Disposition

          LAgr (RS 910.1)

26 mai 2011

TAF, 26 mai 2011, B-6582/2010 (d)

« Heidi-Alpen Bergkäse » ; montagne, alpage, Heidi, fromage, denrées alimentaires, région de montagne, Bergkäse, région d’estivage, Alpkäse, Alpes, Suisse, indication de provenance, signe trompeur, sondage, méthodes d’interprétation, droit constitutionnel, égalité de traitement, liberté économique, proportionnalité, droit des marques, motifs absolus d’exclusion, signe contraire au droit en vigueur, dispositif, décision prise par une autorité cantonale de dernière instance ; art. 2 lit. d LPM, art. 18 LDAl, art. 14 LAgr, art. 2 ODMA, art. 8 ODMA, art. 4 al. 2 LETC.

Cf. N 582 (arrêt du TF dans cette affaire).

20 janvier 2012

TF, 20 janvier 2012, 2C_559/2011 (d)

sic! 6/2012, p. 399-404, « Heidi-Alpen Bergkäse » ; montagne, alpage, Heidi, fromage, denrées alimentaires, région de montagne, Bergkäse, région d’estivage, Alpkäse, Alpes, Suisse, indication de provenance, égalité de traitement, signe trompeur, liberté économique, interprétation conforme à la Constitution, recours, effet suspensif, dispositions transitoires, intérêt pour agir ; art. 27 Cst., art. 18 LDAl, art. 21 al. 1 LDAl, art. 14 LAgr, art. 1 al. 2 ODMA (2006), art. 1 ODMA (2011), art. 3 ODMA (2011), art. 4 ODMA (2011), art. 8 ODMA (2011), art. 16 al. 5 ODMA (2011) ; cf. N 581 (arrêt du TAF dans cette affaire).

Vu l’issue de la cause, il n’y a pas lieu d’examiner les griefs liés à l’établissement des faits (c. 1.2). Vu que, du fait de l’effet suspensif accordé au recours (en matière de droit public), la recourante a pu continuer à utiliser la dénomination litigieuse «Heidi-Alpen Bergkäse », seule doit être examinée la situation à partir du 1er janvier 2012, c’est-à-dire à partir de la date de l’entrée en vigueur du nouveau droit (ODMA [2011] ; c. 2.2). Si le nouveau droit autorise l’utilisation de la dénomination litigieuse, la recourante n’a pas d’intérêt à recourir en ce qui concerne la période qui s’est achevée le 31 décembre 2011. Si le nouveau droit n’autorise pas l’utilisation de la dénomination litigieuse, la recourante a malgré tout un intérêt à recourir en ce qui concerne la période qui s’est achevée le 31 décembre 2011, car les dispositions transitoires du nouveau droit (art. 16 al. 5 ODMA [2011]) permettent de continuer d’utiliser jusqu’au 31 décembre 2013 les dénominations autorisées par l’ancien droit (ODMA [2006] ; c. 2.1) (c. 1.4- 1.5). Vu que le fromage de la recourante provient d’une région de montagne, il peut être désigné par la dénomination « Bergkäse » (art. 4 al. 1 ODMA [2011]). En revanche, du fait qu’il ne provient pas d’une région d’estivage, il ne peut pas être désigné par la dénomination « Alpkäse » (art. 4 al. 2 ODMA [2011]) (c. 1.3, 2.3 et 5.1). Bien que l’ODMA ne s’applique à l’utilisation des dénominations «montagne » et « alpage » qu’en lien avec des produits agricoles produits en Suisse (art. 1 al. 2ODMA [2006], art. 1ODMA [2011] ; c. 4.4), les produits suisses ne sont pas défavorisés par rapport aux produits étrangers, car – du fait que, en application de l’art. 21 al. 1 LDAl, le pays de production doit être mentionné sur l’emballage de denrées alimentaires préemballées et que, selon l’art. 18 LDAl, les indications sur la provenance ne doivent pas être trompeuses – les produits étrangers peuvent certes être désignés comme « Berg- oder Alpprodukt »,mais pas comme « ‹ SchweizerBerg- oder Alpprodukt » (c. 4.5). Combinée avec la LDAl, l’ODMA atteint le but fixé par l’art. 14 LAgr (c. 4.3-4.4) et ne viole ni l’égalité de traitement entre concurrents ni la liberté économique (art. 27 Cst. ; c. 4.2) (c. 4.5). Le but de l’ODMA étant de permettre au consommateur de faire la différence entre les produits provenant d’une région d’estivage et ceux provenant d’une région de montagne, il convient d’interpréter l’ODMA selon la compréhension du consommateur et non pas selon celle du producteur (c. 5.2.1). À la différence de l’élément « Alp- » et – clairement – de la notion d’« alpage » (art. 8 ODMA), qui se rapportent à la région d’estivage, l’élément « Alpen- » se rapporte aux Alpes en tant que massif géographique au sens de l’art. 3 al. 1 ODMA (2011) (c. 5.2 et 5.2.2). L’art. 3 al. 2 ODMA (2011) n’empêche pas qu’un fromage qui ne provient pas d’une région d’estivage puisse être désigné par l’expression « Alpenkäse » (c. 5.2.3). Sous réserve de la violation de l’art. 18 LDAl (c. 6-6.6), l’art. 3 ODMA (2011) (interprété conformément à la Constitution) permet de désigner par l’élément « Alpen » – en l’espèce par l’expression « Heidi-Alpen Bergkäse » – un fromage qui – sans provenir d’une région d’estivage – provient d’une région de montagne (art. 8 al. 1 ODMA [2011]) pour autant que, comme en l’espèce, la dénomination ne donne pas l’impression – trompeuse – que le fromage provient d’une région d’estivage (c. 5.2.4). L’expression « Heidi-Alpen Bergkäse » n’est pas trompeuse au sens de l’art. 18 LDAl (c. 6.1-6.2), car le consommateur ne s’attend pas à ce qu’un fromage désigné par cette expression provienne d’une région d’estivage (c. 5.2.2 et 6.4) ; l’élément « Heidi » – qui n’est pas une référence à la seule région Sargans/Maienfeld – n’est pas non plus trompeur (c. 6.5-6.6).

26 février 2010

TF, 26 février 2010, 2C_816/2008 (d)

sic! 7/8/2010, p. 534-537, « Damassine II » ; AOP, Damassine, spiritueux, eau-de-vie, prune, Jura, dénomination traditionnelle, indication de provenance, tradition, nom générique, signe trompeur, Damas, nom géographique ; art. 14 al. 1 LAgr, art. 16 al. 3 LAgr, art. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 4 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 4b Ordonnance sur les AOP et les IGP ; cf. N 568 (arrêt du TAF dans cette affaire).

Le terme « Damassine » n’est pas générique, car il n’est pas compris par la plupart des consommateurs comme la désignation courante et générale de l’eau de- vie issue de cette variété de prunes, mais comme une eau-de-vie de fruits typiquement jurassienne. Le nom de cette variété de prunes peut ainsi être enregistré comme appellation d’origine dans la mesure où son utilisation n’induit pas en erreur sur l’origine du produit (art. 4b Ordonnance sur les AOP et les IGP). La dénomination traditionnelle constitue une indication indirecte de la provenance d’un produit agricole faisant référence à la région dont le produit provient sans la nommer expressément. Une dénomination traditionnelle est ainsi une forme particulière d’appellation d’origine ou d’indication géographique qui implique l’existence d’un lien étroit, créé par une utilisation durable pendant un certain temps, avec le lieu géographique dont provient le produit qu’elle désigne. Ne porte pas à conséquence le fait que le terme « Damassine » soit composé en partie d’un nom géographique (Damas) désignant une autre région que celle dont provient le produit agricole transformé pour lequel l’enregistrement comme dénomination traditionnelle est demandé.

21 septembre 2007

TAF, 21 septembre 2007, B-1519/2007 (d)

ATAF 2007/47 ; sic! 4/2008, p. 303-306, « Försterkäse II » ; AOP, Vacherin Mont-d’Or, fromage, interprofession, statuts, qualité pour recourir, qualité pour agir des associations, intérêt pour agir, concurrence ; art. 18 al. 3 LDAl, art. 14 al. 1 LAgr, art. 16 al. 7 LAgr, art. 17 al. 3 lit. b et c Ordonnance sur les AOP et les IGP.

Si l'association interprofessionnelle (du Vacherin Mont-d'Or) n'a pas, elle-même, un intérêt digne de protection à obtenir la modification ou l'annulation d'une décision en constatation de droit obtenue par un producteur de fromage (selon laquelle ses produits ne violent ni la LDAl ni la LAgr) parce qu'elle ne se trouve pas en rapport de concurrence direct avec ce producteur, elle bénéficie toutefois, du moment que ses statuts le lui permettent, de la qualité pour recourir contre une telle décision dans l'intérêt de ses membres qui, eux, se trouvent dans un rapport de concurrence avec ce producteur de fromage.

15 octobre 2007

TF, 15 octobre 2007, 2A.496/2006 et 2A.497/2006 (f)

ATF 133 II 429 ; sic! 2/2008, p. 131-140, « Raclette II » ; AOP, raclette, fromage, mets, Valais, nom géographique, dénomination traditionnelle ; art. 14 al. 1 lit. d LAgr, art. 16 LAgr, art. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP.

La dénomination raclette ne peut pas être enregistrée comme appellation d'origine protégée parce qu'elle ne désigne pas le nom d'une région ou d'un lieu géographique spécifique qui conférerait ses qualités particulières au produit ainsi désigné. Le terme « raclette » n'est en outre pas encore devenu une dénomination traditionnelle renvoyant directement à une région ou à un lieu spécifique et bénéficiant d'une protection particulière en tant que telle. L'utilisation du terme raclette pour désigner un type de fromage valaisan plutôt que le mets lui-même est trop récente pour que ce terme constitue une dénomination traditionnelle.

08 août 2014

TAF, 8 août 2014, B-4820/2012 (f)

sic! 2/2015, p. 95-107, « Absinthe » (Claudia Maradan : Remarques) ; Absinthe, Fée Verte, La Bleue, dénomination traditionnelle, indication de provenance indirecte, sondage, droit d’être entendu, nom générique, preuve, fardeau de la preuve, moyens de preuve, interprétation d’une étude démoscopique ; art. 29 al. 2 Cst., art. 12 PA, art. 14 al. 1 lit. d LAgr, art. 16 al. 1 LAgr, art. 16 al. 2 LAgr, art. 1 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 3 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 4 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 4 al. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 5 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 6 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 6 al. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 8 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 10 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 10 al. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 11 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 12 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP et art. 12 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP.

En vertu de l’art. 3 al. 1 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP, peut être enregistré comme indication géographique, le nom d’une région, d’un lieu ou, dans des cas exceptionnels, d’un pays qui sert à désigner un produit agricole ou un produit agricole transformé originaire de cette région, de ce lieu ou de ce pays (lit. a), dont une qualité déterminée, la réputation, ou une autre caractéristique peut être attribuée à cette origine géographique (lit. b), et qui est produit, transformé ou élaboré dans une aire géographique délimitée (lit. c). Les dénominations traditionnelles des produits agricoles ou des produits agricoles transformés qui remplissent les conditions fixées à l’art. 3 al. 1 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP peuvent être enregistrées comme indication géographique (art. 3 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP) (c. 4.2.1). Selon l’art. 16 al. 3 phrase 2 LAgr, les noms génériques ne peuvent être enregistrés comme appellations d’origine ou indications géographiques. L’art. 4 al. 2 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP ajoute que, par nom générique, on entend la dénomination d’un produit qui, bien que se rapportant au lieu où ce produit a été initialement élaboré ou commercialisé, est devenue un nom commun qui le désigne. Enfin, selon l’art. 4 al. 3 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP, pour déterminer si un nom est devenu générique, on tient compte de tous les facteurs entrant en ligne de compte, notamment de l’opinion des producteurs et des consommateurs, particulièrement dans la région où le nom a son origine (c. 5.1). L’art. 6 al. 1 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP prévoit que la demande d’enregistrement doit prouver que les conditions fixées par l’Ordonnance sur les AOP et les IGP pour l’obtention d’une appellation d’origine ou de l’indication géographique sont remplies et en particulier contenir les éléments prouvant que la dénomination n’est pas générique (art. 6 al. 2 lit. c de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP). Le fardeau de la preuve du caractère non générique de la dénomination à enregistrer revient donc au groupement demandeur (c. 5.2.1). Si l’étude démoscopique constitue un élément important en vue d’établir qu’une dénomination n’est pas générique, elle n’est que l’un des éléments à prendre en considération. D’autres moyens de preuves comme les dictionnaires, articles de presse ou d’autres publications entrent aussi en ligne de compte (c. 5.2.2). L’art. 4 al. 2 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP ne décrit pas l’ensemble des cas de noms génériques. Il peut par conséquent exister des noms génériques qui, dès l’origine, ont un caractère générique sans l’être devenus à la suite d’un processus évolutif. Ce qui est décisif est le caractère générique ou non générique de la dénomination en cause au moment du dépôt de la demande d’enregistrement litigieuse. Peu importe que le caractère générique ou non générique ait existé depuis toujours ou qu’il soit le résultat d’une évolution (c. 5.3.2). Plus le nombre de personnes interrogées est élevé, plus le résultat d’une étude démoscopique est fiable. Une base de 1000 personnes au minimum est recommandée par les spécialistes et adoptée comme référence par la jurisprudence. Mais ce sont, parmi l’ensemble des personnes interrogées, uniquement celles qui connaissaient la dénomination en cause qui doivent servir de base à l’interprétation de l’étude démoscopique. C’est donc pour chaque dénomination en cause, en fonction du nombre de personnes qui connaît cette dénomination (et non pas en fonction de l’ensemble des personnes interrogées) que doit être calculée la proportion de personnes qui lui associe telle ou telle origine particulière (c. 5.4.1.2.2). Lorsqu’il s’agit de déterminer si une dénomination est dénuée de caractère générique, une importance particulière doit être donnée à la spontanéité des personnes interrogées. Le risque existe autrement que la succession des questions de l’étude démoscopique pousse les personnes interrogées à trouver une origine au produit (c. 5.4.2.4.2.1). Il est ainsi fortement critiquable d’additionner des réponses fournies de manière spontanée à des réponses données de manière assistée. Les résultats assistés ne sauraient en effet être mis sur le même plan que les résultats spontanés, principalement en raison du fait que la force probante des résultats assistés ne peut être aussi élevée que celle des résultats spontanés (c. 5.4.3.2). L’échantillon utilisé pour une étude démoscopique doit être composé de personnes provenant de l’ensemble des régions de notre pays. Le TAF indique qu’il aurait en l’espèce été nécessaire de procéder à trois études démoscopiques distinctes et d’interroger pour chacune des trois dénominations un groupe de personnes séparé (c. 5.4.4.3). L’art. 4 al. 3 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP invite à prendre en considération l’ensemble des éléments pertinents et ne saurait être interprété comme donnant un poids particulier à l’un d’eux. La mention de l’opinion des producteurs et des consommateurs n’y change rien. Et la valeur exemplative ne remet pas en cause l’affirmation principale de la disposition selon laquelle il s’agit de tenir compte de tous les facteurs pertinents. Il en résulte que l’opinion des producteurs et des consommateurs de la région où la dénomination a son origine doit être confrontée à l’ensemble des circonstances et ne saurait être décisive à elle seule. Comme les effets de l’enregistrement d’une AOP ou d’une IGP touchent le territoire de la Suisse dans son ensemble, il n’y a pas de raison d’accorder un quelconque privilège à l’opinion des producteurs et des consommateurs de l’aire géographique concernée. Il s’agit au contraire de s’assurer que, dans toute la Suisse, la dénomination en cause n’a pas un caractère générique. L’art. 16 LAgr ne donne d’ailleurs aucune indication qui permettrait de donner un poids particulier à une région (c. 5.4.5.3). À la différence de ce qui concerne la Damassine pour laquelle le Jura était mentionné, tous les dictionnaires consultés par le TAF donnent une définition géographiquement neutre du terme « Absinthe ». Il s’agit là d’un indice important du caractère générique de cette dénomination. Les sources très anciennes ne rattachent pas non plus la dénomination « Absinthe » à une origine géographique particulière. Enfin, dans la littérature plus récente, ainsi que dans les beaux-arts, la dénomination « Absinthe » est également utilisée comme un nom générique (c. 5.5.1.1). L’art. 85 de l’Ordonnance du DFI du 29 novembre 2013 sur les boissons alcooliques (RS 817.022.110) entrée en vigueur le 1er janvier 2014 comporte une définition de l’absinthe qui lui donne un statut de générique et ne fait en aucun cas référence à une provenance géographique quelconque. Elle englobe donc n’importe quel produit qui présente les caractéristiques énumérées, quel que soit le lieu dans lequel il est fabriqué. Cela constitue un indice fort du caractère générique de la dénomination « Absinthe » qui est comprise comme telle par le public (c. 5.5.1.4.2). L’art. 32ter aCst. accepté en votation populaire le 5 juillet 1908 ne contenait aucun élément selon lequel la dénomination « Absinthe » aurait désigné une boisson ayant une provenance géographique particulière. Au contraire, cette disposition visait clairement à interdire un type de boisson désigné par la dénomination « Absinthe » (c. 5.5.1.4.2). Le fait qu’au total sur le plan suisse 21% des personnes connaissant la dénomination « Absinthe » l’associent spontanément au Val-de-Travers est relativement faible et ne saurait être « compensé » par le fait que 67% des personnes provenant du canton de Neuchâtel connaissent la dénomination « Absinthe » et l’associent spontanément au Val-de-Travers. Le caractère générique de la dénomination « Absinthe » ne saurait ainsi être nié. Une indication de provenance indirecte a en outre plus facilement tendance à être perçue comme un nom générique qu’une indication de provenance directe. Par ailleurs, plus l’aire géographique est restreinte, plus les exigences en matière de « non-généricité » se doivent d’être élevées. En effet, si une dénomination est réservée à une région très limitée et qu’il est par conséquent interdit aux producteurs des autres régions (c’est-à-dire aux producteurs de pratiquement toute la Suisse) de l’utiliser, il doit être d’autant plus évident que cette dénomination constitue une référence à cette région très limitée (c. 5.5.1.8). Le TAF en déduit que la dénomination « Absinthe » doit être qualifiée de nom générique au sens de l’art. 16 al. 3 phrase 2 LAgr et de l’art. 4 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP et qu’elle ne peut par conséquent être enregistrée comme IGP. La même conclusion s’impose pour le TAF à propos des dénominations « Fée Verte » et la « Bleue » puisque dans les dictionnaires dans lesquels elle est mentionnée, la dénomination « Fée Verte » est utilisée comme synonyme de la dénomination « Absinthe » et qu’elle est désignée comme l’expression la plus universellement répandue pour parler du produit (c. 5.5.2.2). Le TAF met ainsi en balance le pourcentage relativement faible (33%) sur le plan suisse de personnes connaissant cette dénomination qui l’associent spontanément au Val-de-Travers avec le fait que les définitions des dictionnaires et le dossier historique mettent clairement en évidence le fait que la dénomination « Fée Verte » est un synonyme de la dénomination « Absinthe » et le fait qu’elle a un caractère universel (c. 5.5.2.3). Pour la dénomination « la Bleue », le TAF relève qu’elle est aussi utilisée comme synonyme de la dénomination « Absinthe » dans les dictionnaires sans référence à sa provenance géographique particulière (c. 5.5.3.1), et que le pourcentage (35%) à nouveau relativement faible de personnes associant spontanément sur le plan suisse la dénomination « La Bleue » au Val-de-Travers, contre 79% des personnes provenant du canton de Neuchâtel, mis en balance avec les définitions se trouvant dans les dictionnaires et le dossier historique permet d’aboutir à la conclusion que cette dénomination doit également être qualifiée de nom générique (c. 5.5.3.3). À titre de comparaison, le TAF relève que plus de la moitié (57,7%) des personnes connaissant « spontanément » la Damassine sur le plan suisse ont rattaché le terme « Damassine » à une eau-de-vie et près des deux tiers (64%) ont indiqué le canton du Jura comme son lieu de production actuel, plus de la moitié des sondés (55,3%) ayant dit personnellement attendre que la « Damassine » provienne du canton du Jura (c. 5.6.1.1.1). Enfin, étant donné que le caractère générique des dénominations en cause exclut leur enregistrement en tant qu’IGP, la question de savoir si elles peuvent être qualifiées de dénominations traditionnelles au sens de l’art. 3 al. 2 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP peut rester ouverte (c. 6). Les recours sont admis. [NT]

Cst. (RS 101)

- Art. 29

-- al. 2

LAgr (RS 910.1)

- Art. 14

-- al. 1 lit. d

- Art. 16

-- al. 1

-- al. 2

Ordonnance sur les AOP et les IGP (RS 910.12)

- Art. 12

-- al. 2

-- al. 1

- Art. 11

-- al. 1

- Art. 5

-- al. 1

- Art. 1

-- al. 1

- Art. 10

-- al. 3

-- al. 2

- Art. 3

-- al. 2

- Art. 8

- Art. 4

-- al. 3

-- al. 1

- Art. 6

-- al. 3

-- al. 1

PA (RS 172.021)

- Art. 12

05 octobre 2015

TF, 5 octobre 2015, 2C_1004/2014 (d)

Procédure, appellation d’origine protégée, cahier des charges, cartel, liberté économique, base légale, égalité de traitement, égalité de traitement entre producteurs, intérêt pour agir, intérêt actuel pour recourir, Gruyère, fromage, Col du Jaun, Abländschen ; art. 27 Cst., art. 94 Cst., art. 1 LCart, art. 3 al. 1 lit. a LCart, art. 14 al. 1 lit. d LAgr, art. 16 al. 1 LAgr, art. 16 al. 2 LAgr, art. 16 al. 6 LAgr, art. 16 al. 7 LAgr, art. 2 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 2 al. 2 lit. a Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 2 al. 1 lit. b Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 2 al. 1 lit. c Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 2 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 6 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 6 al. 2 lit. e Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 7 al. 1 lit. b Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 9 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP.

Le fait que les 84 meules de fromage litigieuses déclassées en septembre 2010 et dont la commercialisation en tant que Gruyère AOC a été interdite aient été fondues depuis implique que leur producteur n’a plus d’intérêt pratique actuel à obtenir une décision. Comme toutefois la question de savoir si le lait utilisé pour fabriquer ces fromages était conforme au cahier des charges constitue une question de principe, qui pourrait se reposer dans des conditions semblables et à laquelle il serait, le cas échéant, à nouveau difficile d'apporter une réponse à temps, le recourant est habilité à recourir même en l’absence d’intérêt actuel (c. 1.2.3). Il résulte de l’art. 6 al. 1 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP que le groupement représentatif de producteurs doit établir que les conditions d’enregistrement sont remplies. Il découle de l’art. 6 al. 2 lit. e de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP en particulier que le cahier des charges doit comporter des indications sur l’aire géographique délimitée et sa justification du point de vue de son lien au terroir. Le cahier des charges qui doit être approuvé par l’Office fédéral de l’agriculture selon l’art. 9 al. 1 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP a le statut d’une norme générale et abstraite. Sa conformité légale et constitutionnelle peut, comme pour les ordonnances, être examinée de manière préjudicielle (c. 3.2). Le fait que le lait produit dans les Abländschen présente les mêmes caractéristiques que celui provenant du Col du Jaun n’est pas déterminant. Pour pouvoir produire du Gruyère AOC, il convient de respecter les critères du cahier des charges. Ce qui n’est pas le cas en l’espèce et n’est pas contesté. Ce qu’il convient par contre de vérifier est la conformité du cahier des charges à la Constitution et au droit fédéral. L’art. 3 al. 1 du cahier des charges définit l’aire géographique de production du Gruyère qui englobe, à côté des quatre cantons de Fribourg, Vaud, Neuchâtel et Jura, trois districts du canton de Berne et six communes du Mitteland bernois. Quelques communes des cantons d’Argovie, Berne, Lucerne, Soleure, St-Gall, Schwyz et Zoug, fabriquant traditionnellement du Gruyère au moment de l’adoption du cahier des charges, ont été ajoutées à cette liste (c. 5.2). Tel n’a pas été le cas des Abländschen dont le lait n’a été régulièrement utilisé pour produire du Gruyère que pendant une trop courte période de maximum 19 ans (1960-1978) pour que cela corresponde à une tradition. Ce d’autant que les Abländschen se trouvent dans une zone de production de lait de silo alors que l’art. 7 du cahier des charges du Gruyère interdit l’utilisation de fourrage ensilé (c. 5.2-5.3 et 5.5). Le fait qu’actuellement le lait livré pour fabriquer du Gruyère dans les Abländschen n’est plus issu de fourrages ensilés ne justifie pas la remise en cause de la constatation de l’autorité précédente que l’ancienne production de lait de silo n’a pas permis d’établir une longue tradition de production de Gruyère qui puisse justifier l’admission des Abländschen dans l’aire géographique du cahier des charges (c. 5.5). L’autorité précédente a ainsi correctement examiné si l’existence d’éléments justifiant un lien avec le milieu géographique ou avec l’origine géographique (typicité du produit liée au terroir) au sens de l’art. 6 al. 2 lit. e de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP était donnée en mettant l’accent sur les facteurs humains. Les art. 2 al. 1 et 7 al. 1 lit. b de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP constituent une base légale suffisante pour limiter la production de Gruyère à une aire géographique fixée par le cahier des charges. Cette aire a été délimitée dans le cahier des charges sur la base de motifs historiques et traditionnels qui peuvent être qualifiés d’objectifs. Cela fait partie de la nature des choses qu’une délimitation géographique ne permette pas une égalité de traitement absolue entre tous les acteurs du marché au sein du territoire d’origine et cela ne constitue pas une inégalité de traitement violant le principe de la liberté économique (c. 5.5). L’interdiction de produire du Gruyère AOC avec du lait provenant des Abländschen ne constitue pas non plus un refus d’accès aux marchés relevants au sens de la loi sur les cartels (c. 6.1-6.2). La délimitation d’une aire géographique de production est une condition indispensable à la protection des AOC et des IGP. La loi elle-même implique ainsi que des limites soient fixées et que ceux qui se trouvent en dehors du territoire d’origine soient exclus de la protection. Une telle exclusion est immanente au système même des AOC et des IGP et n’est pas critiquable du point de vue du droit des cartels (c. 6.2). [NT]

Cst. (RS 101)

- Art. 94

- Art. 27

LAgr (RS 910.1)

- Art. 14

-- al. 1 lit. d

- Art. 16

-- al. 6

-- al. 1

-- al. 2

-- al. 7

LCart (RS 251)

- Art. 1

- Art. 3

-- al. 3 lit. a

Ordonnance sur les AOP et les IGP (RS 910.12)

- Art. 7

-- al. 1 lit. e

- Art. 9

-- al. 1

- Art. 2

-- al. 2

-- al. 1 lit. c

-- al. 1 lit. b

-- al. 2 lit. a

-- al. 1

- Art. 6

-- al. 1

-- al. 2 lit. e

01 juin 2012

TAF, 1er juin 2012, B-6101/2011 (d)

sic! 11/2012, p. 727-730, « Vacherin Mont d’Or » ; appellation d’origine protégée, indication géographique protégée, cahier des charges, égalité de traitement entre producteurs, principe de la porte ouverte, lait, ensilage ; art. 8 Cst., art. 9 Cst., art. 27 Cst., art. 14 al. 2 LAgr, art. 1 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP.

Le cahier des charges peut contenir des exigences supplémentaires à celles de l'art. 7 Ordonnance sur les AOP et les IGP, par exemple pour des raisons techniques ou d'hygiène. Cependant, ces dispositions doivent respecter le droit supérieur et notamment les principes de l'égalité de traitement (art. 8 Cst.), l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.), la liberté économique (art. 27 Cst.), le principe de la porte ouverte (art. 1 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP) et celui du caractère volontaire (art. 14 al. 2 LAgr) (c. 2.5). Les dispositions du cahier des charges ne doivent ainsi pas être utilisées de façon discriminatoire (c. 2.5). Les dispositions qui ne servent pas les buts visés par l'ordonnance ne peuvent être appliquées et ne justifient aucune atteinte aux droits fondamentaux. Seules les dispositions du cahier des charges ayant pour but la protection des caractéristiques liées à la provenance géographique des AOP et des IGP peuvent justifier une atteinte aux droits fondamentaux (c. 2.7). La question de savoir si l'utilisation de l'ensilage peut engendrer un risque accru pour la santé et diminuer la qualité du fromage est du ressort des chimistes cantonaux, qui doivent déterminer l'ampleur dudit risque (c. 3.5). S'il demeure à un niveau acceptable et qu'il est gérable grâce, par exemple, à de nouvelles technologies, alors son utilisation peut être autorisée durant la période transitoire (jusqu'au 30 avril 2013), à condition qu'elle le soit pour tous les producteurs. Dans le cas contraire, elle doit être interdite à tous les producteurs. La limitation à une partie des producteurs uniquement de l'autorisation du recours à cette méthode viole notamment le principe de l'égalité de traitement (art. 8 Cst.) (c. 3.6). Un régime différencié relatif à la livraison du lait constitue une inégalité de traitement (art. 8 Cst.) et viole le principe de la porte ouverte s'il n'a pas de réelle justification (art. 1 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP) (c. 4.4). Bien que l'exception permettant de livrer le lait une fois par jour plutôt que deux fois (comme le prévoit le cahier des charges) ne concerne qu'une très petite partie des producteurs, il n'est pas moins incontesté qu'elle donne lieu à un avantage (économique) non négligeable à ceux qui peuvent en bénéficier. Il en résulte une inégalité de traitement inacceptable (c. 4.6). [YH]

15 octobre 2007

TF, 15 octobre 2007, 2A.496/2006 et 2A.497/2006 (f)

ATF 133 II 429 ; sic! 2/2008, p. 131-140, « Raclette II » ; AOP, raclette, fromage, mets, Valais, nom géographique, dénomination traditionnelle ; art. 14 al. 1 lit. d LAgr, art. 16 LAgr, art. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP.

La dénomination raclette ne peut pas être enregistrée comme appellation d'origine protégée parce qu'elle ne désigne pas le nom d'une région ou d'un lieu géographique spécifique qui conférerait ses qualités particulières au produit ainsi désigné. Le terme « raclette » n'est en outre pas encore devenu une dénomination traditionnelle renvoyant directement à une région ou à un lieu spécifique et bénéficiant d'une protection particulière en tant que telle. L'utilisation du terme raclette pour désigner un type de fromage valaisan plutôt que le mets lui-même est trop récente pour que ce terme constitue une dénomination traditionnelle.

08 août 2014

TAF, 8 août 2014, B-4820/2012 (f)

sic! 2/2015, p. 95-107, « Absinthe » (Claudia Maradan : Remarques) ; Absinthe, Fée Verte, La Bleue, dénomination traditionnelle, indication de provenance indirecte, sondage, droit d’être entendu, nom générique, preuve, fardeau de la preuve, moyens de preuve, interprétation d’une étude démoscopique ; art. 29 al. 2 Cst., art. 12 PA, art. 14 al. 1 lit. d LAgr, art. 16 al. 1 LAgr, art. 16 al. 2 LAgr, art. 1 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 3 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 4 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 4 al. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 5 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 6 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 6 al. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 8 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 10 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 10 al. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 11 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 12 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP et art. 12 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP.

En vertu de l’art. 3 al. 1 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP, peut être enregistré comme indication géographique, le nom d’une région, d’un lieu ou, dans des cas exceptionnels, d’un pays qui sert à désigner un produit agricole ou un produit agricole transformé originaire de cette région, de ce lieu ou de ce pays (lit. a), dont une qualité déterminée, la réputation, ou une autre caractéristique peut être attribuée à cette origine géographique (lit. b), et qui est produit, transformé ou élaboré dans une aire géographique délimitée (lit. c). Les dénominations traditionnelles des produits agricoles ou des produits agricoles transformés qui remplissent les conditions fixées à l’art. 3 al. 1 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP peuvent être enregistrées comme indication géographique (art. 3 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP) (c. 4.2.1). Selon l’art. 16 al. 3 phrase 2 LAgr, les noms génériques ne peuvent être enregistrés comme appellations d’origine ou indications géographiques. L’art. 4 al. 2 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP ajoute que, par nom générique, on entend la dénomination d’un produit qui, bien que se rapportant au lieu où ce produit a été initialement élaboré ou commercialisé, est devenue un nom commun qui le désigne. Enfin, selon l’art. 4 al. 3 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP, pour déterminer si un nom est devenu générique, on tient compte de tous les facteurs entrant en ligne de compte, notamment de l’opinion des producteurs et des consommateurs, particulièrement dans la région où le nom a son origine (c. 5.1). L’art. 6 al. 1 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP prévoit que la demande d’enregistrement doit prouver que les conditions fixées par l’Ordonnance sur les AOP et les IGP pour l’obtention d’une appellation d’origine ou de l’indication géographique sont remplies et en particulier contenir les éléments prouvant que la dénomination n’est pas générique (art. 6 al. 2 lit. c de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP). Le fardeau de la preuve du caractère non générique de la dénomination à enregistrer revient donc au groupement demandeur (c. 5.2.1). Si l’étude démoscopique constitue un élément important en vue d’établir qu’une dénomination n’est pas générique, elle n’est que l’un des éléments à prendre en considération. D’autres moyens de preuves comme les dictionnaires, articles de presse ou d’autres publications entrent aussi en ligne de compte (c. 5.2.2). L’art. 4 al. 2 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP ne décrit pas l’ensemble des cas de noms génériques. Il peut par conséquent exister des noms génériques qui, dès l’origine, ont un caractère générique sans l’être devenus à la suite d’un processus évolutif. Ce qui est décisif est le caractère générique ou non générique de la dénomination en cause au moment du dépôt de la demande d’enregistrement litigieuse. Peu importe que le caractère générique ou non générique ait existé depuis toujours ou qu’il soit le résultat d’une évolution (c. 5.3.2). Plus le nombre de personnes interrogées est élevé, plus le résultat d’une étude démoscopique est fiable. Une base de 1000 personnes au minimum est recommandée par les spécialistes et adoptée comme référence par la jurisprudence. Mais ce sont, parmi l’ensemble des personnes interrogées, uniquement celles qui connaissaient la dénomination en cause qui doivent servir de base à l’interprétation de l’étude démoscopique. C’est donc pour chaque dénomination en cause, en fonction du nombre de personnes qui connaît cette dénomination (et non pas en fonction de l’ensemble des personnes interrogées) que doit être calculée la proportion de personnes qui lui associe telle ou telle origine particulière (c. 5.4.1.2.2). Lorsqu’il s’agit de déterminer si une dénomination est dénuée de caractère générique, une importance particulière doit être donnée à la spontanéité des personnes interrogées. Le risque existe autrement que la succession des questions de l’étude démoscopique pousse les personnes interrogées à trouver une origine au produit (c. 5.4.2.4.2.1). Il est ainsi fortement critiquable d’additionner des réponses fournies de manière spontanée à des réponses données de manière assistée. Les résultats assistés ne sauraient en effet être mis sur le même plan que les résultats spontanés, principalement en raison du fait que la force probante des résultats assistés ne peut être aussi élevée que celle des résultats spontanés (c. 5.4.3.2). L’échantillon utilisé pour une étude démoscopique doit être composé de personnes provenant de l’ensemble des régions de notre pays. Le TAF indique qu’il aurait en l’espèce été nécessaire de procéder à trois études démoscopiques distinctes et d’interroger pour chacune des trois dénominations un groupe de personnes séparé (c. 5.4.4.3). L’art. 4 al. 3 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP invite à prendre en considération l’ensemble des éléments pertinents et ne saurait être interprété comme donnant un poids particulier à l’un d’eux. La mention de l’opinion des producteurs et des consommateurs n’y change rien. Et la valeur exemplative ne remet pas en cause l’affirmation principale de la disposition selon laquelle il s’agit de tenir compte de tous les facteurs pertinents. Il en résulte que l’opinion des producteurs et des consommateurs de la région où la dénomination a son origine doit être confrontée à l’ensemble des circonstances et ne saurait être décisive à elle seule. Comme les effets de l’enregistrement d’une AOP ou d’une IGP touchent le territoire de la Suisse dans son ensemble, il n’y a pas de raison d’accorder un quelconque privilège à l’opinion des producteurs et des consommateurs de l’aire géographique concernée. Il s’agit au contraire de s’assurer que, dans toute la Suisse, la dénomination en cause n’a pas un caractère générique. L’art. 16 LAgr ne donne d’ailleurs aucune indication qui permettrait de donner un poids particulier à une région (c. 5.4.5.3). À la différence de ce qui concerne la Damassine pour laquelle le Jura était mentionné, tous les dictionnaires consultés par le TAF donnent une définition géographiquement neutre du terme « Absinthe ». Il s’agit là d’un indice important du caractère générique de cette dénomination. Les sources très anciennes ne rattachent pas non plus la dénomination « Absinthe » à une origine géographique particulière. Enfin, dans la littérature plus récente, ainsi que dans les beaux-arts, la dénomination « Absinthe » est également utilisée comme un nom générique (c. 5.5.1.1). L’art. 85 de l’Ordonnance du DFI du 29 novembre 2013 sur les boissons alcooliques (RS 817.022.110) entrée en vigueur le 1er janvier 2014 comporte une définition de l’absinthe qui lui donne un statut de générique et ne fait en aucun cas référence à une provenance géographique quelconque. Elle englobe donc n’importe quel produit qui présente les caractéristiques énumérées, quel que soit le lieu dans lequel il est fabriqué. Cela constitue un indice fort du caractère générique de la dénomination « Absinthe » qui est comprise comme telle par le public (c. 5.5.1.4.2). L’art. 32ter aCst. accepté en votation populaire le 5 juillet 1908 ne contenait aucun élément selon lequel la dénomination « Absinthe » aurait désigné une boisson ayant une provenance géographique particulière. Au contraire, cette disposition visait clairement à interdire un type de boisson désigné par la dénomination « Absinthe » (c. 5.5.1.4.2). Le fait qu’au total sur le plan suisse 21% des personnes connaissant la dénomination « Absinthe » l’associent spontanément au Val-de-Travers est relativement faible et ne saurait être « compensé » par le fait que 67% des personnes provenant du canton de Neuchâtel connaissent la dénomination « Absinthe » et l’associent spontanément au Val-de-Travers. Le caractère générique de la dénomination « Absinthe » ne saurait ainsi être nié. Une indication de provenance indirecte a en outre plus facilement tendance à être perçue comme un nom générique qu’une indication de provenance directe. Par ailleurs, plus l’aire géographique est restreinte, plus les exigences en matière de « non-généricité » se doivent d’être élevées. En effet, si une dénomination est réservée à une région très limitée et qu’il est par conséquent interdit aux producteurs des autres régions (c’est-à-dire aux producteurs de pratiquement toute la Suisse) de l’utiliser, il doit être d’autant plus évident que cette dénomination constitue une référence à cette région très limitée (c. 5.5.1.8). Le TAF en déduit que la dénomination « Absinthe » doit être qualifiée de nom générique au sens de l’art. 16 al. 3 phrase 2 LAgr et de l’art. 4 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP et qu’elle ne peut par conséquent être enregistrée comme IGP. La même conclusion s’impose pour le TAF à propos des dénominations « Fée Verte » et la « Bleue » puisque dans les dictionnaires dans lesquels elle est mentionnée, la dénomination « Fée Verte » est utilisée comme synonyme de la dénomination « Absinthe » et qu’elle est désignée comme l’expression la plus universellement répandue pour parler du produit (c. 5.5.2.2). Le TAF met ainsi en balance le pourcentage relativement faible (33%) sur le plan suisse de personnes connaissant cette dénomination qui l’associent spontanément au Val-de-Travers avec le fait que les définitions des dictionnaires et le dossier historique mettent clairement en évidence le fait que la dénomination « Fée Verte » est un synonyme de la dénomination « Absinthe » et le fait qu’elle a un caractère universel (c. 5.5.2.3). Pour la dénomination « la Bleue », le TAF relève qu’elle est aussi utilisée comme synonyme de la dénomination « Absinthe » dans les dictionnaires sans référence à sa provenance géographique particulière (c. 5.5.3.1), et que le pourcentage (35%) à nouveau relativement faible de personnes associant spontanément sur le plan suisse la dénomination « La Bleue » au Val-de-Travers, contre 79% des personnes provenant du canton de Neuchâtel, mis en balance avec les définitions se trouvant dans les dictionnaires et le dossier historique permet d’aboutir à la conclusion que cette dénomination doit également être qualifiée de nom générique (c. 5.5.3.3). À titre de comparaison, le TAF relève que plus de la moitié (57,7%) des personnes connaissant « spontanément » la Damassine sur le plan suisse ont rattaché le terme « Damassine » à une eau-de-vie et près des deux tiers (64%) ont indiqué le canton du Jura comme son lieu de production actuel, plus de la moitié des sondés (55,3%) ayant dit personnellement attendre que la « Damassine » provienne du canton du Jura (c. 5.6.1.1.1). Enfin, étant donné que le caractère générique des dénominations en cause exclut leur enregistrement en tant qu’IGP, la question de savoir si elles peuvent être qualifiées de dénominations traditionnelles au sens de l’art. 3 al. 2 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP peut rester ouverte (c. 6). Les recours sont admis. [NT]

Cst. (RS 101)

- Art. 29

-- al. 2

LAgr (RS 910.1)

- Art. 14

-- al. 1 lit. d

- Art. 16

-- al. 1

-- al. 2

Ordonnance sur les AOP et les IGP (RS 910.12)

- Art. 12

-- al. 2

-- al. 1

- Art. 11

-- al. 1

- Art. 5

-- al. 1

- Art. 1

-- al. 1

- Art. 10

-- al. 3

-- al. 2

- Art. 3

-- al. 2

- Art. 8

- Art. 4

-- al. 3

-- al. 1

- Art. 6

-- al. 3

-- al. 1

PA (RS 172.021)

- Art. 12

05 octobre 2015

TF, 5 octobre 2015, 2C_1004/2014 (d)

Procédure, appellation d’origine protégée, cahier des charges, cartel, liberté économique, base légale, égalité de traitement, égalité de traitement entre producteurs, intérêt pour agir, intérêt actuel pour recourir, Gruyère, fromage, Col du Jaun, Abländschen ; art. 27 Cst., art. 94 Cst., art. 1 LCart, art. 3 al. 1 lit. a LCart, art. 14 al. 1 lit. d LAgr, art. 16 al. 1 LAgr, art. 16 al. 2 LAgr, art. 16 al. 6 LAgr, art. 16 al. 7 LAgr, art. 2 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 2 al. 2 lit. a Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 2 al. 1 lit. b Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 2 al. 1 lit. c Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 2 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 6 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 6 al. 2 lit. e Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 7 al. 1 lit. b Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 9 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP.

Le fait que les 84 meules de fromage litigieuses déclassées en septembre 2010 et dont la commercialisation en tant que Gruyère AOC a été interdite aient été fondues depuis implique que leur producteur n’a plus d’intérêt pratique actuel à obtenir une décision. Comme toutefois la question de savoir si le lait utilisé pour fabriquer ces fromages était conforme au cahier des charges constitue une question de principe, qui pourrait se reposer dans des conditions semblables et à laquelle il serait, le cas échéant, à nouveau difficile d'apporter une réponse à temps, le recourant est habilité à recourir même en l’absence d’intérêt actuel (c. 1.2.3). Il résulte de l’art. 6 al. 1 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP que le groupement représentatif de producteurs doit établir que les conditions d’enregistrement sont remplies. Il découle de l’art. 6 al. 2 lit. e de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP en particulier que le cahier des charges doit comporter des indications sur l’aire géographique délimitée et sa justification du point de vue de son lien au terroir. Le cahier des charges qui doit être approuvé par l’Office fédéral de l’agriculture selon l’art. 9 al. 1 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP a le statut d’une norme générale et abstraite. Sa conformité légale et constitutionnelle peut, comme pour les ordonnances, être examinée de manière préjudicielle (c. 3.2). Le fait que le lait produit dans les Abländschen présente les mêmes caractéristiques que celui provenant du Col du Jaun n’est pas déterminant. Pour pouvoir produire du Gruyère AOC, il convient de respecter les critères du cahier des charges. Ce qui n’est pas le cas en l’espèce et n’est pas contesté. Ce qu’il convient par contre de vérifier est la conformité du cahier des charges à la Constitution et au droit fédéral. L’art. 3 al. 1 du cahier des charges définit l’aire géographique de production du Gruyère qui englobe, à côté des quatre cantons de Fribourg, Vaud, Neuchâtel et Jura, trois districts du canton de Berne et six communes du Mitteland bernois. Quelques communes des cantons d’Argovie, Berne, Lucerne, Soleure, St-Gall, Schwyz et Zoug, fabriquant traditionnellement du Gruyère au moment de l’adoption du cahier des charges, ont été ajoutées à cette liste (c. 5.2). Tel n’a pas été le cas des Abländschen dont le lait n’a été régulièrement utilisé pour produire du Gruyère que pendant une trop courte période de maximum 19 ans (1960-1978) pour que cela corresponde à une tradition. Ce d’autant que les Abländschen se trouvent dans une zone de production de lait de silo alors que l’art. 7 du cahier des charges du Gruyère interdit l’utilisation de fourrage ensilé (c. 5.2-5.3 et 5.5). Le fait qu’actuellement le lait livré pour fabriquer du Gruyère dans les Abländschen n’est plus issu de fourrages ensilés ne justifie pas la remise en cause de la constatation de l’autorité précédente que l’ancienne production de lait de silo n’a pas permis d’établir une longue tradition de production de Gruyère qui puisse justifier l’admission des Abländschen dans l’aire géographique du cahier des charges (c. 5.5). L’autorité précédente a ainsi correctement examiné si l’existence d’éléments justifiant un lien avec le milieu géographique ou avec l’origine géographique (typicité du produit liée au terroir) au sens de l’art. 6 al. 2 lit. e de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP était donnée en mettant l’accent sur les facteurs humains. Les art. 2 al. 1 et 7 al. 1 lit. b de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP constituent une base légale suffisante pour limiter la production de Gruyère à une aire géographique fixée par le cahier des charges. Cette aire a été délimitée dans le cahier des charges sur la base de motifs historiques et traditionnels qui peuvent être qualifiés d’objectifs. Cela fait partie de la nature des choses qu’une délimitation géographique ne permette pas une égalité de traitement absolue entre tous les acteurs du marché au sein du territoire d’origine et cela ne constitue pas une inégalité de traitement violant le principe de la liberté économique (c. 5.5). L’interdiction de produire du Gruyère AOC avec du lait provenant des Abländschen ne constitue pas non plus un refus d’accès aux marchés relevants au sens de la loi sur les cartels (c. 6.1-6.2). La délimitation d’une aire géographique de production est une condition indispensable à la protection des AOC et des IGP. La loi elle-même implique ainsi que des limites soient fixées et que ceux qui se trouvent en dehors du territoire d’origine soient exclus de la protection. Une telle exclusion est immanente au système même des AOC et des IGP et n’est pas critiquable du point de vue du droit des cartels (c. 6.2). [NT]

Cst. (RS 101)

- Art. 94

- Art. 27

LAgr (RS 910.1)

- Art. 14

-- al. 1 lit. d

- Art. 16

-- al. 6

-- al. 1

-- al. 2

-- al. 7

LCart (RS 251)

- Art. 1

- Art. 3

-- al. 3 lit. a

Ordonnance sur les AOP et les IGP (RS 910.12)

- Art. 7

-- al. 1 lit. e

- Art. 9

-- al. 1

- Art. 2

-- al. 2

-- al. 1 lit. c

-- al. 1 lit. b

-- al. 2 lit. a

-- al. 1

- Art. 6

-- al. 1

-- al. 2 lit. e

08 août 2014

TAF, 8 août 2014, B-4820/2012 (f)

sic! 2/2015, p. 95-107, « Absinthe » (Claudia Maradan : Remarques) ; Absinthe, Fée Verte, La Bleue, dénomination traditionnelle, indication de provenance indirecte, sondage, droit d’être entendu, nom générique, preuve, fardeau de la preuve, moyens de preuve, interprétation d’une étude démoscopique ; art. 29 al. 2 Cst., art. 12 PA, art. 14 al. 1 lit. d LAgr, art. 16 al. 1 LAgr, art. 16 al. 2 LAgr, art. 1 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 3 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 4 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 4 al. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 5 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 6 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 6 al. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 8 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 10 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 10 al. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 11 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 12 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP et art. 12 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP.

En vertu de l’art. 3 al. 1 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP, peut être enregistré comme indication géographique, le nom d’une région, d’un lieu ou, dans des cas exceptionnels, d’un pays qui sert à désigner un produit agricole ou un produit agricole transformé originaire de cette région, de ce lieu ou de ce pays (lit. a), dont une qualité déterminée, la réputation, ou une autre caractéristique peut être attribuée à cette origine géographique (lit. b), et qui est produit, transformé ou élaboré dans une aire géographique délimitée (lit. c). Les dénominations traditionnelles des produits agricoles ou des produits agricoles transformés qui remplissent les conditions fixées à l’art. 3 al. 1 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP peuvent être enregistrées comme indication géographique (art. 3 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP) (c. 4.2.1). Selon l’art. 16 al. 3 phrase 2 LAgr, les noms génériques ne peuvent être enregistrés comme appellations d’origine ou indications géographiques. L’art. 4 al. 2 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP ajoute que, par nom générique, on entend la dénomination d’un produit qui, bien que se rapportant au lieu où ce produit a été initialement élaboré ou commercialisé, est devenue un nom commun qui le désigne. Enfin, selon l’art. 4 al. 3 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP, pour déterminer si un nom est devenu générique, on tient compte de tous les facteurs entrant en ligne de compte, notamment de l’opinion des producteurs et des consommateurs, particulièrement dans la région où le nom a son origine (c. 5.1). L’art. 6 al. 1 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP prévoit que la demande d’enregistrement doit prouver que les conditions fixées par l’Ordonnance sur les AOP et les IGP pour l’obtention d’une appellation d’origine ou de l’indication géographique sont remplies et en particulier contenir les éléments prouvant que la dénomination n’est pas générique (art. 6 al. 2 lit. c de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP). Le fardeau de la preuve du caractère non générique de la dénomination à enregistrer revient donc au groupement demandeur (c. 5.2.1). Si l’étude démoscopique constitue un élément important en vue d’établir qu’une dénomination n’est pas générique, elle n’est que l’un des éléments à prendre en considération. D’autres moyens de preuves comme les dictionnaires, articles de presse ou d’autres publications entrent aussi en ligne de compte (c. 5.2.2). L’art. 4 al. 2 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP ne décrit pas l’ensemble des cas de noms génériques. Il peut par conséquent exister des noms génériques qui, dès l’origine, ont un caractère générique sans l’être devenus à la suite d’un processus évolutif. Ce qui est décisif est le caractère générique ou non générique de la dénomination en cause au moment du dépôt de la demande d’enregistrement litigieuse. Peu importe que le caractère générique ou non générique ait existé depuis toujours ou qu’il soit le résultat d’une évolution (c. 5.3.2). Plus le nombre de personnes interrogées est élevé, plus le résultat d’une étude démoscopique est fiable. Une base de 1000 personnes au minimum est recommandée par les spécialistes et adoptée comme référence par la jurisprudence. Mais ce sont, parmi l’ensemble des personnes interrogées, uniquement celles qui connaissaient la dénomination en cause qui doivent servir de base à l’interprétation de l’étude démoscopique. C’est donc pour chaque dénomination en cause, en fonction du nombre de personnes qui connaît cette dénomination (et non pas en fonction de l’ensemble des personnes interrogées) que doit être calculée la proportion de personnes qui lui associe telle ou telle origine particulière (c. 5.4.1.2.2). Lorsqu’il s’agit de déterminer si une dénomination est dénuée de caractère générique, une importance particulière doit être donnée à la spontanéité des personnes interrogées. Le risque existe autrement que la succession des questions de l’étude démoscopique pousse les personnes interrogées à trouver une origine au produit (c. 5.4.2.4.2.1). Il est ainsi fortement critiquable d’additionner des réponses fournies de manière spontanée à des réponses données de manière assistée. Les résultats assistés ne sauraient en effet être mis sur le même plan que les résultats spontanés, principalement en raison du fait que la force probante des résultats assistés ne peut être aussi élevée que celle des résultats spontanés (c. 5.4.3.2). L’échantillon utilisé pour une étude démoscopique doit être composé de personnes provenant de l’ensemble des régions de notre pays. Le TAF indique qu’il aurait en l’espèce été nécessaire de procéder à trois études démoscopiques distinctes et d’interroger pour chacune des trois dénominations un groupe de personnes séparé (c. 5.4.4.3). L’art. 4 al. 3 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP invite à prendre en considération l’ensemble des éléments pertinents et ne saurait être interprété comme donnant un poids particulier à l’un d’eux. La mention de l’opinion des producteurs et des consommateurs n’y change rien. Et la valeur exemplative ne remet pas en cause l’affirmation principale de la disposition selon laquelle il s’agit de tenir compte de tous les facteurs pertinents. Il en résulte que l’opinion des producteurs et des consommateurs de la région où la dénomination a son origine doit être confrontée à l’ensemble des circonstances et ne saurait être décisive à elle seule. Comme les effets de l’enregistrement d’une AOP ou d’une IGP touchent le territoire de la Suisse dans son ensemble, il n’y a pas de raison d’accorder un quelconque privilège à l’opinion des producteurs et des consommateurs de l’aire géographique concernée. Il s’agit au contraire de s’assurer que, dans toute la Suisse, la dénomination en cause n’a pas un caractère générique. L’art. 16 LAgr ne donne d’ailleurs aucune indication qui permettrait de donner un poids particulier à une région (c. 5.4.5.3). À la différence de ce qui concerne la Damassine pour laquelle le Jura était mentionné, tous les dictionnaires consultés par le TAF donnent une définition géographiquement neutre du terme « Absinthe ». Il s’agit là d’un indice important du caractère générique de cette dénomination. Les sources très anciennes ne rattachent pas non plus la dénomination « Absinthe » à une origine géographique particulière. Enfin, dans la littérature plus récente, ainsi que dans les beaux-arts, la dénomination « Absinthe » est également utilisée comme un nom générique (c. 5.5.1.1). L’art. 85 de l’Ordonnance du DFI du 29 novembre 2013 sur les boissons alcooliques (RS 817.022.110) entrée en vigueur le 1er janvier 2014 comporte une définition de l’absinthe qui lui donne un statut de générique et ne fait en aucun cas référence à une provenance géographique quelconque. Elle englobe donc n’importe quel produit qui présente les caractéristiques énumérées, quel que soit le lieu dans lequel il est fabriqué. Cela constitue un indice fort du caractère générique de la dénomination « Absinthe » qui est comprise comme telle par le public (c. 5.5.1.4.2). L’art. 32ter aCst. accepté en votation populaire le 5 juillet 1908 ne contenait aucun élément selon lequel la dénomination « Absinthe » aurait désigné une boisson ayant une provenance géographique particulière. Au contraire, cette disposition visait clairement à interdire un type de boisson désigné par la dénomination « Absinthe » (c. 5.5.1.4.2). Le fait qu’au total sur le plan suisse 21% des personnes connaissant la dénomination « Absinthe » l’associent spontanément au Val-de-Travers est relativement faible et ne saurait être « compensé » par le fait que 67% des personnes provenant du canton de Neuchâtel connaissent la dénomination « Absinthe » et l’associent spontanément au Val-de-Travers. Le caractère générique de la dénomination « Absinthe » ne saurait ainsi être nié. Une indication de provenance indirecte a en outre plus facilement tendance à être perçue comme un nom générique qu’une indication de provenance directe. Par ailleurs, plus l’aire géographique est restreinte, plus les exigences en matière de « non-généricité » se doivent d’être élevées. En effet, si une dénomination est réservée à une région très limitée et qu’il est par conséquent interdit aux producteurs des autres régions (c’est-à-dire aux producteurs de pratiquement toute la Suisse) de l’utiliser, il doit être d’autant plus évident que cette dénomination constitue une référence à cette région très limitée (c. 5.5.1.8). Le TAF en déduit que la dénomination « Absinthe » doit être qualifiée de nom générique au sens de l’art. 16 al. 3 phrase 2 LAgr et de l’art. 4 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP et qu’elle ne peut par conséquent être enregistrée comme IGP. La même conclusion s’impose pour le TAF à propos des dénominations « Fée Verte » et la « Bleue » puisque dans les dictionnaires dans lesquels elle est mentionnée, la dénomination « Fée Verte » est utilisée comme synonyme de la dénomination « Absinthe » et qu’elle est désignée comme l’expression la plus universellement répandue pour parler du produit (c. 5.5.2.2). Le TAF met ainsi en balance le pourcentage relativement faible (33%) sur le plan suisse de personnes connaissant cette dénomination qui l’associent spontanément au Val-de-Travers avec le fait que les définitions des dictionnaires et le dossier historique mettent clairement en évidence le fait que la dénomination « Fée Verte » est un synonyme de la dénomination « Absinthe » et le fait qu’elle a un caractère universel (c. 5.5.2.3). Pour la dénomination « la Bleue », le TAF relève qu’elle est aussi utilisée comme synonyme de la dénomination « Absinthe » dans les dictionnaires sans référence à sa provenance géographique particulière (c. 5.5.3.1), et que le pourcentage (35%) à nouveau relativement faible de personnes associant spontanément sur le plan suisse la dénomination « La Bleue » au Val-de-Travers, contre 79% des personnes provenant du canton de Neuchâtel, mis en balance avec les définitions se trouvant dans les dictionnaires et le dossier historique permet d’aboutir à la conclusion que cette dénomination doit également être qualifiée de nom générique (c. 5.5.3.3). À titre de comparaison, le TAF relève que plus de la moitié (57,7%) des personnes connaissant « spontanément » la Damassine sur le plan suisse ont rattaché le terme « Damassine » à une eau-de-vie et près des deux tiers (64%) ont indiqué le canton du Jura comme son lieu de production actuel, plus de la moitié des sondés (55,3%) ayant dit personnellement attendre que la « Damassine » provienne du canton du Jura (c. 5.6.1.1.1). Enfin, étant donné que le caractère générique des dénominations en cause exclut leur enregistrement en tant qu’IGP, la question de savoir si elles peuvent être qualifiées de dénominations traditionnelles au sens de l’art. 3 al. 2 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP peut rester ouverte (c. 6). Les recours sont admis. [NT]

Cst. (RS 101)

- Art. 29

-- al. 2

LAgr (RS 910.1)

- Art. 14

-- al. 1 lit. d

- Art. 16

-- al. 1

-- al. 2

Ordonnance sur les AOP et les IGP (RS 910.12)

- Art. 12

-- al. 2

-- al. 1

- Art. 11

-- al. 1

- Art. 5

-- al. 1

- Art. 1

-- al. 1

- Art. 10

-- al. 3

-- al. 2

- Art. 3

-- al. 2

- Art. 8

- Art. 4

-- al. 3

-- al. 1

- Art. 6

-- al. 3

-- al. 1

PA (RS 172.021)

- Art. 12

05 octobre 2015

TF, 5 octobre 2015, 2C_1004/2014 (d)

Procédure, appellation d’origine protégée, cahier des charges, cartel, liberté économique, base légale, égalité de traitement, égalité de traitement entre producteurs, intérêt pour agir, intérêt actuel pour recourir, Gruyère, fromage, Col du Jaun, Abländschen ; art. 27 Cst., art. 94 Cst., art. 1 LCart, art. 3 al. 1 lit. a LCart, art. 14 al. 1 lit. d LAgr, art. 16 al. 1 LAgr, art. 16 al. 2 LAgr, art. 16 al. 6 LAgr, art. 16 al. 7 LAgr, art. 2 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 2 al. 2 lit. a Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 2 al. 1 lit. b Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 2 al. 1 lit. c Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 2 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 6 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 6 al. 2 lit. e Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 7 al. 1 lit. b Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 9 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP.

Le fait que les 84 meules de fromage litigieuses déclassées en septembre 2010 et dont la commercialisation en tant que Gruyère AOC a été interdite aient été fondues depuis implique que leur producteur n’a plus d’intérêt pratique actuel à obtenir une décision. Comme toutefois la question de savoir si le lait utilisé pour fabriquer ces fromages était conforme au cahier des charges constitue une question de principe, qui pourrait se reposer dans des conditions semblables et à laquelle il serait, le cas échéant, à nouveau difficile d'apporter une réponse à temps, le recourant est habilité à recourir même en l’absence d’intérêt actuel (c. 1.2.3). Il résulte de l’art. 6 al. 1 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP que le groupement représentatif de producteurs doit établir que les conditions d’enregistrement sont remplies. Il découle de l’art. 6 al. 2 lit. e de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP en particulier que le cahier des charges doit comporter des indications sur l’aire géographique délimitée et sa justification du point de vue de son lien au terroir. Le cahier des charges qui doit être approuvé par l’Office fédéral de l’agriculture selon l’art. 9 al. 1 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP a le statut d’une norme générale et abstraite. Sa conformité légale et constitutionnelle peut, comme pour les ordonnances, être examinée de manière préjudicielle (c. 3.2). Le fait que le lait produit dans les Abländschen présente les mêmes caractéristiques que celui provenant du Col du Jaun n’est pas déterminant. Pour pouvoir produire du Gruyère AOC, il convient de respecter les critères du cahier des charges. Ce qui n’est pas le cas en l’espèce et n’est pas contesté. Ce qu’il convient par contre de vérifier est la conformité du cahier des charges à la Constitution et au droit fédéral. L’art. 3 al. 1 du cahier des charges définit l’aire géographique de production du Gruyère qui englobe, à côté des quatre cantons de Fribourg, Vaud, Neuchâtel et Jura, trois districts du canton de Berne et six communes du Mitteland bernois. Quelques communes des cantons d’Argovie, Berne, Lucerne, Soleure, St-Gall, Schwyz et Zoug, fabriquant traditionnellement du Gruyère au moment de l’adoption du cahier des charges, ont été ajoutées à cette liste (c. 5.2). Tel n’a pas été le cas des Abländschen dont le lait n’a été régulièrement utilisé pour produire du Gruyère que pendant une trop courte période de maximum 19 ans (1960-1978) pour que cela corresponde à une tradition. Ce d’autant que les Abländschen se trouvent dans une zone de production de lait de silo alors que l’art. 7 du cahier des charges du Gruyère interdit l’utilisation de fourrage ensilé (c. 5.2-5.3 et 5.5). Le fait qu’actuellement le lait livré pour fabriquer du Gruyère dans les Abländschen n’est plus issu de fourrages ensilés ne justifie pas la remise en cause de la constatation de l’autorité précédente que l’ancienne production de lait de silo n’a pas permis d’établir une longue tradition de production de Gruyère qui puisse justifier l’admission des Abländschen dans l’aire géographique du cahier des charges (c. 5.5). L’autorité précédente a ainsi correctement examiné si l’existence d’éléments justifiant un lien avec le milieu géographique ou avec l’origine géographique (typicité du produit liée au terroir) au sens de l’art. 6 al. 2 lit. e de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP était donnée en mettant l’accent sur les facteurs humains. Les art. 2 al. 1 et 7 al. 1 lit. b de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP constituent une base légale suffisante pour limiter la production de Gruyère à une aire géographique fixée par le cahier des charges. Cette aire a été délimitée dans le cahier des charges sur la base de motifs historiques et traditionnels qui peuvent être qualifiés d’objectifs. Cela fait partie de la nature des choses qu’une délimitation géographique ne permette pas une égalité de traitement absolue entre tous les acteurs du marché au sein du territoire d’origine et cela ne constitue pas une inégalité de traitement violant le principe de la liberté économique (c. 5.5). L’interdiction de produire du Gruyère AOC avec du lait provenant des Abländschen ne constitue pas non plus un refus d’accès aux marchés relevants au sens de la loi sur les cartels (c. 6.1-6.2). La délimitation d’une aire géographique de production est une condition indispensable à la protection des AOC et des IGP. La loi elle-même implique ainsi que des limites soient fixées et que ceux qui se trouvent en dehors du territoire d’origine soient exclus de la protection. Une telle exclusion est immanente au système même des AOC et des IGP et n’est pas critiquable du point de vue du droit des cartels (c. 6.2). [NT]

Cst. (RS 101)

- Art. 94

- Art. 27

LAgr (RS 910.1)

- Art. 14

-- al. 1 lit. d

- Art. 16

-- al. 6

-- al. 1

-- al. 2

-- al. 7

LCart (RS 251)

- Art. 1

- Art. 3

-- al. 3 lit. a

Ordonnance sur les AOP et les IGP (RS 910.12)

- Art. 7

-- al. 1 lit. e

- Art. 9

-- al. 1

- Art. 2

-- al. 2

-- al. 1 lit. c

-- al. 1 lit. b

-- al. 2 lit. a

-- al. 1

- Art. 6

-- al. 1

-- al. 2 lit. e

28 juillet 2008

TF, 28 juillet 2008, 2C_234/2008 (d)

ATF 134 II 272 ; sic! 11/2008, p. 811-816, « Greyerzer » ; AOP, cahier des charges, fromage, organisme de certification, TAF, compétence matérielle, denrées alimentaires, arbitraire, égalité de traitement ; art. 8 al. 1 Cst., art. 86 al. 1 lit. d LTF, art. 16 al. 2 lit. b LAgr, art. 166 al. 2 LAgr, art. 7 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 16 al. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 21 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP.

Selon la jurisprudence, le TAF est, en vertu de l'art. 166 al. 2 LAgr, l'autorité matériellement compétente lorsqu'un producteur d'une denrée alimentaire bénéficiant d'une AOP attaque une décision d'une autorité cantonale basée sur la troisième partie de l'Ordonnance sur les AOP et les IGP, même si la compétence en matière d'exécution a été conférée aux organes cantonaux de contrôle des denrées alimentaires ; le fait que des questions d'hygiène puissent aussi jouer un rôle n'y change rien (c. 1.3.4). De tels cas doivent être traités par la procédure du droit agricole (c. 1.3.5). Le cahier des charges d'une AOP est un acte qui a le caractère d'une réglementation générale et abstraite, même s'il doit faire l'objet d'une décision d'application. Il peut ainsi, exactement comme les ordonnances, faire l'objet d'un examen à titre préjudiciel de sa conformité à la loi et à la Constitution, que ce soit de manière abstraite ou à l'occasion d'un cas d'application (c. 3.2-3.4). Il est en principe autorisé de fixer dans le cahier des charges d'une AOP des exigences de qualité plus strictes que celles découlant du droit des denrées alimentaires (c. 4.4). Si toutefois ces exigences sont dénuées de justification et ne sont pas respectées par une majorité des producteurs d'une région donnée (c. 4.5-4.6), elles ne sauraient être imposées à un producteur particulier sans violer le droit fédéral et, en particulier, le principe de l'égalité devant la loi (c. 4.7). Le Tribunal administratif cantonal n'est pas compétent pour délivrer directement à une fromagerie le certificat lui permettant de faire usage de l'AOP (c. 5.4). Il est par contre compétent pour vérifier l'application des dispositions protectrices des art. 16-17a Ordonnance sur les AOP et les IGP (c. 5.5).

01 octobre 2008

TAF, 1er octobre 2008, B-6251/2007 (d)

« Damassine » ; AOP, Damassine, spiritueux, eau-de-vie, Jura, Neuchâtel, aire géographique, canton, dénomination traditionnelle, tradition, terroir, nom générique, sondage, variété végétale, consultation, opposition, qualité pour recourir, dispositions transitoires, guide, récusation ; art. 10 PA, art. 48 al. 1 PA, art. 16 al. 3 LAgr, art. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 4 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 4b Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 8 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 9 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 23 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP.

Cf. N 569 (arrêt du TF dans cette affaire).

26 février 2010

TF, 26 février 2010, 2C_816/2008 (d)

sic! 7/8/2010, p. 534-537, « Damassine II » ; AOP, Damassine, spiritueux, eau-de-vie, prune, Jura, dénomination traditionnelle, indication de provenance, tradition, nom générique, signe trompeur, Damas, nom géographique ; art. 14 al. 1 LAgr, art. 16 al. 3 LAgr, art. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 4 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 4b Ordonnance sur les AOP et les IGP ; cf. N 568 (arrêt du TAF dans cette affaire).

Le terme « Damassine » n’est pas générique, car il n’est pas compris par la plupart des consommateurs comme la désignation courante et générale de l’eau de- vie issue de cette variété de prunes, mais comme une eau-de-vie de fruits typiquement jurassienne. Le nom de cette variété de prunes peut ainsi être enregistré comme appellation d’origine dans la mesure où son utilisation n’induit pas en erreur sur l’origine du produit (art. 4b Ordonnance sur les AOP et les IGP). La dénomination traditionnelle constitue une indication indirecte de la provenance d’un produit agricole faisant référence à la région dont le produit provient sans la nommer expressément. Une dénomination traditionnelle est ainsi une forme particulière d’appellation d’origine ou d’indication géographique qui implique l’existence d’un lien étroit, créé par une utilisation durable pendant un certain temps, avec le lieu géographique dont provient le produit qu’elle désigne. Ne porte pas à conséquence le fait que le terme « Damassine » soit composé en partie d’un nom géographique (Damas) désignant une autre région que celle dont provient le produit agricole transformé pour lequel l’enregistrement comme dénomination traditionnelle est demandé.

10 décembre 2008

TAF, 10 décembre 2008, B-7489/2006 (f)

sic! 4/2009, p. 260-267, « Gruyère » (recte : « Le Gruyère Switzerland (fig.) / Gruyère Cuisine... (fig.) ») ; motifs relatifs d’exclusion, signes similaires, Gruyère, AOP, nom géographique, fromage, similarité des produits ou services, signe combiné, convention internationale, contrefaçon, signe appartenant au domaine public, signe descriptif, cahier des charges, force distinctive, risque de confusion, procédure d’opposition ; art. 2 LPM, art. 2 lit. d LPM, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 31 al. 1 LPM, art. 16 al. 5 LAgr, art. 16 al. 7 LAgr.

Au sens de l’art. 3 al. 1 lit. c LPM, du Gruyère AOC et du fromage de provenance française ne sont pas des produits identiques, mais similaires (c. 4). Dans l’examen du risque de confusion entre des marques combinées, l’élément verbal est en principe déterminant. S’il a une fonction dominante, l’élément figuratif est cependant prépondérant, sauf s’il ne constitue qu’une conversion graphique de l’élément verbal caractéristique (c. 5.1). Dans le cadre d’une procédure d’opposition (art. 31 al. 1 LPM), seuls les motifs relatifs d’exclusion (art. 3 al. 1 LPM) entrent en considération, à l’exclusion des motifs absolus (art. 2 LPM) (c. 5.2). Un risque de confusion ne peut pas être constaté si le seul élément commun entre les marques fait partie du domaine public (c. 5.2). Les marques enregistrées pour du fromage s’adressent au consommateur moyen (c. 6). La violation de conventions internationales en matière d’indications de provenance et d’appellations d’origine (en l’espèce, la Convention internationale sur l’emploi des appellations d’origine et dénominations de fromages, conclue à Stresa le 1er juin 1951 [RS 0.817.142.1] et le Traité entre la Confédération Suisse et la République Française sur la protection des indications de provenance, des appellations d’origine et d’autres dénominations géographiques, conclu le 14mai 1974 [RS 0.232.111.193.49]) constitue un motif absolu d’exclusion au sens de l’art. 2 lit. d LPM et ne peut pas être invoquée dans le cadre d’une procédure d’opposition (c. 7.1). L’art. 16 al. 5 et 7 LAgr interdit l’enregistrement, comme marque, pour un produit similaire, d’une dénomination enregistrée comme appellation d’origine, si un tel enregistrement constitue une exploitation de renom de la désignation protégée ou un cas d’usurpation, de contrefaçon ou d’imitation de cette désignation. Or, la violation d’une telle interdiction ne constitue pas un motif relatif d’exclusion (art. 3 al. 1 LPM) et ne peut donc pas être invoquée dans le cadre d’une procédure d’opposition (c. 7.2). En relation avec du fromage, la représentation d’une meule et d’un armailli jouant du cor des Alpes ou d’une toque de cuisine et de morceaux de fromage est descriptive (c. 8.1). Il ne peut y avoir de risque de confusion (art. 3 al. 1 LPM) entre les deux marques car, outre l’élément verbal « GRUYÈRE » qu’elles ont en commun, elles présentent des différences suffisamment importantes (c. 8.2). Les dénominations géographiques appartiennent au domaine public, en ce sens que tous les producteurs remplissant le cahier des charges doivent pouvoir en faire usage. Le périmètre de protection d’une marque contenant une AOC est délimité par les autres éléments de la marque qui lui confèrent un caractère distinctif (c. 9.1). La question de savoir si la Suisse doit protéger, sous l’angle du droit des marques, ses AOC vis-à-vis de producteurs étrangers peut rester ouverte (c. 9.2).

Fig. 109a – Le Gruyère Switzerland (fig.) (opp.)
Fig. 109a – Le Gruyère Switzerland (fig.) (opp.)
Fig. 109b – Gruyère Cuisine. . . (fig.) (att.)
Fig. 109b – Gruyère Cuisine. . . (fig.) (att.)

05 octobre 2015

TF, 5 octobre 2015, 2C_1004/2014 (d)

Procédure, appellation d’origine protégée, cahier des charges, cartel, liberté économique, base légale, égalité de traitement, égalité de traitement entre producteurs, intérêt pour agir, intérêt actuel pour recourir, Gruyère, fromage, Col du Jaun, Abländschen ; art. 27 Cst., art. 94 Cst., art. 1 LCart, art. 3 al. 1 lit. a LCart, art. 14 al. 1 lit. d LAgr, art. 16 al. 1 LAgr, art. 16 al. 2 LAgr, art. 16 al. 6 LAgr, art. 16 al. 7 LAgr, art. 2 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 2 al. 2 lit. a Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 2 al. 1 lit. b Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 2 al. 1 lit. c Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 2 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 6 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 6 al. 2 lit. e Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 7 al. 1 lit. b Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 9 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP.

Le fait que les 84 meules de fromage litigieuses déclassées en septembre 2010 et dont la commercialisation en tant que Gruyère AOC a été interdite aient été fondues depuis implique que leur producteur n’a plus d’intérêt pratique actuel à obtenir une décision. Comme toutefois la question de savoir si le lait utilisé pour fabriquer ces fromages était conforme au cahier des charges constitue une question de principe, qui pourrait se reposer dans des conditions semblables et à laquelle il serait, le cas échéant, à nouveau difficile d'apporter une réponse à temps, le recourant est habilité à recourir même en l’absence d’intérêt actuel (c. 1.2.3). Il résulte de l’art. 6 al. 1 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP que le groupement représentatif de producteurs doit établir que les conditions d’enregistrement sont remplies. Il découle de l’art. 6 al. 2 lit. e de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP en particulier que le cahier des charges doit comporter des indications sur l’aire géographique délimitée et sa justification du point de vue de son lien au terroir. Le cahier des charges qui doit être approuvé par l’Office fédéral de l’agriculture selon l’art. 9 al. 1 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP a le statut d’une norme générale et abstraite. Sa conformité légale et constitutionnelle peut, comme pour les ordonnances, être examinée de manière préjudicielle (c. 3.2). Le fait que le lait produit dans les Abländschen présente les mêmes caractéristiques que celui provenant du Col du Jaun n’est pas déterminant. Pour pouvoir produire du Gruyère AOC, il convient de respecter les critères du cahier des charges. Ce qui n’est pas le cas en l’espèce et n’est pas contesté. Ce qu’il convient par contre de vérifier est la conformité du cahier des charges à la Constitution et au droit fédéral. L’art. 3 al. 1 du cahier des charges définit l’aire géographique de production du Gruyère qui englobe, à côté des quatre cantons de Fribourg, Vaud, Neuchâtel et Jura, trois districts du canton de Berne et six communes du Mitteland bernois. Quelques communes des cantons d’Argovie, Berne, Lucerne, Soleure, St-Gall, Schwyz et Zoug, fabriquant traditionnellement du Gruyère au moment de l’adoption du cahier des charges, ont été ajoutées à cette liste (c. 5.2). Tel n’a pas été le cas des Abländschen dont le lait n’a été régulièrement utilisé pour produire du Gruyère que pendant une trop courte période de maximum 19 ans (1960-1978) pour que cela corresponde à une tradition. Ce d’autant que les Abländschen se trouvent dans une zone de production de lait de silo alors que l’art. 7 du cahier des charges du Gruyère interdit l’utilisation de fourrage ensilé (c. 5.2-5.3 et 5.5). Le fait qu’actuellement le lait livré pour fabriquer du Gruyère dans les Abländschen n’est plus issu de fourrages ensilés ne justifie pas la remise en cause de la constatation de l’autorité précédente que l’ancienne production de lait de silo n’a pas permis d’établir une longue tradition de production de Gruyère qui puisse justifier l’admission des Abländschen dans l’aire géographique du cahier des charges (c. 5.5). L’autorité précédente a ainsi correctement examiné si l’existence d’éléments justifiant un lien avec le milieu géographique ou avec l’origine géographique (typicité du produit liée au terroir) au sens de l’art. 6 al. 2 lit. e de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP était donnée en mettant l’accent sur les facteurs humains. Les art. 2 al. 1 et 7 al. 1 lit. b de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP constituent une base légale suffisante pour limiter la production de Gruyère à une aire géographique fixée par le cahier des charges. Cette aire a été délimitée dans le cahier des charges sur la base de motifs historiques et traditionnels qui peuvent être qualifiés d’objectifs. Cela fait partie de la nature des choses qu’une délimitation géographique ne permette pas une égalité de traitement absolue entre tous les acteurs du marché au sein du territoire d’origine et cela ne constitue pas une inégalité de traitement violant le principe de la liberté économique (c. 5.5). L’interdiction de produire du Gruyère AOC avec du lait provenant des Abländschen ne constitue pas non plus un refus d’accès aux marchés relevants au sens de la loi sur les cartels (c. 6.1-6.2). La délimitation d’une aire géographique de production est une condition indispensable à la protection des AOC et des IGP. La loi elle-même implique ainsi que des limites soient fixées et que ceux qui se trouvent en dehors du territoire d’origine soient exclus de la protection. Une telle exclusion est immanente au système même des AOC et des IGP et n’est pas critiquable du point de vue du droit des cartels (c. 6.2). [NT]

Cst. (RS 101)

- Art. 94

- Art. 27

LAgr (RS 910.1)

- Art. 14

-- al. 1 lit. d

- Art. 16

-- al. 6

-- al. 1

-- al. 2

-- al. 7

LCart (RS 251)

- Art. 1

- Art. 3

-- al. 3 lit. a

Ordonnance sur les AOP et les IGP (RS 910.12)

- Art. 7

-- al. 1 lit. e

- Art. 9

-- al. 1

- Art. 2

-- al. 2

-- al. 1 lit. c

-- al. 1 lit. b

-- al. 2 lit. a

-- al. 1

- Art. 6

-- al. 1

-- al. 2 lit. e

10 décembre 2008

TAF, 10 décembre 2008, B-7489/2006 (f)

sic! 4/2009, p. 260-267, « Gruyère » (recte : « Le Gruyère Switzerland (fig.) / Gruyère Cuisine... (fig.) ») ; motifs relatifs d’exclusion, signes similaires, Gruyère, AOP, nom géographique, fromage, similarité des produits ou services, signe combiné, convention internationale, contrefaçon, signe appartenant au domaine public, signe descriptif, cahier des charges, force distinctive, risque de confusion, procédure d’opposition ; art. 2 LPM, art. 2 lit. d LPM, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 31 al. 1 LPM, art. 16 al. 5 LAgr, art. 16 al. 7 LAgr.

Au sens de l’art. 3 al. 1 lit. c LPM, du Gruyère AOC et du fromage de provenance française ne sont pas des produits identiques, mais similaires (c. 4). Dans l’examen du risque de confusion entre des marques combinées, l’élément verbal est en principe déterminant. S’il a une fonction dominante, l’élément figuratif est cependant prépondérant, sauf s’il ne constitue qu’une conversion graphique de l’élément verbal caractéristique (c. 5.1). Dans le cadre d’une procédure d’opposition (art. 31 al. 1 LPM), seuls les motifs relatifs d’exclusion (art. 3 al. 1 LPM) entrent en considération, à l’exclusion des motifs absolus (art. 2 LPM) (c. 5.2). Un risque de confusion ne peut pas être constaté si le seul élément commun entre les marques fait partie du domaine public (c. 5.2). Les marques enregistrées pour du fromage s’adressent au consommateur moyen (c. 6). La violation de conventions internationales en matière d’indications de provenance et d’appellations d’origine (en l’espèce, la Convention internationale sur l’emploi des appellations d’origine et dénominations de fromages, conclue à Stresa le 1er juin 1951 [RS 0.817.142.1] et le Traité entre la Confédération Suisse et la République Française sur la protection des indications de provenance, des appellations d’origine et d’autres dénominations géographiques, conclu le 14mai 1974 [RS 0.232.111.193.49]) constitue un motif absolu d’exclusion au sens de l’art. 2 lit. d LPM et ne peut pas être invoquée dans le cadre d’une procédure d’opposition (c. 7.1). L’art. 16 al. 5 et 7 LAgr interdit l’enregistrement, comme marque, pour un produit similaire, d’une dénomination enregistrée comme appellation d’origine, si un tel enregistrement constitue une exploitation de renom de la désignation protégée ou un cas d’usurpation, de contrefaçon ou d’imitation de cette désignation. Or, la violation d’une telle interdiction ne constitue pas un motif relatif d’exclusion (art. 3 al. 1 LPM) et ne peut donc pas être invoquée dans le cadre d’une procédure d’opposition (c. 7.2). En relation avec du fromage, la représentation d’une meule et d’un armailli jouant du cor des Alpes ou d’une toque de cuisine et de morceaux de fromage est descriptive (c. 8.1). Il ne peut y avoir de risque de confusion (art. 3 al. 1 LPM) entre les deux marques car, outre l’élément verbal « GRUYÈRE » qu’elles ont en commun, elles présentent des différences suffisamment importantes (c. 8.2). Les dénominations géographiques appartiennent au domaine public, en ce sens que tous les producteurs remplissant le cahier des charges doivent pouvoir en faire usage. Le périmètre de protection d’une marque contenant une AOC est délimité par les autres éléments de la marque qui lui confèrent un caractère distinctif (c. 9.1). La question de savoir si la Suisse doit protéger, sous l’angle du droit des marques, ses AOC vis-à-vis de producteurs étrangers peut rester ouverte (c. 9.2).

Fig. 109a – Le Gruyère Switzerland (fig.) (opp.)
Fig. 109a – Le Gruyère Switzerland (fig.) (opp.)
Fig. 109b – Gruyère Cuisine. . . (fig.) (att.)
Fig. 109b – Gruyère Cuisine. . . (fig.) (att.)

13 novembre 2009

TAF, 13 novembre 2009, B-6198/2008 (d)

« GeschützteUrsprungsbezeichnung (GUB) [Vacherin Mont-d’Or] » ; AOP, étendue de la protection, Vacherin Mont d’Or, Försterkäse, fromage, récipient, emballage, sangle de bois, risque de tromperie, méthodes d’interprétation, droit européen, dispositions transitoires ; art. 16 al. 7 LAgr, art. 17 al. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 23 Ordonnance sur les AOP et les IGP.

Cf. N 574 (arrêt du TF dans cette affaire).

21 septembre 2007

TAF, 21 septembre 2007, B-1519/2007 (d)

ATAF 2007/47 ; sic! 4/2008, p. 303-306, « Försterkäse II » ; AOP, Vacherin Mont-d’Or, fromage, interprofession, statuts, qualité pour recourir, qualité pour agir des associations, intérêt pour agir, concurrence ; art. 18 al. 3 LDAl, art. 14 al. 1 LAgr, art. 16 al. 7 LAgr, art. 17 al. 3 lit. b et c Ordonnance sur les AOP et les IGP.

Si l'association interprofessionnelle (du Vacherin Mont-d'Or) n'a pas, elle-même, un intérêt digne de protection à obtenir la modification ou l'annulation d'une décision en constatation de droit obtenue par un producteur de fromage (selon laquelle ses produits ne violent ni la LDAl ni la LAgr) parce qu'elle ne se trouve pas en rapport de concurrence direct avec ce producteur, elle bénéficie toutefois, du moment que ses statuts le lui permettent, de la qualité pour recourir contre une telle décision dans l'intérêt de ses membres qui, eux, se trouvent dans un rapport de concurrence avec ce producteur de fromage.

05 octobre 2015

TF, 5 octobre 2015, 2C_1004/2014 (d)

Procédure, appellation d’origine protégée, cahier des charges, cartel, liberté économique, base légale, égalité de traitement, égalité de traitement entre producteurs, intérêt pour agir, intérêt actuel pour recourir, Gruyère, fromage, Col du Jaun, Abländschen ; art. 27 Cst., art. 94 Cst., art. 1 LCart, art. 3 al. 1 lit. a LCart, art. 14 al. 1 lit. d LAgr, art. 16 al. 1 LAgr, art. 16 al. 2 LAgr, art. 16 al. 6 LAgr, art. 16 al. 7 LAgr, art. 2 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 2 al. 2 lit. a Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 2 al. 1 lit. b Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 2 al. 1 lit. c Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 2 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 6 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 6 al. 2 lit. e Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 7 al. 1 lit. b Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 9 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP.

Le fait que les 84 meules de fromage litigieuses déclassées en septembre 2010 et dont la commercialisation en tant que Gruyère AOC a été interdite aient été fondues depuis implique que leur producteur n’a plus d’intérêt pratique actuel à obtenir une décision. Comme toutefois la question de savoir si le lait utilisé pour fabriquer ces fromages était conforme au cahier des charges constitue une question de principe, qui pourrait se reposer dans des conditions semblables et à laquelle il serait, le cas échéant, à nouveau difficile d'apporter une réponse à temps, le recourant est habilité à recourir même en l’absence d’intérêt actuel (c. 1.2.3). Il résulte de l’art. 6 al. 1 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP que le groupement représentatif de producteurs doit établir que les conditions d’enregistrement sont remplies. Il découle de l’art. 6 al. 2 lit. e de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP en particulier que le cahier des charges doit comporter des indications sur l’aire géographique délimitée et sa justification du point de vue de son lien au terroir. Le cahier des charges qui doit être approuvé par l’Office fédéral de l’agriculture selon l’art. 9 al. 1 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP a le statut d’une norme générale et abstraite. Sa conformité légale et constitutionnelle peut, comme pour les ordonnances, être examinée de manière préjudicielle (c. 3.2). Le fait que le lait produit dans les Abländschen présente les mêmes caractéristiques que celui provenant du Col du Jaun n’est pas déterminant. Pour pouvoir produire du Gruyère AOC, il convient de respecter les critères du cahier des charges. Ce qui n’est pas le cas en l’espèce et n’est pas contesté. Ce qu’il convient par contre de vérifier est la conformité du cahier des charges à la Constitution et au droit fédéral. L’art. 3 al. 1 du cahier des charges définit l’aire géographique de production du Gruyère qui englobe, à côté des quatre cantons de Fribourg, Vaud, Neuchâtel et Jura, trois districts du canton de Berne et six communes du Mitteland bernois. Quelques communes des cantons d’Argovie, Berne, Lucerne, Soleure, St-Gall, Schwyz et Zoug, fabriquant traditionnellement du Gruyère au moment de l’adoption du cahier des charges, ont été ajoutées à cette liste (c. 5.2). Tel n’a pas été le cas des Abländschen dont le lait n’a été régulièrement utilisé pour produire du Gruyère que pendant une trop courte période de maximum 19 ans (1960-1978) pour que cela corresponde à une tradition. Ce d’autant que les Abländschen se trouvent dans une zone de production de lait de silo alors que l’art. 7 du cahier des charges du Gruyère interdit l’utilisation de fourrage ensilé (c. 5.2-5.3 et 5.5). Le fait qu’actuellement le lait livré pour fabriquer du Gruyère dans les Abländschen n’est plus issu de fourrages ensilés ne justifie pas la remise en cause de la constatation de l’autorité précédente que l’ancienne production de lait de silo n’a pas permis d’établir une longue tradition de production de Gruyère qui puisse justifier l’admission des Abländschen dans l’aire géographique du cahier des charges (c. 5.5). L’autorité précédente a ainsi correctement examiné si l’existence d’éléments justifiant un lien avec le milieu géographique ou avec l’origine géographique (typicité du produit liée au terroir) au sens de l’art. 6 al. 2 lit. e de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP était donnée en mettant l’accent sur les facteurs humains. Les art. 2 al. 1 et 7 al. 1 lit. b de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP constituent une base légale suffisante pour limiter la production de Gruyère à une aire géographique fixée par le cahier des charges. Cette aire a été délimitée dans le cahier des charges sur la base de motifs historiques et traditionnels qui peuvent être qualifiés d’objectifs. Cela fait partie de la nature des choses qu’une délimitation géographique ne permette pas une égalité de traitement absolue entre tous les acteurs du marché au sein du territoire d’origine et cela ne constitue pas une inégalité de traitement violant le principe de la liberté économique (c. 5.5). L’interdiction de produire du Gruyère AOC avec du lait provenant des Abländschen ne constitue pas non plus un refus d’accès aux marchés relevants au sens de la loi sur les cartels (c. 6.1-6.2). La délimitation d’une aire géographique de production est une condition indispensable à la protection des AOC et des IGP. La loi elle-même implique ainsi que des limites soient fixées et que ceux qui se trouvent en dehors du territoire d’origine soient exclus de la protection. Une telle exclusion est immanente au système même des AOC et des IGP et n’est pas critiquable du point de vue du droit des cartels (c. 6.2). [NT]

Cst. (RS 101)

- Art. 94

- Art. 27

LAgr (RS 910.1)

- Art. 14

-- al. 1 lit. d

- Art. 16

-- al. 6

-- al. 1

-- al. 2

-- al. 7

LCart (RS 251)

- Art. 1

- Art. 3

-- al. 3 lit. a

Ordonnance sur les AOP et les IGP (RS 910.12)

- Art. 7

-- al. 1 lit. e

- Art. 9

-- al. 1

- Art. 2

-- al. 2

-- al. 1 lit. c

-- al. 1 lit. b

-- al. 2 lit. a

-- al. 1

- Art. 6

-- al. 1

-- al. 2 lit. e

29 octobre 2010

TF, 29 octobre 2010, 2C_852/2009 (d)

sic! 3/2011, p. 176-180, « Försterkäse III » (Simon Jürg, Anmerkung) ; AOP, étendue de la protection, Vacherin Mont d’Or, Försterkäse, fromage, imitation, usurpation, contrefaçon, monopole, cahier des charges, récipient, emballage, sangle de bois, réputation, exploitation de la réputation, similarité des produits ou services, risque de tromperie ; art. 16 al. 7 lit. b LAgr, art. 17 al. 2 lit. a Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 17 al. 3 lit. b et c Ordonnance sur les AOP et les IGP ; cf. N 573 (arrêt du TAF dans cette affaire).

La liberté d’imitation prévaut en principe en Suisse (c. 5). La LAgr ne vise pas à accorder des monopoles sur certains produits. Selon l’art. 16 al. 7 lit. b LAgr, seules les AOP et les IGP enregistrées – et non pas les produits en tant que tels – sont protégées contre toute usurpation, contrefaçon ou imitation (c. 6.4). Bien que l’art. 17 al. 2 lit. a Ordonnance sur les AOP et les IGP interdise l’utilisation commerciale d’une dénomination protégée pour tout produit comparable (non conforme au cahier des charges) ou non comparable (si cette utilisation exploite la réputation de la dénomination protégée) – notamment si la dénomination enregistrée est imitée ou évoquée – et que la similarité entre les produits puisse jouer un rôle dans ce cadre, un produit n’est pas d’emblée interdit du fait qu’il est similaire à un produit protégé par une AOP/IGP (c. 6.4-6.6). L’art. 17 al. 3 lit. b et c Ordonnance sur les AOP et les IGP interdit également la – simple (c. 7.2) – utilisation d’un récipient ou d’un emballage (de nature à créer une impression erronée sur l’origine du produit) ou de la forme distinctive d’un produit protégé par une AOP/IGP (c. 7.1). Il est toutefois nécessaire que ce récipient, cet emballage ou cette forme présente des particularités typiques (c. 7.3). La simple sangle de bois (fonctionnelle) cerclant le fromage n’étant pas spécifique au Vacherin Mont-d’Or (AOP) (tout comme d’ailleurs la forme ronde) et ne constituant pas un emballage particulier, le « Krümmenswiler Försterkäse » (même si des tiers le comparent au Vacherin Mont-d’Or [AOP]) ne peut pas se voir interdire d’être cerclé de la sorte, ce d’autant que le « Krümmenswiler Försterkäse » n’est pas – à la différence du Vacherin Mont-d’Or (AOP) – commercialisé dans une boîte en bois et qu’il porte un nom totalement différent (c. 3) (c. 7.4 et 8).

01 décembre 2008

TAF, 1er décembre 2008, B-5843/2008 (f)

« Violation du cahier des charges du Gruyère AOC – Sanction pour non-conformité majeure » ; AOP, Gruyère, cahier des charges, sanction, recours, Organisme intercantonal de certification, OFAG, TAF, irrecevabilité, transmission de l’affaire, frais de procédure ; art. 33 lit. h LTAF, art. 166 al. 1 LAgr, art. 180 LAgr.

La réglementation des voies de droit prévue par l'art. 166 al. 1 LAgr — selon lequel un recours peut être formé auprès de l'office compétent contre les décisions des organisations et des entreprises mentionnées à l'art. 180 LAgr (qui prévoit que la Confédération et les cantons peuvent associer des entreprises ou des organisations à l'exécution de la loi ou créer des organisations appropriées à cet effet [al. 1]) — est une lex specialis par rapport à l'art. 33 lit. h LTAF — selon lequel le recours au TAF est recevable contre les décisions des autorités ou organisations extérieures à l'administration fédérale, pour autant qu'elles statuent dans l'accomplissement de tâches de droit public que la Confédération leur a confiées. C'est dès lors devant l'OFAG — et non pas devant le TAF — que doit être porté un recours contre une décision rendue par la Commission de recours de l'OIC (statuant sur un recours contre une décision de l'Organisme intercantonal de certification [OIC] prononçant à l'encontre de la recourante une sanction pour non-conformité majeure en raison du non-respect du cahier des charges du Gruyère AOC). Le recours déposé devant le TAF étant irrecevable, l'affaire est transmise à l'OFAG comme objet de sa compétence. Il n'est pas perçu de frais de procédure.

11 novembre 2009

TAF, 11 novembre 2009, B-171/2009 (f)

« Violation du cahier des charges du Gruyère AOC – sanction pour non-conformité majeure » ; AOP, Gruyère, certification, Organisme intercantonal de certification, sanction, recours, OFAG, décision, irrecevabilité, droit public, droit privé, méthodes d’interprétation, puissance publique, transfert de compétence relevant de la puissance publique, unité de la procédure, garantie de l’accès au juge ; art. 6 CEDH, art. 29a Cst., art. 166 al. 1 LAgr, art. 169 LAgr, art. 180 LAgr, art. 16 al. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 18-20 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 35 OAccD.

Cf. N 580 (arrêt du TF dans cette affaire).

25 novembre 2011

TF, 25 novembre 2011, 2C_11/2010 (f)

ATF 138 II 134 ; sic! 7/8/2012, p. 467-472, « Gruyère II » ; AOP, Gruyère, certification, Organisme intercantonal de certification, sanction, cahier des charges, recours, OFAG, décision, droit public, droit privé,méthodes d’interprétation, puissance publique, transfert de compétence relevant de la puissance publique, base légale, intérêt pour agir, renvoi de l’affaire, frais et dépens ; art. 82 lit. a LTF, art. 166 al. 1 LAgr, art. 180 LAgr, art. 16 al. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 3 lit. b LETC, art. 7 al. 1 OAccD, art. 35 OAccD ; cf. N 579 (arrêt du TAF dans cette affaire).

Dans la mesure où la sanction litigieuse (infligée à la recourante par l'Organisme intercantonal de certification [OIC] pour non-conformité majeure au cahier des charges de l'appellation Gruyère AOC) s'inscrit dans le cadre de la réglementation relative à la protection des AOP et des IGP (qui relève du droit public au sens de l'art. 82 lit. a LTF), il convient d'entrer en matière sur le recours en matière de droit public et de trancher, au fond, le caractère de droit public ou de droit privé de la contestation (c. 1.1). La recourante a un intérêt digne de protection à recourir (c. 1.3). Le TF s'appuie sur plusieurs critères (dont aucun ne l'emporte a priori sur les autres) pour déterminer si une contestation relève du droit public ou du droit privé (c. 4.1 et 4.6). En l'espèce, dans la qualification des rapports juridiques entre l'OIC et la recourante, le critère de l'intérêt prépondérant penche légèrement en faveur du droit public, car le système de protection des AOP et des IGP poursuit plutôt un intérêt public (information et protection des consommateurs) (c. 4.2-4.2.4). Le critère de la fonction (ou fonctionnel) (c. 4.3-4.3.9) et le critère de la subordination (ou du sujet) (c. 4.4-4.4.5) n'apparaissent, en eux-mêmes, pas déterminants en raison de la nature de l'activité de certification — qui implique un rapport de subordination — et du système particulier d'accréditation mis en place en Suisse — qui n'emporte en principe pas la délégation de la puissance publique (art. 35 OAccD ; c. 4.3.9). Au final, le critère modal (ou de la sanction) est le plus approprié en ce sens que, lorsque la certification se présente comme une obligation pour commercialiser un produit, elle doit être considérée comme relevant du droit public dès lors que le fondement légal de cette obligation réside dans une norme de droit public, en l'espèce l'art. 16 al. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP (c. 4.5-4.5.3). À cet égard, il importe peu que l'obligation découle d'un impératif légal incontournable (une prescription technique au sens de l'art. 3 lit. b LETC) ou, comme dans le cas présent, d'un impératif commercial ; seul compte que cet impératif ait son siège, à l'instar du système de protection des AOP et des IGP, dans une matière réglementée par le droit public (c. 4.5.3). Il s'ensuit que la relation entre l'OIC et la recourante est soumise au droit public (c. 4.6). Que la compétence de rendre des décisions soit explicitement ou implicitement comprise dans la délégation de la tâche publique à un organisme extérieur à l'administration, il faut que cette délégation repose sur une base légale formelle (c. 5.1). Bien qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne confère formellement à l'OIC le pouvoir de rendre des décisions à l'encontre des entreprises soumises à son contrôle, encore moins de leur infliger des sanctions en présence d'une irrégularité, un tel pouvoir décisionnel peut être déduit du renvoi de l'art. 7 al. 1 OAccD aux normes européennes de la série EN 45000. De plus, le Manuel de contrôle, qui fait partie intégrante de l'assurance qualité de l'OIC, prévoit expressément que l'OIC peut prendre les sanctions litigieuses. En tout état de cause, de telles sanctions se laissent implicitement déduire de la réglementation et elles apparaissent indispensables pour que l'OIC puisse utilement mener à bien ses activités de contrôle et de certification. Il faut donc admettre que les compétences déléguées à l'OIC incluent le pouvoir de rendre des décisions administratives, singulièrement des sanctions (c. 5.2). L'OIC doit ainsi être considéré comme délégataire d'une tâche publique et investi du pouvoir de rendre des décisions administratives — sujettes à recours auprès de l'OFAG (art. 166 al. 1 LAgr ; art. 180 LAgr ; c. 5.1) — à l'encontre des entreprises soumises à son contrôle (c. 5.3). Il n'appartient pas au TF, mais au législateur, de décider s'il ne serait pas préférable que la décision de la Commission de recours de l'OIC puisse être portée directement devant le TAF (c. 5.3). Le recours doit être admis et la cause renvoyée à l'OFAG pour qu'il examine la cause au fond et rende une décision (c. 6). Le TAF est invité à statuer à nouveau sur les dépens relatifs à la procédure qui s'est déroulée devant lui au regard de l'issue du litige (c. 6).

28 juillet 2008

TF, 28 juillet 2008, 2C_234/2008 (d)

ATF 134 II 272 ; sic! 11/2008, p. 811-816, « Greyerzer » ; AOP, cahier des charges, fromage, organisme de certification, TAF, compétence matérielle, denrées alimentaires, arbitraire, égalité de traitement ; art. 8 al. 1 Cst., art. 86 al. 1 lit. d LTF, art. 16 al. 2 lit. b LAgr, art. 166 al. 2 LAgr, art. 7 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 16 al. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 21 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP.

Selon la jurisprudence, le TAF est, en vertu de l'art. 166 al. 2 LAgr, l'autorité matériellement compétente lorsqu'un producteur d'une denrée alimentaire bénéficiant d'une AOP attaque une décision d'une autorité cantonale basée sur la troisième partie de l'Ordonnance sur les AOP et les IGP, même si la compétence en matière d'exécution a été conférée aux organes cantonaux de contrôle des denrées alimentaires ; le fait que des questions d'hygiène puissent aussi jouer un rôle n'y change rien (c. 1.3.4). De tels cas doivent être traités par la procédure du droit agricole (c. 1.3.5). Le cahier des charges d'une AOP est un acte qui a le caractère d'une réglementation générale et abstraite, même s'il doit faire l'objet d'une décision d'application. Il peut ainsi, exactement comme les ordonnances, faire l'objet d'un examen à titre préjudiciel de sa conformité à la loi et à la Constitution, que ce soit de manière abstraite ou à l'occasion d'un cas d'application (c. 3.2-3.4). Il est en principe autorisé de fixer dans le cahier des charges d'une AOP des exigences de qualité plus strictes que celles découlant du droit des denrées alimentaires (c. 4.4). Si toutefois ces exigences sont dénuées de justification et ne sont pas respectées par une majorité des producteurs d'une région donnée (c. 4.5-4.6), elles ne sauraient être imposées à un producteur particulier sans violer le droit fédéral et, en particulier, le principe de l'égalité devant la loi (c. 4.7). Le Tribunal administratif cantonal n'est pas compétent pour délivrer directement à une fromagerie le certificat lui permettant de faire usage de l'AOP (c. 5.4). Il est par contre compétent pour vérifier l'application des dispositions protectrices des art. 16-17a Ordonnance sur les AOP et les IGP (c. 5.5).

01 février 2007

TF, 1er février 2007, 2A.515/2006 (d)

sic! 6/2007, p. 455-457, « Försterkäse » ; AOP, Vacherin Mont-d’Or, interprofession, recours, compétence matérielle, TAF ; art. 166 al. 2 LAgr.

Compétence de la Commission fédérale de recours de l'OFAG et, depuis le 1er janvier 2007, du TAF pour connaître d'un recours de l'interprofession du Vacherin Mont-d'Or en application de l'art. 166 al. 2 LAgr.

11 novembre 2009

TAF, 11 novembre 2009, B-171/2009 (f)

« Violation du cahier des charges du Gruyère AOC – sanction pour non-conformité majeure » ; AOP, Gruyère, certification, Organisme intercantonal de certification, sanction, recours, OFAG, décision, irrecevabilité, droit public, droit privé, méthodes d’interprétation, puissance publique, transfert de compétence relevant de la puissance publique, unité de la procédure, garantie de l’accès au juge ; art. 6 CEDH, art. 29a Cst., art. 166 al. 1 LAgr, art. 169 LAgr, art. 180 LAgr, art. 16 al. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 18-20 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 35 OAccD.

Cf. N 580 (arrêt du TF dans cette affaire).

01 décembre 2008

TAF, 1er décembre 2008, B-5843/2008 (f)

« Violation du cahier des charges du Gruyère AOC – Sanction pour non-conformité majeure » ; AOP, Gruyère, cahier des charges, sanction, recours, Organisme intercantonal de certification, OFAG, TAF, irrecevabilité, transmission de l’affaire, frais de procédure ; art. 33 lit. h LTAF, art. 166 al. 1 LAgr, art. 180 LAgr.

La réglementation des voies de droit prévue par l'art. 166 al. 1 LAgr — selon lequel un recours peut être formé auprès de l'office compétent contre les décisions des organisations et des entreprises mentionnées à l'art. 180 LAgr (qui prévoit que la Confédération et les cantons peuvent associer des entreprises ou des organisations à l'exécution de la loi ou créer des organisations appropriées à cet effet [al. 1]) — est une lex specialis par rapport à l'art. 33 lit. h LTAF — selon lequel le recours au TAF est recevable contre les décisions des autorités ou organisations extérieures à l'administration fédérale, pour autant qu'elles statuent dans l'accomplissement de tâches de droit public que la Confédération leur a confiées. C'est dès lors devant l'OFAG — et non pas devant le TAF — que doit être porté un recours contre une décision rendue par la Commission de recours de l'OIC (statuant sur un recours contre une décision de l'Organisme intercantonal de certification [OIC] prononçant à l'encontre de la recourante une sanction pour non-conformité majeure en raison du non-respect du cahier des charges du Gruyère AOC). Le recours déposé devant le TAF étant irrecevable, l'affaire est transmise à l'OFAG comme objet de sa compétence. Il n'est pas perçu de frais de procédure.

11 novembre 2009

TAF, 11 novembre 2009, B-171/2009 (f)

« Violation du cahier des charges du Gruyère AOC – sanction pour non-conformité majeure » ; AOP, Gruyère, certification, Organisme intercantonal de certification, sanction, recours, OFAG, décision, irrecevabilité, droit public, droit privé, méthodes d’interprétation, puissance publique, transfert de compétence relevant de la puissance publique, unité de la procédure, garantie de l’accès au juge ; art. 6 CEDH, art. 29a Cst., art. 166 al. 1 LAgr, art. 169 LAgr, art. 180 LAgr, art. 16 al. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 18-20 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 35 OAccD.

Cf. N 580 (arrêt du TF dans cette affaire).

25 novembre 2011

TF, 25 novembre 2011, 2C_11/2010 (f)

ATF 138 II 134 ; sic! 7/8/2012, p. 467-472, « Gruyère II » ; AOP, Gruyère, certification, Organisme intercantonal de certification, sanction, cahier des charges, recours, OFAG, décision, droit public, droit privé,méthodes d’interprétation, puissance publique, transfert de compétence relevant de la puissance publique, base légale, intérêt pour agir, renvoi de l’affaire, frais et dépens ; art. 82 lit. a LTF, art. 166 al. 1 LAgr, art. 180 LAgr, art. 16 al. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 3 lit. b LETC, art. 7 al. 1 OAccD, art. 35 OAccD ; cf. N 579 (arrêt du TAF dans cette affaire).

Dans la mesure où la sanction litigieuse (infligée à la recourante par l'Organisme intercantonal de certification [OIC] pour non-conformité majeure au cahier des charges de l'appellation Gruyère AOC) s'inscrit dans le cadre de la réglementation relative à la protection des AOP et des IGP (qui relève du droit public au sens de l'art. 82 lit. a LTF), il convient d'entrer en matière sur le recours en matière de droit public et de trancher, au fond, le caractère de droit public ou de droit privé de la contestation (c. 1.1). La recourante a un intérêt digne de protection à recourir (c. 1.3). Le TF s'appuie sur plusieurs critères (dont aucun ne l'emporte a priori sur les autres) pour déterminer si une contestation relève du droit public ou du droit privé (c. 4.1 et 4.6). En l'espèce, dans la qualification des rapports juridiques entre l'OIC et la recourante, le critère de l'intérêt prépondérant penche légèrement en faveur du droit public, car le système de protection des AOP et des IGP poursuit plutôt un intérêt public (information et protection des consommateurs) (c. 4.2-4.2.4). Le critère de la fonction (ou fonctionnel) (c. 4.3-4.3.9) et le critère de la subordination (ou du sujet) (c. 4.4-4.4.5) n'apparaissent, en eux-mêmes, pas déterminants en raison de la nature de l'activité de certification — qui implique un rapport de subordination — et du système particulier d'accréditation mis en place en Suisse — qui n'emporte en principe pas la délégation de la puissance publique (art. 35 OAccD ; c. 4.3.9). Au final, le critère modal (ou de la sanction) est le plus approprié en ce sens que, lorsque la certification se présente comme une obligation pour commercialiser un produit, elle doit être considérée comme relevant du droit public dès lors que le fondement légal de cette obligation réside dans une norme de droit public, en l'espèce l'art. 16 al. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP (c. 4.5-4.5.3). À cet égard, il importe peu que l'obligation découle d'un impératif légal incontournable (une prescription technique au sens de l'art. 3 lit. b LETC) ou, comme dans le cas présent, d'un impératif commercial ; seul compte que cet impératif ait son siège, à l'instar du système de protection des AOP et des IGP, dans une matière réglementée par le droit public (c. 4.5.3). Il s'ensuit que la relation entre l'OIC et la recourante est soumise au droit public (c. 4.6). Que la compétence de rendre des décisions soit explicitement ou implicitement comprise dans la délégation de la tâche publique à un organisme extérieur à l'administration, il faut que cette délégation repose sur une base légale formelle (c. 5.1). Bien qu'aucune disposition légale ou réglementaire ne confère formellement à l'OIC le pouvoir de rendre des décisions à l'encontre des entreprises soumises à son contrôle, encore moins de leur infliger des sanctions en présence d'une irrégularité, un tel pouvoir décisionnel peut être déduit du renvoi de l'art. 7 al. 1 OAccD aux normes européennes de la série EN 45000. De plus, le Manuel de contrôle, qui fait partie intégrante de l'assurance qualité de l'OIC, prévoit expressément que l'OIC peut prendre les sanctions litigieuses. En tout état de cause, de telles sanctions se laissent implicitement déduire de la réglementation et elles apparaissent indispensables pour que l'OIC puisse utilement mener à bien ses activités de contrôle et de certification. Il faut donc admettre que les compétences déléguées à l'OIC incluent le pouvoir de rendre des décisions administratives, singulièrement des sanctions (c. 5.2). L'OIC doit ainsi être considéré comme délégataire d'une tâche publique et investi du pouvoir de rendre des décisions administratives — sujettes à recours auprès de l'OFAG (art. 166 al. 1 LAgr ; art. 180 LAgr ; c. 5.1) — à l'encontre des entreprises soumises à son contrôle (c. 5.3). Il n'appartient pas au TF, mais au législateur, de décider s'il ne serait pas préférable que la décision de la Commission de recours de l'OIC puisse être portée directement devant le TAF (c. 5.3). Le recours doit être admis et la cause renvoyée à l'OFAG pour qu'il examine la cause au fond et rende une décision (c. 6). Le TAF est invité à statuer à nouveau sur les dépens relatifs à la procédure qui s'est déroulée devant lui au regard de l'issue du litige (c. 6).