Les conditions d’examen du
cercle des destinataires pertinent ne diffèrent pas qu’il s’agisse
d’une marque enregistrée en Suisse ou d’une marque notoirement
connue enregistrée à l’étranger. Il suffit cependant qu’un des
cercles de destinataires pertinent reconnaisse la notoriété de la
marque pour que celle-ci soit qualifiée de notoirement connue
(c. 5.1). Selon la recourante, la marque opposante est
notoirement connue pour les « Baklava, Tulumba, Gurabija,
Kadaifi, Vanilice et petits fours » en classe 30 (c. 5.2).
Les petits fours, sont proposés en suisse majoritairement dans les
boulangeries et les confiseries. Les gurabija
sont un type de biscuit à la pâte brisée, les tulumba, baklava et
kadaifi sont
des pâtisseries imbibées d’un sirop de sucre ou d’eau de rose.
Dans l’ensemble, ces
produits sont
traditionnellement servies avec le thé ou le café. Les produits
revendiqués s’adressent donc à un large cercle de destinataires
finaux, ainsi qu’aux spécialistes du commerce en gros ou de
détail, dans le domaine de la gastronomie ou de la vente, en
particulier les magasins d’alimentation, les confiseries ou les
boulangeries (c. 5.3). La recourante considère cependant que ce
cercle doit être restreint en raison de la provenance des produits
revendiqués (c. 5.4). Elle se fonde sur l’arrêt YENI RAKI
dans lequel le Tribunal fédéral a limité le cercle de
destinataires d’une marque étrangère (en l’occurrence la
Turquie) aux personnes travaillant en Suisse originaires de ce même
pays. En l’espèce, elle considère que comme les produits
revendiqués sont des spécialités des Balkans, l’examen du
caractère notoire de la marque doit être examiné sur la base de la
connaissance de la marque par les personnes originaires des Balkans
habitant en Suisse (c. 5.4). Dans l’arrêt « YENI
RAKI », le Tribunal fédéral était lié par les faits établis
par l’instance précédente, selon lesquels la marque revendiquée
s’adressait aux consommateurs turcs. Rien n’indique que le
Tribunal fédéral n’aurait
pas
étendu à l’ensemble des consommateurs d’alcool le cercle des
destinataires pertinent s’il en avait eu le pouvoir. De plus,
l’ouverture des consommateurs suisses vis-à-vis des produits
étrangers a bien évolué depuis (c. 5.5). La notoriété de la
marque opposante est également revendiquée pour des « petits
fours » qui ne sont pas originaires des Balkans (c. 5.6.1).
Il existe en Suisse une de
nombreuses pâtisserie
traditionnelle,
et les produits revendiqués peuvent être perçus comme le pendant
étranger de confiseries très connues du public suisse. Les Gurabija
et les Vanilice sont des sablés ou des croissants à la vanille. Les
Tulumba sont un type de confiserie à base de pâte à choux. Ainsi,
ces produits ne sont pas totalement étrangers à la tradition
pâtissière locale. Il s’agit donc de confiseries de consommation
courante, et le fait que celles-ci
aient une dénomination différente n’exclut pas que le
consommateur final ne se demande
s’il s’agit d’un
seul et même produit.
Une limitation du cercle des destinataires pertinent ne se justifie
ainsi pas (c. 5.6.2). Les Baklava et les Kadaifi n’ont pas
d’équivalent dans la pâtisserie traditionnelle suisse. Il n’est
cependant plus envisageable aujourd’hui de partir du principe que
les produits étrangers ne soient acquis que par les personnes
originaires du pays en question. A titre de comparaison, il n’est
pas envisageable de considérer que le roquefort est consommé
uniquement par les personnes résidant en Suisse originaires de
France. En effet, chacun a accès à ces produits, indépendamment de
son origine, et la tendance à l’accessibilité s’accélère. Il
est devenu beaucoup plus aisé de trouver des produits typiques des
cuisines étrangères. Ainsi, il est aujourd’hui possible de
trouver des Baklava dans les grandes surfaces à côté par exemple
des tourtes aux noix des grisons (c. 5.7). Le cercle des
destinataires pertinent ne doit ainsi pas être restreint aux
consommateurs finaux originaires des Balkans (c. 5.9), mais
à tous les consommateurs finaux situés en Suisse (c. 5.10). En
vertu du principe de spécialité, la marque opposante doit être
notoirement connue pour chacun
des
produits revendiqués (c. 6.1). La recourante dépose de
nombreuses preuves destinées à rendre vraisemblable la notoriété
de sa marque (c. 6.2). Seuls les éléments de preuves antérieurs à
la date de dépôt de la marque attaquée doivent être pris en
considération (c. 6.3). Une marque notoire ne doit pas être
seulement connue, mais en
plus bénéficier d’une
notoriété évidente, basée sur un usage long du signe en question
(c. 6.4). La recourante parvient à rendre vraisemblable
l’utilisation de sa marque en lien avec les produits qu’elle
revendique (c. 6.4.1). Aucun élément de preuve ne parvient à
rendre vraisemblable une quelconque publicité à destination du
grand public. En particulier, un spot publicitaire sur une chaine des
Balkans, certes accessible en Suisse, n’est pas apte à toucher les
spectateurs suisses, dans la mesure où bon nombre des destinataires
ne regardent pas la chaine en question ou ne maîtrisent pas la
langue (c. 6.4.2). En résumé, la recourante parvient bien à
démontrer un usage sérieux de sa marque en lien avec des produits
pendant près de 10 ans, et ce pour l’ensemble de la suisse.
Cependant, le fait que la présence de la marque en suisse soit
indiscutable ne montre pas encore que celle-ci soit notoire. En
conséquence, la recourante ne parvient pas à rendre vraisemblable
la notoriété de sa marque (c. 6.4.3). C’est à raison que
l’instance précédente a rejeté l’opposition. Le recours est
rejeté dans ses conclusions principales comme subsidiaires (c. 7).