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09 septembre 2013

CAF, 9 septembre 2013 (d)

Tarif commun 4e ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, négociation des tarifs, tarif commun 4e, procédure tarifaire en cours, Commission arbitrale fédérale, renvoi de l'affaire, suspension de procédure, mesures provisionnelles, préjudice irréparable, vide tarifaire, urgence, effet suspensif, principe de la proportionnalité ; art. 56 PA, art. 46 al. 2 LDA, art. 9 al. 3 ODAu.

Le ou la président(e) de la Commission arbitrale pourrait trancher seul(e) la question du renvoi de l'affaire pour de nouvelles négociations et celle des mesures provisionnelles, mais pas celle de la suspension de la procédure. Comme ces trois questions sont liées, il revient à la Commission arbitrale elle-même de les examiner ensemble (c. 1). Une rupture des négociations se justifie lorsqu'un consensus semble impossible ou est très invraisemblable (c. 2a). Il en va notamment ainsi lorsqu'une procédure de recours est encore pendante sur le tarif précédent et qu'elle porte sur des questions juridiques de principe concernant aussi le nouveau tarif à négocier (c. 2c et 2d). Une suspension de la procédure devant la CAF est possible même si la PA n'en prévoit pas expressément les conditions. Elle peut être ordonnée contre la volonté d'une partie lorsqu'une procédure de recours a un effet préjudiciel pour la décision à rendre ; cela pour autant toutefois qu'il n'en résulte pas un déni de justice inacceptable causant un dommage irréparable à une partie (c. 3). Par application analogique de l'art. 56 PA, des mesures provisionnelles sont possibles devant la CAF pour maintenir intact un état de fait existant ou pour sauvegarder des intérêts menacés (c. 4a). De telles mesures supposent toutefois une situation d'urgence, de même qu'un dommage difficile à réparer. À ce sujet, une pesée des intérêts en présence devra être effectuée, pour laquelle un pronostic sur l'issue du litige ne sera pris en compte que s'il est clair. Ces conditions seront examinées à l'aune du principe de la proportionnalité. Pour l'exécution anticipée d'une prestation pécuniaire, il faut en outre que le pronostic sur l'issue du litige soit positif et que le remboursement éventuel de la prestation soit assuré (c. 4c). En l'espèce, les sociétés de gestion demandent comme mesures provisionnelles la mise en application provisoire dès 2014 du tarif commun 4e 2012-2013, approuvé par la CAF en 2011, mais attaqué au TAF. L'issue de cette procédure de recours est incertaine (c. 4d). De plus, il n'y a pas d'urgence, car un vide tarifaire pourrait être évité soit par une entrée en vigueur rétroactive du tarif valable dès 2014, soit par un supplément sur la redevance perçue dès son approbation. De plus, l'urgence doit aussi être niée parce que le tarif précédent n'est pas encore entré en vigueur en raison de la procédure de recours, si bien qu'il n'y a pas de véritable vide tarifaire (c. 4e). Un dommage difficile à réparer, dû au fait que certains débiteurs pourraient devenir insolvables durant la procédure d'approbation tarifaire, n'a pas non plus été rendu vraisemblable (c. 4h). Enfin, dans le cadre de sa décision sur l'effet suspensif, le TAF a pesé les intérêts en présence et a admis que l'intérêt des débiteurs du tarif à ne pas faire de décomptes éventuellement inutiles l'emportait sur l'intérêt des sociétés de gestion à appliquer le tarif de manière anticipée. Cet avis doit être suivi aussi pour la présente requête de mesures provisionnelles, d'autant plus qu'une diminution de la redevance dès 2014 par rapport au tarif 2012-2013 n'est pas à exclure. Un remboursement d'une partie des montants perçus par voie provisionnelle obligerait en effet à des décomptes compliqués, dans un système où les débiteurs de la redevance (les importateurs de supports vierges) n'équivalent pas aux utilisateurs (les consommateurs) (c. 4g). [VS]

22 février 2013

TAF, 22 février 2013, B-2999-2011 (d)

sic! 7-8/2013, p. 444 (rés), « Die Post » ; motifs absolus d’exclusion, provenance commerciale, significations multiples, principe de la spécialité, cercle des destinataires pertinent, spécialistes, service postal, poste, signe descriptif, produit ou service accessoire, besoin de libre disposition absolu, marque imposée, lettres capitales, cas limite ; art. 2 lit. a LPM, art. 2 LPO.

L’article défini « die » remplit une fonction individualisante. Il est notoire que le signe « DIE POST » est compris par tous les destinataires, mais particulièrement par les spécialistes et la clientèle commerciale, comme une désignation de la Poste suisse à l’exclusion de toute autre entreprise active dans ce secteur (c. 5.2). Cependant, le signe « DIE POST » possède plusieurs significations. En vertu du principe de la spécialité, il convient de déterminer le sens que le cercle des destinataires pertinent confère aux produits ou services considérés (c. 5.3). Les services postaux sont définis, notamment, à l’art. 2 LPO, comme l’acheminement de biens matériels, par exemple des lettres et des paquets. Il faut déterminer pour chaque produit ou service revendiqué si le cercle des consommateurs comprendra le signe « DIE POST » comme l’indication de la provenance commerciale de ce produit ou de ce service (c. 5.4). Le signe « DIE POST » est distinctif pour les produits et services des classes 28, 35, 36, 40, 41, 42 et 45 ainsi que pour une part des produits et services des classes 9, 16, 20, 22 et 39. Le signe est néanmoins descriptif pour la part des produits et services des classes 9, 16, 20, 22 et 39 qui se rapportent aux services postaux (c. 6.8). Il existe un besoin de libre disposition absolu pour une partie des services en classe 39, de sorte qu’il ne peut être question de marque imposée pour ces services (c. 7.5). En ce qui concerne la part des produits en classes 9, 16, 20 et 22 pour lesquels le signe « DIE POST » est descriptif, il s’agit de produits accessoires servant à l’exécution du service postal, de sorte qu’il est impossible que le signe « DIE POST » se soit imposé par l’usage pour ces produits. De plus, s’agissant de produits accessoires servant à l’exécution du service postal, il y a un besoin de libre disposition absolu pour ces produits des classes 9, 16, 20 et 22 (c. 8). L’utilisation de lettres capitales pour le signe « DIE POST » n’a rien d’exceptionnel et ne confère donc aucun caractère distinctif au signe proposé à l’enregistrement (c. 9). Les enregistrements des marques « DIE POST » en Allemagne et « LA POSTE » en France ne sont pas pertinents, étant donné qu’il ne s’agit pas, in casu, d’un cas limite (c. 11). Le recours est partiellement admis (c. 12). [AC]

18 mars 2013

TAF, 18 mars 2013, B-6629/2011 (d)

sic! 7-8/2013, p. 443 (rés.), « ASV » ; motifs absolus d’exclusion, risque de décisions contradictoires, jonction de causes (refus), principe de l’économie de procédure, cercle des destinataires pertinent, spécialistes du domaine médical, anglais, néologisme, signe descriptif, marque imposée, besoin de libre disposition, produits pharmaceutiques, dispositifs médicaux, acronyme ; art. 5 al. 3 Cst., art. 63 al. 3 PA, art. 2 lit. a LPM ; cf. N 647 (TAF, 18mars 2013, B-6632/2011 ; sic! 7-8/2013, p. 443 [rés.], « Adaptive Support Ventilation » ; procédure parallèle).

Le cadre de la procédure de recours est déterminé par l’objet de la décision de l’autorité inférieure. Le sort d’une autre demande d’enregistrement de la recourante ne peut donc pas être tranché dans la présente procédure (c. 1.3). Il ne se justifie pas de joindre les causes concernant le signe « ASV » et le signe « ADAPTIVE SUPPORT VENTILATION », quand bien même le premier constitue l’acronyme du second, car seul le point de vue du cercle des destinataires pertinent importe (c. 2.1). Ainsi, l’enregistrement de l’un de ces signes n’influera pas sur la décision d’enregistrement du second. Dès lors que le risque de décisions contradictoires est écarté et qu’elle ne se justifie pas non plus sous l’angle de la célérité de la justice ou de l’économie de procédure, la requête en jonction de causes est rejetée (c. 2.2). Les produits revendiqués en classe 10 sont destinés aux spécialistes du domaine médical, qui possèdent de bonnes connaissances de l’anglais (c. 5.2). Le signe « ASV » sera compris par les destinataires comme l’acronyme de l’expression « Adaptive Support Ventilation » (c. 7.4.2). Cette expression est comprise par les destinataires comme une indication des propriétés des produits revendiqués. Le signe « ASV » possède donc un caractère descriptif (c. 8.4). La recourante prétend que le signe présenté à l’enregistrement est une marque imposée (c. 9). Il n’y a pas de besoin absolu de libre disponibilité pour le signe « ASV », puisque d’autres acronymes sont imaginables (c. 10). La recourante produit de nombreuses pièces qui démontrent l’usage à titre de marque du signe « ASV », notamment cinq articles scientifiques. Il apparaît donc vraisemblable que le signe présenté à l’enregistrement soit compris comme une indication de provenance commerciale par une part substantielle des spécialistes du domaine médical (c. 11.4-11.5). Le recours est admis au sens des conclusions subsidiaires de la recourante (c. 12). La recourante doit supporter les frais de procédure, faute d’avoir soulevé le caractère de marque imposée devant l’autorité inférieure (c. 13.1.2). [AC]

18 mars 2013

TAF, 18 mars 2013, B-6632/2011 (d)

sic! 7-8/2013, p. 443 (rés.), « Adaptive Support Ventilation » ; motifs absolus d’exclusion, jonction de causes (refus), principe de l’économie de procédure, risque de décisions contradictoires, cercle des destinataires pertinent, spécialistes du domaine médical, anglais, néologisme, signe descriptif, acronyme, marque imposée, besoin de libre disposition, produits pharmaceutiques, dispositifs médicaux ; art. 5 al. 3 Cst., art. 63 al. 3 PA, art. 2 lit. a LPM ; cf. N 646 (TAF, 18 mars 2013, B-6629/2011 ; sic! 7-8/2013, p. 443 [rés.], « ASV » ; procédure parallèle).

Le cadre de la procédure de recours est déterminé par l’objet de la décision rendue par l’autorité inférieure. Le sort d’une autre demande d’enregistrement de la recourante ne peut donc pas être tranché dans la présente procédure (c. 1.3). Il ne se justifie pas de joindre les causes concernant le signe « ADAPTIVE SUPPORT VENTILATION » et le signe « ASV », quand bien même le second constitue l’acronyme du premier, car seul le point de vue du cercle des destinataires pertinent importe. Ainsi, l’enregistrement de l’un de ces signes n’influera pas sur la décision d’enregistrement du second. Dès lors que le risque de décisions contradictoires est écarté et qu’elle ne se justifie pas non plus sous l’angle de la célérité de la justice ou de l’économie de procédure, la requête en jonction de causes est rejetée (c. 2). Les produits revendiqués en classe 10 sont destinés aux spécialistes du domaine médical, qui possèdent de bonnes connaissances de l’anglais (c. 4.2). Le signe proposé à l’enregistrement est compris par les destinataires comme une indication des propriétés des produits revendiqués et possède donc un caractère descriptif (c. 6.3-6.4). La recourante prétend que le signe présenté à l’enregistrement est une marque imposée (c. 7). Il n’y a pas de besoin absolu de libre disposition pour le signe « ADAPTIVE SUPPORT VENTILATION », puisque d’autres adjectifs peuvent remplacer l’élément « ADAPTIVE » (c. 8). La recourante produit de nombreuses pièces qui démontrent l’usage à titre de marque du signe « ADAPTIVE SUPPORT VENTILATION », notamment cinq articles scientifiques. Il apparaît donc vraisemblable que le signe présenté à l’enregistrement soit compris comme une indication de provenance commerciale par une part substantielle des spécialistes du domaine médical (c. 9.4). Le recours est admis au sens des conclusions subsidiaires de la recourante (c. 10). La recourante doit supporter les frais de procédure, faute d’avoir soulevé le caractère de marque imposée devant l’autorité inférieure (c. 11.1.2). [AC]

30 janvier 2013

TAF, 30 janvier 2013, B-3556/2012 (d)

sic! 5/2013, p. 299 (rés.) « TCS / TCS » ; motifs relatifs d’exclusion, suspension de procédure (refus), principe de l’économie de procédure, risque de décisions contradictoires, action en constatation de la nullité d’une marque, identité des produits ou services, similarité des produits ou services, identité des signes, force distinctive moyenne, dilution de la force distinctive, risque de confusion direct, marque connue, marque défensive, degré d’attention accru ; art. 29 al. 1 Cst., art. 3 al. 1 lit. a LPM, art. 3 al. 1 lit. b LPM, art. 52 LPM.

Une demande de suspension de la procédure de recours en matière d'opposition devant le TAF, déposée par la défenderesse quatre mois après la fin de l'échange d'écritures, en raison de l'ouverture d'une action en constatation de la nullité de la marque opposante, n'est pas justifiée au regard du principe de l'économie de procédure (c. 2.2.1). Étant donné que les tribunaux civils ne sont pas liés par les décisions en matière d'opposition, il n'y a pas de risque de décisions contradictoires (c. 2.2.2). La procédure d'opposition est une alternative au procès civil qui doit permettre d'aboutir rapidement et à moindres frais à une décision. Dès lors, au regard de l'exigence de rapidité des procédures, il ne se justifie pas non plus de suspendre la procédure d'opposition (c. 2.2.3). Le rejet du recours en matière d'opposition ne cause pas de grave préjudice à la recourante, car elle conserve son intérêt juridique à la constatation de la nullité de la marque et un nouvel enregistrement du même signe reste possible (c. 2.2.4). La demande de suspension de procédure est rejetée (c. 2.3). Tous les produits et services revendiqués par la marque attaquée sont identiques, respectivement similaires, aux produits et aux services revendiqués par la marque opposante (c. 6.3). Vu l'identité des signes, le recours est rejeté pour tous les produits ou services identiques (c. 7). La marque opposante jouit d'une force distinctive normale (c. 8.1.2). En l'espèce, vu l'identité des signes, un risque de confusion ne pourrait être écarté même si l'élément « TCS » devait être considéré comme dilué et donc extrêmement faible. La question de la dilution de la force distinctive de la marque opposante peut ainsi rester ouverte (c. 8.2.2). Considérant l'identité des signes et l'identité ou la similarité des produits ou services revendiqués, il y a un risque de confusion direct entre les signes que même le degré d'attention accru des consommateurs ne parvient pas à écarter. La question de savoir si la marque opposante et la marque attaquée sont des marques connues peut rester ouverte (c. 8.3). Mal fondé, le recours doit être rejeté (c. 10). [AC]

10 avril 2013

HG ZH, 10 avril 2013, HG110066-O (d)

sic! 10/2013, p. 612- 620, « Comparis ; Comparis.ch / www.comparez.ch » ; motifs relatifs d’exclusion, nom de domaine, contenu d’un site Internet, comparez.ch, risque de confusion nié, exploitation de la réputation, similarité des produits ou services, similarité des signes, domaine de deuxième niveau, force distinctive faible, signe appartenant au domaine public, principe de la spécialité, concurrence déloyale ; art. 2 CC, art. 29 CC, art. 3 LPM, art. 15 LPM, art. 3 LCD.

Sauf en présence d’une marque notoire au sens de l’art. 15 LPM, l’examen du contenu du site Internet est nécessaire pour déterminer le risque de confusion entre un nom de domaine et une marque, vu le principe de la spécialité qui s’applique en droit des marques. Même dans les autres domaines juridiques, il paraît difficile de faire abstraction du contenu du site, dès lors que le risque de confusion s’apprécie en fonction de l’ensemble des circonstances (c. 4.2.2). Si le public est provisoirement induit en erreur, mais que la méprise peut être corrigée en raison des circonstances – donc aussi en raison du contenu du site – il n’y a pas de risque de confusion, mais éventuellement une exploitation de la réputation d’autrui (c. 4.2.3). Celle-ci implique que l’on utilise un signe comme nom de domaine pour profiter de la renommée d’un tiers et diriger les internautes vers son propre site Internet. Il s’agit d’une notion pertinente en concurrence déloyale, en droit au nom et pour les marques de haute renommée au sens de l’art. 15 LPM (c. 4.2.4). En l’espèce, les services commercialisés par les parties sont semblables (c. 4.3.3.2). Pour apprécier la similitude des signes, c’est avant tout le domaine de deuxième niveau qui est déterminant (c. 4.3.3.3.3). En l’espèce, l’élément « compar », qui est commun au nom de domaine litigieux et aux marques protégées, relève du domaine public (c. 4.3.3.3.2). Les internautes savent que le moindre détail a son importance en matière de nom de domaine. Lorsqu’un signe est utilisé exclusivement comme nom de domaine sur Internet, de petites différences par rapport à la marque protégée suffisent à exclure la similitude (c. 4.3.3.3.3). La prononciation des mots « comparez » et « comparis » n’est pas identique (c. 4.3.3.3.5). Le faible caractère distinctif d’une marque peut être accru par la publicité et l’usage de cette marque.Mais cela ne va pas jusqu’à empêcher un tiers d’utiliser des éléments de la marque appartenant au domaine public (c. 4.3.3.4.2). De même, le droit de la concurrence déloyale ne permet pas d’interdire l’utilisation d’une désignation relevant du domaine public selon le droit des marques (c. 4.4.1). Le seul fait d’employer la désignation usuelle « comparez » ne suffit pas à démontrer une exploitation de la réputation d’autrui au sens du droit de la concurrence déloyale (c. 4.4.2.3). [VS]

07 août 2012

TF, 7 août 2012, 4A_128/2012 (f)

sic! 1/2013, p. 41-46, « Vogue » (Schlosser Ralph, Remarque) ; droits conférés par la marque, marque de haute renommée, droit applicable, bonne foi, sondage, principe de la spécialité, concurrence déloyale, comportement parasitaire, usage de la marque, action en constatation de la nullité d’une marque ; art. 97 al. 1 LTF, art. 12 al. 3 LPM, art. 15 al. 1 LPM, art. 2 LCD, art. 110 al. 1 LDIP, art. 136 al. 1 LDIP.

Bien que les intimées aient leur siège à l'étranger, le droit suisse s'applique tant en ce qui concerne la concurrence déloyale, car l'activité illicite prétendue s'est déployée sur le marché suisse (art. 136 al. 1 LDIP), que s'agissant du droit des marques, car la protection de la propriété intellectuelle a été revendiquée pour la Suisse (art. 110 al. 1 LDIP) (c. 2). Un acte de concurrence déloyale ne suppose ni mauvaise foi, ni faute de son auteur, mais uniquement une violation objective des règles de la bonne foi. Avec leur argumentation, qui vise à démontrer leur intention subjective, les recourants cherchent à rectifier l'état de fait sur un point qui ne peut pas influencer le sort de la cause, ce qui est exclu par l'art. 97 al. 1 LTF (c. 3). La notion de haute renommée (art. 15 LPM) ressortit au droit, contrairement à la question de savoir si une marque est connue d'un large public et bénéficie d'une image positive auprès des personnes qui la connaissent (c. 4.1.1). Les recourants n'ayant pas sollicité la mise en œuvre d'un sondage pour établir que la marque « Vogue » s'est imposée comme marque de haute renommée, l'approche de la cour cantonale — qui s'est référée à une enquête démoscopique réalisée à la requête des intimées — est conforme à la jurisprudence. La marque « Vogue » a été reconnue et associée à un magazine par une personne sur quatre. Il s'agit donc d'une marque de haute renommée au sens de l'art. 15 al. 1 LPM (c. 4.1.2). C'est à tort que la cour cantonale a jugé que la marque de haute renommée ne conférait à son titulaire une protection étendue qu'aux produits similaires à ceux pour lesquels la marque s'est imposée (c. 4.2). Les intimées sont en droit d'interdire l'utilisation de la marque « Vogue » pour toutes les catégories de biens et services et non seulement pour celles pour lesquelles leur marque est utilisée (c. 4.2.2). Il ne suffit pas d'alléguer le défaut d'usage pour en établir la vraisemblance. En l'espèce, les recourants auraient pu faire entendre des commerçants afin qu'ils puissent dire s'ils avaient déjà entendu parler de produits de la classe 14 portant les marques litigieuses (c. 5). Le recours est entièrement rejeté (c. 6). [JD]

01 juin 2012

TAF, 1er juin 2012, B-6101/2011 (d)

sic! 11/2012, p. 727-730, « Vacherin Mont d’Or » ; appellation d’origine protégée, indication géographique protégée, cahier des charges, égalité de traitement entre producteurs, principe de la porte ouverte, lait, ensilage ; art. 8 Cst., art. 9 Cst., art. 27 Cst., art. 14 al. 2 LAgr, art. 1 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP.

Le cahier des charges peut contenir des exigences supplémentaires à celles de l'art. 7 Ordonnance sur les AOP et les IGP, par exemple pour des raisons techniques ou d'hygiène. Cependant, ces dispositions doivent respecter le droit supérieur et notamment les principes de l'égalité de traitement (art. 8 Cst.), l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.), la liberté économique (art. 27 Cst.), le principe de la porte ouverte (art. 1 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP) et celui du caractère volontaire (art. 14 al. 2 LAgr) (c. 2.5). Les dispositions du cahier des charges ne doivent ainsi pas être utilisées de façon discriminatoire (c. 2.5). Les dispositions qui ne servent pas les buts visés par l'ordonnance ne peuvent être appliquées et ne justifient aucune atteinte aux droits fondamentaux. Seules les dispositions du cahier des charges ayant pour but la protection des caractéristiques liées à la provenance géographique des AOP et des IGP peuvent justifier une atteinte aux droits fondamentaux (c. 2.7). La question de savoir si l'utilisation de l'ensilage peut engendrer un risque accru pour la santé et diminuer la qualité du fromage est du ressort des chimistes cantonaux, qui doivent déterminer l'ampleur dudit risque (c. 3.5). S'il demeure à un niveau acceptable et qu'il est gérable grâce, par exemple, à de nouvelles technologies, alors son utilisation peut être autorisée durant la période transitoire (jusqu'au 30 avril 2013), à condition qu'elle le soit pour tous les producteurs. Dans le cas contraire, elle doit être interdite à tous les producteurs. La limitation à une partie des producteurs uniquement de l'autorisation du recours à cette méthode viole notamment le principe de l'égalité de traitement (art. 8 Cst.) (c. 3.6). Un régime différencié relatif à la livraison du lait constitue une inégalité de traitement (art. 8 Cst.) et viole le principe de la porte ouverte s'il n'a pas de réelle justification (art. 1 al. 2 Ordonnance sur les AOP et les IGP) (c. 4.4). Bien que l'exception permettant de livrer le lait une fois par jour plutôt que deux fois (comme le prévoit le cahier des charges) ne concerne qu'une très petite partie des producteurs, il n'est pas moins incontesté qu'elle donne lieu à un avantage (économique) non négligeable à ceux qui peuvent en bénéficier. Il en résulte une inégalité de traitement inacceptable (c. 4.6). [YH]

07 avril 2014

HG ZH, 7 avril 2014, HG110271 (d)

Usage privé, droit international privé, transfert de droits d’auteur, principe du traitement national, principe du créateur, compétence exclusive, droits non soumis à un enregistrement, violation des droits de propriété intellectuelle, recueil, revue, articles scientifiques, service de livraison de documents, appareil pour la confection de copies, envoi électronique, copie numérique, copie papier, bibliothèque, tiers chargé d'effectuer une reproduction, action en interdiction, qualité pour agir des sociétés de gestion, tarifs des sociétés de gestion, interprétation conforme à la constitution, méthodes d’interprétation, interprétation conforme au droit international, triple test, exemplaire d’œuvre disponible sur le marché ; art. 5 ch. 1 CB, art. 9 ch. 2 CB, art. 2 ch. 1 CL, art. 22 ch. 4 CL, art. 4 LDA, art. 6 LDA, art. 19 al. 2 LDA, art. 19 al. 3 lit. a LDA, art. 19 al. 3bis LDA, art. 20 LDA, art. 46 LDA, art. 59 al. 3 LDA, art. 62 al. 1 LDA, art. 70 LDA, art. 5 al. 1 lit. a CPC, art. 109 al. 2 LDIP, art. 110 LDIP ; cf. N 787 (TF, 28 novembre 2014, 4A_295/2014 [ATF 140 III 616] ; sic! 3/2015, p. 155-164, « Bibliothekslieferdienst »).

La compétence exclusive prévue par l’art. 22 ch. 4 CL n’est pas applicable aux litiges concernant des droits non soumis à un enregistrement. Par conséquent, la compétence générale de l’art. 2 ch. 1 CL s’applique. D’après l’art. 109 al. 2 LDIP, les tribunaux suisses du domicile du défendeur sont compétents pour connaître des actions portant sur la violation des droits de propriété intellectuelle (c. 1.1). D’après l’art. 5 al. 1 lit. a CPC, c’est le droit cantonal qui détermine le tribunal qui fonctionne comme instance cantonale unique pour les affaires de propriété intellectuelle (c. 1.2). Le transfert aux demanderesses des droits sur différents articles scientifiques, ou l’octroi à celles-ci d’une licence exclusive, a été prouvé par les contrats produits (c. 1.3). En revanche, la question de savoir si ces demanderesses disposent des droits sur les revues contenant lesdits articles est incertaine et il faut préalablement déterminer quelle est la loi applicable à cette question (c. 1.4). D’après l’art. 110 al. 1 LDIP, les droits de propriété intellectuelle sont régis par la loi de l’État pour lequel la protection est demandée (lex loci protectionis). L’art. 5 al. 1 CB prévoit en outre le principe du traitement national, selon lequel les ayants droit étrangers bénéficient des mêmes droits que les nationaux. En l’espèce, la question de l’existence des droits d’auteur se juge d’après la loi du pays de protection. Comme les demanderesses invoquent la protection du droit d’auteur suisse, c’est le droit suisse qui est applicable (c. 2.1.1). La loi du pays de protection est aussi applicable aux prétendues violations des droits de propriété intellectuelle, de même qu’aux effets de ces droits (contenu, limite et protection). D’après l’art. 110 al. 2 LDIP en revanche, s’agissant des conséquences juridiques d’une violation, les parties peuvent toujours convenir, après l'événement dommageable, de l'application du droit du for aux prétentions résultant de l’acte illicite. Mais en l’espèce, les demanderesses invoquent aussi la loi du pays de protection pour les actions en interdiction qu’elles font valoir. L’art. 110 al. 2 LDIP n’est donc pas applicable (c. 2.1.2). En résumé, le droit suisse gouverne l’ensemble du litige (c. 2.1.3). Seule une personne physique peut acquérir originairement des droits d’auteur. D’après l’art. 6 LDA, l’auteur est la personne physique qui a créé l’œuvre. Une cession des droits d’auteur à l’employeur doit être alléguée et prouvée. Le droit suisse ne connaît aucun transfert automatique des droits d’auteur à l’employeur. Il est possible que les revues contenant les divers articles scientifiques soient des recueils au sens de l’art. 4 LDA. Toutefois, les demanderesses n’ont pas suffisamment allégué détenir les droits sur ces revues (c. 2.2.1). Par conséquent, il faut seulement examiner en l’espèce si les droits sur les différents articles ont été violés (c. 2.2.2). Une action en interdiction nécessite un intérêt à la protection actuel et suffisant. Les conclusions doivent viser des actes concrets et doivent être formulées de manière suffisamment précise pour que les autorités d’exécution puissent reconnaître les actes interdits au défendeur (c. 2.4.1). Les droits à rémunération pour l’usage privé ne peuvent être exercés que par les sociétés de gestion agréées. La qualité pour agir de ces dernières découle de la loi (art. 20 al. 2 LDA) et ne nécessite aucun fondement contractuel avec les ayants droit. Les sociétés de gestion doivent établir des tarifs (art. 46 LDA). Une fois approuvés par la CAF, ceux-ci lient le juge d’après l’art. 59 al. 3 LDA. Le juge civil doit cependant vérifier que les tarifs ne prévoient pas de droits à rémunération contraires à la loi (c. 2.5). Le TF s’est prononcé en faveur d’un pluralisme pragmatique des méthodes d’interprétation et refuse de les hiérarchiser selon un ordre de priorité. Si plusieurs interprétations sont possibles, il faut donner la préférence à celle qui correspond le mieux à la Constitution. Une interprétation conforme à la Constitution ne peut toutefois pas contredire le texte clair d’une disposition légale. Pour l’interprétation d’une limite au droit d’auteur, il faut tenir compte des droits constitutionnels en cause, en particulier de la garantie de la propriété et des libertés de communication, de même que des traités internationaux, en particulier du test des trois étapes (c. 2.6.2.1). Une œuvre offerte à la vente par Internet est disponible sur le marché au sens de l’art. 19 al. 3 lit. a LDA (c. 2.6.2.2). Le point de vue du Message de 1989, selon lequel les différents articles d’une revue ne seraient pas des exemplaires d’œuvres au sens de cette dernière disposition, ne paraît plus soutenable vu l’évolution technologique. Il faut opter pour une interprétation conforme aux réalités d’aujourd’hui lorsque les différents articles scientifiques peuvent être acquis individuellement par les consommateurs par voie électronique. L’avis du Message, selon lequel seule la copie intégrale [de la revue] ferait concurrence à la distribution de l’œuvre, n’est plus actuel: le consommateur moyen s’intéresse aujourd’hui beaucoup plus aux différents articles qu’à la revue entière. Ces articles sont donc des exemplaires d’œuvres au sens de l’art. 19 al. 3 lit. a LDA (c. 2.6.2.3.3). Cette disposition ne protège pas seulement la première exploitation de l’œuvre. Il y a reproduction de la totalité ou de l’essentiel des exemplaires d’œuvres, au sens de l’art. 19 al. 3 lit. a LDA, lorsque l’acquisition d’un exemplaire complet devient inintéressante pour le consommateur moyen. Le fait que le layout ou la numérotation des pages soient changés n’est pas déterminant (c. 2.6.2.4). Vu les travaux préparatoires de 1989, il se justifie de retenir comme seul critère déterminant pour l’application de l’art. 19 al. 3 lit. a LDA celui de la mise en concurrence directe des prestations de l’éditeur: les copies qui font concurrence directement à ces prestations ne doivent pas être admises. Le service de livraison de documents exploité par la défenderesse représente bien une telle concurrence (c. 2.6.4). En revanche, en application de ce critère, les copies réalisées par les consommateurs dans les locaux d’une bibliothèque, au moyen des appareils mis à disposition par cette bibliothèque, doivent rester admissibles. Sinon, les libertés constitutionnelles de communication seraient compromises, de même que l’équilibre des intérêts entre les exploitants et la collectivité. Le but de l’art. 19 al. 2 LDA est de permettre à celui qui ne dispose pas d’un appareil de reproduction de réaliser les copies grâce à l’aide d’un tiers. Exiger que ce dernier fasse partie du cercle privé de la personne concernée ne paraît ni praticable ni suffisant. Dans ce cadre, la personne qui réalise une copie numérique, par exemple au moyen d’un scanner installé par une bibliothèque, peut certainement aussi se faire envoyer cette copie à son adresse électronique, bien que l’art. 19 al. 2 LDA ne concerne que l’acte de reproduction. Mais l’exploitation d’un service de livraison de documents, comprenant l’envoi des copies moyennant paiement d’un émolument, ne fait pas partie des activités habituelles d’une bibliothèque. Cela représente une concurrence directe pour les services en ligne des éditeurs et porte atteinte à l’exploitation normale des œuvres au sens du test des trois étapes (c. 2.6.5). La situation ne serait différente que si les copies étaient réalisées par les personnes visées par l’art. 19 al. 1 LDA elles-mêmes, grâce à un appareil mis à disposition par la bibliothèque. En effet, avec un service de livraison de documents, la bibliothèque fait concurrence aux éditeurs en réclamant une rémunération et en offrant aux consommateurs la possibilité de gagner du temps, comme s’ils recouraient aux services en ligne des éditeurs. Il est conforme à l’équilibre des intérêts voulu par le législateur d’exiger des consommateurs qu’il se rendent physiquement dans les locaux d’une bibliothèque pour pouvoir librement réaliser les copies (c. 2.6.6). L’art. 19 al. 3bis LDA n’a pas pour effet de rendre illicites les services en ligne payants des éditeurs et ces derniers ne se rendent pas coupables de l’infraction prévue à l’art. 70 LDA. Au demeurant, par son service de livraison de documents, la défenderesse copie sur demande les articles litigieux et les envoie en PDF par voie électronique à la personne qui les a commandés. Cette prestation n’est pas couverte par l’art. 19 al. 3bis LDA car elle n’est pas identique à celle d’un service comme iTunes. Au surplus, il n’y a pas de consultation au sens de cette disposition, et les œuvres n’ont pas été mises à disposition licitement (c. 2.7.2). La vente d’articles scientifiques isolés par Internet fait partie de l’exploitation normale de l’œuvre au sens du test des trois étapes. Pour savoir s’il est porté atteinte à celle-ci, le nombre de copies réalisées par la défenderesse n’est pas déterminant et peut d’ailleurs considérablement varier selon l’intérêt des consommateurs (c. 2.9.3). Il est possible que les intérêts des auteurs et des éditeurs divergent parfois. Mais l’intérêt légitime des premiers à ce que leurs œuvres scientifiques soient largement diffusées est suffisamment sauvegardé par le fait que les consommateurs ont la possibilité de réaliser des copies dans les locaux des bibliothèques, même si les éditeurs commercialisent les articles en ligne, et par le fait qu’ils peuvent utiliser ces offres en ligne (c. 2.9.4). [VS]

05 janvier 2015

HG AG, 5 janvier 2015, HSU.2014.68/DP/mv (d) (mes. prov.)

sic! 7-8/2015, p. 449-455, « Totenkopf-Tatoo » ; mesures provisionnelles, droit international privé, vraisemblance, œuvre de service, montre, présomption de la qualité d’auteur, principe du créateur, risque de récidive, précision des conclusions, œuvre, double création, préjudice irréparable, urgence, péremption du droit d’agir, principe de la proportionnalité ; art. 2 ch. 1 CL, art. 60 ch. 1 CL, art. 332 al. 1 CO, art. 2 al. 1 LDA, art. 6 LDA, art. 8 LDA, art. 62 al. 1 lit. a LDA, art. 261 al. 1 CPC, art. 343 al. 1CPC, art. 10LDIP, art. 109 al. 2LDIP, art. 110 al. 1LDIP, art. 129 LDIP, art. 292 CP.

La CL prévoit une compétence internationale des tribunaux suisses pour prononcer des mesures provisionnelles. Au niveau national, la compétence locale se détermine d’après l’art. 10 LDIP, qui l’attribue soit aux tribunaux compétents au fond, soit aux tribunaux du lieu d’exécution de la mesure (c. 2.2). Comme l’intimée a son siège à Genève, il existe une compétence internationale des tribunaux suisses pour se prononcer sur le fond, d’après les art. 2 ch. 1 et 60 ch. 1 CL (c. 2.3). Au niveau national, les art. 109 al. 2 et 129 LDIP prévoient la compétence des tribunaux du lieu de l’acte ou du résultat. Comme le requérant a rendu vraisemblable que les montres litigieuses pouvaient être commandées à Wettingen et étaient livrées depuis là, la compétence des tribunaux argoviens est donnée (c. 2.4). Pour obtenir une interdiction par voie de mesures provisionnelles, le requérant doit rendre vraisemblable que les conditions de l’art. 261 al. 1 CPC sont remplies (c. 4). Une allégation est vraisemblable lorsque le juge n’est pas totalement convaincu de sa véracité, mais qu’il la considère comme globalement vraie, quand bien même tous les doutes ne peuvent être écartés. Certains éléments doivent parler pour les faits prétendus, même si le tribunal compte encore avec l’éventualité qu’ils puissent ne pas être réalisés (c. 5). D’après l’art. 110 al. 1 LDIP, les droits de la propriété intellectuelle sont régis par le droit de l'État pour lequel la protection de la propriété intellectuelle est revendiquée (c. 6.2.1). Le principe connu en droit anglais du « work for hire », selon lequel le droit d’auteur appartient originairement à l’employeur ou au mandant du créateur, n’est donc pas applicable en l’espèce (c. 6.2.2). L’art. 8 LDA prévoit une présomption légale de la qualité d’auteur et un renversement du fardeau de la preuve: celui qui est indiqué comme auteur sur l’exemplaire de l’œuvre ou au moment de sa publication bénéficie de la protection de la LDA, jusqu’à preuve du contraire. D’après le principe du créateur de l’art. 6 LDA, l’auteur est la personne physique qui a créé l’œuvre et l’art. 332 al. 1 CO n’est pas applicable (c. 6.3.1). Le requérant a ainsi la légitimation active (c. 6.3.3). Ses conclusions sont suffisamment précises et il faut retenir un risque de récidive, car il est rendu vraisemblable que l’intimée fabrique et commercialise les montres visées par l’interdiction (c. 6.4.2). Pour déterminer si la tête de mort dessinée par le requérant est protégée, il est décisif de savoir s’il s’agit d’une création de l’esprit humain ayant un caractère individuel. C’est l’individualité de l’œuvre qui est déterminante, pas celle de l’auteur (c. 6.5.2). L’intimée n’est pas parvenue à rendre vraisemblable qu’il existait d’autres créations semblables à celle du requérant, avant que celui-ci ne réalise la sienne. Cette dernière à la qualité d’œuvre au sens de l’art. 2 LDA (c. 6.5.3). Quant à lui, le requérant a rendu vraisemblable que sa tête de mort, sur les montres litigieuses, était reconnaissable dans son caractère individuel. L’allégation de l’intimée, selon laquelle elle se serait inspirée de crânes en sucre mexicains, sans connaître l’œuvre du requérant, n’est pas suffisamment motivée pour pouvoir juger d’une éventuelle double création (c. 6.6.3). Il est notoire que les actions en dommages-intérêts, dans le domaine de la propriété intellectuelle, sont souvent très coûteuses et difficiles à mener. De plus, il paraît vraisemblable qu’une menace de dilution du droit d’auteur pèse sur le requérant, en raison des actes illicites, ce qui pourrait aussi nuire à sa réputation. La condition du préjudice difficile à réparer est donc réalisée (c. 7.3 et 7.4). L’urgence existe lorsqu’un procès ordinaire durerait clairement plus longtemps qu’une procédure de mesures provisionnelles. Une éventuelle péremption du droit d’agir se juge d’après la durée du procès au fond (c. 8.2). En l’espèce, le requérant a attendu environ un an avant de demander des mesures provisionnelles. Cela est clairement inférieur au temps nécessaire pour obtenir un jugement au fond, si bien que la condition de l’urgence est réalisée (c. 8.3 et 8.4). L’interdiction provisionnelle doit toutefois satisfaire au principe de la proportionnalité: elle se limitera à ce qui est nécessaire (c. 9 et 9.1). L’interdiction de mettre en circulation les montres litigieuses et de les promouvoir est proportionnée, mais pas celle de les garder en stock (c. 9.3.2). Comme mesures d’exécution, la menace de la peine prévue à l’art. 292 CP et l’amende d’ordre selon l’art. 343 al. 1 lit. b CPC sont appropriées (c. 10). [VS]

CL (RS 0.275.12)

- Art. 60

-- ch. 1

- Art. 2

-- ch. 1

CO (RS 220)

- Art. 332

-- al. 1

CP (RS 311.0)

- Art. 292

CPC (RS 272)

- Art. 343

-- al. 1

- Art. 261

-- al. 1

LDA (RS 231.1)

- Art. 8

- Art. 6

- Art. 62

-- al. 1 lit. a

- Art. 2

-- al. 1

LDIP (RS 291)

- Art. 10

- Art. 109

-- al. 2

- Art. 129

- Art. 110

-- al. 1

05 février 2014

TF, 5 février 2014, 4A_444/2013 (d)

sic! 6/2014, p. 367-372, « G5 » ; principe de l’inscription au registre, libellé officiel de la Classification de Nice, Classification de Nice, classe de produits ou services, liste des produits et des services, terme générique, usage antérieur, administration des preuves, devoir d’interpellation du tribunal, compléments alimentaires, produits pharmaceutiques, silicium organique, G5 ; art. 11 al. 1 LPM, art. 14 LPM, art. 28 al. 2 lit. c LPM, art. 11 OPM, art. 56 CPC, art. 4 al. 1 lit. a LPTh, art. 22 ODAlOUs.

En vertu du principe de l’inscription au registre, lorsqu’une marque est enregistrée à l’aide du libellé officiel d’une classe de produits ou services de la Classification de Nice, la liste des produits et des services désignés ne peut pas être automatiquement étendue à tous les produits ou services qui seraient ultérieurement inclus dans ladite classe ou dans la nouvelle version de son libellé officiel. A fortiori, cette extension automatique ne peut pas être accordée pour des produits ou services, qui bien que listés dans une autre classe de la Classification de Nice, existaient déjà sur le marché au moment du dépôt de la demande d’enregistrement (c. 5.4.1). Les compléments alimentaires ne peuvent pas être subsumés sous le terme générique de « produits pharmaceutiques ». Cela résulte tant de la comparaison des définitions légales des compléments alimentaires (art. 22 de l’Ordonnance du DFI sur les aliments spéciaux) et des produits thérapeutiques (art. 4 al. 1 lit. a de la LPTh), que de considérations économiques. Il n’est pas évident que les fabricants de compléments alimentaires proposent également des produits thérapeutiques, et inversement. Finalement, le fait que les compléments alimentaires aient été ajoutés au libellé officiel de la classe 5 dans la 10e version de la Classification de Nice, démontre que ces produits n’étaient pas subsumés dans le terme générique de « produits pharmaceutiques » (c. 5.4.2). La requérante n’était pas représentée par un avocat devant l’autorité précédente. Cependant, elle possède des connaissances en droit des marques et avait déjà l’expérience d’une procédure similaire. Ainsi, lorsqu’elle se contente de produire quelques factures afin de démontrer l’usage antérieur de sa marque au sens de l’article 14 LPM, en mentionnant que « plusieurs milliers d’autres factures peuvent être déposés si nécessaire », elle ne s’acquitte pas correctement de son obligation d’administration des preuves et ne peut donc pas se prévaloir d’une violation du devoir d’interpellation du tribunal (article 56 CPC), au motif que ce dernier n’a pas requis la production des « milliers d’autres factures ». Au contraire, en agissant de la sorte, le tribunal aurait violé son obligation d’impartialité et le principe d’égalité de traitement des parties (c. 6.3.5). Le recours est rejeté (c. 7). [AC].

10 décembre 2013

OG AR, 10 décembre 2013, D2Z 12 2 (d)

sic! 10/2014, p. 632-634, « Axxeva / Adexxa » ; droits conférés par la marque, droit absolu, raison de commerce, but social, droit de la personnalité, concurrence déloyale, risque de confusion admis, principe de la spécialité, similarité des produits ou services, jugement partiel, action échelonnée, nom de domaine, clientèle, placement de personnel, marque verbale, mesures provisionnelles ; art. 956 al. 2 CO, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 13 al. 1 LPM, art. 13 al. 2 lit. c LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM, art. 55 al. 1 lit. a LPM, art. 55 al. 1 lit. b LPM, art. 85 CPC.

La plaignante, « Axxeva Services AG », qui a pour but d’opérer du placement de personnel, de la location de services et de fournir des services commerciaux, est titulaire de la marque verbale « Axxeva », enregistrée dans les classes 35, 41 et 42. Elle reproche notamment à la défenderesse, qui a temporairement utilisé la raison de commerce « Adexxa Services AG » et a des buts sociaux similaires, une atteinte à sa marque et à sa raison de commerce. La défenderesse a expressément reconnu qu’il existe un risque de confusion entre les deux raisons de commerce. En outre, le juge unique de l’Obergericht AR a octroyé des mesures provisionnelles à la plaignante, fondées sur le droit des marques (ERZ 12 58). Comme la notion de risque de confusion s’apprécie de manière similaire dans les différents domaines du droit des signes distinctifs, et du fait de la concession opérée par la défenderesse, le tribunal se limite, quant à l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion entre les signes « AXXEVA » et « ADEXXA », à renvoyer aux considérants du jugement rendu en matière de mesures provisionnelles, desquels il découle que l’existence d’un risque de confusion entre les deux raisons de commerce est manifeste. L’action en cessation fondée sur l’art. 956 al. 2 CO est admise et le tribunal interdit à la défenderesse d’utiliser la raison de commerce « Adexxa Services AG » en Suisse (c. 2.1). Les droits exclusifs conférés par l’art. 13 LPM incluent l’emploi de la marque en tant que nom, raison de commerce, enseigne, dénomination commerciale ou nom de domaine. En se référant aux considérants du jugement précité, le tribunal admet qu’il existe un risque de confusion entre la marque enregistrée « AXXEVA » et le signe « ADDEXA » utilisé par la défenderesse. Les demandes fondées sur l’art. 55 al. 1 lit. a et b LPM sont admises (c. 2.2). Par contre, la demanderesse ne peut exiger qu’il soit interdit à la défenderesse d’utiliser des noms de domaines de manière générale. L’utilisation d’un nom de domaine ne peut être interdite qu’en relation avec les biens et services pour lesquels la marque est protégée (c. 2.3). L’action échelonnée suppose l’existence d’une prétention de droit matériel en fourniture de renseignements, qui existe en l’espèce (c. 2.5). [SR]

07 mars 2014

HG ZH, 7 mars 2014, HG130059 (d)

sic 4/2015, p. 250-254, « Unirenova / Unirenova Bau AG » ; droits conférés par la marque, droit absolu, reprise d’une marque antérieure, raison de commerce, registre du commerce, risque de confusion admis, similarité des signes, marque verbale, marque combinée, cercle des destinataires pertinent, principe de la proportionnalité, liquidation forcée, mesures de contrainte, mesures d’exécution, but social, immobilier, construction, concurrence déloyale ; art. 944 CO, art. 954a al. 1 CO, art. 13 al. 2 lit. e LPM, art. 55 al. 1 lit. a LPM, art. 55 al. 1 lit. b LPM, art. 236 al. 3 CPC, art. 343 al. 1 lit. d CPC ; cf. N 863 (HG ZH, 18 décembre 2014, HG 140055 ; sic! 10/2015, p. 593- 595, « Unirenova II »).

L’art. 954a al. 1 CO imposant au titulaire d’une raison de commerce de l’utiliser, l’inscription d’une raison de commerce au registre du commerce constitue déjà un usage dans les affaires au sens de l’art. 13 al. 2 lit. e LPM (c. 3.3.2). Il existe un risque de confusion chez les destinataires pertinents entre les deux signes en cause, qui sont presque identiques. Les droits conférés à la plaignante par les marques verbale et combinée qu’elle a déposées en classes 36 et 37 couvrent partiellement le but social de la défenderesse. Le but principal de la défenderesse, à savoir l’exécution de travaux de constructions et de transformations, de rénovations et la conduite de travaux, est identique à celui de la défenderesse (c. 3.4.1). Il existe donc une atteinte aux droits absolus de la plaignante au sens de l’art. 13 al. 2 lit. e LPM (c. 3.4.2). Il est par conséquent fait interdiction à la défenderesse d’utiliser en Suisse le signe « Unirenova » en relation avec des services relatifs au bâtiment, isolément ou en combinaison avec d’autres signes, comme raison de commerce, sur des papiers à en-tête, dans sa publicité ou de toute autre manière dans les affaires (c. 3.5.2). La demanderesse requiert la suppression de l’élément « Unirenova » de la raison de commerce de la défenderesse. Comme il est douteux que la raison « Bau AG » remplisse les conditions posées par l’art. 944CO, il se justifie d’ordonner, à titre de mesure d’exécution, la radiation de l’ensemble de la raison de commerce. Cette mesure apparaît conforme au principe de la proportionnalité (c. 3.6.2). Le tribunal ordonne par conséquent à la défenderesse de faire radier sa raison de commerce du registre du commerce (c. 3.6.3). En raison du comportement qu’elle a adopté durant la procédure, le tribunal considère qu’il faut s’attendre à ce qu’elle ne respecte pas ses injonctions (c. 5.3.1). Il la menace par conséquent de faire procéder à sa liquidation forcée si elle ne donne pas suite dans les délais à l’obligation judiciaire de modifier sa raison de commerce. L’art. 343 al. 1 lit. d CPC prévoit expressément deux mesures de contrainte, mais il se déduit de la formulation « telle que» que d’autres mesures peuvent être adoptées. La mesure choisie respecte le principe de la proportionnalité (c.5.3.2). Lorsque le tribunal ordonne des mesures d’exécution sur requête de la partie qui a obtenu gain de cause, au sens de l’art. 236 al. 3 CPC, il décide librement des mesures à ordonner, en respectant le principe de la proportionnalité et sans être lié par les demandes qu’elle a formulées (c. 5.3.3). [SR]

17 février 2015

TF, 17 février 2015, 4A_553/2014 (d)

sic! 6/2015, p. 396-391, « Von Roll Hydro / Von Roll Water » ; marque combinée, nom de domaine, raison de commerce, contrat de coexistence en matière de marque, interprétation du contrat, réelle et commune intention des parties, principe de la confiance, principe de la bonne foi, action en cession du nom de domaine, action en radiation de la marque, similarité des signes sur le plan sonore, similarité des signes sur le plan visuel, risque de confusion, contenu significatif, Von Roll Water Holding AG ; art. 42 al. 1 LTF, art. 42 al. 2 LTF, art. 74 al. 2 lit. b LTF, art. 75 al. 2 lit. a LTF, art. 90 LTF, art. 106 al. 1 LTF, art. 106 al. 2 LTF, art. 18 al. 1 CO, art. 951 al. 2 CO, art. 956 al. 2 CO, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 3 al. 3 LPM, art. 13 al. 1 LPM.

Selon l’art. 951 al. 2 CO, les raisons de commerce des sociétés anonymes, des sociétés à responsabilité limitée et des sociétés coopératives doivent se distinguer nettement de toute autre raison de commerce d’une société revêtant l’une de ces formes déjà inscrites en Suisse. En outre, selon l’art. 956 al. 2 CO, celui qui subit un dommage du fait d’une utilisation indue d’une raison de commerce peut agir en cessation de trouble et, en cas de faute, réclamer des dommages et intérêts. L’art. 13 al. 1 LPM confère au titulaire d’une marque le droit exclusif de l’utiliser pour distinguer les produits ou les services enregistrés et d’en disposer. Le titulaire d’une marque antérieure peut également faire valoir le motif relatif d’exclusion à l’enregistrement de l’art. 3 al. 1 lit. c LPM vis-à-vis du titulaire d’une marque postérieure à la sienne. Selon l’art. 3 al. 1 lit. c LPM, sont exclus de l’enregistrement les signes similaires à une marque antérieure destinés à des produits ou services identiques ou similaires lorsqu’il en résulte un risque de confusion. Le TF est amené à trancher la question de savoir si ces principes s’appliquent sans autre ou si la convention de coexistence passée entre les parties au moment du rachat d’une partie des actions de la recourante par l’intimée, ainsi que la transaction judiciaire intervenue par la suite en complément de cette convention, l’emportent sur les principes généralement applicables du droit des signes distinctifs concernant l’existence d’un risque de confusion. L’objet d’un contrat doit être déterminé par l’interprétation des manifestations de volonté des parties. Le but de l’interprétation du contrat est ainsi en premier lieu l’établissement de la réelle et commune intention des parties, selon l’art. 18 al. 1 CO. Si une concordance réelle des volontés n’est pas établie, il convient, pour déterminer la volonté hypothétique des parties, d’interpréter leurs déclarations selon le principe de la confiance en s’arrêtant à la manière dont elles pouvaient et devaient être comprises, tant du point de vue de leur teneur qu’en lien avec l’ensemble des circonstances. Il s’agit ainsi d’analyser le contenu des déclarations des parties qui ne doivent pas être examinées de manière isolée, mais en fonction de leur signification concrète. C’est le moment de la conclusion du contrat qui est déterminant, car une interprétation en fonction du comportement ultérieur des parties n’est pas significative. La question de l’interprétation objective des déclarations de volonté relève du droit et est examinée librement par le TF qui demeure cependant lié par les constatations cantonales précédentes portant sur les circonstances extérieures de fait, ainsi que sur la connaissance et la volonté des parties (c. 2.2.2). Comme l’autorité précédente n’a pas pu établir de volonté concordante des parties concernant l’utilisation de la raison sociale « Von Roll Water Holding AG » et de la marque « VON ROLLWATER » litigieuse, les conventions, soit le contrat de vente initial et l’arrangement judiciaire ultérieur, doivent être interprétées selon le principe de la confiance. Il en résulte que les sociétés membres du groupe Von Roll pourraient continuer d’utiliser la marque « VON ROLL » seule ou en lien avec des éléments se distinguant significativement des marques revenant aux sociétés du groupe dont les actions étaient reprises. Il est ainsi établi qu’en tout cas en ce qui concerne les signes dont l’utilisation a été autorisée à ces dernières et qui ont été reconnus conventionnellement comme leur étant propres, les champs de protection des signes des deux partenaires contractuels ont été délimités, en ce sens que les sociétés du groupe Von Roll s’interdisaient non seulement l’utilisation de signes identiques,mais aussi celle de signes similaires, de manière à ce qu’un risque de confusion puisse être exclu en vertu des éléments additionnels utilisés. Le risque de confusion ne doit ainsi pas être examiné sans autre selon les principes du droit des marques, puisque le contrat prévoit que chacune des parties peut continuer d’utiliser l’élément « Von Roll » de sorte qu’un risque de confusion ne peut résulter que de l’utilisation des éléments l’accompagnant. Il ne saurait toutefois en être déduit que l’examen du risque de confusion ne saurait au moins être orienté par les principes posés en droit des signes distinctifs. La conception de l’autorité précédente que l’exigence d’une différence significative entre les signes devrait se limiter à leurs aspects graphiques et sonores ne convainc pas. Une compréhension aussi étroite ne découle pas de l’interprétation objective du contrat qui implique bien plus que le contenu significatif des ajouts utilisés soit pris en compte (c. 2.2.3). La transaction judiciaire du 7 septembre 2006 complète le contrat de coexistence initial qui prévoyait l’utilisation des marques « VON ROLL INFRATEC », « VON ROLL HYDROTEC » et « VON ROLL CASTING » par les sociétés du groupe repris. Le contrat de base doit ainsi être compris selon le principe de la bonne foi que les sociétés du groupe Von Roll sont libres d’utiliser les marques, respectivement la raison de commerce « VON ROLL », avec toutes les formes d’ajouts possibles, dans la mesure où ceux-ci se différencient de manière significative des marques « VON ROLL INFRATEC », « VON ROLL HYDRO », « VON ROLL CASTING » et « VON ROLL ITEC ». Les signes distinctifs de l’intimée doivent ainsi en particulier conserver une distance suffisante par rapport à la marque « VON ROLL HYDRO ». Le fait que les sociétés du groupe repris soient expressément autorisées selon le contrat à protéger en outre les dénominations « hy », « rohr », « pipes », « tubi », « tubes », « tuyeaux », « valves », « valvole », « valvi » et « schieber » en lien avec le terme « vonRoll » comme élément de marque, ne permet pas de déduire, comme le soutient l’intimée, qu’elle-même serait en contrepartie sans autre habilitée à utiliser des traductions des termes attribués à l’autre partie. L’obligation pour les sociétés du groupe Von Roll de se distinguer suffisamment des signes « VON ROLL INFRATEC », « VONROLLHYDRO », «VONROLLCASTING » et « VONROLL ITEC » est indépendante du droit des sociétés du groupe repris d’enregistrer d’autres signes à titre de marques. En vertu de l’arrangement conventionnel intervenu, l’intimée ne peut ainsi utiliser la raison de commerce « Von RollWater Holding AG » et la marque « VON ROLL WATER » que dans la mesure où il n’en résulterait pas de risque de confusion avec le signe « VON ROLL HYDRO », respectivement avec les raisons de commerce inscrites de la recourante « vonRoll hydroservices AG » et « vonRoll hydro (suisse) AG » ou avec la marque enregistrée « VON ROLL HYDRO ». Il n’est pas déterminant à cet égard que ni le contrat initial, ni son complément judiciaire, n’aient expressément concédé l’utilisation du terme « Water » à la recourante (c. 2.2.4). Le recours est partiellement admis et la cause renvoyée à l’autorité cantonale pour l’examen de l’existence d’un éventuel risque de confusion entre les dénominations concernées, en particulier en raison du contenu significatif des désignations litigieuses. [NT]

05 mars 2014

HG AG, 5 mars 2014, HOR.2012.23 (d)

sic! 9/2014, p. 545-554, « Rollmate » ; conditions de la protection du design, novae, égouttoir mobile, principe de la rapidité de la procédure, principe de la bonne foi en procédure, qualité pour agir du preneur de licence, présomption de la nouveauté du design, présomption de l’originalité du design, présomption du droit de déposer un design, nullité d’un design, fardeau de la preuve, fait dirimant, représentation du design, étendue de la protection, originalité en droit des designs, nouveauté en droit des designs, impression générale, souvenir à court terme, caractère techniquement nécessaire, cercle des destinataires pertinents, degré d’attention accru, concurrence déloyale, concurrents, risque de confusion nié, numerus clausus des droits de propriété intellectuelle ; art. 8 CC, art. 1 LDes, art. 2 al. 1 LDes, art. 2 al. 3 LDes, art. 4 lit. a LDes, art. 4 lit. b LDes, art. 4 lit. c LDes, art. 8 LDes, art. 19 al. 1 lit. b LDes, art. 21 LDes, art. 35 al. 4 LDes, art. 3 al. 1 lit. d LCD, art. 3 al. 1 lit. e LCD, art. 9 al. 1 LCD, art. 52 CPC, art. 124 al. 1 CPC, art. 229 al. 1 lit. a CPC, art. 229 al. 1 lit. b CPC, art. 229 al. 2 CPC.

Les faits et moyens de preuves nouveaux ne peuvent plus être invoqués que de manière limitée après un second échange d’écritures. Ne sont alors procéduralement plus admissibles que les novae proprement dit (art. 229 al. 1 lit. a CPC) ou les novae improprement dit qui, en dépit de la diligence requise, ne pouvaient être invoqués plus tôt (art. 229 al. 1 lit. bCPC). Ces novae doivent dans tous les cas être invoqués immédiatement après leur découverte. Les conserver « en réserve » pendant des semaines ou des mois jusqu’à l’audience principale viole les principes du respect des règles de la bonne foi en procédure (art. 52CPC), ainsi que de la conduite rapide de la procédure au sens de l’art. 124 al. 1 CPC (c. 2.2). Invoquer comme en l’espèce des novae ou de faux novae plus de trois semaines après leur découverte est notoirement tardif (c. 2.3.2). En vertu de l’art. 35 al. 4 LDes, celui qui est au bénéfice d’une licence exclusive dispose de la qualité pour agir, indépendamment de l’inscription de la licence au registre, pour autant que le contrat de licence ne l’exclue pas explicitement. L’art. 35 al. 4 LDes confère ainsi au preneur de licence exclusif un droit d’agir général et indépendant. L’autorisation d’agir peut ensuite être limitée, matériellement, temporellement ou territorialement, par la portée de la licence (c. 3.2.1). Le tribunal considère qu’une confirmation écrite qu’une licence d’exploitation et de commercialisation du design enregistré « Rollmatte » pour la Suisse a été accordée au preneur de licence par le bénéficiaire de l’enregistrement de ce design, sans aucune restriction quant à la matière, ni quant au temps, constitue la preuve indirecte tant de l’existence d’un contrat de licence exclusive valant sans limitation pour l’ensemble du territoire de la Suisse, que de la qualité pour agir du preneur de licence (c. 3.2.2). La présomption de validité d’un design enregistré déduite de l’art. 21 LDes concerne les exigences de nouveauté et d’originalité du design, ainsi que celle se rapportant à la qualité pour le déposer. Cette présomption ne porte par contrepas sur le caractère techniquement nécessaire ou non du design, et il n’y a pas de raison d’en étendre le champ d’application au-delà de la lettre même de l’art. 21 LDes. Il devrait par conséquent revenir au titulaire du droit au design d’établir que les caractéristiques du design enregistré ne découlent pas exclusivement de sa fonction technique, au sens de l’art. 4 lit. c LDes. Comme toutefois il résulte d’une interprétation systématique de la LDes que le motif d’exclusion à l’enregistrement des caractéristiques techniquement nécessaires a été conçu par le législateur comme une exception à la protection qui ne doit être retenue que lorsque le caractère imposé par la technique d’un produit est établi, il s’agit d’un fait dirimant dont la preuve incombe à celui qui se prévaut de la nullité du design considéré (cons. 5.2). L’art. 4 lit. a LDes trouve application lorsque les illustrations déposées ne permettent pas de discerner clairement quel est l’objet de la protection ou lorsque la représentation qui en est donnée n’est pas suffisamment concrète. L’art. 19 al. 1 lit. b LDes ne précise pas quel doit être le contenu de la représentation du design que doit comporter le dépôt, dont il dit seulement qu’elle doit se prêter à la reproduction. Ce sont toutefois les représentations déposées qui constituent la base de la protection et leur choix est donc de grande importance, en particulier pour la détermination de l’étendue de la protection au sens de l’art. 8 LDes, et pour l’examen des conditions matérielles de la protection selon l’art. 2 LDes. N’est ainsi en particulier protégé que ce qui peut être reproduit sur la base de l’ensemble des représentations déposées ; et le titulaire d’un design ne peut pas se prévaloir dans la détermination du champ de protection de caractéristiques qui ne sont pas exprimées par les représentations déposées. De petites différences entre les illustrations ne portent pas à conséquence concernant l’existence même de l’enregistrement, mais sont prises en compte dans la détermination de l’étendue de la protection qu’elles contribuent le cas échéant à limiter en défaveur du déposant, dans la mesure où il convient alors d’ignorer les différences dans la détermination du champ de protection (c. 6.1.2 et c. 6.1.3). L’examen de l’exigence d’originalité de l’art. 2 al. 3 LDes constitue un examen élargi ou relatif de l’exigence de nouveauté, rendant l’examen séparé de cette dernière obsolète. Si l’exception d’absence d’originalité s’avérait infondée, celle se rapportant à l’absence de nouveauté le serait du même coup, l’absence d’originalité d’un design impliquant également son absence de nouveauté (c. 6.2.1.2). La Cour considère que l’acquéreur potentiel du produit, comme le professionnel d’ailleurs, sera attentif non seulement aux barreaux parallèles métalliques présents dans les deux objets, mais aussi à la terminaison de leurs extrémités dont la construction très différente marquera plus la mémoire que la présence de baguettes métalliques, l’utilisation de métal pour les ustensiles de cuisine étant peu frappante. Pour la Cour, la terminaison des côtés du dessous-de-plat détermine l’impression d’ensemble et génère une impression très technique avec ses différents maillons qui évoquent une chaîne de vélo et ressortent de manière proéminente en semblant opérer une coupure des baguettes, alors que celles-ci paraissent se prolonger jusqu’à l’extrémité des bords de l’égouttoir déroulant dans lesquels elles demeurent visibles en filigrane. Les deux produits étant d’une structure et d’une constitution largement différentes, le premier dessous-de-plat invoqué comme constituant une antériorité ne ruine pas l’originalité de l’égouttoir déroulant. Le deuxième dessous-de-plat examiné n’y réussit pas non plus, d’une part parce qu’il ne peut pas être roulé sur lui-même, ensuite parce qu’il est dépourvu d’éléments de liaison entre ses barres à leurs extrémités et que du fait des éléments métalliques utilisés et de la manière dont ils sont agencés, il frappe par son design minimaliste dont l’impression d’ensemble est marquée par des barreaux reposant sur deux éléments de liaison métallique également en forme de grille ouverte (c. 6.2.2.3). Le terme de « technique » doit être compris au sens large et englobe tous les aspects fonctionnels liés à l’utilisation d’un produit. Cela comprend les dispositions de forme qui découlent de l’utilisation conforme à sa destination, de l’emploi ou du maniement d’un produit sans qu’une liberté créatrice demeure, ou lorsqu’il n’existe aucune alternative de conception raisonnable pour atteindre le même effet technique. L’art. 4 lit. c LDes ne concerne ainsi que les cas dans lesquels aucune alternative de forme ne permet d’atteindre l’effet technique ou fonctionnel recherché et pour lesquels il n’existe donc qu’une seule forme d’exécution raisonnable (c. 6.3.2). Un égouttoir mobile doit bien remplir certaines caractéristiques techniques pour permettre à la fois l’écoulement de l’eau et la « portabilité » du dispositif. On peut se demander si le fait que l’égouttoir puisse se dérouler doit être ajouté à ces deux premières caractéristiques techniques dans la mesure où il s’agit seulement d’un élément nécessaire à la mobilité du tout, et pas à la qualité de l’égouttement. Comme toutefois l’enroulement du dispositif n’est qu’une manière d’en assurer le caractère mobile et qu’il en existe beaucoup d’autres, l’enroulement de l’égouttoir sur lui-même n’est pas un critère autonome à prendre en compte comme moyen technique d’assurer la mobilité de l’égouttoir, dans l’examen du caractère techniquement nécessaire du design. Dans le cas particulier du design dont la validité est attaquée, ni les baguettes parallèles dans leur milieu, ni leur dispositif de fixation aux extrémités ne sont dans leur apparence concrète exclusivement conditionnés par leur fonction technique. Les baguettes pourraient avoir d’autres formes (carrée, rectangulaire, ovale) permettant aussi bien l’égouttement que leur forme sphérique ; la distance entre les baguettes pourrait être différente. Elles pourraient aussi être de longueur différente avec des alternances, etc., et finalement le dispositif de fixation entre les baguettes pourrait aussi être conçu de manière complètement différente. Il existe ainsi, dans le cas d’espèce, une certaine liberté de création et des alternatives de forme qui permettraient d’obtenir le même effet fonctionnel recherché de disposer d’un égouttoir mobile déroulant (c. 6.3.3). Le caractère techniquement nécessaire du design de l’égouttoir n’est donc pas retenu. Le preneur de licence exclusive participe à la concurrence dans la mesure où il bénéfice des droits exclusifs d’utilisation et a la qualité pour agir au sens de l’art. 9 al. 1 LCD (c. 8.2.1). Cette légitimation active découle aussi de ce que les marchés visés par les deux produits sont les mêmes du point de vue matériel, temporel et géographique (c. 8.2.2). Les dispositions de la LCD s’appliquent indépendamment de celles du droit des biens immatériels et la théorie selon laquelle un acte ne tombant pas sous le coup d’un droit de propriété intellectuelle ne saurait devenir illicite du fait de la LCD « Umwegthese » a été abandonnée. Les prétentions fondées sur le droit du design et celles découlant de la LCD sont ainsi indépendantes et peuvent être allouées indépendamment l’une de l’autre, pour autant que leurs conditions d’application respectives soient satisfaites (c. 8.3). La différence visuelle importante que les deux designs présentent du point de vue de leur impression d’ensemble exclut tout risque de confusion entre eux au sens de la LCD également. Le choix du consommateur, s’il est guidé par l’esthétique des deux produits, exclut lui aussi tout risque de confusion, d’autant qu’on peut attendre de ce public cible, soucieux de l’esthétique de sa cuisine, un degré d’attention accru (c. 8.4.3). L’apposition de la marque de la défenderesse de manière bien visible sur ses produits est aussi de nature à lever tout risque de confusion éventuel (c. 8.4.3). [NT]

Chaîne de vélo
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Dessous-de-plat
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Égouttoir mobile
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