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  • Décision

13 janvier 2012

TAF, 13 janvier 2012, B-3637/2011 (i)

Décision incidente, procédure d'opposition, Tribunal administratif fédéral, recours, irrecevabilité, objet du recours, préjudice irréparable ; art. 46 al. 1 PA, art. 23 al. 1 lit. b LTAF.

Le TAF, statuant à trois juges, ayant déjà, par arrêt du 6 mai 2011, déclaré irrecevable un recours concluant à l'annulation d'une décision incidente de l'IPI et à ce que le courrier de l'intimée du 30 juin 2010 soit écarté du dossier de l'IPI (cf. TAF, 6 mai 2011, B-6585/2010 [N 484, vol. 2007-2011]), il se justifie que le juge instructeur, statuant en tant que juge unique, déclare manifestement irrecevable au sens de l'art. 23 al. 1 lit. b LTAF un nouveau recours concluant à l'annulation d'une nouvelle décision incidente de l'IPI et, de nouveau, à ce que le courrier de l'intimée du 30 juin 2010 soit écarté du dossier de l'IPI car, bien que la décision attaquée ne soit pas la même, l'objet du recours n'a pas changé (c. 1). La décision incidente (c. 2) attaquée — dans laquelle l'IPI indique vouloir fonder sa décision (finale) sur l'opposition notamment sur le courrier de l'intimée du 30 juin 2010 — n'est pas susceptible de causer un préjudice irréparable aux recourants au sens de l'art. 46 al. 1 lit. a PA (c. 2.1). Par ailleurs, l'admission du recours contre cette décision incidente ne serait pas susceptible de conduire immédiatement à une décision finale permettant d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 46 al. 1 lit. b PA), car elle conduirait uniquement à l'annulation de la décision incidente et à l'élimination du courrier de l'intimée du dossier de l'IPI ; elle ne permettrait pas au TAF de rendre une décision (finale) sur l'opposition, à la place de l'IPI (c. 2.2). [PER]

13 février 2013

TFB, 13 février 2013, O2012_036 (d)

sic! 12/2013, p. 770-772, « Reiseadaptateur » ; violation d’un brevet, adaptateur électrique de voyage, action en fourniture de renseignements, obligation de renseigner, injonctions sous menace des peines de l’art. 292 CP, décision incidente ; art. 423 CO, art. 66 lit. b LBI, art. 292 CP.

La demanderesse, dans sa demande principale, requiert la remise du gain de la défenderesse, car celle-ci a vendu des adaptateurs électriques de voyage entrant dans le champ de protection d'un brevet de la demanderesse (c. 3.2). Dans le cadre de son action fondée sur l'art. 423 CO, la demanderesse a la charge de prouver le bénéfice brut de la défenderesse. Ce chiffre est inconnu de la demanderesse, raison pour laquelle elle dépend de la défenderesse pour obtenir les informations nécessaires (c. 4.2). L'art. 66 LBI contient une obligation matérielle de fournir des renseignements. L'argumentation de la défenderesse, selon laquelle la demanderesse, ayant elle-même empêché l'administration complète des preuves, agit de mauvaise foi en fourniture de renseignements, ne peut ainsi pas être retenue (c. 4.4). Le droit d'obtenir des renseignements en procédure incidente s'étend à ce qui est nécessaire pour poursuivre la demande principale. Les renseignements visés par ce droit comprennent l'étendue et la durée des actes illicites ou la présentation d'un catalogue des produits vendus. Les renseignements de nature comptable couvrent, quant à eux, le nombre de produits livrés, les coordonnées des acquéreurs (avec nom et adresse), le moment de la livraison et le prix de vente ainsi que les coûts d'acquisition ou de fabrication. La défenderesse n'a contesté aucun des renseignements demandés, mais s'est contentée de faire valoir son impossibilité de communiquer les noms des clients, car ceux-ci n'ont pas été enregistrés lors de la vente des objets litigieux. Le fait que la défenderesse ne dispose pas des noms des acquéreurs des produits litigieux doit toutefois être pris en compte (c. 4.5). L'obligation faite à la défenderesse de fournir les renseignements demandés, y compris les renseignements comptables, est confirmée et doit être assortie de la menace des peines de l'art. 292 CP (c. 5). [JD]

« Tarif commun 3a complémentaire » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif 3a complémentaire, décision sur recours, instructions impératives à l’autorité précédente, divertissement de fond ou d’ambiance, divertissement ciblé, équité du tarif, forfait, redevance de réception radio, redevance de réception TV, effet rétroactif, entrée en vigueur rétroactive, approbation des tarifs rétroactive, introduction d’une redevance, édition du dossier, effets de la décision d’approbation, hôtellerie, logement de vacances ; art. 26 al. 1 Cst., art. 61 al. 1 PA, art. 46 LDA, art. 47 LDA, art. 60 LDA, art. 83 al. 2 LDA, art. 68 LRTV ; cf. N 27 (vol. 2007-2011 ; TF, 19 juin 2007, ATF 133 II 263 ; sic! 10/2007, p. 722-735, « MP3-Player II » ; JdT 2007 I 146) ; N 601 (vol. 2012- 2013 ; CAF, 17 novembre 2011) ; N 603 (vol. 2012-2013 ; TAF, 3 janvier 2012, B-1769/2010 ; medialex 2/2012, p. 107-109 (rés.), « Tarif A télévision (Swissperform) ») ; N 609 (vol. 2012-2013 ; TF, 13 novembre 2012, 2C_580/2012 ; sic! 3/2013, p. 154-157, « GT 3a » ; medialex 1/2013, p. 49-50 ; N 611 (vol. 2012-2013 ; CAF, 30 novembre 2012) ; N 790 (TAF, 14 mars 2014, B-6540/2012 ; sic! 10/2014, p. 618-623, « Zusatztarif zumGT 3a ») , N 802 (TAF, 8 juillet 2015, B-3865/2015, « Tarif commun 3a complémentaire ») et N 1040 (TF,13 décembre 2017, 2C_685/2016, 2C_806/2016).

En vertu de l’art. 61 al. 1 PA, une décision de renvoi du TAF est contraignante pour la CAF. Si le renvoi est effectué avec la formule « pour nouvelle décision dans le sens des considérants », le caractère impératif s’étend aux considérants. La CAF ne doit donc plus se prononcer sur la base légale du tarif et sur la possibilité d’établir un tarif séparé (c. 3). Dans le cadre de son arrêt du 14mars 2012 (recte : 2014) (cf. N 790), le TAF a estimé que l’utilisateur au sens du droit d’auteur, en cas de réception d’émissions dans des chambres d’hôtel, n’était pas le client,mais l’hôtelier. Il ne s’agit pas de simple divertissement de fond ou d’ambiance, mais de divertissement ciblé dûment choisi, ce qui pourrait plaider pour une utilisation plus intensive.Cependant, les émissions ne sont pas regardées longtemps et elles profitent à un plus petit nombre de personnes qu’en cas de diffusion dans un magasin, par exemple. Dans le cadre d’un tarif qui doit couvrir un grand nombre de situations, une réglementation forfaitaire est justifiée (c. 10). Une probable évolution technologique, qui rendrait désuète la réception d’émissions au moyen d’appareils radio / TV, n’a pas à être prise en compte pour juger de l’équité du tarif (c. 11). Ni la redevance selon l’art. 68 LRTV, ni les droits de retransmission payés par les câblodistributeurs n’empêchent un tarif de droits d’auteur et de droits voisins pour la réception d’émissions dans des chambres d’hôtel (c. 12). Dans le cadre d’un tarif forfaitaire, il n’est pas inéquitable que les exploitants de logements de vacances soient traités comme les hôteliers (c. 13). Un moyen de preuve concernant une question tranchée par le TAF (qui lie la CAF) n’est pas pertinent (c. 14). La question de l’entrée en vigueur du tarif, éventuellement rétroactive, relève du contrôle de l’équité (c. 16). Selon l’ATF 133 II 263 (cf. N 27, vol. 2007-2011, c. 11.2), l’entrée en vigueur rétroactive d’un tarif se décide au cas par cas, en fonction des circonstances de fait et de droit et des différents intérêts en présence. Il semble s’agir d’un examen sui generis, fondé sur d’autres critères que ceux concernant l’effet rétroactif dit « véritable » des actes administratifs, qui fait appel à deux éléments : d’une part la prévisibilité de l’obligation de payer, d’autre part le fait de pouvoir raisonnablement exiger des utilisateurs qu’ils provisionnent les montants litigieux. Les conditions de l’absence d’inégalités choquantes et de l’absence d’atteintes à des droits acquis sont également à observer, car elles valent dans tous les domaines du droit administratif. Le critère de la prévisibilité implique nécessairement une rétroactivité limitée dans le temps, à déterminer en fonction des circonstances du cas particulier. Enfin, le principe de la proportionnalité, fondamental en droit administratif, doit être respecté. Lorsque la CAF a approuvé un tarif, les utilisateurs doivent compter avec l’entrée en vigueur de ce tarif,même lorsque la décision d’approbation fait l’objet d’un recours avec effet suspensif. Sous l’empire de l’aLDA, l’entrée en vigueur et l’application rétroactives d’un tarif étaient exclues, car la loi ne consacrait que des droits exclusifs, si bien que les utilisations ne pouvaient pas être entreprises sans qu’un tarif soit applicable (c. 22). Aujourd’hui, l’art. 83 al. 2 LDA et la jurisprudence du TF dans l’affaire 2A. 142/173/174/1994 du 24 mars 1995 montrent que la procédure d’approbation tarifaire ne doit pas conduire à des périodes d’utilisations sans redevances, cela aussi bien dans le domaine des droits exclusifs que dans celui des droits à rémunération. Sinon le droit de la gestion collective interférerait sur le droit d’auteur matériel, qui est couvert par la garantie de la propriété au sens de l’art. 26 al. 1 Cst. (c. 23). La CAF a déjà accepté l’entrée en vigueur rétroactive d’un tarif, par sa décision du 17 novembre 2011 (cf. N 601, vol. 2012-2013) (c. 25). La doctrine va dans le même sens (c. 26). Il faut distinguer l’approbation avec effet rétroactif d’un tarif en première instance et l’entrée en vigueur rétroactive d’un tarif suite à une procédure de recours. En l’espèce, cette procédure de recours concerne un tarif complémentaire, ayant pour but de compléter un tarif commun dont la durée est limitée à quelques années. Si l’on excluait l’entrée en vigueur rétroactive d’un tarif complémentaire suite à une procédure de recours (qui peut durer deux à trois ans), l’institution même des tarifs complémentaires pourrait devenir obsolète. La procédure d’approbation tarifaire (y compris les éventuels recours) ne doit pas être un moyen d’obtenir des périodes d’utilisation gratuites, sinon les recours deviendront la règle (et la gestion collective ira à l’encontre de ce que permet la gestion individuelle). De plus, les autorités ne doivent pas être livrées aux circonstances de chaque cas particulier pour déterminer si d’autres moyens que l’effet rétroactif (comme un supplément sur la redevance courante) sont admissibles ou non (c. 27). Depuis la première décision de la CAF (cf. N 611, vol. 2012-2013) les utilisateurs devaient compter avec l’introduction d’une redevance. Admettre une réalisation de la condition de prévisibilité seulement si un tarif antérieur existait déjà ne découle ni de l’art. 83 al. 2 LDA, ni de la jurisprudence, en particulier de l’arrêt du TAF du 3 janvier 2012 (cf.N 603, vol. 2012- 2013) (c. 28). D’autre part, on pouvait raisonnablement exiger des utilisateurs qu’ils provisionnent les montants litigieux,même si leurs associations avaient fait recours en contestant la base légale du tarif (c. 29). La longueur de la procédure n’est pas seulement imputable aux sociétés de gestion. Par sa prise de position concernant l’effet suspensif dans la procédure de recours, Hotellerie-suisse a montré qu’elle était consciente du risque que le tarif entre en vigueur rétroactivement (c. 30). Enfin, l’effet rétroactif ne cause pas d’inégalités choquantes ou de distorsions dans les rapports de concurrence, et il ne porte pas atteinte à des droits acquis.Compte tenu des circonstances de fait et de droit et des différents intérêts en présence, il est admissible que le tarif entre en vigueur au 1er janvier 2013. Le TAF a d’ailleurs déjà admis un effet rétroactif d’environ deux ans (cf. N 603, vol. 2012-2013) (c. 31). L’édition du dossier de la procédure de recours devant la CAF n’est pas recevable, car la requérante n’indique pas pour quelles questions concrètes elle entend se prévaloir de ce dossier. De plus, le TAF a probablement déjà retourné les pièces aux parties et il n’est pas sûr que la CAF ait les moyens juridiques d’exiger une telle édition (c. 33). Le TC 3a complémentaire est donc approuvé.Mais, comme les associations d’utilisateurs peuvent difficilement recourir sans disposer de la décision motivée par écrit, il convient de préciser que cette décision ne prendra effet qu’à l’échéance du délai de recours (c. 35). [VS]

04 juin 2015

TF, 4 juin 2015, 2C_394/2015 (d)

sic! 10/2015, p. 603-605, «Tarif A Fernsehen II (Swissperform) » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif A télévision, recours en matière de droit public, décision de renvoi, décision finale, décision partielle, décision préjudicielle, décision incidente, marge décisionnelle, préjudice irréparable ; art. 90 LTF, art. 91 LTF, art. 92 LTF, art. 93 LTF ; cf. N 798 (TAF, 30 mars 2015, B-1298/2014).

Le recours au TF est recevable contre les décisions finales, c’est-à-dire contre celles qui mettent fin à la procédure d’après l’art. 90 LTF. Il est aussi recevable contre les décisions partielles au sens de l’art. 91 LTF, et contre les décisions préjudicielles et incidentes si les conditions des art. 92 et 93 LTF sont remplies. Les décisions de renvoi sont en principe des décisions incidentes, car elles ne mettent pas fin à la procédure. Il en va différemment lorsque l’autorité précédente, à laquelle l’affaire est renvoyée, n’a pas de marge décisionnelle et que le renvoi sert uniquement à la mise en application (purement mathématique) des instructions de l’autorité supérieure. Dans une telle hypothèse, la décision de renvoi est une décision finale. Vu le but de l’art. 93 LTF, il faut toutefois admettre une telle décision finale seulement s’il est exclu que le TF doive se prononcer une deuxième fois sur l’affaire en cause (c. 2.1). En l’espèce, le TAF a renvoyé l’affaire à la CAF pour qu’elle fixe l’indemnité tarifaire et se prononce sur son caractère équitable. La tâche de la CAF va ainsi au-delà de la simple mise en application mathématique des instructions de l’autorité supérieure. Il n’y a donc pas de décision finale (c. 2.2.1). L’arrêt du TAF n’est pas non plus une décision partielle au sens de l’art. 91 LTF. Certes, selon l’ampleur du rejet du recours par le TAF, certains aspects du tarif seront tranchés définitivement. Mais, pour les points qui restent litigieux, il n’y a justement pas de décision mettant fin à la procédure. Il y a un renvoi, qui impliquera que la CAF se prononce à nouveau avec une certaine marge de liberté décisionnelle. Pour les aspects demeurés litigieux, l’arrêt du TAF est donc une simple décision incidente, qui ne peut être attaquée au TF que si les conditions de l’art. 93 LTF sont remplies (c. 2.2.2). Or, tel n’est pas le cas. En effet, d’une part il n’est ni avéré ni démontré que l’admission du recours conduirait à une décision finale permettant d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse ; d’autre part, la décision de renvoi ne cause aucun préjudice irréparable à la recourante : la CAF devra réexaminer l’affaire avec une certaine marge décisionnelle et, s’agissant des aspects restés litigieux, le TAF n’a pas approuvé le tarif. Par conséquent, la recourante n’aura pas à payer des redevances sur la base d’une appréciation juridique qu’elle conteste (c. 2.3). [VS]

27 novembre 2014

TF, 27 novembre 2014, 4A_585/2014 (d)

sic! 3/2015, p. 175-176, « Bergsteigen im Flachland » ; décision incidente, pouvoir de cognition, compétence matérielle, mesures provisionnelles, assistance judiciaire, recours, préjudice irréparable, dommage ; art. 29 al. 1 LTF, art. 93 LTF ; cf. N 785 (HG ZH, 18 septembre 2014, HE140296 (mes. prov.)).

Le TF examine d’office et avec pleine cognition si un recours est recevable (c. 1). Les décisions indépendantes sur les mesures provisionnelles, rendues avant ou pendant une procédure principale et qui ne valent que pour la durée de cette procédure principale, respectivement à la condition qu’elle soit introduite, sont des décisions incidentes au sens de l’art. 93 LTF. Un recours au TF n’est donc recevable contre elles que si elles peuvent causer un préjudice irréparable. Anciennement, la jurisprudence admettait régulièrement un tel préjudice en cas de décision incidente sur des mesures provisionnelles. Désormais, elle exige du recourant qu’il explique pourquoi un préjudice irréparable de nature juridique le menace dans le cas concret (c. 1.1). En l’espèce, la vente de l’œuvre litigieuse n’a pas pour effet de positionner le recourant sur le marché, aussi par rapport à ses concurrents. L’œuvre a été commercialisée pendant quatre mois, puis sa distribution a été interdite par voie de mesures provisionnelles. À supposer que celles-ci soient injustifiées, il ne paraît pas exclu que le dommage puisse être chiffré sur la base des premiers mois d’exploitation de l’œuvre, ou au moins qu’il puisse être estimé conformément à l’art. 42 al. 2 CO, et que la créance en dommages-intérêts soit ensuite recouvrable. Une atteinte à la réputation pourrait aussi être réparée par des mesures de publication. Un préjudice irréparable n’est donc pas démontré et le recours est irrecevable (c. 1.1.1). D’après la jurisprudence, une décision sur les frais et sur l’assistance judiciaire gratuite, contenue dans une décision incidente ayant un autre objet principal, n’occasionne pas de préjudice irréparable, car la procédure incidente est déjà terminée et l’avocat a déjà fait son travail. Une décision incidente ayant pour objet principal l’assistance judiciaire pourrait toutefois être attaquée au TF, aux conditions de l’art. 93 al. 1 LTF (c. 1.1.2). La requête du recourant concernant une telle assistance pour la procédure devant le TF ne peut pas être admise, car son recours apparaît d’emblée voué à l’échec (c. 2). [VS]

21 mars 2014

TF, 21 mars 2014, 4A_528/2013 (d)

ATF 140 III 109 ; sic! 7-8/2014, p. 462-467, « ePostSelect (fig.) », JdT 2015 II 202 ; motifs absolus d’exclusion, signe appartenant au domaine public, signe descriptif, marque combinée, couleur, marque de couleur, revendication de couleur, impression générale, poste, post select, service postal, informatique, programme d’ordinateur, télécommunication, traitement de données, électronique, services financiers, néologisme, force distinctive, force distinctive originaire, imposition comme marque, cercle des destinataires pertinent, maxime des débats, recours en matière civile, décision finale, qualité pour recourir ; art. 72 al. 2 lit. b ch. 2 LTF, art. 76 al. 2 LTF, art. 90 LTF, art. 2 lit. a LPM ; cf. N 653 (vol. 2012-2013 ; TAF, 29 août 2013, B-6474/2012) et N 907 (TAF, 23 avril 2014, B-1595/2014).

Les décisions rendues par le TAF sur opposition constituent des décisions finales au sens de l’art. 90 LTF et l’IPI a qualité pour recourir selon les art. 76 al. 2 et 72 al. 2 lit. b ch. 2 LTF (c. 1). Les signes dont le contenu significatif donne des indications sur les qualités des produits ou services auxquels ils se rapportent ou qui les vantent ou les décrivent d’une autre manière sont dépourvus de force distinctive. Un néologisme peut aussi être dépourvu de force distinctive si le cercle des destinataires suisses pertinent en comprend la signification sans effort d’imagination particulier. C’est l’impression d’ensemble que dégage le signe telle qu’elle reste marquée dans le souvenir du consommateur qui est déterminante pour juger de sa force distinctive (c. 5.1). Le terme « post » est un élément du langage courant compris par le public suisse dans deux acceptions différentes, d’une part les services postaux eux-mêmes, d’autre part l’entreprise qui les fournit (c. 5.2.1.1). L’ajout de la lettre « e » - précédant le terme « post » - sera compris par le public comme faisant référence de manière évidente à la « poste électronique », qu’un tiret sépare ou non les deux éléments (c. 5.2.1.1.1). Le consommateur moyen comprend la signification de « select » déjà en raison de sa similitude avec les termes allemands « Selektion, selektionieren » ou français « sélection, sélectionner ». Dans sa signification de « choisi, trié », « select » est aussi perçu comme ayant un caractère laudatif compris comme tel par le public déterminant (c. 5.2.1.2). Le néologisme « ePostSelect » peut être facilement compris dans un sens large comme faisant référence à des services postaux électroniques de haute qualité ou à l’entreprise qui dispense de tels services, lesquels comprennent aussi la fourniture d’informations et le développement de services en matière financière (c. 5.2.1.3). La dénomination « ePostSelect » est descriptive des produits ou services revendiqués et dépourvue de force distinctive les concernant. Elle appartient ainsi au domaine public sans que sa présentation graphique, dominée par l’élément verbal et une revendication de couleur jaune sans plus de précision, ne lui confère une force distinctive originaire (c. 5.2.3). Ce d’autant que les caractères utilisés pour l’élément verbal et sa couleur noire sont usuels et peu frappants. L’absence de tiret entre le « e » et le concept de « Post » qui suit n’y change rien, tout comme non plus le fait que « Select » soit mentionné en gras (c. 5.2.3). Contrairement à ce que le TAF a considéré, la conclusion subsidiaire faisant référence à un jaune « RAL 1004 Pantone C116/109U » ne permet pas non plus de conférer une force distinctive originaire à l’ensemble (c. 5.3 et c. 5.3.1), en particulier parce qu’elle ne change pas la perception qu’en aura le cercle des destinataires pertinent. Ceci même si le jaune en question s’est imposé comme marque pour certains des services (financiers et postaux) de la requérante et est donc plus distinctif que la couleur jaune indéterminée revendiquée initialement, puisqu’en vertu du principe de la maxime des débats, le TAF n’aurait dû examiner si une imposition par l’usage entrait en ligne de compte que si la requérante l’avait invoqué et revendiqué une protection du fait d’une telle imposition. Ce qui n’a pas été le cas en l’espèce. Le TAF n’aurait ainsi pas dû se demander si la nuance de jaune (RAL 1004 Pantone C116/109U) s’était imposée par l’usage, et aurait dû procéder à un examen abstrait de l’éventuelle force distinctive originaire de la marque telle que déposée (sans précision quant au type de jaune revendiqué) (c. 5.3.2). Le recours est admis. [NT]

ePost Select (fig.)
ePost Select (fig.)

22 juillet 2014

TAF, 22 juillet 2014, B-5484/2013 (d)

sic! 1/2015, p. 21-23, « Companions » ; motifs absolus d’exclusion, signe appartenant au domaine public, signe descriptif, signe laudatif, besoin de libre disposition, concurrents, dénomination courante, preuve, cercle des destinataires pertinent, services médicaux, services de formation, services d’information, spécialistes du domaine de la santé, médecin, produits pharmaceutiques, neurologie, site Internet, compagnon, manuel, vocabulaire de base anglais, anglais, companion diagnostic, égalité de traitement, décision étrangère ; art. 8 Cst., art. 12 PA, art. 2 lit. a LPM.

La protection est revendiquée pour des prestations fournies dans le domaine de la neurologie (classes 41 et 44) (c. 3.1), dont des services de formation et d’information. Le public pertinent se compose d’une part des spécialistes du domaine de la santé, y compris en cours de formation, et d’autre part d’une grande partie de la population qui, sans avoir appris une profession médicale, est touchée, sous une forme ou sous une autre, par des maladies neurologiques, ou y est intéressée à un autre titre (c. 3.2–3.4). Pour les services désignés, les concurrents de la recourante sont les personnes physiques et morales qui fournissent ou pourraient potentiellement fournir des services de formation ou d’information dans le domaine de la neurologie (c. 3.5). Pour motiver son appréciation du caractère courant d’une dénomination pour les destinataires pertinents, l’instance précédente choisit librement les preuves qu’elle entend utiliser. Elle peut effectuer des recherches sur Internet, mais ne peut retenir que des sources pertinentes, sérieuses et fondées. Il faut partir du principe que les utilisateurs suisses consultent des sites en allemand, en français, en italien et en anglais, de provenance tant suisse qu’étrangère (c. 4). Le signe « COMPANIONS » constitue le pluriel du mot anglais « companion » (c. 5.2). Ce terme, qui fait partie du vocabulaire anglais de base, peut notamment se traduire par « compagnon ». Le signe « COMPANIONS » est compréhensible dans cette acception par tous les destinataires pertinents. Le terme « companion » peut aussi signifier « manuel » . Ce sens est connu à tout le moins par les destinataires qui sont amenés à utiliser des textes rédigés en anglais pour apprendre ou exercer leur profession. Tel est en particulier le cas des médecins neurologues, mais aussi des médecins généralistes et de toutes les catégories professionnelles nécessitant une formation dans une haute école. Hors du domaine de la médecine, le sens de « manuel » est connu par toutes les personnes qui entrent régulièrement en contact avec la littérature anglophone (c. 5.3). Pour une médecine personnalisée, l’expression « companion diagnostic » (diagnostique compagnon) est peut-être connue, ou pourrait le devenir à l’avenir. Avec cette méthode de diagnostic, il est possible de prédire la manière dont un patient réagira à une substance spécifique ou comment devrait être composé le médicament approprié pour lui. Actuellement, les diagnostiques compagnons se pratiquent avant tout en oncologie, mais de nombreuses techniques, dans d’autres domaines, sont en cours de développement (c. 5.5). Le signe « COMPANIONS », en relation avec les prestations pour lesquelles la protection est revendiquée en classe 41, éveille chez les destinataires l’attente, sans qu’ils aient à faire usage de leur imagination, d’un accompagnement dans leur formation. Il est tout-à-fait concevable que le public pertinent interprète « companions » dans le sens d’une communauté. Dès lors, pour les services listés en classe 41, le signe est descriptif et laudatif, et n’est donc pas distinctif (c. 5.6). Tous les cercles de destinataires pertinents lisent les informations médicales ou en prennent connaissance d’autres façons. Dans un domaine complexe comme la neurologie, un accès rapide à l’information est essentiel, et les manuels jouent à cet égard un rôle important. Dès lors, le terme « companion », dans son sens de « manuel », compréhensible pour une partie importante du public pertinent, est descriptif en relation avec des services d’information dans le domaine de la neurologie, et n’est donc pas distinctif (c. 5.7). En outre, les concurrents de la recourante ne doivent pas être limités dans l’utilisation du concept « companion diagnostics ». Le signe « COMPANIONS » doit rester disponible, et appartient donc aussi sous cet angle au domaine public (c. 5.8). La recourante invoque sans succès l’inégalité de traitement en citant d’autres marques enregistrées comportant le terme « companion », la protection ayant été revendiquée pour des services différents (c. 6). Elle mentionne aussi sans succès l’enregistrement d’une marque « Companions » dans l’Union européenne (c. 7). C’est à raison que l’instance précédente a refusé l’enregistrement de la marque « COMPANIONS » pour les services listés en classes 41 et 44. Le recours est rejeté (c. 8). [SR]

05 février 2014

TAF, 5 février 2014, B-1165/2012 (d)

sic! 6/2014, p. 373 (rés.), « Mischgeräte (3D) » ; motifs absolus d’exclusion, signe appartenant au domaine public, signe tridimensionnel, forme fonctionnelle, forme disponible sur le marché, signe banal, force distinctive, cercle des destinataires pertinent, imitation, indication de provenance, marque combinée, marque tridimensionnelle, marque tridimensionnelle au sens strict, couleur, décision étrangère, égalité de traitement, matériel dentaire, embout mélangeur ; art. 8 al. 1 Cst., art 2 lit. a LPM, art. 3 al. 1 lit. d LCD.

La recourante a déposé deux marques tridimensionnelles avec revendications de couleur pour des appareils servant à mélanger des composés dans le domaine des soins dentaires (classe 10). Les produits pour lesquels la protection est revendiquée s’adressent aux milieux spécialisés dans la médecine dentaire, en particulier aux dentistes (c. 4). Les deux marques litigieuses représentent une forme possible des biens revendiqués et constituent de ce fait des marques de forme au sens étroit. Ces formes représentent des embouts mélangeurs (c. 5.1). En effectuant diverses recherches sur Internet, l'IPI a constaté qu'il existe sur le marché de nombreux autres embouts mélangeurs, incluant des imitations, dont les combinaisons de forme et de couleurs sont identiques aux signes déposés par la recourante. C'est à raison que l'IPI en a conclu qu'il existe une faible variété de formes sur le marché, et a opposé à la recourante que les combinaisons de forme et de couleurs sont aussi utilisées par la concurrence. Selon la jurisprudence, la variété de formes doit s'apprécier en tenant compte de toutes les formes disponibles sur le marché au moment de la décision d'enregistrement. Les imitations doivent aussi être prises en compte, même lorsqu'elles sont déloyales (c. 5.3 et 5.4). Concrètement, les formes qui peuvent être trouvées sur le marché peuvent certes varier, mais elles sont pourvues d'éléments de base identiques ou à tout le moins similaires (c. 5.6). Pour l'essentiel, les formes déposées correspondent aux formes usuelles. En outre, elles sont à tout le moins influencées par leur fonction, et le fait d'utiliser une couleur correspondant usuellement à un code dans le domaine dentaire, et plus généralement dans le domaine médical, indiquant la taille du produit ou la manière de l'utiliser. Les éléments des signes déposés sont donc courants et leur combinaison n'est ni surprenante, ni originale (c. 5.7). Même les rainures de la partie supérieure du cylindre ne sont pas perçues par les cercles de destinataires pertinents comme une indication de provenance, mais comme un élément fonctionnel. Le fait que la recourante soit peut-être la seule à utiliser cet élément de forme ne permet pas en lui-même de le rendre inattendu et surprenant, et de le faire ainsi sortir du domaine public (c. 5.8). Considérées dans leur ensemble, les marques combinées déposées servent à distinguer les produits de ceux qui sont disponibles dans le secteur considéré, mais elles se distinguent trop peu des variétés de formes attendues, et donc banales, pour être perçues comme des indications de provenance commerciale (c. 5.9). La recourante invoque sans succès la prise en compte de décisions étrangères (c. 7) ainsi que le principe de l'égalité de traitement (c. 8). Le fait qu'un signe puisse être protégé sous l'angle de l'art. 3 al. 1 lit. d LCD n'implique pas nécessairement qu'il ait une force distinctive en droit des marques (c. 7). Les deux marques déposées appartiennent au domaine public, et le recours est donc rejeté (c. 9). [SR]

Embouts mélangeurs
Embouts mélangeurs

02 mars 2015

TAF, 2 mars 2015, B-3149/2014 (d)

Motifs absolus d’exclusion, signe appartenant au domaine public, signe trompeur, indication de provenance, nom géographique, Cos, Kos, Grèce, lieu de fabrication, lieu de production, cercle des destinataires pertinent, enregistrement international, décision étrangère, force distinctive, besoin de libre disposition, recours admis ; art. 6quinquies lit. B CUP, art. 5 ch. 1 PAM, art. 22 ADPIC, art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. c LPM, art. 47 LPM.

Les ADPIC prévoient une règlementation minimale concernant la protection des indications de provenance. Les États membres sont libres de prévoir des règles plus développées en la matière. Le droit suisse des indications de provenance offre un niveau de protection bien plus élevé que celui des ADPIC. Il convient donc de trancher la question avant tout selon le droit suisse (c. 2.3). L’orthographe « Cos » pour désigner l’île grecque de Kos est courante en français et également correcte, bien que moins usitée, en anglais. À ce titre, le signe présenté à l’enregistrement constitue donc potentiellement une indication de provenance (c. 4.1). Le cercle des destinataires pertinent pour les produits revendiqués en classes 14, 18, 25 et 35 est composé des consommateurs moyens (c. 4.2). De multiples critères indiquent que l’île de Kos est connue des consommateurs moyens. Par conséquent, à ce titre également, le signe « COS » peut constituer une indication de provenance (c. 4.3). Contrairement à ce qu’affirme la recourante, il n’est pas objectivement impossible que l’île de Kos abrite une industrie d’où pourraient provenir les produits revendiqués. Par conséquent, le signe « COS » ne peut pas bénéficier d’un régime d’exception (c. 5). Les résultats de recherches internet démontrent qu’aucune signification particulière du terme « cos » ne s’impose incontestablement, mais ces mêmes résultats montrent que l’abréviation de la fonction cosinus prime (c. 6.2.2). Compte tenu des moyens de preuve déposés (chiffre d’affaires, coupures de presse, réseaux sociaux), il faut admettre qu’au moins une partie des consommateurs moyens connait la marque « COS » (c. 6.2.3). Dans le domaine de la mode, les consommateurs ont l’habitude de côtoyer des acronymes et des signes courts utilisés comme marque. La recourante est donc convaincante lorsqu’elle prétend que le signe « COS » sera perçu comme une indication de l’origine commerciale des produits revendiqués (c. 6.2.4). L’enregistrement de la marque dans plusieurs pays francophones est un indice supplémentaire qu’il ne s’agit pas ici d’une indication de provenance trompeuse (c. 6.2.5). La marque jouit d’une force distinctive suffisante et n’est pas trompeuse (c. 7). Comme la marque « COS » est enregistrée en Grèce, il n’existe pas de besoin de libre disposition pour ce signe en Suisse (c. 8). Le recours est admis, la marque « COS » doit être enregistrée (c. 9.2). [AC]

28 avril 2014

TAF, 28 avril 2014, B-2766/2013 (d)

sic! 10/2014, p. 638 (rés.), « Red Bull / Bulldog » ; motifs relatifs d’exclusion, cercle des destinataires pertinent, degré d'attention faible, risque de confusion indirect, marque verbale, marque notoirement connue, similarité des signes sur le plan visuel, similarité des signes sur le plan sonore, similarité des signes sur le plan sémantique, identité des produits ou services, force distinctive, produits de consommation courante, élément dominant, décision étrangère, boissons, enfant, sportif, anglais, chien, bulldog, taureau, Bull, élément verbal, lettre ; art. 3 al. 1 lit. c LPM.

Les deux marques en cause sont déposées en classe 32 pour divers types de boissons, notamment pour des eaux minérales et gazeuses, des boissons énergétiques, des boissons isotoniques et des boissons aux fruits. Il s’agit de produits de consommation courante, s’adressant notamment aux sportifs, aux adultes et aux enfants, qui sont achetés avec un faible degré d’attention (c. 3.3). Les deux signes sont déposés pour des produits identiques (c. 4). Il s’agit de marques verbales, qui se composent de deux syllabes et de sept lettres. Elles comportent toutes deux l’élément « Bull » et la lettre « D ». Les deux signes sont donc similaires sur les plans graphique, visuel et sonore. La marque « RED BULL » signifie « taureau rouge ». Le terme « taureau » évoque une idée de grande taille, de force et d’agressivité. Le terme « Bulldog » désigne notamment une race de robustes chiens anglais (c. 5.2). Il existe entre les deux signes une concordance suffisante sur les plans visuel, sonore et sémantique, relativement au signe distinctif «Bull », pour qu’on puisse admettre qu’ils sont similaires (c. 5.3). La marque «RED BULL» est connue. L’élément «Bull » est distinctif pour les boissons (c. 6.1). La concordance des deux marques, dans leur élément verbal dominant commun « Bull », est évidente. Vu le caractère dominant de l’élément « Bull » et la notoriété de la marque opposante, le fait que la lecture du nom « Bulldog » évoque une race de chiens n’est pas suffisant pour exclure l’attente de liens économiques. La marque attaquée ne se distingue pas suffisamment de la marque opposante. Il existe un risque de confusion indirect entre les deux marques, les acheteurs étant amenés à supposer qu’il existe des liens économiques entre leurs titulaires (c. 6.2-6.3). La recourante tente sans succès de faire valoir une décision étrangère divergente, rendue dans une autre procédure concernant les mêmes signes (c. 7). Le recours est rejeté (c. 8.1). [SR]

04 décembre 2014

TF, 4 décembre 2014, 4A_330/2014 (d)

sic! 4/2015, p. 238-242, « Think / Think Outdoors ; Think Weinbrenner », JdT 2015 II 204 ; motifs relatifs d’exclusion, marque verbale, marque combinée, cuir, vêtements, chaussures, lettre(s), signe(s), signe laudatif, services publicitaires, service de gestion et conseil patrimonial, services d’administration de sociétés, services de travail de bureau, action en interdiction, action en dommages-intérêts, action en remise du gain, action en constatation de la nullité d’une marque, décision partielle, motifs absolus d’exclusion, signe appartenant au domaine public, besoin de libre disposition absolu, cercle des destinataires pertinent, anglais, signe descriptif, périmètre de protection, force distinctive faible, risque de confusion nié, souvenir ; art. 6quinquiès CUP, art. 6quinquiès lit. B ch. 1 CUP, art. 6quinquiès lit. B ch. 2 CUP, art. 6quinquiès lit. B ch. 3 CUP, art. 5 ch. 1 AM, art. 5 ch. 6 AM, art. 5 ch. 1 PAM, art. 5 ch. 6 PAM, art. 42 al. 1 LTF, art. 42 al. 2 LTF, art. 74 al. 2 lit. b LTF, art. 75 al. 2 lit. b LTF, art. 76 al. 1 lit. b LTF, art. 91 lit. a LTF, art. 95 LTF, art. 97 al. 1 LTF, art. 99 al. 2 LTF, art. 105 al. 1 LTF, art. 106 al. 1 LTF, art. 106 al. 2 LTF, art. 2 lit. a LPM, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 13 al. 2 LPM, art. 5 al. 1 lit. a CPC ; cf. N 958 (TF, 24 septembre 2015, 4A_268/2015).

Le recours en matière civile dirigé contre une décision partielle au sens de l’art. 91 lit. a LTF est recevable indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 lit. b LTF) (c. 1.1). La recourante dont la demande reconventionnelle a été rejetée est particulièrement touchée par la décision attaquée et a un intérêt digne de protection à sa modification au sens de l’art. 76 al. 1 lit. b LTF (c. 1.2). L’Arrangement de Madrid concernant l’enregistrement international des marques et le Protocole relatif à l’Arrangement de Madrid sont des traités de droit international public applicables en Suisse dont la violation peut faire l’objet d’un recours au TF selon l’art. 95 lit. b LTF. Les motifs permettant un refus de protection aussi bien en vertu de l’art. 5 ch. 1 AM, que de l’art. 5 ch. 1 PAM sont limités dans la mesure où ces deux dispositions renvoient à la Convention d’Union de Paris pour la protection de la propriété industrielle, révisée à Stockholm en 1967, concernant les motifs de refus de la protection. Selon l’art. 6quinquiès lit.B CUP, un refus de protection ou une déclaration de nullité ne peut être rendu qu’aux motifs exhaustivement énumérés aux paragraphes 1 à 3 de cette disposition (marque de nature à porter atteinte à des droits acquis par des tiers, absence de force distinctive et besoin de libre disposition, ainsi que caractère contraire à la morale et à l’ordre public). Ces motifs valent aussi pour un retrait ultérieur de la protection sur le territoire d’un État partie en vertu de l’art. 5 ch. 6 AM, respectivement de l’art. 5 ch. 6 PAM. L’autorité précédente a examiné la persistance des marques de commerce de la demanderesse d’une manière conforme au cadre de l’art. 6quinquiès lit. B CUP lorsqu’elle s’est prononcée sur l’existence des motifs absolus d’exclusion de la protection au sens de l’art. 2 lit. a LPM invoqués par la recourante contre la partie suisse des marques internationales de la demanderesse (c. 2.1.2). Le TF revoit librement, en tant que question de droit, la manière dont est déterminé le cercle des destinataires pertinent pour les produits ou services concernés, ainsi que la perception qu’a le public général d’un signe en fonction du degré d’attention qui peut être attendu de lui. Le cercle des destinataires pertinent peut être différent en fonction de chaque question examinée. Ainsi, le besoin de libre disposition d’un signe se détermine en fonction des besoins, respectivement de la compréhension, qu’en ont les concurrents, tandis que l’examen de la force distinctive fait appel à la compréhension que les acheteurs moyens ont du signe (c. 2.2.2). Le signe « THINK » n’est pas frappé d’un besoin de libre disposition absolu. À la différence du pronom personnel « YOU », qui constitue une expression élémentaire du vocabulaire de base de la langue anglaise sans équivalent possible, l’expression « THINK » peut être remplacée par d’autres verbes. Il n’apparaît pas que ce terme soit indispensable à la désignation d’articles de cuir, de souliers et d’articles d’habillement (c. 2.2.3). L’autorité précédente n’a pas violé l’art. 2 lit. a LPM en niant un besoin de libre disposition absolu du signe « THINK » et en considérant qu’il n’était pas descriptif pour des souliers. Toutefois, la protection du signe « THINK » comme marque n’est pas de nature à empêcher l’utilisation de cette expression comme élément d’autres marques, dans la mesure où cet élément est constitué d’un verbe anglais, largement utilisé, appartenant au langage commun auquel seul un champ de protection très limité peut être reconnu (c. 2.2.4). L’existence d’un risque de confusion est une question de droit que le TF examine librement (c. 3.1). L’inexistence d’un risque de confusion doit être examinée en comparant la marque protégée, selon la demande d’enregistrement, avec l’utilisation effective ou à venir du signe postérieur (c. 3.2.1). Le terme « THINK » utilisé par la recourante dans ses marques pour des produits identiques l’est en relation avec d’autres éléments verbaux et figuratifs. L’impression générale qui se dégage de ses marques est largement différente de celle produite par la marque verbale de la demanderesse. Dans le signe illustré par l’image b), l’impression d’ensemble est marquée par la lettre « W » qui figure au centre et dont la première branche comporte un sapin clair ainsi que par le cercle formé par les inscriptions figurant au-dessus et au dessous de cette lettre. C’est la lettre « W » qui, par sa représentation graphique particulière, est dotée de force distinctive (c. 3.2.2). L’indication « THINK OUTDOORS » est comprise par les consommateurs moyens de souliers comme une désignation à caractère publicitaire revêtant le cas échéant même un caractère descriptif de la particulièrement bonne « Outdoor Qualité » des souliers (c. 3.2.2 in fine et c. 3.2.3). Cette indication est ainsi en elle-même dépourvue de force distinctive et n’est pas perçue comme renvoyant à une entreprise déterminée. Par conséquent, cet élément non distinctif n’est pas non plus de nature à porter atteinte à la force distinctive de la marque antérieure. La simple reprise de cette suite de mots n’est pas à même de susciter une attribution indue des produits ainsi désignés à la demanderesse, ni non plus à amener le public à déduire l’existence de faux liens entre les parties. En choisissant un mot courant de la langue anglaise qui est souvent utilisé et qui peut sans autre être compris dans sa signification lexicale en lien avec un autre concept, la demanderesse a opté pour une désignation dotée de très peu de force distinctive et d’un champ de protection par conséquent étroit. La recourante n’utilise pas la désignation « THINK OUTDOORS » seule, mais toujours en combinaison avec sa marque « WEINBRENNER » et le cas échéant l’élément graphique distinctif du sapin stylisé. Ce n’est que pris ainsi dans son ensemble que le signe est compris comme une référence à une entreprise. Étant donné le caractère descriptif, voire publicitaire des termes « THINK OUTDOORS » pour les souliers, ce sont les autres éléments sous la forme du mot « WEINBRENNER », respectivement du sapin stylisé, qui demeurent en mémoire. L’élément correspondant « THINK » passe à l’arrière-plan dans les signes utilisés par la recourante et est perçu dans l’impression d’ensemble dégagée par ces signes comme une référence à une qualité particulière ou à un mode d’utilisation des souliers, le cas échéant comme un renvoi à la marque de la recourante « THINK WEINBRENNER ». Il n’en résulte pas de risque de confusion pour le consommateur moyen de souliers (c. 3.2.3) et le recours est partiellement admis. [NT]

THINK /THINK OUTDOORS
THINK /THINK OUTDOORS
THINK WEINBRENNER
THINK WEINBRENNER

AM (RS 0.232.112.3)

- Art. 5

-- ch. 6

-- ch. 1

CPC (RS 272)

- Art. 5

-- al. 1 lit. a

CUP (RS 0.232.04)

- Art. 6quinquies

-- lit. B ch. 1

-- lit. B ch. 3

-- lit. B ch. 2

LPM (RS 232.11)

- Art. 13

-- al. 2

- Art. 3

-- al. 1 lit. c

- Art. 2

-- lit. a

LTF (RS 173.110)

- Art. 91

-- lit. a

- Art. 76

-- al. 1 lit. b

- Art. 106

-- al. 1

-- al. 2

- Art. 75

-- al. 2 lit. b

- Art. 42

-- al. 2

-- al. 1

- Art. 95

- Art. 105

-- al. 1

- Art. 99

-- al. 2

- Art. 97

-- al. 1

- Art. 74

-- al. 2 lit. b

PAM (RS 0.232.112.4)

- Art. 5

-- ch. 6

-- ch. 1

26 janvier 2015

TF, 26 janvier 2015, 4A_552/2014 (d)

Marque combinée, action en constatation de la nullité d’une marque, action en remise du gain, action en dommage et intérêts, action en cessation, action en interdiction, action en fourniture de renseignements, décision intermédiaire, décision incidente, produits pornographiques, préservatif, valeur litigieuse, valeur litigieuse minimale, constatation des faits, arbitraire, arbitraire dans la constatation des faits, appréciation des preuves, administration des preuves, libre appréciation des preuves, fardeau de la preuve, déclaration incomplète, droit d’être entendu, grief irrecevable, interpellation du tribunal, interprétation d’un témoignage, témoin, for ; art. 29 al. 2 Cst., art. 30 Cst., art. 42 al. 1 LTF, art. 42 al. 2 LTF, art. 74 al. 2 lit. b LTF, art. 92 al. 1 LTF, art. 95 LTF, art. 99 LTF, art. 105 al. 1 LTF, art. 106 al. 1 LTF, art. 8 CC, art. 53 CPC, art. 56 CPC, art. 153 CPC, art. 154 CPC, art. 157 CPC, art. 172 CPC, art. 109 al. 2 LDIP, cf. N 415 (vol. 2007-2011 ; Kantonsgericht SZ, 17 août 2010, ZK 2008 19 ; sic! 2/2011, p. 108-110, « Harry Potter / Harry Popper (fig.) » ; arrêt du tribunal cantonal schwyzois dans cette affaire) et N 900 (TF, 7 novembre 2013, 4A_224/2013 ; sic! 3/2014, p. 162-163, « Harry Potter / Harry Popper (fig.) II »).

Un recours en matière civile interjeté contre une décision incidente portant sur la compétence du tribunal au sens de l’art. 92 al. 1 LTF est recevable indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 lit. b LTF) (c. 1.1). Le TF ne peut rectifier ou compléter la constatation des faits effectuée par l’autorité précédente que s’ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l’art. 95 LTF. De façon manifestement inexacte signifie arbitraire. Il faut en outre que la correction du vice soit décisive pour le sort de la procédure (art. 97 al. 1 LTF). La partie qui attaque les constatations de faits de l’autorité précédente doit démontrer clairement et de manière substantielle en quoi ces conditions sont remplies. Dans la mesure où elle désire compléter l’état de fait, cette partie doit démontrer, pièces à l’appui, qu’elle avait déjà allégué les faits relevants en question et proposé les moyens de preuves correspondants, conformément à la procédure devant l’autorité précédente. Des faits nouveaux et des preuves nouvelles ne peuvent être présentés que si la décision de l’autorité précédente en donne l’occasion au sens de l’art. 99 al. 1 LTF, ce qui doit être exposé précisément dans le recours (c. 1.3). La recourante qui qualifie de contradictoires et manifestement inexacts les propos tenus par les témoins au vu des exploits échangés dans la procédure cantonale et du comportement adopté dans cette procédure par le représentant de la partie adverse, et qui accessoirement remet en question la crédibilité du témoin, exerce des griefs de nature appellatoire concernant l’appréciation des preuves effectuée par l’autorité précédente, sur lesquels le TF n’entre pas en matière (c. 2.1.2). Du moment que, contrairement à ce que soutient la recourante, la déclaration du témoin n’était ni peu claire, ni contradictoire, ni non plus manifestement incomplète, il n’est pas non plus évident que le tribunal aurait dû, en application par analogie de l’art. 56 CPC, donner l’occasion au témoin, par des questions ciblées, de clarifier et de compléter sa déclaration (c. 2.2.2). L’autorité précédente a ainsi retenu, sans violer le droit fédéral, qu’il ne pouvait qu’être raisonnablement déduit du témoignage intervenu que le témoin confirmait avoir vu et acheté dans la filiale du canton de Schwyz un paquet de préservatifs du type de celui litigieux (c. 2.2.3). La recourante adresse des griefs purement appellatoires concernant le résultat de l’administration des preuves opérée par l’autorité précédente. Elle ne démontre pas qu’une offre de preuves qu’elle aurait proposée régulièrement et en temps utile aurait été refusée, ni non plus dans quelle mesure l’autorité précédente se serait considérée de manière inadmissible comme liée, dans son administration des preuves, par des règles de preuves formelles. La recourante méconnaît en particulier le fait que le principe de la libre appréciation des preuves de l’art. 157 CPC ne change rien au fait que le résultat de l’appréciation des preuves effectuée par l’autorité précédente lie le TF. L’art. 157 CPC n’a ainsi pas pour conséquence que l’appréciation des preuves en elle-même constituerait une question de droit soumise au libre examen du TF selon l’art. 95 CPC. L’art. 8 CC ne prescrit pas par quels moyens les faits doivent être clarifiés, ni comment le résultat de l’administration des preuves doit être apprécié. La recourante n’établit enfin pas lequel de ses arguments concrets aurait été omis par l’autorité précédente, de sorte qu’elle aurait été empêchée, en violation de son droit d’être entendue, de faire valoir son point de vue dans la procédure. Le TF confirme ainsi que l’autorité précédente a retenu, sans violation du droit fédéral, sa compétence à raison du lieu (c. 3.2). [NT]

21 février 2014

TF, 21 février 2014, 4A_594/2013 (f) (mes.prov.)

Mesures provisionnelles, marque verbale, service(s) publicitaires, service(s) de gestion d’affaires commerciales, travaux de bureau, raison de commerce, nom de domaine, instance cantonale unique, décision incidente, préjudice irréparable, préjudice difficilement réparable, dilution de la marque, recours en matière civile, arbitraire ; art. 9 Cst., art. 93 al. 1 lit. a LTF, art. 261 al. 1 lit. b LTF, art. 5 al. 1 lit. a CPC, art. 5 al. 2 CPC.

Les décisions en matière de mesures provisionnelles sont incidentes, aux termes de l’art. 93 al. 1 LTF, lorsque l’effet des mesures en cause est limité à la durée d’un procès en cours ou à entreprendre, dans un délai qui lui est imparti, par la partie requérante. En conséquence, la recevabilité d’un recours en matière civile suppose que la décision soit de nature à causer un préjudice irréparable aux termes de l’art. 93 al. 1 lit. a LTF. Selon la jurisprudence relative à ladite exigence, un préjudice irréparable n’est réalisé que lorsque la partie recourante subit un dommage qu’une décision favorable sur le fond ne fera pas disparaître complètement; il faut en outre un dommage de nature juridique, tandis qu’un inconvénient seulement matériel, résultant par exemple d’un accroissement de la durée et des frais de procédure, est insuffisant. Il incombe à la partie recourante d’indiquer de manière détaillée en quoi elle se trouve menacée d’un préjudice juridique irréparable par la décision de mesures provisionnelles qu’elle conteste ; à défaut, le recours est irrecevable. La jurisprudence actuelle n’admet plus qu’une décision en matière de mesures provisionnelles entraîne de par sa nature un préjudice juridique irréparable; elle exige au contraire que la partie recourante fournisse des indications topiques sur ce point (c. 4), ceci que la décision attaquée accorde ou refuse les mesures provisionnelles requises (c. 5). La simple déclaration que l’usage abusif d’une marque par un tiers entraînerait sa dilution ne suffit pas à montrer en quoi le recourant se trouve censément menacé par la décision de refus des mesures provisionnelles sollicitées, d’un préjudice juridique irréparable. Alors que la défenderesse avait probablement exercé une activité dans le domaine de la publicité depuis son inscription au registre du commerce en 2005, le recourant n’est pas intervenu, sinon par quelques lettres de protestation en 2010 et au début de 2011, et il n’a entrepris d’aller en justice que le 6 août 2013. Il a ainsi toléré une situation prétendument contraire à ses droits durant plusieurs années. Il en découle que même dans l’éventualité où cette situation se prolongerait durant le procès à entreprendre par le recourant, celui-ci n’en subirait pas de préjudice difficilement réparable aux termes de l’art. 261 al. 1 lit. b CPC. Le recours est rejeté. [NT]

11 septembre 2014

TF, 11 septembre 2014, 4A_425/2014 (f)

sic! 12/2014, p. 787-788, « Caviardage de secrets d’affaires » ; décision incidente, action en constatation de la nullité d’une marque, action en dommages-intérêts, action en interdiction, secret d’affaires, recours en matière civile, moyens de preuve, droit de consulter le dossier, droit d’être entendu, préjudice irréparable ; art. 93 al. 1 lit. a LTF, art. 53 CPC, art. 156 CPC.

Le recours formé en l’espèce devant le TF a pour objet une décision incidente, rendue dans un procès civil en matière de droit des marques, par laquelle le Tribunal de commerce, instance cantonale unique, a admis que soient versés à la procédure des moyens de preuve produits par la demanderesse, mais en a, pour protéger les secrets d’affaires de celle-ci et de ses clients, limité la consultation par les défendeurs (c. 1.2). Pour qu’un recours immédiat soit ouvert contre une décision incidente, selon l’art. 93 al. 1 lit. a LTF, il faut que la décision rendue soit susceptible de causer un préjudice irréparable, soit un préjudice de nature juridique, qui ne puisse pas être ultérieurement réparé ou entièrement réparé par une décision finale favorable au recourant. Un dommage économique ou de pur fait n’est pas considéré comme un dommage irréparable de ce point de vue. Cette condition s’apprécie par rapport à la décision de première instance ; et si la question qui a fait l’objet de la décision incidente de première instance peut être soulevée à l’appui d’un recours contre la décision finale, il n’y a pas de préjudice irréparable. La décision refusant ou admettant des moyens de preuve offerts par les parties ne cause en principe pas de préjudice irréparable puisqu’il est normalement possible, en recourant contre la décision finale, d’obtenir l’administration de la preuve refusée à tort ou d’obtenir que la preuve administrée à tort soit écartée du dossier. Dans des cas exceptionnels, il peut y avoir préjudice irréparable, par exemple lorsque le moyen de preuve refusé risque de disparaître ou qu’une partie est astreinte, sous la menace de l’amende au sens de l’art. 292 CP, à produire des pièces susceptibles de porter atteinte à ses secrets d’affaires ou à ceux de tiers, sans qu’un tribunal n’ait pris des mesures aptes à la protéger (c. 1.3.2). Tel n’est pas le cas lorsque, comme en l’espèce, la restriction à la consultation des pièces produites pourra être remise en cause dans un recours contre la décision finale au fond (c. 1.3.3). Le fait de devoir mener une procédure sur le fond pendant un ou deux ans, sur la base d’une connaissance limitée des pièces, ne constitue pas un préjudice irréparable, les frais qui pourraient en résulter et la longueur de la procédure n’étant que des préjudices de fait et non un préjudice juridique au sens de l’art. 93 al. 1 lit. a LTF (c. 1.3.4). Le recours est déclaré irrecevable. [NT]

02 octobre 2014

TF, 2 octobre 2014, 4A_142/2014 (f)

sic! 1/2015, p. 49-53, « Couronne dentée II », brevets, horlogerie, couronne dentée, affichage, mécanisme d’affichage, guichet de cadran, cadran, grande date, mouvement, montre, dispositif d’affichage, homme du métier, action en interdiction, action en constatation de la nullité d’un brevet, action en fourniture de renseignements, action en cessation, action échelonnée, action en dommages-intérêts, nouveauté en droit des brevets, non-évidence, fardeau de la preuve, fardeau de l’allégation, maxime de disposition, décision partielle, décision incidente, demande auxiliaire, garantie d’un procès équitable, expertise, évaluation du dommage, dommage, indépendance des prétentions, interprétation de la revendication, état de la technique, extension illicite de l’objet du brevet ; art. 123 al. 2 CBE 2000, art. 29 al. 1 Cst., art. 29 al. 2 Cst., art. 42 al. 2 LTF, art. 91 lit. a LTF, art. 93 al. 1 LTF, art. 37 al. 1 LTFB, art. 37 al. 2 LTFB, art. 37 al. 3 LTFB, art. 1 al. 1 LBI, art. 7 al. 1 LBI, art. 7 al. 2 LBI, art. 8 al. 1 LBI, art. 8 al. 2 LBI, art. 26 al. 1 lit. a LBI, art. 26 al. 1 lit. c LBI, art. 51 LBI, art. 58 al. 2 LBI, art. 66 lit. a LBI, art. 72 LBI, art. 73 al. 1 LBI, art. 55 al. 1 CPC, art. 56 CPC, art. 57 CPC, art. 125 lit. a CPC, art. 133 lit. e CPC, art. 237 CPC; cf. N 925 (TFB, 30 janvier 2014, O2012_033 ; sic! 6/2014, p. 376-388, « Couronne dentée ») et N 929 (TFB, 2 juin 2015, O2012_033 ; sic! 12/2015, p. 695-696, « Couronne dentée III »).

Les prétentions en dommages et intérêts et en publication du jugement sont indépendantes de celles en fourniture d’informations et en interdiction. Le jugement accueillant une demande auxiliaire en reddition de comptes, ayant pour objet les renseignements nécessaires à l’évaluation du dommage, est une décision incidente. Le recours au TF, contre une telle décision, n’est pas assujetti aux conditions restrictives de l’art. 93 al. 1 LTF (c. 1). Le juge instructeur a la faculté de limiter la procédure à des questions ou à des conclusions déterminées, dans la perspective de régler séparément certaines des prétentions en cause, par une décision partielle, ou de régler séparément certaines questions de fait ou de droit par une décision incidente, selon l’art. 237 CPC. Il n’en a toutefois, sous réserve d’un abus de son pouvoir d’appréciation, pas l’obligation, même si les parties l’en requièrent. L’art. 125 CPC n’exclut pas que le tribunal rende une décision partielle, relative à certaines prétentions, ou incidente, relative à certaines questions de fait ou de droit, alors même que la procédure n’a pas été préalablement, ni formellement limitée. L’art. 133 lit. e CPC n’impose pas non plus d’annoncer l’éventualité d’une décision partielle ou incidente dans l’invitation aux débats (c. 2). L’homme du métier n’est pas un individu réel, mais une fiction juridique. Il a reçu une formation classique dans le domaine technique en cause et il est doté de compétences et de connaissances moyennes dans ce même domaine. Il n’est pas exempt des idées habituellement préconçues dans ledit domaine. L’homme du métier est typiquement le professionnel appelé à réaliser l’objet décrit dans le brevet ou chargé de résoudre le problème correspondant. Aux termes de l’art. 56 CPC, le tribunal interpelle les parties lorsque leurs actes ou déclarations sont peu clairs, contradictoires, imprécis ou manifestement incomplets. Il leur donne l’occasion de les clarifier et de les compléter. Il incombe au tribunal d’élucider la situation juridique sur la base des faits régulièrement établis dans le procès. Le tribunal doit statuer selon les règles de répartition du fardeau de la preuve lorsque des faits importants n’ont pas été régulièrement allégués puis prouvés. Il n’est pas autorisé à se prononcer sur la conséquence juridique de faits autres que ceux dûment établis et il doit s’abstenir de spéculer sur l’issue de la cause dans l’hypothèse où les parties auraient procédé différemment. Il ne peut rendre aucun jugement grevé de réserves ou fondé sur des conjectures. En se référant dans le cas d’espèce au rapport de deux experts, dont les connaissances et les aptitudes personnelles permettent de présumer qu’ils se sont référés aux connaissances et aptitudes typiques d’un professionnel appelé à réaliser l’objet décrit dans le brevet ou chargé de résoudre le problème correspondant, le TFB a, implicitement au moins, recouru à la notion d’homme du métier telle qu’elle est décrite ci-dessus. Comme le procès civil est soumis à la maxime des débats selon l’art. 55 al. 1 CPC, et qu’aucune dérogation n’est prévue en matière de brevet d’invention, il appartenait aux parties d’alléguer et de prouver, le cas échéant, que des connaissances particulières et inhabituelles, différentes de celles des deux experts, auraient été nécessaires pour apprécier la validité et la portée du brevet concerné (c. 5). La nouveauté d’une invention n’est détruite que lorsque toutes ses caractéristiques ont été rendues accessibles au public avant le dépôt de la demande de brevet. L’examen de la nouveauté consiste dans une comparaison individuelle entre chaque solution déjà divulguée et l’invention en cause. La nouveauté de cette invention n’est détruite que lorsqu’une antériorité en présente identiquement toutes les caractéristiques. Il est suffisant, mais nécessaire que l’enseignement technique revendiqué soit déjà apporté à l’homme du métier par une solution connue. Il appartient à la partie qui invoque l’absence de nouveauté de la prouver. Tel n’est pas le cas lorsque trois caractéristiques du brevet dont la validité est contestée ne se retrouvent pas dans le brevet antérieur qui lui est opposé au titre d’antériorité détruisant la nouveauté (c. 6). Pour qu’une invention soit brevetable, l’objet du brevet doit être le résultat d’une activité inventive, car la protection légale n’est pas accordée à ce que l’homme du métier peut logiquement développer en connaissance de l’état de la technique et par la simple mise en œuvre de compétences moyennes ; l’invention brevetable est le résultat d’une sagacité plus considérable. L’activité inventive doit être appréciée d’après ce qui était objectivement réalisable à la date déterminante. À la différence du critère relatif à la nouveauté de l’invention, l’appréciation de l’activité inventive nécessite d’appréhender l’état de la technique dans sa globalité. Tous les enseignements et toutes les antériorités accessibles au public constituent dans leur ensemble le patrimoine technique dont un homme du métier, doté de capacités de combinaison normales, dispose librement pour aborder le problème à résoudre. Il faut examiner si l’état de la technique a suggéré une combinaison évidente d’éléments distincts, compte tenu de leur fonction au sein de l’ensemble ; il importe toutefois de ne pas considérer de manière erronée et artificielle, dans une approche rétrospective issue de la connaissance de la solution en cause, une combinaison comme résultant à l’évidence de l’état de la technique (c. 7). Tant selon l’art. 26 al. 1 lit. c LBI, que l’art. 123 al. 3 CBE 2000, le juge peut être requis de constater la nullité du brevet lorsque son objet va au-delà du contenu de la demande de brevet dans la version qui a déterminé sa date de dépôt. L’art. 26 al. 1 lit. c LBI se rattache à l’art. 58 al. 2 LBI qui interdit de modifier les pièces techniques, pendant la procédure d’examen de la demande de brevet, de manière à ce que l’objet de la demande modifiée aille au-delà de leur contenu. Avant le 1er juillet 2008, selon l’art. 58 al. 2 lit. a LBI, la date de dépôt de la demande de brevet était reportée à celle du dépôt des pièces modifiées qui, le cas échéant, en étendaient l’objet. Ce report devait toutefois s’accomplir formellement au cours de la procédure d’examen ; à défaut, le brevet délivré était nul selon l’art. 26 al. 1 ch. 3bis aLBI. L’extension ainsi interdite peut consister aussi bien dans l’adjonction que dans la suppression d’informations. La modification est en revanche admise si elle a pour seul effet de préciser l’invention ou d’éliminer une contradiction. La substitution ou la suppression d’une caractéristique, dans une revendication, est admissible s’il apparaît directement et sans ambiguïté à l’homme du métier que cette caractéristique n’est pas présentée comme essentielle dans la divulgation de l’invention, qu’elle n’est pas indispensable en tant que telle à la réalisation de l’invention, eu égard aux problèmes techniques que celle-ci propose de résoudre et que sa suppression ou sa substitution n’impose pas de vraiment modifier en conséquence d’autres caractéristiques. Si une caractéristique est remplacée par une autre, il est indispensable que celle-ci soit couverte par les pièces techniques initiales. Le TF confirme le jugement du TFB, qui a considéré que, quoiqu’elles aient été importantes, la présence de 8 différences entre le libellé de la revendication No 1 du brevet dans la demande initialement déposée et dans le brevet finalement obtenu, n’a pas étendu l’objet du brevet par rapport à celui figurant dans la demande, en se fondant sur l’analyse de deux experts qui ont retenu que pour l’homme du métier les caractéristiques présentes dans le libellé final de la revendication étaient aisément reconnaissables dans les pièces techniques initiales. Le TF relève que la présence d’une expertise dissidente, qui ne motive pas ses conclusions de manière intelligible, ne suffit pas à démontrer que les modifications apportées seraient incompatibles avec l’art. 26 al. 1 lit. c LBI dont le sens ne peut être qu’un avis d’expert même déraisonnable ou non pertinent suffirait à établir une extension inadmissible de l’objet du brevet, au sens de l’art. 26 al. 1 LBI (c. 8). Le brevet confère à son titulaire le droit d’exiger la cessation d’une utilisation illicite de l’invention, en particulier de l’utilisation à titre professionnel par un tiers, au sens de l’art. 8 al. 1 et 2 LBI et de réclamer la réparation du dommage causé par cette utilisation illicite (art. 66 lit. a, 72 et 73 al. 1 LBI). L’invention est définie par les revendications du brevet, au besoin interprétées d’après la description et les dessins (art. 51 LBI). Les revendications doivent être interprétées comme l’homme du métier les comprend. Les pièces techniques et, en particulier le libellé des revendications s’adressent à l’homme du métier ; l’enseignement technique doit être mis en œuvre par lui et il faut par conséquent apprécier de son point de vue ce qui est rendu accessible par le brevet. La sécurité juridique exige que l’homme du métier puisse savoir à quoi s’en tenir à la seule lecture du brevet. Lorsqu’un doute subsiste parce que la revendication et la description sont équivoques, c’est le titulaire qui doit en pâtir et non les tiers. Le fascicule du brevet peut conférer un sens spécial à un terme technique, divergent du sens courant. Ce qui amène le TF a admettre qu’en l’espèce la notion de « denture » périphérique est un entraînement constitué de dents en nombre indéterminé, y compris, s’il y a lieu, une dent unique ; et que rien ne justifie d’interpréter ce mot, dans le libellé de la revendication, en ce sens que la couverture du brevet serait restreinte aux entraînements périphériques comprenant deux dents au minimum. Le recours de la défenderesse, qui avait conclu reconventionnellement à la constatation de la nullité du brevet et qui contestait également que son mécanisme à dent unique tombait dans la revendication No 1 du brevet qui décrivait une denture à cet emplacement et pour cette fonction, est rejeté. [NT]

CBE 2000 (RS 0.232.142.2)

- Art. 123

-- al. 2

CPC (RS 272)

- Art. 237

- Art. 133

-- lit. e

- Art. 125

-- lit. a

- Art. 57

- Art. 56

- Art. 55

-- al. 1

Cst. (RS 101)

- Art. 29

-- al. 1

-- al. 2

LBI (RS 232.14)

- Art. 58

-- al. 2

- Art. 8

-- al. 2

-- al. 1

- Art. 73

-- al. 1

- Art. 72

- Art. 66

-- lit. a

- Art. 51

- Art. 26

-- al. 1 lit. a

-- al. 1 lit. c

- Art. 1

-- al. 1

- Art. 7

-- al. 2

-- al. 1

LTF (RS 173.110)

- Art. 91

-- lit. a

- Art. 93

-- al. 1

- Art. 42

-- al. 2

LTFB (RS 173.41)

- Art. 37

-- al. 3

-- al. 2

-- al. 1