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25 octobre 2017

TAF, 25 octobre 2017, B-5312/2015 (d)

sic! 4/2018, p. 198-200, "JOY (fig.) / "ENJOY (fig.)" ; motifs relatifs d'exclusion, cercle des destinataires pertinent, consommateur final, intermédiaires, spécialistes, spécialistes des médias, degré d'attention moyen, degré d'attention accru, degré d’attention faible, identité des produits ou services, similarité des produits ou services, similarité des signes, similarité des signes sur le plan visuel, similarité des signes sur le plan sonore, similarité des signes sur le plan sémantique, substitution de parties, vocabulaire anglais de base, joy, enjoy, force distinctive normale, risque de confusion admis, appareils, appareils électroniques, médias, magazine, imprimés, services de formation, services de divertissement, recours admis ; art. 4 PA, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 17 PCF.


Marque(s) attaqué(s)
Marque(s) opposante(s)
ENJOY (fig.).PNG
JOY (fig.).PNG
Contenu de la décision

Produits faisant l’objet de l’opposition

Classe 9: Appareils et instruments scientifiques (…) ; appareils et instruments pour conduire, distribuer, transformer, stocker, réguler ou contrôler l'électricité ; équipements d'enregistrement, de transmission, de reproduction de sons ou d'images ; supports d'enregistrement magnétique, disques acoustiques ; disques compacts, DVD et autres supports d'enregistrement numérique ; mécanismes pour dispositifs de prépaiement ; caisses enregistreuses, machines à calculer, équipements de traitement de l'information ; ordinateurs ; logiciels ; extincteurs.



Classe 16: Papier, carton et produits en ces matières, compris dans cette classe ; imprimés ; matériel de reliure ; photographies ; articles de papeterie ; adhésifs (colles) pour la papeterie ou le ménage ; matériel d'artiste ; pinceaux ; machines à écrire et articles de bureau (à l'exception des meubles) ; matériel d'enseignement ou d'apprentissage (à l'exception des appareils) ; matières plastiques pour l'emballage (comprises dans cette classe) ; polices de caractères ; clichés.


Classe 41: Educazione; formazione; divertimento; attività sportive e culturali. Éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles.

Cercle des destinataires pertinent et degré d’attention des consommateurs

Une partie des produits revendiqués en classe 9 s'adressent à des consommateurs finaux qui utilisent quotidiennement les services médiatiques, mais également à des professionnels et à des spécialistes. Les services éducatifs et de formation en classe 41 s'adressent à des spécialistes qui font preuve d'un degré d'attention élevé. Les services de divertissement, culturels et sportifs sont destinés à un large public, qui fait preuve d'un degré d'attention normal. Les imprimés sont destinés aux intermédiaires et aux professionnels de la branche des médias, ainsi qu'aux consommateurs finaux, qui font preuve d'un degré d'attention moyen à faible (c. 4.3).


Identité/similarité des produits et services

Afin de déterminer si les produits et services sont identiques ou similaires, le public ciblé et le segment du marché visé ne sont pas pertinents. La comparaison doit exclusivement s'opérer sur la base des listes de produits et/ou de services revendiqués. Ainsi, il est sans importance que la défenderesse ne propose ses produits et services qu'en Suisse italienne et que la demanderesse n'édite son magazine qu'en allemand (c. 4.2). Les produits sont identiques ou similaires, à l'exception de certains des produits revendiqués en classe 9, ainsi que du « papier » et du « carton » en classe 16 (c. 4.2).


Similarité des signes

La marque opposante est composée du mot anglais "joy" en majuscules avec un léger effet d'ombre. La lettre "O" est légèrement stylisée. La marque attaquée est composée du mot anglais "enjoy" en minuscules et stylisé comme s'il était écrit à la main (c. 5.2). Les signes sont identiques quant à l'élément "joy". Les signes sont similaires sur le plan sonore, mais pas sur le plan visuel. Sur le plan sémantique, ils ne se distinguent que légèrement (c. 5.2).


Force distinctive des signes opposés

La marque opposante "JOY (fig.)" n'est pas descriptive et n'appartient pas au domaine public. Elle jouit d'une force distinctive normale (c. 6.3).

Risques de confusion admis ou rejetés / motifs

Le risque de confusion est admis (c. 7.1)


Divers

Selon l'art. 4 PA et l'art. 17 PCF, une substitution de partie en cours de procédure n'est possible qu'avec le consentement de la partie adverse. Ce consentement peut être donné tacitement, comme en l'espèce (c. 2). Les mots anglais "joy" et "enjoy" appartiennent au vocabulaire anglais de base (c. 5.2).


Conclusion : le signe attaqué est enregistré / refusé

Le recours est admis (c. 7.1). [AC]


20 décembre 2016

TAF, 20 décembre 2016, B-5120/2014 (d)

sic! 5/2017, p. 288 (rés.), «élément de prothèse (fig.)» ; motifs d'exclusion absolus, signe appartenant au domaine public, signe banal, signe descriptif, signe tridimentionnel, revendication de couleur, rose, monochrome, implants, cercle des destinataires pertinent, spécialiste du domaine des implants, spécialiste du domaine de la médecine orthopédique, spécialiste du domaine de la médecine traumatologique, spécialiste du domaine de la médecine chirurgicale, spécialiste fabricant de prothèse, force distinctive, besoin de libre disposition absolu, imposition comme marque, imposition par l'usage, moyens de preuve, preuve, sondage démoscopique, publicité, bulletins de livraison, , recours rejeté ; art. 5 Conv. CH-D (1892), art. 2 lit. a LPM.

Le cercle des destinataires pertinent est composé de spécialistes de l’orthopédie, de la traumatologie, et des fabricants d’implants (c. 4). La coloration monochrome des implants et prothèses est banale et la forme de l’élément de prothèse examiné est également banale (c. 5.5). Le signe est descriptif des produits suivants : "cupules acétabulaires, substituts d'organes, produits de substitution de surface articulaire, endoprothèses, ancres pour endoprothèses, sphères d'articulations coxo-fémorales, fosses acétabulaires" (c. 5.6). La marque tridimensionnelle examinée est descriptive pour un « produit d’écartement osseux » (c. 5.7) et pour les « implants pour ostéosynthèses » (c. 5.9). Le signe ne possède pas de force distinctive originale de par sa seule forme. La revendication de couleur n’y change rien, car elle ne diffère pas suffisamment de ce qui est habituel dans ce domaine (c. 5.8). En lien avec les produits revendiqués, il n’y a pas de besoin de libre disposition absolu pour cette forme (c. 6.1.3). L’étude démoscopique a été réalisée à Berlin, lors d’un congrès international, auquel participent les destinataires du produit. Compte tenu de l’incertitude sur la nationalité et le lieu de travail des interviewés, il faut conclure que l’étude ne porte pas sur une parte représentative des cercles des destinataires pertinents et ne peut donc pas rendre vraisemblable l’imposition comme marque par l’usage (c. 6.3.4.2). Seuls 9 spécialistes suisses ont été interrogés. En raison de la méthodologie d l’enquête, il n’est pas possible de connaître leurs réponses exactes. De toute manière, 9 spécialistes ne sont pas représentatifs des quelques 900 chirurgiens orthopédistes actifs en Suisse selon la FMH (c. 6.3.4.1-6.3.4.1). Une enquête démoscopique doit être menée dans un environnement neutre. Tel n’a pas été le cas en l’espèce, l’enquête ayant été menée dans un congrès de spécialistes au cours duquel, il ne peut être exclu que la demanderesse ait tenu un stand d’information (c. 6.3.4). L’ enquête démoscopique n’est donc pas propre à rendre vraisemblable l’imposition comme marque du signe, à défaut de représentativité. Contrairement à la question de l’usage sérieux à titre de marque, il n’est pas possible en matière d’imposition comme marque de s’appuyer sur la Convention entre la Suisse et l’Allemagne concernant la protection réciproque des brevets, dessins, modèles et marques (RS 0.232.149.136). Une enquête démoscopique concluante en Allemagne ne pourrait être considérée que comme un indice dans le cadre d’une procédure suisse (c. 6.3.5). La demanderesse démontre un nombre important de livraisons en Suisse à des fabricants de prothèses, notamment en 2010 et 2011. Mises en perspectives avec le marché global, on peut déduire de ces informations que les produits sont souvent utilisés en Suisse (c. 6.4.3). Les imprimés publicitaires ne peuvent pas être pris en considération, faute d’être datés. De plus, ils sont produits en anglais, de même que les spots publicitaires disponibles sur Youtube. Rien n’indique qu’ils sont destinés au marché suisse. Les cadeaux publicitaires (goodies) ne constituent pas un usage à titre de marque (c. 6.4.4). Malgré le grand nombre de livraisons effectuées en Suisse en 2010 et 2011, la demanderesse ne parvient pas à rendre vraisemblable une imposition comme marque (c. 6.4.7). Le recours est rejeté et le signe est refusé à l’enregistrement

03 janvier 2019

TF, 3 janvier 2019, 4A_489/2018 (d)  

Asian Development Bank, marque verbale, marque combinée, motif d’exclusion absolu, signe contraire au droit en vigueur, usage antérieur, droit dérivé d’un usage antérieur, droit de poursuivre l’utilisation, droit acquis, date de dépôt, modification du dépôt, garantie de la propriété, champ de protection ; art. 6ter CUP, art. 26 Cst., art. 190 Cst., art. 2 lit. d LPM, art. 28 al. 2 LPM, art. 29 al. 1 LPM, art. 29 al. 2 LPM, art. 14 al. 3 LPAP, art. 35 LPAP, art. 4 LPNEONU, art. 5 LPNEONU, art. 6 LPNEONU.

La publication dans la Feuille Fédérale du 12 mai 2009 du sigle « ADB » pour « Banque Asiatique de Développement » lui a conféré la protection de la loi fédérale concernant la protection des noms et emblèmes de l’Organisation des Nations Unies et d’autres organisations intergouvernementales (LPNEONU). La marque litigieuse déposée comporte la suite de lettres « ADB » et reprend ainsi un signe distinctif protégé. La déposante prétend toutefois être au bénéfice du droit de continuer l’utilisation de ce sigle en vertu de l’art. 5 LPNEONU auquel elle a eu recours sous plusieurs formes depuis 1995 pour désigner son entreprise, ainsi que comme marque pour ses produits et services (c. 2.3). La protection conférée par la LPNEONU aux signes distinctifs des organisations intergouvernementales va plus loin que celle minimale exigée par l’art. 6ter CUP. Cela vaut aussi pour la réglementation découlant de l’art. 5 LPNEONU (c. 3.1). Tant la LPM que la loi sur la protection des armoiries suisses et autres signes publics consacrent un droit dérivé d’un usage antérieur. Ainsi, l’art. 14 al. 1 LPM prévoit, sous la note marginale « restriction concernant les signes utilisés antérieurement » que le titulaire ne peut pas interdire à un tiers de poursuivre l’usage, dans la même mesure que jusque-là, d’un signe que ce tiers utilisait déjà avant le dépôt. Une partie de la doctrine en tout cas considère que cette disposition n’autorise pas le bénéficiaire d’un droit d’usage antérieur à enregistrer après coup le signe qu’il utilisait préalablement sans l’avoir enregistré. A l’inverse, l’art. 14 al. 3 LPAP comporte une exception spécifique à l’interdiction d’enregistrement pour les signes pour lesquels le Département fédéral de justice et de police a accordé le droit de poursuivre l’usage en vertu de l’art. 35 LPAP. Cette disposition est destinée à tenir compte des intérêts des entreprises traditionnelles suisses et des associations qui utilisent depuis de nombreuses années les armoiries suisses ou un signe qui leur est similaire lorsque ces signes se sont imposés comme signes distinctifs dans le public. Le droit limité de poursuivre l’usage antérieur admis dans ces cas comporte la possibilité d’enregistrer le signe comme marque. Le but de cette réglementation est aussi en particulier d’améliorer la protection des signes correspondants à l’étranger (c. 3.2). L’art. 5 LPNEONU prévoit que celui qui, avant la publication de la protection d’un signe par la LPNEONU, avait commencé à faire de bonne foi usage des noms, sigles, armoiries, drapeaux et autres emblèmes protégés, pourra continuer à en faire le même usage s’il n’en résulte aucun préjudice pour l’organisation intergouvernementale intéressée. L’intérêt public à la protection des signes distinctifs des organisations intergouvernementales l’emporte sur l’intérêt privé du titulaire du signe. L’art. 6 LPNEONU prévoit expressément que les signes dont l’emploi est interdit en vertu de cette loi et les signes susceptibles d’être confondus avec eux ne peuvent en particulier pas être enregistrés comme marques. L’art. 5 LPNEONU introduit uniquement un correctif permettant le respect des droits acquis. Il ne saurait être déduit des art. 4 et 5 LPNEONU que l’enregistrement d’une version modernisée et développée d’un signe utilisé jusque-là en vertu d’un droit acquis devrait être autorisé et ne saurait être refusé que s’il en résultait un préjudice pour l’organisation intergouvernementale concernée (c. 3.2). Un motif d’empêchement absolu s’oppose à l’enregistrement de la marque déposée (art. 2 lit. d LPM en lien avec l’art. 6 LPNEONU). Le législateur a pris en compte l’intérêt du bénéficiaire d’un signe utilisé antérieurement dans le cadre de l’art. 5 LPNEONU. Cette règlementation de la LPNEONU lie le Tribunal fédéral au sens de l’art. 190 Cst. Il n’y pas là d’atteinte disproportionnée à la garantie de la propriété (c. 3.3). Une marque est déposée dès que les pièces visées à l’art. 28 al. 2 LPM ont été remises à l’IPI (art. 29 al. 1 LPM). Si la marque est remplacée ou modifiée de manière substantielle ou si la liste des produits et services qu’elle désigne est étendue après le dépôt, la date de dépôt est celle du jour où ces modifications sont déposées (art. 29 al. 2 LPM) (c. 4.3). Seul ce qui faisait déjà, ou aurait dû faire, l’objet de la procédure de première instance peut être porté dans le cadre de la procédure de recours devant le TAF. Il se peut que pendant la procédure l’objet du litige se rétrécisse de telle façon qu’il en perde son caractère litigieux, mais il ne peut pas fondamentalement s’étendre ou changer de contenu. En concluant subsidiairement à ce que l’enregistrement du signe intervienne comme marque verbale pure, et plus comme marque combinée, verbale et figurative, comme cela avait été demandé devant la première instance, la recourante cherche à obtenir une nouvelle définition du champ de protection de sa marque. Cette conclusion subsidiaire va ainsi au-delà des modifications acceptables de l’objet même du litige. L’art. 29 al. 2 LPM ne confère d’ailleurs pas un tel droit à la recourante (c. 4.4). Le recours est rejeté. [NT]

22 janvier 2018

TAF, 22 janvier 2018, B-850/2016 (d)

sic! 6/2018, p. 313-319, « Swiss Military » (Gregor Wild, Anmerkung); Procédure d’opposition, protection de la confiance, imposition par l’usage, garantie de la propriété, champ de protection, signe contraire au droit en vigueur, identité des signes, identité des produits ou services, risque de confusion, armoiries publiques, signes publiques ; art. 16 al. 1 ADPIC, art. 26 Cst., art. 2 lit. c LPM, art. 2 lit. d LPM, art. 3 lit. a LPM, art. 6 aLPAP, art. 6 LPAP, art. 9 LPAP.

Les motifs absolus d’exclusion, comme la violation du droit, doivent être pris en compte également dans le cadre d’une procédure d’opposition, en particulier pour déterminer le champ de la protection de la marque opposante. Le TAF vérifie donc si le signe « Swiss Military » viole la LPAP pour prendre en compte une éventuelle violation dans la détermination du champ de protection dont bénéficie la marque opposante (c. 5.1). Le terme « Swiss » peut aussi bien constituer une indication de provenance se rapportant à notre pays qu’une référence aux autorités administratives de celui-ci. En tant qu’indication de provenance, le terme appartient au domaine public et ne peut pas être monopolisé par un enregistrement de marque, de sorte qu’il reste d’une utilisation libre pour les tiers même s’il fait l’objet d’un enregistrement dans le cadre d’une marque comportant d’autres éléments distinctifs. En tant que référence aux autorités administratives de la Suisse, son utilisation peut être interdite. Les termes « militaire » et « armée » sont synonymes et font référence de manière non équivoque à la Confédération également dans leur traduction anglaise de « Military » (c. 5.2.2). Le fait que la marque opposante considérée soit enregistrée pour des montres qui sont assimilées par la jurisprudence à des éléments du matériel militaire augmente le risque de confusion avec la Confédération plutôt qu’il ne l’exclut selon l’art. 6 aLPAP. En vertu de cette disposition en vigueur jusqu’au 1er janvier 2017, le signe « Swiss Military » revendiqué pour des montres ne pouvait ainsi pas être utilisé par d’autres entités que la Confédération (c. 5.2.3). Depuis le 1er janvier 2017, date de l’entrée en vigueur des art. 6 et 9 LPAP, l’utilisation d’une dénomination désignant la Suisse comme entité administrative est exclusivement réservée à cette dernière indépendamment même de l’existence d’un risque de confusion. Selon le Message, les désignations officielles ne doivent plus être utilisées que par les collectivités ainsi désignées et leurs organes (ou éventuellement les entités tierces exerçant une activité étatique ou semi-étatique) au sens de l’art. 9 al. 2 LPAP. La marque opposante viole donc la LPAP révisée dans la mesure où le signe « Swiss Military » doit être qualifié de désignation officielle au sens de l’art. 6 LPAP ou est susceptible d’être confondu avec une désignation officielle et n’est pas utilisé par la collectivité qu’il désigne (au sens de l’art. 9 al. 1 LPAP). A la différence de ce qui valait sous l’ancien art. 6 LPAP, l’art. 9 al. 1 LPAP interdit désormais l’utilisation per se d’une désignation officielle et des termes susceptibles d’être confondus avec elle, par toute autre personne que la collectivité concernée. Ceci qu’il en résulte ou non un risque de confusion. Seules les exceptions des alinéas 2 et 3 de l’art. 9 entrent en ligne de compte ; soit pour les personnes exerçant une activité étatique ou semi-étatique selon l’alinéa 2 ; ou pour les utilisations en combinaison avec d’autres éléments verbaux ou figuratifs pour autant qu’un tel emploi ne soit ni trompeur, ni contraire à l’ordre public, aux bonnes mœurs ou au droit (al. 3) (c. 5.3.1). Le caractère contraire au droit d’un signe au sens de l’art. 2 lit. d LPM ne peut pas être réparé par un long usage selon la doctrine dominante et constante (c. 6.2). Un courant minoritaire paraît admettre une imposition par l’usage, mais uniquement pour un signe trompeur au sens de l’art. 2 lit. c LPM qui aurait acquis avec le temps une autre signification de sorte qu’il ne serait plus susceptible d’induire le public en erreur (c. 6.2.1). En l’espèce, la marque opposante étant constituée uniquement de signes qui ne peuvent pas être utilisés par sa déposante selon la LPAP, elle ne dispose par conséquent pas d’un champ de protection qui la dote d’une force d’interdiction lui permettant de faire opposition à la deuxième marque bien que celle-ci soit identique et destinée à des produits identiques (c. 7). L’enregistrement d’une marque ne crée pas de droits acquis à une prétention en interdiction [l’examen de la validité d’une marque demeurant de la compétence des tribunaux civils]. A fortiori, la simple privation d’un droit d’action entre parties, comme c’est le cas en l’espèce puisque le rejet de l’opposition n’empêchera pas les parties de saisir le juge civil pour déterminer laquelle d’entre elles dispose d’un droit préférable à la marque, ne saurait porter atteinte à la garantie de la propriété (c. 8.1). Le recours est admis. [NT]

09 avril 2019

TF, 9 avril 2019, 4A_503/2018 (d)

Motifs absolus d’exclusion, signe appartenant au domaine public, signe descriptif, force distinctive, force distinctive originaire, significations multiples, signification littérale, cercle des destinataires pertinent, usage à titre de raison de commerce, anglais, APPLE, pomme, jeux, montre, bijoux, métaux précieux, construction ; art. 2 lit. a LPM.

La société Apple Inc. a déposé en 2013 une demande d’enregistrement du signe APPLE en tant que marque auprès de l’IPI, pour des services de la classe 37 (construction, réparation, services d’installation, ...), ainsi que pour des produits des classes 14 (montres, bijoux, colliers, bracelets, ouvrages en métaux précieux, ...) et 28 (jeux, jouets, jeux vidéo, ...). L’IPI a refusé l’enregistrement pour une partie des produits des classes 14 et 28, au motif que le signe, en relation avec ces produits, serait dénué de force distinctive et appartiendrait donc au domaine public. Le TAF n’a admis que partiellement le recours d’Apple Inc. contre la décision de l’IPI. Dans l’examen de la force distinctive originaire d’un signe, il faut se baser sur le signe tel qu’il a été déposé, sans tenir compte de son usage effectif sur le marché. Pour déterminer si un signe est descriptif et appartient au domaine public, il faut d’abord examiner s’il a un sens littéral reconnaissable. Lorsqu’un mot a plusieurs significations possibles, il faut rechercher celle qui s’impose le plus naturellement à l’esprit en tenant compte des produits ou des services en cause. La signification des mots pouvant évoluer, il faut se baser sur la compréhension actuelle effective des destinataires pertinents. Le plus souvent, elle correspond au sens lexical du mot. Toutefois, si le public pertinent ne comprend plus un terme dans ce sens, mais le comprend avant tout comme une référence à une entreprise déterminée, il faut en tenir compte dans la procédure d’enregistrement (c. 2.3.2). Les produits et services concernés s’adressent au grand public. La marque APPLE étant l’une des plus connues au monde, le terme n’est pas compris par le consommateur moyen avant tout comme désignant le fruit « pomme », mais comme une référence directe à une entreprise déterminée, bien qu’une partie considérable du public suisse connaisse la traduction littérale du mot dans les différentes langues nationales. Ainsi, contrairement à ce qu’a estimé l’instance précédente, APPLE est considéré par le destinataire moyen comme une référence directe à une entreprise déterminée, sans qu’il ait besoin d’avoir recours à une traduction, pour l’ensemble des produits revendiqués en classes 14 et 28. Pour tous ces produits, la marque APPLE est donc propre à distinguer les produits de la demanderesse de ceux des autres fournisseurs, et ne constitue pas un signe appartenant au domaine public au sens de l’art. 2 lit. a LPM (c. 2.3.3). Le recours est admis, et la marque APPLE doit être enregistrée pour tous les produits revendiqués (c. 3). [SR]

25 mars 2019

TF, 25 mars 2019, 4A_590/2018 (d)

sic! 7-8/2019, p. 436-439, « Riverlake / RiverLake » ; raison de commerce, raison sociale, signe fantaisiste, néologisme, force distinctive moyenne, reprise d’une raison de commerce, terme générique, terme descriptif, droit de la personnalité, risque de confusion indirect, risque de confusion admis, impression générale, registre du commerce, droit au nom, usurpation, nom de domaine, transfert de nom de domaine, site Internet, anglais, Riverlake, RiverLake Capital AG, riverlake.com, transport maritime, finance, services financiers ; art. 29 al. 2 CC, art. 951 CO, art. 956 al. 2 CO.

Un prestataire logistique genevois, actif notamment dans le transport maritime de marchandises et ayant fait inscrire entre 1985 et 2011 quatre raisons de commerce contenant principalement le terme « Riverlake », a attaqué une entreprise zougoise, « RiverLake Capital AG », fournissant des services dans le domaine de la finance, suite à l’inscription en 2017 de sa raison de commerce dans le registre du commerce du canton de Zoug. Dans son jugement, l’instance précédente a interdit à la société zougoise d’utiliser l’élément « RiverLake » dans sa raison sociale, ainsi que dans les affaires en Suisse, notamment sur son site Internet, pour la désigner ou pour désigner ses services. Selon l’instance précédente, le terme « Riverlake », bien que composé de deux désignations génériques, constitue un néologisme. Elle considère qu’il s’agit d’un signe fantaisiste doté d’une force distinctive au moins moyenne, et que ni l’élément descriptif « Capital AG », ni l’utilisation d’un « L » majuscule dans la raison de commerce de la recourante ne lui permettent de se distinguer suffisamment nettement de la raison de commerce antérieure de la défenderesse, d’une manière qui permettrait d’exclure tout risque de confusion indirect (c. 2.2). Dans l’examen de l’existence d’un risque de confusion entre les raisons de commerce litigieuses, c’est à raison que l’instance cantonale s’est fondée sur l’impression d’ensemble produite sur le public, doté de connaissances moyennes de l’anglais. Elle n’a pas violé le droit fédéral en considérant que l’expression « Riverlake », considérée dans son ensemble, ne constitue pas une désignation descriptive, mais bien plutôt une désignation fantaisiste, certes dénuée d’originalité particulière. Contrairement à ce que soutient la recourante, et à l’inverse de ce qui prévaut en droit des marques, les raisons de commerce sont aussi protégées contre leur emploi par des entreprises actives dans d’autres branches. Par ses considérations, l’instance précédente n’a commis aucune violation de l’art. 951 CO, en lien avec l’art. 956 al. 2 CO (c. 2.3). Selon l’art. 29 al. 2 CC, celui qui est lésé par une usurpation de son nom peut intenter action pour la faire cesser. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l’usage du nom d’autrui porte atteinte à ses intérêts lorsque l’appropriation du nom entraîne un risque de confusion ou de tromperie ou que cette appropriation est de nature à susciter dans l’esprit du public, par une association d’idées, un rapprochement qui n’existe en réalité pas entre le titulaire du nom et le tiers qui l’usurpe sans droit. Le degré d’atteinte requis par la loi est réalisé lorsqu’une association d’idées implique le titulaire du nom dans des relations qu’il récuse et qu’il peut raisonnablement récuser. L’usurpation du nom d’autrui ne vise pas seulement l’utilisation de ce nom dans son entier, mais aussi la reprise de sa partie principale si cette reprise crée un risque de confusion (c. 3.1). Dans son mémoire de recours, la demanderesse ne démontre pas que l’instance inférieure ait commis une violation de l’art. 29 al. 2 CC (c. 3.2). La recourante, qui s’est vu ordonner par l’instance précédente de transférer à la défenderesse le nom de domaine www.riverlake.com dans les 30 jours suivant le prononcé du jugement, ne traite pas dans son mémoire des considérations de la décision attaquée. Elle affirme seulement que le domaine de premier niveau « .com » ne s’adresse pas seulement à la population suisse, et doit pouvoir continuer à être utilisé dans le monde entier. Comme l’explique à raison la défenderesse, les noms de domaine en « .com » peuvent être consultés depuis la Suisse, et atteignent donc aussi le public Suisse. L’atteinte produit des effets en Suisse. Le blocage d’un nom de domaine ne peut être limité ni territorialement, ni sur le fond. La recourante n’explique pas en quoi la décision de l’instance précédente serait disproportionnée, et ne met pas en cause le fondement de la prétention au transfert du nom de domaine (c. 4). Le recours est rejeté (c. 5). [SR]

15 juillet 2019

TF, 15 juillet 2019, 4A_136/2019 (d)

Motifs absolus d’exclusion, signe appartenant au domaine public, signe descriptif, cercle des destinataires pertinents, consommateur final, français, anglais, vocabulaire de base anglais revelation, égalité de traitement, égalité dans l’illégalité, décision étrangère, coiffure, informatique, programme d’ordinateur, service de formation ; art. 8 Cst., art. 2 lit. a LPM.

Une société a tenté de faire enregistrer le signe REVELATION pour des préparations liées aux cheveux (classe 3), des logiciels (classe 9), des manuels d’utilisation (classe 16), la préparation et l’animation de séminaires d’éducation en matière de techniques de coiffure (classe 41) et d’autres services liés à la coiffure et à la beauté (classe 44). L’IPI a rejeté la demande d’enregistrement, au motif que le signe appartient au domaine public. Le TAF a rejeté le recours de la demanderesse. Comme le considèrent l’instance précédente et la recourante, le public pertinent se compose, pour les produits et services revendiqués, des consommateurs finaux, et plus particulièrement du grand public (c. 2.4.1). Il est certes vrai que le terme « REVELATION » peut être compris dans un sens religieux, et que ce sens peut avoir joué un rôle étymologiquement important. En outre, la révélation d’un secret n’a pas intrinsèquement un sens positif, comme en témoigne l’emploi du terme en français dans plusieurs dispositions telles, par exemple, les art. 162 al. 2, 320 ch. 1 al. 2 et 321 ch. 1 al. 3 CP, ou encore les art. 35 al. 3 LPD, 163 al. 1 lit. b et 166 al. 1 lit. b CPC. Cependant, en lien avec la désignation de produits et de services (à tout le moins de ceux dont il est question dans la présente cause), ce terme exprime généralement la satisfaction provoquée par un produit ou par un service, inattendue ou éventuellement attendue de longue date et considérée comme exceptionnelle. Dans ce contexte, le signe est perçu par le public comme une indication de qualité, même s’il n’est pas accompagné d’autres ajouts. Tel est le cas tant en français qu’en anglais. En français, le terme « révélation » désigne une personne ou une chose dont le public découvre soudainement les qualités exceptionnelles et qui se trouve portée à une grande notoriété. Dans le même sens, le terme anglais « revelation » est utilisé pour désigner une personne ou une chose d’une qualité surprenante et remarquable. Dans sa jurisprudence, le Tribunal fédéral considère que lorsqu’un mot a plusieurs significations possibles, il faut rechercher celle qui s’impose le plus naturellement à l’esprit en tenant compte des produits ou des services en cause. L’instance précédente n’a pas tranché la question de savoir si le terme « revelation » fait partie du vocabulaire anglais de base, qui était litigieuse devant l’IPI, mais elle considéré à raison que, en tous les cas, le public francophone voit le mot français « révélation » dans le signe « REVELATION », et peut reconnaître le terme anglophone « revelation », ainsi que son sens décrit ci-dessus, en raison de leur similitude visuelle. Dans la partie francophone du pays en tout cas, l’utilisation du signe « REVELATION » pour les produits et services revendiqués évoquerait chez une large partie de la population, spontanément et sans effort de réflexion particulier, un éloge publicitaire selon lequel les produits ou les services désignés seraient d’une qualité remarquable (c. 2.4.2). Le fait que le signe « REVELATION » ait été enregistré comme marque en France et dans l’Union européenne n’est pas décisif, car il ne s’agit pas en l’espèce d’un cas limite qui justifierait un enregistrement en cas de doute, ou la prise en compte de décisions d’enregistrement étrangères à titre d’indices. L’instance précédente n’a commis aucune violation de l’art. 2 lit. a LPM (c. 2.4.3). La recourante considère enfin que l’IPI a violé le principe de l’égalité de traitement de l’art. 8 al. 1 Cst. (c. 3). Elle allègue que le signe « REVELATION » aurait été admis à six reprises à l’enregistrement entre 1988 et 2013, notamment pour des produits de la classe 3 et pour des services informatiques de la classe 35, ces derniers étant selon elle comparables aux logiciels qu’elle revendique en classe 9. En tous les cas, si l’on admet que le sens élogieux du terme « révélation » est compréhensible quels que soient les produits ou services désignés, elle considère que l’IPI aurait dû rejeter toutes les demandes d’enregistrements qu’il a reçues. En n’excluant que son signe de la protection du droit des marques, il aurait violé le principe d’égalité de traitement (c. 3.1). Puisque le signe « REVELATION » appartient au domaine public, seul le principe d’égalité dans l’illégalité peut être invoqué en lien avec l’enregistrement d’autres signes. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, on ne peut prétendre à l’égalité dans l’illégalité que si l’autorité n’a pas respecté la loi selon une pratique constante et qu’il y a lieu de prévoir qu’elle persévérera dans cette pratique. Tel n’est pas le cas en l’espèce (c. 3.3). Le recours est rejeté (c. 4). [SR]

16 juillet 2019

TF, 16 juillet 2019, 4A_125/2019 (d)

« altrimo/atrimos » ; Raison de commerce, raison sociale, risque de confusion direct, risque de confusion indirect, force distinctive, force distinctive forte, force distinctive faible, signe fantaisiste, signe descriptif, impression générale, registre du commerce, risque de confusion nié, concurrence déloyale, maxime de disposition, maxime des débats, altrimo AG, atrimos immobilien gmbh, services financiers, services de conseil, immobilier ; art. 951 CO, art. 3 al. 1 lit. d LCD, art. 55 CPC, art. 58 al. 1 CPC.

Altrimo AG (plaignante) est une société anonyme inscrite au registre du commerce du canton d’Appenzell-Rhodes-Intérieures sous le nom « altrimo ag » depuis le 29 décembre 2000, et active en particulier dans les domaines de la fiducie, de l’audit, de l’immobilier et de la finance. Atrimos immobilien gmbh est une société à responsabilité limitée inscrite au registre du commerce du canton de Saint-Gall le 29 octobre 2013, active dans les domaines de l’administration, de la location et du courtage de biens immobiliers, ainsi que dans la fourniture de services de conseil dans les domaines de l’immobilier et de la fiducie immobilière. La notion de risque de confusion est la même pour l’ensemble du droit des signes distinctifs, et il s’agit d’une question de droit que le Tribunal fédéral revoit librement. Comme les sociétés commerciales peuvent librement choisir leurs raisons de commerce, la jurisprudence pose généralement des exigences élevées concernant leur force distinctive. Selon la jurisprudence constante, les raisons de commerce bénéficient d’une protection également à l’encontre des entreprises qui sont actives dans une autre branche du commerce, mais les exigences concernant la différenciation des raisons de commerce sont plus strictes lorsque les entreprises peuvent entrer en concurrence de par leurs buts statutaires ou s’adressent, pour une autre raison, aux mêmes cercles de clients. Il en va de même en cas de proximité géographique des entreprises. C’est en fonction de l’impression d’ensemble qu’elles laissent auprès du public que doit être tranchée la question de savoir si deux raisons de commerce sont suffisamment différentes pour coexister. Cela doit être vérifié non seulement dans le cadre d’un examen attentif et simultané des raisons de commerce en cause, mais également en fonction du souvenir qu’elles laissent, lequel est marqué par les éléments des raisons de commerce qui sont frappants de par leur effet sonore ou leur signification. Ces éléments revêtent une importance déterminante dans l’examen de l’impression d’ensemble générée par une raison de commerce. Cela vaut en particulier pour les désignations de pure fantaisie, qui bénéficient en général d’une forte force distinctive. Il en va autrement pour les désignations descriptives, qui appartiennent au domaine public. Il y a risque de confusion lorsque la raison de commerce d’une entreprise peut être prise pour celle d’une autre (risque de confusion direct) ou donne l’impression erronée que les entreprises seraient économiquement ou juridiquement liées (risque de confusion indirect). Le droit des raisons sociales n’exclut pas les possibilités de confusion qui demeurent assez peu probables pour le destinataire moyen (c. 2.1). Selon l’instance précédente, l’attention du public se porte avant tout, dans les raisons de commerce litigieuses, sur les termes « altrimo » et « atrimos ». Elle considère que, dans l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion, seules les raisons sociales telles qu’inscrites au registre du commerce doivent être prises en compte. Selon elle, les termes « altrimo » et « atrimos » constituent des désignations de fantaisie. Dans la raison de commerce de la défenderesse, le suffixe « -os » suggèrerait une origine grecque, ou pourrait être associé au mot latin « atrium », mais le terme constituerait en réalité une simple désignation fantaisiste, également perçue comme telle par le public, dotée d’un caractère distinctif fort. Selon l’instance précédente, les ajouts doivent être pris en compte même quand ils sont descriptifs, car ils peuvent modifier de manière importante l’aspect visuel d’une raison sociale. Tel serait le cas en l’espèce de l’ajout du terme « immobilier » dans la raison sociale de la défenderesse, qu’il rendrait beaucoup plus longue. Selon l’extrait du registre du commerce, les deux sociétés sont actives dans le secteur immobilier, mais la plaignante aurait un champ d’activité beaucoup plus vaste. Selon l’instance précédente, les éléments « altrimo » et « atrimos » diffèrent considérablement sur le plan sonore. Dans l’appréciation de la similarité de deux raisons sociales, le facteur décisif serait toujours celui de l’impression générale que les signes laissent au public pertinent, tant sur les plans acoustique que visuel ou sémantique. En l’espèce, l’appréciation de l’impression d’ensemble mènerait à la conclusion que, malgré les similitudes qui existent entre les deux raisons sociales sur le plan visuel, elles se distinguent suffisamment. Les deux désignations fantaisistes seraient propres à provoquer des associations très différentes chez le public. Il n’existerait donc aucun risque de confusion entre les deux raisons de commerce, tant en droit des raisons sociales que sous l’angle de l’art. 3 al. 1 lit. d LCD (c. 2.2). Dans son appréciation de l’impression d’ensemble produite par les deux raisons sociales en cause, c’est à raison que l’instance précédente a pris en compte leurs différences sonores et les différences d’association éveillées chez les destinataires, sans s’arrêter à leur similarité sur le plan visuel. Les faits que les termes litigieux « altrimo » et « atrimos » contiennent le même nombre de lettres et soient tous deux inscrits en lettres minuscules au registre du commerce n’entraînent pas de risque de confusion entre les deux raisons sociales, en raison des différences mises en évidence dans la décision attaquée. Il en va de même, sur le plan sonore, des faits qu’elles aient la même lettre initiale, le même nombre de syllabes et la même séquence de voyelles. On ne peut pas non plus reprocher à l’instance précédente une violation du principe de disposition (art. 58 CPC ; la recourante vise sans doute plutôt la maxime des débats de l’art. 55 al. 1 CPC) dans le fait qu’elle a, dans l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion (qui constitue une question de droit) émis ses propres considérations sur les associations qu’éveillent les éléments des raisons sociales chez le public pertinent, et sur le fait qu’ « atrimos » suggèrerait une origine grecque. La plaignante ne démontre aucune violation de l’art. 951 CO. Enfin, le fait que l’instance précédente n’ait pas mentionné expressément la proximité géographique des parties ne signifie pas qu’elle n’en a pas tenu compte dans son appréciation juridique (c. 2.3). Contrairement à ce que paraît supposer la recourante, la juridiction inférieure n’a pas non plus considéré que l’élément « immobilier » dans la raison de commerce de la défenderesse suffise à lui seul pour qu’elle se distingue suffisamment de celle de la demanderesse au sens de l’art. 951 CO. Au contraire, elle a considéré à juste titre que cet ajout est descriptif et donc pourvu d’une force distinctive faible. Elle a seulement estimé qu’il allonge la raison de commerce de la défenderesse, et modifie donc aussi son apparence visuelle (c. 2.4). Contrairement à ce qu’affirme la recourante, l’instance précédente a bel et bien examiné l’existence d’un risque de confusion indirect, et a conclu que les deux raisons de commerce se distinguent suffisamment pour l’exclure (c. 2.5). En outre, l’argument de la recourante selon lequel l’instance précédente aurait, en violation de l’art. 951 CO, fondé son examen non sur les raisons de commerce telles qu’inscrites mais sur leur utilisation effective en tant que logos dans le commerce est lui aussi infondé. Bien que la décision attaquée mentionne le logo effectivement utilisé par la requérante dans le cadre de l’examen de sa signification, elle souligne expressément, immédiatement après, que le logo utilisé n’est pas pertinent au regard du droit des raisons sociales (c. 2.6). C’est enfin à tort que la plaignante reproche à l’instance précédente d’avoir exclu de manière infondée l’application de l’art. 3 al. 1 lit. d LCD. L’instance précédente n’a pas ignoré que la LCD et le droit des raisons de commerce peuvent s’appliquer cumulativement. Elle a expressément souligné dans sa décision que, dans l’examen de l’existence d’un risque de confusion sous l’angle de la LCD, on doit se baser non seulement sur les raisons de commerce telles qu’inscrites, mais aussi sur leur utilisation concrète sur le marché. Elle a examiné les logos effectivement utilisés par les parties, et a considéré qu’ils se distinguent suffisamment. Elle a bien pris en compte que l’application de la LCD (notamment de l’art. 3 al. 1 lit. d LCD), reste possible même quand il n’existe aucun risque de confusion sous l’angle du droit des raisons sociales (c. 3). Le recours est rejeté (c. 4). [SR]

18 août 2020

TF, 18 août 2020, 4A_11/2020 (d)

Nom géographique, indication de provenance, indication de provenance géographique, indication de provenance fallacieuse, signe trompeur, pierre, dalle, carrelage, céramique, Vals, recours rejeté ; art. 47 al. 3 LPM.

La demanderesse est active en particulier dans l’extraction et la distribution de pierres et de dalles de pierre naturelle, ainsi que dans l’exécution de tous les travaux de pierre naturelle et de toitures en dalles de pierre. La défenderesse a importé et a vendu à une Sàrl en Suisse du carrelage de céramique. Elle lui a envoyé une brochure publicitaire du fabricant, expliquant que le carrelage de céramique en question est inspiré de la pierre originale de Vals. En 2015, la plaignante a demandé au tribunal cantonal des Grisons d’interdire à la défenderesse d’utiliser à titre commercial les désignations VALS ou VALSER en relation avec des pierres, des dalles ou carrelage en céramique et des matériaux de construction ne provenant pas de la région de Vals, et de faire retirer du commerce de tels produits. En 2019, le tribunal cantonal a rejeté la demande, en considérant que l’utilisation du signe était licite. Il a conclu que la désignation VALS n’était en l’espèce pas comprise par le public comme une indication de la provenance des produits utilisés, mais comme un renvoi au modèle ou au type de carrelage. Il a considéré que l’utilisation du nom du lieu d’où provient la pierre originale pour indiquer que le carrelage céramique est esthétiquement et visuellement similaire à cette pierre est une pratique courante dans la branche. La désignation VALS serait donc utilisée pour distinguer, sur la base d’un critère esthétique, les différentes séries de produits de la défenderesse. Dans son arrêt, le Tribunal fédéral précise d’abord que, contrairement à ce qu’estime la plaignante, le fait de s’engager à ne plus utiliser un signe peut faire disparaître le risque de récidive même lorsque celui qui s’engage ne reconnaît pas l’illicéité de son comportement (c. 4.2). La question de savoir si l’utilisation d’une désignation géographique est susceptible d’induire en erreur le public (art. 47 al. 3 LPM) dépend des circonstances du cas d’espèce. Il faut notamment prendre en compte la renommée du mot en tant qu'indication géographique et en tant que marque, l’existence d’un rapport réel ou plausible entre l’indication et les produits ainsi désignés, ainsi que la présence d’éléments complémentaires susceptibles d’augmenter ou d’écarter le risque de confusion. Le facteur décisif est de savoir si une indication évoque chez le public une association d’idées avec une région ou un lieu particulier et crée ainsi, au moins indirectement, l’idée d’une indication de provenance. Dans un tel cas, il existe un risque de tromper le public si les marchandises portant le signe n’y sont pas fabriquées. En particulier, si une indication évoque dans l'esprit de l'acheteur une association avec un pays, une région ou un lieu qui jouit d'une réputation particulière pour les produits désignés par l'indication, elle est susceptible de créer, au moins indirectement, l'idée d'une indication de provenance. Dans ce cas, il existe un risque de tromper le public si les produits portant le signe n'y sont pas fabriqués (c. 7.1). La demanderesse ne parvient pas à démontrer que la conclusion de la juridiction inférieure, selon laquelle la désignation VALS n'a pas été utilisée comme indication de la provenance des carrelages de céramique, qui était reconnaissable par le public, est contraire au droit. L'utilisation de la brochure, contenant la désignation VALS, pourrait certes être problématique, même sans induction en erreur du public quant à la provenance du produit proposé, si le public est induit en erreur quand à ses caractéristiques, ou en présence d’une allusion inadmissible aux produits de la demanderesse. On ne peut toutefois le supposer sur la base des constatations faites dans la décision attaquée, et le recours n’expose pas de manière suffisante un risque correspondant. Non seulement il n'y a pas d'allégation de faits suffisante pour permettre au Tribunal fédéral d'examiner si l'utilisation de la brochure est inéquitable sur la base des faits allégués dans la plainte, mais en outre, la plainte se concentre trop sur des aspects individuels de la brochure pris hors contexte et sur le lieu de production des carreaux céramiques, au lieu d'adopter la vision globale requise et d'aborder les points décisifs des problèmes soulevés, dans la mesure où ceux-ci se posent indépendamment du lieu de production. Il n'est pas nécessaire d'aller plus loin. Le recours s'avère globalement infondé, et doit être rejeté (c. 8) [SR].

01 février 2016

TAF, 1er février 2016, B-6068/2014 (d)

ATAF 2016/21, sic! 6/2016, p. 347 (rés.), « Goldbären » ; motifs absolus d’exclusion, signe appartenant au domaine public, signe descriptif, force distinctive, cercle des destinataires pertinents, consommateur moyen, spécialiste de la gastronomie, spécialiste de la vente, égalité de traitement, pratique constante de l’autorité inférieure, enfant, adolescent, adulte, gold, couleur, denrées alimentaires, ours, confiserie, bonbon gélifié, recours admis ; art. 2 lit. a LPM.

Goldbären

Enregistrement international N° 823911


Enregistrement international N° 823911 GOLDBÄREN

Liste des produits et services revendiqués

Classe 30: Confiserie, à savoir bonbons gélifiés.

Cercle des destinataires pertinent

Le cercle des destinataires pertinent est composé d’une part des consommateurs moyens, et d’autre part des spécialistes du domaine de la vente et de la gastronomie. Les sucreries comme les bonbons gélifiés sont consommés tant pas les enfants et les adolescents que par les adultes (c. 3).

Motif absolu d’exclusion examiné 

Motif absolu d’exclusion examiné : signe appartenant au domaine public, art. 2 lit. a LPM.

Conclusion

Le signe « GOLDBÄREN » se compose des éléments « GOLD » et « BÄREN » (c. 5.1). L’élément « GOLD » est principalement compris comme une indication descriptive de la qualité des produits revendiqués. En l’espèce, en lien avec l’élément « BÄREN », il a également un sens laudatif, pouvant être compris comme désignant un produit en forme d’ours d’une qualité exceptionnelle. En tant qu’allégation publicitaire, cet élément ne jouit pas d’une force distinctive suffisante et appartient au domaine public (c. 5.3). L’élément « BÄREN » constitue une indication de la forme des produits. Les bonbons gélifiés peuvent prendre diverses formes, mais la forme d’ours ou d’ourson est très courante. Cet élément ne jouit d’aucune force distinctive et appartient lui aussi au domaine public (c. 5.4). La combinaison de ces deux éléments appartenant au domaine public ne confère aucune force distinctive au signe global « GOLDBÄREN », qui appartient donc également au domaine public (c. 5.5). La demanderesse se prévaut du principe de l’égalité de traitement et invoque une importante liste d’enregistrements présentant la même structure que le signe qu’elle propose à l’enregistrement, à savoir le préfixe « Gold » complété du nom d’un animal ou d’un produit, qui revendiquent des produits identiques ou similaires et qui ont été admis à l’enregistrement par l’autorité inférieure (c. 6.1-6.3). Il y a identité ou similarité entre les produits revendiqués par la défenderesse et les produits de boulangerie et de confiserie, les produits en chocolat, les bonbons, les gâteaux, les biscuits, les confiseries et les denrées alimentaires revendiquées par les marques similaires mentionnées par la demanderesse. Il s'agit d'aliments traditionnels de consommation courante, destinés au même usage, vendus par les mêmes canaux de distribution et points de vente et destinés aux mêmes groupes de consommateurs. Toutes les désignations de produits ou d'animaux se réfèrent à des formes habituelles dans le domaine de produits revendiqués (poissons, étoiles, cœurs, lapins, rennes, fruits, clochettes, etc.), qui sont aussi courantes pour les produits revendiqués que la forme d'un ours pour les bonbons gélifiés. L'objection de l'instance précédente selon laquelle les enregistrements antérieurs ne seraient pas comparables au signe litigieux car la couleur des produits eux-mêmes ne peut être assimilée à la couleur de leur emballage est contraire à ses propres Directives en matière de marques (point 4.4.2.2.2.2.2) et ne s'applique pas, puisque les références à la décoration des produits comprennent par définition non seulement la conception des produits, mais aussi celle de leur emballage (c. 6.4). La demanderesse ne se contente pas de se référer à quelques cas isolés. Elle parvient bien plus à démontrer une pratique constante de l’autorité précédente, qui remonte à 1980 et qui se poursuit aujourd’hui encore. Dès lors, le fait que certains enregistrements, au sein de la longue liste d’enregistrements antérieurs comparables, datent de plus de huit ans ne peut pas jouer en défaveur de la demanderesse (c. 6.6). Aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’oppose à ce que le signe « GOLDBÄREN » soit traité sur un pied d'égalité avec les enregistrements antérieurs comparables. En raison de la grande variété de couleurs et de formes possibles pour les bonbons gélifiés, les éléments « GOLD » et « BÄREN » ne sont pas indispensables pour les concurrents. En outre, la marque litigieuse est une marque verbale et les concurrents ne sont donc pas empêchés d'utiliser la forme d'un ours. De plus, l'étendue de la protection de la marque « GOLDBÄREN » est si limitée que son titulaire n'est pas en mesure de monopoliser les éléments descriptifs et laudatifs « GOLD » et « BÄREN » (c. 6.7). En conséquence, toutes les conditions pour prétendre à l'égalité de traitement sont remplies et la marque « GOLDBÄREN » doit être enregistrée (c. 6.7-6.9). [AC]


14 décembre 2016

TAF, 14 décembre 2016, B-3000/2015 (d)

sic! 5/2017, p. 287 (rés.), « Affiliated Managers Group » ; motifs absolus d’exclusion, signe appartenant au domaine public, signe descriptif, cercle des destinataires pertinents, consommateur moyen, spécialiste de la branche financière, degré d’attention accru, marque internationale, décision étrangère, anglais, manager, services financiers, recours rejeté ; art. 2 lit. a LPM.

AFFILIATED MANAGERS GROUP

Enregistrement international N° 1125708 « AFFILIATED MANAGERS GROUP »


Liste des produits et services revendiqués

Classe 36 : Services financiers, à savoir conseils en placements, gestion de placements, services de conseillers en placement et placement de fonds pour des tiers ; services d'investissement dans des fonds communs de placement.

Cercle des destinataires pertinent

Les services de la classe 36 pour lesquels la recourante a requis la protection s’adressent aux consommateurs suisses moyens, mais aussi aux milieux spécialisés du secteur financier. Ces services sont généralement choisis avec beaucoup de soin. On peut donc s’attendre à ce qu’ils soient acquis avec un degré d’attention accru (c. 4).

Motif absolu d’exclusion examiné 

Signe appartenant au domaine public, art. 2 lit. a LPM.

Conclusion

L’expression « AFFILIATED MANAGERS GROUP » constitue une combinaison de termes en langue anglaise, grammaticalement correcte mais plutôt inhabituelle (c. 5.3). Le terme « affiliated » peut être traduit par « affilié » ou « associé ». Le verbe s’y rapportant « to affiliate » peut signifier « rejoindre » (quelque chose ou quelqu’un) ou « accueillir » (en tant que membre). « Manager » peut être traduit par « directeur », « chef », « gestionnaire » ou « formateur ». Le concept « Group » vise un groupe de personnes ou de sociétés (c. 5.4.1). L’élément anglais « MANAGERS » est facilement compréhensible pour le consommateur suisse moyen. On peut considérer que les éléments « AFFILIATED » et « GROUP » sont compréhensibles au moins pour les professionnels de la finance, qui ont généralement une bonne maîtrise de l’anglais. Cela n’est pas décisif en l’espèce, car les consommateurs moyens francophones et italophones comprennent eux aussi ces deux termes, puisqu’ils sont quasiment identiques dans leurs langues respectives. On peut dès lors laisser ouverte la question de savoir si les consommateurs moyens germanophones comprennent eux aussi leur signification (c. 5.4.2). L’expression « AFFILIATED MANAGERS GROUP » se comprend comme visant un « groupe de managers affiliés à des sociétés ». Il faut admettre que cette combinaison sera comprise par les destinataires bien qu’elle soit plutôt inhabituelle, voire nouvelle (c. 5.4.3). Des combinaisons inhabituelles d’éléments en soi connus ou de nouvelles expressions peuvent également être descriptives si elles sont comprises par le public concerné, selon l’usage linguistique, comme une déclaration sur certaines caractéristiques des biens ou des services concernés (c. 6.2). Le signe ne peut être considéré comme ambigu. Lorsqu’ils sont confrontés aux services revendiqués en classe 36, les consommateurs moyens et les spécialistes peuvent arriver sans grand effort d’imagination à la conclusion que le signe concerne des managers actifs dans le domaine de la finance ou liés à celui-ci. En tous les cas, les consommateurs moyens francophones et italophones, ainsi que les professionnels, supposent que les services concernés sont fournis par un groupe de managers liés entre eux. En l’espèce, il faut donc admettre que la signification du signe est immédiatement perceptible sans effort d’imagination (c. 6.3). Le fait que le signe ait pu être enregistré comme marque dans d’autres pays peut fournir un indice dans un cas limite. Tel n’est pas le cas en l’espèce, où l’appréciation au regard du droit suisse est claire (c. 7.2). Le refus de l’instance précédente d’enregistrer la marque était justifié. Le recours est rejeté (c. 9). [SR]

15 décembre 2016

TAF, 15 décembre 2016, B-5228/2014 (d)

sic! 6/2017, p. 383-384, « Reno » ; motifs absolus d’exclusion, signe appartenant au domaine public, signe descriptif, signe trompeur, indication de provenance, indication de provenance indirecte, indication géographique, force distinctive, patronyme, nom géographique, nom de personne, signe fantaisiste, cercle des destinataires pertinents, spécialistes, degré d’attention accru, besoin de libre disposition, besoin de libre disposition absolu, marque internationale, Reno, Rhin, Etats-Unis, publicité, gestion, administration, service d’administration de sociétés, service de gestion d’affaires commerciales, service de gestion d’entreprises, service de vente de gros, service de vente de détail, chaussures, articles de mode, recours admis ; art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. c LPM, art. 47 LPM.

RENO

Enregistrement international N° 893’783 « RENO »


Enregistrement international N° 893’783 « RENO »

Liste des produits et services revendiqués

Classe 35 : Publicité; gestion et administration des affaires; services de commerce de détail et de gros de: préparations pour blanchir et autres substances pour la lessive, préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser, savons, produits de parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions capillaires, dentifrices, lunettes, lunettes de soleil, articles orthopédiques, métaux précieux, leurs alliages et produits en ces matières ou en plaqué, articles de bijouterie, pierres précieuses, horlogerie et instruments chronométriques, cuir et imitations du cuir et produits en ces matières, cuirs et peaux d'animaux, malles et sacs de voyage, parapluies, parasols et cannes, fouets, harnais et sellerie, tissus et produits textiles, couvertures de lit et de table, vêtements, chaussures, chapellerie, jeux, jouets, articles de gymnastique et de sport, décorations pour arbres de Noël; travaux de bureau.

Cercle des destinataires pertinent

Les services de « publicité ; gestion et administration des affaires » revendiqués en classe 35, sont destinés à fournir une assistance à l’exploitation d’entreprises. Ils s’adressent à des entreprises de toutes sortes, et donc avant tout à un public de spécialistes. Les services de commerce de détail et de gros s’adressent à des sociétés commerciales, à des importateurs ou à des producteurs. On peut partir du principe que les destinataires possèdent des connaissances techniques spécifiques, et acquièrent les services considérés avec un degré d’attention accru (c. 4.1).

Motif absolu d’exclusion examiné 

Signe appartenant au domaine public, art. 2 lit. a LPM ; signe trompeur, art. 2 lit. c LPM.

Conclusion

Reno désigne une ville de l’Etat américain du Nevada, ainsi que d’autres endroits aux Etats-Unis (c. 5.1). La ville de Reno (Nevada) se caractérise économiquement non seulement par le tourisme et l’exploitation de casinos, mais aussi par une infrastructure bien développée pour l’industrie, le commerce et les services. Pour les services dans le domaine de la publicité, du travail de bureau, de le gestion et de l’administration des affaires ainsi que du commerce de gros et de détail, qui sont fournis aux fabricants, aux importateurs et aux intermédiaires de l’industrie de la chaussure (y compris les accessoires et les articles de mode), il existe des raisons factuelles suffisantes pour considérer Reno comme une indication de provenance (c. 5.2.2). Le Rhin est l’un des fleuves les plus célèbres d’Europe. Le public italophone, en raison de ce degré exceptionnel de notoriété et de la proximité géographique du fleuve, perçoit avant tout le signe « Reno », d’un point de vue abstrait, comme se rapportant au Rhin. Les services mentionnés ci-dessus n’ayant pas de rapport particulier avec le Rhin, la marque verbale ne peut se voir attribuer un sens descriptif prépondérant en lien avec eux, et son caractère distinctif ne peut être nié d’emblée. Pour être perçu comme une indication de provenance indirecte, il ne suffit pas qu’un nom géographique soit simplement connu du public concerné. Il doit plutôt s’agir d’un point de repère généralement connu ou typique, qui représente une provenance spécifique. Le Rhin compte plusieurs Etats riverains et a une longueur totale d’environ 1230 km. Pour les destinataires italophones des services revendiqués, la désignation « RENO » ne constitue donc pas une référence géographique à un lien de provenance spécifique. Lorsque, comme en l’espèce, une désignation ne peut être clairement attribuée à une région spécifique, l’exigence de précision liée aux indications géographiques de provenance n’est pas remplie (c. 5.3.1). La signification géographique d’un nom de lieu ne se perd pas dans le fait que des personnes physiques l’utilisent aussi comme nom de famille. Pour les services concernés, on ne peut considérer qu’il existe une référence reconnaissable au nom de personne « Reno », qui confèrerait un sens descriptif au signe. Même si le signe est compris par les destinataires francophones avant tout comme un nom propre, il n’est pas prouvé que cette compréhension soit aussi celle d’une partie importante des destinataires germanophones. Un homonyme ne perd pas son caractère distinctif du simple fait qu’il a plusieurs significations possibles. Un signe verbal est déjà dépourvu de force distinctive si l’une de ses différentes significations possibles est descriptive des produits ou services revendiqués (c. 5.3.2). Pour qu’on puisse admettre qu’un signe doit se comprendre d’une manière symbolique, il faut d’une part que son caractère symbolique soit dominant et exclue une association d’idées ou une attente correspondant à la provenance des produits ou services qu’il désigne, et d’autre part que la référence symbolique se rapporte aux caractéristiques essentielles des produits ou services concernés. En l’espèce, le terme « RENO » n’est pas utilisé de telle manière que, en ce qui concerne les services revendiqués pour le secteur de la chaussure (y compris les accessoires et les articles de mode), une compréhension symbolique paraisse évidente. Rien n’indique que la marque litigieuse ait une signification symbolique dominante (telle que « glamour » ou « style casino ») (5.4). Ainsi, selon la langue nationale considérée, différentes significations possibles de la marque « RENO » peuvent être mises au premier plan. Toutefois, tant que le sens géographique du terme n’est pas dominant dans au moins une langue nationale en raison du degré de notoriété de la ville de Reno (Nevada), le signe ne peut être considéré comme une indication de provenance au sens des art. 47 ss LPM (c. 5.5). En l’espèce, on ne peut considérer que la ville de Reno soit connue d’une partie importante des destinataires. Ces derniers ne considèreront donc pas que les services revendiqués proviennent de la ville de Reno (Nevada). Pour la petite partie des destinataires qui connaît effectivement cette ville, il n’existe pas de risque de confusion, car les services fournis en rapport avec les chaussures n’ont pas une proximité spécifique avec les services typiquement fournis à Reno. Enfin, on trouve des centres de vente et de distribution dans le monde entier, partout où existent des économies développées. L’existence de tels centres n’est pas en elle-même suffisamment spécifique pour éveiller subjectivement une attente quand à la provenance. Les connaissances particulières des destinataires des services concernés, en lien avec leur degré d’attention accru, font également obstacle à des erreurs d’attribution quant au lieu. Le signe est donc perçu par une partie non négligeable du public concerné soit comme la désignation distinctive du « Rhin », soit comme un nom de personne sans référence de produit reconnaissable, soit comme une désignation purement fantaisiste. La marque RENO est donc propre à distinguer les services concernés de ceux d’autres entreprises (c. 5.8). En conclusion, la marque RENO est suffisamment distinctive pour les services revendiqués en classe 35, du point de vue du public concerné, et n’appartient donc pas au domaine public au sens de l’art. 2 lit. a LPM. Le contenu géographique « RENO » n’est pas propre à tromper sur la provenance des services fournis, car le lieu géographique qu’il désigne est peu connu sur notre territoire. Une fausse idée du public concerné sur un lieu en relation avec une attente quant à la provenance paraît exclue, ce qui implique qu’il n’y a pas non plus de risque d’induction en erreur au sens de l’art. 2 lit. c LPM en lien avec les art. 47ss LPM (c. 5.9). Lorsqu’une indication de provenance étrangère est inscrite dans le registre du pays d’origine pour les mêmes produits ou services, elle n’est pas soumise à un besoin de libre disposition en Suisse. En l’espèce, le fait que la marque de la recourante ait été déclarée nulle aux Etats-Unis non en raison d’un besoin absolu de libre disposition, mais parce qu’elle n’a pas été utilisée, doit être pris en compte dans l’appréciation de l’existence d’un besoin de libre disposition (c. 6.2).

20 octobre 2016

TAF, 20 octobre 2016, B-4908/2014 (f)

sic! 2/2017, p. 70 (rés.) ; motifs relatifs d’exclusion, cercle des destinataires pertinent, grand public, spécialistes, spécialistes de la bijouterie, spécialistes de l’horlogerie, degré d’attention moyen, degré d’attention accru, identité des produits ou services, similarité des produits ou services, marque combinée, similarité des signes, similarité des signes sur le plan visuel, similarité des signes sur le plan sémantique, force distinctive, force distinctive normale, force distinctive faible, signe banal, risque de confusion nié, blason, horlogerie, joaillerie, bijouterie, bijoux, montre, montre-bracelet, chronographe, recours rejeté ; art. 10 PA, art. 3 al. 1 lit. c LPM.

Marque(s) attaqué(s)
Marque(s) opposante(s)
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Classe 9 : Téléphones portables, clés USB, casques d’écoute, étuis à lunettes, lunettes de soleil, lunettes optiques, chronographes (appareils enregistreurs de durée), appareils photos, (…)


Classe 14 : Chaînes de montres, pendentifs, bijoux, bagues, boucles d’oreilles, montres-bracelets, (…)

Classe 14 : Joaillerie, bijouterie, horlogerie, à savoir montres, montres-bracelets, parties constitutives de pièces d’horlogerie, réveils, horloges, chronomètres, chronographes, (….)

Contenu de la décision

Produits faisant l’objet de l’opposition

Classe 9 : Chronographes (appareils enregistreurs de durée).


Classe 14 : Joaillerie, bijouterie, horlogerie, à savoir montres, montres-bracelets, parties constitutives de pièces d’horlogerie, réveils, horloges, chronomètres, (….).

Cercle des destinataires pertinent et degré d’attention des consommateurs

es produits de l'horlogerie et de la bijouterie (classe 14) revendiqués par les marques en présence sont destinés avant tout au grand public, c'est-à-dire au consommateur moyen, qui fait preuve d'un degré d'attention moyen lors de l'achat de telles marchandises. Ces produits s'adressent également au spécialiste des domaines de l'horlogerie et de la bijouterie, qui est susceptible de faire preuve d'un degré d'attention accru. Quant à la classe 9, elle porte l'intitulé "appareils et instruments scientifiques (…)" et comprend notamment les appareils et instruments de recherche scientifique pour laboratoires. S'agissant des « chronographes (appareils enregistreurs de durée) », pour lesquels la marque attaquée est enregistrée, ceux qui s'en portent acquéreurs, dans le milieu académique ou le secteur privé, font généralement preuve d'un degré d'attention plus accru (c. 2.3).

Identité/similarité des produits et services

Du fait que les produits revendiqués par la marque attaquée en classe 14 figurent également dans la liste des produits revendiqués par la marque opposante, il y a identité entre les produits en cause. La classe 9 comprend notamment les appareils et instruments de recherche scientifique pour laboratoires, à l'exclusion de l'horlogerie et des autres instruments chronométriques en classe 14. Les chronographes néanmoins mentionnés en classe 9 sont accompagnés de la mention « appareils enregistreurs de durées », destinés donc à la recherche scientifique en laboratoire. On qualifie souvent, à tort, les chronographes de « chronomètres », terme qui devrait être réservé aux montres extrêmement précises capables d’indiquer les secondes. Les « chronographes (appareils enregistreurs de durée) » en classe 9 sont similaires aux « chronographes » en classe 14. Il y a donc identité, respectivement similarité, entre les produits revendiqués par les deux signes du point de vue des consommateurs concernés (c. 3.3).

Similarité des signes

Les deux signes opposés, considérés uniquement par leurs bords extérieurs, ont la forme d’un blason. Il y a deux manières de concevoir la marque attaquée. Soit on peut la présenter comme deux lettres façonnées de manière à ce qu’elles prennent la forme d’un blason, soit on peut la voir comme un blason découpé de manière à laisser apparaître deux lettres. Dans les deux cas, on ne peut pas nier la possibilité que le consommateur puisse, dans la marque attaquée, voir les lettres « H » et « B » sans un blason. Par conséquent, on a affaire à une marque opposante figurative et à une marque attaquée combinée (c. 4.3.2). Dans le cas d'une collision entre une marque figurative et une marque combinée, il n'existe pas de règle absolue permettant d'établir quels éléments l'emportent sur les autres dans le cadre de l'examen de l'impression d'ensemble qui se dégage des signes. Il s'agit donc de déterminer dans chaque cas l'élément qui a le plus d'influence sur le signe concerné (c. 4.4.1). Sur le plan graphique, les deux signes ont la forme extérieure d’un blason, caractérisée par la partie inférieure en ogive des deux signes, et plusieurs autres éléments communs. Le Tribunal relève toutefois plusieurs éléments divergents très importants, qui aboutissent à donner à la marque attaquée un style particulier, plus moderne que celui de la marque opposante. Cependant, ces éléments ne sont pas suffisamment nombreux et marquants pour compenser les éléments communs. Le Tribunal ne peut ainsi pas exclure toute similarité entre les deux signes sur le plan visuel (c. 4.5.1). La marque attaquée, prise comme une marque combinée comprenant comme élément verbal les lettres "H" et "B", est opposée à une marque figurative, qui n'est pas susceptible d'être prononcée. Par conséquent, toute similarité phonétique est exclue (c. 4.5.2). Les marques opposées représentent toutes deux des blasons, si on les considère globalement et en faisant abstraction de leurs styles graphiques respectifs. Il n’est pas possible d’exclure une similitude sur le plan conceptuel (c. 4.5.3). Les signes opposés sont donc similaires (c. 4.5.4).

Force distinctive des signes opposés

Force distinctive de la marque opposante et champ de protection


Il ressort manifestement des pièces produites que la marque opposante ne s’utilise jamais seule, mais bien toujours avec la mention « Tudor » ou « TUDOR », dans différentes graphies, éventuellement accompagnée d’un slogan. Il est exclu que la marque opposante ait acquis un niveau de notoriété en dehors de la présence du mot « Tudor » ou « TUDOR ». Elle n’a donc pas de force distinctive accrue (c. 5.4.1). Le signe du blason, qui est gage de qualité, de tradition et de savoir-faire, est frappé en tant que tel d’un besoin de libre disposition. Il n’est de plus pas descriptif en lien avec les produits revendiqués par les marques opposées. Enfin, le blason de la marque opposante est en l’espèce très banal. Il se rapproche d’une forme géométrique simple. La marque attaquée, d’un style plus contemporain, se distingue de l’apparence très classique et élémentaire de la marque opposante. Il manque à la marque opposante un élément de fantaisie qui laisserait une forte impression à l’observateur (c. 5.4.2). La marque opposante a donc une force distinctive normale, voire faible (c. 5.4.3).

Risques de confusion admis ou rejetés / motifs

Dès lors que le Tribunal a qualifié de banal le signe opposant, force est de constater qu'hormis l'idée de blason aucune des deux marques n'est porteuse d'une signification particulière. La proximité sémantique n'est donc clairement pas suffisamment proche pour susciter le moindre risque de confusion. Admettre l’opposition reviendrait à empêcher à l’avenir toute utilisation d’un blason, du moins pour les produits revendiqués par la marque opposante en classe 14. Compte tenu de l'attention moyenne et, dans certains cas, accrue dont font preuve les consommateurs, ainsi que de la force distinctive normale, voire faible, de la marque opposante, les maigres éléments similaires ne permettent pas de conclure à l'existence d'un risque de confusion entre les deux marques opposées (c. 5.6).

Divers

Conclusion : le signe attaqué est enregistré / refusé

La décision de l’autorité inférieure, qui avait rejeté l’opposition, est confirmée, et le recours est rejeté (c. 6). [SR]

08 décembre 2016

TAF, 8 décembre 2016, B-6927/2015 (d)

sic! 5/2017, p. 286 (rés.), « Sensoready / Sensigo » ; motifs relatifs d’exclusion, cercle des destinataires pertinent, consommateur final, spécialiste du domaine médical, spécialiste du domaine pharmaceutique, degré d’attention accru, identité des produits ou services, similarité des produits ou services, similarité des signes, similarité des signes sur le plan visuel, similarité des signes sur le plan sonore, similarité des signes sur le plan sémantique, force distinctive faible, signe fantaisiste, risque de confusion nié, vocabulaire anglais de base, ready, sensor, droit d’être entendu, injecteurs à usage médical, recours rejeté ; art. 29 al. 2 Cst., art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 22 al. 4 OPM.

Marque(s) attaqué(s)
Marque(s) opposante(s)

Sensigo

SENSOREADY

Classe 10 : Injecteurs à usage médical

Classe 10 : Auto-injecteurs pour l’administration de préparations pharmaceutiques.

Contenu de la décision

Produits faisant l’objet de l’opposition

Classe 10 : Injecteurs à usage médical.

Cercle des destinataires pertinent et degré d’attention des consommateurs

Les produits concernés s’adressent principalement aux utilisateurs finaux d’instruments pharmaceutiques ou médicaux. Ces produits sont acquis avec une attention accrue, car les consommateurs peuvent être exposés à des risques sanitaires s’ils font un mauvais achat. La compréhension des spécialistes est d’une importance secondaire, car le risque de confusion est moins élevé à leur égard (c. 5.1).

Identité/similarité des produits et services

Les « auto-injecteurs pour l’administration de préparations pharmaceutiques » constituent une sous-catégorie des « injecteurs à usage médical ». Dans des cas de ce type, il faut partir du principe que les deux types de biens sont identiques, ou en tout cas fortement similaires (c. 5.2). Tel est donc le cas en l’espèce (c. 5.3).

Similarité des signes

Les parties conviennent qu’en raison de la correspondance des quatre premières lettres S-E-N-S, il existe une certaine similarité des signes, malgré des différences tant phonétiques que visuelles (c. 6.1). Sur le plan sémantique, l’opinion de l’instance précédente, qui considère que « Sensigo » se comprend comme une unité, et donc comme une indication fantaisiste, est défendable. Le Tribunal préfère toutefois suivre l’interprétation de la recourante, qui considère que la marque « Sensigo » peut se comprendre comme composée de « sensi », pluriel italien de « senso » (qui signifie « sens ») et « go », qui renvoie au fait d’être prêt à l’action. On peut ainsi considérer que les deux marques indiquent un « sens » (« Sensi » et « SENSO ») et le fait d’être prêt à l’action (« go » et « READY »). On peut ainsi supposer que les deux signes produisent la même impression générale dans l’esprit du consommateur (c. 6.3). En raison des quatre lettres S-E-N-S qu’ils partagent dans leur début et de leur signification possible, les deux signes sont donc similaires (c. 6.4).

Force distinctive des signes opposés

Une partie substantielle du public reconnaît les éléments « SENSOR » et « READY » dans la marque opposante. L’élément « READY » fait partie du vocabulaire anglais de base, et il faut s’attendre à ce que cet élément soit reconnu et compris par les consommateurs sans grand effort de réflexion. Le consommateur sera donc enclin à percevoir l’ensemble du signe comme un nom anglais. Il semble évident qu’une grande partie du public reconnaîtra le terme « SENSOR » dans la première partie du signe (l’omission d’une double consonne est courante dans le cas d’une combinaison de mots). La marque peut s’interpréter en ce sens que le capteur contenu dans l’injecteur est prêt à l’emploi, en ce sens que l’injecteur peut être utilisé immédiatement. Ainsi, le signe n’a qu’un faible caractère distinctif dans le sens de « SENSOR READY », puisque « SENSOR » et « READY » sont des descriptions des produits ou des caractéristiques des produits revendiqués : « SENSOR » comme possible partie intégrante, et « READY » comme expression d’une disponibilité immédiate à l’usage (c. 7.3). Ainsi, la marque opposante ne revêt qu’un faible caractère distinctif (c. 7.5).

Risques de confusion admis ou rejetés / motifs

Notamment en raison des différentes significations possibles du signe « Sensigo », l’existence d’un risque de confusion entre les deux signes, qui produisent une impression globale différente, doit être rejetée (c. 8.2).

Divers

La recourante se plaint d’une violation par l’instance précédente de son droit d’être entendue (art. 29 al. 2 Cst.), en considérant qu’elle a été illégalement privée de la possibilité de présenter des observations sur le caractère distinctif de sa marque (c. 2.1). Le droit d’être entendu n’exige pas qu’une partie ait la possibilité de s’exprimer sur toute issue possible envisagée par l’autorité qui doit rendre une décision. En ce sens, cette dernière n’est pas tenue de communiquer à l’avance son raisonnement aux parties pour qu’elles puissent prendre position. Il suffit que les parties puissent préalablement présenter leur point de vue sur les aspects fondamentaux sur lesquels portera la décision, en particulier sur l’état de fait et sur les dispositions applicables. Dans le cadre d’une procédure d’opposition, un deuxième échange d’écritures n’est pas exclu (art. 22 al. 4 OPM), mais doit, dans un souci d’économie de procédure, constituer l’exception (c. 2.2). Dans une procédure d’opposition, il faut s’attendre à ce que l’instance précédente doive se prononcer sur le caractère distinctif de la marque opposante. La recourante a donc dû partir du principe que la juridiction inférieure procéderait à un examen de cette question et, dans son mémoire d’opposition, elle s’est exprimée sur le caractère distinctif de la marque opposante, qu’elle a considéré comme normal (c. 2.3). L’instance précédente n’a donc pas violé le droit d’être entendue de la recourante (c. 2.4).

Conclusion : le signe attaqué est enregistré / refusé

Le recours est rejeté (c. 8.3). [SR]

30 janvier 2018

TAF, 30 janvier 2018, B-3660/2016 (d)

sic! 7-8/2018, p. 410 (rés.) ; Motifs d’exclusion absolus, signe trompeur, signe appartenant au domaine public, indication de provenance, indication géographique, nom géographique, Sibérie, cercle des destinataires pertinent, spécialistes du domaine de l’hôtellerie et des voyages, spécialiste du domaine de la literie, spécialiste de la décoration d’intérieur, hôtellerie, hôtel, hôpital, degré d’attention légèrement accru, risque de tromperie, réparation d’un vice de procédure en instance de recours, fax; art. 6quinquies lit. b CUP, art. 5 ch. 1 AM, art. 52 al. 1 PA, art. 52 al. 2 PA, art. 2 lit. c LPM.

Sibirica 

Demande d'enregistrement


Demande d’enregistrement N°1 199 518 «Sibirica».

Liste des produits et services revendiqués

Classe 10 : Matelas (y compris sur-matelas), lits (y compris lits à eau), coussins, oreillers, couvertures électriques, coussins chauffants électriques, matelas pneumatiques, coussins à air, tous les produits précités à usage médical ; appareils vibratoires pour lits, draps pour personnes incontinentes ; articles orthopédiques.


Classe 20 : Matelas (y compris sous-matelas), lits et lits/matelas à eau, coussins, oreillers, traversins, tous ces produits autres qu’à usage médical ; articles de literie, compris en classe 20 ; lattes de lits ; bois de lit


Classe 24 : Couvre-lits, linge de lit, tous les produits précités étant compris en classe 24.

Cercle des destinataires pertinent

Le cercle des destinataires pertinent est composé d’adultes clients des produits revendiqués, de commerçants spécialisés en literie, en décoration d’intérieur ainsi que des hôtels ou des hôpitaux qui proposent les produits revendiqués à leurs clients ou leurs patients. Les produits revendiqués sont habituellement examinés avec un degré d’attention légèrement accru avant d’être achetés (c. 4.2).

Motif absolu d’exclusion examiné 

signe propre à induire en erreur, art. 2 lit. c LPM.

Conclusion

L’instance précédente considère que la transmission d’un recours par fax comporte uniquement une copie de la signature du recourant ou de son mandataire et ne respecte pas les conditions de l’article 52 al. 1 PA. Selon la pratique du TAF, et selon l’article 52 al. 2 PA, il est cependant possible pour la recourant de remédier à ce défaut en transmettant dans un délai de 5 jours au tribunal la version originale du recours (c. 1.2.4). Une demande d’extension pour la suisse d’une marque déposée à l’enregistrement à l’international ne peut être refusée, selon l’article 5 § 1 de l’arrangement de Madrid que dans les cas prévus par l’article 6quinquies lit. b CUP. En particulier, un enregistrement peut être refusé lorsque la marque est de nature à tromper le public. Ce motif d’exclusion est également prévu par le droit suisse à l’article 2 lit. c LPM (c. 2.1). Un signe est trompeur lorsqu’il contient une indication géographique qui induit les destinataires en erreur sur l’origine des marchandises. Un signe est également trompeur lorsqu’il induit dans l’esprit des membres du cercle des destinataires pertinent au moins l’idée d’une indication de provenance vers une région ou un lieu. En principe lorsqu’un nom géographique est intégré à une marque, il est perçu comme indiquant la provenance du produit en question (c. 3.1). Cette règle d’expérience doit cependant être réfutée lorsque le signe en question est perçu par le public cible comme simplement fantaisiste ou symbolique (c. 3.2). Une indication de provenance peut également être admise à l’enregistrement lorsqu’elle coïncide avec la provenance des produits ou services en question (c. 3.3). Bien que le signe « sibirica » n’ait pas de sens précis dans aucune des langues nationales, il est très proche du mot allemand « Sibiria » et du mot italien « siberia ». Le suffixe -ica renvoie au nom d’une espèce de plante ou d’animal selon la nomenclature biologique (c. 5.1). Celle-ci reprend souvent le nom latin de lieux dont la plante ou l’animal est originaire. L’épithète « sibirica » signifie ainsi « de Sibérie » dans l’esprit du consommateur (c. 5.3). Les trois premières syllabes du signe « sibirica » sont similaires à celles des mots allemands « Sibiria » ou italiens « siberia ». Le fait que la dernière syllabe soit différente et inhabituelle pour la langue allemande ne suffit pas pour exclure une association avec à la région sibérienne pour le cercle des destinataires pertinents (c. 5.3). La recourante fait également valoir que le consommateur qui verrait une référence à la Sibérie penserait au grand froid typique de cette région, et verrait ainsi une référence au caractère réchauffant des produits revendiqués, rendant ainsi le signe « Sibirica » fantaisiste. Bien qu’il ne soit pas exclu que le cercle des destinataires pertinents associe le signe « Sibirica » au froid et à la chaleur, cette interprétation fantaisiste reste en arrière-plan (c 5.5). Le signe « Sibirica » est donc compris par les destinataires pertinents comme une indication géographique trompeuse (c. 5.6). [YB]