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13 février 2013

TAF, 13 février 2013, B-8558/2010 (d)

sic! 7-8/2013, p. 434-439, « Gemeinsamer Tarif Z » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun Z, décision, approbation des tarifs, qualité pour recourir, pouvoir de cognition, vide tarifaire, base légale, perception de redevances, redevance, mesures provisionnelles, Tribunal administratif fédéral, Commission arbitrale fédérale, obligation de collaborer, preuve, moyens de preuve nouveaux, équité du tarif, tarifs séparés, augmentation de redevance, contrat de gestion, œuvre musicale non théâtrale, gestion individuelle ; art. 12 PA, art. 33 al. 1 PA, art. 48 PA, art. 49 lit. b PA, art. 61 al. 1 PA, art. 40 LDA, art. 47 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA.

Un utilisateur individuel, qui a participé à la procédure d'approbation du tarif devant la CAF et est destinataire de la décision, est directement concerné par celle-ci et a donc qualité pour recourir au TAF (c. 1). En cas d'admission du recours, la décision d'approbation du tarif serait annulée si bien qu'il y a un risque de vide tarifaire empêchant l'encaissement des redevances. Il appartient toutefois en premier lieu aux sociétés de gestion de soumettre leurs projets tarifaires à la CAF assez tôt pour qu'il n'y ait pas d'interruption dans l'encaissement. Une fois la procédure pendante, la CAF peut ordonner des mesures provisionnelles permettant cet encaissement, même s'il n'y a pas de base légale explicite à ce sujet. Le TAF n'a pas lui-même la possibilité de prendre de telles mesures pour la période entre la fin de la procédure de recours et l'entrée en force du tarif (c. 2.2). En matière tarifaire, le TAF examine un recours avec plein pouvoir de cognition. Il fait toutefois preuve de retenue lorsque la CAF, en tant qu'autorité spécialisée, a examiné des questions complexes de droit de la gestion collective ou lorsqu'elle a soupesé les intérêts en présence et tenu compte d'une certaine autonomie des sociétés de gestion pour l'élaboration du tarif (c. 3). Pour cette raison, même si le renvoi à l'autorité de première instance doit rester exceptionnel, le TAF examine les formulations du tarif avec un effet cassatoire uniquement (c. 3 et 8). En l'espèce, le dispositif de la décision attaquée ne contient pas le texte de la disposition tarifaire litigieuse. La recourante n'a cependant pas pu être induite en erreur à ce sujet, vu que ce texte lui avait été notifié antérieurement pour prise de position (c. 4.1.2). Étant donné que les sociétés de gestion sont à la fois parties à la procédure et compétentes pour la publication du tarif, il serait néanmoins souhaitable que les dispositions tarifaires modifiées dans le cadre de la procédure apparaissent dans le dispositif de la décision, afin que les tiers non parties puissent s'assurer que le tarif publié correspond à celui qui a été approuvé (c. 4.1.3). En procédure administrative, l'autorité établit d'office l'état de fait mais les parties ont un devoir de collaboration, qui est même accru dans les affaires tarifaires puisque ces parties doivent d'abord négocier le tarif et fournir tous les renseignements nécessaires au contrôle de son équité. De nouvelles preuves à ce sujet sont aussi recevables en procédure de recours (c. 4.2.2). Le droit de produire des preuves découle du droit d'être entendu, mais il peut être restreint si les preuves ne sont pas pertinentes (c. 4.2.3). En l'espèce des preuves concernant la situation d'un utilisateur en particulier ne sont pas pertinentes étant donné que le tarif doit régler globalement la situation de tous les utilisateurs (c. 4.2.4). Des utilisations semblables d'un même cercle d'utilisateurs, relevant de la compétence de la même société de gestion, doivent être réglées par le même tarif, sauf s'il existe des raisons objectives pour des tarifs séparés (c. 5.2). Lorsque les personnes concernées ont pu s'entendre, un tarif est équitable s'il correspond à ce qui aurait pu être convenu dans une situation de concurrence (c. 5.4). Pour l'approbation d'un tarif, il suffit que son équité apparaisse au vu de l'état de fait actuel, les modifications dans le mode de calcul des redevances par rapport à l'ancien tarif n'ayant pas besoin d'être spécialement motivées (c. 7.2.1). Il est certes compréhensible que la CAF souhaite de cas en cas éviter les augmentations tarifaires abruptes. Mais un changement de circonstances permettant de mieux tenir compte des critères de l'art. 60 al. 1 LDA dans un nouveau tarif doit aussi être pris en considération. Même une augmentation importante de la redevance peut être admissible si celle-ci était jusqu'ici trop basse en raison de bases de calcul inappropriées. L'augmentation peut d'ailleurs être un indice d'un tel défaut (c. 7.2.3). Un contrat de gestion concernant les œuvres musicales non théâtrales ne laisse plus la possibilité à un auteur de disposer lui-même de ses droits, même si la gestion collective n'est pas obligatoire d'après la loi (c. 5.3). Dans le domaine du cirque, la musique est combinée avec une prestation comme en cas de ballet, d'opéra ou de comédie musicale. Mais elle a un rôle d'accompagnement plus distancié. Il s'agit donc de musique non théâtrale (c. 6.1). D'après l'art. 40 al. 3 LDA, un auteur peut gérer ses droits lui-même sur la musique non théâtrale, c'est-à-dire sans passer un contrat de gestion avec la SUISA. Le tarif doit par conséquent tenir compte de cette situation (c. 6.2). [VS]

28 novembre 2013

TAF, 28 novembre 2013, B-2429/2013 (d)

« Tarif A Radio (Swissperform) (2013-2016) » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif A Radio, pouvoir de cognition, tarifs contraignants pour les tribunaux, question préalable, équité du tarif, devoir d’informer les sociétés de gestion, obligation d’informer les sociétés de gestion, droits voisins ; art. 51 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA.

Le TAF examine avec une pleine cognition les griefs de violation du droit fédéral, de constatation inexacte ou incomplète des faits et d'inopportunité. Cependant, il fait preuve de retenue là où la CAF, en tant qu'autorité judiciaire indépendante et spécialisée, a tranché des questions complexes concernant la gestion collective ou a respecté l'autonomie tarifaire des sociétés de gestion (c. 2.1). D'après la doctrine et la jurisprudence, les autorités et les tribunaux administratifs peuvent examiner des questions préalables relevant d'autres domaines juridiques si la loi ne l'interdit pas et si les autorités compétentes ne se sont pas encore prononcées (c. 3.1). D'après l'art. 59 al. 3 LDA, les tribunaux civils ne peuvent plus examiner l'équité d'un tarif, c'est-à-dire le niveau de la redevance. En revanche, un tarif ne peut pas prévoir un droit à rémunération incompatible avec des dispositions légales impératives. Il s'ensuit que les tribunaux civils ne sont pas liés par les décisions des autorités tarifaires sur des questions préalables relevant du droit d'auteur matériel (c. 3.2). De telles décisions doivent obligatoirement être prises si elles sont nécessaires pour déterminer l'équité du tarif, mais elles ne peuvent donc pas créer une sécurité juridique absolue. La pratique de la CAF, qui consiste à ne pas trancher les questions préalables de droit matériel non liées à l'équité du tarif, est justifiée. En l'espèce, d'après le tarif, le taux de redevance varie en fonction de la part de phonogrammes diffusés protégés par les droits voisins. La question de savoir jusqu'où s'étend cette protection relève de l'application du tarif, et non de son équité. La CAF n'avait donc pas à l'examiner (c. 3.3 et 3.4). Une disposition concernant l'objet tarifaire ne doit pas figurer dans la partie du tarif qui concerne les redevances (c. 4.2). D'après l'art. 51 al. 1 LDA, tous les renseignements nécessaires à l'application du tarif et à la répartition des redevances doivent être fournis aux sociétés de gestion. Cette obligation n'existe toutefois que dans la limite du raisonnable, par quoi il faut comprendre qu'elle ne doit pas entraîner de frais excessifs pour l'utilisateur. Le devoir d'information est une obligation accessoire découlant de la licence légale, qui peut faire l'objet d'une action civile et d'une redevance complémentaire dans le tarif en cas de violation (c. 5.1.2). Il est inutile de préciser dans ce tarif que le code ISRC (servant à l'identification d'un enregistrement musical) ne doit être communiqué par le diffuseur à la société de gestion que s'il est effectivement remis à ce diffuseur par le fournisseur de l'enregistrement (c. 5.2). L'obligation d'annoncer systématiquement le code ISRC à la société de gestion occasionnerait d'importants coûts pour le diffuseur, car ce dernier serait tenu de veiller continuellement à ce que le code soit intégré dans ses systèmes informatiques. Cette obligation dépasse donc la limite du raisonnable au sens de l'art. 51 LDA (c. 5.3.1). Il n'est pas nécessaire de prévoir dans le tarif une obligation à charge du diffuseur de veiller à ce que ses systèmes informatiques futurs puissent lire le code ISRC, puisque ce diffuseur s'est déjà engagé devant la CAF à agir en ce sens (c. 5.3.3). [VS]

03 janvier 2012

TAF, 3 janvier 2012, B-2227/2011 (d)

sic! 4/2012, p. 271 (rés.), « ebm (fig.) / EBME cotec » ; usage de la marque, facture, motifs relatifs d’exclusion, procédure d’opposition, moyens de preuve nouveaux, obligation de collaborer, répartition des frais de procédure, usage fictif, preuve, vraisemblance ; art. 13 PA, art. 11 al. 1 LPM, art. 12 al. 1 LPM, art. 32 LPM.

Selon la pratique constante du TAF, la production de nouveaux moyens de preuve au stade du recours est admise (c. 3.2). S’il ne sera ainsi pas reproché à la recourante d’avoir produit tardivement certains moyens de preuve, des lacunes dans son devoir de collaboration (art. 13 PA et 32 LPM) seront toutefois prises en compte dans la répartition des frais (c. 3.3). En présence de marques multiples, l’usage de chaque marque intervenant conformément à sa fonction est admis (c. 6.3). Contrairement à des factures intra-groupe, les factures adressées à des tiers sont propres à valider l’usage de la marque opposante (c. 6.4-6.7). L’usage parfois séparé, parfois simultané de deux marques (« ebm » et « ebmpapst ») sur les produits revendiqués par la recourante fait naître le doute d’un usage fictif de la marque opposante. On parle d’usage fictif lorsque plusieurs marques sont apposées sur les produits revendiqués, mais qu’une seule d’entre elles apparaît dans la publicité, sur les listes de prix et les documents d’affaires. En l’espèce, il s’agit plutôt de la poursuite de l’utilisation d’une marque régulièrement utilisée auparavant (c. 6.8). L’usage de la marque opposante « ebm (fig.) » est donc admis pour l’année 2005 en lien avec des ventilateurs et des moteurs électriques (c. 6.9 et 6.10). Le recours est partiellement admis et l’affaire renvoyée devant l’autorité inférieure pour examen du risque de confusion (c. 7.1). [JD]

ebm (fig.) (opp.)
ebm (fig.) (opp.)

23 février 2012

TF, 23 février 2012, 4A_429/2011 et 4A_435/2011 (d)

sic! 7-8/2012, p. 457-464, « Yello / Yallo II » ; marque défensive, motifs absolus d’exclusion, usage de la marque, usage partiel, preuve, vraisemblance, terme générique, classification de Nice, catégorie générale de produits ou services, obligation de motiver ; art. 29 al. 2 Cst., art. 2 al. 2 CC, art. 8 CC, art. 2 lit. d LPM, art. 11 al. 2 LPM, art. 12 al. 1 LPM, art. 12 al. 2 LPM ; cf. N 433 (vol. 2007-2011 ; ATF 136 III 102 ; sic! 6/2010, p. 436-438, « Yello / Yallo »).

L’absence d’intention d’utiliser la marque entraîne sa nullité, même si le délai de carence de l’art. 12 al. 1 LPM n’est pas arrivé à échéance (c. 3.2). Celui qui invoque un dépôt défensif comme motif de nullité doit prouver l’absence d’intention d’utiliser la marque. S’agissant d’un fait négatif et interne qui ne peut pas être prouvé de manière positive, la preuve abstraite d’une constellation typique des marques défensives suffit si la partie adverse n’a pas documenté ou au moins expliqué en quoi l’enregistrement contesté participe d’une stratégie non abusive (« fairness ») en matière de marque (c. 5.1). L’enregistrement d’un signe pour un large éventail de produits et services ne suffit pas à démontrer le caractère défensif du dépôt (c. 5.2.1). L’enregistrement d’un signe dans un pays ou l’activité du déposant est prohibée ne peut avoir pour objectif que d’empêcher les tiers d’utiliser ce signe dans le monde entier sans que cela s’accompagne de l’intention d’en faire usage (c. 5.2.3). Le réenregistrement d’un signe quasi-identique à un enregistrement antérieur pour un catalogue de produits et services semblable constitue un comportement défensif pour l’ensemble des produits et services revendiqués, et non uniquement pour ceux correspondant à l’activité principale du déposant (c. 5.3). On ne saurait déduire de l’utilisation d’une marque à l’étranger l’intention de l’utiliser en Suisse (c. 5.4). Lorsqu’un signe est enregistré sous un terme générique de la classification de Nice, mais qu’il n’est utilisé que pour certains des produits ou services revendiqués sous ce terme générique, il s’agit d’un usage partiel. Un tel usage partiel ne vaut pour l’ensemble des produits ou services désignés sous un terme générique de la classification de Nice que si les destinataires pertinents considèrent ces produits comme un assortiment logique pour un fabricant de la branche concernée, ou si ces produits sont typiquement utilisés pour désigner l’ensemble des produits couverts par le terme générique concerné (c. 9.1). En l’espèce, il n’est pas nécessaire d’examiner dans quelle mesure les produits ou services pour lesquels le signe « Yello » a été utilisé sont différents des autres produits ou services regroupés sous le terme générique déposé. En effet, faute d’avoir pu constater l’existence d’un usage partiel, l’autorité inférieure n’avait pas à examiner si un tel usage s’étendait également aux autres produits ou services couverts par les termes génériques sous lesquels le signe a été enregistré. Elle n’a donc pas enfreint l’obligation de motiver découlant de l’art. 29 al. 2 Cst. (c. 9.3). Les deux recours sont rejetés (c. 10). [JD]

18 juin 2013

TF, 18 juin 2013, 4A_9/2013 (f) (mes. prov.)

Mesures provisionnelles, recours en matière civile, décision incidente, préjudice irréparable, obligation d'alléguer ; art. 93 al. 1 lit. a LTF, art. 59 lit. d LPM, art. 261 CPC, art. 262 CPC.

Un préjudice irréparable, exposant les décisions rendues en matière de mesures provisionnelles à un recours en matière civile, au sens de l'art. 93 al. 1 lit. a LTF, n'est réalisé que lorsque la partie recourante subit un dommage qu'une décision favorable sur le fond ne fera pas disparaître complètement. Un seul inconvénient matériel résultant d'un accroissement de la durée et des frais de procédure est insuffisant (c. 4). Ces exigences concernent tant les recours dirigés contre une décision accordant des mesures provisionnelles que contre une décision les refusant (c. 5). Il incombe à la partie recourante d'indiquer de manière détaillée en quoi elle se trouve menacée d'un préjudice irréparable (c. 4). Elle doit, sous peine d'irrecevabilité, le faire dans son mémoire de recours déjà, et est tardive à l'invoquer dans sa réplique intervenant après l'échéance du délai de recours (c. 6). [NT]

13 février 2013

TFB, 13 février 2013, O2012_036 (d)

sic! 12/2013, p. 770-772, « Reiseadaptateur » ; violation d’un brevet, adaptateur électrique de voyage, action en fourniture de renseignements, obligation de renseigner, injonctions sous menace des peines de l’art. 292 CP, décision incidente ; art. 423 CO, art. 66 lit. b LBI, art. 292 CP.

La demanderesse, dans sa demande principale, requiert la remise du gain de la défenderesse, car celle-ci a vendu des adaptateurs électriques de voyage entrant dans le champ de protection d'un brevet de la demanderesse (c. 3.2). Dans le cadre de son action fondée sur l'art. 423 CO, la demanderesse a la charge de prouver le bénéfice brut de la défenderesse. Ce chiffre est inconnu de la demanderesse, raison pour laquelle elle dépend de la défenderesse pour obtenir les informations nécessaires (c. 4.2). L'art. 66 LBI contient une obligation matérielle de fournir des renseignements. L'argumentation de la défenderesse, selon laquelle la demanderesse, ayant elle-même empêché l'administration complète des preuves, agit de mauvaise foi en fourniture de renseignements, ne peut ainsi pas être retenue (c. 4.4). Le droit d'obtenir des renseignements en procédure incidente s'étend à ce qui est nécessaire pour poursuivre la demande principale. Les renseignements visés par ce droit comprennent l'étendue et la durée des actes illicites ou la présentation d'un catalogue des produits vendus. Les renseignements de nature comptable couvrent, quant à eux, le nombre de produits livrés, les coordonnées des acquéreurs (avec nom et adresse), le moment de la livraison et le prix de vente ainsi que les coûts d'acquisition ou de fabrication. La défenderesse n'a contesté aucun des renseignements demandés, mais s'est contentée de faire valoir son impossibilité de communiquer les noms des clients, car ceux-ci n'ont pas été enregistrés lors de la vente des objets litigieux. Le fait que la défenderesse ne dispose pas des noms des acquéreurs des produits litigieux doit toutefois être pris en compte (c. 4.5). L'obligation faite à la défenderesse de fournir les renseignements demandés, y compris les renseignements comptables, est confirmée et doit être assortie de la menace des peines de l'art. 292 CP (c. 5). [JD]

03 mai 2012

TFB, 3 mai 2012, O2012_022 (d)

sic! 10/2012, p. 649-653, « Ausländische Gerichtsgutachten » ; Tribunal fédéral des brevets, expertise ordonnée par des autorités judiciaires étrangères, expertise privée, preuve, obligation d’alléguer, Directives procédurales du TFB ; art. 27 LTFB, art. 10 al. 2 et 3 Directives procédurales du TFB du 28 novembre 2011, art. 183 CPC, art. 229 CPC, art. 404 al. 1 CPC, § 171 ss ZPO ZH.

Selon l'art. 27 LTFB, la procédure devant le TFB se déroule selon le CPC dans la mesure où la LBI ou la LTFB ne prévoit pas autre chose. L'art. 10 al. 2 des Directives procédurales du TFB du 28 novembre 2011, prévoit à titre transitoire que les procédures déjà initiées avant l'entrée en vigueur de la LTFB se poursuivent selon le CPC (c. 9). L'art. 27 LTFB n'est pas une disposition de droit transitoire. L'art. 404 al. 1 CPC, auquel renvoie l'art. 27 LTFB, ne s'applique pas aux procédures transférées au TFB mais déjà introduites avant l'entrée en vigueur du CPC, en particulier parce que même si le TFB est saisi directement, il n'est pas une autorité de même instance que les autorités de première instance cantonales; et aussi parce que le TFB pourrait sinon devoir être amené à appliquer 26 procédures cantonales différentes avec le risque de décisions contradictoires que cela pourrait comporter (c. 9.1-9.4). Les dispositions procédurales de la LTFB, ainsi que la création du Tribunal fédéral des brevets lui-même, ont pour but, comme l'introduction du CPC, de régler de manière uniforme la procédure dans les causes civiles pour l'ensemble de la Suisse et de supprimer ainsi le morcellement horizontal du droit (horizontale Rechtszersplitterungfine). C'est un élément déterminant pour admettre que même pendant une période transitoire, le TFB n'a pas à appliquer 26 droits cantonaux de procédure, mais seulement le CPC (c. 9.5). Les dispositions de procédure de la LTFB sont dès le départ, et le cas échéant en dérogation au droit cantonal de procédure, applicables à toutes les procédures devant le TFB. C'est aussi un élément qui permet de retenir que pour toutes les procédures pendantes devant le TFB, le CPC doit être appliqué à côté des dispositions procédurales immédiatement applicables de la LTFB pour assurer l'unité de la procédure et l'égalité de traitement des parties dans les différents procès en cours (c. 9.6). L'application immédiate de ces nouvelles dispositions procédurales ne doit toutefois pas avoir pour effet de péjorer la position d'une partie dans la procédure menée jusque-là. C'est pourquoi l'art. 10 al. 3 des Directives procédurales du TFB prévoit que la possibilité doit être offerte aux parties de faire valoir ce qu'elles n'avaient, en application de leur droit cantonal de procédure, pas encore pu ou dû invoquer jusque-là (c. 9.7). Une expertise privée n'est pas un moyen de preuve au sens du CPC et est assimilée à une déclaration de la partie qui la produit. Elle doit être traitée comme n'importe quelle allégation de faits et donc être invoquée au plus tard lors du dernier tour de parole de la partie qui s'en prévaut à l'audience principale selon l'art. 229 CPC. Les expertises judiciaires produites par la défenderesse ne sont pas des expertises privées puisque ce n'est pas elle mais une autorité judiciaire qui a mandaté les experts (c. 10.1). Elles ne sont toutefois pas non plus des expertises judiciaires au sens des art. 183 ss CPC ou des § 171 ss ZPO ZH puisqu'elles n'ont été ordonnées ni par le TFB, ni par le Tribunal de commerce de Zurich (c. 10.2). La partie qui entend invoquer une expertise privée ou une expertise obtenue dans une autre procédure doit, comme pour les allégations de faits, indiquer d'une manière concrète et précise les prétentions qu'elle entend en tirer, faute de quoi le juge n'a pas à en tenir compte (c. 10.4). [NT]

CPC (RS 272)

- Art. 404

-- al. 1

- Art. 229

- Art. 183

Directives procédurales du TFB du 28.11.2011

- Art. 10

-- al. 3

-- al. 2

Droit cantonal

- ZPO/ZH

-- § 171 ss

LTFB (RS 173.41)

- Art. 27

27 août 2013

TF, 27 août 2013, 4A_142/2013 (d)

ATF 139 III 433 ; sic! 1/2014, p. 32-37, « Nespresso V » ; Tribunal fédéral des brevets, récusation, motif de récusation, obligation de déclarer, société soeur, groupe de sociétés, café, capsules de café, garantie du juge constitutionnel, Migros, Denner, Nespresso ; art. 6 ch. 1 CEDH, art. 30 al. 1 Cst., art. 42 al. 1 LTF, art. 42 al. 2 LTF, art. 75 al. 1 LTF, art. 92 al. 1 LTF, art. 97 al. 1 LTF, art. 99 al. 1 LTF, art. 105 al. 1 LTF, art. 105 al. 2 LTF, art. 106 al. 2 LTF, art. 27 LTFB, art. 28 LTFB, art. 47 al. 1 lit. f CPC, art. 48 CPC; cf. N 208 (vol. 2007-2011 ; ATF 137 III 324, sic! 10/2011, p. 589-593, « Nespresso »), N 660 (TF, 26 juin 2012, 4A_36/2012 ; sic! 10/2012, p. 627-632 « Nespresso II »), N 737 (TF, 9 janvier 2013, 4A_508/2012 ; sic! 5/2013, p. 310-314, « Nespresso III ») et N 662 (Handelsgericht SG, 21 mai 2013, HG.2011.199 ; sic! 12/2013, p. 759-766, « Nespresso IV »).

L'art. 28 LTFB règle la question de la récusation des juges suppléants au TFB. Pour le surplus, les principes généraux du CPC, et en particulier ceux qui traitent de la récusation selon les art. 47 ss CPC valent en vertu de l'art. 27 LTFB aussi pour la procédure devant le TFB. C'est ainsi qu'est concrétisé le droit constitutionnel à bénéficier d'un juge indépendant et impartial consacré par l'art. 30 al. 1 Cst. (c. 2.1.1). Cette garantie est déjà violée en présence de circonstances qui, examinées de manière objective, donnent à penser qu'elles pourraient fonder une apparence de prévention ou le danger d'un parti pris. Tel est le cas si l'ensemble des circonstances, tant de fait que du point de vue procédural, fait apparaître des éléments de nature à éveiller la méfiance quant à l'impartialité du juge. La défiance quant à l'indépendance doit apparaître comme fondée d'un point de vue objectif, et il n'est pas exigé pour la récusation que le juge soit effectivement prévenu (c. 2.1.2). La garantie du juge constitutionnel vaut de la même manière pour les juges ordinaires que pour les juges suppléants (c. 2.1.3). Un avocat intervenant comme juge suppléant est, selon la jurisprudence constante, considéré comme prévenu lorsqu'il est encore lié par un mandat à l'une des parties ou lorsqu'il est intervenu comme mandataire d'une des parties à de nombreuses reprises ou peu avant la procédure. Cela sans égard au fait que le mandat soit en lien ou non avec l'objet de la procédure. Dans sa jurisprudence, la plus récente, le TF a considéré qu'un avocat intervenant comme juge était prévenu non seulement lorsqu'il représentait ou avait représenté peu de temps auparavant une des parties à la procédure, mais aussi lorsque, dans le cadre d'une autre procédure, il était ou avait été mandaté par une partie adverse à celles intervenant dans la procédure dans le cadre de laquelle il était appelé à officier comme juge (c. 2.1.4). Une apparence de prévention peut aussi découler de ce qu'un des associés du juge suppléant, et pas ce dernier à titre personnel, est mandaté par une des parties à la procédure ou l'a été peu de temps auparavant. Cela quelle que soit la nature du rapport juridique qui unit les associés au sein d'une étude (c. 2.1.5). D'autres types de relations qu'un mandat direct entre une des parties et le juge suppléant peuvent susciter l'existence de liens particuliers entre eux fondant l'apparence d'une prévention. Les considérations pratiques liées à la difficulté d'établir l'existence de telles relations ne doivent pas être un obstacle à leur prise en compte, vu l'obligation de déclarer l'existence d'un possible motif de récusation faite par l'art. 48 CPC aux magistrats ou fonctionnaires judiciaires (c. 2.1.6). Selon l'art. 28 LTFB, les juges suppléants se récusent dans les procédures où une partie est représentée par une personne qui travaille dans la même étude d'avocats, dans le même cabinet de conseils en brevets ou pour le même employeur. Cette disposition vise seulement les cas dans lesquels un associé ou un collègue de travail du juge représente une partie dans le cadre de la procédure pendante devant le TFB. Elle ne règle pas la situation dans laquelle un associé du juge appartenant à la même étude que lui est lié par un mandat à une des parties à la procédure, sans pour autant la représenter dans la procédure pendante devant le TFB. L'art. 28 LTFB n'est ainsi pas applicable aux cas dans lesquels un mandat est ouvert entre l'étude d'avocats à laquelle le juge appartient et une partie à la procédure (ou une partie étroitement liée à celle-ci parce qu'appartenant au même groupe de sociétés), mais où cette dernière est représentée dans la procédure devant le TFB par un mandataire qui n'est pas un des associés du juge suppléant. Ce sont alors les motifs généraux de récusation selon l'art. 47 CPC — dans le cas particulier la clause générale de l'al. 1 lit. f — qui doivent être pris en compte dans le respect des principes établis par l'art. 30 al. 1 Cst. (c. 2.2). Dans le cas particulier, le mandat donné à un des associés du juge suppléant ne l'était pas par une des parties à la procédure (Denner SA), mais par sa société sœur: Migros France. Le risque de prévention du juge suppléant a néanmoins été retenu par le TF vu la manière dont les marques sont gérées au sein du groupe Migros (qui agit aussi pour celles de Denner) (c. 2.3.1), et de la communauté d'intérêts entre ce groupe et Denner à l'issue du procès devant le TFB (c. 2.3.4). Le recours est admis. [NT]

CEDH (RS 0.101)

- Art. 6

-- ch. 1

CPC (RS 272)

- Art. 48

- Art. 47

-- al. 1 lit. f

Cst. (RS 101)

- Art. 30

-- al. 1

LTF (RS 173.110)

- Art. 92

-- al. 1

- Art. 106

-- al. 2

- Art. 75

-- al. 1

- Art. 42

-- al. 2

-- al. 1

- Art. 105

-- al. 1

-- al. 2

- Art. 99

-- al. 1

- Art. 97

-- al. 1

LTFB (RS 173.41)

- Art. 28

- Art. 27

29 juillet 2013

TAF, 29 juillet 2013, B-4888/2012 (f)

Indication géographique protégée, Absinthe, Fée verte, La Bleue, association, boissons alcoolisées, formalisme excessif, intérêt pour agir, irrecevabilité, motivation du recours, objet du litige, opposition, intérêt virtuel, preuve, procuration, obligation d'alléguer, procédure d'opposition, qualité pour agir des associations, qualité pour recourir, recours, unité de la procédure, défense des consommateurs, Office fédéral de l'agriculture, territorialité ; art. 48 PA, art. 56 LPM.

Il incombe au recourant d'alléguer les faits qu'il considère comme propres à fonder sa qualité pour agir lorsqu'ils ne ressortent pas à l'évidence de la décision attaquée ou du dossier de la cause. En l'espèce, la recourante n'a pas démontré par des preuves objectives dans son opposition, qu'elle commercialisait, en Suisse, des produits à base d'absinthe. La décision d'enregistrement n'a d'impact que sur le territoire suisse, il appartenait donc à la recourante de démontrer à l'autorité inférieure qu'elle exporte des boissons à base d'absinthe vers la Suisse. À défaut, c'est à bon droit que l'autorité inférieure n'est pas entrée en matière sur son opposition et l'a, ce faisant, déclarée irrecevable (c. 3.3). Contrairement à la procédure devant le TF, la PA n'exige pas expressément l'existence d'une procuration écrite. Une procuration orale ou par actes concluants est donc en principe valable. Lorsque l'autorité saisie éprouve des doutes quant aux pouvoirs de représentation d'un avocat sur une partie, cela relève de son pouvoir d'appréciation que de l'interpeller ou non sur ce point et d'exiger une procuration écrite. Lorsque les circonstances du cas d'espèce permettent de déduire de l'existence d'un rapport de représentation, l'autorité peut renoncer à exiger de la partie qu'elle verse au dossier une procuration écrite en faveur de son mandataire. En l'espèce, l'avocat a déposé d'autres mémoires d'opposition identiques, devant la même autorité, en faveur desquels il a produit des procurations écrites. Il n'est pas critiquable, à première vue, d'en conclure que ce mandataire avait également été mandaté par la recourante (c. 4). [AC]

30 juin 2015

TF, 30 juin 2015, 4A_203/2015 (d)

sic! 11/2015, p. 639-640, « Vergütung für die Vervielfältigung in Netzwerken » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif contraignant pour les tribunaux, recours en matière civile, valeur litigieuse, obligation d’alléguer, motivation du recours, droit d’être entendu, sécurité du droit, interprétation des tarifs, usage privé, ProLitteris, réseau numérique, copie analogique, copie numérique ; art. 29 al. 2 Cst., art. 42 LTF, art. 74 al. 2 lit. b LTF, art. 106 LTF, art. 19 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA, art. 55 CPC, art. 58 CPC.

Contre une décision d’un tribunal civil cantonal concernant l’application d’un tarif, le recours en matière civile est recevable, indépendamment de la valeur litigieuse d’après l’art. 74 al. 2 lit. b LTF (c. 1.1). Le TF applique le droit d’office (art. 106 al. 1 LTF). Il n’est donc lié ni par l’argumentation du recourant, ni par celle de l’autorité de première instance. Cependant, vu l’obligation de motiver le recours (art. 42 al. 1 et al. 2 LTF), le TF ne traite en principe que des griefs allégués, sauf si d’autres lacunes juridiques sont évidentes. Il n’est pas tenu d’examiner toutes les questions juridiques abordées en première instance, si celles-ci ne lui sont plus soumises. En matière de violation des droits fondamentaux et de violation du droit cantonal ou intercantonal, il existe un devoir de motivation qualifié: le grief doit être invoqué et motivé précisément conformément à l’art. 106 al. 2 LTF (c. 1.2). En l’espèce, le grief de violation du droit d’être entendu est manifestement infondé : le recourant reproche plutôt à l’autorité précédente de ne pas avoir suivi son point de vue juridique (c. 2). D’après l’art. 59 al. 3 LDA, les tarifs lient le juge lorsqu’ils sont en vigueur. Cette disposition sert la sécurité du droit: le juge civil ne doit pas à nouveau examiner l’équité d’un tarif puisque cette question est traitée dans le cadre de la procédure administrative d’approbation de ce tarif. Toutefois, le juge civil peut et doit vérifier que les sociétés de gestion, sur la base d’un tarif, ne font pas valoir de droits à rémunération incompatibles avec les dispositions impératives de la loi, en particulier lorsque l’utilisation est libre d’après la LDA. Au surplus l’application et l’interprétation d’un tarif dans un cas particulier sont des questions juridiques du ressort des tribunaux civils (c. 3.3). La réglementation concernant l’usage privé, comme toute la LDA, est technologiquement neutre. Elle vaut pour les copies effectuées sur une base analogique comme pour les copies numériques (c. 3.4.1). Pour cette raison, les principes de l’ATF 125 III 141 concernant les photocopies sont aussi applicables aux reproductions réalisées sur l’intranet d’une entreprise. Dans cet arrêt le TF a estimé admissible qu’une redevance soit forfaitaire et qu’elle soit due indépendamment du fait qu’une œuvre soit on non reproduite. Cela peut certes s’avérer insatisfaisant dans des cas particuliers, mais est inévitable dans le domaine des utilisations massives incontrôlables. La simple possibilité de reproduire une œuvre dans le cadre de la licence légale de l’art. 19 al. 1 lit. c LDA suffit donc à justifier la redevance (c. 3.4.2). Le projet de révision de la LDA du 15 septembre 2004 prévoyait une redevance sur les appareils, ainsi qu’une exonération pour les petites et moyennes entreprises qui ne reproduisent qu’accessoirement des œuvres à des fins d’information interne ou de documentation. Le législateur a cependant renoncé à une telle réglementation, cela à une époque (2007) où l’environnement numérique existait déjà. Le recourant doit donc s’acquitter de la redevance tarifaire, même s’il se peut qu’il n’utilise pas son réseau numérique pour des actes de copie. Les art. 55 et 58 CPC n’impliquent pas que ProLitteris allègue les différents actes de reproduction du recourant (c. 3.4.3). [VS]

02 septembre 2015

TAF, 2 septembre 2015, B-1736/2014 (d)

medialex 10/2015, « Tarif commun H » ; tarifs des sociétés de gestion, tarifs séparés, tarif H, modification des conclusions, conclusions nouvelles, motivation du recours, droit d’être entendu, équité du tarif, augmentation du tarif, autonomie des sociétés de gestion, obligation de collaborer, cognition de la CAF, cognition du TAF, pouvoir de cognition, constatation inexacte de faits pertinents ; art. 13 PA, art. 49 lit. b PA, art. 49 lit. c PA, art. 52 al. 1 PA, art. 59 LDA, art. 60 LDA.

L’objet de la procédure de recours ne peut être constitué que de ce qui faisait déjà l’objet de la procédure de première instance, ou de ce qui aurait dû l’être selon une interprétation correcte de la loi. Les sociétés de gestion recourantes peuvent restreindre l’objet du litige par rapport à ce qu’elles demandaient en première instance (c. 1.2.1). La motivation du recours doit indiquer quels points de la décision attaquée sont critiqués, et pourquoi. Il faut montrer quels considérants de fait ou de droit sont faux ou non pertinents, et en quoi. Ces conditions sont réunies en l’espèce (c. 1.2.2). Le droit d’être entendu de l’intimée au recours n’est pas violé, puisqu’elle a la possibilité de s’exprimer sur les modifications du tarif devant le TAF, lequel a la même cognition que la CAF (c. 1.3). Des utilisations semblables d’un même cercle d’utilisateurs, relevant de la compétence de diverses sociétés de gestion, doivent être réglées par un seul tarif commun, sauf s’il existe des raisons objectives pour des tarifs séparés (c. 2.1). Pour appliquer les critères de l’art. 60 LDA, la CAF poursuit le but d’un équilibre objectif des intérêts entre les ayants droit et les utilisateurs d’œuvres et elle s’oriente sur le critère d’une rémunération conforme au marché. L’équité se détermine aussi en fonction du rapport de la redevance avec les recettes, subsidiairement les frais, de l’utilisateur. Les bases de calcul de la redevance doivent tenir compte des difficultés pratiques de contrôler l’utilisation des œuvres. Des forfaits et des approximations sont admissibles. Une redistribution de la charge financière et même une augmentation générale du tarif peuvent être équitables si les redevances précédentes étaient trop basses, si les critères d’évaluation défavorisaient certains utilisateurs ou si un changement dans le système de calcul se justifie pour une autre raison. Dans le cadre du contrôle de l’équité du tarif, il faut aussi examiner le niveau et le mode de calcul de la redevance (c. 2.2). Pour l’utilisation de musique lors d’événements combinant de la musique avec des prestations non artistiques, un certain pourcentage de redevance peut être équitable soit d’un point de vue économique, par exemple lorsque les recettes procurées par la musique sont plus importantes que le coefficient de recettes utilisé comme base de calcul, soit d’un point de vue juridique, sur la base de l’expérience artistique collective et de l’intensité particulière de l’utilisation de la musique pour l’événement en question. La détermination des paramètres de calcul doit cependant être effectuée sur la base de chiffres fiables et un accord intervenu sur un tarif précédent ne signifie pas que les bases de calcul sont incontestées (c. 2.4). La CAF peut apporter des modifications au tarif proposé, mais elle n’est pas obligée d’indiquer aux parties à quelles conditions son approbation pourrait être donnée (c. 3.1). Elle ne doit pas interférer dans l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion plus que ne le nécessite un équilibre objectif des intérêts entre ayants droit et utilisateurs. Si plusieurs solutions sont envisageables, la CAF dépasserait ses compétences en imposant la sienne. C’est pourquoi les sociétés de gestion ont un devoir de collaboration dans la procédure et sont tenues de fournir à la CAF les éléments de fait fondant le projet de tarif. Celle-ci examine ce projet avec pleine cognition, mais doit respecter une certaine liberté de disposition des sociétés de gestion et leur autonomie (c. 3.2). Quant au TAF, il décide aussi avec pleine cognition et examine l’opportunité de la décision attaquée. Il revoit complètement les questions d’interprétation juridique, mais il fait preuve de retenue là où la CAF, en tant qu’autorité judiciaire spécialisée indépendante, a traité de questions complexes concernant la gestion collective ou a pesé les intérêts en présence tout en respectant l’autonomie des sociétés de gestion. En fin de compte, cela revient à rechercher si la CAF a excédé son pouvoir d’appréciation ou en a abusé (c. 3.3). En l’espèce, les pourcentages de redevances ne peuvent être examinés indépendamment de l’assiette de la redevance. La CAF doit se prononcer sur l’équité du tarif dans son ensemble (c. 3.4). On ne sait pas si cette autorité, lorsqu’elle a approuvé les tarifs communs H précédents, a examiné leur équité sous un angle économique ou sous un angle juridique comme expliqué au c. 3.4 (recte: 2.4) ci-dessus. En l’espèce, le pourcentage de redevance est appliqué sur la somme du prix d’entrée et de la boisson alcoolisée la moins chère. Le fait que cette base de calcul ne tienne pas compte des revenus de boissons plus élevés dus à la danse pourrait plaider, du point de vue économique, pour un pourcentage de redevance majoré. Mais la danse nécessite aussi de la place, ce qui influe négativement sur le nombre de visiteurs. Ainsi, les arguments économiques se compensent et ne plaident pas en faveur d’une différenciation du pourcentage par rapport aux événements non dansants. L’argument juridique de la haute intensité de l’utilisation musicale doit aussi être relativisé. Cette intensité s’exprime moins dans les mouvements rythmiques accompagnant la danse que dans la concentration cognitive du public relative à ce qu’il écoute, que l’on rencontre surtout en cas de concert. Les événements dansants ne sont pas seulement formés de danse commune, mais aussi de rencontres, de discussions et de consommations qui amoindrissent l’intensité de l’utilisation musicale. Celle-ci est toutefois plus grande que pour le divertissement d’ambiance (c. 3.6.3). En résumé, il existe certes des arguments objectifs allant dans le sens d’une plus grande intensité de l’utilisation musicale en cas de manifestations dansantes ; mais cet argument juridique doit être mis en relation avec les considérations économiques, qui peuvent rendre floue la différence entre les manifestations dansantes et les autres événements musicaux dans l’industrie de la restauration. Les recourantes n’ont pas suffisamment motivé leurs prétentions sous l’angle de ces aspects économiques (c. 3.6.4). La CAF a eu raison de ne pas comparer le pourcentage du tarif commun H à ceux des autres tarifs, puisque les bases de calcul auxquelles s’appliquent ces pourcentages sont différentes d’un tarif à l’autre (c. 3.7.3). Le grief de constatation inexacte de faits pertinents n’est pas réalisé en l’espèce : la CAF a tenu compte correctement d’une étude, réalisée à la demande des parties, sur les facteurs poussant le public à fréquenter un club ou une soirée dansante (c. 4). [VS]

10 juin 2016

TFB, 10 juin 2016, O2012_043 (d)

Train, brevet, nullité d’un brevet, nouveauté en droit des brevets, confidentialité, obligation implicite de confidentialité, divulgation antérieure, fardeau de l’allégation, fardeau de la preuve ; art. 1 al. 1 LBI, art. 26 al. 1 lit. a LBI, art. 35 al. 1 LBI, art. 35 al. 2 LBI.

Selon la jurisprudence de l’OEB, la communication d’une information technique à un client n’est pas à considérer comme confidentielle. Sans indication expresse que l’information technique transmise doit être conservée secrète et dans le cadre d’une relation commerciale usuelle, la partie communiquant l’information peut admettre que l’information transmise fait partie du domaine public, et le bénéficiaire de l’information compter avec le fait qu’il n’existe aucune limitation concernant l’utilisation de cette information et sa communication à des tiers. Une obligation de confidentialité implicite peut résulter des circonstances dans lesquelles la communication de l’information concernée est intervenue. Elle peut par exemple résulter d’une collaboration aux travaux de recherche et de développement lorsqu’un intérêt commun au maintien de la confidentialité découle clairement de la nature de cette collaboration. L’existence d’une telle obligation implicite de confidentialité ne saurait toutefois être admise à la légère. Elle constitue plutôt l’exception et doit s’imposer comme découlant sans doute possible des circonstances. Il incombe à la partie qui se prévaut de l’existence d’une telle obligation implicite de confidentialité de l’alléguer et de l’établir. En l’absence d’un intérêt tant unilatéral que commun au maintien de la confidentialité d’une information transmise sans réserve, l’existence d’une obligation tacite de confidentialité ne saurait être admise. Le fait que l’information ne soit pas communiquée uniquement à un partenaire commercial potentiel mais également à des tiers parle contre l’existence d’une obligation tacite de confidentialité qui résulterait de la nature particulière de la relation commerciale nouée avec ce partenaire potentiel. Ce d’autant plus lorsque les indications techniques fournies sont si détaillées qu’elles mettent le professionnel, sous réserve de quelques adaptations et modifications usuelles, en situation de réaliser l’objet technique décrit. Lorsque les informations transmises ne consistent pas en un concept au contenu général qui ne pourrait être réalisé que moyennant un important effort de développement, elles ne sauraient avoir été fournies justement en vue d’un tel développement qui comporterait une obligation implicite de confidentialité. Lorsque la communication n’est pas intervenue dans le cadre d’un contrat de mandat mais en réponse à un appel d’offres, les informations transmises n’ont pas à être conservées secrètes (c. 4.7.4). Le brevet délivré est donc nul faute de nouveauté au sens de l’art. 26 al. 1 lit. a LBI en relation avec l’art. 1 al. 1 LBI (c. 4.8). [NT]

16 novembre 2016

TF, 16 novembre 2016, 4B_142/2016 (f)

« Google » ; décision incidente, préjudice irréparable, droit d’être entendu, déni de justice, surveillance de la correspondance, fournisseur d’accès, droit d’auteur, obligation  de dépôt, cybercriminalité, territorialité, entraide internationale, protection des données ; art. 18 CCC, art. 292 CP, art. 265 CPP, art. 269 CPP, art. 1 LSCPT.

Une décision par laquelle l’autorité d’instruction ordonne de produire des pièces est une décision incidente, qui ne peut faire l’objet d’un recours au TF que si elle peut causer un préjudice irréparable. Tel est le cas lorsque l’ordre de production est assorti de la menace des peines prévues à l’art. 292 CP (c. 1.1). Le droit d’être entendu implique notamment l’obligation pour l’autorité de motiver sa décision. Il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, ses motifs. Il peut se limiter à l’examen des questions décisives pour l’issue du litige. En l’espèce, l’autorité n’a pas commis de déni de justice formel (c. 2.1 et 2.2). Le champ d’application de l’art. 269 CPP (surveillance de la correspondance par poste et télécommunication) est défini à l’art. 1 de la loi fédérale sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (LSCPT, RS 780.1). Un simple fournisseur de messagerie électronique n’est pas un fournisseur d’accès à internet au sens de cette disposition. Dans leur teneur actuelle, les art. 269 ss CPP ne s’appliquent donc pas à ce genre de services. En revanche, en cas d’infractions au droit d’auteur commises au moyen d’un compte de messagerie électronique Gmail, les autorités de poursuite pénale peuvent se fonder sur l’art. 265 CPP (obligation de dépôt) pour ordonner la production de l’identité du détenteur du compte, les adresses IP utilisées pour créer ce compte, les logs de connexions et les adresses IP en relation avec ces logs (c. 3.1). La Convention de Budapest sur la cybercriminalité (CCC, RS 0.311.43) repose sur le principe de la territorialité : un Etat n’est pas habilité à prendre des mesures d’instruction et de poursuite pénale sur le territoire d’un autre Etat. Pour ce faire, l’Etat demandeur doit agir par le biais de l’entraide internationale (c. 3.2). Selon l’art. 18 CCC, chaque Etat partie doit habiliter ses autorités à ordonner à une personne présente sur son territoire de communiquer les données informatiques en sa possession ou sous son contrôle. Le lieu de stockage de ces données n’est à lui seul pas déterminant (c. 3.3). En l’espèce, la filiale suisse de Google conteste intervenir, à un titre ou à un autre, lors de l’ouverture ou de l’exploitation d’un compte Gmail, le système de messagerie étant du seul ressort de la société américaine. De plus, le pouvoir de représentation de cette dernière par la société suisse peut être reconnu dans d’autres matières du droit comme la protection des données (cf. ATF 138 II 346), mais non dans le cadre d’une procédure pénale nécessitant l’accès aux données de la messagerie (c. 3.5). Il n’est donc pas démontré que la société suisse ait un accès aux données litigieuses ou une maîtrise sur celle-ci. Or il découle tant de l’art. 18 CCC que de l’art. 265 CPP que la personne visée par l’injonction doit être le possesseur ou le détenteur des données visées, ou tout au moins en avoir le contrôle. La cause doit donc être renvoyée à la cour cantonale pour complément d’instruction sur ce point. S’il devait s’avérer que la société suisse ne peut effectivement pas, en fait et en droit, disposer des données litigieuses, l’autorité n’aurait pas d’autre choix que de recourir à l’entraide judiciaire internationale (c. 3.6). [VS]

18 février 2019

TAF, 18 février 2019, B-1624/2018, B-1699/2018 (d)

« Tarif A radio (Swissperform) » ; tarifs des sociétés de gestion, compétence de la CAF, pouvoir de cognition du TAF, pouvoir de cognition de la CAF, équité du tarif, recettes brutes, déduction des frais d’acquisition de la publicité, procédure devant la CAF, gestion économique, webcasting, simulcasting, streaming, règle du ballet, musique fonction subordonnée ou d’accompagnement, règle prorata temporis, test des trois étapes, triple test, augmentation de redevance, vente de programmes, obligation d’informer les sociétés de gestion; art. 16 WPPT, art. 13 ADPIC, art. 22c LDA, art. 35 al. 1 LDA, art. 40 LDA, art. 45 al. 1 LDA, art. 47 LDA, art. 51 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA.

Le TAF dispose d’un plein pouvoir de cognition et peut aussi examiner l’équité de la décision tarifaire attaquée. Il fait toutefois preuve de retenue là où la CAF, en tant qu’autorité judiciaire spécialisée indépendante, a traité de questions complexes concernant la gestion collective ou a pesé les intérêts en présence tout en respectant l’autonomie des sociétés de gestion. En fin de compte, cela revient à rechercher si la CAF a excédé son pouvoir d’appréciation ou en a abusé (c. 2.2). Les tarifs doivent respecter l’ordre juridique instauré par la loi au sujet des droits exclusifs et des utilisations autorisées, ils ne peuvent pas instaurer des prérogatives incompatibles avec la loi. S’agissant de l’équité dans le cadre de l’ordre légal, ils lient le juge civil et servent de base juridique pour les prétentions civiles des sociétés de gestion (c. 3.1). Dans le cadre de la procédure d’approbation tarifaire, la CAF poursuit le but d’un équilibre objectif des intérêts entre les parties concernées. Celui-ci s’oriente sur les redevances pratiquées sur le marché et sert la sécurité juridique. La CAF n’a pas seulement une compétence d’approbation puisqu’elle peut modifier le tarif sur la base de l’art. 59 al. 2 LDA. Elle doit de plus examiner à titre préjudiciel si les droits mentionnés par le tarif existent, et si les utilisations sont soumises à la surveillance de la Confédération. Dans l’intérêt des utilisateurs, d’après l’art. 47 LDA, elle doit aussi faire en sorte que des utilisations connexes d’un point de vue économique soient si possible réglées par le même tarif, même si elles relèvent de sociétés de gestion différentes. Si toutes les associations d’utilisateurs n’ont pas consenti au tarif, la CAF organise en général une audience. Toutefois, elle ne doit pas interférer dans l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion plus que ne le nécessite un équilibre objectif des intérêts entre ayants droit et utilisateurs. Si plusieurs solutions sont envisageables, la CAF dépasserait ses compétences en imposant la sienne. Elle examine le projet tarifaire avec pleine cognition, mais doit respecter une certaine liberté de disposition des sociétés de gestion et leur autonomie (c. 3.2). Le webcasting se distingue du simulcasting par le fait qu’il n’y a pas de transmission d’un signal d’émission par voie terrestre ou par câble ; la technique du streaming est utilisée. La mise à disposition n’est pas couverte par l’art. 35 al. 1 LDA, sinon l’art. 22c LDA n’aurait aucun sens (c. 4.5.3). La transmission de signaux de programmes par Internet constitue une diffusion ou une retransmission si elle a lieu de manière linéaire, c’est-à-dire si l’utilisateur ne peut pas influencer le déroulement du programme (c. 4.5.4). En l’espèce, le webcasting d’événements isolés transmis originairement par Internet ne constitue pas un acte de diffusion : il a lieu de manière non linéaire car les utilisateurs peuvent choisir le moment de la consultation (c. 4.5.5). L’art. 60 LDA a pour but de permettre aux ayants droit de participer proportionnellement aux revenus générés par les biens protégés, mais il n’empêche pas des différenciations fondées dans la pondération (c. 5.5.2). Réduire de moitié le taux tarifaire lorsque les enregistrements musicaux sont utilisés en même temps qu’une propre prestation rédactionnelle de la SSR compliquerait l’application du tarif et serait difficilement praticable. Pour cette raison, une forfaitisation est possible. La situation n’est pas comparable avec celle du tarif commun H dans l’arrêt B-1736/2014 du 2 septembre 2015. La concentration cognitive des utilisateurs ne constitue pas un critère de fixation de l’indemnité au sens de l’art. 60 LDA (c. 5.5.3). La formulation « en relation avec la diffusion d’émissions » utilisée par l’art. 22c LDA ne contient pas de composante temporelle et doit être comprise de manière fonctionnelle. La condition peut être réalisée même si l’émission reste disponible sur Internet pour une longue période, dépassant 7 jours suivant la première diffusion. Selon l’interprétation fonctionnelle, la condition de l’art. 22c LDA est réalisée lorsque la musique est contenue dans une émission et que cette dernière, et non les morceaux de musique de manière isolée, est mise à disposition sur Internet (c. 6.6.2). Une limitation temporelle n’est pas nécessaire pour que l’art. 22c LDA soit compatible avec le test des trois étapes prévu par les art. 16 al. 2 WPPT et 13 ADPIC (c. 6.6.3 et 6.6.4). Les recettes au sens de l’art. 60 LDA ne correspondent pas au bénéfice, mais au chiffre d’affaires c’est-à-dire au revenu brut. Elles font partie des bases de calcul de la redevance si elles proviennent de l’utilisation des biens protégés. Elles doivent avoir un rapport direct avec les utilisations régies par le tarif (c. 7.5.1). Une déduction forfaitaire sur les recettes brutes est prévue par le tarif commun S. Par conséquent, une telle déduction dans le tarif A radio ne représente pas une dérogation à un principe constant ou un changement de système inutile et injustifié (c. 7.5.2). Cette réglementation correspond à ce que les parties ont convenu à l’amiable jusqu’ici et elle apparaît justifiée vu l’abolition prévue de la possibilité de déduire les frais d’acquisition de la publicité : il faut en effet éviter les augmentations de redevances abruptes (c. 7.5.3). Une déduction forfaitaire facilite en outre l’application du tarif, car elle évite à la SSR de devoir prouver ses frais d’acquisition et à Swissperform de devoir les contrôler. Des forfaitisations sont dans une certaine mesure inévitables en matière tarifaire (c. 7.5.4). Les recettes provenant de la vente de programmes sans musique ne sont pas dans un rapport direct avec l’activité de diffusion. En effet, les phonogrammes disponibles sur le marché ne contribuent pas à ces recettes (c. 8.6.2). D’après la systématique de l’art. 60 LDA, il faut d’abord déterminer les bases de calcul de la redevance – alinéa 1 – puis ensuite fixer la participation des ayants droit – alinéa 2. Les deux étapes poursuivent toutefois l’objectif d’une indemnité équitable. Il n’y a pas d’ordre de priorité entre les deux et le principe de la participation des ayants droit peut aussi servir à fixer les recettes prises en compte pour calculer la redevance. Cela ne conduit pas à une double déduction. Les frais pour déterminer les programmes sans musique devraient rester raisonnables, si bien que l’art. 45 LDA est respecté (c. 8.6.3). Le devoir d’information selon l’art. 51 LDA englobe tout ce qui permet aux sociétés de gestion de connaître les œuvres utilisées et l’ampleur de l’utilisation. Il n’existe cependant que dans la mesure du raisonnable. Il faut entendre par là qu’il ne doit pas occasionner des coûts disproportionnés pour l’utilisateur d’œuvres (c. 9.6.2). Le tarif prévoit que le code ISRC doit être annoncé s’il est livré à la SSR en même temps que l’enregistrement, ou après coup en référence à un enregistrement donné (c. 9.6.3). Le but de la gestion collective est notamment un encaissement simple, praticable et prévisible des redevances, ce qui est aussi dans l’intérêt des utilisateurs. Pour cette raison, l’interprétation de l’art. 51 al. 1 LDA doit tenir compte de l’art. 45 al. 1 LDA, qui oblige les sociétés de gestion à administrer leurs affaires selon les règles d’une gestion saine et économique. Le code ISRC s’est imposé comme un standard mondial pour les enregistrements musicaux. Il est juste que la SSR doive le fournir à Swissperform, lorsqu’elle l’a reçu, car ce code est nécessaire pour assurer à long terme une gestion saine et économique. Dans son arrêt 2A.539/1996 du 20 juin 1997, c. 6b, le TF a aussi estimé qu’un tarif pouvait obliger les utilisateurs à fournir des codes d’identification (c. 9.6.4). Les coûts pour la SSR paraissent raisonnables (c. 9.6.5). Un tarif peut contenir des règles sur les obligations d’annonce et sur les conséquences en cas d’inobservation. L’exécution du devoir d’information a lieu par la voie civile. Vu l’importance du code ISRC dans le secteur musical et son rôle pour assurer une gestion saine et économique, le tarif peut renforcer le devoir d’information en mettant à la charge de la SSR les frais de recherche démontrés dus à une violation de son obligation de déclarer le code ISRC (c. 10.5.2). [VS]

23 mai 2019

TAF, 23 mai 2019, B-5852/2017 (d)

« Tarif commun 3a » ; tarifs des sociétés de gestion, compétence matérielle, Commission arbitrale fédérale, pouvoir de cognition du TAF, pouvoir de cognition de la CAF, pouvoir d’appréciation, équité du tarif, autonomie des sociétés de gestion, obligation de collaborer, comparaison avec l’étranger, valeur litigieuse, conclusion nouvelle ; art. 13 al. 1 lit. b PA, art. 52 PA, art. 53 PA, art. 46 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA.

Les recourantes ont suffisamment motivé leur contestation de la prolongation de l’ancien tarif jusqu’à l’entrée en vigueur du nouveau, si bien que l’art. 52 al. 1 PA est respecté (c. 1.2). L’objet du litige en procédure de recours ne peut que correspondre à celui qui était ou aurait dû être débattu en première instance. Il peut être restreint, mais ne peut pas être étendu ou modifié. Exceptionnellement, des conclusions nouvelles sont recevables pour des raisons d’économie de la procédure, si elles ont un rapport très étroit avec l’objet du litige en première instance, et si l’autorité inférieure s’est prononcée sur les nouvelles questions litigieuses. Une fois que le délai de recours est écoulé, les conclusions ne peuvent plus être étendues, mais seulement diminuées ou précisées, sous réserve des art. 52 al. 2 et 53 PA (c. 1.3.2). Le projet de tarif présenté par les recourantes dans leurs conclusions principales n’a pas été négocié, les recourantes ne sont pas légitimées à en demander l’approbation d’après l’art. 46 LDA et ce tarif ne formait pas l’objet de la procédure de première instance. Les conclusions principales sont donc irrecevables (c. 1.3.4). La CAF examine un projet tarifaire avec pleine cognition, mais elle doit respecter une certaine liberté de disposition des sociétés de gestion. Elle ne doit pas interférer dans leur autonomie tarifaire plus que ne le nécessite un équilibre objectif des intérêts entre ayants droit et utilisateurs. Si plusieurs solutions sont envisageables, la CAF dépasserait ses compétences en imposant la sienne (c. 2.1). Un tarif est équitable lorsqu’il repose sur un équilibre approprié, semblable en substance à ce qui aurait découlé d’un accord entre les parties dans une situation de concurrence. L’équité se détermine d’après le rapport entre la redevance tarifaire et les recettes de l’utilisateur, à défaut ses frais, et d’après le choix des bases de calcul. Les difficultés d’application sont à prendre en compte. Des forfaits et des approximations sont admissibles pour mieux couvrir toutes les utilisations et améliorer la praticabilité (c. 2.2). Le TAF dispose d’un plein pouvoir de cognition et peut aussi examiner l’équité de la décision tarifaire attaquée. Il fait toutefois preuve de retenue là où la CAF, en tant qu’autorité judiciaire spécialisée indépendante, a traité de questions complexes concernant la gestion collective ou a pesé les intérêts en présence tout en respectant l’autonomie des sociétés de gestion. Le TAF vérifie si la CAF a appliqué correctement les critères parfois très ouverts de l’art. 60 LDA. Mais il restreint son pouvoir d’examen concernant la question - partiellement non justiciable - de la pondération des différents critères dans le cas concret et de leur influence chiffrée sur le tarif à approuver. En fin de compte, cela revient à rechercher si la CAF a excédé son pouvoir d’appréciation ou en a abusé (c. 2.3). La doctrine estime qu’il est correct de tenir compte des difficultés ou des facilités dans l’encaissement des redevances par des suppléments ou des rabais tarifaires. Jusqu’à la fin de l’année 2018, le tarif commun 3a (TC 3a) était encaissé par Billag SA pour le compte des sociétés de gestion. Il y avait des synergies avec la perception de la redevance prévue par la LRTV, notamment parce que Billag SA bénéficiait d’un accès gratuit aux registres cantonaux et communaux des habitants d’après l’art. 69 al. 2 aLRTV. Le nouvel organe d’encaissement selon la LRTV a l’interdiction d’exercer une autre activité économique, d’après l’art. 69e al. 3 LRTV, et il ne peut donc plus gérer le TC 3a. Quant à elle, Billag SA n’a plus accès aux registres des habitants et aux banques de données de la Confédération, si bien qu’elle ne pourrait plus percevoir les redevances du TC 3a à des conditions aussi favorables que dans le passé. Cela vaut aussi pour d’éventuelles autres sociétés d’encaissement. Le choix de SUISA pour remplacer Billag SA n’est pas critiquable vu l’autonomie des sociétés de gestion, d’autant que SUISA a déjà encaissé une partie des redevances du TC 3a par le passé et que la gestion de droits d’auteur est son activité habituelle. Les intimées ont démontré que la disparition des synergies précitées occasionnerait des coûts supplémentaires d’environ CHF 2 mios. On ne peut pas reprocher à SUISA d’être inefficiente. Comme l’encaissement du TC 3a, et donc le niveau de la redevance, doivent être adaptés à la révision de la LRTV, les taux tarifaires prévus par l’ancien tarif en cas d’encaissement par Billag SA ne peuvent servir de point de départ pour le contrôle de l’équité. Ce contrôle doit être effectué à partir des taux prévus en cas d’encaissement par SUISA, qui ont été approuvés par la CAF en 2007 déjà et qui ont été plusieurs fois prolongés avec l’accord des utilisateurs. L’objection des recourantes selon laquelle ces taux ont été négligés durant les négociations passées, parce qu’ils ne concernaient qu’un petit nombre de personnes, ne convainc pas. Le fait que les recettes procurées par le TC 3a aient augmenté depuis 2000 peut s’expliquer par un meilleur contrôle du marché de Billag SA et par une augmentation du nombre d’utilisateurs. Il ne démontre pas que le tarif est inéquitable, pas plus que les augmentations tarifaires entre 1996 et 2007 ou que l’avis du préposé à la surveillance des prix de 2007 (c. 5.1). Les recourantes critiquent les chiffres des intimées sur les coûts d’utilisation au sens de l’art. 60 LDA, mais elles ne produisent aucun moyen de preuve. D’après leur devoir de collaboration selon l’art. 13 al. 1 lit. b PA, particulièrement important en procédure tarifaire, ce serait pourtant à elles de démontrer par des chiffres et des statistiques les faits sur lesquels le tarif doit se fonder. La diminution des coûts des appareils de réception et le renchérissement négatif ont été pris en compte pour calculer les redevances du nouveau tarif. Les recourantes n’ont pas démontré que d’autres coûts déterminants auraient baissé. Ni la situation économique des utilisateurs, ni la force du franc suisse ne sont des critères pertinents pour apprécier l’équité, car les utilisateurs sont libres de renoncer aux utilisations d’œuvres et parce que l’équité des redevances (aussi pour des ayants droit à l’étranger) ne peut pas dépendre des taux de change (c. 5.2). Les recourantes ne peuvent pas en appeler à l’expérience générale de la vie au lieu de produire leurs propres chiffres et statistiques. Il ressort des calculs et études des intimées que le nouveau tarif respecte les pourcentages maximaux de l’art. 60 al. 2 LDA. Une baisse des redevances ne se justifie pas, celles-ci se situant à un bas niveau par rapport à celles pratiquées à l’étranger. La comparaison avec l’étranger est en effet un critère reconnu par le Tribunal fédéral. L’autorité inférieure a également admis à juste titre que les obligations internationales de la Suisse s’opposaient à une nouvelle baisse du tarif (c. 5.3). C’est à bon droit que la CAF a approuvé le nouveau tarif et a prolongé l’ancien jusqu’à son entrée en vigueur, pour éviter un vide tarifaire (c. 5.4). La valeur litigieuse correspond à la différence entre le tarif approuvé par la CAF et celui voulu par les recourantes, pour la période de validité prévue. Une réduction pour tenir compte de la seule part concernant les recourantes ne se justifie pas, car le tarif ne vaut pas seulement pour les parties à la procédure (c. 6.2). [VS]