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  • Obligation

29 mai 2019

TF, 29 mai 2018, 4A_12/2018 (d)

Harry Potter, préservatif, produits pornographiques, marque combinée, remise du gain, fourniture de renseignements, jugement partiel, action échelonnée, obligation de renseigner, intérêt digne de protection, fardeau de la preuve, fardeau de l’allégation, appréciation des preuves, arbitraire, maxime des débats, participation à l’administration des preuves, droit d’être entendu ; art. 9 Cst., art. 29 al. 2 Cst., art. 8 CC, art. 42 al. 2 CO, art. 55 CPC, art. 59 al. 2 lit. a CPC, art. 164 CPC ; cf. N415 (vol. 2007-2011 ; KGSZ, 17 août 2010, ZH 2008 19 ; sic ! 2/2011, p. 108-110, « Harry Potter / Harry Popper (fig.) ») ; N900 (TF, 7 novembre 2013, 4A_224/2013 ; sic ! 3/2014, p. 162-163, « Harry Potter / Harry Popper (fig.) II ») et N902 (TF, 26 janvier 2015, 4A_552/2014).

Selon l’art. 42 al. 2 CO, le dommage qui ne peut pas être exactement établi doit être déterminé par le Juge équitablement en considération du cours ordinaire des choses et des mesures prises par le lésé. Hormis dans le cas rare de la prise en compte des principes abstraits déduits de l’expérience, cette détermination équitable du dommage se base sur une appréciation de l’état de fait et relève ainsi de la détermination des faits qui n’est revue par le TF qu’en cas d’arbitraire. Il incombe au Juge dans le cadre d’un exercice correct de sa liberté d’appréciation de faire la lumière sur les critères de décision dont il envisage de tenir compte, respectivement sur ceux pour lesquels il a besoin d’informations complémentaires. La latitude donnée au Juge de considérer le dommage comme établi sur la base d’une simple estimation n’a pas pour but d’exonérer le demandeur de manière générale du fardeau de la preuve, ni non plus de lui conférer la possibilité d’élever des prétentions en dommages et intérêts de n’importe quelle hauteur sans avoir à fournir de plus amples indications. Bien au contraire, l’application de cette disposition ne le dispense pas d’alléguer, dans toute la mesure possible et exigible, toutes les circonstances qui constituent un indice de l’existence d’un dommage et en permettent la détermination. L’art. 42 al. 2 CO ne libère pas le demandeur de son obligation d’étayer sa réclamation. Les circonstances alléguées doivent être de nature à justifier suffisamment l’existence d’un dommage, ainsi qu’à en rendre l’ordre de grandeur saisissable. Cela vaut aussi en cas de réclamation de la remise du gain en ce qui concerne les circonstances que la partie chargée du fardeau de la preuve souhaite invoquer concernant la réalisation d’un gain, respectivement sa diminution. Un établissement exact des faits ne doit cependant pas être exigé dans les cas où l’art. 42 al. 2 CO s’applique, dans la mesure où l’allégement du fardeau de la preuve consacré en faveur du demandeur par cette disposition comporte aussi une limitation du fardeau de l’allégation et de l’étayement des faits (« Substanziierung ») (c. 3.1). Du moment qu’en dépit de l’obligation qui découlait pour elle du jugement partiel précédent, la recourante refusait de communiquer à l’autre partie les informations nécessaires pour établir le montant du gain que cette dernière ne pouvait pas fournir, l’instance cantonale n’a pas violé le droit fédéral en fixant le gain dans le cadre d’une application par analogie de l’art. 42 al. 2 CO et en le déterminant en fonction de l’ensemble des circonstances. Il n’est pas nécessaire pour permettre de recourir à une telle application par analogie de l’art. 42 al. 2 CO de se trouver en présence d’un refus injustifié de collaborer au sens de l’art. 164 CPC (c. 3.5). Le respect du droit d’être entendu au sens de l’art. 29 al. 2 Cst. implique que le tribunal entende, examine et prenne en compte dans son processus décisionnel les éléments avancés par celui que la décision atteint dans ses droits. Le jugement doit être motivé pour que les parties puissent se faire une idée des considérants du tribunal. La motivation doit mentionner de manière succincte les considérations qui ont guidé le tribunal et sur lesquelles il fonde son jugement. Il n’est par contre pas nécessaire que la décision passe en revue de manière détaillée et réfute chacun des arguments soulevés par les parties. Il suffit que le jugement soit motivé de telle sorte qu’il puisse, le cas échéant, être contesté de manière adéquate. Le fait qu’une autre solution ait pu entrer en ligne de compte ou même être préférable n’est pas déjà constitutif d’arbitraire. Tel n’est le cas que lorsque le jugement attaqué est manifestement insoutenable, en contradiction claire avec la situation de fait, viole crassement une norme ou un principe de droit incontesté ou contrevient d’une manière choquante aux principes de la justice (c. 4.1). [NT]

31 octobre 2018

Appellationsgericht des Kantons Basel-Stadt, 31 octobre 2018, ZK.2017.2 (d)

sic! 6/2019, p. 367-375, « Lichtgestalten »; action en constatation, action en interdiction, qualité pour agir, licence exclusive, droit de citation, droit à l’intégrité de l’œuvre, intégrité de l’œuvre, publication du jugement, tort moral, action en remise du gain, remise du gain, action en dommages-intérêts, dommage, preuve du dommage, obligation de renseigner, fixation du dommage ; art. 41 CO, art. 49 CO, art. 423 CO, art. 11 al. 1 LDA, art. 11 al. 2 LDA, art. 25 LDA, art. 61 LDA, art. 62 al. 1 lit. a LDA, art. 62 al. 2 LDA, art. 62 al. 3 LDA, art. 66 LDA.

La mise en œuvre de droits à rémunération s’avère en général difficile dans le domaine du droit d’auteur. Si l’action en constatation était subsidiaire par rapport à l’action en exécution d’une prestation, il y aurait en l’espèce un risque important qu’elle soit irrecevable faute d’intérêt et que l’action en remise du gain soit rejetée en raison de l’inexistence d’un gain, quand bien même il y a apparemment une violation du droit d’auteur. De plus, la jurisprudence sur la subsidiarité de l’action en constatation a pour but d’éviter plusieurs procès successifs, d’abord en constatation puis en exécution. En l’espèce, ces considérations d’économie de la procédure ne valent pas puisque les demandeurs font valoir les deux actions dans le même procès. Enfin, la constatation peut offrir une protection juridique d’une autre nature ou supplémentaire par rapport à l’action en exécution. Il y a donc en l’espèce un intérêt à la constatation (c. 2.1). L’action en constatation n’est pas liée à la titularité du droit invoqué, mais à la preuve d’un intérêt. Elle est normalement à disposition du licencié exclusif lorsque son droit relatif dépend du droit d’auteur à constater. S’agissant de l’action en exécution d’une prestation, la qualité pour agir du licencié exclusif résulte de l’art. 62 al. 3 LDA (c. 2.2). Une citation au sens de l’art. 25 LDA doit servir de commentaire, de référence ou d’illustration. Elle ne doit pas avoir un but autonome, mais une fonction de justification. Il doit exister, d’une part, un rapport matériel entre l’œuvre citée et la représentation propre ; d’autre part, la citation doit être d’importance subordonnée. Si le texte cité suscite un intérêt principal, l’art. 25 LDA n’est pas applicable (c. 3.2). En l’espèce, les conditions d’application de l’art. 25 LDA ne sont pas remplies (c. 3.3). Le doit à l’intégrité de l’œuvre vaut aussi bien pour les petites modifications que pour les grandes. Il est violé par toute modification non autorisée. En l’espèce, il n’est donc pas nécessaire de déterminer si les modifications sont seulement marginales, comme le prétend la défenderesse (c. 4.2). Une citation falsifiée, ou sortie de son contexte de sorte à présenter l’auteur sous un autre jour, est inadmissible au même titre qu’une utilisation de l’œuvre dans un contexte rejeté par l’auteur. Une altération portant atteinte à la personnalité, au sens de l’art. 11 al. 2 LDA, ne sera reconnue que pour les modifications importantes ayant des conséquences négatives, et cela de manière restrictive. Il s’agira alors d’une forme de détérioration particulièrement grave, d’une falsification flagrante du contenu de l’expression intellectuelle, cette dernière se manifestant dans l’œuvre en tant qu’émanation de la personnalité de l’auteur. Il n’y a pas une telle altération en l’espèce (c. 4.3). L’action en interdiction de l’art. 62 al. 1 lit. a LDA suppose un intérêt à la protection actuel et suffisant. Celui-ci existera en cas de mise en danger concrète du droit, c’est-à-dire lorsqu’une violation future est sérieusement à craindre. Les conclusions en interdiction doivent viser des actes concrets réservés à l’auteur d’après l’art. 10 LDA et elles doivent être rédigées précisément, de sorte que les actes interdits soient sans autre reconnaissables pour la partie défenderesse et les autorités d’exécution (c. 5.2). Etant donné que la défenderesse conteste l’illicéité de son comportement, il y a un risque de récidive donc un intérêt actuel et suffisant pour demander l’interdiction (c. 5.3). La fonction première d’une publication du jugement est de mettre fin à la violation du droit d’auteur. Pour l’ordonner, le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Il devra peser les intérêts divergents des parties et s’orienter sur le principe de la proportionnalité. Les demandeurs devront avoir un intérêt à la publication, par exemple le besoin d’informer un cercle de personnes dépassant leurs proches des violations constatées du droit d’auteur, afin de mettre fin au trouble ou à la confusion sur le marché. Une publication pourra être opportune lorsque la partie violant les droits conteste l’illicéité de son comportement, de sorte que d’autres atteintes sont à craindre. En revanche, on pourra renoncer à la publication si les violations datent déjà de quelques temps ou qu’elles n’ont pas eu de retentissement, ni chez les professionnels ni dans le public. En l’espèce, les violations n’ont pas fait de bruit et n’ont pas occasionné de confusion au sein des lecteurs, si bien qu’une publication du jugement serait injustifiée (c. 6). Comme il n’y a aucune altération au sens de l’art. 11 al. 2 LDA, l’atteinte à l’intégrité de l’œuvre n’est pas suffisamment grave pour fonder une indemnité pour tort moral selon l’art. 49 al. 1 CO (c. 7). Un droit à la remise du gain selon l’art. 423 CO suppose qu’une personne s’approprie une affaire, c’est-à-dire intervienne dans la sphère juridique d’autrui et en retire un gain de manière causale. La personne doit également agir de mauvaise foi, ce qui est le cas en l’espèce. C’est le gain net qui est pris en considération, c’est-à-dire que les frais du gérant sont déduits du montant brut. Ce dernier devra être prouvé par le lésé, tandis que le gérant supportera le fardeau de la preuve de ses frais. Dans la présente affaire, l’action en remise de gain serait justifiée, si bien que le titulaire du droit d’auteur doit être renseigné par la défenderesse sur les éventuels gains qu’elle a réalisés. Ce droit n’appartient pas au licencié exclusif, qui n’est pas habilité à demander la remise du gain (c. 8.2). La fixation du dommage selon la méthode de l’analogie avec la licence nécessite que le titulaire du droit d’auteur ait été prêt à autoriser l’utilisation de l’œuvre. Elle ne dispense pas le demandeur de prouver l’existence d’un dommage. Il faut donc encore examiner si le demandeur aurait été prêt à conclure un contrat de licence (c. 8.3). [VS]

03 novembre 2016

TAF, 3 novembre 2016, B-2217/2014 (d)

sic! 4/2017, p. 209-216 , « Bond St. 22 London (fig.) » ; motifs absolus d’exclusion, signe appartenant au domaine public, signe trompeur, signe combiné, signe descriptif, cercle des destinataires pertinent, grand public, intermédiaires, spécialiste de la branche du tabac, degré d’attention moyen, nom géographique, Londres, Grande-Bretagne, Bond Street, indication de provenance, lieu de fabrication, lieu de production, vocabulaire anglais de base, bond, st., force distinctive faible, règle de l’expérience, établissement des faits, moyen de preuve, preuve, fardeau de la preuve, obligation de collaborer, droit d’être entendu, maxime inquisitoire, constatation des faits, droit à un procès équitable, fait négatif, procédure d’enregistrement, vraisemblance, secondary meaning, risque de tromperie, tabac, cigarette, recours rejeté ; art. 29 al. 1 Cst., art. 12 PA, art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. c LPM, art. 47 al. 1 LPM, art. 47 al. 2 LPM.

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BOND ST. 22 LONDON (fig.

Demande d’enregistrement N°52765/2012 BOND ST. 22 LONDON (fig.)


Demande d’enregistrement N°52765/2012 BOND ST. 22 LONDON (fig.)

Liste des produits et services revendiqués

Classe 34 : Tabac, brut ou manufacturé; produits du tabac, y compris cigares, cigarettes, cigarillos, tabac pour cigarettes à rouler soi-même, tabac pour pipe, tabac à chiquer, tabac à priser, kretek; snus; succédanés du tabac (à l'usage non médical); articles pour fumeurs, y compris papier à cigarettes et tubes, filtres pour cigarettes, boîtes pour tabac, étuis à cigarettes et cendriers, pipes, appareils de poche à rouler les cigarettes, briquets; allumettes.

Cercle des destinataires pertinent

Les destinataires pour les produits revendiqués sont les spécialistes du tabac et les intermédiaires de ce domaine, ainsi que les fumeurs âgés de 16 ans et plus. Les fumeurs font preuve d’un degré d’attention moyen lorsqu’ils achètent les produits revendiqués (c. 3.1).

Motif absolu d’exclusion examiné 

signe appartement au domaine public, art. 2 lit. a LPM ; signe propre à induire en erreur, art. 2 lit. c LPM.

Conclusion

Le terme anglais « BOND », signifiant « obligation » ou « caution » et l'abréviation « ST. », signifiant entre autres « rue », appartiennent tous deux au vocabulaire anglais de base. Londres compte plusieurs rues portant le nom de « Bond ». En 1847, le marchand de tabac Philip Morris ouvre son premier magasin au 22, rue Bond. A partir de 1854, il fabrique ses propres cigarettes, qu'il met en vente à la même adresse. Bond Street, dans le quartier londonien de Mayfair s'est forgé une réputation de rue commerçante coûteuse avec des boutiques élégantes proposant des marques exclusives, des bijoux, de l'art et des antiquités dans les segments du prestige et du luxe. Les parties s'accordent à reconnaître que Londres est connue du public concerné en tant que capitale du Royaume-Uni et de l'Angleterre (c. 3.2). En règle générale, les rectangles et les lignes sont considérés comme des traits faiblement individualisants, et appartiennent au domaine public. Le fait que ces mêmes formes géométriques simples soient utilisées pour présenter les produits du tabac n’y change rien. Il ne peut pas être considéré que la marque jouit d’un caractère distinctif original suffisant pour identifier les produits revendiqués, en raison du clair contenu géographique descriptif qu'elle contient et du manque d’originalité dans la représentation du signe (c. 3.4). Contrairement à ce qu’affirme la demanderesse, les règles d’expérience (Erfahrungssatz) en matière d’indications de provenance ne sont pas dépourvues de fondement légal. Elles découlent, d’une part, du choix du législateur de ne pas formuler positivement de critères de détermination d’une indication de provenance à l’art. 47 al. 1 LPM et, d’autre part, de la définition négative des indications de provenance de l’art. 47 al. 2 LPM. La conclusion qui en est tirée, selon laquelle les dénominations géographiques connues doivent être considérées comme des indications de provenance aussi longtemps que d’autres circonstances ne viennent pas exclure cette interprétation est conforme au concept normatif et à la ratio legis de l'article 47 LPM (c. 4.2). La demanderesse considère que l’application des règles d’expérience est insoutenable, car elles n’ont pas été confirmées empiriquement. Dans la mesure où la demanderesse cherche à invalider le recours des autorités judiciaires à « l’expérience générale de la vie », elle ne peut être suivie (c. 4.3). La demanderesse se plaint d’une violation du principe de la répartition du fardeau de la preuve (art. 8 CC) ainsi que d’une constatation incomplète des faits (art. 12 PA) et d’une violation de son droit à un procès équitable (art. 29 al. 1 Cst.). Selon elle, le recours aux règles d’expérience libère, d’une part, les autorités et les juges d’établir la preuve positive d'une compréhension en tant que lieu de provenance par les destinataires et, d'autre part, contraint la demanderesse à apporter la preuve d’un fait négatif, ce qui constitue une « froide inversion » du fardeau de la preuve (c. 4.4). La demanderesse néglige le fait que les règles d’expérience critiquées concernent principalement l'évaluation libre des indices, preuves indirectes et preuves à prima facie, et ne contiennent pas de règle sur la répartition de la charge de la preuve. Les faits internes – tels que la compréhension et les attentes présumées du public concerné – ne peuvent généralement pas être prouvés directement, mais seulement indirectement au moyen d’indices. Ces difficultés procédurales sont prises en compte dans la procédure d'enregistrement, dans la mesure où il suffit, grâce à l’exigence de preuve réduite, que le plaignant expose de manière crédible une ou plusieurs raisons de douter de l'exactitude des preuves recueillies par l’instance précédente lors de l’examen de demandes d’enregistrement de marques ou de ses conclusions. La demanderesse n’est ainsi tenue de fournir que des indications objectivement compréhensibles qui, avec un degré de probabilité suffisant (vraisemblance), permettent de conclure à l'existence des faits qu’elle allègue. L’allégation de la demanderesse selon laquelle la charge de la preuve est inversée est donc infondée (c. 4.4.1). Selon la demanderesse, la maxime inquisitoire énoncée à l'art. 12 PA exige que des éléments de preuve soient également recueillis pour étayer les présomptions qui sous-tendent la décision, si l'autorité n'a pas une connaissance fiable de certains événements ou de leurs causes et effets. La maxime inquisitoire ne modifie pas la répartition de la charge de la preuve. Selon la règle de la charge de la preuve de l'art. 8 CC, qui s'applique également en droit public, les conséquences d'un défaut de preuve sont à la charge de celui qui tire ses droits d'un fait qui n'a pas été prouvé ou qui n'a pas été justifié selon le niveau de preuve applicable. Le Tribunal administratif fédéral examine si la juridiction inférieure a recueilli et apprécié l'ensemble des éléments de preuve raisonnablement disponibles, dans la mesure où ils ne concernent pas des faits généralement notoires. Cet examen porte notamment sur les éléments de preuve qui montrent que le public cible associe la marque à une provenance géographique des produits et services. Cela n’exclut pas la preuve d’une perception différente par le public cible. Des données probantes appropriées peuvent à tout moment compléter ou corriger les règles d’expérience utilisées. Cela doit néanmoins être établi par la demanderesse, et elle supporte les conséquences de l'absence de preuve. L'application erronée des règles d’expérience est susceptible de contrôle judiciaire (c. 4.4.2). Au vu de ce qui précède, les griefs de violation des articles 29 al. 1 Cst., 12 PA et 8 CC s'avèrent infondés (c. 4.4.4). Selon la volonté expresse du législateur, les conceptions de qualité spéciale ou de valeur ajoutée ne sont pas pertinentes pour la détermination d'une attente du public cible quant à la provenance des produits et services revendiqués (c. 4.5.1). Dans ATF 132 III 770 « Colorado (fig.) », le Tribunal fédéral a examiné l'applicabilité des règles d’expérience indépendamment du concept de qualité, et a depuis confirmé cette pratique dans une jurisprudence constante. Il n’y a pas de raison sérieuse de modifier cette pratique (c. 4.5.2). Il est vrai qu'il existe des sites de production, de fabrication et de commerce moins chers que Londres ou la Grande-Bretagne. Toutefois, aucune impossibilité objective, au sens juridique du terme, au-delà de toute probabilité, ne peut être tirée d'un argument d'efficience économique (c. 5.1.1). La demanderesse soutient sans succès, à défaut d’avancer des arguments convaincants ou de produire des moyens de preuve que, sur le plan symbolique, le signe représente un certain mode de vie et une certaine attitude face à la vie (c. 5.2). De même, la demanderesse allègue sans le prouver que « BOND ST. 22 LONDON » remplit sa fonction d’identification d’une entreprise, puisqu’elle constitue une référence connue et comprise à l’origine de l’entreprise, qui est une marque culte de renommée mondiale (c. 5.3 et 5.3.1). Les moyens de preuve produits ne permettent pas de prouver l’établissement d’un secondary meaning (c. 5.3.2). S’il est vrai que de nombreux produits du tabac sont étiquetés avec des noms géographiques, l'hypothèse selon laquelle, en conséquence de cela, les clients ciblés reconnaissent une référence d’entreprise concrète dans le signe litigieux au lieu d’une indication d’origine n’est pas convaincante. Cet argument quantitatif suggère plutôt que l’origine géographique joue un rôle particulier en relation avec les produits de la classe 34 (c. 5.4.1). La marque « BOND ST. 22 LONDRES (fig.) » possède dans l’esprit du public concerné une signification claire d'indication de provenance pour la fabrication et la distribution en gros de produits du tabac, voire même de référence à la provenance des matières premières. En tant qu'indication directe de l'origine, la marque appartient donc au domaine public et n'est pas enregistrable. En ce qui concerne le caractère distinctif, la marque combinée ne possède pas le niveau de stylisation suffisant pour surmonter le caractère descriptif du signe (c. 7.1).En conséquence, il existe un risque de tromperie au sens de l'art. 2 let. c et des art. 47ss LPM (c. 7.2). Le recours est rejeté (c. 8). [AC]

14 novembre 2016

TAF, 14 novembre 2016, B-3756/2015 (d)

sic! 4/2017, p. 218 (rés.), « Moto| Motoma (fig.) » ; motifs relatifs d’exclusion, cercle des destinataires pertinent, grand public, degré d’attention accru, marque verbale, similarité des produits ou services, identité des produits ou services, similarité des signes, similarité des signes sur le plan sonore, similarité des signes sur le plan sémantique, similarité des signes sur le plan visuel, force distinctive normale, risque de confusion admis, procédure d’opposition, maxime d’office, obligation de collaborer, échange d’écritures, moyens de preuve, marque de série, marque notoirement connue, étendue de la protection, stylisation graphique, batterie, chargeur de batterie, motorcycle, motocyclettes, smartphone, téléphone mobile, X, extra, cross, recours admis ; art. 12 PA, art. 13 al. 1 PA, art. 3 al. 1 lit. c LPM.

Marque(s) attaqué(s)
Marque(s) opposante(s)
motoma.jpg

MOTO

Classe 9 : Accumulateurs électriques pour véhicules; batteries d'accumulateurs électriques pour véhicules; bacs d'accumulateurs; bacs de batterie; batteries pour l'éclairage; batteries d'anodes; piles galvaniques; cellules photovoltaïques; piles solaires; batteries électriques; accumulateurs électriques; chargeurs de batterie.

Première marque :

Classe 9 : Batteries, chargeurs de batterie, chargeurs électriques (adaptateurs) ; toutes les marchandises ci-dessus non destinées aux motocycles


Seconde marque :

Classe 9: Téléphones portables, smartphones et leurs accessoires, à savoir chargeurs de batterie et adaptateurs de courant.

Contenu de la décision

Produits faisant l’objet de l’opposition

Produits enregistrés en classe 9.

Cercle des destinataires pertinent et degré d’attention des consommateurs

Les piles, les chargeurs de piles, les chargeurs électriques (adaptateurs), les téléphones mobiles, les smartphones et leurs accessoires couverts par les marques en conflit sont destinés au grand public, à l’exception des enfants. Les piles et les chargeurs sont achetés en vue de leur utilisation prévue, ce qui accroît l'attention des consommateurs en raison de la compatibilité nécessaire avec l'appareil fonctionnant sur pile ou à charger et du but spécifique de l'utilisation. Il faut supposer qu'une grande attention est accordée à l'achat de téléphones mobiles et d'accessoires compatibles avec ceux-ci, car il s'agit d'achats coûteux, généralement destinés à une utilisation plus longue et dont le fonctionnement et l'équipement sont vérifiés avant l'achat (c. 4).

Identité/similarité des produits et services

Les produits revendiqués sont très similaires, et partiellement identiques (c. 5).

Similarité des signes

La marque attaquée doit être traitée comme une marque verbale, car son graphisme est marginal. L'élément commun aux trois signes « MOTO » conduit à une similarité des signes sur les plans visuel, phonétique et sémantique. La signification de « moto » en tant qu'abréviation de « motocyclette » en français et en italien reste reconnaissable dans la marque attaquée. La titulaire de la marque attaquée n’est pas convaincante lorsqu’elle prétend qu’il s’agit d’une marque de série. Les signes sont similaires (c. 6.1-6.3).

Force distinctive des signes opposés

Force distinctive de la marque attaquée


La force distinctive de la marque attaquée est normale (c. 7.4).

Force distinctive de la marque opposante et champ de protection

La force distinctive des marques opposantes est normale (c. 7.4).

Risques de confusion admis ou rejetés / motifs

Compte tenu de la similarité des signes, de la force distinctive normale des marques opposantes et de la forte similarité des produits revendiqués, le risque de confusion est admis (c. 7.4).

Divers

Dans la procédure d'opposition, la maxime d’office de l'art. 12 PA est limitée par l'obligation de coopération des parties (art. 13 al. 1 PA). Le caractère notoire d’une marque et l'étendue de son champ de protection qui en résulte ne sont pas constatés d’office, mais doivent être prouvés par la partie adverse. Étant donné qu'un seul échange d’écritures a lieu dans le cadre d'une procédure d'opposition, toutes les allégations pertinentes doivent déjà figurer dans l’opposition et être suffisamment étayées par les moyens de preuves correspondants (c. 2.3). En lien avec l’élément « MOTO », le « X » de la marque opposante prend le sens de « Extra » ou « Cross » (c. 6.3).

Conclusion : le signe attaqué est enregistré / refusé

Le recours est admis, la décision attaquée doit être annulée et l’IPI doit refuser à l’enregistrement le signe attaqué pour tous les produits de la classe 9 (c. 7.4). [AC]

21 janvier 2020

HG AG, 21 janvier 2020, HOR.2019.9/ts/ts (d)

« Responsabilité de l’organe d’une association » ; responsabilité, violation des droits de propriété intellectuelle, dommage, preuve du dommage, faute, fixation du dommage, tarifs des sociétés de gestion, tarif contraignant pour les tribunaux, obligation d’informer les sociétés de gestion, estimation de la redevance ; art. 55 al. 3 CC, art. 41 CO, art. 10 LDA, art. 35 LDA, art. 51 al. 1 LDA, art. 59 al. 3 LDA, art. 62 al. 2 LDA.

 Les organes d’une personne morale sont personnellement responsables de leurs fautes d’après l’art. 55 al. 3 CC. Tel est le cas lorsque le comportement de l’organe remplit les conditions d’une norme de droit matériel concernant la responsabilité. La jurisprudence rendue sous l’aLDA a retenu que la responsabilité personnelle de l’organe était engagée vis-à-vis des tiers en cas d’exécution illicite de musique lors d’une manifestation associative (c. 4.2.2). Lorsqu’un droit de l’auteur selon l’art. 10 al. 1 LDA est violé, des dommages-intérêts peuvent être demandés selon l’art. 62 al. 2 LDA, en relation avec l’art. 41 CO. Comme l’établissement du dommage est fréquemment impossible, la jurisprudence du TF admet un calcul hypothétique du gain manqué selon la méthode de l’analogie avec la licence. Le dommage correspond alors à la redevance hypothétique qui aurait été convenue par des parties raisonnables à un contrat de licence. On peut se référer aux tarifs des sociétés de gestion. La méthode de l’analogie n’est toutefois admissible, selon le TF, que s’il s’avère qu’un contrat de licence aurait pu être conclu. D’après l’art. 35 LDA, les artistes interprètes ont une prétention en paiement lorsque des phonogrammes disponibles sur la marché sont utilisés, notamment à des fins de représentation. Il s’agit cependant d’un droit à rémunération légal, qui n’est pas soumis aux conditions de l’art. 41 CO (c. 5.2.1). D’après l’art. 51 al. 1 LDA et le tarif commun Hb, les organisateurs de manifestations récréatives avec de la musique doivent renseigner les sociétés de gestion. Les informations nécessaires sont à fournir dans les 30 jours, sinon les données peuvent être estimées par SUISA. En outre, le tarif commun Hb prévoit que la redevance peut être doublée lorsque la musique est utilisée sans autorisation ou lorsque l’utilisateur fournit des données fausses ou lacunaires afin de se procurer un avantage indû. Si l’utilisateur ne communique toujours pas les informations nécessaires, par écrit, dans les 30 jours suivant l’estimation, celle-ci est alors considérée comme reconnue (c. 5.2.2). Les tarifs des sociétés de gestion sont contraignants pour les tribunaux civils, sauf s’ils sont contraires à des dispositions légales impératives (c. 5.2.3). En l’espèce, des exécutions publiques de musique ont eu lieu sans que l’organisateur n’ait requis d’autorisation. Il y a donc une violation de l’art. 10 LDA et ainsi une illicéité par rapport au dommage causé. Le rapport de causalité entre les exécutions musicales et le dommage existe également. En ce qui concerne la faute, une personne raisonnable idéale qui organise chaque année une manifestation réunissant environ 1'000 personnes doit se préoccuper des exigences réglementaires. Une prolongation de l’heure normale de fermeture peut ainsi être nécessaire, de même qu’une patente ou un dispositif de sécurité. En effectuant de telles recherches, le défendeur aurait constaté l’obligation d’annoncer la manifestation à la demanderesse et de requérir une licence. Sa faute doit donc être reconnue (c. 5.3.1.2). Le défendeur a agi comme organe au sens de l’art. 55 al. 3 CC et a violé l’art. 10 LDA. Le dommage subi par la demanderesse est ainsi intervenu illicitement et l’exigence du rapport de causalité est remplie. En outre, le défendeur est en faute car il ne s’est pas suffisamment préoccupé des aspects réglementaires et n’a pas satisfait aux exigences de la demanderesse. Il répond ainsi personnellement et solidairement de la violation du droit d’auteur (c. 5.3.1.3). En revanche, l’art. 35 LDA prévoit une licence légale et n’est pas une norme qui justifierait une responsabilité solidaire et personnelle du défendeur en tant qu’organe. Seule l’association organisatrice est responsable du paiement de la redevance découlant du droit à rémunération (c. 5.3.2). Le dommage doit être calculé selon la méthode de l’analogie avec la licence. Il n’apparaît pas que le tarif commun Hb soit contraire à la loi. En particulier, le doublement de la redevance qu’il prévoit en l’absence d’autorisation a été admis par le TF, comme peine conventionnelle de droit privé. Puisque le défendeur, en tant qu’organe, a violé son devoir d’information vis-à-vis de la demanderesse, celle-ci était en droit de procéder à une estimation. Le tarif prescrit en outre un supplément de CHF 40.- lorsqu’aucune liste des morceaux exécutés n’est remise à la demanderesse. Mais seule la moitié de ce montant peut être ajoutée à la créance en réparation du dommage pour violation du droit d’auteur, l’autre moitié concernant la créance basée sur l’art. 35 LDA pour les droits voisins (c. 5.3.3). [VS]

29 novembre 2019

HG AG, 29 novembre 2019, HOR.2018.49/ts/ts (d)

« Tarifs communs 8 et 9 » ; tarifs des sociétés de gestion, tarif contraignant pour les tribunaux, obligation d’informer les sociétés de gestion, estimation de la redevance, fardeau de l’allégation, fardeau de la preuve ; art. 8 CC, art. 19 al. 1 lit. c LDA, art. 20 al. 2 LDA, art. 51 al. 1 LDA, art. 59 al. 3 LDA.

La notion d’entreprise utilisée à l’art. 19 al. 1 lit. c LDA doit être comprise largement. Elle concerne tout le monde du travail, qu’il soit public ou privé, des personnes indépendantes aux multinationales en passant par la fonction publique, les associations ou les organisations de défense d’intérêts (c. 3.2). La répartition du fardeau de l’allégation entre les parties suit celle du fardeau de la preuve selon l’art. 8 CC. Celui qui prétend à un droit ou à un rapport juridique doit donc alléguer les faits pertinents (c. 4.1). Pour la reproduction d’œuvres en entreprise au sens de l’art. 19 al. 1 lit. c LDA, une rémunération doit être payée selon l’art. 20 al. 2 LDA. D’après la jurisprudence du TF, celle-ci est due déjà de par la possibilité de reproduire des œuvres, c’est-à-dire de par la possession d’un photocopieur ou d’un réseau informatique interne. A l’inverse, celui qui ne dispose pas de tels appareils ne doit aucune redevance. L’art. 51 al. 1 LDA, de même que le chiffre 8.4 des tarifs communs 8 et 9, consacre un devoir d’information des utilisateurs vis-à-vis des sociétés de gestion. Le chiffre 8.2 de ces tarifs dispose que les informations doivent être fournies au moyen d’un formulaire à retourner dans les 30 jours. Si cela n’est pas fait même après un rappel écrit et un délai supplémentaire, ProLitteris peut estimer les données nécessaires et procéder à la facturation sur cette base. Si l’utilisateur ne communique toujours pas les informations nécessaires, par écrit, dans les 30 jours suivant l’estimation, celle-ci est alors considérée comme reconnue (c. 5.4.3). Les tarifs des sociétés de gestion sont normalement contraignants pour les tribunaux. Cela sert la sécurité juridique et évite qu’un tarif approuvé par la CAF, le cas échéant par le TF, soit remis en question dans une action en paiement contre un utilisateur récalcitrant. Le juge civil ne peut donc pas contrôler un tarif entré en force sous l’angle de son équité. Cependant, cela ne signifie pas que les sociétés de gestion pourraient se fonder sur un tarif approuvé pour faire valoir devant les tribunaux civils des droits à rémunération contraires à des dispositions légales impératives. Le droit tarifaire ne peut pas l’emporter sur le droit impératif découlant de la loi (c. 5.4.2). L’allégation implicite de la demanderesse selon laquelle la défenderesse disposerait d’un photocopieur et d’un réseau informatique interne a été contestée. Elle n’est ni motivée, ni prouvée, quand bien même la demanderesse supporte le fardeau de la preuve selon l’art. 8 CC. A défaut d’appareil de reproduction ou de réseau interne, la défenderesse ne doit pas de redevance. Comme elle ne tombe pas dans le champ d’application des art. 19 al. 1 lit. c et 20 al. 2 LDA, la reconnaissance de l’estimation, telle que prévue par le tarif, demeure sans effet. Le droit tarifaire ne peut pas l’emporter sur le droit impératif de la loi. Ainsi, la demanderesse ne peut faire valoir aucune prétention contre la défenderesse (c. 5.5). [VS]

29 novembre 2019

HG AG, 29 novembre 2019, HOR.2018.52/ts/ts (d)

« Tarifs communs 8 et 9 » ; tarifs des sociétés de gestion, tarif contraignant pour les tribunaux, obligation d’informer les sociétés de gestion, estimation de la redevance ; art. 8 CC, art. 19 al. 1 lit. c LDA, art. 20 al. 2 LDA, art. 51 al. 1 LDA, art. 59 al. 3 LDA.

La notion d’entreprise utilisée à l’art. 19 al. 1 lit. c LDA doit être comprise largement. La personnalité juridique ou un établissement stable ne sont pas nécessaires. Cette notion concerne tout le monde du travail, qu’il soit public ou privé, des personnes indépendantes aux multinationales en passant par la fonction publique, les associations ou les organisations de défense d’intérêts (c. 2.2). L’allégation implicite de la demanderesse selon laquelle la défenderesse disposerait d’un réseau informatique interne a été contestée. Elle n’est ni motivée, ni prouvée, quand bien même la demanderesse supporte le fardeau de la preuve selon l’art. 8 CC. A défaut d’un tel réseau, la défenderesse ne doit pas de redevance. Le droit tarifaire ne peut pas l’emporter sur le droit impératif de la loi (c. 3.3.5). [VS]

05 juin 2019

HG ZH, 5 juin 2019, HG180235-O U/dz (d)

« ProLitteris » ; tarifs des sociétés de gestion, tarif contraignant pour les tribunaux, obligation d’informer les sociétés de gestion, estimation de la redevance ; art. 45 al. 1 LDA, art. 51 al. 1 LDA, art. 59 al. 3 LDA.

D’après l’art. 51 LDA et le chiffre 8 du tarif commun 9, il existe une obligation d’informer les sociétés de gestion. Ce tarif prévoit en outre un devoir de déclarer par un formulaire le fait de ne pas disposer d’un réseau informatique interne soumis à redevance. D’après l’art. 59 al. 3 LDA, le juge civil est lié par cette disposition, qui s’explique par l’obligation des sociétés de gestion de gérer leurs affaires de manière économique, conformément à l’art. 45 LDA. L’application et l’interprétation d’un tarif approuvé restent toutefois l’affaire des tribunaux civils (c. 1.2). Si l’obligation d’informer n’est toujours pas respectée malgré un rappel et un délai supplémentaire, le tarif prévoit que la demanderesse peut estimer les données nécessaires et procéder à une facturation sur cette base. Celle-ci est considérée comme reconnue par l’utilisateur s’il ne fournit pas les données manquantes dans les 30 jours. Lors de la facturation, il est procédé de manière forfaitaire, sans tenir compte de l’utilisation individuelle dans le cas particulier (c. 1.3). La défenderesse a refusé de communiquer le nombre de ses employé-e-s. La demanderesse était donc en droit d’évaluer ce nombre et de facturer le supplément de CHF 100.- pour ses frais administratifs prévu par le tarif. La défenderesse avait connaissance de cette estimation et ne l’a pas contestée, si bien que l’évaluation, qui n’était pas arbitraire, doit être considérée comme reconnue (c. 2.3). L’objection selon laquelle aucun réseau informatique interne n’est utilisé n’a pas été formulée au moyen du formulaire prévu par le tarif, si bien qu’elle n’a pas à être prise en compte (c. 3.2). [VS]

26 mai 2020

HG ZH, 26 mai 2020, HG190241-O (anciennement: HG180235-O) (d)

« ProLitteris » ; arrêt de renvoi, force obligatoire, tarifs des sociétés de gestion, tarif contraignant pour les tribunaux, obligation d’informer les sociétés de gestion, estimation de la redevance, renvoi de l’affaire ; art. 45 al. 1 LDA, art. 51 al. 1 LDA, art. 59 al. 3 LDA.

En ce qui concerne les points annulés, le renvoi replace la procédure dans l’état où elle se trouvait avant que la décision attaquée ne soit rendue. L’autorité précédente, qui doit rendre une nouvelle décision, est liée par les considérants juridiques du TF dans sa décision de renvoi, dans la mesure où ils tranchent définitivement l’affaire. De même, elle est liée par les constatations de fait non contestées. Elle ne peut pas rejuger l’affaire sur la base d’un autre état de fait ou revoir des questions de droit tranchées par la décision de renvoi ou non contestées devant l’autorité de recours. La décision de renvoi détermine le cadre factuel et juridique de la nouvelle décision. En ce sens, l’autorité précédente est aussi liée par ses propres constatations non contestées devant le TF ou confirmées par lui. Le TF lui-même est lié par sa décision de renvoi. En l’espèce, l’affaire a été renvoyée à l’autorité précédente parce qu’elle ne pouvait pas juger avant d’avoir ordonné à la demanderesse de produire le formulaire de décembre 2013 renvoyé par la défenderesse (c. II. 1.1, voir TF, 11 décembre 2019, 4A_382/2019). De manière vraisemblable, la demanderesse a expliqué que ce formulaire avait été retourné à la défenderesse pour qu’elle le complète et qu’elle n’en avait pas gardé de copie. La défenderesse n’a donc pas prouvé qu’elle avait rempli ce formulaire, confirmant qu’elle ne disposait pas de réseau informatique interne. Elle est donc débitrice de la redevance (c. III. 2.4). [VS]

11 décembre 2019

TF, 11 décembre 2019, 4A_382/2019 (d)

« ProLitteris » ; tarifs des sociétés de gestion, tarif contraignant pour les tribunaux, obligation d’informer les sociétés de gestion ; art. 45 al. 1 LDA, art. 46 LDA, art. 51 al. 1 LDA, art. 59 al. 3 LDA.

L’art. 59 al. 3 LDA sert la sécurité juridique. Il doit éviter que des tarifs approuvés par les autorités compétentes soient remis en cause par les tribunaux civils dans un procès en paiement contre un utilisateur récalcitrant. Ces tribunaux civils ne peuvent pas contrôler un tarif entré en force sous l’angle de son équité ; à ce sujet, ils sont liés par le résultat de la procédure d’approbation (c. 3.3.1). Les tarifs au sens de l’art. 46 al. 1 LDA ne contiennent pas seulement des clauses sur l’indemnité pour l’utilisation des droits, mais aussi régulièrement des dispositions sur le devoir d’informer à charge des utilisateurs et sur les modalités de la facturation. L’effet contraignant de l’art. 59 al. 3 LDA ne concerne pas seulement la structure et les clauses pécuniaires du tarif, mais aussi les dispositions qui règlent le devoir d’information. En effet, cette norme légale prévoit que les tarifs lient le juge, non pas certaines parties de ceux-ci. En revanche, les tribunaux civils peuvent et doivent contrôler qu’aucun droit à rémunération contraire à la loi ne découle des tarifs dans le cas particulier. En l’espèce, on ne voit pas en quoi le devoir d’informer la société de gestion au moyen d’un formulaire particulier serait incompatible avec des règles légales impératives. Il s’agit au contraire d’une concrétisation admissible de l’obligation prévue à l’art. 51 LDA. La gestion collective des droits concerne des utilisations massives pour lesquelles des redevances souvent modiques sont dues. L’envoi de formulaires déterminés à une adresse spéciale contribue à une gestion efficiente des droits. Si des communications sous n’importe quelle forme devaient être admises, les coûts d’administration pourraient compliquer le fonctionnement du système, ou même le remettre en question (c. 3.3.2). Toutefois, dans son argumentation, l’autorité de première instance paraît admettre qu’il existe deux formulaires, l’un pour attester ne pas posséder de photocopieur, l’autre pour certifier ne pas exploiter de réseau informatique. Au vu du dossier, cela est erroné pour les déclarations concernant l’année 2014. Il appartiendra à l’autorité de première instance de vérifier la forme et le contenu des déclarations pour l’année 2013. Pour cette raison, le recours est admis (c. 4.2). [VS]

17 avril 2020

TF, 17 avril 2020, 4A_39/2020 et 4A_41/2020 (d)

« Tarifs communs 8 et 9 » ; tarifs des sociétés de gestion, tarif contraignant pour les tribunaux, obligation d’informer les sociétés de gestion, estimation de la redevance ; art. 42 al. 2 LTF, art. 74 al. 2 lit. b LTF, art. 105 LTF ; art. 8 CC, art. 19 al. 1 lit. c LDA, art. 20 al. 2 LDA, art. 20 al. 4 LDA, art. 46 LDA, art. 51 al. 1 LDA, art. 55 LDA, art. 59 al. 3 LDA.

Lorsque le droit fédéral prévoit une instance cantonale unique, le recours en matière civile est recevable quelle que soit la valeur litigieuse selon l’art. 74 al. 2 lit. b LTF (c. 1.1). Le TF n’est pas lié par l’argumentation des parties et les considérants de la décision de première instance, mais il s’en tient d’ordinaire aux questions juridiques que la partie recourante a soulevées, sauf en cas de lacunes juridiques manifestes. En particulier, il n’est pas tenu d’examiner des points qui ne sont plus litigieux devant lui (c. 1.2). Il est en principe lié par l’état de fait, aussi en ce qui concerne le déroulement de la procédure de première instance, sauf s’il est manifestement inexact ou s’il a été établi en violation du droit. « Manifestement inexact » est synonyme d’arbitraire. De plus, la correction des lacunes doit pouvoir influencer l’issue de la procédure. La partie qui s’en prend à des constatations de fait doit démontrer clairement et de manière motivée que ces conditions sont réalisées et, si elle entend compléter les faits, elle doit montrer, en se référant précisément au dossier, qu’elle a allégué et prouvé le fait pertinent manquant devant l’instance précédente, conformément aux règles de la procédure (c. 1.3). La reproduction d’exemplaires d’œuvres dans les entreprises, à des fins d’information interne ou de documentation, est permise d’après l’art. 19 al. 1 lit. c LDA. Une redevance est prévue d’après l’art. 20 al. 2 LDA, qui doit permettre aux auteurs de participer aux revenus des utilisations massives et incontrôlables de leurs œuvres. Le droit à rémunération ne peut être exercé que par les sociétés de gestion agréées, d’après l’art. 20 al. 4 LDA. Ces sociétés doivent notamment établir des tarifs et les faire approuver par la CAF. D’après l’art. 59 al. 3 LDA, les tarifs lient le juge lorsqu’ils sont en vigueur. Cette disposition sert la sécurité du droit : le juge civil ne doit pas à nouveau examiner l’équité d’un tarif puisque cette question est traitée dans le cadre de la procédure administrative d’approbation. Toutefois, le juge civil peut et doit vérifier que les sociétés de gestion, sur la base d’un tarif, ne fassent pas valoir de droits à rémunération incompatibles avec les dispositions impératives de la loi, en particulier lorsque l’utilisation est libre d’après la LDA (c. 2.2.1). Les tarifs des sociétés de gestion ne contiennent pas seulement des clauses sur l’indemnité pour l’utilisation des droits, mais aussi régulièrement des dispositions sur le devoir d’information à charge des utilisateurs et sur les modalités de la facturation (c. 2.2.2). On ne voit pas pourquoi les dispositions tarifaires sur la reconnaissance des estimations effectuées par la société de gestion devraient rester sans effet. Le devoir d’information selon l’art. 51 LDA a notamment pour but de renforcer la position des sociétés de gestion en cas d’utilisations massives incontrôlables. Dans ce domaine, les sociétés de gestion sont fortement dépendantes de la collaboration des utilisateurs. Ces derniers sont donc légalement tenus de fournir les renseignements nécessaires à l’application des tarifs. Les tarifs peuvent tenir compte d’une collaboration manquante ou insuffisante. Le devoir de signaler à la société de gestion, au moyen d’un formulaire particulier, l’absence d’un photocopieur ou d’un réseau informatique interne représente une concrétisation admissible de l’obligation prévue à l’art. 51 LDA. Ce devoir et le caractère contraignant des estimations effectuées ne sont pas contraires à des règles légales impératives. Les dispositions tarifaires y relatives tiennent compte de manière admissible des difficultés pratiques causées par les utilisations massives d’œuvres protégées. Elles ne créent pas un droit à rémunération incompatible avec les normes impératives de la loi (c. 2.2.3). [VS]

CC (RS 210)

- Art. 8

LDA (RS 231.1)

- Art. 55

- Art. 59

-- al. 3

- Art. 51

-- al. 1

- Art. 46

- Art. 20

-- al. 4

-- al. 2

- Art. 19

-- al. 1 lit. c

LTF (RS 173.110)

- Art. 42

-- al. 2

- Art. 105

- Art. 74

-- al. 2 lit. b

25 mai 2020

TAF, 25 mai 2020, B-5011/2018 (d)

Motif d’exclusion absolu, marque figurative, signe trompeur, immobilier, services d’assurances, services financiers, droit à un procès équitable, nom géographique, indication de provenance, obligation de motiver, motivation de la décision, vocabulaire anglais de base, swiss, slogan, signe laudatif, swissness, secondary meaning, recours admis ; art. 29 Cst. art. 2 lit. c LPM, art. 47 al. 2 LPM, art. 49 al. 1 LPM ; cf. N° 1225 (arrêt du TF dans cette affaire).

SWISS RE - WE MAKE THE WORLD MORE RESILIENT

Demande d'enregistrement 54931/2017


Demande d’enregistrement N° 54931/2017 « SWISS RE – WE MAKE THE WORLD MORE RESILIENT »

Liste des produits et services revendiqués

Classe 36 : Geldgeschäfte ; Immobilienwesen ; Finanzwesen ; Versicherungswesen.

Cercle des destinataires pertinent

Les services revendiqués s’adressent aux spécialistes ainsi qu’à un large public intéressé par les assurances et les services financiers (c. 4).

Motif absolu d’exclusion examiné 

Signe trompeur, art. 2 lit. c LPM.

Conclusion

La recourante considère que son droit à un procès équitable a été violé. L’instance précédente n’aurait pas motivé sa décision selon laquelle aucune exception permettant de ne pas considérer un nom géographique comme une indication de provenance trompeuse, en particulier pour les services (c. 2.1). L’instance précédente peut se contenter de motiver les points essentiels à sa décision. En l’espèce elle se contente de retenir que la constellation d’exceptions prévues par la jurisprudence à l’article 47 al. 2 LPM n’est pas réalisée sans s’attarder sur les arguments de la recourante. Elle n’examine pas en détail non plus si la demande d’enregistrement respecte les règles de l’article 49 LPM. Il s’agit bien d’une violation du droit à un procès équitable (c. 2.3-2.4). Celle-ci peut toutefois être guérie par le TAF (c. 2.5). Le caractère trompeur d’une désignation géographique doit être examiné à la lumière des circonstances du cas particulier (c. 3.5). Le signe revendiqué est composé (c. 5). Celui-ci peut être divisé en deux parties, « SWISS RE » qui correspond à la raison sociale de la recourante, et le slogan « WE MAKE THE WORLD MORE RESILIENT ». Le mot « swiss » appartient au vocabulaire anglais de base et est compris sans effort comme le substantif « Suisse » ou l’adjectif « suisse ». Il s’agit d’une indication de provenance géographique claire, également en lien avec les produits revendiqués (c. 5.2). L’élément « RE » correspond au préfixe « re » qui signifie « à nouveau » ou « en retour ». L’élément « SWISS RE » sera ainsi compris par les destinataires pertinents comme « réassurance suisse » (c. 5.3). L’élément « WE MAKE THE WORLD MORE RESILIENT » est un slogan laudatif qui n’efface pas l’élément « SWISS RE », bien visible et en première position (c. 5.5). L’utilisation du mot « swiss » est ainsi considérée par les destinataires comme une indication de provenance géographique claire (c. 5.6). En l’espèce, la recourante respecte les conditions prévues par l’article 49 al. 1 LPM et n’est en conséquence pas trompeuse (c. 6.3). Certes, la législation antérieure au projet « swissness » prévoyait que l’autorité pouvait ajouter d’autres conditions à l’enregistrement d’une marque contenant une indication géographique qu’elle considérait comme trompeuse. Mais cette disposition a été supprimée par le projet qui a pour but de renforcer la protection des indications de provenance suisses ainsi que la sécurité du droit (c. 6.2). Avec la réforme « swissness », l’instance précédente a modifié sa pratique en lien avec l’enregistrement de marques géographiques pour des services, notamment en exigeant de manière préventive de limiter la liste des services revendiqués aux services provenant du lieu en question (c. 6.4). Un tel durcissement n’est pas nécessaire. L’instance précédente doit, comme auparavant, déterminer si l’indication géographique répond aux critères de l’article 49 al. 1 LPM. Une limitation de la liste des services revendiqués peut être envisagée en cas de doute, par exemple pour des indications géographiques étrangères (6.4). En l’espèce, le signe revendiqué n’est pas trompeur dans la mesure où il respecte les critères de l’article 49 al. 1 (c. 6.5). Il n’est dès lors pas nécessaire d’examiner si le signe revendiqué a acquis un « secondary meaning » propre à ôter le caractère potentiellement trompeur du signe (c. 7). Le recours est admis (c. 8). [YB]

10 décembre 2020

TAF, 10 décembre 2020, B-148/2020 (d)

Opposition, procédure d’opposition, répartition des frais de justice, répartition des frais de procédure, frais de procédure, frais et dépens, arbitraire, obligation, obligation de motiver ; art. 64 PA, art. 3 lit. c LPM, art. 34 LPM

La recourante ne conteste pas l’admission partielle par l’instance précédente de l’opposition à l’encontre de la marque qu’elle a déposée, mais seulement la répartition des frais de procédure en particulier la décision de mettre à sa charge la totalité des dépens (état de fait B). C’est à l’opposante d’avancer la taxe d’opposition (c. 3.1). Selon l’art. 34 LPM, l’IPI est compétent pour statuer sur l’octroi des dépens (c. 3.2). L’art. 64 PA n’est pas applicable en l’espèce (c. 3.3). Bien que l’instance précédente ait admis partiellement l’opposition, elle a décidé de mettre à la charge de la marque attaquée la totalité de la taxe d’opposition et des dépens (c. 4). Les tribunaux ne sont pas liés par les ordonnances administratives telles que les directives en matière de marque de l’IPI, mais ils en tiennent compte dans la mesure où elles permettent une interprétation des dispositions pertinentes (c. 5.2). La recourante se plaint que la répartition des frais est arbitraire et que l’instance précédente n’a pas suffisamment motivé sa décision sur ce point (c. 6.1). Les directives de l’IPI prévoient qu’en cas d’admission partielle de l’opposition, la taxe d’opposition est partagée par les parties et les indemnités de ces dernières sont compensées. Rien dans la décision de l’instance précédente ne permet de déterminer pourquoi celle-ci s’écarte de cette pratique. Dans la mesure où aucune raison objective de déroger aux principes n’apparaît dans le dossier, la répartition des faits n’est pas conforme au droit (c. 6.2). Le recours est admis (c. 7). [YB]