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  • Action, voir ég. cumul d’actions

11 octobre 2012

TF, 11 octobre 2012, 6B_584/2011 (f)

sic! 3/2013, p. 144-147, « Canal+ I » ; medialex 1/2013, p. 42-43 (rés.), « Canal+ Distribution SAS et consorts » ; Canal+, CanalSat, droits d’auteur, droits voisins, droit de retransmission, droit de diffusion, œuvre audiovisuelle, services cryptés, cryptage, programme TV, prescription, action pénale, appareil de décodage, décodeur, organisme de diffusion, partage de code, mesures techniques de protection, contournement ; art. 10 al. 2 lit. d LDA, art. 37 LDA, art. 39a LDA, art. 67 al. 1 lit. h LDA, art. 69 al. 1 lit. g LDA, art. 69a LDA, art. 150bis CP ; cf. N 771 (ATF 139 IV 17 ; sic! 3/2013, p. 148- 151, « Canal+ II ») et N 594 (ATF 139 IV 11 ; sic! 3/2013, p. 151-153, « Canal+ III »).

La fourniture d’un service permettant la réception de programmes TV précédemment cryptés au moyen d’un appareil de décodage ne tombe pas sous le coup de l’art. 150bis CP. La mise à disposition d’un serveur Internet auquel les appareils vendus peuvent se connecter pour décrypter des programmes constitue un acte distinct et indépendant qui n’est visé par aucune des hypothèses prévues par l’art. 150bis CP. Seule la mise sur le marché et la vente d’appareils permettant de décoder sans droit des programmes TV cryptés sont pertinentes au sens de la prescription de l’action pénale en relation avec la violation de l’art. 150bis CP qui, in casu, était acquise avant que le jugement de première instance n’ait été rendu (c. 2.3). La diffusion est une première transmission par rapport à la retransmission et vise la transmission simultanée d’une œuvre par des moyens techniques de télécommunication à un nombre indéterminé de personnes. La diffusion d’émissions codées, dans le cadre de la télévision par abonnement (pay per channel) ou de la télévision sur demande (pay per view) tombe sous le coup de l’art. 10 al. 2 lit. d LDA lorsqu’un nombre important de personnes disposent d’un décodeur leur permettant d’assister simultanément aux émissions. Il y a retransmission lorsqu’un programme diffusé est répercuté simultanément par un tiers (personne physique ou morale) autre que l’organisme responsable de la diffusion originale. La retransmission peut notamment intervenir au moyen d’Internet (c. 4.1.1). L’art. 69 LDA n’assure pas la protection du droit d’auteur,mais des droits voisins, soit en particulier ceux des organismes de diffusion. L’art. 69 al. 1 lit. g LDA réprime le comportement de celui qui intentionnellement et sans droit retransmet une émission. Cette disposition sanctionne la violation du droit exclusif de l’organisme de diffusion de retransmettre son émission selon l’art. 37 lit. a LDA, et la notion de retransmission ne diffère pas de celle de l’art. 10 al. 2 lit. d LDA. La retransmission consiste en la transmission d’une émission au moyen d’installations techniques, quelles que soient les techniques et méthodes de retransmission utilisées, par un autre que l’organisme de diffusion d’origine (c. 4.1.2). Dans le cas d’espèce, le procédé de partage de cartes mis en place par le recourant ne s’accompagnait pas d’une transmission par le recourant à ses clients, par câble, par Internet ou par d’autres conducteurs, du signal diffusé par Canal+ et CanalSat qu’il avait préalablement capté. Le recourant n’a donc pas répercuté les émissions diffusées par les intimées auprès de tiers, le procédé utilisé permettant uniquement un partage de code. Le système du recourant permettait de contourner des mesures techniques destinées à limiter l’accès aux programmes des intimées à leurs seuls abonnés,mais pas de communiquer à ses clients les images diffusées par les intimées. Le recourant n’a ainsi pas procédé à une retransmission des émissions produites ou diffusées par les intimées au sens des art. 67 al. 1 lit. h et 69 al. 1 lit. g LDA (c. 4.3). Le comportement visant à contourner une mesure de cryptage (qui constitue une mesure technique de protection au sens de l’art. 39a LDA, dont le contournement est réprimé par l’art. 69a LDA) adopté par le recourant l’a été à un moment où la LDA ne l’interdisait pas encore. Ainsi, avant l’entrée en vigueur des art. 39a et 69a LDA, un tel comportement ne constituait pas une violation des dispositions de la LDA (c. 4.5). [NT]

26 février 2013

OG ZH, 26 février 2013, LK100007 (d)

sic! 9/2013, p. 518-526, « Landschaftsfotografien » (Laux Christian, Anmerkung) ; droits d’auteur, œuvre photographique, droit d’accès, action en exercice du droit d’accès, transfert de droits d’auteur, reprise de commerce, succession, droits moraux, cessibilité de droits moraux, transfert à cause de mort, partage successoral, droits strictement personnel de l’auteur, interprétation du contrat, théorie de la finalité ; art. 2 al. 1 LDA, art. 2 al. 2 lit. g LDA, art. 10 LDA, art. 14 al. 1 LDA, art. 16 al. 3 LDA.

Le caractère individuel d'une œuvre peut résulter de la composition de l'image, du jeu de lumière, du travail réalisé sur le négatif au moment du développement ou du choix de l'objet photographié. L'activité créatrice humaine peut se manifester dans un cadrage particulier, une perspective inhabituelle, le choix d'un film couleur ou noir et blanc, celui d'un film plus ou moins sensible à la lumière, le recours à une certaine lentille ou à un diaphragme, ou encore dans l'utilisation d'un filtre (c. III.3.1). En présence d'œuvres non encore inventoriées et en la possession de la défenderesse seule, cette dernière ne saurait empêcher l'exercice du droit d'accès de l'art. 14 LDA en soutenant qu'elles ne seraient pas protégées par le droit d'auteur si elle a omis de contester de manière étayée la qualité d'œuvre des images concernées. L'exercice du droit d'accès doit ainsi être autorisé en admettant que les photographies atteignent le niveau d'individualité requis pour leur ouvrir la protection du droit d'auteur, d'autant que leur auteur est reconnu comme un des photographes marquants des années 1920 dans notre pays (c. III.3.2). L'art. 16 LDA ne soumet le transfert des droits d'auteur au respect d'aucune exigence de forme. Un transfert peut ainsi intervenir tacitement dans le cadre d'une reprise de commerce. La question du transfert des droits d'auteur et celle du transfert de la propriété d'une œuvre doivent être traitées et jugées indépendamment l'une de l'autre (art. 16 al. 3 LDA) (c. III.4.2). Le transfert des droits d'auteur est soumis aux mêmes règles dans le cadre d'un partage successoral et peut donc, dans ce cas aussi, intervenir tacitement (c. III.4.3). Dans le cas d'espèce, le fils du photographe avait repris l'ensemble du commerce de son père et le tribunal a admis que cette cession de l'ensemble des actifs et passifs de l'entreprise comprenait les droits d'auteur (c. III.4.4.1). Le fait que l'ensemble des acteurs à la procédure, et aussi des personnes prédécédées, comme le père du demandeur (qui est lui-même le petit-fils de l'auteur et le neveu du fils ayant repris le commerce de l'auteur) et ses tantes, aient tous connu l'existence d'une convention de cession des droits d'auteur conclue en 1977 par le fils du photographe avec un tiers et ne l'aient jamais remise en question jusqu'à la procédure intentée en 2010, conforte le tribunal dans l'admission de l'existence d'un premier transfert des droits d'auteur dans le cadre de la reprise du magasin de photographie entre le photographe et son fils, puis d'un deuxième transfert entre ce dernier et un tiers en 1977 (c. III.4.4.2-4.4.5). Le fils du photographe a ainsi valablement pu céder l'ensemble des droits d'auteur sur l'héritage photographique laissé par son père et le cessionnaire a acquis ces droits, sauf pour ce qui est des droits de la personnalité incessibles qui sont demeurés aux héritiers (c. III.5.1). La question de savoir si le droit d'accès peut être transféré est controversée dans la doctrine, en lien avec la question plus générale de la cessibilité des droits strictement personnels de l'auteur. Il convient de la trancher en fonction de chaque droit moral concerné (c. III.5.2). Le droit d'accès a été introduit par le législateur pour éviter que la vente d'une œuvre équivaille à une cession des droits d'auteur la concernant, puisqu'en présence d'un exemplaire unique d'une œuvre, l'auteur privé de la possibilité d'y accéder se serait de facto trouvé empêché d'exercer ses droits d'auteur (en particulier ses droits de reproduction, notamment par la réalisation de photographies). C'est donc la volonté d'assurer l'exercice des droits patrimoniaux de l'auteur qui est à l'origine de la création de ce droit moral particulier d'accès à l'œuvre qui n'est pas un droit strictement personnel de l'auteur, mais un droit patrimonial à caractère moral qui peut valablement être cédé (c. III.5.3-5.4). [NT]

13 décembre 2011

HG ZH, 13 décembre 2011, HG110118-O (d)

sic! 2/2013, p. 103-104, « Dokumentarfilm » ; instance cantonale unique, contrat de licence, droit d’auteur, distribution d’un film, film, œuvre audiovisuelle, redevances, compétence matérielle, action en paiement ; art. 5 al. 1 lit. a CPC.

Une action en paiement de redevances dues selon un contrat de licence portant sur l'exploitation de droits d'auteur, pour la distribution d'un film documentaire produit par la demanderesse, relève de la compétence de l'instance cantonale unique que les cantons sont appelés à instituer en application de l'art. 5 al. 1 lit. a CPC. Selon le texte du Message se rapportant à l'art. 5 al. 1 lit. a CPC, que le parlement a adopté tel quel, les questions concernant la nullité, la titularité de droits de propriété intellectuelle, les licences, les cessions et les violations de ces droits sont de la compétence d'une instance cantonale unique. Celle-ci est donc amenée à connaître aussi de questions de nature contractuelle lorsqu'elles ont trait à l'octroi de licences sur des droits de propriété intellectuelle ou au transfert de ceux-ci, puisque ces actes ont nécessairement un fondement contractuel (c. 3.4.3 et 3.6.4). En outre, il résulte de l'examen de la doctrine et des travaux préparatoires du CPC que le « splitting » des compétences entre différentes instances cantonales reviendrait à compliquer inutilement la procédure dans le domaine de la propriété intellectuelle. La compétence matérielle d'une instance cantonale unique accélère la procédure et correspond au but de la loi. Les litiges en matière de propriété intellectuelle sont souvent, en arrière-plan, liés à des questions de droits protégés et de droit des contrats. Même les prétentions purement contractuelles posent souvent des questions préalables liées aux droits protégés. Ainsi, les questions relatives aux droits protégés et au droit des contrats sont étroitement liées. La concentration des procès en ces domaines auprès d'une instance cantonale unique garantit les compétences professionnelles des juges qui ont à les trancher (c. 3.6.5). [NT]

19 octobre 2012

CJ GE, 19 octobre 2012, C/9999/2011 (f)

sic! 5/2013, p. 296-297, « Skin Caviar » ; motifs absolus d’exclusion, signe descriptif, signe trompeur, signe appartenant au domaine public, besoin de libre disposition, combinaison de mots, signe fantaisiste, action en constatation de la nullité d’une marque, produits cosmétiques, produits pharmaceutiques ; art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. c LPM.

La demanderesse utilise les termes « Skin Caviar » pour des produits cosmétiques à appliquer sur l’épiderme et contenant des extraits de caviar. La défenderesse utilise l’association des mêmes termes pour des préparations (en particulier pharmaceutiques et diététiques) à avaler, entièrement dépourvues de caviar mais qui se veulent luxueuses. L’association des termes « Skin » et « Caviar » constitue une désignation de fantaisie dotée d’un caractère distinctif lui ouvrant la protection. Cependant, les mots « skin » et « caviar » en eux-mêmes appartiennent au domaine public (c. 4.2), et les signes propres à induire en erreur sont exclus de la protection par le droit des marques (c. 5.1). En l’occurrence, l’utilisation de l’association « Skin Caviar » pour des produits de soins corporels et de beauté à appliquer sur la peau humaine (classe 3) et contenant des extraits de caviar peut être protégée par le droit des marques (c. 4.2). Il en va autrement pour l’utilisation de la même association pour des « préparations pharmaceutiques et diététiques à usage médical, compléments alimentaires à usage médical » (classe 5) (c. 5.6). Cette association est trompeuse, car elle crée, pour le consommateur moyen, l’impression erronée que ces produits contiennent au moins des extraits de caviar. Le caractère trompeur d’une association s’apprécie en fonction du risque de confusion que la marque engendre pour le consommateur moyen (c. 5.6). La marque de la défenderesse est ainsi nulle. [LG]

30 janvier 2013

TAF, 30 janvier 2013, B-3556/2012 (d)

sic! 5/2013, p. 299 (rés.) « TCS / TCS » ; motifs relatifs d’exclusion, suspension de procédure (refus), principe de l’économie de procédure, risque de décisions contradictoires, action en constatation de la nullité d’une marque, identité des produits ou services, similarité des produits ou services, identité des signes, force distinctive moyenne, dilution de la force distinctive, risque de confusion direct, marque connue, marque défensive, degré d’attention accru ; art. 29 al. 1 Cst., art. 3 al. 1 lit. a LPM, art. 3 al. 1 lit. b LPM, art. 52 LPM.

Une demande de suspension de la procédure de recours en matière d'opposition devant le TAF, déposée par la défenderesse quatre mois après la fin de l'échange d'écritures, en raison de l'ouverture d'une action en constatation de la nullité de la marque opposante, n'est pas justifiée au regard du principe de l'économie de procédure (c. 2.2.1). Étant donné que les tribunaux civils ne sont pas liés par les décisions en matière d'opposition, il n'y a pas de risque de décisions contradictoires (c. 2.2.2). La procédure d'opposition est une alternative au procès civil qui doit permettre d'aboutir rapidement et à moindres frais à une décision. Dès lors, au regard de l'exigence de rapidité des procédures, il ne se justifie pas non plus de suspendre la procédure d'opposition (c. 2.2.3). Le rejet du recours en matière d'opposition ne cause pas de grave préjudice à la recourante, car elle conserve son intérêt juridique à la constatation de la nullité de la marque et un nouvel enregistrement du même signe reste possible (c. 2.2.4). La demande de suspension de procédure est rejetée (c. 2.3). Tous les produits et services revendiqués par la marque attaquée sont identiques, respectivement similaires, aux produits et aux services revendiqués par la marque opposante (c. 6.3). Vu l'identité des signes, le recours est rejeté pour tous les produits ou services identiques (c. 7). La marque opposante jouit d'une force distinctive normale (c. 8.1.2). En l'espèce, vu l'identité des signes, un risque de confusion ne pourrait être écarté même si l'élément « TCS » devait être considéré comme dilué et donc extrêmement faible. La question de la dilution de la force distinctive de la marque opposante peut ainsi rester ouverte (c. 8.2.2). Considérant l'identité des signes et l'identité ou la similarité des produits ou services revendiqués, il y a un risque de confusion direct entre les signes que même le degré d'attention accru des consommateurs ne parvient pas à écarter. La question de savoir si la marque opposante et la marque attaquée sont des marques connues peut rester ouverte (c. 8.3). Mal fondé, le recours doit être rejeté (c. 10). [AC]

30 septembre 2013

TF, 30 septembre 2013, 4A_128/2013 (d)

ATF 139 III 424 ; sic! 2/2014, p. 81- 84, « M-Watch II » ; usage de la marque, marque verbale, marque combinée, montre, action en constatation de la nullité d’une marque, action en interdiction, action en radiation d’une marque, recours en matière civile, établissement des faits, complètement de l’état de fait, force distinctive faible, impression générale, radiation d’une marque, droit à la délivrance d’une marque, péremption, enregistrement en faveur d’un utilisateur autorisé ; art. 5 lit. C ch. 2 CUP, art. 97 al. 1 LTF, art. 99 al. 1 LTF, art. 105 al. 1 LTF, art. 105 al. 2 LTF, art. 2 al. 2 CC, art. 11 al. 1 CO, art. 2 lit. a LPM, art. 4 LPM, art. 11 al. 1 LPM, art. 11 al. 2 LPM, art. 12 al. 1 LPM, art. 35 lit. c LPM, art. 52 LPM, art. 1 al. 1 ch. 1 LPAP, art. 2 al. 1 ch. 1 LPAP ; cf. N 410 (vol. 2007-2011 ; Handelsgericht AG, 14 juin 2011, HSU.2010.128 ; sic! 1/2012, p. 36-42, « M-Watch » ; affaire similaire devant le Tribunal de commerce argovien).

La marque doit être utilisée comme elle est enregistrée puisque ce n'est qu'ainsi qu'elle aura le caractère distinctif qui correspond à sa fonction. Une utilisation dans une forme ne différant pas fondamentalement de celle du signe enregistré suffit toutefois, au sens de l'art. 11 al. 2 LPM, ce qui permet au titulaire un usage dynamique de sa marque tenant en particulier compte de l'évolution des exigences du marché et de la concurrence. Il convient cependant que l'élément central de la marque qui lui donne son caractère distinctif soit conservé. Ce qui n'est le cas que si le public considère que le signe utilisé dégage, malgré ses différences, une même impression d'ensemble que le signe enregistré, et reconnaît donc la même marque dans la forme qui est utilisée. Il faut ainsi se demander si le public voit un seul et même signe dans la marque enregistrée et celle qui est utilisée, et si les éléments modifiés, qu'il s'agisse d'ajouts ou de suppressions, ne sont dotés d'aucun caractère distinctif propre. Les exigences en matière d'identité de signe dans l'élément central de la marque sont dans ce cas plus strictes que lorsqu'il est jugé du risque de confusion entre deux signes (c. 2.2.2). Il n'y a pas de principe général selon lequel une marque combinée enregistrée serait utilisée de manière suffisante pour maintenir le droit à la marque lorsque son titulaire n'utilise que l'élément verbal doté de force distinctive. Il convient au contraire d'examiner ce qu'il en est dans chaque cas particulier en tenant compte des circonstances concrètes. Dans la marque enregistrée « », le cercle vide entre la lettre « M » et le mot « WATCH », qui est abandonné dans l'utilisation faite de la marque, ne constitue pas un simple élément figuratif accessoire sans influence sur l'impression d'ensemble dégagée par la marque. Au contraire, la marque combinée « » est influencée par la présence de ce cercle vide entre ses deux éléments verbaux qui sont en eux-mêmes à peine distinctifs, puisqu'en tant que signe de l'alphabet seul non imposé par l'usage et en tant que désignation descriptive des produits revendiqués, ils appartiennent au domaine public (art. 2 lit. a LPM). Il en résulte que l'élément graphique supprimé dans la version utilisée du signe est déterminant pour l'impression d'ensemble de la marque, et que son abandon la modifie de manière significative. L'utilisation du signe « M-WATCH » n'est donc pas suffisante pour valider la marque « » au sens de l'art. 11 al. 2 LPM (c. 2.3.1). Du moment que les éléments verbaux « M » et « WATCH » sont à peine distinctifs et appartiennent au domaine public selon l'art. 2 lit. a LPM, l'élément graphique du cercle vide qui les relie joue un rôle prépondérant comme élément distinctif de la marque. Il en résulte que même des modifications légères de cet élément central de la marque peuvent modifier le caractère distinctif de celle-ci. Le remplacement de ce cercle vide par un cercle plein comprenant une croix suisse « » n'est ainsi pas une modification mineure de la forme enregistrée de la marque. Au contraire, cette modification change la force distinctive de l'ensemble du signe, de sorte que le public ne voit plus la même marque dans le signe qui est utilisé. Ce d'autant que la croix suisse bénéficie, en relation avec les montres notamment, d'un impact particulier dans l'esprit du public en terme de garantie de qualité qui est aussi de nature à influencer le caractère distinctif. De plus, de la manière dont elle est utilisée, cette croix suisse, qui se fond graphiquement dans la marque elle-même, n'est pas perçue comme une indication indépendante de la marque ou comme un simple ornement. L'utilisation ainsi faite de la croix suisse n'est pas purement décorative, et le fait que la LPAP en exclue l'enregistrement comme marque (art. 1 al. 1 ch. 1 LPAP et art. 2 al. 1 ch. 1 LPAP) ne doit pas avoir pour effet de permettre de valider le signe différent qui a, lui, fait l'objet d'un enregistrement comme marque (c. 2.3.2). L'utilisation de la marque « M-WATCH MONDAINE » sur les bracelets de différentes montres intervient en relation avec les produits pour lesquels elle est enregistrée, selon l'art. 11 al. 1 LPM. La relation fonctionnelle nécessaire exigée peut en effet intervenir aussi autrement que par l'apposition de la marque sur l'objet vendu, du moment que le public comprend l'utilisation comme une indication concrète de la provenance du produit. Il importe que l'utilisation faite de la marque permette aux consommateurs d'y voir un moyen de différenciation des produits ou services concernés. La marque atteint ce but lorsqu'elle peut être rapportée à certains produits ou services, ce qui est le cas en l'espèce. L'apposition sur les bracelets de montre du signe « M-WATCH MONDAINE » est rapportée par l'acquéreur des montres aux montres-bracelets elles-mêmes qui forment un tout avec leur bracelet (c. 2.4). L'action en radiation d'une marque déposée sans droit par un partenaire commercial du véritable ayant droit selon l'art. 4 LPM entre en ligne de compte aussi lorsque le rapport contractuel entre les parties n'a pas été formalisé mais résulte d'une collaboration entre elles de longue durée (c. 3.2.1-3.2.3). Le droit d'agir en constatation de la nullité d'une telle marque enregistrée sans droit ne se périme pas au sens de l'art. 2 al. 2 CC pendant la durée de la collaboration entre les parties (c. 3.1 et 3.2 en particulier c. 3.2.2). [NT]

07 août 2012

TF, 7 août 2012, 4A_128/2012 (f)

sic! 1/2013, p. 41-46, « Vogue » (Schlosser Ralph, Remarque) ; droits conférés par la marque, marque de haute renommée, droit applicable, bonne foi, sondage, principe de la spécialité, concurrence déloyale, comportement parasitaire, usage de la marque, action en constatation de la nullité d’une marque ; art. 97 al. 1 LTF, art. 12 al. 3 LPM, art. 15 al. 1 LPM, art. 2 LCD, art. 110 al. 1 LDIP, art. 136 al. 1 LDIP.

Bien que les intimées aient leur siège à l'étranger, le droit suisse s'applique tant en ce qui concerne la concurrence déloyale, car l'activité illicite prétendue s'est déployée sur le marché suisse (art. 136 al. 1 LDIP), que s'agissant du droit des marques, car la protection de la propriété intellectuelle a été revendiquée pour la Suisse (art. 110 al. 1 LDIP) (c. 2). Un acte de concurrence déloyale ne suppose ni mauvaise foi, ni faute de son auteur, mais uniquement une violation objective des règles de la bonne foi. Avec leur argumentation, qui vise à démontrer leur intention subjective, les recourants cherchent à rectifier l'état de fait sur un point qui ne peut pas influencer le sort de la cause, ce qui est exclu par l'art. 97 al. 1 LTF (c. 3). La notion de haute renommée (art. 15 LPM) ressortit au droit, contrairement à la question de savoir si une marque est connue d'un large public et bénéficie d'une image positive auprès des personnes qui la connaissent (c. 4.1.1). Les recourants n'ayant pas sollicité la mise en œuvre d'un sondage pour établir que la marque « Vogue » s'est imposée comme marque de haute renommée, l'approche de la cour cantonale — qui s'est référée à une enquête démoscopique réalisée à la requête des intimées — est conforme à la jurisprudence. La marque « Vogue » a été reconnue et associée à un magazine par une personne sur quatre. Il s'agit donc d'une marque de haute renommée au sens de l'art. 15 al. 1 LPM (c. 4.1.2). C'est à tort que la cour cantonale a jugé que la marque de haute renommée ne conférait à son titulaire une protection étendue qu'aux produits similaires à ceux pour lesquels la marque s'est imposée (c. 4.2). Les intimées sont en droit d'interdire l'utilisation de la marque « Vogue » pour toutes les catégories de biens et services et non seulement pour celles pour lesquelles leur marque est utilisée (c. 4.2.2). Il ne suffit pas d'alléguer le défaut d'usage pour en établir la vraisemblance. En l'espèce, les recourants auraient pu faire entendre des commerçants afin qu'ils puissent dire s'ils avaient déjà entendu parler de produits de la classe 14 portant les marques litigieuses (c. 5). Le recours est entièrement rejeté (c. 6). [JD]

11 janvier 2012

TC VD, 11 janvier 2012, 8/2012/DCA (f)

sic! 5/2013, p. 300- 304, « Tara Jarmon » ; marque verbale, enseigne, raison de commerce, Tara Jarmon, Tarjarmo, risque de confusion admis, action en dommages-intérêts, acte illicite, faute, dommage, preuve, dilution de la force distinctive, gain manqué, contrat de licence, contrat de franchise ; art. 8 CC, art. 29 al. 2 CC, art. 41 CO, art. 42 al. 2 CO, art. 84 al. 1 CO, art. 55 al. 2 LPM, art. 9 al. 3 LCD ; cf. N 735

(TF, 6 février 2013, 4A_460/2012 ; arrêt du TF dans cette affaire).

Tant la LPM (art. 55 al. 2 LPM) que la LCD (art. 9 al. 3 LCD), ou encore les dispositions sur le droit au nom (art. 29 al. 2 CC), réservent l’art. 41 CO concernant la réparation des dommages subis du fait de leur violation (c. VII.d). L’acte illicite résulte en l’espèce du risque de confusion entre la raison de commerce de la défenderesse et la marque de la demanderesse (c. VII.b.a qui renvoie au c. V.c). En continuant d’exploiter une boutique à l’enseigne « Tara Jarmon », alors qu’aucun contrat n’était conclu avec les titulaires de la marque correspondante, et en créant une société dont la raison sociale « Tarjarmo » ressemble à cette marque, les défenderesses ont commis une faute (c. VII.b.b). L’utilisation abusive de l’enseigne « Tara Jarmon », ainsi que de la raison sociale « Tarjarmo » par les défenderesses est propre à faire naître un risque de confusion en lien de causalité naturelle et adéquate avec le dommage subi par les demanderesses (c. VII.b.c). Le dommage peut consister en une réduction d’actifs, un accroissement des passifs ou un gain manqué. Il correspond à la différence entre l’état du patrimoine après la survenance de l’événement dommageable, et l’état dans lequel ce patrimoine aurait été sans cet événement. Concernant la preuve du dommage conformément à l’art. 8 CC, il ne saurait être exigé du lésé davantage que d’alléguer et d’établir toutes les circonstances démontrant la survenance d’un dommage et permettant de l’évaluer dans les limites de ses possibilités et de ce que l’on peut raisonnablement attendre de lui. Si le lésé ne réussit pas à établir la preuve du montant du dommage, le juge doit déterminer équitablement, en considération du cours ordinaire des choses, l’étendue, mais également l’existence du dommage. La perturbation du marché et la dilution du caractère distinctif de la marque sont des éléments que le juge prend en compte dans son appréciation, respectivement sa détermination, du dommage. En l’espèce, l’utilisation de la marque « Tara Jarmon » par les défenderesses, alors qu’elles n’y étaient pas autorisées, a empêché les demanderesses d’accorder à des tiers l’autorisation d’ouvrir et d’exploiter une boutique « Tara Jarmon » à Genève et les a empêchées de poursuivre leur utilisation de cette marque en cette ville. Le manque à gagner ainsi subi par les demanderesses doit être calculé en fonction de la marge brute moyenne annuelle réalisée par les défenderesses lorsqu’elles étaient autorisées à utiliser la marque à Genève (soit pendant les années 2000 à 2003). Les frais d’une campagne publicitaire liée à l’ouverture d’une nouvelle boutique « Tara Jarmon » autorisée par les demanderesses, plus de trois ans après que l’usage abusif par les défenderesses ait cessé, ne peuvent pas être uniquement mis en relation avec cette utilisation abusive de la marque. Seul le remboursement d’une partie de ceux-ci (10 000 francs) peut ainsi être alloué aux demanderesses en application de l’art. 42 al. 2 CO (c. VII.b.d). En vertu de l’art. 84 al. 1 CO, le paiement d’une dette qui a pour objet une somme d’argent se fait en moyens de paiement ayant cours légal dans la monnaie due. Il convient ainsi de rejeter une conclusion présentée en francs suisses, alors que la prétention aurait dû être exprimée en monnaie étrangère. Dans le cas d’espèce, l’atteinte à la marque a eu lieu en Suisse et la perturbation du public est intervenue sur le marché genevois. Elle doit donc être réparée en francs suisses, alors que le dommage relatif au gain manqué a touché le patrimoine de la demanderesse domiciliée en France et doit être arrêté en Euros, comme le précisaient les conclusions de cette dernière (c. VII.c). [NT]

06 février 2013

TF, 6 février 2013, 4A_460/2012 (f)

Marque verbale, acte illicite, faute, Tara, Tarjarmo, établissement des faits, arbitraire dans la constatation des faits, rectification de l’état de fait, contrat de franchise, contrat de licence, action en interdiction, intérêt pour agir, risque de récidive, action en dommages intérêts, gain manqué, dommage, preuve ; art. 97 al. 1 LTF, art. 105 al. 2 LTF, art. 41 CO, art. 42 al. 2 CO, art. 55 al. 1 lit. a LPM ; cf. N 734 (Tribunal cantonal VD, 11 janvier 2012, 8/2012/DCA ; sic! 5/2013, p. 300-304, «Tara Jarmon» ; arrêt du Tribunal cantonal vaudois dans cette affaire).

La partie recourante, qui entend remettre en cause les constatations de l'autorité précédente, doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui contenu dans la décision attaquée. Une rectification de l'état de fait ne peut être demandée que si elle est de nature à influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF) (c. 1.4). En vertu de l'art. 55 al. 1 lit. a LPM, la personne qui risque de subir une violation de son droit à la marque peut demander au juge de l'interdire si elle est imminente. Le demandeur doit disposer d'un intérêt à l'action. Cela suppose la menace directe d'un acte illicite. Le comportement du défendeur doit donc laisser craindre sérieusement une violation imminente des droits du demandeur. Un intérêt suffisant doit être reconnu si le défendeur a déjà commis une telle atteinte dont la répétition n'est pas à exclure. En règle générale, le danger de répétition des actes incriminés est présumé lorsque le défendeur conteste l'illicéité de son comportement. Pour renverser cette présomption, il ne suffit pas de cesser les agissements en cause dans la perspective du procès, tout en continuant, dans la procédure, à défendre leur caractère licite. Un intérêt à l'action en interdiction peut donc être retenu lorsque la partie contre laquelle celle-ci est dirigée conteste l'illicéité de son comportement dans la procédure (c. 3.3). Constitue une faute le fait de continuer à exploiter un magasin sous l'enseigne « Tara Jarmon » malgré l'absence de contrat de franchise et en dépit des mises en demeure de cesser une telle utilisation (c. 4.2). L'exploitation d'un magasin sous l'enseigne « Tara Jarmon » par une personne non autorisée était, selon le cours ordinaire des choses et l'expérience générale de la vie, de nature à empêcher l'ouverture d'une autre boutique avec la même enseigne dans une ville de la grandeur de Genève. Le montant des dommages-intérêts correspond au manque à gagner du titulaire de la marque calculé sur la base de la marge moyenne qu'il avait touchée les années précédentes en relation avec le magasin exploité par le défendeur lorsqu'il y était autorisé. Il est conforme au cours ordinaire des choses et à l'expérience générale de la vie qu'une nouvelle boutique soit en mesure de réaliser un chiffre d'affaires comparable à celui du magasin précédent (c. 4.3). [NT]

10 juillet 2013

TF, 10 juillet 2013, 4A_100/2013 (f)

sic! 11/2013, p. 718-720, « Noir Mat » ; recours en matière civile, instance cantonale unique, marque, raison de commerce, enseigne, nom de domaine, action en constatation de la nullité d’une marque, établissement des faits, rectification de l’état de fait, enregistrement abusif, intention déloyale, confusion, mauvaise foi, notoriété ; art. 42 al. 1 LTF, art. 42 al. 2 LTF, art. 74 al. 2 lit. b LTF, art. 75 al. 2 lit. a LTF, art. 97 al. 1 LTF, art. 105 al. 1 LTF, art. 105 al. 2 LTF, art. 108 al. 1 lit. b LTF, art. 162 al. 5 ORC, art. 31 al. 2 LPM, art. 2 LCD, art. 3 LCD.

Lorsque le droit fédéral prévoit une instance cantonale unique, le recours en matière civile est recevable indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 lit. b LTF) et, contrairement à la règle générale (art. 75 al. 2 LTF), le tribunal supérieur désigné comme autorité cantonale de dernière instance n'a pas à statuer sur recours (art. 75 al. 2 lit. a LTF) (c. 1.1). Compte tenu de l'exigence de motivation de l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 lit. b LTF), le TF n'examine en principe que les griefs invoqués. Il n'est pas tenu de traiter toutes les questions juridiques qui se posent lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui (c. 1.3). Le TF conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La recourante qui entend remettre en cause les constatations de l'autorité précédente doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions d'une exception prévue par l'art. 105 al. 2 LTF seraient réalisées, faute de quoi il n'est pas possible de tenir compte d'un état de fait qui diverge de celui retenu dans la décision attaquée. Une rectification de l'état de fait ne peut être demandée que si elle est de nature à influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF) (c. 1.4). Celui qui dépose à titre de marque un signe déjà utilisé par un tiers ne pourra se prévaloir de son enregistrement s'il a agi avec une intention déloyale. Pour déterminer le caractère abusif ou non d'un enregistrement, le tribunal doit apprécier l'ensemble des faits. Il s'agit de définir l'intention, au moment du dépôt, de celui qui est devenu titulaire de l'enregistrement. Il faut tenir compte des buts et motifs du déposant à ce moment-là. Des circonstances postérieures au dépôt peuvent être prises en compte si elles permettent de fournir des indices quant à l'intention du titulaire au moment du dépôt de la marque. Savoir quelle était l'intention de la recourante au moment du dépôt de la marque en Suisse est une question de fait, et non de droit. Le même raisonnement peut être appliqué mutatis mutandis s'agissant de son intention lors de la réquisition d'inscription d'une raison de commerce (c. 2.2). Parmi les indices permettant d'admettre le caractère frauduleux d'un enregistrement, le TF mentionne le fait que le déposant connaissait les activités de celui dont il a repris les éléments distinctifs dans sa marque; le fait que ce dernier ait disposé d'une clientèle importante et exploité une enseigne réputée avec laquelle le déposant a toujours entretenu la confusion (en particulier en recevant à plusieurs reprises du courrier et des téléphones destinés à l'exploitant de l'enseigne, sans jamais l'en tenir informé). L'enregistrement d'un nom de domaine similaire à l'enseigne, avant même le dépôt de la marque litigieuse, est aussi un indice pris en compte par le TF. Enfin, la modification du but social de celui qui a déposé la marque litigieuse pour se rapprocher de celui de l'exploitant de l'enseigne est également un indice pertinent (c. 2.3). L'absence d'opposition à une demande d'inscription d'une raison de commerce au registre du commerce n'exclut pas une action ultérieure devant un juge civil. En matière de raison de commerce, le renvoi devant un tribunal est d'ailleurs explicitement prévu par le législateur (art. 162 al. 5 ORC). Il en va de même en matière de marque en cas d'absence d'opposition dans le délai de trois mois prévu par l'art. 31 al. 2 LPM. Le juge civil peut en effet être actionné en tout temps ; même à considérer qu'une opposition aurait été formée devant l'IPI, le juge civil ne serait d'ailleurs pas lié par la décision prise par l'IPI (c. 2.4). [NT]

LCD (RS 241)

- Art. 3

- Art. 2

LPM (RS 232.11)

- Art. 31

-- al. 2

LTF (RS 173.110)

- Art. 108

-- al. 1 lit. b

- Art. 75

-- al. 2 lit. b

-- al. 2 lit. a

- Art. 42

-- al. 2

-- al. 1

- Art. 105

-- al. 1

-- al. 2

- Art. 97

-- al. 1

- Art. 74

-- al. 2 lit. b

ORC (RS 221.411)

- Art. 162

-- al. 5

08 juin 2012

TF, 8 juin 2012, 4A_139/2012 (f)

ATF 138 III 461 ; sic! 10/2012, p. 644-648, « Boîtier Protubérant » ; droit des designs, design, conditions de la protection du design, motifs d’exclusion en droit des designs, nouveauté, originalité, motif de nullité du design, action en constatation de la nullité de l’enregistrement d’un design, antériorité d’un design déposé mais non encore publié, similarité des designs ; art. 2 al. 2 LDes, art. 2 al. 3 LDes, art. 4d LDes, art. 6 LDes, art. 8 LDes, art. 3 al. 3 LBI, art. 36 LBI.

Selon l'art. 6 LDes, le droit sur un design appartient à la personne qui a effectué le dépôt en premier. Ce principe de la priorité du dépôt empêche le déposant ultérieur d'obtenir une protection, même s'il a déposé sa demande d'enregistrement avant que le design déposé antérieurement ait été enregistré et publié. L'art. 6 LDes crée ainsi un motif de nullité qui n'est pas compris dans la liste — non exhaustive — de l'art. 4 LDes. La LDes dans son ensemble (art. 4 et 6 confondus) énumère cependant de manière exhaustive les motifs d'exclusion sur la base desquels le juge peut se fonder pour refuser la protection (c. 2.3-2.4). L'art. 6 LDes a pour fonction d'éviter que le registre des designs contienne deux enregistrements portant sur un design identique ou similaire. Le législateur a estimé qu'il était opportun de laisser la possibilité au premier déposant d'exclure de la protection, et donc du registre, le second design en procédant devant le juge civil, l'action du premier déposant permettant d'augmenter la sécurité juridique. La réponse à la question de savoir qui est le titulaire d'un design ressort ainsi du registre. Pour trancher le cas d'espèce, il convient d'adopter une réflexion faisant intervenir, à côté de la question du dépôt, celle du champ de protection du design. Il ne peut à cet égard être tiré d'enseignement de la LBI dont les dispositions se rapportent à un objet de protection différent de celui visé par les règles de la LDes (c. 2.7). Le premier déposant peut, sur la base de son dépôt prioritaire au sens de l'art. 6 LDes, exclure tout design identique ou similaire, soit tout design qui tombe dans le champ de protection de son enregistrement selon l'art. 8 LDes. Or, la protection qui découle de l'art. 8 LDes s'étend aux designs similaires dégageant la même impression d'ensemble qu'un design déjà enregistré. Aucun motif n'oblige à retenir que l'effet de l'exclusion — qui découle du dépôt du premier design — selon l'art. 6 LDes aurait une portée plus restreinte que le champ de protection de ce même design selon l'art. 8 LDes. Ainsi, la nullité de l'enregistrement fondée sur l'art. 6 LDes vise aussi bien les designs identiques que les designs similaires dégageant la même impression d'ensemble (c. 3.1-3.2). [NT]

28 mars 2012

TFB, 28 mars 2012, O2012_010 (d)

sic! 9/2012, p. 566-569, « fixateur interne » ; droit à la délivrance du brevet, invention de service, fonction publique, université, base légale, action en constatation de la nullité d’un brevet, action en cession du droit au brevet, secret de fabrication ou d’affaires, coinventeur, péremption, droit à la délivrance du brevet, usurpation, mauvaise foi ; art. 3 al. 1 CC, art. 8 CC, art. 332 CO, art. 3 LBI, art. 26 al. 1 lit. d LBI, art. 29 al. 1 LBI, art. 31 al. 1 LBI, art. 31 al. 2 LBI.

Il n'existait, en 1988 (moment de la réalisation de l'invention litigieuse), dans le canton de Berne, aucune règle de droit positif concernant les inventions de service réalisées au sein de la fonction publique, les bases légales correspondantes n'ayant été créées que dans le courant des années 1990. L'Université de Berne (respectivement le canton de Berne avant l'entrée en vigueur de la loi sur l'Université de 1996 qui l'a dotée d'une certaine autonomie) n'a ainsi acquis aucun droit au brevet sur l'invention à la réalisation de laquelle un de ses professeurs, employé à plein temps, avait participé à l'époque, puisqu'il ne s'agissait pas d'une invention de service. Selon l'art. 29 al. 1 LBI, l'ayant droit peut agir en cession ou en constatation de la nullité d'un brevet si la demande de brevet a été déposée par une personne qui n'avait pas droit au brevet au sens de l'art. 3 LBI (c. 8.3). La demande en cession doit être introduite sous peine de péremption dans les deux ans à compter de la date officielle de la publication de l'exposé de l'invention (art. 31 al. 1 LBI), sauf si elle dirigée contre un défendeur de mauvaise foi (art. 31 al. 2 LBI). Le défendeur est de mauvaise foi s'il savait ou s'il aurait dû savoir en faisant preuve du soin nécessaire (art. 3 al. 2 CC) qu'il n'était pas le seul ayant droit au brevet. Le déposant est de mauvaise foi s'il a pris connaissance de l'invention d'une manière contraire au droit, par exemple en surprenant des secrets de fabrication ou en incitant des tiers à violer un contrat ou en utilisant de manière indue des informations qui lui avaient été confiées. La bonne foi n'est pas non plus donnée lorsque le déposant savait ou aurait dû admettre, d'après les circonstances, que l'inventeur s'apprêtait à déposer une demande de brevet sur l'invention (c. 9.1). Tel n'était pas le cas en l'espèce puisque le coinventeur, administrateur de la société qui a déposé le brevet, avait pris licitement connaissance de l'invention dans le cadre de sa collaboration avec le professeur de l'Université de Berne pour la réaliser. Comme la bonne foi est présumée en vertu de l'art. 3 al. 1 CC, c'est à celui qui agit en cession du brevet après le délai de deux ans de l'art. 31 al. 1 LBI d'établir la mauvaise foi du déposant (c. 9.2). In casu, le TFB expose, après s'être livré à un examen attentif de l'état des pratiques au sein des différentes hautes écoles suisses dans les années 1980, qu'il ne pouvait pas être généralement admis que les hautes écoles entendaient être investies des droits de propriété intellectuelle sur les inventions de leurs employés au moment où l'invention considérée a été effectuée, et que tel n'était en tout cas pas la pratique de l'Université de Berne. Par conséquent, la mauvaise foi du déposant n'a pas été retenue, même s'il savait que l'employé de la haute école y travaillait à plein temps au moment de sa participation à la réalisation de l'invention et qu'il avait eu recours à l'infrastructure de l'Université de Berne pour le faire. L'art. 26 al. 1 lit. b LBI ne pose pas les mêmes exigences de mauvaise foi et de délai pour agir que l'art. 31 LBI. Toutefois, l'action en constatation de la nullité du brevet prévue par l'art. 26 al. 1 lit. d LBI suppose que le demandeur soit l'unique ayant droit à la délivrance du brevet. Tel n'est pas le cas lorsque, comme en l'espèce, deux ou plusieurs inventeurs ont participé à la réalisation de l'invention (c. 11). [NT]

02 janvier 2013

AG BS, 2 janvier 2013, ZK.2012.19 (d)

sic! 5/2013, p. 307-309, « Übergangsrechtliche Überweisung » ; Tribunal fédéral des brevets, compétences concurrentes, action en cession du droit au brevet, action en validité du brevet, cumul d’actions, dispositions transitoires ; art. 75 LTF, art. 130 LTF, art. 26 LTFB, art. 41 LTFB, art. 29 LBI, art. 90 CPC.

En présence de compétences concurrentes au sens de l'art. 26 al. 2 LTFB, le demandeur peut choisir le tribunal compétent même si la demande a été déposée avant l'entrée en vigueur de cette disposition. Le TFB est alors compétent dans l'hypothèse où il peut être considéré comme ayant à traiter d'une action civile ayant un lien de connexité avec des brevets (c. 2.3). Lorsqu'une conclusion peut être jugée intégralement sous l'angle du droit des brevets, la réunion de prétentions relevant du droit des brevets et de la concurrence déloyale n'entraîne pas l'incompétence du TFB. Dans un tel cas, ce dernier — au pire — n'entre pas en matière sur la prétention qui échappe à son pouvoir de cognition (c. 3.1.2). Il y a par ailleurs lieu de distinguer le cumul d'actions au sens de l'art. 90 CPC du simple cumul d'arguments, lequel n'entraîne également pas l'incompétence du tribunal (c. 3.1.2). Le TFB reprend, dans son domaine de compétence, le traitement des procédures qui, au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi, sont pendantes devant des tribunaux cantonaux, pour autant que les débats principaux n'aient pas eu lieu (art. 41 LTFB). Cela vaut tant pour les cas dans lesquels le TFB dispose d'une compétence exclusive que dans les cas où sa compétence est parallèle ou concurrente (c. 3.2). L'action en cession du droit au brevet (art. 29 LBI) doit être considérée comme une action en validité au sens de l'art. 26 al. 1 LTFB et non pas comme une autre action au sens de l'art. 26 al. 2 LTFB, de sorte qu'elle relève de la compétence exclusive du TFB (c. 4). [DK]

05 février 2013

TF, 5 février 2013, 4A_443/2012 (d)

ATF 139 III 110 ; sic! 6/2013, p. 355-359, « LSVA-Erfassungssystem» ; Tribunal fédéral des brevets, action en cessation, action en dommages-intérêts, action dirigée contre la Confédération, tâches publiques, activité commerciale, licence dans l’intérêt public ; art. 3 al. 1 LRCF, art. 26 al. 1 lit. a LTFB, art. 41 CO, art. 40 LBI, art. 72 LBI, art. 73 LBI.

Le recours en matière civile est ouvert contre les décisions rendues en matière civile (art. 72 LTF). La question de savoir si l'on a affaire dans un cas particulier à des prétentions de droit privé fédéral est considérée comme une affaire civile (c. 1). Pour autant qu'il n'agisse pas de façon officielle, mais de façon commerciale, l'État est soumis aux règles de droit privé tant de la responsabilité civile que de la propriété intellectuelle. L'exploitation de l'infrastructure de perception de la redevance poids lourds liée aux prestations constitue cependant une tâche de droit public (c. 2.2.1-2.2.2.). La responsabilité patrimoniale de la Confédération doit donc être évaluée sur la base de la loi sur la responsabilité de la Confédération, dont l'application n'est pas du ressort du TFB, et non pas sur la base de l'action en réparation du dommage de l'art. 73 LBI (c. 2.2.2). Autre est la question de savoir si la Confédération peut se voir reprocher la violation d'un brevet et si une action en cessation fondée sur l'art. 72 LBI peut lui être intentée, auquel cas le TFB serait compétent pour trancher selon l'art. 26 al. 1 lit. a LTFB (c. 2.3.1). La Confédération dispose également de la possibilité de demander une licence dans l'intérêt public (art. 40 LBI, c. 2.3.2-2.3.3). [DK]

13 février 2013

TFB, 13 février 2013, O2012_036 (d)

sic! 12/2013, p. 770-772, « Reiseadaptateur » ; violation d’un brevet, adaptateur électrique de voyage, action en fourniture de renseignements, obligation de renseigner, injonctions sous menace des peines de l’art. 292 CP, décision incidente ; art. 423 CO, art. 66 lit. b LBI, art. 292 CP.

La demanderesse, dans sa demande principale, requiert la remise du gain de la défenderesse, car celle-ci a vendu des adaptateurs électriques de voyage entrant dans le champ de protection d'un brevet de la demanderesse (c. 3.2). Dans le cadre de son action fondée sur l'art. 423 CO, la demanderesse a la charge de prouver le bénéfice brut de la défenderesse. Ce chiffre est inconnu de la demanderesse, raison pour laquelle elle dépend de la défenderesse pour obtenir les informations nécessaires (c. 4.2). L'art. 66 LBI contient une obligation matérielle de fournir des renseignements. L'argumentation de la défenderesse, selon laquelle la demanderesse, ayant elle-même empêché l'administration complète des preuves, agit de mauvaise foi en fourniture de renseignements, ne peut ainsi pas être retenue (c. 4.4). Le droit d'obtenir des renseignements en procédure incidente s'étend à ce qui est nécessaire pour poursuivre la demande principale. Les renseignements visés par ce droit comprennent l'étendue et la durée des actes illicites ou la présentation d'un catalogue des produits vendus. Les renseignements de nature comptable couvrent, quant à eux, le nombre de produits livrés, les coordonnées des acquéreurs (avec nom et adresse), le moment de la livraison et le prix de vente ainsi que les coûts d'acquisition ou de fabrication. La défenderesse n'a contesté aucun des renseignements demandés, mais s'est contentée de faire valoir son impossibilité de communiquer les noms des clients, car ceux-ci n'ont pas été enregistrés lors de la vente des objets litigieux. Le fait que la défenderesse ne dispose pas des noms des acquéreurs des produits litigieux doit toutefois être pris en compte (c. 4.5). L'obligation faite à la défenderesse de fournir les renseignements demandés, y compris les renseignements comptables, est confirmée et doit être assortie de la menace des peines de l'art. 292 CP (c. 5). [JD]