Disposition

LPM (RS 232.11)

     Art. 47

          al. 2

26 novembre 2009

TAF, 26 novembre 2009, B-915/2009 (f)

sic! 6/2010, p. 439 (rés.), « Virginia Slims No. 602 » ; motifs absolus d’exclusion, signe trompeur, nom géographique, Virginia, États-Unis, slims, tabac, prénom, signe descriptif, indication de provenance, doute ; art. 1 LPM, art. 2 lit. c LPM, art. 47 al. 2 LPM.

La signification du terme « Virginia » qui s'impose le plus naturellement à l'esprit est celle de l'État américain de Virginie (c. 2.4.4). Le fait qu'il s'agisse également d'une variété de tabac, d'un prénom et que l'écrivain Virginia Woolf soit célèbre n'enlève en rien à la mention « Virginia » son caractère d'indication géographique (c. 2.4.1 et 2.4.2). Compte tenu de l'importance de l'industrie — notamment celle du tabac — de l'État de Virginie, le signe « Virginia » constitue une indication de provenance pour des produits plutôt destinés aux fumeurs (c. 2.6). Il s'agit également d'une indication générique en matière de tabac, mais qui n'entre pas en considération pour des produits, certes en relation avec le tabac, mais qui n'en sont pas composés (c. 3.5). Le terme « Virginia » est compris par les destinataires des produits en cause comme un renvoi à l'État américain de Virginie, sans que la recourante ne puisse se prévaloir d'aucune des catégories d'exceptions développées par la jurisprudence en lien avec l'art. 47 al. 2 LPM (c. 4). Considéré dès lors comme propre à induire en erreur (art. 2 lit. c LPM), le signe « VIRGINIA SLIMS NO. 602 » ne saurait être enregistré à la faveur d'un doute (c. 5).

16 juin 2010

TAF, 16 juin 2010, B-1279/2008 (d)

sic! 11/2010, p. 795 (rés.), « Altec Lansing » ; motifs absolus d’exclusion, signe trompeur, nom géographique, Lansing, Michigan, États-Unis, matériel audio, indication de provenance, concurrents ; art. 2 lit. c LPM, art. 47 al. 2 LPM.

L’impression générale qui se dégage d’un signe formé de plusieurs éléments peut empêcher qu’un nom géographique qui le compose soit compris comme une indication de provenance (c. 3.2). Afin de déterminer si un nom géographique est ou non considéré par les milieux intéressés comme une référence à la provenance des produits ou services (art. 47 al. 2 LPM), il convient de se référer à des indices – au sujet de la signification géographique, économique, politique, historique, culturelle et/ou touristique du nom – provenant des sources les plus diverses (c. 3.3). Un signe contenant un nom géographique est propre à induire en erreur (art. 2 lit. c LPM) lorsqu’une part non négligeable des consommateurs concernés peut être trompée (c. 3.4). Le cercle des consommateurs de matériel audio (classe 9) comprend tant les spécialistes de la branche que le grand public (c. 4). Aucune des significations de l’élément « LANSING » – qui désigne notamment la (relativement petite) capitale de l’État américain du Michigan (clairement moins connue que d’autres villes du Michigan, comme Detroit) et la ville voisine d’East Lansing (où se situe la réputée Michigan State University, dont le nom ne se réfère toutefois pas à cette ville), un nom de famille (très peu répandu en Suisse) et le nom d’un village tiré d’une série de la télévision allemande (c. 5.1) – ne domine clairement en lien avec les produits concernés (c. 5.2). Selon une recherche dans la presse suisse, la ville de (East) Lansing (Michigan) ne peut pas être considérée comme connue d’une partie importante des consommateurs suisses (c. 5.4).Même s’ils connaissent la ville de (East) Lansing (Michigan), les consommateurs visés ne sont pas amenés à croire que le matériel audio concerné est de provenance américaine (c. 5.5). Par ailleurs, le fait que le nom« LANSING » soit combiné à l’élément de fantaisie « ALTEC » – qui ne fait pas d’allusion particulière aux États-Unis (c. 5 et 5.3) – exclut tout risque de tromperie au sens de l’art. 2 lit. c LPM (c. 5.5). Les éventuels intérêts de concurrents américains à l’utilisation du signe « ALTEC LANSING » n’entrent pas en ligne de compte dans le cadre de l’examen du risque de tromperie au sens de l’art. 2 lit. c LPM (c. 5.6).

03 avril 2014

TAF, 3 avril 2014, B-3926/2013 (d)

sic! 11/2014, p. 706-710, « PhoenixMiles (fig.) » ; motifs absolus d’exclusion, signe trompeur, nom géographique, indication de provenance, signe contraire au droit en vigueur, noms et emblèmes internationaux, risque de confusion nié, impression générale, signe fantaisiste, marque combinée, enregistrement international, Croissant-Rouge, Croix-Rouge, élément verbal, élément figuratif, aviation, services liés à l’aviation, Phoenix, anglais, chinois, États-Unis, Chine ; art. 6quinquies lit. B ch. 3 CUP, art. 5 ch. 1 PAM, art. 2 lit. c LPM, art. 2 lit. d LPM, art. 47 al. 1 LPM, art. 47 al. 2 LPM, art. 1 al. 1 LPENCR, art. 7 al. 2 LPENCR, art. 12 al. 1 LPENCR.

La recourante, Air China Limited, a procédé à l’enregistrement international de la marque combinée « PhoenixMiles (fig.) », principalement pour des services liés à l’aviation en classes 37, 39 et 43. L’IPI a refusé l’extension de protection à la Suisse, excepté pour certains services de la classe 43, au motif que le signe est trompeur. C’est à raison que l’IPI a abandonné le grief selon lequel le signe de la recourante créerait un risque de confusion avec le Croissant-Rouge. Le signe en cause est plus mince et plus ouvert que le Croissant-Rouge. Ses deux pointes rappellent le coin d’une bouche souriante, ce qui n’est pas le cas du Croissant-Rouge. Enfin, les ouvertures des deux signes sont orientées différemment (c. 3). Selon l’art. 47 al. 2 LPM, ne constituent pas des indications de provenance au sens de l’al. 1 les noms ou signes géographiques qui ne sont pas considérés par les milieux intéressés comme une référence à la provenance des produits ou services (c. 4.4). Comme l’a précisé le Tribunal fédéral, il peut arriver dans un terme polysémique qu’un autre sens prime sur le sens géographique et que le terme ne doive dès lors plus être considéré comme une indication de provenance. En présence d’une marque combinée, il faut d’abord examiner si les éléments qui forment l’impression d’ensemble, considérés individuellement, ont une signification géographique et s’ils sont susceptibles d’éveiller une attente quant à la provenance. Il faut ensuite déterminer s’ils sont compris, en lien avec les produits et services revendiqués, comme des indications de provenance par les destinataires pertinents. Si tel est le cas, il faut enfin examiner si la marque en cause, dans l’impression d’ensemble qu’elle produit et non plus seulement en considérant ses éléments individuellement, éveille dans l’esprit du public une attente quant à la provenance des produits et services qu’elle désigne (c. 4.5). Les clients potentiels sont, à parts égales, des particuliers et des entreprises (c. 5). Le terme « Phoenix » a de nombreuses significations possibles. S’il désigne à l’origine, en anglais, l’oiseau mythique qui brûle pour renaître de ses cendres, il est par ailleurs le plus souvent employé pour désigner la capitale de l’État de l’Arizona aux États-Unis (c. 6.2.6.4). En Suisse, il est avant tout employé dans son sens originel (c. 6.5). Pour les destinataires suisses, seuls certains des services pour lesquels la protection est revendiquée pourraient effectivement provenir de Phoenix, en Arizona. Il s’agit d’examiner, pour ces services, si l’utilisation de la marque litigieuse éveille une attente quant à la provenance (c. 7). Pour ce faire, il faut se baser sur l’impression d’ensemble que dégage le signe, et non seulement sur l’élément « Phoenix » (c. 8.1). Le mot composé « Phoenix- Miles » n’a pas de sens évident. L’élément « Miles » ne renforce ni le sens d’indication de provenance géographique, ni l’association avec l’oiseau mythique. Le terme « PhoenixMiles » éveille plutôt l’impression d’une désignation fantaisiste. Les quatre caractères chinois, qui signifient « Air China », confèrent au signe une apparence orientale. Ils dominent l’impression d’ensemble que dégage la marque, et permettent au public concerné de l’attribuer intuitivement à un fournisseur de prestations asiatique. Le signe n’éveille donc pas d’attente de provenance relativement à la ville de Phoenix, et n’est donc pas propre à induire en erreur au sens de l’art. 2 lit. c LPM (c. 8.3). Le recours est admis (c. 8.4). [SR]

PhoenixMiles (fig.)
PhoenixMiles (fig.)

04 juin 2014

TAF, 4 juin 2014, B-5451/2013 (d)

sic! 12/2014, p. 780 (rés.), « Firenza » ; motifs absolus d’exclusion, signes trompeur, indication de provenance, nom géographique, Florence, produits pharmaceutiques, cercle des destinataires pertinent, degré d’attention élevé, degré d’attention faible ; art. 2 lit. c LPM, art. 47 al. 1 LPM, art. 47 al. 2 LPM.

Le cercle des destinataires des « produits pharmaceutiques à usage humain, à l’exclusion des préparations pharmaceutiques pour le traitement des maladies oncologiques », en classe 5, est composé à la fois de spécialistes, tels que les médecins et les pharmaciens, et de patients. Les spécialistes font preuve d’un degré d’attention élevé, alors que le degré d’attention des patients varie selon que les médicaments sont soumis à ordonnance ou en libre accès. Le libellé des produits en classe 5 n’est pas limité aux produits pharmaceutiques soumis à ordonnance. Par conséquent, il convient de retenir le cercle de destinataires dont le degré d’attention est le plus faible (c. 4.2). Le signe « FIRENZA » ne possède pas de signification lexicale, mais il est visuellement et phonétiquement similaire à l’adjectif italien « Firenze » et il n’existe pas d’autres mots composés de l’élément « Firenz- ». (c. 4.3). De jurisprudence constante, le TAF considère que des indications géographiques «mutilées » ou des variantes peuvent susciter des attentes parmi le cercle des destinataires (c. 4.3). Le signe « FIRENZA » n’est pas une indication géographique manifestement symbolique en rapport avec les produits enregistrés (c. 4.6) et il n’y a pas non plus d’impossibilité de fait manifeste à ce que des produits pharmaceutiques soient fabriqués dans la région de Florence (c. 4.7). Par conséquent, cette indication géographique peut être considérée par les milieux concernés comme une référence à la provenance des produits (règle de l’expérience, art. 47 al. 2 LPM) (c. 4.7). Le signe « FIRENZA » est compris par le cercle des destinataires pertinent comme une indication géographique (c. 4.10). La recourante invoque en vain le principe de l’égalité dans l’illégalité (c. 5.6). Le recours est rejeté (c. 6). [AC]

18 février 2015

TAF, 18 février 2015, B-5024/2013 (d)

sic! 6/2015, p. 396 (rés.), « Strela » ; motifs absolus d’exclusion, signe trompeur, nom géographique, indication de provenance, lieu de fabrication, lieu de production, montagne, Strela, Strelapass, cercle des destinataires pertinent, degré d’attention légèrement accru ; art. 2 lit. c LPM, art. 47 al. 1 LPM, art. 47 al. 2 LPM.

Le cercle des destinataires pertinent pour les produits listés en classe 14 « Métaux précieux et leurs alliages et produits en ces matières ou en plaqué non compris dans d’autres classes ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques ; Bracelets de montre, étuis de montre, accessoires de montre, non compris dans d’autres classes ; Boîtes de montres, non compris dans d’autres classes ; Horlogerie ; Bracelets de montre, étuis de montres, horloges et accessoires en cuir ; Bracelets de montre, étuis de montres, horloges et accessoires d’imitations de cuir », en classe 18 «Cuir et imitations du cuir, produits en ces matières non compris dans d’autres classes; peaux d’animaux; malles et valises ; parapluies et parasols ; cannes ; fouets et sellerie ; Sacs, portemonnaies, sacs à mains, sacs de voyage » et en classe 25 « Vêtements, chaussures, chapellerie ; Vestes en cuir, Pullover, T-Shirts ; Vestes et manteaux pour nourrissons, enfants, femmes et hommes » est composé d’un large public. Ces consommateurs font preuve d’un degré d’attention légèrement accru (c. 4). Le signe refusé à l’enregistrement « Strela » désigne un sommet des Alpes, dans la région du Strelapass (entre Davos et Arosa), dans le canton des Grisons. Ce signe est dépourvu de signification dans les quatre langues nationales ainsi qu’en anglais. Les significations en slovène et en russe ne sont pas pertinentes en l’espèce. Cependant, le terme « Strela » n’est pas une indication géographique directe, parce que cette région montagneuse ne peut pas être considérée par les destinataires comme un lieu de production ou de fabrication des produits revendiqués (c. 5). Contrairement à ce qu’affirme l’autorité précédente, la montagne Strela n’est pas assez connue pour que l’utilisation du terme « Strela » seul constitue une indication géographique indirecte pour la Suisse. D’autre part, le canton des Grisons n’est pas particulièrement connu pour ses produits relevant des classes 14, 18 et 25 (c. 5.2). Le signe « Strela » ne constitue donc pas une indication géographique et peut donc être également utilisé pour des produits qui ne sont pas manufacturés en Suisse. Le recours est admis et la marque doit être enregistrée (c. 6). [AC]

08 juin 2017

TAF, 8 juin 2017, B-5004/2014 (f)

« Clos d’Ambonnay », boissons alcoolisées, vins, champagne, spiritueux, cercle des destinataires pertinent, indication de provenance directe, motifs d’exclusion absolus, règle de l’expérience, domaine public, besoin de libre disposition, territorialité, décision étrangère, Directives de l’IPI ; art. 6quinquies lit. B ch. 2 CUP, art. 6quinquies lit. B ch. 3 CUP, art. 22 ch. 1 ADPIC, art. 22 ch. 3 ADPIC, art. 23 ch. 2 ADPIC, art. 2 lit. a LPM, art. 30 al. 2 lit. c LPM, art. 47 al. 1 LPM, art. 47 al. 2 LPM.

Selon l’art. 47 al. 1 LPM, par indication de provenance, on entend toute référence directe ou indirecte à la provenance géographique des produits ou des services, y compris la référence à des propriétés ou à la qualité, en rapport avec la provenance (c. 2.1). Ne sont toutefois pas des indications de provenance au sens de l’art. 47 al. 1 LPM les noms ou signes géographiques qui ne sont pas considérés par les milieux intéressés – c’est-à-dire les clients potentiels – comme une référence à la provenance des produits  ou des services (art. 47 al. 2 LPM, c. 2.2.1). Appartiennent au domaine public au sens de l’art. 2 lit. a LPM, les indications génériques ou descriptives, les signes banals, les signes libres et les indications de provenance (c. 3.2.1.4). Si la force distinctive s’apprécie au regard de la perception des cercles de consommateurs déterminants, le besoin de libre disposition dépend des besoins des concurrents (c. 3.2.1.6). L’art. 2 lit. c LPM exclut quant à lui de la protection les signes propres à induire en erreur (c. 3.2.2.1). Tel est notamment le cas lorsqu’un signe contient une indication géographique ou consiste exclusivement en une telle indication qui amène les intéressés à croire que les produits ou les services commercialisés en relation avec ce signe proviennent du pays ou du lieu en cause, alors que tel n’est en réalité pas le cas. L’usage d’indications de provenance inexactes est interdit selon l’art. 47 al. 3 lit. a LPM (c. 3.2.2.2). Lorsqu’une marque comporte un nom géographique ou se compose exclusivement d’un nom géographique, elle incite en principe à penser que le produit en relation avec lequel elle est utilisée vient du lieu indiqué. C’est un fait d’expérience que la désignation géographique éveille chez le consommateur l’idée que le produit qu’elle couvre vient du pays désigné. La mention d’un nom géographique est donc habituellement comprise comme une indication de provenance. L’art. 47 al. 1 LPM définissant de manière large la notion d’indication de provenance, la mention d’un nom géographique suffit en principe (c. 3.2.2.3). Un signe est exclu de la protection dès qu’il existe un risque de tromperie pour les clients potentiels, de sorte qu’il n’est pas nécessaire d’établir que des consommateurs se sont effectivement trompés. Un signe n’est en revanche pas propre à induire en erreur lorsque le nom géographique qu’il contient possède manifestement un caractère fantaisiste ou lorsque, pour d’autres motifs, il n’est pas compris comme une indication de provenance (c. 3.2.2.4). Le caractère trompeur d’une dénomination géographique ne doit pas être examiné de manière abstraite, mais doit être apprécié à l’aune de toutes les circonstances particulières du cas d’espèce. Dans ce contexte, il convient de prendre en compte la notoriété du mot en tant que référence géographique et marque ; il faut également prendre en considération les rapports effectifs et étroits entre cette référence et les secteurs des produits revendiqués et entre la forme de la marque et les indications additionnelles qui peuvent accroître ou éliminer les risques de tromperie (c. 3.2.2.5). Lorsqu’un mot comporte plusieurs significations, il faut rechercher celle qui, pour le consommateur suisse moyen, s’impose le plus naturellement à l’esprit en tenant compte de la nature du produit en cause. N’est pas considéré comme une indication de provenance le signe dont le contenu géographique n’est pas reconnaissable parce qu’une autre signification s’y rattache de manière plus étroite et, partant, modifie l’impression d’ensemble d’une manière telle que l’indication de provenance s’efface devant l’autre signification (c. 3.2.2.6). Les produits alcoolisés de la classe 33 revendiqués en l’espèce s’adressent au grand public suisse âgé de plus de 16 ans, respectivement 18 ans, qui fait preuve d’un degré d’attention moyen mais plutôt superficiel. Ces produits sont également destinés au spécialiste de la branche qui fait lui preuve d’un degré d’attention accru (c. 4.2). Il ressort de l’ATF 117 II 327 « Montparnasse » que, dans le cadre de l’examen du motif absolu d’exclusion qui correspond à l’actuel art. 2 lit. a LPM, le TF n’opère pas de réelle distinction entre les notions de défaut de force distinctive et de besoin de libre disposition. Pour le TF, si l’indication géographique « Montparnasse » est dépourvue de la force distinctive nécessaire, elle appartient au domaine public et le TF se limite à préciser que le domaine public est soumis à un besoin de libre disposition. Le TF utilise donc les notions de défaut de force distinctive, de besoin de libre disposition et de domaine public comme des synonymes. Par conséquent, lorsque le TF arrive à la conclusion que le signe « Montparnasse » n’est pas frappé d’un besoin de libre disposition, il indique simplement que ce signe ne souffre pas d’un défaut de force distinctive ou qu’il n’appartient pas au domaine public (c. 6.2.1.1). En se référant à l’ATF 117 II 327 « Montparnasse », la majorité de la doctrine considère que les autorités suisses ne sauraient en principe refuser de protéger en tant que marque un signe qui correspond à un nom géographique issu d’un Etat étranger si ce signe est enregistré comme marque dans cet Etat étranger (c. 6.2.2). Dans l’ATF 117 II 327 « Montparnasse », c’est bien – en application du principe de la territorialité – de la perception du public suisse que part le raisonnement du TF. S’il est possible que la perception du public du pays d’origine ne soit pas la même que celle du public suisse, il convient toutefois d’admettre que c’est en connaissance de cause que dans l’ATF 117 II 327 « Montparnasse », le TF se réfère fondamentalement à l’imposition du signe comme marque dans son pays d’origine afin de justifier sa protection à titre de marque en Suisse. L’enregistrement d’une marque imposée est une exception au principe de l’art. 2 lit. a LPM selon lequel les signes appartenant au domaine public sont exclus de la protection à titre de marque. Un signe peut ainsi être enregistré en tant que marque imposée même s’il souffre d’un défaut de force distinctive et/ou s’il est frappé d’un besoin de libre disposition. La solution que le TF adopte dans l’ATF 117 II 327 « Montparnasse » a pour but de protéger le public suisse contre le risque de tromperie. En effet, l’utilisation du signe « Montparnasse » étant réservée en France à la société recourante « S.T. Dupont SA », son utilisation en Suisse en lien avec des produits français est propre à induire en erreur si ces produits ne sont pas fabriqués par la société recourante « S.T. Dupont SA » (c. 6.2.3.2). Rien n’indique qu’à l’heure actuelle le TF et le Tribunal administratif fédéral auraient renoncé à suivre la voie tracée par l’ATF 117 II 327 « Montparnasse », ni que cet arrêt serait devenu obsolète avec l’entrée en vigueur le 1er avril 1993 de l’actuelle LPM. Il ne peut par ailleurs pas être considéré que cette jurisprudence accorde à une entreprise un avantage commercial qui serait de nature à fausser la libre concurrence. Le fait que l’avis contraire de l’autorité inférieure apparaisse dans ses Directives 2014 et 2017 n’est pas déterminant, puisque les Directives de l’IPI ne sont qu’un instrument de travail qui ne lient ni l’autorité inférieure, ni les tribunaux. Il convient donc de retenir que, pour qu’un signe principalement perçu comme un nom géographique étranger n’appartienne pas au domaine public au sens de l’art. 2 lit. a LPM, il suffit que ce même signe fasse, pour les mêmes produits ou services, l’objet – en faveur de la personne qui demande la protection de ce signe en tant que marque en Suisse – d’un seul enregistrement en tant que marque dans l’Etat étranger dont provient le nom géographique. Peu importe ainsi que ce signe soit dépourvu de force distinctive en Suisse (c. 6.2.4). En vue de l’examen, sous l’angle de l’art. 2 lit. a et c LPM, d’un signe correspondant à un signe géographique étranger, il convient dans un premier temps de déterminer si les cercles des consommateurs suisses concernés perçoivent ce signe comme un nom géographique (c. 8). S’il n’est pas perçu comme un nom géographique, le signe ne peut pas être compris comme une indication de provenance. Il ne peut par conséquent pas être descriptif de la provenance des produits et des services revendiqués et appartenir de ce fait au domaine au sens de l’art. 2 lit. a LPM (c. 8.1.1). Le fait qu’un signe ne soit pas perçu comme un nom géographique (étranger) n’est toutefois pas suffisant pour retenir que ce signe n’appartient pas au domaine public au sens de l’art. 2 lit. a LPM. Il pourrait néanmoins être dénué de force distinctive (et/ou être frappé d’un besoin de libre disposition) en raison d’une signification non géographique dominante (voir sur point c. 8.1.2 à 8.1.4), et appartenir de ce fait au domaine public (voir sur ce point c. 9.1). Il peut cependant en tout cas être retenu qu’un signe qui correspond à un nom géographique étranger, mais qui, en Suisse, n’est pas perçu comme un nom géographique (étranger) n’est pas frappé d’un besoin de libre disposition en Suisse (en raison du fait qu’il correspond à un nom géographique étranger) si ce même signe ou, du moins, un signe dans lequel le nom géographique en cause prédomine, fait pour les mêmes produits ou services l’objet d’un seul enregistrement en tant que marque dans l’Etat étranger dont provient le nom géographique (c. 8.1.5). S’il n’est pas perçu comme un nom géographique, un signe ne peut pas être descriptif de la provenance des produits et des services revendiqués et appartenir de ce fait au domaine public au sens de l’art. 2 lit. a LPM. Il ne peut pas non plus être propre à induire en erreur quant à la provenance des produits et des services revendiqués au sens de l’art. 2 lit. c LPM (c. 8.2). Si le signe est perçu comme un nom géographique, il convient tout d’abord de déterminer si cette signification n’est pas écartée par une autre signification dominante. Lorsqu’un mot est susceptible d’avoir plusieurs significations, il faut en effet rechercher celle qui s’impose le plus naturellement à l’esprit en tenant compte de la nature du produit en cause (c. 9). In casu, le TAF retient, en application de l’arrêt du TF 4A_6/2013 du 16 avril 2013 « Wilson » que le signe « Clos d’Ambonnay » - qui correspond à un nom géographique étranger mais qui n’est pas principalement perçu comme tel – n’est pas frappé d’un besoin de libre disposition en Suisse (en raison du fait qu’il correspond à un nom géographique étranger) du moment que ce même signe fait, pour les mêmes produits ou services, l’objet d’un seul enregistrement en tant que marque dans l’Etat étranger dont provient le nom géographique (c. 9.1). Si un signe n’est pas principalement perçu comme un nom géographique, c’est également en vertu des règles habituelles qu’il s’agit de déterminer si sa signification dominante entraîne l’exclusion de sa protection au sens de l’art. 2 lit. c LPM (c. 9.2). Du fait que le champ d’application de l’ATF 117 II 327 « Montparnasse » est limité aux signes perçus comme des noms géographiques étrangers, il faut encore examiner si le signe en cause est principalement perçu comme un nom géographique étranger. Ainsi, en présence d’un nom géographique qui existe tant en Suisse qu’à l’étranger, il s’agit de déterminer laquelle des significations est prédominante pour le cercle des consommateurs suisses concerné (c. 10). Si c’est une signification géographique renvoyant à la Suisse qui prédomine, c’est-à-dire si le signe n’est pas principalement perçu comme un nom géographique étranger, l’ATF 117 II 327 « Montparnasse » ne s’applique pas. Dans un tel cas, il convient d’admettre que c’est en vertu des règles habituelles qu’il s’agit de déterminer si le signe doit être exclu de la protection au sens de l’art. 2 lit. a LPM. In casu, le signe « Clos d’Ambonnay » ne désigne aucun lieu situé en Suisse, de sorte que l’application de la jurisprudence « Montparnasse » se justifie (c. 10.1). Si un signe est principalement perçu comme un nom géographique suisse, c’est également en vertu des règles habituelles qu’il convient de déterminer si le signe doit être exclu de la protection au sens de l’art. 2 lit. c LPM (c. 10.2). Enfin, si un signe est principalement perçu comme un nom géographique étranger par les cercles de consommateurs suisses concernés, l’ATF 117 II 327 « Montparnasse »  permet de retenir qu’il n’appartient pas au domaine public au sens de l’art. 2 lit. a LPM sur la base du seul fait que ce même signe fait, pour les mêmes produits ou services, l’objet – en faveur de la personne qui demande la protection de ce signe en tant que marque en Suisse – d’un seul enregistrement en tant que marque dans l’Etat étranger dont provient le nom géographique (voir c. 11.1.1 à 11.1.3). Le TAF note encore que dans l’ATF 117 II 327 « Montparnasse » qui porte sur la protection du signe « Montparnasse » en Suisse, le fait que la recourante « S.T. Dupont SA » ait son siège à Paris, dans le quartier de Montparnasse, ne paraît pas avoir de portée particulière. Il peut dès lors être considéré que le domicile ou le siège de la personne en cause n’est pas déterminant et qu’il pourrait donc être situé dans un Etat tiers (c. 11.1.3). Si un signe est principalement perçu comme un nom géographique étranger, l’ATF 117 II 327 « Montparnasse » permet par ailleurs de retenir qu’il n’est pas propre à induire en erreur au sens de l’art. 2 lit. c LPM si sa protection à titre de marque n’est revendiquée que pour des produits fabriqués dans l’Etat étranger dont provient le nom géographique (c. 11.2). Pour le TAF, il ne fait in casu aucun doute qu’au moins pour les spécialistes et une partie du grand public, le signe « Clos d’Ambonnay » est principalement perçu comme la désignation d’un vignoble ou d’un domaine de la commune française d’Ambonnay, c’est-à-dire comme un nom géographique étranger (c. 12.3.3.1). En France, pour les produits revendiqués dans le cas d’espèce, l’utilisation du signe « Clos d’Ambonnay » est réservée à la seule recourante. Par conséquent, si le signe « Clos d’Ambonnay » est principalement perçu comme la désignation d’un vignoble ou d’un domaine de la commune française d’Ambonnay, sa protection ne saurait être exclue par l’art. 2 lit. a LPM, en vertu de la jurisprudence « Montparnasse » (c. 13.1.4). Si le signe « Clos d’Ambonnay » est principalement perçu comme un nom de fantaisie, il n’appartient dès lors pas au domaine public au sens de l’art. 2 lit. a LPM (c. 13.2.3). Pour le TAF donc, que le signe « Clos d’Ambonnay » soit principalement perçu comme la désignation d’un vignoble ou d’un domaine de la commune française d’Ambonnay ou comme un nom de fantaisie, il ne saurait appartenir au domaine public au sens de l’art. 2 lit. a LPM (c. 13.3.1). Le signe « Clos d’Ambonnay » n’est au surplus pas propre à induire en erreur au sens de l’art. 2 lit. c LPM puisque la provenance de tous les produits de la classe pour lesquels la marque fait l’objet d’une demande d’enregistrement en Suisse est limitée à Ambonnay France (c. 14.1). L’enregistrement du signe « Clos d’Ambonnay » ne saurait non plus être contraire au droit en vigueur au sens de l’art. 2 lit. d LPM puisque sa protection en tant que marque ne peut pas être exclue par l’art. 22 ch. 3 ADPIC, ni non plus par l’art. 23 ch. 2 ADPIC (c. 15.2). Le recours est admis. [NT]

ADPIC (RS 0.632.20)

- Art. 23

-- ch. 2

- Art. 22

-- ch. 1

-- ch. 3

CUP (RS 0.232.04)

- Art. 6quinquies

-- lit. B ch. 3

-- lit. B ch. 2

LPM (RS 232.11)

- Art. 47

-- al. 2

-- al. 1

- Art. 30

-- al. 2 lit. c

- Art. 2

-- lit. a

03 novembre 2016

TAF, 3 novembre 2016, B-2217/2014 (d)

sic! 4/2017, p. 209-216 , « Bond St. 22 London (fig.) » ; motifs absolus d’exclusion, signe appartenant au domaine public, signe trompeur, signe combiné, signe descriptif, cercle des destinataires pertinent, grand public, intermédiaires, spécialiste de la branche du tabac, degré d’attention moyen, nom géographique, Londres, Grande-Bretagne, Bond Street, indication de provenance, lieu de fabrication, lieu de production, vocabulaire anglais de base, bond, st., force distinctive faible, règle de l’expérience, établissement des faits, moyen de preuve, preuve, fardeau de la preuve, obligation de collaborer, droit d’être entendu, maxime inquisitoire, constatation des faits, droit à un procès équitable, fait négatif, procédure d’enregistrement, vraisemblance, secondary meaning, risque de tromperie, tabac, cigarette, recours rejeté ; art. 29 al. 1 Cst., art. 12 PA, art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. c LPM, art. 47 al. 1 LPM, art. 47 al. 2 LPM.

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BOND ST. 22 LONDON (fig.

Demande d’enregistrement N°52765/2012 BOND ST. 22 LONDON (fig.)


Demande d’enregistrement N°52765/2012 BOND ST. 22 LONDON (fig.)

Liste des produits et services revendiqués

Classe 34 : Tabac, brut ou manufacturé; produits du tabac, y compris cigares, cigarettes, cigarillos, tabac pour cigarettes à rouler soi-même, tabac pour pipe, tabac à chiquer, tabac à priser, kretek; snus; succédanés du tabac (à l'usage non médical); articles pour fumeurs, y compris papier à cigarettes et tubes, filtres pour cigarettes, boîtes pour tabac, étuis à cigarettes et cendriers, pipes, appareils de poche à rouler les cigarettes, briquets; allumettes.

Cercle des destinataires pertinent

Les destinataires pour les produits revendiqués sont les spécialistes du tabac et les intermédiaires de ce domaine, ainsi que les fumeurs âgés de 16 ans et plus. Les fumeurs font preuve d’un degré d’attention moyen lorsqu’ils achètent les produits revendiqués (c. 3.1).

Motif absolu d’exclusion examiné 

signe appartement au domaine public, art. 2 lit. a LPM ; signe propre à induire en erreur, art. 2 lit. c LPM.

Conclusion

Le terme anglais « BOND », signifiant « obligation » ou « caution » et l'abréviation « ST. », signifiant entre autres « rue », appartiennent tous deux au vocabulaire anglais de base. Londres compte plusieurs rues portant le nom de « Bond ». En 1847, le marchand de tabac Philip Morris ouvre son premier magasin au 22, rue Bond. A partir de 1854, il fabrique ses propres cigarettes, qu'il met en vente à la même adresse. Bond Street, dans le quartier londonien de Mayfair s'est forgé une réputation de rue commerçante coûteuse avec des boutiques élégantes proposant des marques exclusives, des bijoux, de l'art et des antiquités dans les segments du prestige et du luxe. Les parties s'accordent à reconnaître que Londres est connue du public concerné en tant que capitale du Royaume-Uni et de l'Angleterre (c. 3.2). En règle générale, les rectangles et les lignes sont considérés comme des traits faiblement individualisants, et appartiennent au domaine public. Le fait que ces mêmes formes géométriques simples soient utilisées pour présenter les produits du tabac n’y change rien. Il ne peut pas être considéré que la marque jouit d’un caractère distinctif original suffisant pour identifier les produits revendiqués, en raison du clair contenu géographique descriptif qu'elle contient et du manque d’originalité dans la représentation du signe (c. 3.4). Contrairement à ce qu’affirme la demanderesse, les règles d’expérience (Erfahrungssatz) en matière d’indications de provenance ne sont pas dépourvues de fondement légal. Elles découlent, d’une part, du choix du législateur de ne pas formuler positivement de critères de détermination d’une indication de provenance à l’art. 47 al. 1 LPM et, d’autre part, de la définition négative des indications de provenance de l’art. 47 al. 2 LPM. La conclusion qui en est tirée, selon laquelle les dénominations géographiques connues doivent être considérées comme des indications de provenance aussi longtemps que d’autres circonstances ne viennent pas exclure cette interprétation est conforme au concept normatif et à la ratio legis de l'article 47 LPM (c. 4.2). La demanderesse considère que l’application des règles d’expérience est insoutenable, car elles n’ont pas été confirmées empiriquement. Dans la mesure où la demanderesse cherche à invalider le recours des autorités judiciaires à « l’expérience générale de la vie », elle ne peut être suivie (c. 4.3). La demanderesse se plaint d’une violation du principe de la répartition du fardeau de la preuve (art. 8 CC) ainsi que d’une constatation incomplète des faits (art. 12 PA) et d’une violation de son droit à un procès équitable (art. 29 al. 1 Cst.). Selon elle, le recours aux règles d’expérience libère, d’une part, les autorités et les juges d’établir la preuve positive d'une compréhension en tant que lieu de provenance par les destinataires et, d'autre part, contraint la demanderesse à apporter la preuve d’un fait négatif, ce qui constitue une « froide inversion » du fardeau de la preuve (c. 4.4). La demanderesse néglige le fait que les règles d’expérience critiquées concernent principalement l'évaluation libre des indices, preuves indirectes et preuves à prima facie, et ne contiennent pas de règle sur la répartition de la charge de la preuve. Les faits internes – tels que la compréhension et les attentes présumées du public concerné – ne peuvent généralement pas être prouvés directement, mais seulement indirectement au moyen d’indices. Ces difficultés procédurales sont prises en compte dans la procédure d'enregistrement, dans la mesure où il suffit, grâce à l’exigence de preuve réduite, que le plaignant expose de manière crédible une ou plusieurs raisons de douter de l'exactitude des preuves recueillies par l’instance précédente lors de l’examen de demandes d’enregistrement de marques ou de ses conclusions. La demanderesse n’est ainsi tenue de fournir que des indications objectivement compréhensibles qui, avec un degré de probabilité suffisant (vraisemblance), permettent de conclure à l'existence des faits qu’elle allègue. L’allégation de la demanderesse selon laquelle la charge de la preuve est inversée est donc infondée (c. 4.4.1). Selon la demanderesse, la maxime inquisitoire énoncée à l'art. 12 PA exige que des éléments de preuve soient également recueillis pour étayer les présomptions qui sous-tendent la décision, si l'autorité n'a pas une connaissance fiable de certains événements ou de leurs causes et effets. La maxime inquisitoire ne modifie pas la répartition de la charge de la preuve. Selon la règle de la charge de la preuve de l'art. 8 CC, qui s'applique également en droit public, les conséquences d'un défaut de preuve sont à la charge de celui qui tire ses droits d'un fait qui n'a pas été prouvé ou qui n'a pas été justifié selon le niveau de preuve applicable. Le Tribunal administratif fédéral examine si la juridiction inférieure a recueilli et apprécié l'ensemble des éléments de preuve raisonnablement disponibles, dans la mesure où ils ne concernent pas des faits généralement notoires. Cet examen porte notamment sur les éléments de preuve qui montrent que le public cible associe la marque à une provenance géographique des produits et services. Cela n’exclut pas la preuve d’une perception différente par le public cible. Des données probantes appropriées peuvent à tout moment compléter ou corriger les règles d’expérience utilisées. Cela doit néanmoins être établi par la demanderesse, et elle supporte les conséquences de l'absence de preuve. L'application erronée des règles d’expérience est susceptible de contrôle judiciaire (c. 4.4.2). Au vu de ce qui précède, les griefs de violation des articles 29 al. 1 Cst., 12 PA et 8 CC s'avèrent infondés (c. 4.4.4). Selon la volonté expresse du législateur, les conceptions de qualité spéciale ou de valeur ajoutée ne sont pas pertinentes pour la détermination d'une attente du public cible quant à la provenance des produits et services revendiqués (c. 4.5.1). Dans ATF 132 III 770 « Colorado (fig.) », le Tribunal fédéral a examiné l'applicabilité des règles d’expérience indépendamment du concept de qualité, et a depuis confirmé cette pratique dans une jurisprudence constante. Il n’y a pas de raison sérieuse de modifier cette pratique (c. 4.5.2). Il est vrai qu'il existe des sites de production, de fabrication et de commerce moins chers que Londres ou la Grande-Bretagne. Toutefois, aucune impossibilité objective, au sens juridique du terme, au-delà de toute probabilité, ne peut être tirée d'un argument d'efficience économique (c. 5.1.1). La demanderesse soutient sans succès, à défaut d’avancer des arguments convaincants ou de produire des moyens de preuve que, sur le plan symbolique, le signe représente un certain mode de vie et une certaine attitude face à la vie (c. 5.2). De même, la demanderesse allègue sans le prouver que « BOND ST. 22 LONDON » remplit sa fonction d’identification d’une entreprise, puisqu’elle constitue une référence connue et comprise à l’origine de l’entreprise, qui est une marque culte de renommée mondiale (c. 5.3 et 5.3.1). Les moyens de preuve produits ne permettent pas de prouver l’établissement d’un secondary meaning (c. 5.3.2). S’il est vrai que de nombreux produits du tabac sont étiquetés avec des noms géographiques, l'hypothèse selon laquelle, en conséquence de cela, les clients ciblés reconnaissent une référence d’entreprise concrète dans le signe litigieux au lieu d’une indication d’origine n’est pas convaincante. Cet argument quantitatif suggère plutôt que l’origine géographique joue un rôle particulier en relation avec les produits de la classe 34 (c. 5.4.1). La marque « BOND ST. 22 LONDRES (fig.) » possède dans l’esprit du public concerné une signification claire d'indication de provenance pour la fabrication et la distribution en gros de produits du tabac, voire même de référence à la provenance des matières premières. En tant qu'indication directe de l'origine, la marque appartient donc au domaine public et n'est pas enregistrable. En ce qui concerne le caractère distinctif, la marque combinée ne possède pas le niveau de stylisation suffisant pour surmonter le caractère descriptif du signe (c. 7.1).En conséquence, il existe un risque de tromperie au sens de l'art. 2 let. c et des art. 47ss LPM (c. 7.2). Le recours est rejeté (c. 8). [AC]

24 mai 2018

TAF, 24 mai 2018, B-4532/2017 (d)

sic! 1/2019 p. 23 (rés.), « Hamilton » ; Motifs d’exclusion absolus, signe appartenant au domaine public, signe trompeur, indication géographique, nom géographique, Hamilton, signe fantaisiste, indication de provenance, spécialiste du domaine médical, spécialiste du domaine scientifique, besoin de libre disposition ; art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. c LPM, art. 47 al. 2 LPM.

« HAMILTON »

Demande d’enregistrement N°63179/2009 « HAMILTON »


Liste des produits et services revendiqués

Liste des produits et services revendiqués :



Classe 1 : Produits chimiques destinés à l'industrie et aux sciences ; réactif pour des analyses chimiques ; produits chimiques sous forme de boîtes afin de contrôler l'exactitude ou/et pour la répétition de méthodes pour appareils de pipetage compris dans cette classe.



Classe 5 : Produits pharmaceutiques ; préparations chimiques à usage médical ou pharmaceutique ; réactifs pour le diagnostic à usage médical ou vétérinaire ; réactifs pour le diagnostic pour un usage in vitro en biochimie, chimie clinique et en microbiologie.


Classe 7 : Machines et machines-outils ; moteurs (à l'exception des moteurs pour véhicules terrestres) ; accouplements et organes de transmission (à l'exception de ceux pour véhicules terrestres) ; robots ; pompes (machines ou parties de machines ou de moteurs); robots d'analyse; robots distributeurs.


Classe 9 : Appareils et instruments scientifiques, optiques, analytiques, de mesurage, de dosage et de contrôle (inspection); appareils et instruments scientifiques, optiques, analytiques, de mesurage, de dosage et de contrôle (inspection) pour usage en laboratoires; instruments et appareils de laboratoires cliniques, analytiques et biopharmaceutiques; appareils de secours (sauvetage), dispositifs de secours; appareils électriques laboratoires de surveillance des données clientèles et des données des appareils précités et accessoires correspondants et matériaux de consommation; machines à calculer, équipement pour la détection et le traitement de l'information, ordinateurs; automates de pipetage; pipettes, pipeteurs, filtres pour pipettes ou pointes de pipette, micro-pompes, appareils d'analyse de liquide, compris dans cette classe; distributeurs scientifiques compris dans cette classe; distributeurs scientifiques de capsule de bouteille, dispositifs scientifiques de dilution, seringues à usage non médical, supports à pipettes, porte-pipettes, porte-objets, table-positionnement laboratoires; lecteurs de codes à barres, bacs de liquides pour usage en laboratoires, supports de remplissage pour pipettes, récipients à réactifs, microplaques munies de microrubans; installations, appareils et supports laboratoires pour le stockage des substances et des échantillons cliniques, chimiques, forensiques et biopharmacologiques compris dans cette classe; programmes logiciels à usage médical; matériel de traitement de données à usage médical; appareils laboratoires pour la collection, la distribution, le transport, le positionnement d'objets et de substances solides, liquides et gazéiformes; appareils et instruments de contrôle (inspection) des respirateurs pour la respiration artificielle.


Classe 10 : Appareils et instruments médicaux, électro-médicaux et chirurgicaux, appareils pour la respiration médicaux, appareils d'anesthésie; distributeurs pour prendre et choisir des supports de réactifs à usage médical; respirateurs pour la respiration artificielle; seringues à usage médical; appareils pour l'analyse à usage médical; spiromètres; appareils pour la mesure de fonctions cardiaques, circulatoires, aspiratoires et pulmonaires; instruments de tests à usage médical; appareils technico-médicaux pour l'enregistrement électronique, la transformation électronique, la présentation électronique, l'accumulation électronique, la transmission électronique et l'impression électronique des données, notamment des données clientèles; instruments de précision à usage médical.



Classe 16 : Imprimés ; produits de l’imprimerie ; périodiques ; livres ; prospectus ; mode d'emploi et documentation technique.



Classe 20 : Boîtes, boîtes à échantillons, boîtes de rangement de produits, contenants et boîtes de stockage, contenants et boîtes pour la conservation non métalliques compris dans cette classe ; pièces, pièces de rechange et accessoires des produits précités compris dans cette classe.



Classe 37 : Réparation ; services d’installation ; réparation des appareils et instruments chirurgicaux, médicaux et analytiques.



Classe 39 : Transport ; emballage et entreposage de substances et échantillons cliniques, chimiques, forensiques et biopharmacologiques ; distribution de documents imprimés ainsi que leurs supports électroniques (y compris CD-ROM).



Classe 41 : Publication de textes (autres que textes publicitaires); organisation d'expositions et de conférences; publication de données sous forme de textes, graphiques, images et sons électroniquement reproductibles et appelées au moyen de réseaux télématiques (autres que textes publicitaires); publication de documents imprimés ainsi que leurs supports électroniques (y compris CD-ROM) (autres que textes publicitaires); édition de livres, de revues, de modes d'emploi et documentations techniques; édition de supports de programmes d'ordinateurs et de logiciels.



Classe 42 : Services de chimie ; services scientifiques et technologiques ainsi que services de recherches et de conception y relatifs ; services d'analyses et de recherches industrielles ; conception et développement d'ordinateurs et de logiciels.

Cercle des destinataires pertinent

Le cercle des destinataires pertinent est composé principalement de spécialistes (médecins, pharmaciens, chimistes, biologistes ou plus généralement du domaine scientifique). Certains produits et services (notamment en classe 5, 9, 16, et 20) sont cependant également consommés par des adultes d’âges différents et de toutes les couches sociales (c. 4.3).

Motif absolu d’exclusion examiné 

Signe appartenant au domaine public, art. 2 lit. a LPM ; signe trompeur, art. 2 lit. c LPM.

Conclusion

Le signe « HAMILTON » n’est pas perçu par le cercle des destinataires pertinent comme indiquant la provenance géographique des produits et services revendiqués. Bien que de nombreuses localités portent le nom d’Hamilton, en particulier les villes d’Hamilton au Canada (700 000 habitants), siège d’une certaine activité scientifique, et d’Hamilton en Nouvelle-Zélande (170 000 habitants), celles-ci sont de plus à l’écart des centres économiques et touristiques et ne sont presque jamais mentionnées par la presse qui fait presque exclusivement référence au pilote de formule 1 Lewis Hamilton (c. 5.4). Le signe « HAMILTON » sera ainsi perçu comme un signe fantaisiste n’appartenant pas au domaine public (c. 5.5). Une dénomination géographique qui n’est pas comprise par le public pertinent comme indiquant l’origine industrielle des produits ou services ne fait pas l’objet d’un besoin de libre disposition (6.2). En conclusion, le signe « HAMILTON » n’appartient pas au domaine public et doit donc être enregistré (c. 7). [YB]

04 février 2020

TAF, 4 février 2020, B-151/2018 (d)

sic! 9/2020, p. 512 (rés.) « BVLGARI VAULT / BVLGARI » ; Motifs d’exclusion absolus, marque verbale, signe appartenant au domaine public, signe banal, signe trompeur, cercle des destinataires pertinent, spécialiste, grand public, degré d’attention moyen, degré d’attention accru, nom géographique, marque imposée, imposition par l’usage, secondary meaning, exception produit de luxe, ; art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. c LPM, art. 47 al. 2 LPM.

« BVLGARI VAULT »

Demande d’enregistrement N°52787/2015 « BVLGARI VAULT »


Demande d’enregistrement N°52787/2015 « BVLGARI VAULT »

Liste des produits et services revendiqués

Les trois marques sont revendiquées pour de nombreux produits et services en classes 9,35, 36, 38, 42 et 43.

Cercle des destinataires pertinent

Certains des produits ou services s’adressent avant tout aux spécialistes qui font preuve d’un degré d’attention accru, tandis que d’autres s’adressent également au grand public qui fait preuve d’un degré d’attention moyen (c. 9.1-9.2.2). En l’espèce, il n’est pas nécessaire de déterminer si certains produits ou services s’adressent exclusivement aux spécialistes (c. 9.2.2). En effet, rien n’indique que les consommateurs faisant preuve d’un degré d’attention moyenne perçoivent les signes revendiqués différemment des spécialistes (c. 18.1.1.3).

Motif absolu d’exclusion examiné 

Signe trompeur, art. 2 lit. c LPM ; signe appartenant au domaine public, art. 2 lit. a LPM.

Conclusion

Le signe revendiqué « BVLGARI » ne correspond pas à un mot existant (c. 10.1.2). La suite de consonnes « BVLG » est difficilement prononçable et donc inattendue, mais le signe « BVLGARI » reste très proche du mot « Bulgarie », sur les plans sonores et visuels (c. 10.1.3-10.1.4.3). En conséquence, le signe revendiqué doit être considéré comme un nom géographique appartenant en principe au domaine public (c. 10.1.5). Cela ne signifie cependant pas encore que, concrètement, le signe revendiqué n’est pas considéré comme une référence à la provenance industrielle et non géographique des produits et services revendiqués (c. 10.2.2). Rien n’impose qu’un nom géographique se soit imposé comme marque au sens de l’article 2 let. a LPM pour constituer un cas d’application de l’article 47 al. 2 (c. 11.2.2-11.2.2.3). Il ne suffit pas que celui-ci se soit imposé comme marque pour nier son caractère trompeur selon l’article 2 let. c LPM. En effet, rien n’exclue qu’un signe imposé par l’usage n’induise pas en erreur les consommateurs sur la provenance géographique des produits ou services revendiqués (c. 12.1.2.1). Afin d’être protégé comme marque, un signe géographique doit avoir acquis un « secondary meaning », soit une autre signification qui devient prédominante au point d’exclure un risque de tromperie. L’examen du « secondary meaning » nécessite d’appliquer les exigences en matière d’imposition par l’usage avec une rigueur particulière (c.12.1.2.2). En conséquence, les six exceptions identifiées par le Tribunal fédéral ne s’appliquent pas de la même manière lors de l’examen de l’appartenance au domaine public d’un signe ou de son caractère trompeur (c. 12.2.1). Certes, dans l’ATF 128 III 454 « YUKON », le Tribunal fédéral prévoit qu’un signe qui remplit l’une des six conditions n’est pas propre à induire en erreur, mais il poursuit en ajoutant qu’un tel examen dépend du cas d’espèce (c. 12.2.2.1-12.2.2.2). Contrairement à l’avis de la recourante, il est justifié qu’un signe qui n’est pas doté d’une signification propre clairement prédominante soit refusé à l’enregistrement (c. 12.4). Il faut donc, en l’espèce, déterminer si les éléments apportés par la recourante permettent de retenir que le signe « BVLGARI » dispose d’une signification propre prédominante (c. 13.2). La recourante peut se prévaloir de son histoire plus que centenaire (c. 14.1.1.1), de son développement soutenu (14.1.1.2), ainsi que de la force de son réseau de distribution (c. 14.1.1.3). La recourante est implantée en Suisse depuis la fin du XIXe siècle, dispose d’un grand prestige dans le domaine des objets de luxe et réalise un chiffre d’affaires conséquent depuis de nombreuses années (c. 14.1.2.1-14.1.2.3). De plus, l’autorité inférieure retient que la marque « BVLGARI » peut se prévaloir d’un « secondary meaning » en lien avec divers produits en classes 3, 9, 14 et 18 (c. 14.1.3). En conséquence, la marque « BVLGARI » jouit d’un degré de connaissance hors du commun (c. 14.2). De l’autre côté, aucun élément dans le signe revendiqué ne vient affirmer un lien avec la Bulgarie (c. 15.1.1). Il n’existe pas de rapport particulier entre les produits et services revendiqués et la Bulgarie (c. 15.1.2), et les importations en Suisse de produits provenant de Bulgarie sont faibles (c. 15.1.3). Enfin, la graphie particulière et omniprésente, soit l’utilisation d’un « V » à la place d’un « U », conduit au fait que le signe « BVLGARI » sera compris comme une référence commerciale à la recourante et non géographique (c. 16.2). Les produits revendiqués ne sont pas proches des produits dont la recourante peut déjà se prévaloir d’un « secondary meaning », mais il est commun pour les entreprises de diversifier leurs offres, parfois dans des domaines très éloignés (c. 17). En conséquence, le signe « BVLGARI » n’est pas compris comme une référence à l’Etat de Bulgarie, mais bien comme une référence à la recourante (c. 18.1.1.1). Une telle qualification ne découle pas de l’éventuelle haute renommée de la marque « BVLGARI » (c. 18.2.2.2).

[YB]

25 mai 2020

TAF, 25 mai 2020, B-5011/2018 (d)

Motif d’exclusion absolu, marque figurative, signe trompeur, immobilier, services d’assurances, services financiers, droit à un procès équitable, nom géographique, indication de provenance, obligation de motiver, motivation de la décision, vocabulaire anglais de base, swiss, slogan, signe laudatif, swissness, secondary meaning, recours admis ; art. 29 Cst. art. 2 lit. c LPM, art. 47 al. 2 LPM, art. 49 al. 1 LPM ; cf. N° 1225 (arrêt du TF dans cette affaire).

SWISS RE - WE MAKE THE WORLD MORE RESILIENT

Demande d'enregistrement 54931/2017


Demande d’enregistrement N° 54931/2017 « SWISS RE – WE MAKE THE WORLD MORE RESILIENT »

Liste des produits et services revendiqués

Classe 36 : Geldgeschäfte ; Immobilienwesen ; Finanzwesen ; Versicherungswesen.

Cercle des destinataires pertinent

Les services revendiqués s’adressent aux spécialistes ainsi qu’à un large public intéressé par les assurances et les services financiers (c. 4).

Motif absolu d’exclusion examiné 

Signe trompeur, art. 2 lit. c LPM.

Conclusion

La recourante considère que son droit à un procès équitable a été violé. L’instance précédente n’aurait pas motivé sa décision selon laquelle aucune exception permettant de ne pas considérer un nom géographique comme une indication de provenance trompeuse, en particulier pour les services (c. 2.1). L’instance précédente peut se contenter de motiver les points essentiels à sa décision. En l’espèce elle se contente de retenir que la constellation d’exceptions prévues par la jurisprudence à l’article 47 al. 2 LPM n’est pas réalisée sans s’attarder sur les arguments de la recourante. Elle n’examine pas en détail non plus si la demande d’enregistrement respecte les règles de l’article 49 LPM. Il s’agit bien d’une violation du droit à un procès équitable (c. 2.3-2.4). Celle-ci peut toutefois être guérie par le TAF (c. 2.5). Le caractère trompeur d’une désignation géographique doit être examiné à la lumière des circonstances du cas particulier (c. 3.5). Le signe revendiqué est composé (c. 5). Celui-ci peut être divisé en deux parties, « SWISS RE » qui correspond à la raison sociale de la recourante, et le slogan « WE MAKE THE WORLD MORE RESILIENT ». Le mot « swiss » appartient au vocabulaire anglais de base et est compris sans effort comme le substantif « Suisse » ou l’adjectif « suisse ». Il s’agit d’une indication de provenance géographique claire, également en lien avec les produits revendiqués (c. 5.2). L’élément « RE » correspond au préfixe « re » qui signifie « à nouveau » ou « en retour ». L’élément « SWISS RE » sera ainsi compris par les destinataires pertinents comme « réassurance suisse » (c. 5.3). L’élément « WE MAKE THE WORLD MORE RESILIENT » est un slogan laudatif qui n’efface pas l’élément « SWISS RE », bien visible et en première position (c. 5.5). L’utilisation du mot « swiss » est ainsi considérée par les destinataires comme une indication de provenance géographique claire (c. 5.6). En l’espèce, la recourante respecte les conditions prévues par l’article 49 al. 1 LPM et n’est en conséquence pas trompeuse (c. 6.3). Certes, la législation antérieure au projet « swissness » prévoyait que l’autorité pouvait ajouter d’autres conditions à l’enregistrement d’une marque contenant une indication géographique qu’elle considérait comme trompeuse. Mais cette disposition a été supprimée par le projet qui a pour but de renforcer la protection des indications de provenance suisses ainsi que la sécurité du droit (c. 6.2). Avec la réforme « swissness », l’instance précédente a modifié sa pratique en lien avec l’enregistrement de marques géographiques pour des services, notamment en exigeant de manière préventive de limiter la liste des services revendiqués aux services provenant du lieu en question (c. 6.4). Un tel durcissement n’est pas nécessaire. L’instance précédente doit, comme auparavant, déterminer si l’indication géographique répond aux critères de l’article 49 al. 1 LPM. Une limitation de la liste des services revendiqués peut être envisagée en cas de doute, par exemple pour des indications géographiques étrangères (6.4). En l’espèce, le signe revendiqué n’est pas trompeur dans la mesure où il respecte les critères de l’article 49 al. 1 (c. 6.5). Il n’est dès lors pas nécessaire d’examiner si le signe revendiqué a acquis un « secondary meaning » propre à ôter le caractère potentiellement trompeur du signe (c. 7). Le recours est admis (c. 8). [YB]

03 juin 2020

TAF, 3 juin 2020, B-1658/2018 (f)

sic! 1/2021, p. 29 « Pain de sucre » ; Motif d’exclusion absolu, marque figurative, signe appartenant au domaine public, signe banal, joaillerie, bijouterie, bijoux, montres, horlogerie, cercle des destinataires pertinent, grand public, degré d’attention moyen, spécialiste de la branche de la bijouterie, spécialiste de la branche de la joaillerie, spécialiste de l’horlogerie, degré d’attention accru, forme, nom géographique, signe trompeur, recours admis ; art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. c LPM, art. 47 al. 2 LPM.

« PAIN DE SUCRE »

Enregistrement international N° 1’095’883 « PAIN DE SUCRE »


Enregistrement international N° 1’095’883 « PAIN DE SUCRE »

Liste des produits et services revendiqués

Classe 14 : « joaillerie, bijouterie, pierres précieuses, horlogerie et instruments chronométriques, montres, bagues, bracelets, boucles d’oreilles, colliers, pendentifs, boutons de manchettes, porte-clés. »

Cercle des destinataires pertinent

Les produits revendiqués s’adressent au grand public qui fait preuve d’un degré d’attention moyen, ainsi qu’aux spécialistes de la branche de la bijouterie, de l’horlogerie et de la joaillerie, qui font preuve d’un degré d’attention accru (c. 11).

Motif absolu d’exclusion examiné 

Signe appartenant au domaine public, art. 2 lit. a LPM, signe trompeur, art. 2 lit. c LPM.

Conclusion

Le signe verbal « PAIN DE SUCRE » a plusieurs significations. Il peut s’agir d’un bloc de sucre de forme conique, d’une variété de chicorée ou d’un modèle de casque colonial français. De plus, la forme caractéristique qui y est associée fait référence à de nombreuses montagnes, dont la plus célèbre est le « pain de sucre » qui surplombe Rio de Janeiro (c. 12-12.2.2.2). Ainsi, le signe « PAIN DE SUCRE » doit être considéré comme un nom géographique (c. 13.1). La règle d’expérience selon laquelle un signe géographique est en principe trompeur sauf si, notamment, une autre signification prédomine en lien avec les produits revendiqués s'applique donc (c. 4.2.2.2 et 14.1.3). En l’espèce, l’absence d’éléments rattachant le signe « PAIN DE SUCRE » au Brésil ou à la ville de Rio de Janeiro, comme la référence à de tels lieux, ou à la montagne en question mettent en doute le fait que le public comprenne le signe revendiqué comme une référence à la montagne surplombant Rio de Janeiro (c. 14.2.1.2). Les moteurs de recherche offrent divers résultats lorsqu’une recherche sur la base de « pain de sucre » est effectuée (c. 14.2.1.3). Dès lors rien ne permet de considérer que la signification du signe « pain de sucre » prédomine. Les consommateurs perçoivent avant tout le signe revendiqué comme la désignation d’un bloc de sucre, voire comme une création originale ou comme une marque de maillots de bain (c. 14.3.1-14.3.2). Le signe « PAIN DE SUCRE » n’est dès lors pas considéré comme une indication de provenance directe ou indirecte au sens de l’article 47 al. 2. LPM (c. 15.1.1.1-15.1.2). Le signe revendiqué n’est en conséquence pas propre à induire en erreur (c. 15.2). C’est à tort que l’instance précédente a refusé l’enregistrement (c. 16.1). Le recours est admis (c. 18.1.2.2). [YB]

26 août 2021

TAF, 26 août 2021, B-2597/2020 (f)

Demande de radiation d’une marque, action en radiation d’une marque, défaut d’usage, fardeau de la preuve, fait négatif, preuve du défaut d’usage, vraisemblance, principe de l’épuisement, nom géographique, indication de provenance géographique, limitation des revendications, usage par représentation, usage pour l’exportation, recours partiellement admis ; art. 35b al.1 lit. a LPM, art. 47 al. 2 LPM.

L’intimée a déposé auprès de l’instance précédente entre autres une demande de radiation totale pour les marques « U UNIVERSAL GENEVE » (enregistrement N°329720 du 3 avril 1984 pour des montres, leurs parties et des bijoux en classe 14), et « UNIVERSAL GENEVE » (enregistrement N°410354 du 30 mai 1994 pour en particulier des montres en classe 14) (c. A – A.c). La titulaire des marques en cause recourt contre la décision de radiation de l’IPI (c. A.d). Selon l’art. 35b al. 1 let. a LPM, c’est au requérant de rendre vraisemblable le défaut d’usage de la marque attaquée. Comme il s’agit d’un fait négatif, la preuve directe ne peut être apportée (c. 5.1.1). Dans une telle configuration, le requérant doit rendre, au moyen d’un faisceau d’indices, non seulement possible mais aussi probable le fait que la marque n’est plus utilisée (c. 5.1.2). Si le requérant rend vraisemblable le non-usage de la marque, et qu’en même temps le titulaire rend vraisemblable cet usage, la demande de radiation doit être rejetée (c. 5.3). Les deux marques étant déposées pour des produits en classe 14 uniquement, les services que la recourante prétend offrir ne sont pas protégés. Le principe de l’épuisement s’applique également au droit des marques, en particulier lorsqu’il s’agit de démontrer l’usage sérieux de la marque. A ce titre, la recourante ne peut se prévaloir de l’activité des maisons de vente aux enchères pour elle-même (c. 6.2.2). Les marques en cause contiennent le nom géographique « GENEVE » (c. 7 – 7-2.2). Les limitations quant à l’aire géographique des produits revendiqués ont un effet direct sur le champ de protection de la marque. L’usage de la marque en lien avec des produits provenant d’un autre pays n’entre pas en ligne de compte (c. 6.2.3). En l’espèce, l’élément « GENEVE » doit être considéré comme une indication de provenance au sens de l’art. 47 LPM (c. 7.3.2). Compte tenu de la restriction inscrite au registre des marques, les produits revendiqués par les deux marques doivent remplir les critères applicables à des produits de provenance suisse pour se revendiquer de provenance genevoise (c. 7.3.2). Concernant les montres, la révision de l’ordonnance sur l’utilisation du nom « Suisse » pour les montres n’est en l’espèce pas applicable (c. 7.4.1). Les éléments de preuve déposés par la recourante permettent de constater que les mouvements étaient suisses, tout comme l’assemblage et le contrôle des montres. Celles-ci peuvent donc rendre vraisemblable l’usage de la marque (c. 7.4.2). Concernant les parties de montre, la recourante ne présente aucune facture d’acquisition et ne parvient pas à rendre l’usage vraisemblable (c. 7.5.2). Les factures de la société ETA pour des mouvements de montres acquis durant la période de référence permettent cependant d’attester la provenance suisse pour les mouvements de montre (c. 7.5.3). Toutes les montres ont été vendues en Asie (c. 8.3.2.1). Les parties de montres sont quant à elles commercialisées en Suisse et, s’agissant de biens économiquement indépendants, sont compatibles avec l’usage pour l’exportation des montres, au contraire des mouvements (c. 8.3.2.2). La condition d’exclusivité est ainsi remplie pour les montres (c. 8.3.2.3). Concernant la condition d’utilisation hors de la sphère interne du titulaire de la marque, le fait qu’un transfert ait lieu à l’intérieur du groupe d’entreprise dont le titulaire fait partie n’est pas décisif si le produit est sorti du groupe pour être proposé à la vente par une filiale étrangère (c. 9.1 – 9.2.2). Les marques ont bien été utilisées telles qu’enregistrées (10.1.2), sauf pour les mouvements de montres pour lesquels il est exclu de retenir un usage sérieux (c. 10.1.3). Les factures déposées par la recourante sont régulières et conséquentes (pour des ventes de montres dans un segment de prix supérieur). Le TAF retient donc le sérieux de l’usage pour les montres (c. 10.2.2). Contrairement à l’avis de l’instance précédente, la recourante parvient à démontrer l’usage sérieux de ses marques en lien avec des montres. La décision de radier l’enregistrement pour les parties de montres est cependant confirmée (c. 12.1). Le recours est partiellement admis (c. 12.2).[YB]