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28 octobre 2014

TFB, 28 octobre 2014, S2014_008 (d)

sic! 6/2015, p. 398-399, « Kombinationstherapie », mesures provisionnelles, mesures superprovisionnelles, for, droit international privé, action en cession d’une demande de brevet, action d’état, compétence matérielle, tribunal fédéral des brevets, droit applicable, préjudice difficilement réparable, transfert d’une demande de brevet, vraisemblance, entrave à l’exécution, restriction au droit de disposer ; art. 26 LTFB, art. 29 LBI, art. 105 al. 1 lit. d OBI, art. 236 al. 3 CPC, art. 261 al. 1 CPC, art. 262 lit. a CPC, art. 262 lit. c CPC, art. 265 al. 1 CPC, art. 343 al. 1 lit. b CPC, art. 1 LDIP, art. 10 LDIP, art. 109 al. 1 LDIP, art. 110 al. 1 LDIP ; cf. N 935 (TFB, 4 février 2015, S2014_008).

Les deux parties ayant leur siège aux États-Unis, les tribunaux suisses compétents pour prononcer des mesures provisoires sont les tribunaux ou les autorités suisses compétents au fond ou ceux du lieu d’exécution de la mesure au sens de l’art. 10 LDIP (c. 2.1). L’action au fond est une demande en cession selon l’art. 29 LBI de deux demandes de brevet suisses. Elle a été introduite devant le TFB le 25 septembre 2014. Les mesures provisoires requises visent à faire interdire tout acte de disposition éventuel des demandes de brevet en question et à faire porter la mention de la restriction du droit de disposer au registre des brevets. L’action en cession de l’art. 29 LBI est, aux côtés des actions portant sur la validité et l’inscription de droits de propriété intellectuelle, une action d’état au sens de l’art. 109 al. 1 LDIP qui se rapporte à l’existence du droit de propriété intellectuelle ou à son titulaire. En outre, la mesure doit être exécutée en Suisse puisque les autorités suisses qui tiennent le registre, soit l’IPI, sont requises d’y porter l’annotation d’une restriction du droit de disposer des demandes de brevet. La compétence du TFB à raison du lieu et à raison de la matière découle à la fois des art. 1, 10 et 109 al. 1 LDIP, ainsi que de l’art. 26 LTFB (c. 2.2). Le droit suisse est applicable selon l’art. 110 al. 1 LDIP (c. 2.3). Le TFB suit l’argumentaire de la demanderesse selon lequel un dommage difficilement réparable résulterait du fait que la défenderesse, en transférant les deux demandes de brevet à un tiers, rendrait plus difficile, si ce n’est absolument impossible, la mise en œuvre de l’action en cession. En cédant les demandes de brevet à un tiers, la défenderesse perdrait sa légitimité passive et l’introduction d’une nouvelle action en cession contre l’acquéreur des demandes de brevet s’imposerait, ce qui retarderait de manière importante la procédure et entraînerait une augmentation des coûts. Le TFB retient que l’octroi des mesures requises qu’il soit fait interdiction à la défenderesse de céder le droit à la délivrance des deux demandes de brevet litigieuses ou de leur apporter des modifications, est de nature à supprimer le risque d’entrave à l’exécution, en particulier en lien avec l’ordre supplémentaire donné à l’autorité qui tient le registre d’y porter cette restriction du droit de disposer. Le risque d’entrave à l’exécution ne peut être supprimé que par l’octroi de mesures provisionnelles immédiates sans audition préalable de la défenderesse, au sens de l’art. 265 al. 1 CPC. Pour le TFB, les mesures superprovisionnelles requises sont proportionnées et ne sont pas de nature à porter préjudice à la défenderesse si cette dernière ne peut pas momentanément transférer ou modifier les demandes de brevet déposées. La requête de mesures superprovisionnelles est ainsi admise et il est donné l’ordre à l’IPI, en vertu des art. 262 lit. c CPC et 105 al. 1 lit. d OBI de porter au registre les restrictions correspondantes au droit de disposer des demandes de brevet concernées (c. 4.2). Le TFB assortit, au titre de mesure d’exécution, l’interdiction de disposer des demandes de brevet, respectivement de les modifier, de la menace d’une amende d’ordre de CHF 5 000.- au sens de l’art. 236 al. 3 CPC en lien avec l’art. 343 al. 1 lit. b CPC. [NT]

04 février 2015

TFB, 4 février 2015, S2014_008 (d)

Mesures provisionnelles, for, droit international privé, action en cession d’une demande de brevet, action d’état, compétence matérielle, tribunal fédéral des brevets, droit applicable, droit de réplique inconditionnel, formalisme excessif préjudice difficilement réparable, transfert d’une demande de brevet, vraisemblance, restriction au droit de disposer ; art. 26 LTFB, art. 29 LBI, art. 105 al. 1 lit. d OBI, art. 236 al. 3 CPC, art. 261 al. 1 CPC, art. 262 lit. a CPC, art. 262 lit. c CPC, art. 265 al. 1 CPC, art. 343 al. 1 lit. b CPC, art. 1 LDIP, art. 10 LDIP, art. 109 al. 1 LDIP, art. 110 al. 1 LDIP ; cf. N 934 (TFB, 28 octobre 2014, S2014_008 ; sic! 6/2015, p. 398-399, « Kombinationstherapie »).

L’arrêt du TFB du 4 février 2015 rendu dans la même cause que celui du TFB du 28 octobre 2014 porte sur des mesures provisoires, alors que le précédent visait à l’obtention de mesures superprovisionnelles. Il est renvoyé au résumé de l’arrêt du 28 octobre 2014 (cf. N 934 c. 2.1-c. 2.3) pour les considérants se rapportant au for, au droit applicable, ainsi qu’à la compétence matérielle du TFB qui sont identiques. Le TFB admet que lorsque les allégués d’une requête de mesures provisoires seraient identiques à ceux de l’action au fond dont les mesures provisoires visent à garantir l’exécution et qui a été déposée simultanément, il serait contraire au principe de l’interdiction du formalisme excessif d’exiger que ces allégués soient reproduits dans la demande de mesures provisoires et de refuser un renvoi à ceux de la demande principale (c. 11). Le droit de réplique inconditionnel vaut aussi dans les procédures de mesures provisionnelles. Il n’est toutefois tenu compte dans ce cadre que des prises de position de la demanderesse suscitées par les allégations de la défenderesse. Les explications de la défenderesse qui iraient au-delà ne sont pas prises en considération (c. 11). [NT]

11 février 2015

TFB, 11 février 2015, S2014_001 (d) (mes. prov.)

sic! 9/2015, p. 522-525, « Dibenzothiazepinderivat » ; mesures provisionnelles, compétence internationale, droit international privé, compétence matérielle, for, internationalité, langue de la procédure, anglais, vraisemblance, nullité d’un brevet, revendication, interprétation de la revendication, non-évidence, décision étrangère, médicament ; art. 2 ch. 1 CL, art. 60 ch. 1 lit. a CL, art. 26 al. 1 lit. b LTFB, art. 36 al. 3 LTFB, art. 343 al. 1 lit. b CPC ; cf. N 923 (TFB, 7 octobre 2015, O2013_006).

Lorsque la demanderesse a son siège à l’étranger (en l’espèce en Suède) et la défenderesse en Suisse, l’état de fait est international; la compétence à raison du lieu s’établit ainsi sur la base de la convention de Lugano (art. 1 al. 2 LDIP en relation avec les articles 1ss CL). Le Tribunal fédéral des brevets (TFB) est compétent à raison de la matière et du lieu sur la base des art. 2 ch. 1 CL en relation avec l’art. 60 ch. 1 lit. a CL de même que l’art. 26 al. 1 lit. b LTFB (c. 2.1.). L’anglais peut être utilisé avec l’accord du Tribunal, même si la langue de procédure est une des langues nationales (en l’espèce l’allemand, cf. art. 36 al. 3 LTFB) (c. 2.2.). Selon les articles 261 al. 1 CPC et 77 LBI, le tribunal peut ordonner les mesures provisionnelles nécessaires si la partie qui les requiert rend vraisemblable qu’une prétention dont elle est titulaire est l’objet d’une atteinte ou risque de l’être (lit. a) et que cette atteinte risque de lui causer un préjudice difficilement réparable (lit. b). Une allégation est rendue vraisemblable même lorsque le juge n’est pas totalement convaincu de sa véracité, mais la considère comme en bonne partie véridique ; certains doutes peuvent demeurer. Il suffit également à la partie adverse de rendre ses objections vraisemblables. Ceci vaut également pour l’objection de la nullité d’un droit de propriété intellectuelle. Si le défendeur rend une telle nullité vraisemblable, l’atteinte au droit du titulaire ne l’est pas. Enfin, un certain degré d’urgence doit également exister et la mesure à ordonner doit être proportionnée (c. 4.1.). L’objection de la nullité d’un brevet est vraisemblable du seul fait que ce dernier a été déclaré nul dans cinq pays européens (c. 4.2.). Les revendications ne s’adressent pas à des profanes, mais à des spécialistes, qui lisent les textes techniques dans leurs domaines de manière à leur donner un sens. Les revendications du brevet doivent ainsi être lues de manière à ce qu’en ressorte le sens habituel des termes utilisés dans un domaine particulier, à moins qu’un terme nécessite une définition particulière (c. 5.5). L’activité inventive s’évalue selon l’approche problème-solution, qui comporte trois étapes : (1) la détermination de l'état de la technique le plus proche; (2) l’établissement du problème technique objectif à résoudre, et (3) l’examen de la question de savoir si l'invention revendiquée, en partant de l'état de la technique le plus proche et du problème technique objectif, aurait été évidente pour l'homme du métier. En général, l’examen de ces questions auquel il a été procédé dans des procédures ordinaires d’autres juridictions européennes peut être pris en considération par le TFB. Dans le cas d’espèce, les procédures sommaires d’autres juridictions européennes relatives au brevet litigieux ne peuvent pas être prises en compte, car la validité du brevet n’y a fait l’objet d’aucun examen (c. 5.6 à 5.9). Le droit d’obtenir une décision motivée ne signifie pas que le tribunal doive se prononcer expressément sur chaque allégation de fait et chaque objection de droit. Il suffit – mais il est également nécessaire – que le tribunal se prononce sur les éléments qui lui paraissent déterminants (c. 7). [DK]

22 mai 2014

HG ZH, 22 mai 2014, HE 140063 (d) (mes. prov.)

Concurrence déloyale, droit d’auteur, mesures provisionnelles, programme d’ordinateur, compatibilité, Windows, contrat de vente, transfert de droits d’auteur, vraisemblance, dommage, expertise, exploitation d’une prestation d’autrui, indication publicitaire inexacte, dénigrement, courrier ; art. 16 al. 1 LDA, art. 17 LDA, art. 2 LCD, art. 3 al. 1 lit. a LCD, art. 3 al. 1 lit. b LCD, art. 3 al. 1 lit. d LCD, art. 5 lit. a LCD, art. 5 lit. c LCD.

La défenderesse a mis sur le marché « Princess », un logiciel concurrent du logiciel « Diamond » que diffuse la demanderesse. Dans des lettres adressées à des clients des deux parties, elle prétend que son logiciel constitue une amélioration de celui de la demanderesse, et soutient que ce dernier, jusqu’à sa version 4.9, ne fonctionne que de manière limitée avec Windows 7 et plus du tout avec les versions ultérieures du système d’exploitation. La conclusion par la demanderesse d’un contrat de vente avec une société anonyme rend à tout le moins vraisemblable que ses droits d’auteur ont été transférés à cette dernière. Elle n’expose pas, dans sa demande, sur quoi reposerait sa légitimation active, et sa demande de mesures provisionnelles doit être rejetée sur ce point (c. 7). Les captures d’écran qu’elle a fournies ne permettent pas au tribunal d’apprécier si le logiciel « Diamond » a été repris d’une manière qui pourrait constituer une violation du droit d’auteur ou l’exploitation d’une prestation d’autrui. Il s’agit d’une question technique qui doit, même dans le cadre d’une procédure de mesures provisionnelles, être soumise à un expert. Puisque la demanderesse n’a pas requis d’expertise, il faut considérer, indépendamment de la question de la titularité des droits, qu’une violation du droit d’auteur n’a pas été rendue vraisemblable (c. 8). L’affirmation de la défenderesse, dans le titre des courriers qu’elle a adressés, selon laquelle « Diamond » s’appelle dorénavant « Princess », suggère que « Princess » succède à « Diamond », ce qui est manifestement inexact. Il s’agit vraisemblablement d’un dénigrement au sens de l’art. 3 al. 1 lit. a LCD et d’une indication inexacte au sens de l’art. 3 al. 1 lit. b LCD. La simple indication d’une incompatibilité d’une ancienne version de « Diamond » avec Windows 7 et 8 est également trompeuse et dénigrante, car elle éveille l’impression fausse d’une incompatibilité générale, alors que la nouvelle version du programme est bel et bien compatible avec le système d’exploitation. Ces affirmations paraissent non seulement illicites, mais elles sont également susceptibles de causer des dommages matériels et immatériels à la demanderesse, et doivent donc être interdites à titre provisionnel (c. 8). [SR]

16 septembre 2014

HG ZH, 16 septembre 2014, HE140046 (d) (mes.prov.)

ZR 114/2015, p. 161-172 ; concurrence déloyale, droit des marques, importation parallèle, épuisement international, code Datamatrix, risque de confusion indirect, risque de confusion nié, mesures provisionnelles, produits cosmétiques ; art. 2 LCD, art. 3 al. 1 lit. a LCD, art. 3 al. 1 lit. b LCD, art. 3 al. 1 lit. d LCD.

La défenderesse, un grand magasin suisse, effectue des importations parallèles de produits de soins capillaires, achetés hors du système de distribution sélective de la demanderesse et revendus en Suisse. À cet effet, elle supprime leur code original Datamatrix pour le remplacer par un autre code (c. 2). Sous l’angle du droit des marques, selon le principe de l’épuisement international, la demanderesse ne peut interdire la revente des produits, ces derniers ayant été mis en circulation par elle ou avec son consentement. Il en va autrement lorsque des propriétés et caractéristiques spécifiques d’un produit ont été modifiées, au point que la marchandise modifiée apparaisse comme un nouveau produit. En principe, le fait de supprimer ou de rendre illisible des numéros de contrôle ou de fabrication ne constitue pas une violation du droit à la marque, car ces numéros ne constituent pas des propriétés importantes des produits sur lesquels ils figurent qui ne sont par conséquent que faiblement modifiés par leur suppression. Tel est le cas du code Datamatrix (c. 4.3). En l’absence de circonstances particulières de déloyauté, les importations parallèles ne constituent pas des actes de concurrence déloyale (c. 4.4.1). En raison de la licéité des importations parallèles, les acheteurs sont habitués à ce que des tiers concurrencent des systèmes de distribution sélective, et ne sont donc pas induits en erreur quant à l’existence de relations d’affaires avec les titulaires de marques. Les actes de la défenderesse n’entraînent pas une confusion qui pourrait tomber sous le coup de l’art. 3 al. 1 lit. b ou d LCD (c. 4.4.2). En elles-mêmes, les importations parallèles n’entraînent pas non plus une atteinte à la réputation de la marque. Il en va de même des remplacements de codes de la défenderesse, qui sont perçus par les consommateurs comme permettant l’importation parallèle du produit (c. 4.4.3). La suppression des codes n’est pas non plus déloyale (c. 4.4.4). Pour ces motifs, la demande de mesures provisionnelles doit être rejetée (c. 4.5). [SR]

25 avril 2016

TF, 25 avril 2016, 4A_1/2016 (d)

Droit d’auteur, photographie, transfert de droits d’auteur, fardeau de l’allégation, fardeau de la preuve, action en exécution, action en fourniture de renseignements, action en interdiction, maxime des débats ; art. 62 al. 1 lit. a LDA, art. 62 al. 1 lit. b LDA, art. 62 al. 1 lit. c LDA, art. 55 al. 1 CPC.

Dans les procédures soumises à la maxime des débats, les parties doivent alléguer les faits sur lesquels elles fondent leurs prétentions et produire les preuves s’y rapportant (art. 55 al. 1 CPC). Les parties supportent ainsi le fardeau de l’allégation. Elles doivent alléguer tous les éléments de l’état de faits qui fondent leurs prétentions du point de vue du droit matériel. Un renvoi global à des pièces déposées ne satisfait pas à l’obligation d’alléguer et de prouver les faits décisifs qui doivent, lorsqu’ils sont contestés, non plus être présentés de manière générale, mais analysés dans l’état de faits de façon si claire et si complète qu’une preuve ou une contre-preuve puisse être apportée à l’appui de chacun d’eux (c. 2.1). Il ressort de la lettre même de l’art. 62 LDA que le fait de subir ou de risquer de subir une violation du droit d’auteur ou des droits voisins constitue une condition d’application de cette disposition et des prétentions qui peuvent être déduites non seulement de ses lit. a et lit. b, mais aussi de sa lit. c. Celui qui souhaite obtenir les informations sur les objets confectionnés ou mis en circulation de manière illicite prévues par l’art. 62 al. 1 lit. c LDA ne doit ainsi pas seulement établir être titulaire des droits d’auteur sur les œuvres concernées, mais aussi qu’il subit ou risque de subir une violation de ses droits. Le droit à l’information ne permet pas d’obtenir des indications sur de supposées violations du droit d’auteur par les défenderesses. Une violation, ou au moins une mise en danger d’un droit d’auteur, doit en tant que condition décisive aux prétentions déduites de l’art. 62 al. 1 lit. a LDA, y compris de celles en fourniture d’informations selon l’art. 62 al. 1 lit. c LDA, être alléguée et prouvée en cas de contestation (c. 2.3). Une interprétation historique de l’introduction de l’art. 62 al. 1 lit. c LDA (le 23 novembre 2005 dans le cadre de la révision de la LBI) confirme que la vérification de l’existence d’un acte illicite est une condition de la prétention en fourniture de renseignements qui ne saurait avoir de portée allant au-delà de la lettre de cette disposition et s’appliquer également en cas de violation présumée, avec cette conséquence que les défenderesses auraient en quelque sorte une obligation générale de rendre compte de l’utilisation des photographies réalisées par la demanderesse (c. 2.4). La recourante (et demanderesse) ne prétend pas avoir établi une violation ou une mise en danger de ses droits d’auteur par les défenderesses, respectivement par l’une ou l’autre d’entre elles. La preuve que la demanderesse est titulaire de droits d’auteur sur les photographies qu’elle a réalisées ne suffit donc pas à fonder ses conclusions en interdiction, en cessation, en dommages et intérêts et en réparation du tort moral (c. 2.6). Le recours est rejeté. [NT]

11 juillet 2016

TF, 11 juillet 2016, 4A_406/2015 (d)

Droit des marques, action en interdiction, amende d’ordre, insoumission à une décision de l’autorité, recours en matière civile, usage à titre de marque, exécution de jugement, précision des conclusions, mesures provisionnelles, mesures superprovisionnelles ; art. 98 LTF, art. 13 al. 2 LPM, art. 13 al. 2 lit. c LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM, art. 261 al. 1 lit. a CPC, art. 265 al. 1 CPC, art. 267 CPC, art. 268 al. 1 CPC, art. 343 al. 1 lit. a CPC, art. 343 al. 1 lit. c CPC, art. 292 CP.

Un recours contre une amende d’ordre prononcée pour insoumission à une décision de l’autorité est un recours en matière civile (c. 1.2). À la différence de l’interdiction provisoire prononcée dans le cadre de mesures provisionnelles suivant des mesures superprovisionnelles, l’amende d’ordre qui l’accompagne n’est en elle-même pas ordonnée à titre provisoire et ne constitue ainsi pas une décision portant sur une mesure provisionnelle au sens de l’art. 98 LTF (c. 1.4). Concernant l’exécution des jugements, en matière de mesures provisionnelles, l’art. 267 CPC prévoit que le tribunal qui a ordonné ces mesures prend également les dispositions d’exécution qui s’imposent. C’est ce qu’a fait le jugement de mesures provisionnelles dans le point du dispositif contre lequel s’élève le recours qui condamne le recourant à une amende d’ordre de Fr. 48'000.- pour ne pas avoir respecté pendant 48 jours les mesures superprovisionnelles confirmées par le jugement, assorties d’une menace de la peine prévue à l’art. 292 CP et prévoyant une amende d’ordre de Fr. 1'000.- pour chaque jour d’inexécution (c. 3). L’amende d’ordre de l’art. 343 al. 1 lit. c CPC permet en particulier de garantir l’exécution d’une interdiction d’agir, notamment dans les cas où l’interdiction ordonnée a pour conséquence que la partie condamnée est tenue d’abandonner un comportement illicite durable. En lien avec des mesures provisionnelles, et en particulier avec une interdiction superprovisoire, il convient en outre de tenir compte du fait que celles-ci (jusqu’à leur modification ou leur suppression) doivent être respectées, même si elles devaient par la suite s’avérer injustifiées. Même après qu’un jugement au fond a tranché autrement, une amende d’ordre peut être ordonnée pour le comportement intervenu dans l’intervalle en violation du jugement provisoire levé par la suite (c. 5.2). Les actions en interdiction doivent viser un comportement décrit de manière précise. La partie obligée doit ainsi savoir ce qu’elle n’ose plus faire et les autorités pénales ou d’exécution doivent également savoir quels actes elles doivent empêcher ou auxquels elles doivent infliger une peine. Lorsqu’elles sont saisies, ces autorités doivent uniquement examiner si la condition de fait (du renouvellement d’un comportement interdit par le juge civil) est remplie. Elles n’ont par contre pas à qualifier juridiquement ce comportement. Cela est vrai aussi lorsque l’interdiction a été prononcée dans le cadre de mesures superprovisionnelles sans l’audition de la partie adverse selon l’art. 265 al. 1 CPC. Dans ce cas toutefois, le tribunal doit être particulièrement attentif à la formulation de l’interdiction du moment que la partie adverse est privée tant de la possibilité de s’exprimer préalablement que de voies de droit contre le jugement rendu. L’interdiction provisoire doit ainsi être formulée de manière à ce qu’aucune question de droit matériel n’ait à être tranchée dans le cadre de la procédure d’exécution. Le requérant des mesures superprovisionnelles doit donc décrire de manière très concrète le comportement qui le menace et dont il souhaite obtenir l’interdiction au sens de l’art. 261 al. 1 lit. a CPC. Si les circonstances changent et que la partie adverse modifie sa manière de porter atteinte aux droits du requérant, les mesures provisionnelles peuvent être modifiées selon l’art. 268 al. 1 CPC (c. 5.3). La question de savoir si la publication sur Facebook d’une seule photo illustrant entre autres un coureur automobile dont le maillot arbore le sigle dont l’utilisation a été interdite, constitue une utilisation illicite dans les affaires au sens de l’ordonnance de mesures provisionnelles et une violation du droit des marques et de la concurrence, aurait dû être tranchée dans le cadre de la procédure de jugement civile. La portée de l’ordonnance de mesures superprovisionnelles n’est ainsi pas limitée de façon suffisamment précise, la formulation de l’art. 13 al. 2 LPM ne permettant pas de déterminer quel comportement concret constituerait dans le cas particulier une violation du droit à la marque et quel autre pas, ainsi que le démontre l’énumération des lit. c et e par exemple. Il ne ressort pas de l’ordonnance de mesures superprovisionnelles que toute publication du logo sur le profil Facebook de la recourante devrait être interdite sans exception et indépendamment de son contexte (photo souvenir de la cérémonie de remise des honneurs d’une course automobile). L’ordonnance en question ne suffit donc pas à fonder l’amende d’ordre querellée (c. 5.4). L’utilisation du logo sur le compte Instagram de la recourante constitue, elle, une violation de l’interdiction prononcée dans le cadre de l’ordonnance de mesures superprovisionnelles. Bien que la modification de son compte Instagram pour en supprimer le logo aurait impliqué un comportement actif de la part de la recourante, l’obligation d’opter pour un tel comportement peut également découler d’une ordonnance d’interdiction dans la mesure où, comme en l’espèce, elle résulte clairement des circonstances (c. 5.5). Lorsque l’ordonnance d’interdiction a été partiellement respectée et que le comportement incriminé ne s’est poursuivi que « de manière mineure » et par négligence, le montant de l’amende ne saurait être maximal et atteindre les Fr. 1'000.- par jour prévus par l’art. 343 al. 1 lit. c CPC (c. 6). Le recours est partiellement admis. [NT]

12 juillet 2017

TF, 12 juillet 2017, 4A_115/2017 (d)

Meuble, Max Bill, droit d’auteur, design, concurrence déloyale, contrat de licence, œuvre des arts appliqués, individualité de l’œuvre, originalité des designs, tabouret de bar ; art. 2 al. 1 LDA, art. 2 al. 2 lit. f LDA, art. 2 al. 1 LDes.

Les œuvres des arts appliqués bénéficient de la protection du droit d’auteur lorsqu’elles constituent des créations intellectuelles présentant un caractère individuel. La loi révisée n’exige plus, pour qu’une création puisse être protégée, qu’elle soit originale, en ce sens qu’elle reflète la personnalité de son auteur(e). Il est nécessaire que le caractère individuel s’exprime dans l’œuvre elle-même et ce qui est déterminant est l’individualité de l’œuvre, pas celle de son auteur. Le degré d’individualité requis dépend de la marge de manœuvre à disposition de l’auteur pour réaliser une configuration (« Gestaltung ») individuelle. Plus cette marge de manœuvre est faible, plus facilement l’individualité doit être admise. Est ainsi protégé ce qui, en tant que création individuelle ou originale, se distingue des prérequis matériels ou naturels imposés par la finalité de l’œuvre. Lorsque son but utilitaire dicte la configuration d’une création donnée en la ramenant à des formes connues préexistantes de telle manière qu’il ne demeure pratiquement plus de place pour des caractéristiques individuelles ou originales, on se trouve en présence d’une création purement artisanale qui n’est pas éligible à la protection du droit d’auteur. La jurisprudence pose en plus de relativement hautes exigences concernant l’individualité des œuvres des arts appliqués ; dans le doute, il s’agit ainsi de considérer être en présence d’une prestation purement artisanale (c. 2.1). Il existe suffisamment de formes de chaise différentes pour qu’il ne puisse pas être considéré que leur configuration serait essentiellement ou exclusivement dictée par leur finalité. La jurisprudence admet d’ailleurs de manière constante qu’elles peuvent bénéficier de la protection du droit d’auteur. Ceci pour autant qu’une forme individuelle et artistique leur soit donnée qui aille au-delà d’un travail purement artisanal ou industriel et qui se distingue clairement des formes préexistantes. Tel est le cas lorsqu’un meuble se différencie nettement des courants stylistiques observables jusque-là et leur insuffle une nouvelle orientation ou y contribue de manière essentielle (c. 2.2). Pour déterminer si une création est éligible à la protection du droit d’auteur, il ne convient pas d’analyser les réalisations antérieures examinables pour en individualiser les différents éléments constitutifs et les comparer en mosaïque à ceux de la création considérée. Ce qui est déterminant du point de vue de la protection du droit d’auteur est l’impression artistique que dégage une réalisation donnée et qui n’est pas la conséquence nécessaire ou même exclusive d’un seul élément de la construction, mais est déterminée par la configuration, le tracé et le concours de tous ces éléments. Il est possible que la configuration d’un élément domine et soit saillante au point de le rendre frappant. Mais la comparaison des éléments isolés n’est pas déterminante, comme ne l’est pas non plus le fait que certains soient préexistants ou déjà connus (c. 2.4). Dans son ATF 113 II 190, le TF a indiqué que l’individualité est donnée lorsqu’un meuble se distingue clairement des courants stylistiques présents jusque-là et leur insuffle une nouvelle orientation ou y contribue de manière essentielle. Cet arrêt souligne également comme étant déterminant pour l’individualité de l’œuvre qu’il puisse y être décelé une configuration artistique individuelle allant au-delà d’un simple travail artisanal ou industriel et se distinguant clairement des formes préexistantes. Cela peut aussi être le cas lorsque cette création n’est pas à l’origine d’un nouveau courant stylistique, ni n’y contribue de manière essentielle (c. 2.5). Dans son arrêt non publié 4A_78/2011 du 2 mai 2011, le TF a confirmé la pratique voulant qu’en cas de doute en matière d’œuvre des arts appliqués il faille considérer être en présence d’une prestation purement artisanale (c. 2.6.1). Les domaines d’application de la LDA d’une part, et de la LDes, d’autre part, se distinguent par le fait que le droit d’auteur protège les créations individuelles et la LDes celles qui sont originales (« eigenartig »). La protection de ces deux lois porte sur des arrangements de forme créatifs. Du moment que le but de la protection de ces deux lois est fondamentalement semblable, il en résulte du point de vue de la portée différente de la protection, que les exigences relatives à l’individualité du droit d’auteur doivent être plus élevées que celles de l’originalité du droit du design. On ne peut ainsi considérer être en présence d’une œuvre des arts appliqués protégée par le droit d’auteur que si la configuration artistique d’un objet artisanal présente au moins de manière claire et incontestable l’originalité exigée en droit du design au sens de l’art. 2 al. 1 LDes. Celle-ci est donnée lorsque l’impression générale qui se dégage de la forme du produit considéré se différencie de manière déterminante de ce qui était déjà connu d’après la perception qu’en ont les personnes directement intéressées à acheter le produit. Comme les œuvres des arts appliqués sont conditionnées par leur but utilitaire, il est déterminant de vérifier si leur configuration artistique telle qu’elle peut être déployée dans ce cadre utilitaire se distingue si clairement des formes préexistantes qu’elle paraît exceptionnelle (c. 2.6.2). Dans le cas particulier, le tabouret de bar dessiné par Max Bill constitue une œuvre protégée par le droit d’auteur si en tant que création individuelle ou originale il se distingue clairement des conditions matérielles ou naturelles imposées par sa finalité pratique (c. 2.8). Les éléments qui caractérisent un tabouret de bar de par sa fonction consistent en des montants qui supportent un élément permettant de s’assoir à une hauteur de 60 à 80 cm et sont reliés entre eux par une bande horizontale qui les enserre à environ 20 cm du sol. La liberté de manœuvre concernant la configuration de tabourets présentant ces différents éléments n’est pas très limitée. Les montants ne doivent pas nécessairement être obliques mais peuvent également être verticaux (auquel cas, pour des raisons de stabilité, ils doivent plutôt être disposés sur les bords extérieurs du placet). Le placet lui-même peut prendre des formes différentes (carré, rond ou ovale, avec ou sans dossier). Les bandes de liaison entre les montants peuvent être de section carrée ou ronde et installées à l’extérieur ou à l’intérieur des montants. En plus, le choix des matériaux ou les couleurs utilisées peuvent changer fondamentalement l’impression d’ensemble que dégage la configuration d’un tabouret de bar (c. 2.8.2). Celui dont il est question se caractérise par le minimalisme de ses formes, ce qui ne doit pas conduire à en nier l’individualité au motif qu’un plus ample dépouillement ne serait pas pensable. Les formes classiques se distinguent justement entre elles par le fait que l’élégance de leur composition est fonction d’éléments minimaux. Les éléments fonctionnellement nécessaires d’un tabouret de bar (montants, placet et barre de stabilisation) sont organisés de manière minimaliste dans le tabouret de bar concerné, de façon à ce que les trois montants, reliés entre eux par une barre de section ronde, soient inclinés de manière oblique pour se rattacher de façon optimale à un placet rond aux proportions correspondantes. Il ne saurait en être déduit qu’il s’agirait aussi de la forme technico-fonctionnelle la plus stable et qu’elle ne devrait par conséquent pas être monopolisée. L’impression artistique que cette configuration minimaliste permet d’atteindre n’est pas conditionnée par la fonction du tabouret de bar considéré (c. 2.8.3). L’autorité inférieure a pris en compte 4 modèles comme formes de tabouret de bar préexistantes. L’impression générale dégagée par le tabouret de bar litigieux se distingue si artistiquement des formes préexistantes retenues dans le jugement attaqué que son individualité est indéniable. C’est en particulier le rapport entre les montants qui sont inclinés de manière organisationnellement optimale et le placet rond de relativement petite taille qui marque l’impression d’ensemble dégagée par ce tabouret d’une façon qu’aucun des modèles préexistants ne suggérait, même de manière seulement approchante (c. 2.8.4). De par son organisation minimaliste des éléments nécessaires pour un tabouret de bar et la manière dont ils sont proportionnés les uns par rapport aux autres, le tabouret de bar dessiné par Max Bill suscite une impression d’ensemble qui l’individualise comme tel et le distingue clairement des modèles préexistants. La protection du droit d’auteur ne peut pas être refusée à cette œuvre des arts appliqués. Le recours est admis et les conclusions de la demande allouées également en ce qui concerne ce tabouret de bar (c. 2.8.5). [NT]

02 novembre 2017

TF, 2 novembre 2017, 2C_261/2017 (f)

« Genève Région – Terre Avenir », marque de garantie, règlement de la marque de garantie, farine, préparation de céréales, pain, pâtisserie, confiserie, périmètre géographique de la marque, refus de dérogation, droit civil, droit privé ; art. 122 Cst., art. 21 al. 1 LPM, art. 21 al. 2 LPM, art. 21 al. 3 LPM, art. 23 al. 1 LPM, art. 23 al. 2 LPM, art. 23 al. 4 LPM, art. 55 LPM.

Les marques de garantie sont régies par la loi fédérale du 28 août 1992 sur la protection des marques et des indications de provenance qui se fonde sur l’art. 122 Cst. (c. 3.1). Aux termes de l’art. 21 al. 1 LPM, la marque de garantie est un signe utilisé par plusieurs entreprises sous le contrôle de son titulaire, dans le but de garantir la qualité, la provenance géographique, le mode de fabrication ou d’autres caractéristiques communes de produits ou de services de ces entreprises (al. 1). L’usage de la marque de garantie est interdit pour les produits ou les services du titulaire de la marque ou d’une entreprise qui est étroitement liée à celui-ci sur le plan économique (al. 2). Moyennant une rémunération adéquate, le titulaire doit autoriser l’usage de la marque de garantie pour les produits ou les services qui présentent les caractéristiques communes garanties par le règlement de la marque (al. 3) qui ne doit pas contrevenir à l’ordre public, aux bonnes mœurs ou au droit en vigueur (art. 23 al. 4 LPM). Le déposant d’une marque de garantie doit remettre à l’IPI le règlement concernant l’usage de la marque, qui fixe les caractéristiques communes des produits ou des services que celle-ci doit garantir ; le règlement de la marque prévoit également un contrôle efficace de l’usage de la marque et des sanctions adéquates (art. 23 al. 1 et 2 LPM). En effet, le titulaire de la marque de garantie doit exercer le contrôle prévu par la loi (art. 21 al. 1 LPM). Il n’est cependant pas tenu de l’exercer lui-même : il peut déléguer cette tâche à un tiers pour autant que cela soit prévu dans le règlement de la marque. Bien qu’en principe quiconque puisse demander l’enregistrement d’une marque de garantie, les titulaires sont en règle générale des associations économiques, des organisations agricoles, voire des services de la Confédération ou des cantons ou encore des autorités étrangères (c. 3.2). En vertu de l’art. 52 LPM, a qualité pour intenter une action en constatation d’un droit ou d’un rapport juridique prévu par la loi, toute personne qui établit qu’elle a un intérêt juridique à une telle constatation. Enfin, l’art. 55 LPM accorde une action en exécution d’une prestation à la personne qui subit ou risque de subir une violation de son droit à la marque (c. 3.3). La délimitation entre droit privé et droit public telle qu’elle résulte des critères développés par la jurisprudence et la doctrine – théories des intérêts, fonctionnelle, de la subordination et modale – ne trouve pas d’application lorsqu’elle résulte directement du droit positif, dès lors que, sur le terrain du droit civil, le législateur fédéral est compétent pour fixer souverainement l’étendue du droit privé. La compétence des cantons pour déterminer le champ d’application de leur droit public n’existe que sous réserve de la faculté appartenant à la Confédération (c. 5.1). Du moment que le législateur fédéral a décidé souverainement que la marque de garantie et les règles qui la régissent constituent une matière de droit civil (art. 122 Cst.), le refus par le tiers auquel le contrôle de la marque a été délégué par son titulaire d’accorder une dérogation permettant d’utiliser la marque de garantie constitue une matière de droit civil (c. 5.2). Le canton de Genève en tant que collectivité publique agit dans ce contexte en sa qualité de titulaire de la marque comme un sujet privé, qui doit en contrôler de manière efficace l’usage et prendre des sanctions adéquates (art. 23 al. 1 et 2 LPM). Dans ce cadre, il peut déléguer cette tâche à un tiers pour autant que cela soit prévu dans le règlement de la marque. Il s’agit là d’une délégation de droit privé. Cette qualification est confirmée par le fait que des autorités étrangères peuvent aussi être titulaires de marques de garantie et que, ce faisant, elles n’exercent en aucune manière des prérogatives de puissance publique sur le territoire suisse. En refusant d’octroyer l’usage de la marque de garantie aux recourantes, la commission délégataire du contrôle de la marque a agi, non pas sur délégation du canton en tant que détenteur de la puissance publique, mais bien sur mandat du canton de Genève en tant que détenteur de la marque de garantie au sens de l’art. 21 al. 1 LPM, au même titre que d’autres personnes physiques ou morales de droit privé demandant l’enregistrement d’une marque de garantie auprès de l’IPI (c. 6.1). Il est vrai également que l’instrument de droit privé prévu par l’art. 23 al. 1 LPM que constitue le règlement concernant l’usage de la marque peut, dans les limites de l’ordre public, des bonnes mœurs et du droit en vigueur (art. 23 al. 3 LPM), poursuivre des buts d’intérêt public et fixer, à cette fin, les caractéristiques communes des produits ou des services que la marque entend garantir (art. 23 al. 2 LPM). Il n’en demeure pas moins que la marque de garantie et son règlement, même utilisés pour promouvoir une tâche de droit public et des intérêts publics, relèvent toujours du droit privé et en gardent les caractéristiques. Ainsi, c’est bien le droit privé qui régit non seulement les litiges relatifs à l’octroi ou au refus d’autoriser l’usage de la marque de garantie, mais également les sanctions en cas de violation des obligations qui en résultent (c. 6.2). [NT]

09 mai 2017

TAF, 9 mai 2017, B-1481/2015 (f)

sic! 9/2017, p. 473 (rés.), « Ice Watch (fig.) / Nice Watch (fig.) » ; motifs relatifs d’exclusion, cercle des destinataires pertinent, grand public, spécialiste de la bijouterie, spécialiste de la joaillerie, spécialiste des métaux précieux et leurs alliages, degré d’attention moyen, degré d’attention accru, identité des produits ou services, similarité des signes sur le plan sonore, similarité des signes sur le plan sémantique, similarité des signes sur le plan visuel, similarité des signes, vocabulaire anglais de base, ice, nice, watch, force distinctive normale, risque de confusion admis, joaillerie, bijouterie, horlogerie, instrument chronométrique, métaux précieux et leurs alliages, recours admis ; art. 3 al. 1 lit. c LPM.

Marque(s) attaqué(s)
Marque(s) opposante(s)
NICE watch (fig.).png
ice watch (fig.).png

Classe 14 : Métaux précieux et leurs alliages et produits en ces matières ou en plaqué compris dans cette classe ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques.

Classe 14 : Métaux précieux et leurs alliages et produits en ces matières ou en plaqué non compris dans d’autres classes ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses : horlogerie et instruments chronométriques.

Contenu de la décision

Produits faisant l’objet de l’opposition

Classe 14 : Métaux précieux et leurs alliages et produits en ces matières ou en plaqué compris dans cette classe ; joaillerie, bijouterie, pierres précieuses ; horlogerie et instruments chronométriques.

Cercle des destinataires pertinent et degré d’attention des consommateurs

Le grand public, faisant preuve d’un degré d’attention moyen et le spécialiste de la branche, dont le degré d’attention est accru (c. 4.3)

Identité/similarité des produits et services

Les produits revendiqués sont identiques (c. 5).

Similarité des signes

Les éléments principaux « ICE » et « NICE » des signes en causes sont similaires (c. 9.2.1.4). Sur le plan visuel, les deux signes présentent, dans l’ensemble, la même structure, qui se reflète sur les plans sémantique et sonore (c. 9.2.2). L’élément secondaire « WATCH », présent dans les deux signes opposés, contribue à leur similarité sur les plans visuel, sonore et sémantique (c. 9.2.2.1). Le traitement graphique du point de la lettre « i » contribue également à renforcer la similarité entre les signes en cause (c. 9.2.2.2).Le fait que l’élément « ® » ne figure que dans l’un des deux signes n’enlève rien à la similarité entre eux (c. 9.2.2.3). En conclusion, en lien avec les produits revendiqués, les signes en cause doivent être considérés comme particulièrement similaires (c. 9.2.3).

Force distinctive des signes opposés

Force distinctive de la marque attaquée


L’élément « NICE » est avant tout perçu comme un mot anglais qui signifie notamment « beau », « joli » ou « agréable » en français. Possédant en soi un caractère publicitaire évident, il n’est doté que d’une force distinctive faible (c. 8.2.1), tout comme l’élément « WATCH », avant tout perçu comme une référence à une montre (c. 8.2.2), et l’élément « ® », banal dans une marque (c. 8.2.3).

L’élément « ☮ » jouit d’une force distinctive normale (c. 8.2.4).


Force distinctive de la marque opposante et champ de protection


L’élément « ICE », avant tout perçu comme un mot anglais qui signifie « glace » en français, dispose d’une force distinctive moyenne (c. 8.1.1), tout comme l’élément graphique sur la lettre « i » (c. 8.1.3).

L’élément « WATCH », avant tout perçu comme une référence à une montre, dispose d’une force distinctive faible (c. 8.1.2.1), sauf pour les produits « métaux précieux et leurs alliages » et « pierres précieuses », pour lesquels il dispose d’une force distinctive normale (c. 8.1.2.2). Une force distinctive normale doit être reconnue à la marque opposante "ice watch (fig.)" dans son ensemble (c. 10.3.1.1).

Risques de confusion admis ou rejetés / motifs

Les produits en cause sont identiques (c. 5), les signes en cause sont particulièrement similaires (c. 9.2.3) et la marque opposante jouit d’une force distinctive normale (c. 10.3.1.1). Le risque de confusion est admis (c.11.3.2.2).

Divers

Les termes anglais « ice », « watch » et « nice » appartiennent au vocabulaire anglais de base (c. 7.2.1.1, 7.2.1.2 et 7.2.2.1).

Conclusion : le signe attaqué est enregistré / refusé

L’opposition formée à l’encontre de la marque attaquée "NICE watch (fig.)" est totalement admise. Le recours est admis (c. 13.1).

[AC]

« Tarif commun 12 » ; tarifs des sociétés de gestion, procédure tarifaire en cours, mesures provisionnelles, vide tarifaire, droit à rémunération; art. 56 PA, art. 40 al. 2 LDA, art. 74 al. 2 LDA.

Voir CAF, 11 juillet 2016 « tarif commun 3a ». Le tarif commun 12 vise des droits à rémunération, dont l’exercice est soumis à la surveillance de la Confédération. Sans tarif approuvé, les utilisations litigieuses pourraient certes être entreprises, mais les redevances ne pourraient pas être perçues. Il y a donc une urgence qui justifie des mesures provisionnelles (c. 5). De plus, une situation de vide tarifaire conduirait à une insécurité juridique aussi pour les utilisateurs, qui pourraient être confrontés à des prétentions après coup. Il y a ainsi un intérêt à ce que le fonctionnement de la gestion collective soit assuré durant la procédure par des mesures provisionnelles (c. 6). [VS]

05 septembre 2016

TF, 5 septembre 2016, 2C_685/2016 (d)

« Tarif commun 3a complémentaire » ; tarifs des sociétés de gestion, effet suspensif ; art. 32 al. 1 LTF, art. 103 LTF.

Selon l’art. 103 al. 1 LTF le recours, en règle générale, n’a pas d’effet suspensif. Mais le juge instructeur ou le président de la cour peut en décider autrement, d’office ou sur une requête d’une partie. L’effet suspensif sera ordonné si l’intérêt prépondérant d’une partie, de la collectivité ou d’un tiers le nécessite. Tel sera le cas si la décision attaquée risque de causer un dommage qui ne pourrait pas être réparé par l’admission ultérieure du recours, et que ce risque ne paraît pas supportable pour l’intéressé d’après les circonstances concrètes. Dans la pesée des intérêts, les pronostics sur l’issue de la procédure ne peuvent être pris en compte que s’ils sont clairs. De plus, il faut respecter une certaine continuité dans la procédure (c. 2.1). En l’espèce, on ne peut pas faire un pronostic clair sur l’issue de la procédure et la requête d’effet suspensif garantit que le régime qui valait déjà devant le TAF sera continué. En outre, son rejet occasionnerait des frais aussi pour les intimées au recours. La requête doit donc être admise (c. 2.2). [VS]

16 novembre 2016

TF, 16 novembre 2016, 4B_142/2016 (f)

« Google » ; décision incidente, préjudice irréparable, droit d’être entendu, déni de justice, surveillance de la correspondance, fournisseur d’accès, droit d’auteur, obligation  de dépôt, cybercriminalité, territorialité, entraide internationale, protection des données ; art. 18 CCC, art. 292 CP, art. 265 CPP, art. 269 CPP, art. 1 LSCPT.

Une décision par laquelle l’autorité d’instruction ordonne de produire des pièces est une décision incidente, qui ne peut faire l’objet d’un recours au TF que si elle peut causer un préjudice irréparable. Tel est le cas lorsque l’ordre de production est assorti de la menace des peines prévues à l’art. 292 CP (c. 1.1). Le droit d’être entendu implique notamment l’obligation pour l’autorité de motiver sa décision. Il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, ses motifs. Il peut se limiter à l’examen des questions décisives pour l’issue du litige. En l’espèce, l’autorité n’a pas commis de déni de justice formel (c. 2.1 et 2.2). Le champ d’application de l’art. 269 CPP (surveillance de la correspondance par poste et télécommunication) est défini à l’art. 1 de la loi fédérale sur la surveillance de la correspondance par poste et télécommunication (LSCPT, RS 780.1). Un simple fournisseur de messagerie électronique n’est pas un fournisseur d’accès à internet au sens de cette disposition. Dans leur teneur actuelle, les art. 269 ss CPP ne s’appliquent donc pas à ce genre de services. En revanche, en cas d’infractions au droit d’auteur commises au moyen d’un compte de messagerie électronique Gmail, les autorités de poursuite pénale peuvent se fonder sur l’art. 265 CPP (obligation de dépôt) pour ordonner la production de l’identité du détenteur du compte, les adresses IP utilisées pour créer ce compte, les logs de connexions et les adresses IP en relation avec ces logs (c. 3.1). La Convention de Budapest sur la cybercriminalité (CCC, RS 0.311.43) repose sur le principe de la territorialité : un Etat n’est pas habilité à prendre des mesures d’instruction et de poursuite pénale sur le territoire d’un autre Etat. Pour ce faire, l’Etat demandeur doit agir par le biais de l’entraide internationale (c. 3.2). Selon l’art. 18 CCC, chaque Etat partie doit habiliter ses autorités à ordonner à une personne présente sur son territoire de communiquer les données informatiques en sa possession ou sous son contrôle. Le lieu de stockage de ces données n’est à lui seul pas déterminant (c. 3.3). En l’espèce, la filiale suisse de Google conteste intervenir, à un titre ou à un autre, lors de l’ouverture ou de l’exploitation d’un compte Gmail, le système de messagerie étant du seul ressort de la société américaine. De plus, le pouvoir de représentation de cette dernière par la société suisse peut être reconnu dans d’autres matières du droit comme la protection des données (cf. ATF 138 II 346), mais non dans le cadre d’une procédure pénale nécessitant l’accès aux données de la messagerie (c. 3.5). Il n’est donc pas démontré que la société suisse ait un accès aux données litigieuses ou une maîtrise sur celle-ci. Or il découle tant de l’art. 18 CCC que de l’art. 265 CPP que la personne visée par l’injonction doit être le possesseur ou le détenteur des données visées, ou tout au moins en avoir le contrôle. La cause doit donc être renvoyée à la cour cantonale pour complément d’instruction sur ce point. S’il devait s’avérer que la société suisse ne peut effectivement pas, en fait et en droit, disposer des données litigieuses, l’autorité n’aurait pas d’autre choix que de recourir à l’entraide judiciaire internationale (c. 3.6). [VS]

02 mai 2017

TF, 2 mai 2017, 4A_565/2016 (f)  

Design, montres, cadran, décision finale, jugement partiel, impression générale, élément caractéristique essentiel, caractère techniquement nécessaire, imitation, similarité des designs, souvenir à court terme, liberté de création, couleurs, expertise privée, étendue de la protection ; art. 90 LTF, art. 2 al. 2 LDes, art. 2 al. 3 LDes, art. 4 lit. c LDes, art. 8 LDes, art. 9 lit. e ODes, art. 3 al. 1 lit. d LCD.  

Une décision intitulée « jugement séparé » constitue une décision finale au sens de l’art. 90 LTF lorsqu’elle met un terme à l’ensemble de la procédure (in casu : rejet intégral tant de la demande que de la demande reconventionnelle) (c. 1.2). L’art. 8 LDes prévoit que la protection d’un design enregistré s’étend aux designs qui présentent les mêmes caractéristiques essentielles et qui, de ce fait, produisent la même impression générale. Les critères de cette disposition peuvent être comparés à ceux utilisés pour établir le caractère d’originalité exigé par l’art. 2 al. 3 LDes (c. 3). Concrètement, le juge doit comparer le design enregistré par le demandeur au design suspecté d’être une imitation tel qu’il est utilisé dans le commerce par le défendeur. Dans un premier temps, le juge doit déterminer les caractéristiques essentielles de chacun de ces designs. Dans un deuxième temps, il lui incombe d’effectuer la comparaison à proprement parler, soit d’examiner si la prétendue imitation présente ou non les mêmes caractéristiques essentielles que le design enregistré et si elle produit, de ce fait, la même impression générale (c. 3.1). Le design est la forme du produit (dans le sens où elle révèle l’apparence de celui-ci) et non pas le produit lui-même. Il s’agit donc de comparer la prétendue imitation avec le design qui fait l’objet de l’enregistrement, c’est-à-dire exclusivement sur la base des représentations ou illustrations figurant au registre (cf. art. 9 lit. e ODes) et non sur la base des modèles effectivement commercialisés par le titulaire de l’enregistrement (c. 3.2). Un design susceptible de revêtir différentes positions doit être déposé puis enregistré dans une position déterminée. Comme il s’agit de se fonder sur ce qui est visible, il est exclu de tenir compte des concepts sous-tendant le design. De même, l’activité créatrice à l’origine du design, le style sous-jacent, le processus de fabrication ou les principes techniques ne peuvent être pris en considération. La valeur du produit n’étant pas un élément du design, la gamme de prix dans laquelle s’insère le produit ne joue aucun rôle au moment de déterminer l’impression générale (c. 3.2). L’impression générale qui se dégage d’un design doit être déterminée en fonction des caractéristiques essentielles du design (soit les éléments qui lui confèrent son empreinte caractéristique), et non sur la base de points de détail. Font partie de ces caractéristiques essentielles principalement les proportions, la disposition des divers éléments composant le design et, dans une certaine mesure, l’originalité des symboles graphiques. Cette énumération n’est pas exhaustive. Une caractéristique ne peut toutefois être qualifiée d’essentielle de manière abstraite, mais seulement en rapport avec le design concret objet de l’examen. Le critère déterminant est l’impression qui subsiste à court terme dans la mémoire d’un acheteur intéressé qui aurait été en mesure de comparer les designs litigieux dans un laps de temps relativement bref, sans toutefois les mettre côte à côte. Les caractéristiques essentielles doivent respecter les exigences du droit au design en ce qu’elles doivent contribuer à la nouveauté du design enregistré (art. 2 al. 2 LDes) et à ce que celui-ci se distingue de manière essentielle des designs existant à la date du dépôt ou de priorité (art. 2 al. 3 LDes). Les caractéristiques qui sont techniquement nécessaires ne sont pas essentielles (cf. art. 4 lit. c LDes). Des éléments à la fois fonctionnels et esthétiques ne sont par contre pas exclus de la protection (c. 3.3). Si les caractéristiques essentielles des designs objets de la comparaison concordent et qu’il en résulte une même impression générale, on est en présence d’une imitation (art. 8 LDes). Pour qu’il y ait imitation, il n’est toutefois pas nécessaire que toutes les caractéristiques essentielles soient reprises. Il suffit que les caractéristiques essentielles imitées ou légèrement modifiées, le cas échéant en combinaison avec d’autres éléments, produisent la même impression générale. Un design particulièrement original bénéficiera d’une sphère de protection plus large qu’un design faiblement original, dont la sphère de protection à l’encontre de formes semblables sera relativement réduite (c. 3.4.1). Si l’impression générale de similitude est retenue, peu importe qu’un nombre significatif de détails diffère par rapport à un design antérieur. Les détails peuvent toutefois jouer un rôle plus important dans les secteurs où la possibilité de création est restreinte. Dans ces domaines, il faut tenir compte du fait que les destinataires du produit consacrent plus d’attention au détail et que la perception des acheteurs est influencée par cette circonstance. Les différences de couleurs ne sont pas déterminantes, à tout le moins lorsque le design est déposé en noir et blanc. L’adjonction d’une marque ne modifie en principe pas l’impression générale, pas plus que l’utilisation d’un autre matériau, à moins que ces apports ne contribuent à donner une impression différente à l’aspect extérieur du produit (c. 3.4.2). Pour décider si un design se distingue suffisamment d’un autre design, ce qui est une question de droit, il n’y a pas lieu de se fonder sur l’opinion de spécialistes. S’agissant des déclarations contenues dans une expertise privée ou faites en audience par l’expert-témoin, celles-ci sont considérées comme de simples allégations d’une partie (c. 3.4.3). Dans le domaine de l’horlogerie, l’emploi d’une lunette de forme circulaire est parfaitement banal et les modèles floraux sont très répandus. Ces éléments ne confèrent donc pas leur empreinte caractéristique aux designs considérés dans le cas particulier, et la perception par l’acheteur potentiel d’une ressemblance s’agissant de ces éléments est sans incidence sur l’impression générale déterminante qui n’est pas la même du moment que les caractéristiques essentielles des designs comparés ne concordent pas (c. 4.2). In casu, l’acheteur potentiel sera d’autant plus attentif aux différences marquées entre les caractéristiques essentielles des deux designs qu’il est en présence de produits fabriqués par un secteur de l’industrie dans lequel une multitude de nouveaux objets sont développés et produits chaque année. Force est ainsi de constater que les caractéristiques essentielles des designs comparés ne concordent pas et que l’impression générale qui se dégage de chacun d’eux n’est pas la même, de sorte que le design du modèle comportant une marguerite sur son cadran ne saurait être qualifié d’imitation du design du modèle de la demanderesse dont le motif principal consiste en un soleil qui s’étend sur la quasi-totalité du cadran (c. 4.2). Une comparaison portant sur le concept à l’origine des produits (indication des heures par le biais d’un papillon placé sur une des pétales en mouvement de la fleur ornant le cadran pour le défendeur, indication de l’heure au moyen de pétales (ou de rayons du soleil) qui s’illuminent progressivement sur le cadran pour le demandeur) n’a pas lieu d’être, l’examen devant se limiter à une comparaison optique des deux designs (c. 4.4). Le fait que deux designs produisent une impression générale différente est insuffisant à écarter automatiquement tout risque de confusion au sens de l’art. 3 al. 1 lit. d LCD. Un risque de confusion indirect peut en effet subsister si l’auteur a fait naître l’idée que deux produits, en soit distincts, proviennent de la même entreprise (c. 5.1). Le fait que chacune des parties ait apposé sa marque sur ses produits tend à exclure le risque de confusion (c. 5.2). Le recours est rejeté. [NT]

Fig. 1074a
Fig. 1074a
Fig. 1074b
Fig. 1074b
Fig. 1074c
Fig. 1074c
Fig. 1074d
Fig. 1074d

16 août 2017

HG BE, 16 août 2017, HG 15 100 (d)

« Blocage de sites internet illicites » ; action en cessation, blocage de sites internet, fournisseur d’accès, intérêt digne de protection, novae, droit d’auteur, précision des conclusions, qualité pour agir, qualité pour défendre, usage privé, piraterie ; art. 28 CC, art. 50 CO, art. 19 al. 1 lit. a LDA, art. 62 al. 1 LDA, art. 62 al. 3 LDA, art. 59 al. 2 lit. a CPC, art. 229 CPC.

La demanderesse conclut à ce qu’il soit ordonné à la défenderesse, un fournisseur d’accès à Internet, de prendre  des mesures techniques appropriées empêchant ses clients d’accéder à divers sites, lesquels fournissent des liens vers d’autres sites qui mettent à disposition des films de manière illicite (c. 1 à 13). Elle a un intérêt digne de protection à la demande, au sens de l’art. 59 al. 2 lit. a CPC, même si les mesures de blocage pourraient être contournées et même si les films litigieux resteraient disponibles sur d’autres sites (c. 17.3). Il est douteux que les conclusions soient suffisamment précises, car la demanderesse mentionne trois mesures de blocage sans expliquer laquelle lui donnerait satisfaction. De plus, si les conclusions étaient reprises telles quelles dans le dispositif, la défenderesse ne saurait pas comment s’exécuter (c. 18.5). Des novas – aussi bien proprement dits qu’improprement dits – ne sont plus admissibles après la clôture des débats principaux, lorsque le jugement est en délibération (c. 22.3.4). Le droit suisse est applicable en l’espèce, puisque la demanderesse et la défenderesse ont leurs sièges et leurs activités en Suisse, cela même si les sites internet litigieux sont étrangers (c. 23). La demanderesse dispose de la légitimation active, car il y a suffisamment d’éléments pour admettre qu’elle est licenciée exclusive au sens de l’art 62 al. 3 LDA (c. 25.7.7). Lorsque l’auteur principal d’une violation du droit d’auteur agit grâce aux services d’un tiers, il se pose la question de la participation de ce dernier à l’acte illicite et de sa légitimation passive (c. 26.2). Cette question se résout d’après l’art. 50 al. 1 CO, et non d’après l’art. 28 CC. En effet, les droits d’utilisation selon la LDA ont essentiellement une nature patrimoniale, tandis que le droit de la personnalité a une signification psychologique et spirituelle. Les deux domaines ne sont donc pas comparables. De surcroît, une application de l’art. 50 al. 1 CO n’empêche pas une approche unitaire de la légitimation passive dans tous les domaines de la propriété intellectuelle (c. 26.3.4). Pour qu’il y ait une participation au sens de l’art. 50 al. 1 CO, il doit y avoir une violation du droit d’auteur par un tiers et une contribution juridiquement pertinente de la part du participant. De plus, la doctrine exige parfois la réalisation de certains éléments subjectifs concernant la conscience de participer à un acte illicite avec un tiers (c. 28). D’après le Conseil fédéral, les « déclarations communes » concernant le WCT excluent seulement que la fourniture d'installations techniques constitue un acte principal de communication au public au sens de l’art. 8 WCT ; elles n’empêchent pas la responsabilité en tant que participant secondaire (c. 29.1 et c. 29.2). Les conclusions de la demanderesse sont orientées vers le comportement des clients de la défenderesse, à savoir des internautes. Elles ne visent pas directement les personnes qui mettent les films à disposition sur Internet (c. 32.1.1). Or, les actes des internautes sont couverts par l’exception d’usage privé au sens de l’art. 19 al. 1 lit. a LDA et ne sont pas illicites. La première condition à laquelle la défenderesse pourrait se voir reprocher une participation au sens de l’art. 50 al. 1 CO n’est donc pas réalisée (c. 32.1.2 et c. 32.1.3). Au surplus, la défenderesse fournit un accès (automatique) à Internet. Elle intervient « en fin de chaîne » dans le processus de communication des œuvres et n’est pas très proche des actes illicites d’origine (c. 32.2.2). Sa prestation n’est pas apte à favoriser les infractions d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie. Elle n’est donc pas dans un rapport de causalité adéquate avec les actes illicites et n’apporte aucune contribution juridiquement pertinente à ceux-ci (c. 32.2.3). La défenderesse n’est ainsi pas légitimée passivement, si bien que la question de savoir si des éléments subjectifs sont nécessaires peut être laissée ouverte (c. 32.4). Même si la défenderesse disposait de la légitimation passive, les mesures de blocage demandées devraient satisfaire au principe de la proportionnalité, ce qui signifie qu’elles devraient être appropriées pour atteindre le but visé, qu’elles ne devraient pas aller au-delà de ce qui est nécessaire et qu’elles devraient être raisonnables compte tenu du rapport entre la fin et les moyens (c. 34). La première condition serait remplie, même si une partie des utilisateurs pouvaient contourner les mesures de blocage et même si les films continuaient à être disponibles sur d’autres sites internet (c. 34.1.3). En revanche, il serait douteux que la deuxième condition soit réalisée, car la demanderesse a investi de grands moyens pour agir contre la défenderesse, alors qu’elle s’est contentée de mesures limitées à l’encontre des auteurs principaux des violations (c. 34.2.3). La réalisation de la troisième condition serait également discutable car les blocages concerneraient aussi des films non visés par la demande, car l’accès à du contenu licite pourrait être bloqué collatéralement (« overblocking ») et car ces blocages pourraient avoir des effets techniques indésirables (c. 34.3.1). Le caractère raisonnable des mesures demandées serait douteux, car il faudrait au moins veiller à réduire au minimum le risque d’atteindre des tiers non concernés par le litige (c. 34.3.5). Enfin, le projet de révision de la LDA du 22 novembre 2017 prévoit divers nouveaux moyens de lutte contre le piratage, mais il a renoncé à instaurer des mesures de blocage à charge des fournisseurs d’accès (c. 36). La demande doit donc être rejetée. [VS]