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28 avril 2014

TAF, 28 avril 2014, B-2766/2013 (d)

sic! 10/2014, p. 638 (rés.), « Red Bull / Bulldog » ; motifs relatifs d’exclusion, cercle des destinataires pertinent, degré d'attention faible, risque de confusion indirect, marque verbale, marque notoirement connue, similarité des signes sur le plan visuel, similarité des signes sur le plan sonore, similarité des signes sur le plan sémantique, identité des produits ou services, force distinctive, produits de consommation courante, élément dominant, décision étrangère, boissons, enfant, sportif, anglais, chien, bulldog, taureau, Bull, élément verbal, lettre ; art. 3 al. 1 lit. c LPM.

Les deux marques en cause sont déposées en classe 32 pour divers types de boissons, notamment pour des eaux minérales et gazeuses, des boissons énergétiques, des boissons isotoniques et des boissons aux fruits. Il s’agit de produits de consommation courante, s’adressant notamment aux sportifs, aux adultes et aux enfants, qui sont achetés avec un faible degré d’attention (c. 3.3). Les deux signes sont déposés pour des produits identiques (c. 4). Il s’agit de marques verbales, qui se composent de deux syllabes et de sept lettres. Elles comportent toutes deux l’élément « Bull » et la lettre « D ». Les deux signes sont donc similaires sur les plans graphique, visuel et sonore. La marque « RED BULL » signifie « taureau rouge ». Le terme « taureau » évoque une idée de grande taille, de force et d’agressivité. Le terme « Bulldog » désigne notamment une race de robustes chiens anglais (c. 5.2). Il existe entre les deux signes une concordance suffisante sur les plans visuel, sonore et sémantique, relativement au signe distinctif «Bull », pour qu’on puisse admettre qu’ils sont similaires (c. 5.3). La marque «RED BULL» est connue. L’élément «Bull » est distinctif pour les boissons (c. 6.1). La concordance des deux marques, dans leur élément verbal dominant commun « Bull », est évidente. Vu le caractère dominant de l’élément « Bull » et la notoriété de la marque opposante, le fait que la lecture du nom « Bulldog » évoque une race de chiens n’est pas suffisant pour exclure l’attente de liens économiques. La marque attaquée ne se distingue pas suffisamment de la marque opposante. Il existe un risque de confusion indirect entre les deux marques, les acheteurs étant amenés à supposer qu’il existe des liens économiques entre leurs titulaires (c. 6.2-6.3). La recourante tente sans succès de faire valoir une décision étrangère divergente, rendue dans une autre procédure concernant les mêmes signes (c. 7). Le recours est rejeté (c. 8.1). [SR]

08 mai 2014

TAF, 8 mai 2014, B-4664/2013 (d)

sic! 10/2014, p. 638 (rés.), « Stone / Contimilestone » ; motifs relatifs d’exclusion, degré d’attention moyen, degré d’attention légèrement accru, risque de confusion nié, identités des produits ou services, cercle des destinataires pertinent, signe descriptif, force distinctive faible, élément dominant, similarité des signes sur le plan visuel, similarité des signes sur le plan sonore, similarité des signes sur le plan sémantique, syllabes, anglais, vocabulaire de base anglais, stone, pneus ; art. 3 al. 1 lit. c LPM.

Les deux marques sont déposées pour des marchandises identiques, à savoir des pneus (classe 12) (c. 4). Les pneus sont achetés par des professionnels, par des particuliers et par des entreprises disposant de véhicules à moteur. L’achat de pneus ne constitue pas une opération qui fait partie du quotidien, car il ne se produit pas très souvent et porte sur des marchandises qui se différencient entre elles sur plusieurs points. Il faut donc admettre que les acheteurs font preuve d’un degré d’attention normal à légèrement accru (c. 3.2). Graphiquement, les correspondances entre les deux signes sont faibles : leur longueur est différente, et le mot « stone », que les deux marques ont en commun, passe nettement au second plan dans la marque attaquée, en raison des éléments précédents, dominants, desquels il n’est pas séparé. Sur le plan sonore, il existe des différences marquantes entre les deux marques : si la marque opposante n’est formée que d’un mot, la marque attaquée se compose de deux mots accolés ensemble, et si la marque opposante est monosyllabique, la marque attaquée contient quatre syllabes (c 5.1). En anglais, le terme « stone », qui fait partie du vocabulaire de base compris en Suisse, signifie principalement « pierre », ou « caillou », alors que le terme « milestone » est notamment compris comme signifiant « borne », ou « jalon ». Les sens des deux marques ne coïncident donc pas (c. 5.2). Il est courant de désigner des pneus par des termes exprimant leurs aptitudes spécifiques à rouler sur des revêtements particuliers, comme le sable, la neige ou la glace (c. 6.3). Dans la mesure où la marque opposante est comprise comme une description de la destination des produits qu’elle désigne, en particulier comme une mention d’une aptitude spécifique des pneus à rouler sur des sols pierreux, comme des pavés, des galets, des rochers ou des cailloux, sa force distinctive est fortement réduite (c. 6.4). Pour ces motifs, il n’existe pas de risque de confusion entre les deux marques (c. 7.1). Le recours est rejeté (c. 7.3). [SR]

28 juillet 2014

TAF, 28 juillet 2014, B-4829/2012 (d)

sic! 11/2014, p. 704 (rés.), « Land Rover / Land Glider » ; motifs relatifs d’exclusion, cercle des destinataires pertinent, degré d’attention accru, risque de confusion indirect, marque notoirement connue, force distinctive forte, similarité des produits ou services, similarité des signes sur le plan sonore, similarité des signes sur le plan visuel, similarité des signes sur le plan sémantique, terme descriptif, terme fantaisiste, automobile, anglais, vocabulaire de base anglais, élément verbal ; art. 3 al. 1 lit. c LPM.

La marque opposante est enregistrée pour des véhicules terrestres « Landfahrzeuge » de la classe 12. La marque attaquée est déposée pour des « véhicules électriques (concept car), à l’exception des véhicules à deux roues » (classe 12). Le public pertinent se constitue de concessionnaires et de conducteurs, professionnels et privés (c. 4). Les deux marques en cause désignent des produits similaires (c. 5). Sur le plan sonore, les deux signes, qui ont chacun trois syllabes, partagent le mot « LAND » et la terminaison du deuxième mot « -ER » (c. 6.2). Sur le plan visuel, ils comptent presque le même nombre de lettres et ont une structure commune, se composant d’un premier élément « LAND », puis d’un terme se terminant en « -ER » (c. 6.3). Le terme commun « LAND » appartient au vocabulaire de base anglais, et signifie notamment « terre » ou « terrain ». Il est compris dans cette acception par les destinataires pertinents sans effort de réflexion. La marque attaquée reprend cet élément de la marque opposante (c. 6.4.1). Le mot « ROVER » peut se traduire par « randonneur » ou « vagabond ». Les parties et l’instance précédente admettent que ce terme ne fait pas partie du vocabulaire de base anglais, et n’est donc pas compris par les acheteurs suisses dans son sens lexical sans effort de réflexion. Il doit donc être considéré comme un terme à caractère fantaisiste (c. 6.4.2). Le terme « GLIDER » peut être compris par les acheteurs suisses dans les sens de « Gleiter », « Segelflugzeug » ou « Segler » (c. 6.4.3). Les deux marques n’ont donc un sens commun que relativement à l’élément « Land ». En forçant un peu le trait, le véhicule désigné par la marque opposante se déplace sur le sol, tandis que celui désigné par la marque attaquée « plane », ou « glisse » sur lui (c. 6.4.4). Ainsi, la marque attaquée reprend entièrement la structure de la marque opposante, son premier mot et la terminaison de son deuxième mot. Il existe donc certaines similarités entre les deux signes sur les plans graphique et sonore. Bien qu’ils présentent certaines différences, ces signes sont similaires (c. 6.5). La marque opposante est connue en relation avec les véhicules terrestres, en particulier avec les véhicules tout terrain. Contrairement à ce qu’a considéré l’instance précédente, le fait que le terme « Land » puisse éventuellement, en relation avec les véhicules terrestres, être qualifié de descriptif ne compromet ni le caractère distinctif de la marque, considérée dans son ensemble, ni sa notoriété. En relation avec les véhicules revendiqués, cette marque bénéficie donc d’une force distinctive forte et, par conséquent, d’un périmètre de protection accru (c. 7.1.3). Les véhicules automobiles sont achetés avec un degré d’attention accru (c. 7.2.2). Ce critère, ainsi que les différences de sens établies entre les deux marques, ne suffisent pas, vu le périmètre de protection accru de la marque opposante et la similarité des produits, à écarter l’existence d’un risque de confusion. Il existe en particulier le risque que les acheteurs, en relation avec les véhicules revendiqués, supposent que la marque attaquée constitue une variante de la marque opposante et concluent à tort à l’existence de liens économiques entre les deux marques (c. 7.3). Le recours est admis, et l’enregistrement de la marque « LAND GLIDER » doit être révoqué (c. 8). [SR]

08 août 2014

TAF, 8 août 2014, B-4511/2012 (d)

sic! 12/2014, p. 781 (rés.), « Drossara / Drosiola » ; motifs relatifs d’exclusion, cercle des destinataires pertinent, spécialistes du domaine médical, degré d’attention accru, force distinctive moyenne, force distinctive forte, similarité des produits ou services, similarité des signes sur le plan visuel, similarité des signes sur le plan sonore, marque de série, signe fantaisiste, élément verbal, risque de confusion nié, marque verbale, produits pharmaceutiques, lettre ; art. 3 al. 1 lit. c LPM.

Les deux marques en cause sont enregistrées pour des produits pharmaceutiques en classe 5 (« Pharmazeutische Produkte » pour la marque opposante, « Pharmazeutische Erzeugnisse » pour la marque attaquée). Le public pertinent se compose des milieux spécialisés, comme les pharmaciens et les médecins, et des consommateurs finaux adultes (c. 4.2). Il faut partir du principe que le grand public, lorsqu’il achète un médicament ou un produit pharmaceutique, est en principe plus attentif que lorsqu’il achète un autre produit (c. 4.3). Les deux marques sont enregistrées pour des produits similaires (c. 5). Les deux signes comptent le même nombre de lettres et de syllabes, commencent par le même début « Dros- » et se terminent tous deux par la lettre « a ». Ils ont donc des points communs sur les plans graphique et sonore. Sur le plan sémantique, ils n’ont tous deux aucun sens déterminable (c. 6.2). Ces deux signes sont donc similaires (c. 6.3). La jurisprudence admet généralement l’existence d’un risque de confusion entre deux marques verbales polysyllabiques enregistrées pour des produits pharmaceutiques quand elles ne se distinguent soit que par leur dernière syllabe, soit que par leur syllabe intermédiaire (c. 7.1). Le terme « Drossara » est une désignation fantaisiste. La force distinctive et le périmètre de protection de la marque opposante sont normaux (c. 7.2). L’intimée, titulaire de la marque opposante, invoque que sa marque, ou l’élément « DROSSA », ont une nature sérielle et doivent dès lors bénéficier d’un périmètre de protection étendu (c. 7.3.1). S’il est vrai que l’appartenance à une marque de série peut accroître la force distinctive d’une marque (c. 7.3.2), elle n’a en l’espèce été ni reconnue par la recourante, ni suffisamment établie par l’intimée, qui s’est contentée de produire des enregistrements (c. 7.3.3-7.3.5). Sur les plans sonore et graphique, « -ssara » se distingue de manière non négligeable de « siola ». Cette impression est renforcée si on compare les quatre dernières lettres « -sara » et « -iola ». Vu la force distinctive normale de la marque opposante et le degré d’attention légèrement accru des acheteurs, il faut admettre que ces derniers distinguent les deux marques l’une de l’autre (c. 7.4). Le recours est admis (c. 7.5). [SR]

25 novembre 2014

TAF, 25 novembre 2014, B-3812/2012 (f)

sic! 3/2015, p. 173 (rés.), « (fig.) et Winston Blue (fig.) / FX Blue Style Effects (fig.) » ; motifs relatifs d’exclusion, risque de confusion admis, risque de confusion indirect, identité des produits ou services, similarité des produits ou services, similarité des signes, similarité des signes sur le plan visuel, similarité des signes sur le plan sémantique, marque combinée, marque figurative, marque tridimensionnelle, marque de série, signe fantaisiste, force distinctive moyenne, figure géométrique simple, élément figuratif, acronyme, procédure d’opposition, cause jointe, économie de procédure, cause devenue sans objet et radiée du rôle, spécialiste de la branche du tabac, tabac, cigarette, oiseau ; art. 3 al. 1 lit. c LPM.

La marque attaquée « FX BLUE STYLE EFFECTS » a été déposée en classe 34 pour du tabac et des produits du tabac, en particulier des cigarettes, des articles pour fumeurs, des briquets, allumettes et cendriers. L’intimée a formé deux oppositions contre cet enregistrement, admises par l’autorité précédente. Les deux recours opposant les mêmes parties, concernant des faits de même nature et portant sur des questions juridiques communes, les causes B-3812/2012 et B-3823/2012 sont jointes pour des motifs d’économie de procédure, et un seul arrêt est rendu, sous la référence B- 3812/2012 (c. 2). Les produits du tabac et articles pour fumeurs s’adressent aux spécialistes de ces produits, mais avant tout aux fumeurs, actuels et potentiels, de plus de 16 ans (c. 4.2.2). Il existe une identité de produits en ce qui concerne les cigarettes, et une similarité de produits pour les autres produits revendiqués (c. 5.2). La marque attaquée « FX BLUE STYLE EFFECTS (fig.) » est une marque combinée, alors que la marque opposante 1 est une marque figurative tridimensionnelle (c. 6.2.3.1). Les banderoles de la marque attaquée sont des éléments d’emballage très fréquents sur des paquets de cigarettes et les cercles sont des figures géométriques banales sans caractère distinctif. L’élément figuratif « oiseau », élément unique de la marque opposante 1, est repris dans la marque attaquée. La figure ailée de la marque attaquée se démarque clairement par sa position sur fond clair en dessus de la banderole tout en haut de la partie frontale de l’emballage et constitue par conséquent un élément prépondérant de cette marque dans l’impression d’ensemble de celle-ci. Dans les deux cas, l’oiseau qui vole, les ailes largement déployées, adopte la même direction, soit la tête dirigée vers la droite. Il convient de retenir, à tout le moins, une faible similitude entre les deux marques sur le plan visuel. D’un point de vue sémantique, l’élément verbal « STYLE EFFECTS » (« effets de style ») vise à donner une bonne image du consommateur, qui deviendrait par ce biais une personne jouissant d’un certain charisme. L’acronyme « FX » de la marque attaquée ne présente pas de signification particulière. Enfin, la figure ailée en position de vol qui dégage un sentiment de liberté et de détente et que l’on peut observer dans les deux marques permet de retenir entre celles-ci une certaine similitude sur le plan sémantique (c. 6.2.3.3). Ainsi, la marque attaquée et la marque opposante 1 doivent être considérées comme présentant certaines similarités (c. 6.2.3.4). Pour l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion, il faut avant tout rappeler le caractère commun de la banderole et des éléments verbaux «STYLE EFFECTS » et « BLUE », qui désigne un produit allégé en comparaison avec un produit qui contiendrait davantage de nicotine. Si l’acronyme « FX » et le globe attirent l’attention du consommateur, l’élément prépondérant de la marque consiste dans la figure ailée qui se laisse très volontiers comparer à un aigle en plein vol, ou à tout le moins à un rapace, qui s’oriente vers la droite. Cet oiseau est d’autant plus identifiable qu’il se situe sur la partie supérieure de la face frontale à droite. La marque opposante 1, constituée d’un pygargue à tête blanche, est une marque imaginative et doit ainsi bénéficier d’un champ de protection au moins normal, si bien que les quelques différences avec la marque attaquée ne suffisent pas, face à la prépondérance de la figure ailée, à distinguer les deux marques. Puisque l’oiseau de la marque attaquée, tout comme l’oiseau de la marque opposante 1, est en position de vol, qu’il s’oriente vers la droite et qu’il s’agit selon toute vraisemblance d’un aigle ou d’un autre rapace, il faut admettre qu’il y a à tout le moins un risque de confusion indirect entre les deux marques. Il n’est en effet pas exclu que le public, bien qu’il puisse distinguer les deux signes, présume de l’existence de rapports qui n’existent pas, notamment en pensant à des marques de série (c. 7.2.4). Le recours B- 3812/2012 est rejeté (c. 7.2.5). Compte tenu du rejet de ce recours, le recours B-3823/2012 devient sans objet et la cause doit être radiée du rôle (c. 8). [SR]

FX BLUE STYLE EFFECTS (fig.) (att.)
FX BLUE STYLE EFFECTS (fig.) (att.)
Aigle (fig.)(opp. 1)
Aigle (fig.)(opp. 1)
Winston BLUE (fig.)(opp. 2)
Winston BLUE (fig.)(opp. 2)

09 janvier 2015

KG LU, 9 janvier 2015, DOK 000 006 302 (d)

sic! 6/2015, p. 392-395, « Aquaterra Travel (fig.) » ; motifs relatifs d’exclusion, cercle des destinataires pertinent, risque de confusion admis, similarité des produits ou services, similarité des signes, marque combinée, action en interdiction, risque de récidive, moteur de recherche, Google AdWords, Internet, site Internet, réplique, novae, Afrique, agence de voyages, élément verbal, élément figuratif ; art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 55 al. 1 lit. a LPM, art. 229 CPC.

L’art. 229 CPC régit les conditions auxquelles les faits et moyens de preuve nouveaux sont admis aux débats principaux. Selon l’ATF 140 III 312, c. 6.3.2.3, la phase de l’allégation est close après un double échange d’écritures ou, comme en l’espèce, quand une partie a renoncé à son droit de réplique. Le fait que la plaignante ait renoncé à plaider une deuxième fois ne fait pas perdre aux défendeurs leur droit à s’exprimer une deuxième fois sans restriction et à apporter des novae (c. 3.1). La plaignante a déposé une marque combinée consistant en une image des contours du continent africain avec les mots « Aquaterra Travel ». La marque est employée en relation avec un site Internet dédié à l’organisation de voyages en Afrique (c. 6.1). Dans une campagne « Google AdWords », les défendeurs ont utilisé l’expression « Aquaterra Travel ». De ce fait, leur annonce apparaissait dans les premiers résultats suite à une recherche portant sur cette expression, et renvoyait à leur propre site. L’expression « Aquaterra Travel » apparaissait également dans leur annonce (c. 6.2). Le signe utilisé par les défendeurs est identique à la partie verbale de la marque combinée. L’élément verbal constitue l’élément essentiel de la marque, car une image représentant les contours de l’Afrique n’a pas en elle même une forte valeur de reconnaissance. Les deux signes sont donc similaires (c. 8.2.1). Les deux parties sont actives dans la même branche et dans le même segment de marché. Bien que les défendeurs limitent leurs prestations à Madagascar et que la demanderesse offre ses services dans toute l’Afrique, les deux parties offrent des services similaires (c. 8.2.2). Les arrangements offerts constituent des voyages spéciaux, qui impliquent en principe une planification et une prise de contact avec l’agence concernée et ne sont pas réservés sans réflexion. Cela dit, les cercles de destinataires sont très hétérogènes, et comprennent aussi des personnes inexpérimentées et inattentives. Une recherche peut aisément éveiller l’impression que le site des défendeurs est en relation avec l’offre de la plaignante, d’autant plus que l’annonce des défendeurs commence par l’expression « Aquaterra Travel », en caractères gras. Même si la personne consultant l’annonce remarque ses autres termes, il n’est pas exclu qu’elle puisse conclure à un lien avec la plaignante. Le risque de confusion doit donc être admis (c. 8.2.3). Les défendeurs ont ainsi violé le droit à la marque de la plaignante (c. 8.3). Bien qu’ils aient depuis supprimé leur campagne « Google Adwords » (c. 9.1), il existe un risque de récidive, puisqu’ils ont contesté à plusieurs reprises l’illicéité de leur comportement (c. 9.3). Comme le requiert la plaignante, il leur est dès lors fait interdiction d’utiliser à l’avenir le signe « Aquaterra Travel », sous n’importe quelle forme (c. 12). [SR]

Aquaterra Travel (fig.)
Aquaterra Travel (fig.)

25 août 2015

TF, 25 août 2015, 4A_123/2015 (d)

sic! 1/2016, p. 16-19, « Mipa Lacke + Farben AG / MIPA Baumatec AG » ; droits conférés par la marque, droit absolu, raison de commerce, risque de confusion admis, risque de confusion indirect, recours, force distinctive, identité des produits ou services, similarité des signes, signe fantaisiste, signe descriptif, acronyme, marque internationale, marque verbale, élément verbal, cercle des destinataires pertinent, but social, site Internet, lettres, peinture, couleur, construction, machines, outil ; art. 951 al. 2 CO, art. 956 al. 2 CO, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM.

La recourante et défenderesse, « MIPA Baumatec AG », assure le commerce et la fourniture de services, en lien avec des matériaux de construction, machines et outils de toutes sortes. L’intimée et plaignante,« Mipa Lacke + Farben AG », a pour but la fabrication et le commerce de couleurs et de vernis. Elle est preneuse de licence pour la partie suisse de la marque « mipa », ayant fait l’objet d’un enregistrement international en classe 2 pour des « couleurs, vernis, peintures, produits de conservation du bois et produits antirouilles ». Comme les sociétés anonymes peuvent fondamentalement choisir librement leur raison de commerce, la jurisprudence pose en général des exigences élevées quant à leur capacité à se distinguer des autres raisons de commerce enregistrées. De jurisprudence constante, le Tribunal fédéral protège aussi les raisons de commerce contre les entreprises qui sont actives dans une autre branche. Les exigences sont cependant plus élevées quand deux entreprises, en vertu de leurs dispositions statutaires, peuvent entrer en concurrence ou s’adressent à la même clientèle à un autre titre, ou encore lorsqu’elles sont géographiquement proches (c. 4.2). Les deux raisons de commerce en cause commencent respectivement par les éléments « MIPA » et « Mipa ». C’est à raison que l’instance précédente a considéré que, dans la raison de commerce de la plaignante, l’élément « Mipa » reste en mémoire, d’autant plus que les éléments suivants « Lacke + FarbenAG » constituent des indications purement génériques. Du fait que l’élément « Mipa » est écrit en lettres majuscules et minuscules et qu’il peut être prononcé comme un terme fantaisiste, le public ne peut déterminer de manière évidente s’il est en présence d’un acronyme ou d’une désignation purement fantaisiste. Pour le profane, le terme « Mipa » n’a pas de sens reconnaissable. Le simple fait qu’il se retrouve dans des raisons de commerce de tiers ne veut pas dire qu’il doit rester à libre disposition. Contrairement à ce que soutient la recourante, il ne s’agit pas d’un élément faible sans force distinctive. Comme l’a considéré à raison l’instance précédente, cet élément imprègne fortement la raison sociale de la plaignante et possède une force distinctive correspondante. « Baumatec » ne constitue pas un terme d’usage courant qui figurerait dans un dictionnaire. C’est à raison que l’instance précédente a considéré que l’élément « tec » est fréquemment utilisé en Suisse et aisément associé à la technique, et qu’il est concevable que l’élément « Bau » soit associé à des activités de construction. Elle a en outre considéré, de manière compréhensible, que l’élément verbal « Bauma- » peut éveiller une association avec les termes « Baumaterial » ou « Baumaschinen ». Au vu de ces considérations, elle a exposé de manière convaincante que l’élément « Baumatec » suscite des associations avec les activités de la recourante. Bien qu’il puisse être vrai que l’élément « Baumatec » ne représente pas une indication purement générique pour le public pertinent, l’instance précédente n’a pas violé le droit fédéral en considérant qu’il ne s’agit pas d’un élément prépondérant dans la raison sociale de la défenderesse. En prenant en compte le fait que, selon les constatations de l’instance précédente, les cercles de destinataires pertinents se recoupent partiellement et que les buts sociaux sont partiellement les mêmes, indépendamment de la distance géographique, il existe un risque de confusion accru. Il faut donc admettre comme elle que la raison de commerce de la recourante ne se distingue pas suffisamment de la raison antérieure de l’intimée. Les destinataires pertinents sont, à tout le moins, amenés à admettre à tort qu’il existe un lien juridique ou économique avec cette dernière (c. 4.3.1). L’usage du signe litigieux sur le site Internet de la recourante constitue un usage dans les affaires au sens de l’art. 13 al. 2 lit. e LPM. Aucun sens descriptif de « mipa » n’est manifeste pour les biens revendiqués en classe 2. Le terme apparaît bien plus, pour ces biens, comme une désignation fantaisiste, qui possède une force distinctive. Les couleurs qu’offre la recourante sur son site Internet font partie des produits pour lesquels la marque de la plaignante est enregistrée. Pour l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion, il faut donc tenir compte du fait qu’on est en présence d’une identité de produits, et appliquer des critères particulièrement stricts. En l’espèce, c’est à raison que l’instance précédente a admis l’existence d’un risque de confusion (c. 5.2.2). Le recours est rejeté (c. 6). [SR]

22 janvier 2014

AG BS, 22 janvier 2014, ZK.2014.3 (AG.2014.98) (d) (mes.prov.)

Conditions de la protection du design, mesures provisionnelles, instance cantonale unique, internationalité, for, droit international privé, urgence, délai de péremption, nouveauté en droit des designs, originalité en droit des designs, élément caractéristique essentiel, impression générale, souvenir à court terme, caractère techniquement nécessaire, besoin de libre disposition, étendue de la protection, charnière, parois de douche ; art. 2 LDes, art. 4 lit. c LDes, art. 8 LDes, art. 21 LDes, art. 29 LDes, art. 5 al. 1 lit. a CPC, art. 5 al. 2 CPC, art. 261 al. 1 CPC, art. 10 LDIP, art. 109 al. 2 LDIP.

L’instance cantonale unique compétente en vertu de l’art. 5 al. 1 lit. a CPC pour connaître des litiges portant sur des droits de propriété intellectuelle, y compris en matière de nullité, de titularité, de licence, de transfert et de violation de ces droits, l’est aussi selon l’art. 5 al. 2 CPC pour statuer sur les mesures provisionnelles requises avant litispendance (c. 1.1). Selon l’art. 10 LDIP, sont compétents pour prononcer des mesures provisoires les tribunaux ou les autorités suisses qui sont compétents au fond (lit. a), ou les tribunaux ou les autorités suisses du lieu d’exécution de la mesure (lit. b). La demanderesse fait valoir une violation de droits de propriété intellectuelle pour laquelle la compétence internationale est déterminée par l’art. 109 al. 2 LDIP. Les actions portant sur la violation de droits de propriété intellectuelle peuvent ainsi être intentées devant les tribunaux suisses du domicile du demandeur, ou à défaut ceux du lieu de l’acte ou du résultat. Pour les charnières de cloisons de douche qui seront effectivement présentées dans le cadre de l’exposition internationale Swissbau se tenant à Bâle (et pour celles-là uniquement), Bâle est bien un lieu de résultat fondant la compétence à raison du lieu des tribunaux bâlois (c. 1.2). Pour que des mesures provisionnelles puissent être ordonnées dans le cadre de l’art. 261 al. 1 CPC, il est nécessaire de rendre vraisemblable l’existence d’une prétention de nature civile fondée sur le droit civil matériel, que cette prétention est l’objet d’une atteinte ou risque de l’être et que cette atteinte causerait un préjudice difficilement réparable au titulaire de la prétention. L’art. 261 CPC ne mentionne pas explicitement l’exigence d’une urgence temporelle, ni non plus celle de proportionnalité, les mesures prises ne devant pas aller plus loin que ce qui est nécessaire à la protection de la prétention rendue vraisemblable (c. 2). Il y a urgence lorsque la procédure ordinaire (jusqu’à la décision de l’autorité de dernière instance dans la mesure où un recours est doté d’effet suspensif) durerait clairement plus longtemps que la procédure sur mesures provisionnelles. Les mesures provisionnelles supposent ainsi l’existence d’une urgence relative, les mesures superprovisionnelles, elles, une urgence particulière. Le fait pour un demandeur d’avoir traîné ou attendu pour agir ne conduit en principe au rejet de la requête que si des mesures superprovisionnelles sont demandées. Des mesures provisionnelles peuvent-elles être requises tant et aussi longtemps que demeure le risque que la prétention ne puisse plus être exécutée à temps ou complètement, notamment lorsque de nouvelles atteintes sont à craindre. La passivité n’est assimilée, en lien avec des mesures provisionnelles, à une attente constitutive d’abus de droit, qu’après un temps extrêmement long. Un délai, comme en l’espèce de quelques mois (3-4 mois), ne suffit pas à lever l’urgence relative des mesures provisionnelles, et ne saurait être assimilé à une attente constitutive d’abus de droit (c. 3.2). Pour déterminer l’originalité des charnières pour parois de douche concernées, il convient de comparer l’impression d’ensemble qu’elles dégagent de celle résultant pour leurs acquéreurs potentiels des éléments caractéristiques essentiels des charnières préexistantes (c. 4.3). L’exigence d’originalité implique que le design considéré se différencie par l’impression d’ensemble qu’il suscite de manière objective de ce qui était déjà connu. Un design nouveau et original peut tout à fait être banal s’il se distingue du point de vue de son impression d’ensemble, soit par des éléments caractéristiques essentiels, clairement de ce qui préexistait. La Cour considère que tel est le cas pour la charnière pour paroi de douche de la demanderesse dont elle admet à la foi l’originalité et la nouveauté (c. 4.3.2). Pour que la protection du droit du design entre en ligne de compte, il faut aussi que la forme choisie ne soit pas exclusivement conditionnée par la technique. Le besoin de libre disposition doit ainsi être pris en compte et découle de l’absence de liberté dans la détermination des formes retenues. Le droit exclusif découlant d’un enregistrement de design ne peut et ne doit limiter la concurrence dans le choix de la forme de ses produits que dans la mesure où la forme enregistrée n’est pas la simple expression du but utilitaire recherché et dictée par la fonctionnalité de l’objet de telle façon qu’il ne subsiste aucune liberté de création pour atteindre l’effet technique voulu. Un besoin général de libre disposition doit être nié tant qu’il existe des solutions alternatives permettant d’atteindre le même effet technique. L’existence de formes alternatives suffit pour justifier la protection du design. Des charnières de parois de douche peuvent revêtir une multitude de formes différentes, lesquelles ne sont dès lors pas exclusivement imposées par leur fonction au sens de l’art. 4 lit. c LDes (c. 4.4). Les exigences en matière d’examen de l’originalité au sens de l’art. 2 LDes sont les mêmes que celles concernant la détermination du champ de protection au sens de l’art. 8 LDes. L’impression d’ensemble de l’utilisateur intéressé est ainsi à nouveau déterminante. Il ne s’agit pas de procéder à une comparaison simultanée des designs en cause pour mettre en évidence des ressemblances ou des différences de détail. Le juge doit se concentrer sur les éléments caractéristiques essentiels qui déterminent l’impression d’ensemble et les apprécier en fonction de sa conception propre. De simples différences de détail ne suffisent pas pour que les designs puissent coexister. C’est en fonction du souvenir à court terme que l’acquéreur potentiel conserve des charnières concernées qu’il doit être tranché. La Cour considère que les charnières de la défenderesse reprennent justement l’élément caractéristique essentiel de celles de la demanderesse. La différence de quelques millimètres dans la mesure de la fente des charnières ne modifie pas l’impression d’ensemble qui en résulte. Il en va de même pour les autres détails dans les proportions et la forme des différents éléments constitutifs des charnières, qui ne peuvent être relevés qu’après une comparaison attentive et simultanée des produits, et ne sont pas susceptibles de demeurer dans le souvenir que l’acquéreur potentiel gardera à court terme des deux charnières (c. 5.4). [NT]

Charnière de douche
Charnière de douche

08 juillet 2014

HG ZH, 8 juillet 2014, HG140010 (d)

Raison de commerce, nom géographique, risque de confusion admis, signe appartenant au domaine public, identité des produits ou services, similarité des signes sur le plan sémantique, similarité des signes sur le plan sonore, similarité des signes sur le plan visuel, force distinctive, force distinctive faible, notoriété, cercle des destinataires pertinent, but social, concurrents, immobilier, élément verbal ; art. 956 al. 2 CO.

La demanderesse et la défenderesse sont titulaires de raisons de commerce contenant un nom géographique identique. En tant qu’indication d’origine indirecte, ce nom doit impérativement rester à la libre disposition de tous (c. 6.2). Les deux raisons de commerce en cause se composent d’une combinaison de cette désignation géographique (assortie, chez la défenderesse, du suffixe « - tal ») et de références au domaine d’activité des deux entreprises. Toutes deux se composent donc d’éléments faiblement distinctifs. Dans sa région, la force distinctive de la raison de commerce de la plaignante s’est accrue, en raison de la notoriété qu’elle a acquise suite à sa longue activité et aux efforts publicitaires qu’elle a consentis. En outre, les deux sociétés ont leur siège dans la même ville, toutes deux sont actives dans l’immobilier et elles poursuivent le même but. Elles s’adressent ainsi à la même clientèle et sont des concurrents directs. En raison de ces circonstances, qui accroissent le risque de confusion, de fortes exigences doivent être posées quand à la différenciation des deux signes. Le nom géographique, qui figure au début des deux raisons de commerce, s’avère être l’élément le plus facile à retenir. Le fait que la défenderesse y ajoute le suffixe « -tal » apparaît insignifiant à cet égard, les deux signes restant similaires sur les plans visuel, phonétique et sémantique. Les termes « Immo » (abréviation du mot « Immobilien »), « Bau » et « Verwaltungs » sont associés à des activités immobilières. Le public suisse pertinent garde en mémoire que les deux sociétés offrent dans les environs de la ville concernée des services dans la branche immobilière. L’adjonction du terme« Immo » dans la raison de commerce de la défenderesse ne permet pas de la distinguer suffisamment de celle de la demanderesse. Il manque dans la raison de commerce de la défenderesse un élément permettant de l’individualiser suffisamment pour éviter que subsiste dans la mémoire des destinataires pertinents l’idée erronée que les raisons de commerce des deux parties désignent des entreprises liées économiquement ou juridiquement, offrant des prestations identiques dans la même région. Il existe un risque de confusion entre les deux raisons de commerce (c. 7.2.1.3.2). L’action de la demanderesse, fondée sur l’art. 956 al. 2CO, doit fondamentalement être admise (c. 7.2.2). Par contre, on ne peut contraindre la défenderesse à supprimer l’élément géographique de sa raison sociale (c. 7.2.3). [SR]

26 novembre 2013

HG ZH, 26 novembre 2013, HE130273 (d)

ZR 113/2014, p. 121-125 ; concurrence déloyale, risque de confusion admis, nom de domaine, domaine de premier niveau, domaine de deuxième niveau, transfert de nom de domaine, registre du commerce, raison de commerce, procédure sommaire, force distinctive, impression générale, cercle des destinataires pertinent, élément verbal, immocoach, immocoa.ch, immobilier, Internet, site Internet, siège ; art. 3 al. 1 lit. d LCD, art. 9 al. 1 lit. a LCD, art. 9 al. 1 lit. b LCD, art. 248 lit. b CPC, art. 257 CPC.

La plaignante est inscrite au registre du commerce sous la raison de commerce « Immocoach AG ». Le terme « Immocoach » se compose de manière évidente des éléments « Immo » (diminutif d’« Immobilie ») et « coach » (communément employé comme synonyme d’entraîneur ou conseiller). Ce terme possède une certaine force distinctive, bien qu’elle ne soit pas forte. Il ne s’agit pas d’une dénomination spécifique. Le domaine « www.immocoa.ch » de la défenderesse ne se différencie d’« Immocoach » que par le point qui figure avant le domaine de premier niveau (TLD). Bien que le domaine de deuxième niveau ne s’énonce que comme « immocoa », le public va garder en mémoire le lien avec son TLD et ne va pas percevoir le point comme un élément différenciateur. L’impression d’ensemble que produit le nom de domaine de la défenderesse concorde avec celle qu’éveille le terme « Immocoach » de la demanderesse, et crée un risque d’association entre le site Internet de la défenderesse et l’activité commerciale de la demanderesse, ou laisse en tout cas supposer au public qu’il existe un rapport entre eux. Le risque de confusion est encore favorisé par le recoupement des cercles de destinataires pertinents, surtout du fait que les deux sociétés sont actives dans le domaine de l’immobilier et que la défenderesse exploite une agence à Zurich, au siège de la plaignante. L’activité commerciale de la demanderesse bénéficiant de l’antériorité, la création du risque de confusion, par l’utilisation du domaine « www.immocoa.ch », est déloyale au sens de l’art. 3 al. 1 lit. d LCD (c. 4.4). Le tribunal interdit par conséquent à la défenderesse d’utiliser ce nom de domaine ou d’activer son site web, et lui ordonne de faire procéder au transfert inconditionnel du domaine « www.immocoa.ch » à la plaignante (c. 4.5). [SR]

25 mai 2016

TF, 25 mai 2016, 4A_44/2016 (d)

Design, sauna, recours en matière civile, originalité, fardeau de la preuve, répartition des frais de justice, présomption de la nouveauté du design, présomption de l’originalité du design, arbitraire, appréciation des preuves, milieux spécialisés, élément caractéristique essentiel, maxime des débats, fardeau de l’allégation, production de pièces ; art. 2 LDes, art. 8 LDes, art. 21 LDes, art. 55 al. 1 CPC, art. 106 CPC.

Il n’est pas contraire au principe de la maxime des débats de considérer comme une allégation suffisante au sens de l’art. 55 al. 1 CPC de l’absence d’originalité des designs considérés, la référence à une précédente procédure dans le cadre de laquelle des documents illustrant des supports métalliques de cadres de lits de sauna ont été produits. Il s’agit d’une allégation suffisante du fait que les supports métalliques semblant traverser les cadres de lits de sauna que la recourante a enregistrés comme designs étaient connus des milieux spécialisés du secteur concerné en Suisse déjà avant le dépôt de leur demande d’enregistrement. Le renvoi aux preuves déposées dans le cadre de cette précédente procédure (avec une référence à ses pièces littérales numérotées en particulier) satisfait également à l’exigence de produire les preuves se rapportant aux faits allégués selon l’art. 55 al. 1 CPC (c. 2.2.1). Il n’y a pas d’arbitraire à considérer qu’une illustration produite dans le cadre d’une procédure antérieure a été publiée avant le dépôt des demandes d’enregistrement des designs concernés et qu’elle a également été présentée dans le cadre de cette procédure précédente comme preuve des réalisations déjà disponibles sur le marché et offertes aux consommateurs à ce moment-là (c. 2.2.3). Un design n’est pas original si, par l’impression d’ensemble qu’il dégage, il se distingue uniquement par des caractéristiques mineures d’un autre design qui pouvait être connu des milieux spécialisés du secteur concerné en Suisse (art. 2 al. 3 LDes). La protection d’un design est conditionné au fait que ce dernier soit nouveau et original selon l’art. 2 al. 1 LDes. Tel est le cas lorsque l’impression générale dégagée par la forme considérée se différencie de manière déterminante de celle des produits préexistants du point de vue d’une personne directement intéressée par l’achat de ce type de produits. Les éléments caractéristiques essentiels sont déterminants dans la comparaison des réalisations concernées. Si ces éléments caractéristiques essentiels concordent, l’acquéreur potentiel des produits comparés les considérera comme équivalents tant du point de vue de leur design que de celui de leurs éléments techniquement nécessaires. Un acquéreur potentiel n’est pas attentif aux petites différences de détail, mais les particularités dans la réalisation devraient le frapper et à la rigueur déterminer sa décision d’acheter. Ces critères de jugement permettent de déterminer tant l’étendue du champ de protection au sens de l’art. 8 LDes que si l’exigence d’originalité est satisfaite (c. 2.3.3). En l’espèce, le caractère apparemment traversant des appuis métalliques des cadres de lits de sauna examinés a été considéré à juste titre comme déterminant par l’autorité de première instance. Des différences de détail sur la réalisation concrète des supports de section quadrangulaire plutôt que circulaire, de même que la couleur et le choix des matériaux constituent des caractéristiques mineures qui ne frappent pas l’acquéreur potentiel (c. 2.3.4). Les designs enregistrés ne présentent ainsi pas l’originalité suffisante pour être protégés (c. 2.3.5). Le recours est rejeté. [NT]

13 janvier 2010

TAF, 13 janvier 2010, B-1988/2009 (d)

sic! 6/2010, p. 440 (rés.), « Eau de Lierre (fig.) » ; motifs absolus d’exclusion, signe trompeur, élément secondaire, nom géographique, eau, Lierre, adresse postale, nom de rue, boulevard Saint-Germain, Paris, lieu de fabrication, indication de provenance, restriction à certains produits ou services ; art. 2 lit. c LPM, art. 30 al. 2 lit. c LPM, art. 35 lit. a LPM.

Un signe géographique est trompeur lorsqu’il contient une indication incitant le consommateur à supposer que le produit provient du lieu indiqué alors que tel n’est pas le cas. La majorité des consommateurs assimileront un nom géographique contenu dans une marque à une indication de provenance pour les produits et services considérés (c. 2.1). L’expression « 34 boulevard saint germain » accompagnée du mot « paris5e » est présentée comme une adresse française standard et sera comprise comme telle par le consommateur moyen (c. 4.1). Rien ne s’oppose au fait qu’elle puisse constituer le lieu de distribution aussi bien que de fabrication pour les produits considérés (c. 4.2). Une marque n’est pas seulement propre à induire en erreur lorsqu’elle comporte un signe trompeur immédiatement perceptible, mais également lorsque l’un de ses éléments, même secondaire, est objectivement propre à susciter des idées erronées à propos des produits qu’elle désigne chez une part importante des consommateurs. Le risque de tromperie présenté par un élément écrit en petits caractères existe ainsi dès que le consommateur moyen est capable d’en prendre connaissance (c. 4.3). La marque en cause peut toutefois être enregistrée avec la limitation « Waren französischer Herkunft » (c. 6).

Fig. 59 – Eau de Lierre (fig.)
Fig. 59 – Eau de Lierre (fig.)

02 mai 2017

TF, 2 mai 2017, 4A_565/2016 (f)  

Design, montres, cadran, décision finale, jugement partiel, impression générale, élément caractéristique essentiel, caractère techniquement nécessaire, imitation, similarité des designs, souvenir à court terme, liberté de création, couleurs, expertise privée, étendue de la protection ; art. 90 LTF, art. 2 al. 2 LDes, art. 2 al. 3 LDes, art. 4 lit. c LDes, art. 8 LDes, art. 9 lit. e ODes, art. 3 al. 1 lit. d LCD.  

Une décision intitulée « jugement séparé » constitue une décision finale au sens de l’art. 90 LTF lorsqu’elle met un terme à l’ensemble de la procédure (in casu : rejet intégral tant de la demande que de la demande reconventionnelle) (c. 1.2). L’art. 8 LDes prévoit que la protection d’un design enregistré s’étend aux designs qui présentent les mêmes caractéristiques essentielles et qui, de ce fait, produisent la même impression générale. Les critères de cette disposition peuvent être comparés à ceux utilisés pour établir le caractère d’originalité exigé par l’art. 2 al. 3 LDes (c. 3). Concrètement, le juge doit comparer le design enregistré par le demandeur au design suspecté d’être une imitation tel qu’il est utilisé dans le commerce par le défendeur. Dans un premier temps, le juge doit déterminer les caractéristiques essentielles de chacun de ces designs. Dans un deuxième temps, il lui incombe d’effectuer la comparaison à proprement parler, soit d’examiner si la prétendue imitation présente ou non les mêmes caractéristiques essentielles que le design enregistré et si elle produit, de ce fait, la même impression générale (c. 3.1). Le design est la forme du produit (dans le sens où elle révèle l’apparence de celui-ci) et non pas le produit lui-même. Il s’agit donc de comparer la prétendue imitation avec le design qui fait l’objet de l’enregistrement, c’est-à-dire exclusivement sur la base des représentations ou illustrations figurant au registre (cf. art. 9 lit. e ODes) et non sur la base des modèles effectivement commercialisés par le titulaire de l’enregistrement (c. 3.2). Un design susceptible de revêtir différentes positions doit être déposé puis enregistré dans une position déterminée. Comme il s’agit de se fonder sur ce qui est visible, il est exclu de tenir compte des concepts sous-tendant le design. De même, l’activité créatrice à l’origine du design, le style sous-jacent, le processus de fabrication ou les principes techniques ne peuvent être pris en considération. La valeur du produit n’étant pas un élément du design, la gamme de prix dans laquelle s’insère le produit ne joue aucun rôle au moment de déterminer l’impression générale (c. 3.2). L’impression générale qui se dégage d’un design doit être déterminée en fonction des caractéristiques essentielles du design (soit les éléments qui lui confèrent son empreinte caractéristique), et non sur la base de points de détail. Font partie de ces caractéristiques essentielles principalement les proportions, la disposition des divers éléments composant le design et, dans une certaine mesure, l’originalité des symboles graphiques. Cette énumération n’est pas exhaustive. Une caractéristique ne peut toutefois être qualifiée d’essentielle de manière abstraite, mais seulement en rapport avec le design concret objet de l’examen. Le critère déterminant est l’impression qui subsiste à court terme dans la mémoire d’un acheteur intéressé qui aurait été en mesure de comparer les designs litigieux dans un laps de temps relativement bref, sans toutefois les mettre côte à côte. Les caractéristiques essentielles doivent respecter les exigences du droit au design en ce qu’elles doivent contribuer à la nouveauté du design enregistré (art. 2 al. 2 LDes) et à ce que celui-ci se distingue de manière essentielle des designs existant à la date du dépôt ou de priorité (art. 2 al. 3 LDes). Les caractéristiques qui sont techniquement nécessaires ne sont pas essentielles (cf. art. 4 lit. c LDes). Des éléments à la fois fonctionnels et esthétiques ne sont par contre pas exclus de la protection (c. 3.3). Si les caractéristiques essentielles des designs objets de la comparaison concordent et qu’il en résulte une même impression générale, on est en présence d’une imitation (art. 8 LDes). Pour qu’il y ait imitation, il n’est toutefois pas nécessaire que toutes les caractéristiques essentielles soient reprises. Il suffit que les caractéristiques essentielles imitées ou légèrement modifiées, le cas échéant en combinaison avec d’autres éléments, produisent la même impression générale. Un design particulièrement original bénéficiera d’une sphère de protection plus large qu’un design faiblement original, dont la sphère de protection à l’encontre de formes semblables sera relativement réduite (c. 3.4.1). Si l’impression générale de similitude est retenue, peu importe qu’un nombre significatif de détails diffère par rapport à un design antérieur. Les détails peuvent toutefois jouer un rôle plus important dans les secteurs où la possibilité de création est restreinte. Dans ces domaines, il faut tenir compte du fait que les destinataires du produit consacrent plus d’attention au détail et que la perception des acheteurs est influencée par cette circonstance. Les différences de couleurs ne sont pas déterminantes, à tout le moins lorsque le design est déposé en noir et blanc. L’adjonction d’une marque ne modifie en principe pas l’impression générale, pas plus que l’utilisation d’un autre matériau, à moins que ces apports ne contribuent à donner une impression différente à l’aspect extérieur du produit (c. 3.4.2). Pour décider si un design se distingue suffisamment d’un autre design, ce qui est une question de droit, il n’y a pas lieu de se fonder sur l’opinion de spécialistes. S’agissant des déclarations contenues dans une expertise privée ou faites en audience par l’expert-témoin, celles-ci sont considérées comme de simples allégations d’une partie (c. 3.4.3). Dans le domaine de l’horlogerie, l’emploi d’une lunette de forme circulaire est parfaitement banal et les modèles floraux sont très répandus. Ces éléments ne confèrent donc pas leur empreinte caractéristique aux designs considérés dans le cas particulier, et la perception par l’acheteur potentiel d’une ressemblance s’agissant de ces éléments est sans incidence sur l’impression générale déterminante qui n’est pas la même du moment que les caractéristiques essentielles des designs comparés ne concordent pas (c. 4.2). In casu, l’acheteur potentiel sera d’autant plus attentif aux différences marquées entre les caractéristiques essentielles des deux designs qu’il est en présence de produits fabriqués par un secteur de l’industrie dans lequel une multitude de nouveaux objets sont développés et produits chaque année. Force est ainsi de constater que les caractéristiques essentielles des designs comparés ne concordent pas et que l’impression générale qui se dégage de chacun d’eux n’est pas la même, de sorte que le design du modèle comportant une marguerite sur son cadran ne saurait être qualifié d’imitation du design du modèle de la demanderesse dont le motif principal consiste en un soleil qui s’étend sur la quasi-totalité du cadran (c. 4.2). Une comparaison portant sur le concept à l’origine des produits (indication des heures par le biais d’un papillon placé sur une des pétales en mouvement de la fleur ornant le cadran pour le défendeur, indication de l’heure au moyen de pétales (ou de rayons du soleil) qui s’illuminent progressivement sur le cadran pour le demandeur) n’a pas lieu d’être, l’examen devant se limiter à une comparaison optique des deux designs (c. 4.4). Le fait que deux designs produisent une impression générale différente est insuffisant à écarter automatiquement tout risque de confusion au sens de l’art. 3 al. 1 lit. d LCD. Un risque de confusion indirect peut en effet subsister si l’auteur a fait naître l’idée que deux produits, en soit distincts, proviennent de la même entreprise (c. 5.1). Le fait que chacune des parties ait apposé sa marque sur ses produits tend à exclure le risque de confusion (c. 5.2). Le recours est rejeté. [NT]

Fig. 1074a
Fig. 1074a
Fig. 1074b
Fig. 1074b
Fig. 1074c
Fig. 1074c
Fig. 1074d
Fig. 1074d

07 mai 2019

TF, 7 mai 2019, 4A_510/2018 (d)  

TECTON/DEKTON, droit des marques, droit de la personnalité, droit au nom, raison de commerce, raison sociale, action en constatation de la nullité d’une marque, action en interdiction, motifs d’exclusion relatifs, similarité des produits ou services, similarité des signes sur le plan sonore, similarité des signes sur le plan visuel, similarité des raisons de commerce, élément caractéristique essentiel, élément dominant, degré d’attention légèrement accru, cercle des destinataires pertinent, risque de confusion direct, risque de confusion indirect, service de construction, matériaux de construction, usage de la marque, usage à titre de marque, fait notoire, fardeau de la preuve ; art. 8 CC, art. 29 al. 2 CC, art. 951 al. 1 CO, art. 956 CO, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 11 al. 2 LPM, art. 11 al. 3 LPM, art. 12 al. 1 LPM, art. 13 al. 2 LPM, art. 151 CPC.

Un risque de confusion existe au sens de l’art. 3 al. 1 LPM lorsqu’un signe plus récent porte atteinte à la force distinctive d’une marque antérieure. Tel est le cas lorsqu’il doit être craint que les cercles des destinataires pertinents soient induits en erreur par la similitude du signe et que les produits ou les services portant l’un ou l’autre des signes soient attribués au mauvais titulaire de la marque (risque de confusion direct) ou au cas où le public fait la différence entre les deux signes, s’il déduit de leur ressemblance l’existence de liens en fait inexistants, en particulier s’il croit y voir des marques de séries qui désignent les différentes lignes de produits de la même entreprise ou de différentes entreprises économiquement liées entre elles (risque de confusion indirect). Pour trancher du risque de confusion entre des marques, c’est l’impression d’ensemble que celles-ci laissent dans le souvenir du consommateur qui est déterminante. Plus un signe s’est imposé de manière forte dans le commerce, plus son champ de protection est large et plus les produits pour lesquels les marques sont enregistrées sont proches, plus le risque que des confusions interviennent est élevé et plus le signe le plus récent doit se différencier nettement des signes antérieurs pour bannir tout risque de confusion. La vérification de l’existence d’un tel risque de confusion est une question de droit. Le TF examine ainsi en particulier librement comment a été établi le cercle des destinataires pertinent des produits ou services enregistrés et – pour les biens de consommation courante – comment les destinataires perçoivent le signe en fonction du degré d’attention qui peut être attendu d’eux (c. 2.1). Après l’écoulement du délai de carence de 5 ans de l’art. 12 al. 1 LPM, une marque n’est protégée que dans la mesure où elle est effectivement utilisée en relation avec les produits et les services enregistrés (au sens de l’art. 11 al. 1 LPM). L’objet de l’utilisation à titre de marque doit en outre concorder avec l’objet de la protection à titre de marque. La marque doit dès lors fondamentalement être utilisée telle qu’elle est enregistrée puisque ce n’est qu’ainsi qu’elle pourra déployer l’effet distinctif qui correspond à sa fonction. L’art. 11 al. 2 LPM admet cependant que l’usage d’une forme de la marque ne divergeant pas essentiellement de celle qui est enregistrée suffit pour maintenir le droit. Il convient alors que l’identité du noyau distinctif de la maque qui en détermine l’impression d’ensemble soit conservée et qu’en dépit de l’utilisation différente qui en est faite, le caractère distinctif de la maque demeure. Cela n’est le cas selon la jurisprudence du TF que lorsque le commerce, malgré sa perception des différences, met l’impression d’ensemble dégagée par le signe différent utilisé sur le même plan que celle de la marque enregistrée et voit ainsi encore et toujours la même marque dans la forme utilisée. Il faut donc se demander si le commerce voit dans la forme enregistrée et la forme utilisée un seul et même signe et n’attribue aucun effet distinctif propre aux éléments modifiés, ajoutés ou abandonnés. Les exigences d’identité des signes lorsqu’elles concernent l’élément central (« Kernbereich ») de la marque sont ainsi bien plus élevées que dans le cadre de l’examen d’une confusion. Enfin, l’usage destiné à maintenir le droit ne suppose pas que le titulaire de la marque utilise lui-même le signe en relation avec les produits ou les services enregistrés. L’usage de la marque auquel le titulaire consent est assimilé à l’usage par le titulaire selon l’art. 11 al. 3 LPM (c. 2.3.1). Une utilisation de la marque avec des éléments descriptifs additionnels qui ne font pas disparaître l’identité de l’élément caractéristique central de celle-ci, soit in casu le vocable « tecton », vaut usage de la marque, le commerce voyant un seul et même signe entre la marque enregistrée et la forme sous laquelle elle est utilisée. Il ne saurait être exigé du titulaire de la marque qu’il fasse du marketing, mais uniquement qu’il utilise effectivement sa marque. Ce qui est déterminant est l’existence d’un usage conforme de la marque au sens de l’art. 11 LPM. Il ne saurait être considéré qu’un usage de la marque sur des cartes de visite, la home page du site de la société ou des documents de présentation de celle-ci, sur des véhicules ou des bâtiments ne serait pas sérieux (c. 2.3.1.3). Le cercle des destinataires pertinents pour des travaux de couverture et de construction offerts sous les marques « tecton » et « tecton (fig.) » sont des acheteurs privés et publics du domaine du bâtiment auxquels les prestations du titulaire de la marque sont généralement présentées par un architecte. Aucune des marques litigieuses ne vise exclusivement des professionnels. Du moment que les prestations offertes par le titulaire de ces marques dans le domaine de la construction ne se rapportent pas à des besoins courants, un degré d’attention légèrement accru peut être attendu de leurs destinataires. Il ne suffit toutefois pas à exclure l’existence d’un risque de confusion (c. 2.3.2). Un risque de confusion direct entre les deux signes doit être admis. En effet, ces derniers, respectivement en tout cas leurs éléments caractéristiques essentiels « tecton » et « dekton » sont si semblables tant sur les plans visuel que sonore qu’ils sont susceptibles d’être confondus même par ceux qui feraient preuve d’un degré d’attention légèrement accru, par exemple en étant perçus comme résultant de simples fautes de frappe. Dans la mesure où des produits semblables sont offerts sous ces désignations, un risque de confusion est sans autre donné, de sorte que le signe le plus récent doit se voir dénier la protection à titre de marque (c. 2.3.3). Il y a similitude entre des services d’une part et des produits d’autre part lorsqu’il existe un lien commercialement usuel entre eux dans le sens où les deux sont typiquement offerts par les mêmes entreprises comme constituant un paquet de prestations unique (c. 2.3.4). Tel est le cas entre des matériaux de construction comme produits de la classe 19, d’une part, et des travaux de construction, de réparation et d’installation en tant que services de la classe 37, d’autre part. Le tout constitue en effet du point de vue de l’acheteur un paquet de prestations cohérent impliquant qu’une similitude soit admise au sens de l’art. 3 al. 1 lit. c LPM (c. 2.3.4.1-2.3.4.5). Selon l’art. 13 al. 1 LPM, le droit à la marque confère à son titulaire le droit exclusif de faire usage de la marque pour distinguer les produits enregistrés. Le titulaire peut, selon l’art. 13 al. 2 LPM ; interdire à des tiers l’usage d’un signe exclu de la protection en vertu de l’art. 3 al. 1 LPM. L’action en interdiction que le titulaire déduit de l’art. 13 al. 2 LPM découle de son enregistrement au registre des marques et vaut pour toute la Suisse (c. 3). Il en va de même pour la protection de la raison sociale d’une société commerciale (c. 4.4). Une prétention à la protection du nom, selon l’art. 29 al. 2 CC, suppose que le titulaire du nom soit lésé par l’usurpation qu’en fait un tiers. Tel est le cas lorsque cette dernière occasionne un risque de confusion ou de tromperie ou lorsqu’elle est de nature à susciter par une association d’idées dans l’esprit du public l’existence de liens en fait non avérés entre le titulaire du nom et celui qui l’usurpe. Le titulaire peut ainsi être lésé du fait que l’association d’idées suggère une relation qui n’existe pas, que le titulaire n’admet pas et qu’il est raisonnablement fondé à ne pas admettre. Il n’y a pas usurpation seulement en cas de reprise injustifiée de l’entier du nom d’un tiers, mais aussi de l’élément caractéristique essentiel de celui-ci, lorsqu’il en résulte un risque de confusion (c. 5.2). La portée matérielle et spatiale de la protection du nom se détermine en fonction d’utilisations concrètes de ce nom et de ses répercussions effectives. Comme la portée de la protection du nom dépend de l’activité effectivement déployée sur un certain territoire respectivement, pour ce qui est du risque de confusion, des contacts avec certains adressataires, elle ne peut être déterminée sur la seule base de l’enregistrement au registre du commerce. Si un extrait du registre du commerce est un fait notoire au sens de l’art. 151 CPC, il ne permet pas de déterminer si la société exerce bien aussi son activité statutaire au lieu de son siège. Pour admettre une violation du droit au nom, il convient de vérifier dans quelle mesure son titulaire l’utilisait sur le territoire concerné et est par conséquent lésé par l’usurpation dont il se plaint (c. 5.5). Le recours est partiellement admis. [NT]

21 août 2018

TAF, 21 août 2018, B-1294/2017 (d)

sic! 3/2019, p. 168 (rés.)  « One&only (fig.) » ; Motif d’exclusion absolu, signe appartenant au domaine public, signe combiné grand public, vocabulaire de base anglais, one, only, langue étrangère anglaise, signe banal, signe laudatif, élément graphique, élément verbal, égalité de traitement ; art. 8 Cst., art. 2 lit. a LPM.

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ONE&ONLY (fig.)

Demande d’enregistrement N° 1 234 972 « ONE&ONLY (fig.) »


Liste des produits et services revendiqués

Classe 29 : Lait, boissons nutritionnelles à base de lait et lait aromatisé ; milk-shakes ; lait en poudre aromatisé pour la confection de boissons ; mélanges pour boissons et sirops aromatisés sous forme de liquide ou de poudre pour la préparation de milk-shakes ; mélanges pour boissons et sirops aromatisés sous forme de liquide ou de poudre pour la préparation de boissons alimentaires à base de lait.


Classe 30 : Café moulu, café en grains et café prêt à boire ; cacao, thé (tisanes et autres thés) ; café, thé, cacao et expresso (boissons), ainsi que boissons à base de café et/ou d’expresso ; vanille et chocolat en poudre ; crèmes glacées, glaces alimentaires, sorbets, glaces à l’eau et confiseries glacées ; mélanges pour boissons et sirops aromatisés sous forme de liquide ou de poudre pour la préparation de café, thé, cacao et expresso (boissons).


Classe 32 : Eaux, eaux minérales, eaux gazeuses, eaux aromatisées ; boissons sans alcool, en particulier boissons rafraîchissantes, boissons aux fruits et jus de fruits ; mélanges pour boissons et sirops aromatisés sous forme de liquide ou de poudre pour la préparation de boissons sans alcool gazeuses et non gazeuses, en particulier eaux aromatisées, boissons aux fruits et jus de fruits ; boissons gazeuses sans alcool et boissons pétillantes à base de jus de fruits et de fruits ; bières.

Cercle des destinataires pertinent

Le cercle des destinataires pertinent est composé du grand public et des milieux spécialisés (c. 4).

Motif absolu d’exclusion examiné 

signe appartenant au domaine public, art. 2 lit. a LPM.

Conclusion

La combinaison « ONE & ONLY », comprise en anglais sans difficulté comme « one & only » est comprise comme vantant les qualités des produits revendiqués (c. 5.4). Il s’agit même d’un signe fortement laudatif. Ni les couleurs utilisées ni la forme de l’élément graphique qui fait penser à une étiquette ne frappent la mémoire. La présentation graphique de l’élément verbal est également banale, malgré une touche artistique dans la police et la position de l’esperluette. Le signe « ONE & ONLY (fig.) » appartient donc au domaine public, les éléments graphiques n’arrivant pas à modifier l’impression d’ensemble qui s’en dégage (c. 7.5). La marque verbale « ONE &ONLY » (n° 518 595), enregistrée en 2004, ainsi que d’autres marques déposées depuis plus de 8 ans sont trop anciennes pour permettre une comparaison (c. 8.3 et 8.6). Les marques déposées pour des produits ou services non comparables ne peuvent pas répondre aux hautes exigences relatives à l’égalité de traitement et ne peuvent entrer dans la comparaison (c. 8.4). [YB]