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29 septembre 2014

TF, 29 septembre 2014, 4A_257/2014 (f)

sic! 1/2015, p. 37-46, « Arthursgroup SA / SwissArthurProd SA », JdT2015 II 204, JdT 2015 II 208 ; raison de commerce, instance cantonale unique, marque de service, spectacle, services de production de spectacles, concert, péremption, usage à titre de marque, usage à titre de raison de commerce, usage de la marque, produit ou service accessoire, preuve d’un fait négatif, preuve de l’usage d’une marque, preuve du défaut d’usage, bonne foi, similarité des produits ou services, services de divertissement, activités culturelles, similarité des raisons de commerce, droit d’être entendu, principe de la spécialité, publication du jugement ; art. 9 Cst., art. 74 al. 2 lit. b LTF, art. 75 al. 2 LTF, art. 75 al. 2 lit. a LTF, art. 95 LTF, art. 99 al. 2 LTF, art. 105 al. 1 LTF, art. 105 al. 2 LTF, art. 107 al. 1 LTF, art. 2 CC, art. 8 CC, art. 933 al. 1 CO, art. 951 al. 2 CO, art. 956 CO, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 11 al. 1 LPM, art. 12 al. 1 LPM, art. 12 al. 3 LPM, art. 13 al. 2 LPM, art. 15 LPM, art. 5 al. 1 lit. a CPC, art. 5 al. 1 lit. c CPC, art. 52 CPC.

Lorsque le droit fédéral prévoit une instance cantonale unique, le recours en matière civile est recevable indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 lit. b LTF) et, contrairement à la règle générale (cf. art. 75 al. 2 LTF), le tribunal supérieur désigné comme autorité cantonale de dernière instance n’a pas à statuer sur recours (art. 75 al. 2 lit. a LTF) (c. 1.1). Le TF doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF). Il peut compléter ou rectifier même d’office les constatations de faits qui se révèlent manifestement inexactes, c’est-à-dire arbitraires au sens de l’art. 9 Cst. ou établies en violation du droit comme l’entend l’art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF) (c. 1.3). Le TF ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF) (c. 1.4). L’usage de la marque doit intervenir conformément à la fonction de celle-ci pour distinguer les produits ou les services, soit de telle façon que le marché y voie un signe distinctif. Déterminer si on est en présence d’un usage en tant que marque au sens de l’art. 11 al. 1 LPM est une question de droit. Pour opérer cette qualification, il convient toutefois de se fonder sur la perception (présumée) des personnes auxquelles s’adressent les produits ou les services enregistrés. Les circonstances du cas particulier doivent, pour cela, être prises en considération, notamment les habitudes de la branche concernée et la catégorie de marque en cause, constatations qui relèvent du fait (c. 3.2). L’utilisation d’une marque en relation avec des produits ou services auxiliaires ne valide pas le droit à la marque pour de tels produits ou services. Sont considérés comme tels les produits ou services qui font partie de l’offre du produit ou service principal et qui lui sont accessoires sans être commercialisés de manière indépendante. Les produits ou les services qui, bien qu’accessoires au produit ou au service principal, sont offerts à titre onéreux ne peuvent plus être considérés, sous réserve des situations dans lesquelles la contrepartie ne serait que symbolique, comme produits/services auxiliaires. Il restera toutefois à établir l’existence d’un usage sérieux de la marque apposée sur ces produits/services (c. 3.3). Un usage purement symbolique fait à seule fin de ne pas perdre le droit à la marque ne suffit pas. Le titulaire doit manifester l’intention de satisfaire toute demande de marchandise ou de service. Par ailleurs, l’usage doit être économiquement raisonnable et intervenir dans le commerce. Un usage à des fins privées ou à l’intérieur de l’entreprise ne suffit pas à maintenir le droit. Les usages commerciaux habituels sont déterminants (c. 3.4). En ce qui concerne la preuve du défaut d’usage, l’art. 12 al. 3 LPM tient compte de la difficulté à apporter la preuve d’un fait négatif. Quiconque invoque le défaut d’usage doit donc le rendre vraisemblable, la (contre)-preuve de l’usage incombant alors au titulaire. Les règles de la bonne foi (art. 2 CC et art. 52 CPC) obligent la partie adverse à coopérer à la procédure probatoire. Cette obligation de nature procédurale ne constitue toutefois pas un renversement du fardeau de la preuve (c. 3.5). Pour satisfaire à l’exigence de la (contre)-preuve, il incombe au titulaire d’établir tous les éléments de faits qui permettront ensuite au Juge, sous l’angle du droit, de déterminer que l’usage intervient conformément à la fonction de la marque, que les produits ou services considérés ne sont pas des services auxiliaires et que l’usage de la marque est sérieux. Si la marque a été enregistrée pour plusieurs produits et/ou services, il appartient au titulaire d’apporter, en lien avec chacun des produits/services revendiqués, les éléments de preuves précités (c. 3.6). L’organisation de trois soirées entre 2007 et 2011 ne représente pas une exploitation suffisante pour satisfaire à l’exigence qui découle implicitement de l’art. 11 al. 1 LPM. Ce d’autant que la recourante ne fournit aucune donnée qui permettrait de compenser l’usage très limité sur le plan quantitatif (pendant le délai de carence) par un chiffre d’affaires particulièrement élevé (c. 3.7.1). Le titulaire d’une marque peut interdire à des tiers l’usage de signes similaires et destinés à des produits ou des services identiques ou similaires, lorsqu’il en résulte un risque de confusion (art. 3 al. 1 lit. c et art. 13 al. 2 LPM). L’existence de ce risque est une question de droit que le TF examine librement dans le cadre d’un recours en matière civile (c. 4.2). Sous réserve de la marque de haute renommée au sens de l’art. 15 LPM, il ne peut y avoir de risque de confusion au sens de l’art. 3 LPM lorsque les produits et services ne sont pas similaires, indépendamment des signes qui sont confrontés. Le simple fait qu’il puisse exister des chevauchements entre les groupes de consommateurs concernés par les services examinés ou entre les lieux où les prestations sont fournies ne permet pas de conclure à la similitude des services (c. 4.3). Les services de divertissement, de spectacles et de concert, d’organisation et de production de manifestations culturelles sont des offres distinctes économiquement des services des cafetiers-restaurateurs. Une similitude entre les services liés à de la restauration (exploitation de cafés, restaurants, bars, dancings, cabarets et hôtels) et ceux d’organisation ou production de manifestations culturelles et de spectacles est exclue et tout risque de confusion entre les marques peut être écarté (c. 4.4). Le principe de la spécialité ne s’applique pas en droit des raisons de commerce. Les raisons de commerce litigieuses qui contiennent toutes deux le même élément essentiel Arthur ne se distinguent pas de manière suffisamment nette pour qu’un risque de confusion puisse être nié. L’existence de confusion concrète n’est qu’un indice de l’existence d’un risque de confusion (c. 5.2). La péremption du droit d’agir ne doit pas être admise facilement, car selon l’art. 2 al. 2 CC, un droit ne sera pas protégé que si son exercice est manifestement abusif. La péremption est admise avec encore plus de retenue en cas de conflit entre raisons de commerce. Elle suppose que l’ayant droit ait toléré la violation de ses droits pendant une longue période sans s’y opposer et que l’auteur de la violation ait entre-temps acquis lui-même une position digne de protection (c. 6.1). Le moment à partir duquel la passivité du titulaire est à prendre en considération est celui où il a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance de l’utilisation du signe litigieux. Pour les raisons de commerce, en vertu de l’effet positif du registre du commerce (au sens de l’art. 933 al. 1 CO), l’inscription de la raison de commerce devient opposable aux tiers dès le jour ouvrable qui suit celui dont la date figure sur le No de la Feuille Officielle Suisse du Commerce où est publiée l’inscription (art. 932 al. 2 CO) (c. 6.2). Plus la période pendant laquelle l’ayant droit tolère l’usage concurrent est longue, plus l’auteur de la violation sera fondé à admettre, selon les règles de la bonne foi, que l’ayant droit continuera à tolérer la violation et qu’on ne pourra exiger de lui qu’il doive abandonner la situation acquise. L’ayant droit peut exceptionnellement se voir opposer la péremption même vis-à-vis de celui qui s’est consciemment approprié un signe distinctif prêtant à confusion, en particulier lorsque, par sa passivité, il amène le concurrent (originairement de mauvaise foi) à la conviction légitime que la violation est tolérée. La jurisprudence récente en matière de signe distinctif opte pour une période entre 4 et 8 ans. Dans un cas particulier, la péremption a déjà été admise au bout d’une année et demie et dans un autre cas envisagée après une période de 2 ans (c. 6.3). La répétition d’interpellations non suivies d’effet peut conforter l’auteur de l’atteinte dans la conviction que l’ayant droit ne songe pas sérieusement à faire valoir ses droits en justice (c. 6.4). S’agissant enfin de la position acquise sur le marché, ce qui est décisif est que la raison sociale de l’auteur de la violation se soit imposée dans le public comme étant le signe distinctif de l’entreprise ensuite d’un long et paisible usage et que le défendeur se soit ainsi créé une position concurrentielle avantageuse (c. 6.5). À cet égard, la valeur appréciable créée par l’auteur de l’atteinte ne suffit pas, à elle seule, pour entraîner la péremption. Le TF rappelle que le facteur temps revêt également une grande importance dans l’examen de la passivité de l’ayant droit et que dans le cas d’espèce une durée d’inaction de 19 mois jusqu’à la première mise en demeure est trop limitée pour être interprétée comme une tolérance au point de conduire à la péremption. Considérer la durée d’inactivité comme suffisante en l’espèce conduirait à une situation inacceptable. Cela reviendrait à favoriser les entreprises qui sont susceptibles de créer rapidement une valeur économique appréciable en faisant connaître leurs signes au moyen d’une réclame massive, ce qui ne correspond pas au fondement de la péremption qui tend à une protection de la confiance et non à celle de la possession (c. 6.6). Considérant une éventuelle intervention de la péremption entre la première mise en demeure (16 mars 2010) et l’introduction de l’action (20 juin 2012), le TF relève qu’il s’agit de savoir si la passivité prolongée de l’ayant droit a pu légitimement susciter auprès du défendeur la conviction que son comportement était toléré et qu’il le serait également à l’avenir, mais qu’il ne s’agit pas de contraindre l’ayant droit à agir avec une certaine célérité. En l’espèce, le TF considère que la passivité de la lésée n’a pas pu créer une apparence d’autorisation ; et que le contenu des mises en demeure était clair et ne pouvait en soi laisser croire à la défenderesse que l’ayant droit ne songeait pas sérieusement à faire valoir ses droits. Si la répétition des interpellations ne permet pas de légitimer l’action indéfiniment, il serait néanmoins absurde d’admettre la péremption dans l’hypothèse où l’ayant droit interpelle plusieurs fois sa partie adverse (sur une brève période) pour communiquer à celle-ci qu’il n’entend précisément pas tolérer l’utilisation du signe litigieux, alors que ce droit d’action n’aurait pas été éteint s’il n’avait interpelé qu’une seule fois sa partie adverse. La jurisprudence n’exige pas le renouvellement des mises en demeure sur des périodes aussi brèves et la péremption doit être admise avec une encore plus grande retenue lorsque l’ayant droit a déjà mis en demeure l’auteur de la prétendue violation (c. 6.7). Le droit d’action de la demanderesse n’étant pas périmé, la violation de l’art. 956 CO pouvait être invoquée en justice par celle-ci (c. 6.8). L’usage indu consiste en l’occurrence à avoir transgressé la règle de l’art. 951 al. 2 CO qui contient l’obligation de choisir une raison de commerce qui se distingue suffisamment d’une autre raison de commerce antérieure. Constitue un usage à titre de raison de commerce toute utilisation du signe distinctif qui se trouve en relation immédiate avec l’activité commerciale, par exemple l’emploi d’une enseigne reproduisant le signe en cause, l’inscription de celui-ci sur des papiers d’affaires à l’instar des catalogues, des listes de prix, des prospectus et des cartes de recommandation et l’utilisation du signe dans des répertoires d’adresses ou des annuaires téléphoniques (c. 6.8.4). La publication du jugement suppose que la victime de l’atteinte ait eu au moment du jugement un intérêt digne de protection à ce que la publication, qui doit contribuer à dissiper le trouble que l’auteur a propagé dans les cercles intéressés, soit ordonnée par le juge. Il n’y a pas d’intérêt digne de protection si l’atteinte n’a entraîné que très peu de confusion dans le public ou n’a pas été remarquée dans les milieux professionnels ou dans le public. Le recours est partiellement admis s’agissant du risque de confusion entre les raisons de commerce. [NT]

CC (RS 210)

- Art. 8

- Art. 2

CO (RS 220)

- Art. 933

-- al. 1

- Art. 956

- Art. 951

-- al. 2

CPC (RS 272)

- Art. 52

- Art. 5

-- al. 1 lit. c

-- al. 1 lit. a

Cst. (RS 101)

- Art. 9

LPM (RS 232.11)

- Art. 12

-- al. 3

-- al. 1

- Art. 13

-- al. 2

- Art. 15

- Art. 3

-- al. 1 lit. c

- Art. 11

-- al. 1

LTF (RS 173.110)

- Art. 107

-- al. 1

- Art. 75

-- al. 2

-- al. 2 lit. a

- Art. 95

- Art. 105

-- al. 1

-- al. 2

- Art. 99

-- al. 2

- Art. 74

-- al. 2 lit. b

19 janvier 2015

HG AG, 19 janvier 2015, HOR.2010.20 (d)

sic! 6/2015, p. 400-409, « Keytrader / Keytrade » (Dr. Anne Niedermann, Anmerkung) ; concurrence déloyale, nullité d’une marque, besoin de libre disposition, cercle des destinataires pertinent, imposition comme marque, sondage démoscopique, appréciation des preuves, moyens de preuve, preuve, expertise, force distinctive forte, champ de protection élargi, identité des produits et services, degré d’attention accru, risque de confusion direct, risque de confusion indirect, banque, services financiers, courtiers en valeurs mobilières ; art. 3 al. 1 lit. d LCD ; cf. N 769 (vol. 2012-2013 ; TF, 12 juillet 2012, 4A_45/201 ; sic! 12/2012, p. 816-819, « Keytrade AG/ Keytrade Bank SA » (Marbach Eugen, Anmerkung) et N 811 (TF, 27 juin2014, 4A_38/2014 ; sic! 10/2014, p. 624-632, « Keytrader »).

Lorsque l’enregistrement d’un signe est nul au sens du droit des marques, mais qu’il n’y a pas de besoin de libre disposition le concernant, une protection dudit signe par le droit de la concurrence déloyale n’est pas exclue (c. 8.1). En matière de concurrence déloyale, le cercle des destinataires pertinent se détermine en considérant avant tout la présentation réelle des produits sur le marché (marketing). Selon la présentation effective sur le marché des services proposés et en considérant les circonstances concrètes du cas d’espèce, le cercle des destinataires pertinent est composé de banques, de courtiers en valeurs mobilières, de clients institutionnels, et potentiellement d'autres clients professionnels (c. 9.3.1). En matière de concurrence déloyale, un signe descriptif peut également s’imposer par l’usage. La cible marketing d’un service peut évoluer avec le temps. Dans ce cas, le cercle des destinataires pertinent n’est plus celui visé originairement, mais celui qui est effectivement visé au moment de la décision (c. 9.4.1). Dans les procédures d’opposition en matière de marque, le TAF reconnait aux sondages démoscopiques privés une force probante équivalente ou seulement légèrement moindre à celle des expertises judiciaires. La force probante d’une expertise privée ne peut être niée que si le juge dispose d’indices concrets mettant en doute la fiabilité de l’expertise privée (c. 9.4.4). La définition de la personne compétente (appelée à répondre au sondage) et la manière de la déterminer ne ressortent pas clairement du sondage démoscopique. Cela réduit quelque peu la valeur probante de l’étude, sans pour autant en invalider totalement les résultats. Ce d’autant plus que le sondage comporte une question concernant la fonction occupée par la personne qui répond à l’étude. Cette question permet de vérifier que les répondants correspondent bien au cercle des destinataires pertinent (c. 9.4.6.2 § 1). Le fait que le sondage ne soit pas exhaustif en ce qui concerne le cercle des destinataires pertinent interrogé ne le rend pas inexploitable. Certains destinataires n’ont pas été ciblés immédiatement dès la mise sur le marché du service ou ne constituent qu’une parte limitée des destinataires (c. 9.4.6.2 § 2). Compte tenu du cercle des destinataires limité, de la taille et de la notoriété de la demanderesse (UBS) dans sa branche, il est inévitable qu’un certain nombre de répondants soient ou furent clients des services offerts sous le signe « Keytrader ». Cela ne diminue pas la valeur probante du sondage (c. 9.4.6.2 § 4). Il est admis qu’un signe s’est imposé par l’usage lorsque son degré de notoriété dépasse 50 % des répondants, comme c’est le cas en l’espèce (c. 9.4.6.6). Le signe « Keytrader » a acquis une force distinctive par l’usage (c. 9.6). Les services revendiqués par les parties sont partiellement identiques (c. 10.5). Considérant que le signe « Keytrader » bénéficie d’une force distinctive forte et d’un champ de protection élargi; que les destinataires font preuve d’un degré d’attention accru; que les services proposés sont partiellement identiques; que les éléments ajoutés au signe « Keytrader » sont faibles; un risque de confusion indirect – voir un risque de confusion direct – au sens du droit de la concurrence déloyale ne peut pas être exclu. Le recours est admis (c. 11.2). [AC]

08 août 2014

TAF, 8 août 2014, B-4820/2012 (f)

sic! 2/2015, p. 95-107, « Absinthe » (Claudia Maradan : Remarques) ; Absinthe, Fée Verte, La Bleue, dénomination traditionnelle, indication de provenance indirecte, sondage, droit d’être entendu, nom générique, preuve, fardeau de la preuve, moyens de preuve, interprétation d’une étude démoscopique ; art. 29 al. 2 Cst., art. 12 PA, art. 14 al. 1 lit. d LAgr, art. 16 al. 1 LAgr, art. 16 al. 2 LAgr, art. 1 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 3 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 4 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 4 al. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 5 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 6 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 6 al. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 8 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 10 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 10 al. 3 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 11 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP, art. 12 al. 1 Ordonnance sur les AOP et les IGP et art. 12 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP.

En vertu de l’art. 3 al. 1 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP, peut être enregistré comme indication géographique, le nom d’une région, d’un lieu ou, dans des cas exceptionnels, d’un pays qui sert à désigner un produit agricole ou un produit agricole transformé originaire de cette région, de ce lieu ou de ce pays (lit. a), dont une qualité déterminée, la réputation, ou une autre caractéristique peut être attribuée à cette origine géographique (lit. b), et qui est produit, transformé ou élaboré dans une aire géographique délimitée (lit. c). Les dénominations traditionnelles des produits agricoles ou des produits agricoles transformés qui remplissent les conditions fixées à l’art. 3 al. 1 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP peuvent être enregistrées comme indication géographique (art. 3 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP) (c. 4.2.1). Selon l’art. 16 al. 3 phrase 2 LAgr, les noms génériques ne peuvent être enregistrés comme appellations d’origine ou indications géographiques. L’art. 4 al. 2 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP ajoute que, par nom générique, on entend la dénomination d’un produit qui, bien que se rapportant au lieu où ce produit a été initialement élaboré ou commercialisé, est devenue un nom commun qui le désigne. Enfin, selon l’art. 4 al. 3 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP, pour déterminer si un nom est devenu générique, on tient compte de tous les facteurs entrant en ligne de compte, notamment de l’opinion des producteurs et des consommateurs, particulièrement dans la région où le nom a son origine (c. 5.1). L’art. 6 al. 1 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP prévoit que la demande d’enregistrement doit prouver que les conditions fixées par l’Ordonnance sur les AOP et les IGP pour l’obtention d’une appellation d’origine ou de l’indication géographique sont remplies et en particulier contenir les éléments prouvant que la dénomination n’est pas générique (art. 6 al. 2 lit. c de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP). Le fardeau de la preuve du caractère non générique de la dénomination à enregistrer revient donc au groupement demandeur (c. 5.2.1). Si l’étude démoscopique constitue un élément important en vue d’établir qu’une dénomination n’est pas générique, elle n’est que l’un des éléments à prendre en considération. D’autres moyens de preuves comme les dictionnaires, articles de presse ou d’autres publications entrent aussi en ligne de compte (c. 5.2.2). L’art. 4 al. 2 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP ne décrit pas l’ensemble des cas de noms génériques. Il peut par conséquent exister des noms génériques qui, dès l’origine, ont un caractère générique sans l’être devenus à la suite d’un processus évolutif. Ce qui est décisif est le caractère générique ou non générique de la dénomination en cause au moment du dépôt de la demande d’enregistrement litigieuse. Peu importe que le caractère générique ou non générique ait existé depuis toujours ou qu’il soit le résultat d’une évolution (c. 5.3.2). Plus le nombre de personnes interrogées est élevé, plus le résultat d’une étude démoscopique est fiable. Une base de 1000 personnes au minimum est recommandée par les spécialistes et adoptée comme référence par la jurisprudence. Mais ce sont, parmi l’ensemble des personnes interrogées, uniquement celles qui connaissaient la dénomination en cause qui doivent servir de base à l’interprétation de l’étude démoscopique. C’est donc pour chaque dénomination en cause, en fonction du nombre de personnes qui connaît cette dénomination (et non pas en fonction de l’ensemble des personnes interrogées) que doit être calculée la proportion de personnes qui lui associe telle ou telle origine particulière (c. 5.4.1.2.2). Lorsqu’il s’agit de déterminer si une dénomination est dénuée de caractère générique, une importance particulière doit être donnée à la spontanéité des personnes interrogées. Le risque existe autrement que la succession des questions de l’étude démoscopique pousse les personnes interrogées à trouver une origine au produit (c. 5.4.2.4.2.1). Il est ainsi fortement critiquable d’additionner des réponses fournies de manière spontanée à des réponses données de manière assistée. Les résultats assistés ne sauraient en effet être mis sur le même plan que les résultats spontanés, principalement en raison du fait que la force probante des résultats assistés ne peut être aussi élevée que celle des résultats spontanés (c. 5.4.3.2). L’échantillon utilisé pour une étude démoscopique doit être composé de personnes provenant de l’ensemble des régions de notre pays. Le TAF indique qu’il aurait en l’espèce été nécessaire de procéder à trois études démoscopiques distinctes et d’interroger pour chacune des trois dénominations un groupe de personnes séparé (c. 5.4.4.3). L’art. 4 al. 3 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP invite à prendre en considération l’ensemble des éléments pertinents et ne saurait être interprété comme donnant un poids particulier à l’un d’eux. La mention de l’opinion des producteurs et des consommateurs n’y change rien. Et la valeur exemplative ne remet pas en cause l’affirmation principale de la disposition selon laquelle il s’agit de tenir compte de tous les facteurs pertinents. Il en résulte que l’opinion des producteurs et des consommateurs de la région où la dénomination a son origine doit être confrontée à l’ensemble des circonstances et ne saurait être décisive à elle seule. Comme les effets de l’enregistrement d’une AOP ou d’une IGP touchent le territoire de la Suisse dans son ensemble, il n’y a pas de raison d’accorder un quelconque privilège à l’opinion des producteurs et des consommateurs de l’aire géographique concernée. Il s’agit au contraire de s’assurer que, dans toute la Suisse, la dénomination en cause n’a pas un caractère générique. L’art. 16 LAgr ne donne d’ailleurs aucune indication qui permettrait de donner un poids particulier à une région (c. 5.4.5.3). À la différence de ce qui concerne la Damassine pour laquelle le Jura était mentionné, tous les dictionnaires consultés par le TAF donnent une définition géographiquement neutre du terme « Absinthe ». Il s’agit là d’un indice important du caractère générique de cette dénomination. Les sources très anciennes ne rattachent pas non plus la dénomination « Absinthe » à une origine géographique particulière. Enfin, dans la littérature plus récente, ainsi que dans les beaux-arts, la dénomination « Absinthe » est également utilisée comme un nom générique (c. 5.5.1.1). L’art. 85 de l’Ordonnance du DFI du 29 novembre 2013 sur les boissons alcooliques (RS 817.022.110) entrée en vigueur le 1er janvier 2014 comporte une définition de l’absinthe qui lui donne un statut de générique et ne fait en aucun cas référence à une provenance géographique quelconque. Elle englobe donc n’importe quel produit qui présente les caractéristiques énumérées, quel que soit le lieu dans lequel il est fabriqué. Cela constitue un indice fort du caractère générique de la dénomination « Absinthe » qui est comprise comme telle par le public (c. 5.5.1.4.2). L’art. 32ter aCst. accepté en votation populaire le 5 juillet 1908 ne contenait aucun élément selon lequel la dénomination « Absinthe » aurait désigné une boisson ayant une provenance géographique particulière. Au contraire, cette disposition visait clairement à interdire un type de boisson désigné par la dénomination « Absinthe » (c. 5.5.1.4.2). Le fait qu’au total sur le plan suisse 21% des personnes connaissant la dénomination « Absinthe » l’associent spontanément au Val-de-Travers est relativement faible et ne saurait être « compensé » par le fait que 67% des personnes provenant du canton de Neuchâtel connaissent la dénomination « Absinthe » et l’associent spontanément au Val-de-Travers. Le caractère générique de la dénomination « Absinthe » ne saurait ainsi être nié. Une indication de provenance indirecte a en outre plus facilement tendance à être perçue comme un nom générique qu’une indication de provenance directe. Par ailleurs, plus l’aire géographique est restreinte, plus les exigences en matière de « non-généricité » se doivent d’être élevées. En effet, si une dénomination est réservée à une région très limitée et qu’il est par conséquent interdit aux producteurs des autres régions (c’est-à-dire aux producteurs de pratiquement toute la Suisse) de l’utiliser, il doit être d’autant plus évident que cette dénomination constitue une référence à cette région très limitée (c. 5.5.1.8). Le TAF en déduit que la dénomination « Absinthe » doit être qualifiée de nom générique au sens de l’art. 16 al. 3 phrase 2 LAgr et de l’art. 4 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP et qu’elle ne peut par conséquent être enregistrée comme IGP. La même conclusion s’impose pour le TAF à propos des dénominations « Fée Verte » et la « Bleue » puisque dans les dictionnaires dans lesquels elle est mentionnée, la dénomination « Fée Verte » est utilisée comme synonyme de la dénomination « Absinthe » et qu’elle est désignée comme l’expression la plus universellement répandue pour parler du produit (c. 5.5.2.2). Le TAF met ainsi en balance le pourcentage relativement faible (33%) sur le plan suisse de personnes connaissant cette dénomination qui l’associent spontanément au Val-de-Travers avec le fait que les définitions des dictionnaires et le dossier historique mettent clairement en évidence le fait que la dénomination « Fée Verte » est un synonyme de la dénomination « Absinthe » et le fait qu’elle a un caractère universel (c. 5.5.2.3). Pour la dénomination « la Bleue », le TAF relève qu’elle est aussi utilisée comme synonyme de la dénomination « Absinthe » dans les dictionnaires sans référence à sa provenance géographique particulière (c. 5.5.3.1), et que le pourcentage (35%) à nouveau relativement faible de personnes associant spontanément sur le plan suisse la dénomination « La Bleue » au Val-de-Travers, contre 79% des personnes provenant du canton de Neuchâtel, mis en balance avec les définitions se trouvant dans les dictionnaires et le dossier historique permet d’aboutir à la conclusion que cette dénomination doit également être qualifiée de nom générique (c. 5.5.3.3). À titre de comparaison, le TAF relève que plus de la moitié (57,7%) des personnes connaissant « spontanément » la Damassine sur le plan suisse ont rattaché le terme « Damassine » à une eau-de-vie et près des deux tiers (64%) ont indiqué le canton du Jura comme son lieu de production actuel, plus de la moitié des sondés (55,3%) ayant dit personnellement attendre que la « Damassine » provienne du canton du Jura (c. 5.6.1.1.1). Enfin, étant donné que le caractère générique des dénominations en cause exclut leur enregistrement en tant qu’IGP, la question de savoir si elles peuvent être qualifiées de dénominations traditionnelles au sens de l’art. 3 al. 2 de l’Ordonnance sur les AOP et les IGP peut rester ouverte (c. 6). Les recours sont admis. [NT]

Cst. (RS 101)

- Art. 29

-- al. 2

LAgr (RS 910.1)

- Art. 14

-- al. 1 lit. d

- Art. 16

-- al. 1

-- al. 2

Ordonnance sur les AOP et les IGP (RS 910.12)

- Art. 12

-- al. 2

-- al. 1

- Art. 11

-- al. 1

- Art. 5

-- al. 1

- Art. 1

-- al. 1

- Art. 10

-- al. 3

-- al. 2

- Art. 3

-- al. 2

- Art. 8

- Art. 4

-- al. 3

-- al. 1

- Art. 6

-- al. 3

-- al. 1

PA (RS 172.021)

- Art. 12

06 juin 2017

TAF, 6 juin 2017, B-5183/2015 (d)

sic! 12/2017, p. 743 (rés.) "Marque de couleur (Pantone 677 édition 2010)" ; motifs absolus d'exclusion, signe appartenant au domaine public, signe banal, signe descriptif, marque de couleur, rose, monochrome, implants, cercle des destinataires pertinent, spécialiste du domaine des implants, spécialiste du domaine de la médecine orthopédique, spécialiste du domaine de la médecine traumatologique, spécialiste du domaine de la médecine chirurgicale, spécialiste fabricant de prothèse, force distinctive, besoin de libre disposition absolu, imposition comme marque, imposition par l'usage, moyens de preuve, preuve, sondage démoscopique, publicité, bulletins de livraison, parts de marché, recours rejeté ; art. 2 lit. a LPM.


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Marque de couleur (Pantone 677 édition 2010)

Liste des produits et services revendiqués

Classe 10: Implants pour ostéosynthèses, orthèses, endoprothèses et substituts d'organes, ancres pour endoprothèses et prothèses dentaires, produits de substitution de surface articulaire, produits d'écartement osseux; sphères d'articulations coxo-fémorales, cupules acétabulaires, fosses acétabulaires et composants d'articulations de genou.


Cercle des destinataires pertinent

Pour les produits revendiqués en classe 10, les destinataires sont les producteurs d'implants et les médecins spécialisés en chirurgie, orthopédie et traumatologie (c. 4). La formulation choisie pour la liste des produits ne réduit pas le cercle des destinataires.

Motif absolu d’exclusion examiné 

Signe appartenant au domaine public, art. 2 lit. a LPM.

Conclusion

Les parties conviennent qu’il est commun que les produits revendiqués soient présentés dans une couleur monochrome. Les produits revendiqués sont destinés à être implantés dans le corps humain et ne sont donc pas visibles. La couleur revendiquée (rose pâle), ne se distingue pas clairement des couleurs blanche ou crème usuelles pour ces produits. Elle ne sera donc pas considérée comme une indication de la provenance industrielle du produit. Elle ne dispose pas d’une force distinctive originaire suffisante (c. 5.3). Il n'y a pas de besoin de libre disposition absolu pour cette nuance de couleur pour les produits revendiqués (c. 6.1.3). Afin de soutenir l'imposition comme marque du signe présenté à l'enregistrement, la recourante fait valoir une enquête démoscopique réalisée lors d'un congrès médical international dans les domaines de l'orthopédie et de la traumatologie, qui s'est déroulé à Berlin. S'il n'est pas exclu que des médecins suisses y aient participé, cette étude démoscopique ne repose pas sur une part représentative des destinataires de la marque en Suisse et ne permet donc pas de parvenir aux mêmes conclusions que la recourante (c. 6.2.2). Les autres moyens de preuve déposés ne sont pas propres à démontrer l'imposition du signe comme marque en Suisse (plaquettes publicitaires non datées, plaquettes publicitaires et film publicitaire sur youtube en anglais uniquement, cadeaux publicitaire (goodies)), malgré une part de marché importante pour les produits revendiqués en 2010 et 2011 (c. 6.3.3- 6.4). Le recours est rejeté et le signe est refusé à l'enregistrement (c. 7). [AC]

02 octobre 2017

TF, 2 octobre 2017, 4A_299/2017 (d)

« ABANCA », « ABANKA », usage de la marque, usage à titre de marque, marque internationale, banque, défaut d’usage, usage sérieux, invocation du défaut d’usage, preuve de l’usage d’une marque, action en constatation de la nullité d’une marque, procédure administrative en radiation, intérêt pour agir, fardeau de la preuve, vraisemblance, expertise privée, rapport de recherche, maxime de disposition, cercle des destinataires pertinent ; art. 8 CC, art. 11 al. 1 LPM, art. 12 al. 1 LPM, art. 12 al. 3 LPM, art. 35 LPM, art. 35a al. 1 LPM, art. 55 CPC.

Le défaut d’usage peut être invoqué dans le cadre d’une action en radiation qui n’est pas expressément prévue par la LPM, mais découle implicitement de la loi. Chacun peut faire valoir un défaut d’usage au sens de l’art. 12 LPM. Il n’est pas nécessaire de bénéficier d’un intérêt particulier pour le faire car l’intérêt général à ne pas être entravé dans la libre formation d’un signe distinctif par des marques nulles faute d’usage suffit en règle générale. Exceptionnellement, un intérêt digne de protection au prononcé de la nullité d’une marque peut faire défaut, lorsque la partie qui requiert la constatation de cette nullité ne pourra pas utiliser le signe ou un signe semblable ou ne sera pas autorisée à le faire pour d’autres motifs qui lui sont propres, de sorte que l’enregistrement de la marque non utilisée ne constitue pas pour elle un empêchement supplémentaire à son libre choix d’un signe comme marque. En pareil cas, le défaut d’usage ne peut être invoqué que si l’opposante dispose néanmoins, en raison de circonstances particulières, d’un intérêt digne de protection à empêcher le maintien en vigueur d’une marque déchue faute d’usage (c. 3.1). A côté d’une action civile en radiation ou en nullité, existe désormais une procédure administrative en radiation, dans le cadre de laquelle chacun peut adresser une demande de radiation à l’IPI faute d’usage selon l’art. 35a al. 1 LPM (c. 3.2). L’obligation d’usage de l’art. 11 al. 1 LPM correspond à la fonction commerciale de la marque : seuls les signes qui sont effectivement utilisés dans le commerce après l'échéance du délai de grâce et qui remplissent ainsi leur fonction distinctive et d’indication de provenance industrielle peuvent bénéficier du monopole du droit des marques. L’obligation d’usage permet aussi d’éviter que des marques soient enregistrées à titre de réserve, que le registre des marques soit ainsi artificiellement gonflé et la création de nouvelles marques entravée (c. 3.3). Celui qui invoque un défaut d’usage doit le rendre vraisemblable. La preuve de l’usage incombe alors au titulaire de la marque (c. 3.4). Une expertise de partie qui n’a que la valeur d’un allégué peut contribuer, en lien avec d’autres indices, à rendre une absence d’usage vraisemblable (c. 4.1). Parmi les moyens permettant de rendre vraisemblable un défaut d’usage, la doctrine en matière de marque mentionne en particulier les rapports de recherche négatifs qui documentent une absence de réponse des fournisseurs et des commerçants concernés, le matériel publicitaire se rapportant à la période concernée, une présence ou plutôt une non présence sur Internet, etc. L’avis d’un professionnel de la branche entre aussi en ligne de compte. Parmi les indices de non usage qui ont permis d’étayer le rapport de recherche qui ne constitue pas une expertise judiciaire mais uniquement une expertise de partie, le TF relève l’absence d’établissement, de représentation et de collaborateurs en Suisse du titulaire de la marque concernée ; le fait qu’aucune publicité pour les produits ne soit intervenue en Suisse ; le fait enfin que le résultat de recherche en ligne ne permette pas d’établir d’activité, de publicité ou autre en Suisse, ni non plus une présence en ligne du titulaire de la marque (c. 4.1). Le défaut d’usage ayant été rendu vraisemblable, la recourante aurait dû apporter une preuve stricte de l’usage (c. 4.3). L’usage maintenant le droit à la marque doit être un usage sérieux, soit animé du désir de satisfaire toute la demande du marché, sans pour autant qu’un chiffre d’affaires minimum n’ait à être atteint. Pour être sérieux, l’usage doit être économiquement relevant et ne pas se limiter à une apparence d’usage seulement. Il doit être établi en Suisse, et le signe distinctif doit être utilisé dans le commerce. Enfin, l’usage doit intervenir conformément à la fonction d’une marque, soit comme signe distinctif de certains produits ou services. Tel est clairement le cas lorsque la marque est apposée sur les produits ou leur emballage. La marque peut toutefois aussi être utilisée autrement en relation avec les produits ou services revendiqués, pour autant que les acteurs commerciaux perçoivent concrètement l’utilisation comme étant celle d’un signe distinctif. C’est la perception des consommateurs auxquels est destinée l’offre des produits/services pour lesquels la marque est enregistrée, qui est déterminante pour décider du caractère sérieux de l’usage fait de celle-ci. Les circonstances particulières du cas d’espèce doivent être prises en compte, notamment les coutumes de la branche économique concernée. Le cercle des destinataires pertinent se détermine en fonction des produits/services pour lesquels la marque est revendiquée (c. 5.3). [NT]

01 février 2017

TAF, 1er février 2017, B-5182/2015 (d)

sic! 7/8 2017, p. 414 (rés.), « élément de prothèse II (fig.) » ; motifs d'exclusion absolus, signe appartenant au domaine public, signe banal, signe descriptif, signe tridimensionnel, revendication de couleur, rose, monochrome, implants, cercle des destinataires pertinent, spécialiste du domaine des implants, spécialiste du domaine de la médecine orthopédique, spécialiste du domaine de la médecine traumatologique, spécialiste du domaine de la médecine chirurgicale, spécialiste fabricant de prothèse, force distinctive, besoin de libre disposition absolu, imposition comme marque, imposition par l'usage, moyens de preuve, preuve, sondage démoscopique, publicité, bulletins de livraison, recours rejeté ; art. 5 Conv. CH-D (1892), art. 2 lit. a LPM.

(3D)(element de prothese).PNG

(élément de prothèse) (3D)

Liste des produits et services revendiqués

Classe 10: Implants pour ostéosynthèses, orthèses, endoprothèses et substituts d'organes, ancres pour endoprothèses et prothèses dentaires, produits de substitution de surface articulaire, produits d'écartement osseux; sphères d'articulations coxo-fémorales, cupules acétabulaires, fosses acétabulaires et composants d’articulations de genou.


Cercle des destinataires pertinent

Les parties s'accordent sur le cercle des destinataires pertinent, composé des spécialistes en orthopédie et en traumatologie, ainsi que des fabricants d'implants (c. 4).

Conclusion

Le signe tridimensionnel est composé d'un hémisphère de couleur rose au milieu duquel il y a une indentation. La couleur rose (pantone 677C, édition 2010) est revendiquée. Il s'agit d'une tête fémorale (c. 5.1). Ce type de produit est généralement monochrome, de sorte que la revendication de couleur en question est banale (c. 5.4.2). Le signe est directement descriptif de la plupart des produits revendiqués (c. 5.5 à 5.7). Il n'a pas de force distinctive originale de par sa seule forme. La revendication de couleur n'y change rien, car elle ne diffère pas suffisamment de ce qui est habituel dans ce domaine (c. 5.8). Il n'y a pas de besoin de libre disposition absolu (c. 6.1.3). L'étude démoscopique a été réalisée lors d'un congrès international à Berlin, auquel participent les destinataires du produit. Aucun Suisse, ni aucun destinataire travaillant en Suisse, n'a été interrogé. Cette étude ne porte donc pas sur une part représentative des cercles des destinataires pertinents, et ne peut donc pas rendre vraisemblable l'imposition comme marque par l'usage (c. 6.2.5.1). Seuls 9 spécialistes suisses ont été interrogés. En raison de la méthodologie de l’enquête, il n’est pas possible de connaître leurs réponses exactes. De toute manière, 9 spécialistes ne sont pas représentatifs des quelques 900 chirurgiens orthopédistes actifs en Suisse selon la FMH (c. 6.2.5.1). Une enquête démoscopique doit être menée dans un environnement neutre. Tel n’a pas été le cas en l’espèce, l’enquête ayant été menée dans un congrès de spécialistes au cours duquel, il ne peut être exclu que la demanderesse ait tenu un stand d’information (c. 6.2.5.2). L’enquêtes démoscopique n’est donc pas propre à rendre vraisemblable l’imposition comme marque du signe, à défaut de représentativité. Contrairement à la question de l’usage sérieux à titre de marque, il n’est pas possible en matière d’imposition comme marque de s’appuyer sur la Convention entre la Suisse et l’Allemagne concernant la protection réciproque des brevets, dessins, modèles et marques (RS 0.232.149.136). Une enquête démoscopique concluante en Allemagne ne pourrait être considérée que comme un indice dans le cadre d’une procédure suisse (c. 6.2.5.3). La demanderesse démontre un nombre important de livraisons en Suisse à des fabricants de prothèses, notamment en 2010 et 2011. Mises en perspectives avec le marché global, on peut déduire de ces informations que les produits sont souvent utilisés en Suisse (c. 6.3.3). Les imprimés publicitaires ne peuvent pas être pris en considération, faute d’être datés. De plus, ils sont produits en anglais, de même que les spots publicitaires disponibles sur Youtube. Rien n’indique qu’ils sont destinés au marché suisse. Les cadeaux publicitaires (goodies) ne constituent pas un usage à titre de marque (c. 6.3.4). Malgré le grand nombre de livraisons effectuées en Suisse en 2010 et 2011, la demanderesse ne parvient pas à rendre vraisemblable une imposition comme marque (c. 6.3.7). Le recours est rejeté et le signe est refusé à l’enregistrement (c. 7). [AC]


04 juillet 2018

TF, 4 juillet 2018, 4A_515/2017 (f)  

Bentley, usage à titre de marque, usage de la marque, usage pour l’exportation, territorialité, usage sérieux, preuve de l’usage d’une marque ; art. 8 CC, art. 11 al. 1 LPM, art. 11 al. 2 LPM, art. 12 al. 1 LPM, art. 12 al. 3 LPM.

Les marques d’exportation étant appliquées sur des produits destinés exclusivement à l’exportation, elles ne répondent pas à l’exigence de la commercialisation sur le territoire suisse. Le législateur en a tenu compte et a prévu, à l’art. 11 al. 2 in fine LPM, que « l’usage pour l’exportation est assimilé à l’usage de la marque » (c. 2.1). Le législateur en introduisant dans la loi la « marque dite d’exportation » a explicitement manifesté son intention d'ancrer l’exigence de « l’apposition en Suisse d’une marque sur des produits destinés exclusivement à l’exportation (ou sur leur emballage) dans le souci de s’aligner par-là sur le droit communautaire qui posait (et pose toujours) cette exigence (voir réf.cit.). L’art. 11 al. 2 in fine LPM ne constitue pas à proprement parler une exception au principe de la territorialité, mais cette règle légale tient compte du fait que les produits destinés exclusivement à l’exportation ne sont pas commercialisés sur le territoire suisse ; elle concède, pour les marques dont les produits sont destinés exclusivement à l’exportation, un allègement de l’exigence de l’usage sur le territoire national, mais sans renoncer à tout rattachement concret avec ce territoire. La marque doit être utilisée en lien avec un produit déterminé. Ainsi, le seul fait d’apposer en Suisse la marque sur un support (hypothèse de l’impression d’étiquette comportant la marque) destiné à un produit maintenu à l’étranger ne répond pas à l’exigence de l’apposition, sur le territoire suisse, de la marque sur le produit (c. 2.2.1). Un usage à titre de marque doit intervenir conformément à la fonction de la marque, c’est-à-dire pour distinguer les produits ou les services. En d’autres termes, l’usage doit être public, la marque devant être utilisée de telle façon que le marché y voie un signe distinctif. Une utilisation dans la sphère interne de l’entreprise du titulaire de la marque ne suffit pas. Ainsi, l’utilisation à des fins privées (par exemple pour récompenser, à certaines occasions, les employés de l’entreprise) ou à l’intérieur de l’entreprise (notamment le flux de marchandises et le stockage à l’interne) n’est pas de nature à maintenir le droit. Il en va de même lorsque la marque est utilisée exclusivement entre deux ou plusieurs sociétés étroitement liées sur le plan économique. Dans ce dernier cas, même si les transferts de biens (notamment durant la période de fabrication d’un produit déterminé) entre les sociétés du « groupe » sont en principe inscrits comme des achats-ventes dans la comptabilité propre de chacune des sociétés, il ne s’agit que d’une utilisation (flux de marchandises) à l’interne du « groupe » qui ne vaut pas usage à titre de marque. Cet usage ne pourra alors être reconnu qu’au moment de leur (re)vente à des tiers (grossistes, détaillants, clientèle privée). Pour déterminer si on est en présence d’un usage en tant que marque (qui est une question de droit), il convient de se fonder sur la perception (présumée) des personnes auxquelles s’adressent les produits enregistrés. Les circonstances du cas particulier, et notamment les habitudes de la branche concernée et la catégorie de marque en cause, doivent ainsi être prises en considération (c. 2.3.1). Par la nature des choses, il est plus aisé de prouver l’usage d’une marque que son non-usage. L’art. 12 al. 3 LPM prévoit ainsi que quiconque invoque le défaut d’usage doit le rendre vraisemblable, la preuve de l’usage incombant alors au titulaire. Ce dernier doit établir tous les éléments de faits qui permettront ensuite au Juge, sous l’angle du droit, de déterminer que l’usage est intervenu conformément à la fonction de la marque (c. 2.3.2). Dans le cas d’espèce, la marque est appliquée sur le cadran destiné aux futures montres, à l’étranger, puis le cadran posé sur les montres en Suisse avant leur exportation. Il n’en résulte pas que l’apposition de la marque interviendrait à l’étranger uniquement et que la condition qu’elle intervienne dans notre pays ne serait pas réalisée, dans la mesure où la marque est simplement appliquée sur un support, le cadran, à l’étranger, puis apparaît réellement sur le produit fini, ce qui constitue l’élément déterminant, sur le territoire suisse, dans le cadre des opérations d’assemblage, au moment où le cadran est posé sur les montres (c. 2.4). Faute toutefois d’avoir établi un usage public, à l’extérieur des sociétés du « groupe » pendant le délai de carence de 5 ans de l’art. 12 al. 1 LPM, la défenderesse n’a pas fourni les preuves permettant d’établir l’usage de la marque litigieuse durant la période de carence (c. 2.5.4). Le TF admet le recours en matière civile et réforme l’arrêt attaqué en ce sens que la nullité de la marque litigieuse (pour défaut d’usage) est constatée et qu’il ordonne à l’IPI de radier cette marque pour les produits de la classe 14 (c. 2.6). [NT]

01 mars 2019

TF, 26 février 2019, 4A_629/2018 (d)

« fixation du dommage » ; droit d’auteur, dommage, fardeau de l’allégation, fardeau de la preuve, preuve du dommage, fixation du dommage ; art. 42 al. 2 CO.

La fixation du dommage selon la méthode de l’analogie avec la licence nécessite aussi la preuve d’un dommage. Le demandeur ne peut pas se borner à alléguer l’utilisation sans licence de son logiciel et l’obtention du prix catalogue par le défendeur (c. 5.1). Quelle que soit la méthode de détermination du dommage, l’art. 42 al. 2 CO ne dispense pas le demandeur d’alléguer tous les éléments qui lui sont accessibles et qui permettront au juge d’évaluer le dommage (c. 5.2). [VS]

28 novembre 2018

TF, 28 novembre 2018, 4A_234/2018 (d)

Marque verbale, marque mixte, enregistrement abusif, marque défensive, appréciation des preuves, fardeau de la preuve, preuve d’un fait négatif, preuve du défaut d’usage, nullité d’une marque; art. 8 CC, art. 12 al. 1 LPM.

La jurisprudence fédérale n’admet pas de protection pour les marques qui n’ont pas été déposées pour être utilisées, mais dans le dessein, en empêchant l’enregistrement de signes correspondants par des tiers, d’élargir le champ de protection de marques effectivement utilisées ou pour obtenir des avantages financiers ou autres de l’utilisateur antérieur. L’absence d’intention d’utiliser la marque en entraîne la nullité. L’inadmissibilité des marques enregistrées de mauvaise foi étant donné l’absence de volonté de les utiliser constitue, à côté du non-usage selon l’art. 12 al. 1 LPM, un motif propre et indépendant de perte du droit à la marque, et le titulaire d’une telle marque ne peut pas se prévaloir du délai de non-usage. La preuve de l’absence de volonté d’utiliser, outre qu’elle porte sur un fait négatif, concerne en plus un fait interne (« innere Tatsache ») qui peut à peine être prouvé de manière positive. En vertu de son obligation de collaborer à la preuve, il peut ainsi être exigé de la partie qui a enregistré la marque qu’elle documente, ou à tout le moins qu’elle allègue, les motifs qui dans le cas concret, en dépit du reproche qui lui est fait d’avoir enregistré la marque de manière abusive, seraient au contraire constitutifs d’une stratégie de marque fondée sur la bonne foi. Si ces indications ne convainquent pas le juge, la preuve abstraite d’une constellation typique d’une marque défensive suffit dans l’appréciation globale des preuves (c. 2.1). La répartition du fardeau de la preuve devient sans objet lorsque, comme dans le cas concret, le tribunal arrive à la conclusion, dans son appréciation des preuves, qu’un fait allégué est établi (c. 2.2.1). L’instance précédente a admis dans son appréciation des preuves présentées que le recourant avait enregistré la marque suisse No 624864 « WILD HEERBRUGG », ainsi d’ailleurs que la marque suisse No 567937 « WILD HEERBRUGG » qui ne fait pas l’objet du présent litige, sans l’intention de l’utiliser mais bien plutôt dans le dessein d’attaquer des marques comportant ces éléments et d’exiger de l’argent pour renoncer à la procédure. Il ne s’agit pas là d’un cas d’absence de preuve dont les circonstances devraient être revues (c. 2.2.1). Le recours est rejeté. [NT]

31 octobre 2018

Appellationsgericht des Kantons Basel-Stadt, 31 octobre 2018, ZK.2017.2 (d)

sic! 6/2019, p. 367-375, « Lichtgestalten »; action en constatation, action en interdiction, qualité pour agir, licence exclusive, droit de citation, droit à l’intégrité de l’œuvre, intégrité de l’œuvre, publication du jugement, tort moral, action en remise du gain, remise du gain, action en dommages-intérêts, dommage, preuve du dommage, obligation de renseigner, fixation du dommage ; art. 41 CO, art. 49 CO, art. 423 CO, art. 11 al. 1 LDA, art. 11 al. 2 LDA, art. 25 LDA, art. 61 LDA, art. 62 al. 1 lit. a LDA, art. 62 al. 2 LDA, art. 62 al. 3 LDA, art. 66 LDA.

La mise en œuvre de droits à rémunération s’avère en général difficile dans le domaine du droit d’auteur. Si l’action en constatation était subsidiaire par rapport à l’action en exécution d’une prestation, il y aurait en l’espèce un risque important qu’elle soit irrecevable faute d’intérêt et que l’action en remise du gain soit rejetée en raison de l’inexistence d’un gain, quand bien même il y a apparemment une violation du droit d’auteur. De plus, la jurisprudence sur la subsidiarité de l’action en constatation a pour but d’éviter plusieurs procès successifs, d’abord en constatation puis en exécution. En l’espèce, ces considérations d’économie de la procédure ne valent pas puisque les demandeurs font valoir les deux actions dans le même procès. Enfin, la constatation peut offrir une protection juridique d’une autre nature ou supplémentaire par rapport à l’action en exécution. Il y a donc en l’espèce un intérêt à la constatation (c. 2.1). L’action en constatation n’est pas liée à la titularité du droit invoqué, mais à la preuve d’un intérêt. Elle est normalement à disposition du licencié exclusif lorsque son droit relatif dépend du droit d’auteur à constater. S’agissant de l’action en exécution d’une prestation, la qualité pour agir du licencié exclusif résulte de l’art. 62 al. 3 LDA (c. 2.2). Une citation au sens de l’art. 25 LDA doit servir de commentaire, de référence ou d’illustration. Elle ne doit pas avoir un but autonome, mais une fonction de justification. Il doit exister, d’une part, un rapport matériel entre l’œuvre citée et la représentation propre ; d’autre part, la citation doit être d’importance subordonnée. Si le texte cité suscite un intérêt principal, l’art. 25 LDA n’est pas applicable (c. 3.2). En l’espèce, les conditions d’application de l’art. 25 LDA ne sont pas remplies (c. 3.3). Le doit à l’intégrité de l’œuvre vaut aussi bien pour les petites modifications que pour les grandes. Il est violé par toute modification non autorisée. En l’espèce, il n’est donc pas nécessaire de déterminer si les modifications sont seulement marginales, comme le prétend la défenderesse (c. 4.2). Une citation falsifiée, ou sortie de son contexte de sorte à présenter l’auteur sous un autre jour, est inadmissible au même titre qu’une utilisation de l’œuvre dans un contexte rejeté par l’auteur. Une altération portant atteinte à la personnalité, au sens de l’art. 11 al. 2 LDA, ne sera reconnue que pour les modifications importantes ayant des conséquences négatives, et cela de manière restrictive. Il s’agira alors d’une forme de détérioration particulièrement grave, d’une falsification flagrante du contenu de l’expression intellectuelle, cette dernière se manifestant dans l’œuvre en tant qu’émanation de la personnalité de l’auteur. Il n’y a pas une telle altération en l’espèce (c. 4.3). L’action en interdiction de l’art. 62 al. 1 lit. a LDA suppose un intérêt à la protection actuel et suffisant. Celui-ci existera en cas de mise en danger concrète du droit, c’est-à-dire lorsqu’une violation future est sérieusement à craindre. Les conclusions en interdiction doivent viser des actes concrets réservés à l’auteur d’après l’art. 10 LDA et elles doivent être rédigées précisément, de sorte que les actes interdits soient sans autre reconnaissables pour la partie défenderesse et les autorités d’exécution (c. 5.2). Etant donné que la défenderesse conteste l’illicéité de son comportement, il y a un risque de récidive donc un intérêt actuel et suffisant pour demander l’interdiction (c. 5.3). La fonction première d’une publication du jugement est de mettre fin à la violation du droit d’auteur. Pour l’ordonner, le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Il devra peser les intérêts divergents des parties et s’orienter sur le principe de la proportionnalité. Les demandeurs devront avoir un intérêt à la publication, par exemple le besoin d’informer un cercle de personnes dépassant leurs proches des violations constatées du droit d’auteur, afin de mettre fin au trouble ou à la confusion sur le marché. Une publication pourra être opportune lorsque la partie violant les droits conteste l’illicéité de son comportement, de sorte que d’autres atteintes sont à craindre. En revanche, on pourra renoncer à la publication si les violations datent déjà de quelques temps ou qu’elles n’ont pas eu de retentissement, ni chez les professionnels ni dans le public. En l’espèce, les violations n’ont pas fait de bruit et n’ont pas occasionné de confusion au sein des lecteurs, si bien qu’une publication du jugement serait injustifiée (c. 6). Comme il n’y a aucune altération au sens de l’art. 11 al. 2 LDA, l’atteinte à l’intégrité de l’œuvre n’est pas suffisamment grave pour fonder une indemnité pour tort moral selon l’art. 49 al. 1 CO (c. 7). Un droit à la remise du gain selon l’art. 423 CO suppose qu’une personne s’approprie une affaire, c’est-à-dire intervienne dans la sphère juridique d’autrui et en retire un gain de manière causale. La personne doit également agir de mauvaise foi, ce qui est le cas en l’espèce. C’est le gain net qui est pris en considération, c’est-à-dire que les frais du gérant sont déduits du montant brut. Ce dernier devra être prouvé par le lésé, tandis que le gérant supportera le fardeau de la preuve de ses frais. Dans la présente affaire, l’action en remise de gain serait justifiée, si bien que le titulaire du droit d’auteur doit être renseigné par la défenderesse sur les éventuels gains qu’elle a réalisés. Ce droit n’appartient pas au licencié exclusif, qui n’est pas habilité à demander la remise du gain (c. 8.2). La fixation du dommage selon la méthode de l’analogie avec la licence nécessite que le titulaire du droit d’auteur ait été prêt à autoriser l’utilisation de l’œuvre. Elle ne dispense pas le demandeur de prouver l’existence d’un dommage. Il faut donc encore examiner si le demandeur aurait été prêt à conclure un contrat de licence (c. 8.3). [VS]

14 septembre 2016

TAF, 14 septembre 2016, B-5653/2015 (d)

sic! 3/2017, p. 135-145, « Havana Club (fig.) / Cana Club (fig.) » ; motifs relatifs d’exclusion, cercle des destinataires pertinent, consommateur final, adulte, intermédiaire, spécialiste de la branche des boissons alcooliques, degré d’attention moyen, identité des produits ou services, similarité des produits ou services, similarité des signes, similarité des signes sur le plan sonore, similarité des signes sur le plan sémantique, similarité des signes sur le plan visuel, indication de provenance qualifiée, signe descriptif, force distinctive faible, étendue de la protection, usage intensif de la marque, preuve de l’usage d’une marque, vocabulaire anglais de base, club, enquête démoscopique, décision étrangère, risque de confusion nié, boisson alcoolisée, rhum, La Havane, recours rejeté ; art. 3 al. 1 lit. c LPM.

Marque(s) attaqué(s)
Marque(s) opposante(s)
cana-club.jpg

HAVANA CLUB 

Classe 30 : Chocolat.


Classe 33 : Boissons alcoolisées (à l'exception des bières).


Classe 34 : Tabac ; articles pour fumeurs ; allumettes ; cigares.

Contenu de la décision

Produits faisant l’objet de l’opposition

Classe 33 : Boissons alcoolisées (à l'exception des bières).

Cercle des destinataires pertinent et degré d’attention des consommateurs

Le produit « Rhum de la Havane », en classe 33, est destiné aux intermédiaires et aux distributeurs de ces produits, ainsi qu’aux consommateurs finaux de plus de 18 ans. Les destinataires font preuve d’un degré d’attention moyen (c. 4.1).

Identité/similarité des produits et services

Le produit « Rhum de la Havane » constitue une sous-catégorie du libellé « boissons alcoolisées (à l’exception de la bière) ». Les produits sont donc identiques à fortement similaires (c. 5.1).

Similarité des signes

Les signes ne sont pas similaires sur le plan visuel (c. 6.1.3). Ils sont similaires sur le plan phonétique (c. 6.2-6.2.3) et sur le plan sémantique, en raison de l’élément commun « club » (c. 6.3.5). Les signes sont similaires (c. 6.4).

Force distinctive des signes opposés

Force distinctive de la marque attaquée :


-


Force distinctive de la marque opposante et champ de protection

L’élément « CLUB » est partiellement descriptif des produits en cause (lieu de consommation du produit) et, de ce fait, son caractère distinctif est faible (c. 7.2.2). L’élément « HAVANA » désigne la capitale de Cuba, pays connu pour sa production de rhum. Sous réserve d’une éventuelle imposition comme marque, un élément d'une marque fondé sur une indication de provenance qualifiée présente un faible caractère distinctif intrinsèque (c. 7.3).

L’association des éléments « HAVANA » et « CLUB », tous deux descriptifs à des degrés divers, ne donne pas naissance à un néologisme dont le caractère distinctif irait au-delà de la somme de leurs parties. Par conséquent, la marque opposante dispose d’un faible caractère distinctif, et, en conséquence, d’une faible étendue de protection (c. 7.4).

Risques de confusion admis ou rejetés / motifs

Le risque de confusion est nié (c. 11).

Divers

Le terme anglais « club » appartient au vocabulaire anglais de base (c. 6.3.4). L’enquête démoscopique présentée dans le but de démontrer l’usage intensif de la marque opposante présente de nombreux et importants problèmes méthodologiques et ne peut donc pas être prise en considération (c. 8-8.6). De même, les volumes de rhum vendus en Suisse par la titulaire de la marque opposante sur une période de cinq ans ne sont pas suffisants pour démonter un usage intensif de la marque. Tout d’abord, on attend généralement de chiffres de ce genre qu’ils portent sur une période de dix ans. En outre, les informations communiquées n’indiquent pas quelle part de marché cela représente en Suisse et elles ne permettent pas d’établir un usage à titre de marque (c. 8.7). Les décisions étrangères dans lesquelles l’usage intensif de la marque a été reconnu et qui sont produites par la demanderesse ne sont pas authentifiées et font l’objet de traductions incomplètes. De plus, elles se rapportent à une autre marque de la demanderesse, proche de la marque opposante (c. 8.8). La marque opposante ne parvient pas à établir un usage intensif (c. 8.9).

Conclusion : le signe attaqué est enregistré / refusé

Le recours est rejeté (c. 12).

07 octobre 2016

TAF, 7 octobre 2016, B-159/2014 (f)

sic! 3/2017, p. 146 (rés.), « Belvedere Ca’ Belvedere Amarone (fig.) » ; motifs relatifs d’exclusion, cercle des destinataires pertinent, grand public, spécialiste de la branche des boissons alcooliques, degré d’attention moyen, degré d’attention accru, similarité des produits ou services, similarité des signes sur le plan sonore, similarité des signes sur le plan sémantique, similarité des signes sur le plan visuel, similarité des signes, force distinctive faible, force distinctive normale, risque de confusion admis, usage de la marque, usage sérieux, preuve d’usage de la marque, boissons alcoolisées, vodka, spiritueux, vin, amarone, belvédère, recours rejeté ; art. 3 al. 1 lit. c LPM.

Marque(s) attaqué(s)
Marque(s) opposante(s)
ca-belvedere-amarone.jpg

BELVEDERE 

Classe 33 : Vins avec l’appellation traditionnelle « Amarone »

(extrait)


Classe 33 : Vins, spiritueux

Contenu de la décision

Produits faisant l’objet de l’opposition

Classe 33 : Vins avec l’appellation traditionnelle « Amarone ».

Cercle des destinataires pertinent et degré d’attention des consommateurs

Les produits en cause s’adressent au grand public suisse âgé de plus de 16 ans, respectivement 18 ans – qui fait preuve d’un degré d’attention moyen, mais plutôt superficiel – sans perdre de vue le fait qu’ils sont également destinés au spécialiste de la branche – qui fait preuve d’un degré d’attention accru (c. 4.2.4).

Identité/similarité des produits et services

Vu la jurisprudence (qui admet en particulier une similarité entre la bière – et, même, les boissons non alcoolisées – et les boissons alcoolisées), ainsi que les nombreux points communs qui peuvent être mis en évidence entre ces produits, il convient de retenir une certaine similarité entre le produit « vodka » revendiqué par la marque opposante et les produits « vins avec l’appellation traditionnelle « Amarone » » revendiqués par la marque attaquée. Toujours conformément à la jurisprudence, cette similarité doit être qualifiée de relativement éloignée. Les spiritueux et les vins se distinguent en effet notamment par leur degré d’alcool, leur but d’utilisation et leur lieu de fabrication, qui peuvent, dans certains cas, être très différents. Est en revanche sans réelle portée en l’espèce le fait que le type (provenance) des vins en question soit précisément déterminé. Les vins portant la mention traditionnelle « Amarone » n’en demeurent en effet pas moins des vins (c. 5.3.2.3).

Similarité des signes

Si l’élément « BELVEDERE » n’occupe qu’une place restreinte dans le signe « CA’BELVEDERE AMARONE (fig.) », il n’en demeure pas moins clairement perceptible. Les signes en cause sont similaires sur le plan visuel (c. 7.3.2.1.2). Contrairement à ce que soutient la recourante, il n’y a aucune raison de penser que la prononciation de la marque opposante "BELVEDERE" diffère fondamentalement de celle de l’élément "BELVEDERE" contenu dans la marque attaquée "CA’BELVEDERE AMARONE (fig.)". Par ailleurs, même si, à l’oral, il n’occupe pas une position dominante dans le signe "CA’BELVEDERE AMARONE (fig.)", l’élément "BELVEDERE" reste absolument perceptible. Les signes sont similaires sur le plan sonore également (c. 7.3.2.2.2). L’élément « BELVEDERE » est présent tant dans la marque opposante que dans la marque attaquée. A priori, il n’y a aucune raison de penser que les autres éléments du signe « CA’BELVEDERE AMARONE (fig.) » amènent les cercles de consommateurs déterminants à comprendre l’élément « BELVEDERE » différemment dans chacun des signes en cause. Une similarité entre ces signes doit dès lors être admise sur le plan sémantique également (c. 7.3.2.3.2). Il existe donc, en raison de la reprise intégrale du signe « BELVEDERE » dans la marque attaquée une similarité entre ces signes sur les plans visuel, sonore et sémantique (c. 7.3.2.4). Il convient de retenir l’existence d’une grande similarité entre le signe « BELVEDERE » et le signe « CA’BELVEDERE AMARONE (fig.) » (c. 7.3.3.2.2).

Force distinctive des signes opposés

Force distinctive de la marque attaquée

Il convient de ne reconnaître à l’élément "AMARONE (fig.)" qu’une force distinctive relativement faible (c. 7.3.3.1.1). Pour les cercles de consommateurs italophones, l’élément « CA » est compris comme une forme abrégée du mot italien « casa », aussi bien dans le sens d’« habitation » que dans le sens d’« entreprise » (c. 7.3.3.1.2). Pour eux, il doit avant tout être rattaché à sa signification économique d’« entrerprise », appartient dès lors au domaine public et jouit d’une force distinctive faible (c. 7.3.3.1.2.1). De même, seule une force distinctive faible peut être reconnue à la représentation d’un bâtiment qui figure au sommet du signe « CA’BELVEDERE AMARONE (fig.) ». Située immédiatement au-dessus de l’élément « CA’BELVEDERE », cette image se limite en effet à l’illustrer, qui plus est d’une manière stylisée, qui n’attire pas particulièrement l’attention (c. 7.3.3.1.3). Enfin, présent dans chacun des signes en cause, l’élément « BELVEDERE » désigne une construction et/ou un point de vue. En lien avec les produits concernés (tant ceux de la marque opposante que ceux de la marque attaquée), il est doté d’une force distinctive moyenne (c. 7.3.3.1.4).

Force distinctive de la marque opposante et champ de protection

La marque opposante « BELVEDERE » jouit d’une force distinctive moyenne (c. 6.3.3).

Risques de confusion admis ou rejetés / motifs

a marque opposante « BELVEDERE » est dotée d’une force distinctive moyenne. Bien que la similarité entre les produits en cause soit relativement éloignée, il existe une grande similarité entre le signe « BELVEDERE » et le signe « CA’BELVEDERE AMARONE (fig.) ». Dans ces conditions, il convient d’admettre un risque de confusion entre la marque opposante et la marque attaquée (c. 8.3.2).

Divers

Le titulaire de la marque attaquée fait valoir le non-usage de la marque opposante, à l’exception du produit « vodka » (c. 2.2.3.1.1.1). Le titulaire de la marque opposante n’est pas tenu de rendre vraisemblable l’usage sa marque en lien avec la partie de la catégorie générale de produits pour laquelle la recourante ne fait pas valoir le non-usage de la marque opposante, et peut par conséquent valablement fonder son opposition sur la marque opposante en lien (au moins) avec le produit « vodka » (c. 2.2.3.1.2). Si le non-usage de la marque n’est pas invoqué en lien avec certains produits ou services d’une catégorie générale, la marque ne peut être considérée comme valablement utilisée en lien avec d’autres produits ou services de cette catégorie générale que si le titulaire de la marque rend malgré tout activement vraisemblable, par le dépôt de moyens de preuve, l’usage de la marque pour les produits ou les services en lien avec lesquels le non-usage de la marque n’est pas invoqué (c. 2.2.3.3.1). L’usage sérieux et continu de la marque opposante pour autre chose que le produit « vodka » n’est pas rendu vraisemblable, et l’opposition se fonde donc uniquement sur le produit « vodka » (c. 2.2.3.3.2 et 2.3.4).

Conclusion : le signe attaqué est enregistré / refusé

L’opposition formée à l’encontre de la marque attaquée « CA’BELVEDERE AMARONE (fig.) » doit être admise. Partant, mal fondé, le présent recours est rejeté (c. 10). [AC]

10 octobre 2016

TAF, 10 octobre 2016, B-6637/2014 (f)

sic! 4/2017, p. 217 (rés.), « Sensationail (fig.)| Sensationail » ; motifs relatifs d’exclusion, cercle des destinataires pertinents, grand public, spécialiste de la branche des cosmétiques, degré d’attention accru, degré d’attention moyen, identité des produits ou services, similarité des produits ou services, similarité des signes sur le plan sonore, similarité des signes sur le plan sémantique, similarité des signes sur le plan visuel, similarité des signes, force distinctive faible, risque de confusion admis, usage de la marque, usage sérieux, preuve de l’usage d’une marque, produits cosmétiques, recours rejeté ; art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 11 LPM, art. 32 LPM.

Marque(s) attaqué(s)
Marque(s) opposante(s)

SENSATIONAIL

sensationail-fig.jpg

Première marque :


Classe 3 : Laques pour les ongles ; bases pour vernis à ongles ; dissolvants pour vernis à ongles ; fixateurs pour vernis à ongles.


Seconde marque :


Classe 3 : Préparations et produits de soin pour la revitalisation des ongles et cuticules.

Classe 11 : Lampes à DEL pour la pose d’ongles, autres qu’à usage médical.

(extrait)


C

lasse 3 : Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices.

Contenu de la décision

Produits faisant l’objet de l’opposition

Produits cosmétiques revendiqués en classe 3.

Cercle des destinataires pertinent et degré d’attention des consommateurs

Si le non-usage de la marque opposante a été invoqué en vertu de l'art. 12 al. 1 LPM (art. 32 LPM), seuls entrent en ligne de compte pour déterminer le cercle des destinataires pertinent, les produits et/ou les services en relation avec lesquels l'usage de la marque opposante a été rendu vraisemblable (c. 9.1.1), en l’occurrence les produits cosmétiques en classe 3 (c. 9.2.1.1).

Les produits revendiqués en classe 3 par les marques en cause sont destinés tant aux spécialistes de la cosmétique qu'au grand public. Quant aux produits « lampes à DEL pour la pose d'ongles, autres qu'à usage médical », revendiqués en classe 11 par la seconde marque attaquée, ils sont avant tout destinés à un public relativement spécialisé, mais il ne peut être exclu qu'ils s'adressent au grand public (c. 9.2.2). Il s'agit dès lors de considérer que les produits en cause s'adressent au grand public, qui fait preuve d'un degré d'attention moyen, sans perdre de vue le fait que certains d'entre eux sont plus particulièrement destinés au spécialiste de la cosmétique, qui fait preuve d'un degré d'attention accru (c. 9.2.3).

Identité/similarité des produits et services

Les produits cosmétiques revendiqués en classe 3 par la marque opposante sont, d'une part, identiques tant aux produits « laques pour les ongles ; bases pour vernis à ongles ; dissolvants pour vernis à ongles ; fixateurs pour vernis à ongles » revendiqués par la première marque attaquée qu'aux produits « préparations et produits de soin pour la revitalisation des ongles et cuticules » revendiqués par la seconde marque attaquée et, d'autre part, similaires aux produits « lampes à DEL pour la pose d'ongles, autres qu'à usage médical » revendiqués par la seconde marque attaquée (c. 10.2.3).

Similarité des signes

Les signes sont similaires sur le plan visuel (c. 11.2.2.1), sur le plan sonore (11.2.2.2) et sur le plan sémantique (c. 11.2.2.3). Il y a donc une très grande similarité entre eux (11.2.3).

Force distinctive des signes opposés

Force distinctive de la marque attaquée :


-


Force distinctive de la marque opposante et champ de protection : bien qu’en soi faibles, les divers éléments de la marque opposante sont combinés d’une manière relativement imaginative, de sorte qu’une force distinctive légèrement en dessous de la moyenne peut lui être reconnue (c. 12.2.1.3.2).

Risques de confusion admis ou rejetés / motifs

Vu l'identité, respectivement la similarité, entre les produits concernés et, surtout, la très grande similarité entre les signes en cause, il existe un risque de confusion entre la marque opposante « sensationail (fig.) », d'une part, et les deux marques attaquées « SENSATIONAIL », d'autre part (c. 12.2.2).

Divers

Le titulaire de la marque opposante a pu rendre vraisemblable la vente de 132 exemplaires susceptibles d’avoir porté la marque (c. 6.1.4.1), pour un chiffre d’affaires de CHF 1'643.- (c. 6.1.4.2). Un usage sérieux de la marque opposante doit être tenu pour vraisemblable, car il revêt une certaine constance sur l’ensemble des périodes à prendre en considération ; il ne peut être qualifié d’accidentel ou de sporadique (c. 6.1.4.3). Par ailleurs, du moment que, comme en l'espèce, une utilisation suffisamment sérieuse de la marque opposante est rendue vraisemblable, peu importe qu'elle ait lieu, durant une certaine période, en parallèle avec l'utilisation de la marque opposante épurée (c. 6.1.4.3.2).

Conclusion : le signe attaqué est enregistré / refusé

Les oppositions formées à l’encontre des deux marques attaquées sont fondées. Les recours B-6637/2014 et B-6641/2014 sont rejetés (c. 15). [AC]

03 novembre 2016

TAF, 3 novembre 2016, B-2217/2014 (d)

sic! 4/2017, p. 209-216 , « Bond St. 22 London (fig.) » ; motifs absolus d’exclusion, signe appartenant au domaine public, signe trompeur, signe combiné, signe descriptif, cercle des destinataires pertinent, grand public, intermédiaires, spécialiste de la branche du tabac, degré d’attention moyen, nom géographique, Londres, Grande-Bretagne, Bond Street, indication de provenance, lieu de fabrication, lieu de production, vocabulaire anglais de base, bond, st., force distinctive faible, règle de l’expérience, établissement des faits, moyen de preuve, preuve, fardeau de la preuve, obligation de collaborer, droit d’être entendu, maxime inquisitoire, constatation des faits, droit à un procès équitable, fait négatif, procédure d’enregistrement, vraisemblance, secondary meaning, risque de tromperie, tabac, cigarette, recours rejeté ; art. 29 al. 1 Cst., art. 12 PA, art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. c LPM, art. 47 al. 1 LPM, art. 47 al. 2 LPM.

bond-street-22.jpg

BOND ST. 22 LONDON (fig.

Demande d’enregistrement N°52765/2012 BOND ST. 22 LONDON (fig.)


Demande d’enregistrement N°52765/2012 BOND ST. 22 LONDON (fig.)

Liste des produits et services revendiqués

Classe 34 : Tabac, brut ou manufacturé; produits du tabac, y compris cigares, cigarettes, cigarillos, tabac pour cigarettes à rouler soi-même, tabac pour pipe, tabac à chiquer, tabac à priser, kretek; snus; succédanés du tabac (à l'usage non médical); articles pour fumeurs, y compris papier à cigarettes et tubes, filtres pour cigarettes, boîtes pour tabac, étuis à cigarettes et cendriers, pipes, appareils de poche à rouler les cigarettes, briquets; allumettes.

Cercle des destinataires pertinent

Les destinataires pour les produits revendiqués sont les spécialistes du tabac et les intermédiaires de ce domaine, ainsi que les fumeurs âgés de 16 ans et plus. Les fumeurs font preuve d’un degré d’attention moyen lorsqu’ils achètent les produits revendiqués (c. 3.1).

Motif absolu d’exclusion examiné 

signe appartement au domaine public, art. 2 lit. a LPM ; signe propre à induire en erreur, art. 2 lit. c LPM.

Conclusion

Le terme anglais « BOND », signifiant « obligation » ou « caution » et l'abréviation « ST. », signifiant entre autres « rue », appartiennent tous deux au vocabulaire anglais de base. Londres compte plusieurs rues portant le nom de « Bond ». En 1847, le marchand de tabac Philip Morris ouvre son premier magasin au 22, rue Bond. A partir de 1854, il fabrique ses propres cigarettes, qu'il met en vente à la même adresse. Bond Street, dans le quartier londonien de Mayfair s'est forgé une réputation de rue commerçante coûteuse avec des boutiques élégantes proposant des marques exclusives, des bijoux, de l'art et des antiquités dans les segments du prestige et du luxe. Les parties s'accordent à reconnaître que Londres est connue du public concerné en tant que capitale du Royaume-Uni et de l'Angleterre (c. 3.2). En règle générale, les rectangles et les lignes sont considérés comme des traits faiblement individualisants, et appartiennent au domaine public. Le fait que ces mêmes formes géométriques simples soient utilisées pour présenter les produits du tabac n’y change rien. Il ne peut pas être considéré que la marque jouit d’un caractère distinctif original suffisant pour identifier les produits revendiqués, en raison du clair contenu géographique descriptif qu'elle contient et du manque d’originalité dans la représentation du signe (c. 3.4). Contrairement à ce qu’affirme la demanderesse, les règles d’expérience (Erfahrungssatz) en matière d’indications de provenance ne sont pas dépourvues de fondement légal. Elles découlent, d’une part, du choix du législateur de ne pas formuler positivement de critères de détermination d’une indication de provenance à l’art. 47 al. 1 LPM et, d’autre part, de la définition négative des indications de provenance de l’art. 47 al. 2 LPM. La conclusion qui en est tirée, selon laquelle les dénominations géographiques connues doivent être considérées comme des indications de provenance aussi longtemps que d’autres circonstances ne viennent pas exclure cette interprétation est conforme au concept normatif et à la ratio legis de l'article 47 LPM (c. 4.2). La demanderesse considère que l’application des règles d’expérience est insoutenable, car elles n’ont pas été confirmées empiriquement. Dans la mesure où la demanderesse cherche à invalider le recours des autorités judiciaires à « l’expérience générale de la vie », elle ne peut être suivie (c. 4.3). La demanderesse se plaint d’une violation du principe de la répartition du fardeau de la preuve (art. 8 CC) ainsi que d’une constatation incomplète des faits (art. 12 PA) et d’une violation de son droit à un procès équitable (art. 29 al. 1 Cst.). Selon elle, le recours aux règles d’expérience libère, d’une part, les autorités et les juges d’établir la preuve positive d'une compréhension en tant que lieu de provenance par les destinataires et, d'autre part, contraint la demanderesse à apporter la preuve d’un fait négatif, ce qui constitue une « froide inversion » du fardeau de la preuve (c. 4.4). La demanderesse néglige le fait que les règles d’expérience critiquées concernent principalement l'évaluation libre des indices, preuves indirectes et preuves à prima facie, et ne contiennent pas de règle sur la répartition de la charge de la preuve. Les faits internes – tels que la compréhension et les attentes présumées du public concerné – ne peuvent généralement pas être prouvés directement, mais seulement indirectement au moyen d’indices. Ces difficultés procédurales sont prises en compte dans la procédure d'enregistrement, dans la mesure où il suffit, grâce à l’exigence de preuve réduite, que le plaignant expose de manière crédible une ou plusieurs raisons de douter de l'exactitude des preuves recueillies par l’instance précédente lors de l’examen de demandes d’enregistrement de marques ou de ses conclusions. La demanderesse n’est ainsi tenue de fournir que des indications objectivement compréhensibles qui, avec un degré de probabilité suffisant (vraisemblance), permettent de conclure à l'existence des faits qu’elle allègue. L’allégation de la demanderesse selon laquelle la charge de la preuve est inversée est donc infondée (c. 4.4.1). Selon la demanderesse, la maxime inquisitoire énoncée à l'art. 12 PA exige que des éléments de preuve soient également recueillis pour étayer les présomptions qui sous-tendent la décision, si l'autorité n'a pas une connaissance fiable de certains événements ou de leurs causes et effets. La maxime inquisitoire ne modifie pas la répartition de la charge de la preuve. Selon la règle de la charge de la preuve de l'art. 8 CC, qui s'applique également en droit public, les conséquences d'un défaut de preuve sont à la charge de celui qui tire ses droits d'un fait qui n'a pas été prouvé ou qui n'a pas été justifié selon le niveau de preuve applicable. Le Tribunal administratif fédéral examine si la juridiction inférieure a recueilli et apprécié l'ensemble des éléments de preuve raisonnablement disponibles, dans la mesure où ils ne concernent pas des faits généralement notoires. Cet examen porte notamment sur les éléments de preuve qui montrent que le public cible associe la marque à une provenance géographique des produits et services. Cela n’exclut pas la preuve d’une perception différente par le public cible. Des données probantes appropriées peuvent à tout moment compléter ou corriger les règles d’expérience utilisées. Cela doit néanmoins être établi par la demanderesse, et elle supporte les conséquences de l'absence de preuve. L'application erronée des règles d’expérience est susceptible de contrôle judiciaire (c. 4.4.2). Au vu de ce qui précède, les griefs de violation des articles 29 al. 1 Cst., 12 PA et 8 CC s'avèrent infondés (c. 4.4.4). Selon la volonté expresse du législateur, les conceptions de qualité spéciale ou de valeur ajoutée ne sont pas pertinentes pour la détermination d'une attente du public cible quant à la provenance des produits et services revendiqués (c. 4.5.1). Dans ATF 132 III 770 « Colorado (fig.) », le Tribunal fédéral a examiné l'applicabilité des règles d’expérience indépendamment du concept de qualité, et a depuis confirmé cette pratique dans une jurisprudence constante. Il n’y a pas de raison sérieuse de modifier cette pratique (c. 4.5.2). Il est vrai qu'il existe des sites de production, de fabrication et de commerce moins chers que Londres ou la Grande-Bretagne. Toutefois, aucune impossibilité objective, au sens juridique du terme, au-delà de toute probabilité, ne peut être tirée d'un argument d'efficience économique (c. 5.1.1). La demanderesse soutient sans succès, à défaut d’avancer des arguments convaincants ou de produire des moyens de preuve que, sur le plan symbolique, le signe représente un certain mode de vie et une certaine attitude face à la vie (c. 5.2). De même, la demanderesse allègue sans le prouver que « BOND ST. 22 LONDON » remplit sa fonction d’identification d’une entreprise, puisqu’elle constitue une référence connue et comprise à l’origine de l’entreprise, qui est une marque culte de renommée mondiale (c. 5.3 et 5.3.1). Les moyens de preuve produits ne permettent pas de prouver l’établissement d’un secondary meaning (c. 5.3.2). S’il est vrai que de nombreux produits du tabac sont étiquetés avec des noms géographiques, l'hypothèse selon laquelle, en conséquence de cela, les clients ciblés reconnaissent une référence d’entreprise concrète dans le signe litigieux au lieu d’une indication d’origine n’est pas convaincante. Cet argument quantitatif suggère plutôt que l’origine géographique joue un rôle particulier en relation avec les produits de la classe 34 (c. 5.4.1). La marque « BOND ST. 22 LONDRES (fig.) » possède dans l’esprit du public concerné une signification claire d'indication de provenance pour la fabrication et la distribution en gros de produits du tabac, voire même de référence à la provenance des matières premières. En tant qu'indication directe de l'origine, la marque appartient donc au domaine public et n'est pas enregistrable. En ce qui concerne le caractère distinctif, la marque combinée ne possède pas le niveau de stylisation suffisant pour surmonter le caractère descriptif du signe (c. 7.1).En conséquence, il existe un risque de tromperie au sens de l'art. 2 let. c et des art. 47ss LPM (c. 7.2). Le recours est rejeté (c. 8). [AC]

20 décembre 2016

TAF, 20 décembre 2016, B-5120/2014 (d)

sic! 5/2017, p. 288 (rés.), «élément de prothèse (fig.)» ; motifs d'exclusion absolus, signe appartenant au domaine public, signe banal, signe descriptif, signe tridimentionnel, revendication de couleur, rose, monochrome, implants, cercle des destinataires pertinent, spécialiste du domaine des implants, spécialiste du domaine de la médecine orthopédique, spécialiste du domaine de la médecine traumatologique, spécialiste du domaine de la médecine chirurgicale, spécialiste fabricant de prothèse, force distinctive, besoin de libre disposition absolu, imposition comme marque, imposition par l'usage, moyens de preuve, preuve, sondage démoscopique, publicité, bulletins de livraison, , recours rejeté ; art. 5 Conv. CH-D (1892), art. 2 lit. a LPM.

Le cercle des destinataires pertinent est composé de spécialistes de l’orthopédie, de la traumatologie, et des fabricants d’implants (c. 4). La coloration monochrome des implants et prothèses est banale et la forme de l’élément de prothèse examiné est également banale (c. 5.5). Le signe est descriptif des produits suivants : "cupules acétabulaires, substituts d'organes, produits de substitution de surface articulaire, endoprothèses, ancres pour endoprothèses, sphères d'articulations coxo-fémorales, fosses acétabulaires" (c. 5.6). La marque tridimensionnelle examinée est descriptive pour un « produit d’écartement osseux » (c. 5.7) et pour les « implants pour ostéosynthèses » (c. 5.9). Le signe ne possède pas de force distinctive originale de par sa seule forme. La revendication de couleur n’y change rien, car elle ne diffère pas suffisamment de ce qui est habituel dans ce domaine (c. 5.8). En lien avec les produits revendiqués, il n’y a pas de besoin de libre disposition absolu pour cette forme (c. 6.1.3). L’étude démoscopique a été réalisée à Berlin, lors d’un congrès international, auquel participent les destinataires du produit. Compte tenu de l’incertitude sur la nationalité et le lieu de travail des interviewés, il faut conclure que l’étude ne porte pas sur une parte représentative des cercles des destinataires pertinents et ne peut donc pas rendre vraisemblable l’imposition comme marque par l’usage (c. 6.3.4.2). Seuls 9 spécialistes suisses ont été interrogés. En raison de la méthodologie d l’enquête, il n’est pas possible de connaître leurs réponses exactes. De toute manière, 9 spécialistes ne sont pas représentatifs des quelques 900 chirurgiens orthopédistes actifs en Suisse selon la FMH (c. 6.3.4.1-6.3.4.1). Une enquête démoscopique doit être menée dans un environnement neutre. Tel n’a pas été le cas en l’espèce, l’enquête ayant été menée dans un congrès de spécialistes au cours duquel, il ne peut être exclu que la demanderesse ait tenu un stand d’information (c. 6.3.4). L’ enquête démoscopique n’est donc pas propre à rendre vraisemblable l’imposition comme marque du signe, à défaut de représentativité. Contrairement à la question de l’usage sérieux à titre de marque, il n’est pas possible en matière d’imposition comme marque de s’appuyer sur la Convention entre la Suisse et l’Allemagne concernant la protection réciproque des brevets, dessins, modèles et marques (RS 0.232.149.136). Une enquête démoscopique concluante en Allemagne ne pourrait être considérée que comme un indice dans le cadre d’une procédure suisse (c. 6.3.5). La demanderesse démontre un nombre important de livraisons en Suisse à des fabricants de prothèses, notamment en 2010 et 2011. Mises en perspectives avec le marché global, on peut déduire de ces informations que les produits sont souvent utilisés en Suisse (c. 6.4.3). Les imprimés publicitaires ne peuvent pas être pris en considération, faute d’être datés. De plus, ils sont produits en anglais, de même que les spots publicitaires disponibles sur Youtube. Rien n’indique qu’ils sont destinés au marché suisse. Les cadeaux publicitaires (goodies) ne constituent pas un usage à titre de marque (c. 6.4.4). Malgré le grand nombre de livraisons effectuées en Suisse en 2010 et 2011, la demanderesse ne parvient pas à rendre vraisemblable une imposition comme marque (c. 6.4.7). Le recours est rejeté et le signe est refusé à l’enregistrement