vu les difficultés à chiffrer cette déduction, la CAF estime équitable de la fixer à 50% (c. 9.1). Les frais d’inscription aux hautes écoles relèvent du droit public et ne peuvent pas être considérés comme un loyer de location, d’autant plus qu’ils donnent droit à une multitude de prestations, dont l’utilisation des bibliothèques représente une très petite partie. Egalement pour des raisons d’efficience, il ne serait pas opportun de prendre en compte, dans le cadre du tarif, une partie forcément très modique de ces écolages (c. 9.2). Cette solution n’est pas contraire au principe d’égalité de traitement (c. 10). D’après la jurisprudence de la CAF, les augmentations abruptes de redevance doivent être évitées. Des augmentations importantes ont parfois été acceptées si elles étaient échelonnées dans le temps. Mais il est possible de renoncer à un tel échelonnement si les redevances antérieures étaient manifestement trop basses, si les augmentations sont dues à un changement de système tarifaire justifié objectivement ou si elles permettent une redevance plus juste. Le TAF a estimé que l’interdiction des augmentations abruptes devait être rattachée au principe de la continuité tarifaire, qui peut servir les intérêts de toutes les parties, et qu’elle ne relevait pas du contrôle de l’équité. Mais cette décision n’est pas encore entrée en force. En l’espèce, l’augmentation de redevance doit être échelonnée dans le temps (c. 13). L’approbation du nouveau tarif n’est pas contraire au principe de la confiance, car les sociétés de gestion avaient déjà signalé en 2006 que l’ancien tarif reposait sur des concessions de leur part. Les tarifs antérieurs n’étaient pas litigieux, si bien que la CAF a pu les approuver. C’est seulement depuis 2011 qu’elle doit examiner l’équité des tarifs sur lesquels les parties sont d’accord. De surcroît, la question litigieuse en l’espèce ne concerne pas l’équité du tarif (c. 14). La valeur litigieuse de la présente affaire consiste en la différence de redevances à payer par année, selon les conclusions des sociétés de gestion, d’une part, et selon les conclusions des associations d’utilisateurs d’autre part ; cette différence doit être multipliée par le nombre d’années de validité du tarif. C’est cette valeur litigieuse qui sert à fixer les frais de procédure (c. 17.1). Une indemnité de dépens n’est pas prévue en première instance (c. 17.2). [VS]