ATAF 2021
IV/2, sic ! 12/2021, p. 688 (rés.)
« PROSEGUR/PROSEGUR, PROSEGUR SOCIETÀ DI VIGILANZA (fig.) ;
Procédure d’opposition, opposition, motifs d’exclusion relatifs,
marque combinée, marque verbale, marque figurative, exception de
non-usage, usage de la marque, défaut d’usage, non-usage, fardeau
de la preuve, moyen de preuve, interprétation des moyens de preuve,
usage de la marque en Allemagne, marque étrangère ; art. 3bis
PAM, art. 1 Conv. CH-D (1982) art.
5 Conv. CH-D (1892), art 1 al. 1 LPM, art. 5 LPM, art. 12 al. 2 LPM, art. 32 LPM,
La recourante, titulaire de la
marque « PROSEGUR » (enregistrement international
N° 605490, revendiqué pour différents produits et services en
classes 9, 39 et 42) s’oppose à l’enregistrement des
marques « Prosegur Società di vigilanza (fig.) »
(enregistrement national N° 663250, revendiquée pour
différents produits en classes 9, 35, 37, 39, 41 et 45), et
« PROSEGUR » (enregistrement national N° 663236,
revendiquée pour différents produits et services en classes 9,
35, 37, 39, 41 et 45). L’instance précédente rejette ces
oppositions au motif que la recourante ne rend pas vraisemblable
l’usage sérieux de sa marque (c. A – A. c). Les deux causes
opposent les mêmes parties qui ont un état de fait parallèle et
soulèvent les mêmes questions juridiques. Elles peuvent être
jointes (c. 1). L’intimée, suivie par l’instance
précédente, a soulevé l’exception de non-usage (c. 3 –
3.1). Le délai de carence ayant pris fin, c’est à la recourante
de rendre vraisemblable l’usage de la marque (c. 5.2 –
5-2-2). Seul l’usage en Suisse est en principe pertinent. Mais
l’article 5 de la Convention de 1892 entre la Suisse et
l’Allemagne prévoit que les conséquences préjudiciables,
notamment liées au non-usage d’une marque sur le territoire d’une
partie, ne se produiront pas si une utilisation a lieu sur le
territoire de l’autre partie (c. 6.1). Contrairement à l’avis
de la recourante, la jurisprudence récente (arrêt 4A_152/2020)
n’empêche pas son application pleine et entière en droit des
marques (c. 6.2). La recourante détenant à 100 % plusieurs
sociétés ayant leur siège en Allemagne, elle dispose bien d’au
moins une succursale en Allemagne au moment de l’invocation du
défaut d’usage et peut se prévaloir de la convention CH/D (c. 6.3
– 6.3.2). Malgré l’abrogation de l’art. 1 de la convention
CH/D, l’enregistrement de la marque en Suisse et en Allemagne reste
indispensable. Cette obligation découlait par la suite de l’art. 2
de la Convention de Paris de 1883, puis de l’art. 3bis
du protocole de Madrid (c. 6.4 – 6-4-3). L’identité des
marques enregistrée n’est pas nécessaire. Il suffit que les
éléments essentiels soient les mêmes (c. 6.4.4). En l’espèce,
la recourante ne peut se prévaloir de la marque sur la base de
laquelle elle s’oppose à l’enregistrement,
sa protection n’ayant pas été renouvelée pour l’Allemagne.
Elle est par contre titulaire de plusieurs marques de l’Union
européenne (c. 7.1). La convention CH/D, puis la Convention de
Paris, renvoie aux exigences du droit interne de chaque État
concernant les formalités imposées à l’enregistrement
(c. 7.2.1). Pour le droit allemand, la marque de l’Union
européenne est mise sur le même plan que la marque classique. Elle
doit donc être considérée comme telle au sens de la convention
CH/D, de la même manière qu’un enregistrement international avec
revendication pour l’Allemagne (c. 7.2.2). Le fait que pour la
CJUE, l’utilisation d’une marque de l’Union européenne en
Suisse ne soit pas reconnue n’y change rien. En effet, cette
situation n’est pas comparable, dans la mesure où la convention
CH/D, faisant partie du droit interne allemand, ne trouve pas
application, contrairement à la situation dans le cas d’espèce
(c. 7.5). Le fait que les autorités allemandes ne contrôlent
pas les marques de l’Union européenne, ou que celles-ci n’étaient
pas prévues par les auteurs de la convention n’est pas pertinent
(c. 7.6 – 7.7). En l’espèce, la recourante dispose bien de
marques déposées en Suisse et en Allemagne, soit identiques soit
fortement similaires. Elle peut donc se fonder sur celles-ci pour
rendre vraisemblable leur usage sérieux (c. 7.9 – 7.10). La
notion d’usage reste cependant celle du droit suisse (c. 8.1).
Les preuves déposées par la recourante sont pertinentes sur le plan
temporel. Elles sont également conformes à l’enregistrement
suisse (c. 9.1 - 9.3). L’usage, en plus de renvoyer à la
raison de
commerce de la recourante, fait référence aux services revendiqués
indiquant au
consommateur quelle
entreprise
lui
rend le service fourni (c. 9.4). Au vu du montant et des
prestations réalisées, la recourante parvient à
rendre vraisemblable l’usage sérieux de sa marque au moins pour
les services en classe 39 (c. 9.5 – 9.8). Les décisions
de l’instance précédente, niant l’usage sérieux, doivent être
annulées. Comme le TAF est la dernière instance en procédure
d’opposition et que l’instance précédente n’a pas examiné le
risque de confusion entre les marques en cause, l’affaire est
renvoyée en première instance (c. 10). La
recourante ayant fourni des preuves pertinentes pour
l’admission de son recours en cours de procédure,
elle n’a droit à aucun dépens et supporte la moitié des frais de
procédure (c. 13.1.2). [YB]