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12 mai 2014

TFB, 12 mai 2014, S2013_003 (d) (mes. prov.)

Mesures provisionnelles, violation d’un brevet, vraisemblance, atteinte, risque d’atteinte, risque de récidive, principe de la proportionnalité, intérêt pour agir, déclaration d’abstention inconditionnelle et non équivoque, demande sans objet, conditions de la protection du brevet, approche « problème-solution », répartition des frais de procédure, préjudice difficilement réparable, urgence, Tribunal fédéral des brevets, produits pharmaceutiques ; art. 107 al. 1 lit. e CPC, art. 261 al. 1 CPC ; cf. N 940 (TF, 15 décembre 2014, 4A_362/2014) et N 931 (TFB, 12 mai 2014, S2013_004).

Selon l’art. 261 al. 1 CPC, le tribunal ordonne les mesures provisionnelles lorsque le requérant rend vraisemblable qu'une prétention dont il est titulaire est l'objet d'une atteinte ou risque de l'être (lit. a) et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (lit. b). Pour que la vraisemblance soit donnée, le juge n’a pas besoin d’être totalement convaincu de la véracité de l’allégation ; il suffit qu’il la considère globalement comme vraie, même si tout doute n’est pas écarté. Il suffira également à la partie adverse de rendre vraisemblables les objections et les exceptions qu’elle soulève. Enfin, une certaine urgence doit être donnée et la mesure provisionnelle requise doit être proportionnée (c. 4.1). L’intérêt juridique protégé à une demande en interdiction n’existe que si un dommage menace, c’est-à-dire que le comportement de la défenderesse laisse présager sérieusement une violation future du droit. Un indice d’une telle violation future peut résulter du fait que de telles violations ont déjà eu lieu par le passé et qu’une répétition est à craindre. On peut généralement admettre un tel risque de répétition lorsque le contrevenant conteste l’illégalité de son comportement. Tel peut être le cas lorsque le contrevenant, au vu d’un procès à venir, a mis fin au comportement contesté, mais cherche à le justifier dans la procédure. Il s’agit là d’une présomption réfragable. Le risque de répétition n’est cependant pas donné lorsque le défendeur a signé une déclaration d’abstention inconditionnelle et non équivoque et que cette dernière n’apparaît pas comme une simple manœuvre procédurale. Tel est le cas en l’espèce (c. 4.2 et 4.3). Les acheteurs des médicaments concernés ne peuvent pas être astreints à restituer les produits achetés. Une injonction visant à rappeler les médicaments ne permet pas d’atteindre le but visé et doit être considérée comme disproportionnée (c. 4.4). La procédure étant devenue sans objet, les frais sont à répartir selon la libre appréciation du tribunal (art. 107 al. 1 lit. e CPC). Il sera tenu compte du fait de savoir quelle partie a donné lieu à la plainte, quelle était l’issue probable du procès, quelle est la partie responsable du fait que la procédure est devenue sans objet et quelle partie a causé des frais sans raison. Dans un cas tel qu’en l’espèce, où la défenderesse a émis une déclaration de cessation uniquement après que l’instance ait été saisie, c’est elle qui a rendu la procédure sans objet (c. 5.2). Est également déterminante la question de savoir si la défenderesse a causé l’introduction de la procédure. Tel est le cas lorsque la validité et la violation d’un brevet sont retenues par le juge. L’examen de l’activité inventive se fera selon l’approche problème-solution, selon laquelle sera d’abord déterminé l’état de la technique le plus proche, puis le problème technique objectif à résoudre puis, enfin si l’invention revendiquée, en partant de l’état de la technique le plus proche et du problème technique objectif, non seulement aurait pu être obtenue par l’homme de métier, mais aurait pu l’être sans autre (c. 5.3). Un préjudice peut s’avérer difficilement réparable en particulier si un dommage matériel ne peut plus être déterminé ou mesuré, respectivement s’il ne peut plus être réparé (c. 5.10). Pour ce qui est de l’urgence, un délai de cinq mois entre la saisie d’un produit et le dépôt d’une demande de mesure provisionnelle n’est pas considéré comme exagéré dans le domaine des brevets ; en effet, les recherches juridiques préalables et la rédaction d’un mémoire dans les litiges relatifs aux brevets nécessitent la plupart du temps un effort important (c. 5.11). [DK]

12 mai 2014

TFB, 12 mai 2014, S2013_004 (d) (mes. prov.)

Mesures provisionnelles, urgence, principe de la proportionnalité, violation d’un brevet, action en cessation, médicament générique, maladie digestive, vraisemblance, Tribunal fédéral des brevets, juge suppléant de formation technique, préjudice difficilement réparable, produits pharmaceutiques, Office européen des brevets ; art. 183 al. 3 CPC, art. 261 al. 1 CPC, art. 292 CP ; cf. N 930 (TFB, 12 mai 2014, S2013_003) et N 940 (TF, 15 décembre 2014, 4A_362/2014).

Selon l’art. 261 al. 1 CPC, le tribunal ordonne l'octroi de mesures provisionnelles lorsque le demandeur rend vraisemblable qu’une prétention dont il est titulaire réunit les deux conditions suivantes : cette prétention est l’objet d’une atteinte ou risque de l’être ; cette atteinte peut causer au demandeur un préjudice difficilement réparable. Le tribunal ajoute à ces critères les conditions d’urgence et de proportionnalité de la mesure requise (c. 4.1). En l’espèce, le demandeur, une société pharmaceutique, soutient que le défendeur doit cesser de mettre en circulation des médicaments génériques, utilisés pour traiter certaines maladies digestives, car ils violeraient le brevet européen, protégé en Suisse, dont il est le titulaire (c. 3.2). Ce brevet, dans un premier temps révoqué par la division d’opposition de l’OEB, a ensuite été reconnu valable par une des Chambres de recours de cet office, l’affaire étant pendante devant la Grande Chambre de recours de l’OEB à la date du présent arrêt (c. 3.3 et 4.2). Suite à la décision rendue par la Chambre de recours de l’OEB, le défendeur prétend avoir cessé de distribuer les médicaments litigieux et avoir modifié la composition de ses médicaments. L’analyse des médicaments modifiés, réalisée par le demandeur pour démontrer la violation de son brevet, est contestée par le défendeur. Selon le tribunal, des doutes existent quant à l’arrêt de la distribution des médicaments litigieux, car le défendeur continue de contester toute violation du brevet dont le demandeur est titulaire (c. 4.3). Le tribunal, qui se fonde sur l’expertise du juge suppléant de formation technique (art. 183 al. 3 CPC), considère que le brevet du demandeur est valable (c. 4.4) et qu’il s’agit d’un cas de violation du brevet, le défendeur n’ayant pas rendu vraisemblable la nullité du brevet (c. 4.6). Le tribunal constate l’existence d’un préjudice difficilement réparable, l’urgence (c. 4.7 et 4.8) et ordonne l'octroi de mesures provisionnelles. Le tribunal interdit au défendeur, jusqu’à l’expiration de la période de protection du brevet dont le demandeur est titulaire, d’importer lui-même ou de faire importer par des tiers les médicaments litigieux, de les stocker, de les vendre ou de les faire distribuer sur le marché suisse. Le tribunal ordonne également le rappel des médicaments litigieux. [CB]

29 septembre 2014

TF, 29 septembre 2014, 4A_257/2014 (f)

sic! 1/2015, p. 37-46, « Arthursgroup SA / SwissArthurProd SA », JdT2015 II 204, JdT 2015 II 208 ; raison de commerce, instance cantonale unique, marque de service, spectacle, services de production de spectacles, concert, péremption, usage à titre de marque, usage à titre de raison de commerce, usage de la marque, produit ou service accessoire, preuve d’un fait négatif, preuve de l’usage d’une marque, preuve du défaut d’usage, bonne foi, similarité des produits ou services, services de divertissement, activités culturelles, similarité des raisons de commerce, droit d’être entendu, principe de la spécialité, publication du jugement ; art. 9 Cst., art. 74 al. 2 lit. b LTF, art. 75 al. 2 LTF, art. 75 al. 2 lit. a LTF, art. 95 LTF, art. 99 al. 2 LTF, art. 105 al. 1 LTF, art. 105 al. 2 LTF, art. 107 al. 1 LTF, art. 2 CC, art. 8 CC, art. 933 al. 1 CO, art. 951 al. 2 CO, art. 956 CO, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 11 al. 1 LPM, art. 12 al. 1 LPM, art. 12 al. 3 LPM, art. 13 al. 2 LPM, art. 15 LPM, art. 5 al. 1 lit. a CPC, art. 5 al. 1 lit. c CPC, art. 52 CPC.

Lorsque le droit fédéral prévoit une instance cantonale unique, le recours en matière civile est recevable indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 lit. b LTF) et, contrairement à la règle générale (cf. art. 75 al. 2 LTF), le tribunal supérieur désigné comme autorité cantonale de dernière instance n’a pas à statuer sur recours (art. 75 al. 2 lit. a LTF) (c. 1.1). Le TF doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF). Il peut compléter ou rectifier même d’office les constatations de faits qui se révèlent manifestement inexactes, c’est-à-dire arbitraires au sens de l’art. 9 Cst. ou établies en violation du droit comme l’entend l’art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF) (c. 1.3). Le TF ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF) (c. 1.4). L’usage de la marque doit intervenir conformément à la fonction de celle-ci pour distinguer les produits ou les services, soit de telle façon que le marché y voie un signe distinctif. Déterminer si on est en présence d’un usage en tant que marque au sens de l’art. 11 al. 1 LPM est une question de droit. Pour opérer cette qualification, il convient toutefois de se fonder sur la perception (présumée) des personnes auxquelles s’adressent les produits ou les services enregistrés. Les circonstances du cas particulier doivent, pour cela, être prises en considération, notamment les habitudes de la branche concernée et la catégorie de marque en cause, constatations qui relèvent du fait (c. 3.2). L’utilisation d’une marque en relation avec des produits ou services auxiliaires ne valide pas le droit à la marque pour de tels produits ou services. Sont considérés comme tels les produits ou services qui font partie de l’offre du produit ou service principal et qui lui sont accessoires sans être commercialisés de manière indépendante. Les produits ou les services qui, bien qu’accessoires au produit ou au service principal, sont offerts à titre onéreux ne peuvent plus être considérés, sous réserve des situations dans lesquelles la contrepartie ne serait que symbolique, comme produits/services auxiliaires. Il restera toutefois à établir l’existence d’un usage sérieux de la marque apposée sur ces produits/services (c. 3.3). Un usage purement symbolique fait à seule fin de ne pas perdre le droit à la marque ne suffit pas. Le titulaire doit manifester l’intention de satisfaire toute demande de marchandise ou de service. Par ailleurs, l’usage doit être économiquement raisonnable et intervenir dans le commerce. Un usage à des fins privées ou à l’intérieur de l’entreprise ne suffit pas à maintenir le droit. Les usages commerciaux habituels sont déterminants (c. 3.4). En ce qui concerne la preuve du défaut d’usage, l’art. 12 al. 3 LPM tient compte de la difficulté à apporter la preuve d’un fait négatif. Quiconque invoque le défaut d’usage doit donc le rendre vraisemblable, la (contre)-preuve de l’usage incombant alors au titulaire. Les règles de la bonne foi (art. 2 CC et art. 52 CPC) obligent la partie adverse à coopérer à la procédure probatoire. Cette obligation de nature procédurale ne constitue toutefois pas un renversement du fardeau de la preuve (c. 3.5). Pour satisfaire à l’exigence de la (contre)-preuve, il incombe au titulaire d’établir tous les éléments de faits qui permettront ensuite au Juge, sous l’angle du droit, de déterminer que l’usage intervient conformément à la fonction de la marque, que les produits ou services considérés ne sont pas des services auxiliaires et que l’usage de la marque est sérieux. Si la marque a été enregistrée pour plusieurs produits et/ou services, il appartient au titulaire d’apporter, en lien avec chacun des produits/services revendiqués, les éléments de preuves précités (c. 3.6). L’organisation de trois soirées entre 2007 et 2011 ne représente pas une exploitation suffisante pour satisfaire à l’exigence qui découle implicitement de l’art. 11 al. 1 LPM. Ce d’autant que la recourante ne fournit aucune donnée qui permettrait de compenser l’usage très limité sur le plan quantitatif (pendant le délai de carence) par un chiffre d’affaires particulièrement élevé (c. 3.7.1). Le titulaire d’une marque peut interdire à des tiers l’usage de signes similaires et destinés à des produits ou des services identiques ou similaires, lorsqu’il en résulte un risque de confusion (art. 3 al. 1 lit. c et art. 13 al. 2 LPM). L’existence de ce risque est une question de droit que le TF examine librement dans le cadre d’un recours en matière civile (c. 4.2). Sous réserve de la marque de haute renommée au sens de l’art. 15 LPM, il ne peut y avoir de risque de confusion au sens de l’art. 3 LPM lorsque les produits et services ne sont pas similaires, indépendamment des signes qui sont confrontés. Le simple fait qu’il puisse exister des chevauchements entre les groupes de consommateurs concernés par les services examinés ou entre les lieux où les prestations sont fournies ne permet pas de conclure à la similitude des services (c. 4.3). Les services de divertissement, de spectacles et de concert, d’organisation et de production de manifestations culturelles sont des offres distinctes économiquement des services des cafetiers-restaurateurs. Une similitude entre les services liés à de la restauration (exploitation de cafés, restaurants, bars, dancings, cabarets et hôtels) et ceux d’organisation ou production de manifestations culturelles et de spectacles est exclue et tout risque de confusion entre les marques peut être écarté (c. 4.4). Le principe de la spécialité ne s’applique pas en droit des raisons de commerce. Les raisons de commerce litigieuses qui contiennent toutes deux le même élément essentiel Arthur ne se distinguent pas de manière suffisamment nette pour qu’un risque de confusion puisse être nié. L’existence de confusion concrète n’est qu’un indice de l’existence d’un risque de confusion (c. 5.2). La péremption du droit d’agir ne doit pas être admise facilement, car selon l’art. 2 al. 2 CC, un droit ne sera pas protégé que si son exercice est manifestement abusif. La péremption est admise avec encore plus de retenue en cas de conflit entre raisons de commerce. Elle suppose que l’ayant droit ait toléré la violation de ses droits pendant une longue période sans s’y opposer et que l’auteur de la violation ait entre-temps acquis lui-même une position digne de protection (c. 6.1). Le moment à partir duquel la passivité du titulaire est à prendre en considération est celui où il a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance de l’utilisation du signe litigieux. Pour les raisons de commerce, en vertu de l’effet positif du registre du commerce (au sens de l’art. 933 al. 1 CO), l’inscription de la raison de commerce devient opposable aux tiers dès le jour ouvrable qui suit celui dont la date figure sur le No de la Feuille Officielle Suisse du Commerce où est publiée l’inscription (art. 932 al. 2 CO) (c. 6.2). Plus la période pendant laquelle l’ayant droit tolère l’usage concurrent est longue, plus l’auteur de la violation sera fondé à admettre, selon les règles de la bonne foi, que l’ayant droit continuera à tolérer la violation et qu’on ne pourra exiger de lui qu’il doive abandonner la situation acquise. L’ayant droit peut exceptionnellement se voir opposer la péremption même vis-à-vis de celui qui s’est consciemment approprié un signe distinctif prêtant à confusion, en particulier lorsque, par sa passivité, il amène le concurrent (originairement de mauvaise foi) à la conviction légitime que la violation est tolérée. La jurisprudence récente en matière de signe distinctif opte pour une période entre 4 et 8 ans. Dans un cas particulier, la péremption a déjà été admise au bout d’une année et demie et dans un autre cas envisagée après une période de 2 ans (c. 6.3). La répétition d’interpellations non suivies d’effet peut conforter l’auteur de l’atteinte dans la conviction que l’ayant droit ne songe pas sérieusement à faire valoir ses droits en justice (c. 6.4). S’agissant enfin de la position acquise sur le marché, ce qui est décisif est que la raison sociale de l’auteur de la violation se soit imposée dans le public comme étant le signe distinctif de l’entreprise ensuite d’un long et paisible usage et que le défendeur se soit ainsi créé une position concurrentielle avantageuse (c. 6.5). À cet égard, la valeur appréciable créée par l’auteur de l’atteinte ne suffit pas, à elle seule, pour entraîner la péremption. Le TF rappelle que le facteur temps revêt également une grande importance dans l’examen de la passivité de l’ayant droit et que dans le cas d’espèce une durée d’inaction de 19 mois jusqu’à la première mise en demeure est trop limitée pour être interprétée comme une tolérance au point de conduire à la péremption. Considérer la durée d’inactivité comme suffisante en l’espèce conduirait à une situation inacceptable. Cela reviendrait à favoriser les entreprises qui sont susceptibles de créer rapidement une valeur économique appréciable en faisant connaître leurs signes au moyen d’une réclame massive, ce qui ne correspond pas au fondement de la péremption qui tend à une protection de la confiance et non à celle de la possession (c. 6.6). Considérant une éventuelle intervention de la péremption entre la première mise en demeure (16 mars 2010) et l’introduction de l’action (20 juin 2012), le TF relève qu’il s’agit de savoir si la passivité prolongée de l’ayant droit a pu légitimement susciter auprès du défendeur la conviction que son comportement était toléré et qu’il le serait également à l’avenir, mais qu’il ne s’agit pas de contraindre l’ayant droit à agir avec une certaine célérité. En l’espèce, le TF considère que la passivité de la lésée n’a pas pu créer une apparence d’autorisation ; et que le contenu des mises en demeure était clair et ne pouvait en soi laisser croire à la défenderesse que l’ayant droit ne songeait pas sérieusement à faire valoir ses droits. Si la répétition des interpellations ne permet pas de légitimer l’action indéfiniment, il serait néanmoins absurde d’admettre la péremption dans l’hypothèse où l’ayant droit interpelle plusieurs fois sa partie adverse (sur une brève période) pour communiquer à celle-ci qu’il n’entend précisément pas tolérer l’utilisation du signe litigieux, alors que ce droit d’action n’aurait pas été éteint s’il n’avait interpelé qu’une seule fois sa partie adverse. La jurisprudence n’exige pas le renouvellement des mises en demeure sur des périodes aussi brèves et la péremption doit être admise avec une encore plus grande retenue lorsque l’ayant droit a déjà mis en demeure l’auteur de la prétendue violation (c. 6.7). Le droit d’action de la demanderesse n’étant pas périmé, la violation de l’art. 956 CO pouvait être invoquée en justice par celle-ci (c. 6.8). L’usage indu consiste en l’occurrence à avoir transgressé la règle de l’art. 951 al. 2 CO qui contient l’obligation de choisir une raison de commerce qui se distingue suffisamment d’une autre raison de commerce antérieure. Constitue un usage à titre de raison de commerce toute utilisation du signe distinctif qui se trouve en relation immédiate avec l’activité commerciale, par exemple l’emploi d’une enseigne reproduisant le signe en cause, l’inscription de celui-ci sur des papiers d’affaires à l’instar des catalogues, des listes de prix, des prospectus et des cartes de recommandation et l’utilisation du signe dans des répertoires d’adresses ou des annuaires téléphoniques (c. 6.8.4). La publication du jugement suppose que la victime de l’atteinte ait eu au moment du jugement un intérêt digne de protection à ce que la publication, qui doit contribuer à dissiper le trouble que l’auteur a propagé dans les cercles intéressés, soit ordonnée par le juge. Il n’y a pas d’intérêt digne de protection si l’atteinte n’a entraîné que très peu de confusion dans le public ou n’a pas été remarquée dans les milieux professionnels ou dans le public. Le recours est partiellement admis s’agissant du risque de confusion entre les raisons de commerce. [NT]

CC (RS 210)

- Art. 8

- Art. 2

CO (RS 220)

- Art. 933

-- al. 1

- Art. 956

- Art. 951

-- al. 2

CPC (RS 272)

- Art. 52

- Art. 5

-- al. 1 lit. c

-- al. 1 lit. a

Cst. (RS 101)

- Art. 9

LPM (RS 232.11)

- Art. 12

-- al. 3

-- al. 1

- Art. 13

-- al. 2

- Art. 15

- Art. 3

-- al. 1 lit. c

- Art. 11

-- al. 1

LTF (RS 173.110)

- Art. 107

-- al. 1

- Art. 75

-- al. 2

-- al. 2 lit. a

- Art. 95

- Art. 105

-- al. 1

-- al. 2

- Art. 99

-- al. 2

- Art. 74

-- al. 2 lit. b

22 janvier 2015

TAF, 22 janvier 2015, A-1592 (d)

Action en fourniture de renseignement, droit d’accès, restriction au droit d’accès, principe de transparence, document officiel, données personnelles, données sensibles, données déjà accessibles, projet de recherche, demande de financement, partenaire de recherche, secret de fabrication ou d’affaires, conditions de la protection du brevet, base de données, ARAMIS, protection de la confiance, intérêt public, accès autorisé, recours admis ; art. 6 LTrans, art. 7 LTrans, art. 8 LTrans, art. 3 lit. c LPD, art. 3 lit. d LPD.

Le simple fait que des données générales sur les entreprises soient associées avec le titre du projet de recherche n’est pas particulièrement significatif, puisqu’il indique seulement que l’entreprise souhaiterait mener un projet de recherche (c. 5.4.3). Les entreprises ne gardent généralement pas secret le fait qu’elles ont des activités de recherche. Il n’est donc pas évident que l’autorisation d’accès au contenu de la liste révèlerait des secrets d’affaires ou de fabrication protégés ou empêcherait la brevetabilité ultérieure d’éventuelles inventions. Ce d’autant que ces listes sont vieilles de trois ans et donc que les projets qu’elles mentionnent sont soit abandonnés, soit réalisés. De plus, les entreprises candidates à un financement savaient que des données sur l’entreprise et le projet de recherche seraient publiées dans la base de données ARAMIS. L’accès à la liste en question ne mènerait donc pas l’autorité à décevoir la confiance que les postulants ont placée en elle. Par conséquent, les informations contenues dans cette liste ne constituent ni des données sensibles au sens de l’art. 3 al. 1 lit. c LPD, ni un profil de personnalité au sens de l’art. 3 al. 1 1it. d LPD (c. 5.5.2). L’intérêt public à la transparence est supérieur aux autres intérêts privés et publics dans ce cas et l’accès aux documents doit être autorisé (c. 5.6). Concernant la deuxième liste relative au financement de projets datant de 2012-2013, toutes les informations qu’elle contient sont déjà accessibles sur la base de données ARAMIS. L’accès à cette liste ne peut donc constituer aucune atteinte à la brevetabilité ou à la nouveauté des éventuelles inventions découlant de ces projets (c. 6.4). L’intérêt à la transparence de l’action de l’État apparaît ici aussi prépondérant (c. 6.6). Le recours est admis; l’accès au deux listes doit être autorisé (c. 7). [AC]

16 décembre 2014

TF, 16 décembre 2014, 6B_56/2014 (d)

Secret de fabrication ou d’affaires, procédure pénale, administration des preuves, plainte pénale, délai, prescription, acte d’accusation, principe de l’accusation ; art. 31 CP, art. 162 al. 1 CP, art. 9 al. 1 CPP, art. 325 CPP, art. 329 al. 2 CPP, art. 343 CPP, art. 349 CPP, art. 350 al. 1 CPP, art. 353 al. 1 lit. c CPP, art. 355 al. 3 lit. a CPP, art. 356 al. 1 CPP.

Il résulte de l’interprétation historique de l’art. 329 al. 2 CPP, qu’un renvoi de l’accusation au Ministère public pour complément de preuve n’est que très exceptionnellement admissible. Il est du devoir du Tribunal d’administrer les éventuelles nouvelles preuves, de compléter celles qui auraient déjà été administrées de manière incomplète et de réitérer l’administration de celles qui ne l’auraient pas été correctement dans la procédure préliminaire au sens des art. 343 et 349 CPP (c. 1.6.2). L’art. 325 CPP mentionne de manière exhaustive les indications que doit comporter l’acte d’accusation. Cette disposition ne prescrit pas que l’acte d’accusation devrait également indiquer que les conditions à l’ouverture de l’action pénale sont remplies et qu’aucun empêchement d’ordre procédural n’est donné. C’est au tribunal qu’il incombe d’examiner quand la personne habilitée à déposer plainte pénale a eu connaissance de l’acte délictueux et de son auteur; quand donc le délai pour déposer plainte pénale de l’art. 31 CP a commencé à courir ; si une déclaration assimilable à une plainte pénale est intervenue dans le délai de 3 mois et si elle a été formée par une personne habilitée à le faire (c. 2.3). Une infraction ne peut faire l’objet d’un jugement que si le Ministère public a déposé auprès du tribunal compétent l’acte d’accusation dirigé contre une personne déterminée, sur la base de faits précisément décrits (art. 9 al. 1 CPP). Le tribunal est lié par l’état de fait décrit dans l’acte d’accusation, mais pas par l’appréciation juridique qu’en fait le Ministère public (art. 350 al. 1 CPP). Lorsque, comme dans le cas d’espèce, c’est l’ordonnance pénale rendue par le Ministère public qui tient lieu d’acte d’accusation (au sens des art. 355 al. 3 lit. a en lien avec l’art. 356 al. 1 2ème phrase CPP), son état de fait correspond aux faits qui sont imputés au prévenu par l’ordonnance pénale selon l’art. 353 al. 1 lit. c CPP. L’autorité précédente devait ainsi, selon le principe de l’accusation, juger des propos tenus par le recourant tels qu’ils ressortaient de l’ordonnance pénale. Elle n’avait pas à juger d’autres propos non relatés par l’acte d’accusation. Elle n’aurait donc pas dû juger également les informations données par le recourant et ressortant des courriels évoqués par ce dernier, mais non reproduites dans l’acte d’accusation et ne pouvant ainsi pas être retenues à sa charge (c. 6.2). Le jugement rendu contre le recourant ne respecte ainsi pas le principe de l’accusation et doit donc être levé (c. 6.3.3). Les conditions d’application de l’art. 162 CP ne sont remplies que si les informations transmises et qualifiées de secrets sont véridiques (c. 5.3.1). Cette disposition ne protège ainsi la confidentialité que des faits vrais (c. 5.3.2). Un fait qui n’est ni notoire, ni généralement accessible constitue un secret au sens de l’art. 162 CP. Une certaine confidentialité suffit. Un fait est généralement accessible lorsqu’il existe une haute probabilité que des tiers en aient pris connaissance sans avoir eu un gros obstacle à surmonter pour le faire. Une impossibilité d’accès absolue n’est pas exigée (c. 7.1). L’art. 162 CP ne protège pas seulement la confidentialité des faits absolument inconnus, mais aussi celle de ceux qui ne sont ni publics, ni généralement accessibles. Le fait qu’un expert n’ait dans le cadre de ses recherches rien trouvé sur les éléments concernés constitue une preuve suffisante que ces derniers n’étaient, au moment de leur communication à un tiers, ni publics, ni généralement accessibles (c. 7.2.7). Pour que l’art. 162 CP s’applique, il ne suffit pas que l’auteur de l’infraction concernée ait communiqué un fait se rapportant à un secret d’affaires ou de fabrication qui n’était ni public, ni généralement accessible. Il faut en plus que le détenteur du secret sur ce fait ait eu la volonté de le conserver secret et ait eu un intérêt justifié à le faire. Il convient en outre que la communication de ce fait soit de nature à influer sur la situation économique de son détenteur, et que le fait soit ainsi doté d’un certain impact économique (c. 8.1). Admission partielle du recours par le TF qui renvoie la cause à l’autorité précédente pour qu’elle détermine si les conditions de l’application de l’art. 162 CP, autres que celles concernant le caractère non généralement public des faits considérés, sont remplies en l’espèce. [NT]

CP (RS 311.0)

- Art. 31

- Art. 162

-- al. 1

CPP (RS 312.0)

- Art. 356

-- al. 1

- Art. 355

-- al. 3 lit. a

- Art. 353

-- al. 1 lit. c

- Art. 350

-- al. 1

- Art. 349

- Art. 343

- Art. 329

-- al. 2

- Art. 325

- Art. 9

-- al. 1

27 juillet 2009

TC JU, 27 juillet 2009, CC 57/2009 (f) (mes. prov.)

sic! 4/2010, p. 279-284, « Willemin » ; mesures provisionnelles, signe distinctif, marque, raison sociale, nom de personne, Willemin, droit au nom, risque de confusion, préjudice irréparable, urgence, proportionnalité ; art. 28c CC, art. 29 CC.

Dès lors qu'un risque de confusion en matière de signes distinctifs est généralement propre à engendrer une perturbation de marché ainsi que d'autres dommages immatériels, la violation d'une marque entraîne presque toujours des dommages difficilement réparables (c. 3). En cas de conflit entre une marque et une raison sociale incluant un patronyme, le principe du droit au nom n'est pas prééminent, mais une pesée doit être effectuée entre les intérêts en présence (c. 4). L'urgence relative que requiert l'octroi de mesures provisionnelles n'est donnée que s'il apparaît que la procédure de mesures provisionnelles sera terminée avant le moment où le procès ordinaire introduit en temps utile aura pris fin (c. 6.1). En vertu de l'exigence de proportionnalité à laquelle sont soumises les mesures provisionnelles, seule l'utilisation de l'élément distinctif à l'origine du risque de confusion doit être interdite et non pas purement et simplement l'usage de la raison sociale contenant cet élément (c. 6.2).

16 septembre 2008

TPF, 16 septembre 2008, BB.2008.45 et BB.2008.46 (f)

Séquestre, banque, compte bancaire, plainte, qualité pour agir, vente, programme d'ordinateur, contrefaçon, CD-ROM, usage frauduleux d'une marque, infraction par métier, présomption, proportionnalité, blanchiment d'argent ; art. 62 al. 1 et 2 LPM, art. 65 PPF, art. 214 al. 2 PPF.

Dans le cadre d'une mesure de séquestre d'un compte bancaire, seul le titulaire du compte ou, dans des situations exceptionnelles, la banque elle-même, est directement et personnellement touché par la mesure et est ainsi légitimé à se plaindre (art. 214 al. 2 PPF). Tel n'est en revanche pas le cas de l'ayant droit économique d'une entité titulaire (c. 1.2). Il est tout à fait vraisemblable qu'il y a eu en l'espèce (par la vente d'au moins 26 835 CD-ROM contrefaits contenant le logiciel E.) usage frauduleux d'une marque (art. 62 al. 1 et 2 LPM) et, compte tenu du nombre de produits écoulés, que cette infraction a été commise par métier, ce qui est constitutif d'un crime en droit suisse. En l'état du dossier, les présomptions de culpabilité sont suffisantes pour justifier le maintien du séquestre prononcé (c. 3.2). Vu le temps écoulé depuis l'ouverture de l'enquête, le séquestre (art. 65 PPF) ne saurait être maintenu (proportionnalité), dans le cadre de l'enquête ouverte en Suisse pour blanchiment d'argent, au-delà du montant établi par la justice civile américaine augmenté de sa plus-value et des intérêts (c. 4.1). La plainte est dès lors partiellement admise (c. 4.2).

02 juin 2010

TF, 2 juin 2010, 4A_146/2010 (d) (mes. prov.)

sic! 6/2011, p. 390-392, « Betarezeptorenblocker » ; for, mesures provisionnelles, décision incidente, recours, actions connexes, action en constatation, transmission de l’affaire, coordination, droit constitutionnel, arbitraire, proportionnalité, produits pharmaceutiques ; art. 5 al. 2 Cst., art. 92 LTF, art. 98 LTF, art. 36 al. 2 LFors.

Est une décision incidente (relative à la compétence à raison du lieu) qui peut faire l'objet d'un recours (art. 92 LTF) la décision par laquelle le Handelsgericht AG se déclare compétent à raison du lieu et refuse par ailleurs de transmettre (au sens de l'art. 36 al. 2 LFors, qui ne règle pas véritablement une question de for, mais la coordination d'actions connexes) la procédure au Handelsgericht ZH (c. 1). La décision — notifiée séparément et relative à la compétence à raison du lieu — ayant été rendue dans le cadre d'une requête de mesures provisionnelles, seule la violation des droits constitutionnels peut être invoquée en procédure de recours (art. 98 LTF) (c. 2). Ni une action en nullité pendante entre d'autres parties devant le Handelsgericht ZH ni un éventuel besoin de coordination avec cette procédure en raison d'un lien matériel ne permet de considérer que le Handelsgericht AG s'est déclaré compétent de manière arbitraire (c. 4.3.2). Le Handelsgericht AG n'a pas appliqué de manière arbitraire l'art. 36 al. 2 LFors en refusant de transmettre la procédure au Handelsgericht ZH (c. 5.2.1); il a en effet considéré que l'inconvénient de la perte de temps liée à la coordination des procédures était plus grand que l'inconvénient d'éventuelles décisions contradictoires (forcément limitées dans le temps vu leur nature provisionnelle) (c. 5.1). Peut rester ouverte la question de savoir si l'art. 36 al. 2 LFors est applicable au rapport entre une procédure de mesures provisionnelles et une procédure ordinaire (c. 5.2.1). L'art. 98 LTF ne permet pas d'invoquer le principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.), car il ne s'agit pas d'un droit — mais d'un principe — constitutionnel (c. 5.2.2).

27 mai 2009

TAF, 27 mai 2009, A-3144/2008 (d)

Protection des données, Internet, adresse IP, données personnelles, traitement de données, droit d'auteur, P2P, collecte de données, Suisse, droit applicable, erreur de système, procédure pénale, droit de la personnalité, domaine public, bonne foi, proportionnalité, pesée d'intérêts, droit européen ; art. 25a PA, art. 2 LPD, art. 3 lit. a LPD, art. 3 lit. c ch. 4 LPD, art. 4 LPD, art. 12 LPD, art. 13 LPD, art. 29 al. 1 lit. a LPD.

Cf. N 550 et 551 (arrêts du TF dans cette affaire).

26 mai 2011

TAF, 26 mai 2011, B-6582/2010 (d)

« Heidi-Alpen Bergkäse » ; montagne, alpage, Heidi, fromage, denrées alimentaires, région de montagne, Bergkäse, région d’estivage, Alpkäse, Alpes, Suisse, indication de provenance, signe trompeur, sondage, méthodes d’interprétation, droit constitutionnel, égalité de traitement, liberté économique, proportionnalité, droit des marques, motifs absolus d’exclusion, signe contraire au droit en vigueur, dispositif, décision prise par une autorité cantonale de dernière instance ; art. 2 lit. d LPM, art. 18 LDAl, art. 14 LAgr, art. 2 ODMA, art. 8 ODMA, art. 4 al. 2 LETC.

Cf. N 582 (arrêt du TF dans cette affaire).

18 mars 2008

TF, 18 mars 2008, 4A_4/2008 (d)

sic! 7/8/2008, p. 557-558, « Stethoskop » ; action, compétence matérielle, décision préjudicielle, question préalable, économie de procédure, valeur litigieuse, contrat, brevet, délai ; art. 6 CEDH, art. 29 al. 2 Cst., § 111 al. 2 ZPO/ZH.

Le § 111 al. 2 ZPO/ZH prévoit que la question de la compétence contestée du tribunal saisi doit être tranchée de manière préalable, en tous les cas lorsque la valeur litigieuse n'est pas si minime que la cause puisse faire l'objet d'un jugement en procédure orale. Cette disposition est l'expression du principe général de procédure qui veut que, pour des motifs d'économie de procédure, les questions préalables, et en particulier celles de la compétence du tribunal saisi, doivent être tranchées avant l'examen matériel de la cause. Il n'est pas conforme au sens et au but de la norme d'exiger des parties qu'elles s'expriment en même temps sur le fond (c. 3.4). En l'espèce, le tribunal saisi l'avait été en premier lieu sur la base de prétentions purement contractuelles, puis de nouveaux moyens avaient été invoqués devant ce premier tribunal suite à l'obtention d'un brevet par le demandeur. Le défendeur et recourant n'avait pas, après avoir soulevé l'incompétence du tribunal saisi, à s'exprimer sur le fond sur les nouvelles prétentions de la demande découlant de l'obtention du brevet. D'après la lettre claire et non équivoque de la norme, un délai aurait dû lui être accordé, après la décision sur la compétence du tribunal, pour s'exprimer au fond sur les prétentions découlant du droit des brevets (c. 3.5).

07 avril 2017

TF, 7 avril 2017, 4A_520/2016 (f)

Nespresso, Ethical Coffee Compagnie, machine à café, café, action en cessation, brevet défensif, recours en matière civile, conclusion nouvelle, modification des conclusions, étendue de la protection, champ de protection, interprétation de la revendication, interprétation d’un brevet, principe de la confiance, expert ; art. 99 al. 2 LTF, art. 8 al. 1 LBI, art. 51 al. 1 LBI, art. 51 al. 2 LBI, art. 51 al. 3 LBI, art. 66 lit. c LBI, art. 72 LBI, art. 73 LBI.

A teneur de l’art. 99 al. 2 LTF, toute conclusion nouvelle est irrecevable. Le justiciable ne peut pas modifier l’objet du litige devant le TF en demandant davantage ou autre chose que ce qu’il avait requis devant l’autorité précédente. Tel n’est pas le cas lorsque la modification apportée aux conclusions dans le cadre du recours ne fait qu’exprimer la manière dont doivent être interprétées les conclusions de la demande et la revendication principale du brevet. La recevabilité des conclusions est ainsi liée à l’objet même du litige, de sorte qu’il convient d’entrer en matière et de procéder à l’examen au fond (c. 1.2). Le brevet confère à son titulaire le droit d’interdire à des tiers d’utiliser l’invention à titre professionnel (art. 8 al. 1 LBI). Le titulaire peut notamment demander la cessation d’une utilisation illicite de l’invention et la réparation du dommage causé par un tel acte (art. 66 lit. a, art. 72 et 73 LBI). L’invention est définie par les revendications du brevet qui déterminent l’étendue de la protection conférée par le brevet (art. 51 al. 1 et al. 2 LBI), et partant les droits du titulaire du brevet au sens de l’art. 8 LBI. La description et les dessins servent à interpréter les revendications (art. 51 al. 3 LBI). Les revendications doivent être interprétées selon le principe de la confiance. La lettre même des revendications constitue le point de départ de l’interprétation. Les directives techniques qu’elles contiennent doivent être interprétées telles que l’homme du métier les comprend. Si le sens d’une expression ne peut être établi avec une certitude suffisante en consultant la littérature spécialisée, le tribunal doit s’adjoindre les services d’un expert dans la mesure où il est lui-même dépourvu de connaissances spéciales. La description et les dessins servent à l’interprétation, mais ils ne sauraient conduire à compléter les revendications. Le titulaire du brevet doit donc décrire précisément l’objet de l’invention dans les revendications ; il supporte le risque d’une définition inexacte, incomplète ou contradictoire (c. 3.2). Les conclusions ne sauraient aller au-delà de la protection conférée par le brevet, qui découle elle-même des revendications. Dans le cas d’espèce, le litige porte sur le point de savoir si le dispositif décrit dans la revendication a pour effet d’entraîner la rétention de toute capsule introduite dans la cage à capsule, pour autant que la capsule soit en matériau déformable au contact de l’eau chaude. Le problème d’interprétation ne porte pas directement sur une question technique, comme le montre l’argumentation de la recourante qui se concentre sur le sens de l’expression générique « toute capsule ». L’interprétation littérale qui se dégage objectivement de la revendication concernée du brevet est que l’expression « toute capsule » désigne n’importe quelle capsule « constituée d’un matériau déformable au contact de l’eau chaude », étant entendu que ladite capsule doit avoir une taille lui permettant d’être « disposée dans la cage » à capsule de la machine à café. L’agencement de la cage à capsule (en l’occurrence, « relief de type harpon ») est tel qu’il entraîne une déformation au moins partielle de n’importe quelle capsule de ce genre, une fois mise au contact de l’eau chaude ; cette déformation conduit elle-même à ce que la capsule soit retenue dans la cage. L’expression « soit retenue » implique un résultat, et non une possible survenance du phénomène décrit. En bonne logique, l’agencement de la cage doit entraîner une déformation certaine et non une éventuelle déformation (c. 3.4). Le recours est rejeté. [NT]

09 février 2017

TF, 9 février 2017, 4A_32/2017 (d) (mes. prov.)

Tabac, produits du tabac, mesures provisionnelles, décision finale, décision incidente, préjudice irréparable, principe de l’économie de procédure ; art. 90 CPC, art. 93 al. 1 lit. a CPC, art. 93 al. 1 lit. b CPC, art. 42 al. 2 CO.

Les jugements sur mesures provisionnelles ne constituent des décisions finales au sens de l’art. 90 CPC que lorsqu’ils sont rendus dans une procédure qui leur est propre. Les décisions sur mesures provisoires rendues avant ou pendant une procédure principale et qui ne déploient leurs effets que pendant la durée de celle-ci, respectivement sous la condition de l’ouverture d’une procédure principale, constitue des décisions incidentes au sens de l’art. 93 CPC. En dehors du cas particulier de l’art. 93 al. 1 lit. b CPC, un recours contre celles-ci n’est admissible que lorsqu’elles s’accompagnent d’un préjudice irréparable. Il doit s’agir d’un dommage de nature juridique, que même un jugement favorable au recourant ne serait pas de nature à réparer dans le futur. Les préjudices purement matériels comme la prolongation de la procédure ou l’augmentation de ses frais ne suffisent pas. La possibilité d’attaquer pour elle-même des décisions incidentes constitue, en vertu du principe de l’économie de la procédure, une exception au principe que le TF ne peut être saisi qu’une fois de chaque cause. Cette exception doit être interprétée restrictivement (c. 1.1). Les frais de développement d’un produit ne constituent pas un préjudice de nature juridique qu’un jugement futur favorable ne permettrait pas de réparer. Il s’agit au contraire de dépenses propres qui sont connues et qui peuvent être établies. Le fait que l’action d’un concurrent (le cas échéant contraire au droit des marques et à la loi contre la concurrence déloyale) rende plus difficile l’entrée d’un produit sur le marché ne constitue pas un préjudice irréparable, dans la mesure où le dommage peut être chiffré, ou en tout cas équitablement déterminé en application de l’art. 42 al. 2 CO et faire l’objet d’une action ultérieure en dommages et intérêts. La recourante n’a en particulier pas démontré que le jugement sur mesures provisionnelles attaqué empêcherait de manière générale son déploiement économique sur le marché en ce qu’il lui interdirait d’y lancer un nouveau produit. Le fait qu’il puisse être difficile de prouver combien de consommateurs auront acheté les produits concurrents plutôt que ceux de la recourante jusqu’au moment d’un jugement au fond, interdisant par hypothèse la vente de ces produits concurrents, constitue un préjudice matériel (et non juridique) qui ne justifie pas qu’il soit fait exception au principe de la non-attaquabilité des décisions incidentes. Il n’est pas entré en matière sur le recours (c. 1.3.2). [NT]

12 avril 2016

TF, 12 avril 2016, 4A_443/2015 (d)

Concurrence déloyale, publicité comparative, indication de prix, comparaison de prix, garantie de prix, publicité superlative, indication publicitaire inexacte, indication publicitaire fallacieuse, principe de véracité, cercle des destinataires pertinent, recours partiellement admis ; art. 112 al. 1 lit. b LTF, art. 112 al. 3 LTF, art. 3 al. 1 lit. b LCD, art. 3 al. 1 lit. e LCD.

Ne peut être inexact que ce dont la véracité est vérifiable. Seules des allégations factuelles peuvent être vérifiées. Ne constituent pas des allégations factuelles, au sens des art. 3 al. 1 lit. b et lit. e LCD, les publicités dont le caractère excessif (racoleur) est reconnaissable, les déclarations d’ordre général, les promesses de bonheur et les purs jugements de valeur, qui n’ont pas de noyau de vérité et ne sont pas objectivement vérifiables. Pour déterminer si l’on est en présence d’une indication fallacieuse, la compréhension objective des cercles de destinataires pertinents, dotés d’une expérience, d’une compétence et d’une attention moyennes est déterminante. Il est à cet égard nécessaire et suffisant qu’un nombre non négligeable de destinataires soient susceptibles d’être trompés ou induits en erreur (c. 2.2). Les indications de prix doivent être véridiques. Lorsque les prix sont mis en rapports avec ceux de concurrents, le principe de véracité doit être respecté, que les prix soient présentés comme les moins chers (publicité superlative) ou comme moins chers. Cela suppose que les biens ou services en cause soient comparables sur les plans quantitatif et qualitatif (c. 2.3). Comme les indications de prix sont particulièrement propices à influencer les comportements des consommateurs, la jurisprudence a toujours posé des critères stricts en matière de comparaisons de prix (c. 2.3.1). Elle se montre très réservée lorsqu’il s’agit de qualifier une publicité d’allégation racoleuse reconnaissable (c. 2.3.2). Les exigences sont particulièrement strictes lorsqu’un publicitaire compare les prix de son offre ou de ses prestations avec ceux de l’ensemble de la concurrence. Les indications de prix qui font usage de superlatifs ou placent leur auteur dans une position unique (Alleinstellungswerbung) doivent respecter le principe de véracité. Les indications de prix qui sont comprises par le public, faisant usage d’une attention moyenne, comme signifiant que certains produits, ou que l’ensemble des prestations offertes sont moins chers que ceux de la concurrence, à qualité égale, ne sont licites que lorsque tel est réellement le cas. Cela s’applique à toutes les offres de concurrents visées par l’allégation, et suppose que les prix des produits concurrents sur lesquels la comparaison repose soient connus. Les indications de prix doivent être exactes au moment de la publication. Il faut en outre tenir compte du fait que les prix de la concurrence peuvent changer et sont de ce fait susceptibles de rendre l’indication de prix inexacte. Enfin, une promesse de remboursement ne fait pas perdre son caractère trompeur à une allégation inexacte (2.3.3). En l’espèce, l’instance précédente a interdit à la recourante d’utiliser dans sa publicité les termes « Tiefstpreisgarantie », « Best Price » (isolément) et « garantierter Dauertiefstpreis » (c. 3). Ces trois termes n’ont pas de signification en eux-mêmes. Ils ne peuvent être compris, et leur véracité ne peut être appréciée qu’en relation avec une offre spécifique de biens ou de services, en comparaison avec ceux de la concurrence (c. 3.1). Le jugement attaqué ne permet pas de déterminer dans quel contexte et pour quelles offres la recourante utilise les termes litigieux. En particulier, le jugement ne constate pas si et de quelle manière la recourante vante par les termes litigieux l’ensemble de son offre (c. 3.2). Les constatations de l’instance inférieure n’indiquent pas que la recourante ait visé l’ensemble de son offre par l’emploi des termes litigieux. Il manque dans la décision attaquée des constatations factuelles desquelles on pourrait déduire que les consommateurs moyennement attentifs pourraient comprendre les publicités comme indiquant que la recourante propose à tout moment, ou au moins à un moment déterminé, des prix inférieurs pour l’ensemble de son offre à ceux de l’ensemble de la concurrence. L’interdiction étendue et générale d’utiliser ces concepts dans la publicité des recourantes, prononcée en première instance, repose pourtant sur l’admission de cette hypothèse (c. 3.3). Selon l’art. 112 al. 1 lit. b LTF, les décisions qui peuvent faire l’objet d’un recours devant le Tribunal fédéral doivent contenir les motifs déterminants de fait et de droit (c. 4). On ne peut en l’espèce déduire des considérants du jugement attaqué suffisamment de constatations factuelles, qui permettraient de comprendre de quelle situation réelle l’instance précédente est partie, quels éléments de fait elle a considéré comme pertinents, et lesquels elle a tenu pour avérés (c. 4.3). Les constatations du jugement attaqué ne sont pas non plus suffisantes pour écarter la demande reconventionnelle de la recourante (c. 4.4). Selon l’art. 112 al. 3 LTF, le jugement attaqué doit donc être annulé, et la cause doit être renvoyée à l’instance précédente pour nouveau jugement (c. 5). [SR]

15 septembre 2016

TF, 15 septembre 2016, 4A_317/2016 (d)

Livre, journal, presse, imprimé(s), produit(s) d’imprimerie, édition, service(s) de publication, inscription d’une licence, licence, usufruit, effet(s) relatif(s) des contrats, faillite, interprétation du contrat, principe de la confiance, abus de droit ; art. 18 CO, art. 18 LPM, art. 19 LPM.

En vertu de l’art. 19 LPM, la marque peut faire l’objet d’un usufruit qui n’est opposable aux tiers de bonne foi qu’après son enregistrement au registre des marques. Pour répondre à la question de savoir si un usufruit sur une marque est institué en faveur d’une des parties à un contrat, il convient d’interpréter ce dernier selon le principe de la confiance lorsque la réelle et commune intention des parties ne peut pas être établie. La volonté probable des parties doit ainsi être déterminée de la manière dont leurs déclarations de volonté auraient pu et dû être comprises par leurs destinataires respectifs en fonction de l’ensemble des circonstances selon le principe de la bonne foi. Lorsque le contrat mentionne l’octroi d’une licence exclusive et gratuite, et ne fait à aucun moment usage du terme « usufruit », il n’y a pas lieu de retenir qu’il instituerait un usufruit plutôt qu’une licence ; ceci même si une interprétation selon le principe de la confiance permet parfois, au vu des circonstances, de donner une signification différente à un terme juridique utilisé par les parties (c. 2.4). Selon l’art. 18 LPM, le titulaire de la marque peut autoriser des tiers à l’utiliser sur l’ensemble ou sur une partie du territoire suisse pour tout ou partie des produits ou des services enregistrés (al. 1). À la demande d’une partie, la licence est inscrite au registre. Elle devient ainsi opposable à tout droit à la marque acquis postérieurement (al. 2). Dans le cas d’espèce, la licence n’avait pas été inscrite au registre, mais son bénéficiaire (le recourant) prétendait pouvoir l’opposer à un tiers qui avait acquis la marque dans le cadre de la faillite du donneur de licence, parce que ce tiers connaissait l’existence de la licence au moment de l’acquisition de la marque. La licence crée un droit relatif de nature contractuelle imposant au titulaire de la marque d’en tolérer l’usage par un tiers, le droit à la marque continuant d’appartenir à son titulaire. Pour la doctrine majoritaire, le contrat de licence ne crée pas un droit à la marque elle-même, mais seulement une prétention de nature contractuelle à l’égard du titulaire de la marque, à ce qu’il en tolère l’usage par le bénéficiaire du droit relatif correspondant. Il n’est pas contesté qu’un contrat de licence non inscrit au registre ne déploie un effet relatif que vis-à-vis du donneur de licence. Seuls les contrats de licence qui sont inscrits au registre des marques bénéficient d’un effet absolu et réel et ne se terminent pas automatiquement au moment de la faillite du donneur de licence. L’inscription au registre a un effet constitutif en ce qu’elle rend le contrat de licence opposable également au titulaire ultérieur du droit à la marque. Comme un contrat de licence non inscrit n’a qu’un effet relatif vis-à-vis du donneur de licence, seul ce dernier est obligé par le contrat. Par conséquent, une licence non inscrite ne saurait être opposée à un acquéreur ultérieur de la marque, indépendamment de sa connaissance de l’existence du contrat de licence (c. 2.5). Le recours est rejeté. [NT]