Disposition

     LDA (RS 231.1)

          Art. 46

21 février 2011

TAF, 21 février 2011, B-2346/2009 (d)

ATAF 2011/2 ; sic! 7/8/2011, p. 430-436, « Public-Viewing-Tarif III » ; medialex 2/2011, p. 114-116 (rés.) (Brem Ernst, Anmerkungen) ; gestion collective, Tarif commun 3c, public viewing, droit de mise à disposition, droit de diffusion, droit de faire voir ou entendre, recours obligatoire aux sociétés de gestion, négociation des tarifs, autonomie des sociétés de gestion, équité du tarif, surveillance de la Confédération, pouvoir de cognition, dispositions transitoires, force obligatoire ; art. 10 al. 2 lit. c, d et f LDA, art. 22 LDA, art. 33 al. 2 lit. e LDA, art. 37 lit. b LDA, art. 40 LDA, art. 46 LDA, art. 47 al. 1 LDA, art. 59-60 LDA, art. 59 al. 3 LDA, art. 60 al. 1 LDA, art. 9 al. 3 ODAu, art. 15 al. 1 ODAu.

À défaut de disposition transitoire à ce sujet et de motifs qui imposeraient leur application, les nouvelles dispositions de la LDA (2007) ne s'appliquent pas à la présente cause (c. 2). Bien que son pouvoir de cognition soit entier, le TAF doit faire preuve d'une certaine retenue dans l'examen des décisions de l'autorité spécialisée et indépendante que constitue la CAF et respecter une certaine autonomie des sociétés de gestion dans l'établissement des tarifs (c. 3). Avant d'en examiner l'équité (art. 59-60 LDA), la CAF détermine si le tarif (en l'occurrence: Tarif commun 3c) est soumis à la surveillance de la Confédération (art. 40 LDA) (à défaut, elle n'entre pas en matière) et si les sociétés de gestion l'ont négocié avec la diligence requise avec les associations représentatives des utilisateurs (art. 46 LDA) (à défaut, son président peut renvoyer le dossier aux sociétés de gestion [art. 9 al. 3 ODAu]) (c. 4.1). C'est pour des raisons pratiques que la LDA impose la gestion collective de certains droits (c. 5.2 et 5.6). Le public viewing (c'est-à-dire le fait, en dehors de la sphère privée, de faire voir ou entendre, simultanément et sans modification, des émissions télévisées sur des écrans et surfaces de projection dont la diagonale est supérieure à 3 m) implique non pas l'exercice du droit de représenter, d'exécuter ou de mettre à disposition l'œuvre (art. 10 al. 2 lit. c LDA), mais l'exercice du droit — soumis à la gestion collective obligatoire par l'art. 22 LDA — de faire voir ou entendre des œuvres mises à disposition, diffusées ou retransmises (art. 10 al. 2 lit. f LDA; art. 33 al. 2 lit. e et art. 37 lit. b LDA) (c. 5.1, 5.5-5.7). La distinction entre ces deux droits (art. 10 al. 2 lit. c et f LDA) est déjà présente dans la CB (1948) et l'aLDA (1955) (c. 5.3). Quel que soit le contexte, le nombre de personnes présentes (et leurs attentes) ou la taille de l'écran, la réception publique d'émissions — public viewing — (art. 10 al. 2 lit. f LDA) a un public propre, distinct de celui des personnes présentes dans le studio où a lieu une représentation (art. 10 al. 2 lit. c LDA) ou de celui des abonnés à une télévision assistant à une diffusion (art. 10 al. 2 lit. d LDA) (c. 5.6). S'ils ne jouent pas de rôle dans la qualification du droit de faire voir ou entendre (art. 10 al. 2 lit. f LDA) (voir toutefois l'avis divergent d'une partie de la doctrine: c. 5.4-5.5), les prestations fournies simultanément (et leur caractère principal ou accessoire) ainsi que le nombre de personnes présentes doivent être pris en considération dans le calcul de l'indemnité (art. 60 al. 1 LDA) (c. 5.6). Suffisamment connu du législateur au moment de la rédaction de l'art. 10 al. 2 lit. f LDA (1992), le public viewing a été soumis à la gestion collective (art. 22 LDA [1992]) en toute connaissance de cause et n'a pas fait l'objet d'une exception à l'art. 22 al. 3 LDA (1992) (c. 5.6). Le fait que le public viewing tombe également sous le coup de l'art. 10 al. 2 lit. c LDA (faire voir ou entendre) ne l'exclut pas de la gestion collective prévue par l'art. 22 LDA (c. 5.6). L'art. 37 LDA n'accorde pas de droit comparable au droit d'exécuter l'oe uvre de l'art. 10 al. 2 lit. c LDA, car un organisme de diffusion ne peut que faire voir ou entendre (art. 37 lit. b LDA) son émission (c. 5.6). Étant donné qu'un tarif lie le juge (art. 59 al. 3 LDA), la CAF doit en examiner l'équité, même s'il n'est pas contesté par les associations représentatives des utilisateurs (c. 6.2). L'affaire est renvoyée à la CAF afin qu'elle examine l'équité du Tarif commun 3c, notamment au regard de l'art. 47 al. 1 LDA (c. 3 et 6.1), en ce qui concerne les critères déterminants pour le calcul du montant des indemnités (c. 6.2-6.3) et en application de l'art. 15 al. 1 ODAu (c. 7).

LDA (RS 231.1)

- Art. 59-60

- Art. 40

- Art. 33

-- al. 2 lit. e

- Art. 47

-- al. 1

- Art. 59

-- al. 3

- Art. 37

-- lit. b

- Art. 22

- Art. 60

-- al. 1

- Art. 46

- Art. 10

-- al. 2 lit. f

-- al. 2 lit. c

-- al. 2 lit. d

ODAu (RS 231.11)

- Art. 15

-- al. 1

- Art. 9

-- al. 3

03 janvier 2012

TAF, 3 janvier 2012, B-1769/2010 (d)

medialex 2/2012, p. 107-109 (rés.) « Tarif A télévision (Swissperform) » ; gestion collective, décision, approbation des tarifs, tarifs des sociétés de gestion, tarif A télévision, qualité pour recourir, effet rétroactif, pouvoir de cognition, autonomie des sociétés de gestion, tarifs séparés, obligation de collaborer, traités internationaux, applicabilité directe, droits voisins, support disponible sur le marché, intégration d'un enregistrement sonore dans un vidéogramme ; art. 19 CR, art. 2 lit. b WPPT, art. 5 Cst., art. 5 PA, art. 48 PA, art. 49 PA, art. 1 LDA, art. 33 LDA, art. 35 LDA, art. 46 LDA, art. 47 LDA, art. 74 al. 1 LDA, art. 9 al. 1 ODAu.

Les décisions de la CAF sont des décisions au sens de l'art. 5 al. 1 PA, qui peuvent faire l'objet d'un recours au TAF (c. 1.1). La SRG SSR, unique partenaire de négociation et unique personne obligée par le tarif, est destinataire de la décision d'approbation de ce tarif et est donc spécialement atteinte par celle-ci (c. 1.1). Elle a un intérêt digne de protection à sa modification, même si elle n'est pas une association d'utilisateurs au sens de l'art. 46 al. 2 LDA (c. 1.1). Lorsqu'un recours est déposé au TAF contre la décision d'approbation d'un tarif et qu'un effet suspensif est décrété, le tarif peut entrer en vigueur avec effet rétroactif s'il est approuvé par le TAF (c. 1.2). La CAF examine un tarif avec pleine cognition en veillant à sa conformité aux exigences légales, mais en respectant une certaine liberté de disposition et l'autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Elle veille à trouver un équilibre des intérêts entre titulaires de droits et utilisateurs, qui serve la sécurité juridique. En cas de dispositions tarifaires approximatives ou d'inégalité de traitement, elle examine s'il faut empiéter sur l'autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Des utilisations semblables d'un même cercle d'utilisateurs, ressortissant à la même société de gestion, doivent être réglées au sein d'un même tarif sauf s'il existe des raisons objectives pour créer plusieurs tarifs. Des utilisations non soumises à redevance d'après la loi doivent être exclues du tarif (c. 2.1). En matière tarifaire, la cognition du TAF n'est pas limitée. Il fait toutefois preuve d'une certaine retenue lorsque la CAF, en tant qu'autorité spécialisée, a examiné des questions complexes de droit de la gestion collective, lorsqu'elle a pesé les intérêts en présence ou lorsqu'elle a sauvegardé l'autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Pour cette raison, le TAF n'examine en principe des formulations tarifaires qu'avec un effet cassatoire. Il ne peut les modifier lui-même qu'exceptionnellement (c. 2.2). En procédure tarifaire, les parties ont un devoir de collaboration. En cas de recours, elles doivent expliquer en détail pourquoi elles ne sont pas d'accord avec la décision de la CAF et prouver leurs allégations. La CAF ne doit s'écarter de l'état de fait allégué par les parties que si elle a des indices qu'il n'est pas correct. Si une partie manque à son devoir de collaboration, la CAF peut se baser uniquement sur les faits allégués par l'autre partie (c. 2.3). Les traités internationaux et le droit suisse forment un système unitaire, si bien que les premiers n'ont pas besoin d'être transposés en droit interne (c. 3.2). Un traité est directement applicable s'il contient des règles claires et suffisamment déterminées qui permettent une décision dans un cas concret, pas s'il s'adresse uniquement au législateur. Les WCT et WPPT ne sont que partiellement directement applicables, mais l'art. 15 WPPT dispose de cette qualité (c. 3.2). La notion de fixation, utilisée à l'art. 33 LDA, n'est pas liée à un support de données physique déterminé. Elle est un synonyme d'enregistrement, terme que l'on trouve aussi à l'art. 33 al. 2 lit. c LDA. En revanche, les mots phonogramme et vidéogramme employés par l'art. 35 LDA sont encore compris en relation avec des supports de données physiques. Mais ils n'impliquent pas une forme de publication particulière. La notion « disponible sur le marché » de l'art. 35 LDA doit être rapportée à la fixation plutôt qu'au support de données physique utilisé concrètement. Peu importe par conséquent que le support utilisé pour la diffusion ne soit pas disponible sur le marché si la fixation qu'il contient l'est quant à elle. L'interprétation de la loi doit tenir compte de l'évolution technique, si bien qu'il serait faux de réserver la notion « disponible sur le marché » aux seuls produits physiques. La fixation peut aussi être mise à disposition sur Internet à des fins de téléchargement gratuit ou payant (c. 5 et 6). L'intégration d'un enregistrement sonore dans un vidéogramme nécessite l'accord des titulaires de droits voisins sur cet enregistrement. Le droit voisin sur le vidéogramme s'étend ensuite aussi à la bande son (c. 7). [VS]

14 mai 2012

TAF, 14 mai 2012, B-3896/2011 (d)

medialex 3/2012, p. 173-174 (rés.) « Tarif commun 3a, chambres d’hôtels et d’hôpitaux, logements de vacances » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun 3a, pouvoir de cognition, autonomie des sociétés de gestion, compétence matérielle, surveillance des sociétés de gestion par l’IPI, divertissement de fond ou d’ambiance ; art. 49 PA, art. 46 LDA, art. 53 LDA, art. 54 LDA, art. 55 LDA ; cf. N 609 (TF, 13 novembre 2012, 2C_580/2012 ; sic! 3/2013, p. 154-157, « GT 3a » ; medialex 1/2013, p. 49-50 ; arrêt du TF dans cette affaire).

La surveillance exercée par l'IPI sur la gestion des sociétés doit être distinguée de la surveillance des tarifs par la CAF. D'après l'art. 55 al. 1 LDA, cette dernière est compétente pour approuver les tarifs. Elle ne peut donc vérifier le respect des obligations des sociétés de gestion que dans le cadre d'une procédure d'approbation tarifaire. Si une société réclame des redevances sans être au bénéfice d'un tarif approuvé par la CAF, cette violation de l'art. 46 LDA (al. 1 et 3) ne relève pas de la compétence d'approbation de la CAF, mais de la surveillance de la gestion incombant à l'IPI (c. 2.2). En matière tarifaire, la cognition du TAF n'est pas limitée. Il fait toutefois preuve d'une certaine retenue lorsque la CAF, en tant qu'autorité spécialisée, a examiné des questions complexes de droit de la gestion collective, lorsqu'elle a soupesé les intérêts en présence ou lorsqu'elle a sauvegardé l'autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Pour cette raison, le TAF n'examine en principe des formulations tarifaires qu'avec un effet cassatoire. Il ne peut les modifier lui-même qu'exceptionnellement (c. 2.2). L'obligation de l'IPI d'impartir à une société de gestion un délai convenable pour régulariser la situation, avant de prendre d'autres mesures, ne vaut que si la société de gestion s'abstient d'agir conformément à ses obligations, pas si elle agit d'une manière contraire à la loi. Dans ce dernier cas, l'IPI peut prononcer une interdiction d'agir sans impartir de délai préalable (c. 4.2). Dans les chambres d'hôtels ou d'hôpitaux, de même que dans les logements de vacances, la réception d'émissions de radio ou de télévision est au premier plan. On ne peut donc pas parler de divertissement de fond ou d'ambiance au sens du Tarif commun 3a (c. 5.3). [VS]

29 mai 2012

TAF, 29 mai 2012, B-2099/2011 (d)

« Tarif commun 3c 2011-2014 » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun 3c, suspension de procédure, nouvel examen, effet suspensif, public viewing (qualification juridique), droit de faire voir ou entendre ; art. 58 PA, art. 10 al. 2 lit. c LDA, art. 10 al. 2 lit. f LDA, art. 22 LDA, art. 46 LDA, art. 74 al. 2 LDA ; cf. N 46 (vol. 2007-2011 ; TAF, 21 février 2011, B-2346/2009 [ATAF 2011/2] ; sic! 7-8/2011, p. 430-436, « Public- Viewing-Tarif III » ; medialex 2/2011, p. 114-116.

L'existence d'une procédure pendante pouvant avoir valeur de précédent pour une autre procédure peut être un motif pour suspendre l'instruction de cette dernière. Mais la possibilité théorique que la CAF procède à un nouvel examen d'une décision attaquée au TAF, sur la base de l'art. 58 PA, ne suffit pas pour suspendre la procédure de recours (c. 1). Pour décider d'octroyer un effet suspensif à un recours contre l'approbation d'un tarif, il faut peser les différents intérêts publics et privés en présence, les pronostics sur l'issue de la procédure de recours n'entrant en considération que s'ils sont clairs (c. 2.2). En l'espèce, l'effet suspensif ne se justifie plus parce que le recours paraît manifestement infondé. En effet, la qualification juridique du public viewing a déjà été tranchée par le TAF et les recourantes ne démontrent pas pourquoi le tarif serait inéquitable (c. 2.2). Le public viewing, soit la diffusion d'émissions de télévision sur grand écran, met en jeu le droit de l'art. 10 al. 2 lit. f LDA qui, d'après l'art. 22 LDA, ne peut être exercé que par les sociétés de gestion agréées (c. 2.2) (confirmation de jurisprudence : cf. N 46, vol. 2007-2011). Une approbation rétroactive d'un tarif est admissible en tant que telle (c. 2.2). [VS]

13 novembre 2012

TF, 13 novembre 2012, 2C_580/2012 (d)

sic! 3/2013, p. 154-157, « GT 3a » ; medialex 1/2013, p. 49-50, « Tarif commun 3a, chambres d’hôtels et d’hôpitaux, logements de vacances » (Egloff Willi, Hinweis) ; gestion collective, recours en matière de droit public, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun 3a, interprétation des tarifs, perception de redevances, redevances, divertissement de fond ou d’ambiance, obligation de gérer ; art. 95 LTF, art. 44 LDA, art. 46 LDA ; cf. N 604 (TAF, 14mai 2012, B-3896/2011 ; medialex 3/2012, p. 173-174 [rés.] ; arrêt du TAF dans cette affaire).

Le recours en matière de droit public est ouvert contre une décision finale du TAF concernant un différend touchant à la surveillance fédérale sur l'application des tarifs de droit d'auteur (c. 1). Un tarif ne peut pas prévoir des redevances pour une utilisation libre d'après la LDA. L'approbation d'un tarif par la CAF ne peut pas créer des droits à rémunération qui ne découlent pas de la loi. À l'inverse, une redevance prévue par la loi ne peut pas être exercée s'il n'existe pas un tarif valable et approuvé (c. 2.2). Les tarifs au sens de l'art. 46 LDA sont fondés sur le droit fédéral. Des règlements édictés par des particuliers sur la base du droit fédéral sont eux-mêmes du droit fédéral au sens de l'art. 95 lit. a LTF. L'interprétation des tarifs est ainsi une question de droit fédéral que le TF examine avec un plein pouvoir de cognition (c. 2.3). Si certains cercles d'utilisateurs n'ont pas été impliqués dans la négociation du tarif — même à bon droit — une interprétation restrictive du tarif se justifie, conformément au principe in dubio contra stipulatorem (c. 2.5). La liste des lieux mentionnés au ch. 2.1 du tarif commun 3a n'est certes pas exhaustive, mais le fait qu'elle ne mentionne pas les chambres d'hôtel, d'hôpitaux et les logements de vacances appuie l'interprétation selon laquelle ce tarif ne vise que des lieux accessibles au public ou du moins à un grand nombre indéterminé de personnes (c. 2.6). Pour l'interprétation de la notion de divertissement de fond ou d'ambiance au sens du ch. 2.1 al. 2 du tarif commun 3a, c'est la perception de l'émission en tant qu'activité principale ou non qui est déterminante, et non la raison d'un séjour dans un hôtel ou un hôpital (c. 2.7). Les motivations du téléspectateur ou de l'auditeur sont certes difficiles à déterminer. Mais il faut se baser sur des situations typiques (c. 2.8). L'art. 44 LDA oblige les sociétés de gestion à n'être actives que vis-à-vis des ayants droit, il ne peut pas fonder un devoir de paiement à charge des utilisateurs dans les cas où il n'y a pas de tarif (c. 2.9). En résumé, le tarif commun 3a n'est pas applicable à la réception d'émissions dans des chambres d'hôtels, d'hôpitaux ou dans des logements de vacances. [VS]

07 avril 2014

HG ZH, 7 avril 2014, HG110271 (d)

Usage privé, droit international privé, transfert de droits d’auteur, principe du traitement national, principe du créateur, compétence exclusive, droits non soumis à un enregistrement, violation des droits de propriété intellectuelle, recueil, revue, articles scientifiques, service de livraison de documents, appareil pour la confection de copies, envoi électronique, copie numérique, copie papier, bibliothèque, tiers chargé d'effectuer une reproduction, action en interdiction, qualité pour agir des sociétés de gestion, tarifs des sociétés de gestion, interprétation conforme à la constitution, méthodes d’interprétation, interprétation conforme au droit international, triple test, exemplaire d’œuvre disponible sur le marché ; art. 5 ch. 1 CB, art. 9 ch. 2 CB, art. 2 ch. 1 CL, art. 22 ch. 4 CL, art. 4 LDA, art. 6 LDA, art. 19 al. 2 LDA, art. 19 al. 3 lit. a LDA, art. 19 al. 3bis LDA, art. 20 LDA, art. 46 LDA, art. 59 al. 3 LDA, art. 62 al. 1 LDA, art. 70 LDA, art. 5 al. 1 lit. a CPC, art. 109 al. 2 LDIP, art. 110 LDIP ; cf. N 787 (TF, 28 novembre 2014, 4A_295/2014 [ATF 140 III 616] ; sic! 3/2015, p. 155-164, « Bibliothekslieferdienst »).

La compétence exclusive prévue par l’art. 22 ch. 4 CL n’est pas applicable aux litiges concernant des droits non soumis à un enregistrement. Par conséquent, la compétence générale de l’art. 2 ch. 1 CL s’applique. D’après l’art. 109 al. 2 LDIP, les tribunaux suisses du domicile du défendeur sont compétents pour connaître des actions portant sur la violation des droits de propriété intellectuelle (c. 1.1). D’après l’art. 5 al. 1 lit. a CPC, c’est le droit cantonal qui détermine le tribunal qui fonctionne comme instance cantonale unique pour les affaires de propriété intellectuelle (c. 1.2). Le transfert aux demanderesses des droits sur différents articles scientifiques, ou l’octroi à celles-ci d’une licence exclusive, a été prouvé par les contrats produits (c. 1.3). En revanche, la question de savoir si ces demanderesses disposent des droits sur les revues contenant lesdits articles est incertaine et il faut préalablement déterminer quelle est la loi applicable à cette question (c. 1.4). D’après l’art. 110 al. 1 LDIP, les droits de propriété intellectuelle sont régis par la loi de l’État pour lequel la protection est demandée (lex loci protectionis). L’art. 5 al. 1 CB prévoit en outre le principe du traitement national, selon lequel les ayants droit étrangers bénéficient des mêmes droits que les nationaux. En l’espèce, la question de l’existence des droits d’auteur se juge d’après la loi du pays de protection. Comme les demanderesses invoquent la protection du droit d’auteur suisse, c’est le droit suisse qui est applicable (c. 2.1.1). La loi du pays de protection est aussi applicable aux prétendues violations des droits de propriété intellectuelle, de même qu’aux effets de ces droits (contenu, limite et protection). D’après l’art. 110 al. 2 LDIP en revanche, s’agissant des conséquences juridiques d’une violation, les parties peuvent toujours convenir, après l'événement dommageable, de l'application du droit du for aux prétentions résultant de l’acte illicite. Mais en l’espèce, les demanderesses invoquent aussi la loi du pays de protection pour les actions en interdiction qu’elles font valoir. L’art. 110 al. 2 LDIP n’est donc pas applicable (c. 2.1.2). En résumé, le droit suisse gouverne l’ensemble du litige (c. 2.1.3). Seule une personne physique peut acquérir originairement des droits d’auteur. D’après l’art. 6 LDA, l’auteur est la personne physique qui a créé l’œuvre. Une cession des droits d’auteur à l’employeur doit être alléguée et prouvée. Le droit suisse ne connaît aucun transfert automatique des droits d’auteur à l’employeur. Il est possible que les revues contenant les divers articles scientifiques soient des recueils au sens de l’art. 4 LDA. Toutefois, les demanderesses n’ont pas suffisamment allégué détenir les droits sur ces revues (c. 2.2.1). Par conséquent, il faut seulement examiner en l’espèce si les droits sur les différents articles ont été violés (c. 2.2.2). Une action en interdiction nécessite un intérêt à la protection actuel et suffisant. Les conclusions doivent viser des actes concrets et doivent être formulées de manière suffisamment précise pour que les autorités d’exécution puissent reconnaître les actes interdits au défendeur (c. 2.4.1). Les droits à rémunération pour l’usage privé ne peuvent être exercés que par les sociétés de gestion agréées. La qualité pour agir de ces dernières découle de la loi (art. 20 al. 2 LDA) et ne nécessite aucun fondement contractuel avec les ayants droit. Les sociétés de gestion doivent établir des tarifs (art. 46 LDA). Une fois approuvés par la CAF, ceux-ci lient le juge d’après l’art. 59 al. 3 LDA. Le juge civil doit cependant vérifier que les tarifs ne prévoient pas de droits à rémunération contraires à la loi (c. 2.5). Le TF s’est prononcé en faveur d’un pluralisme pragmatique des méthodes d’interprétation et refuse de les hiérarchiser selon un ordre de priorité. Si plusieurs interprétations sont possibles, il faut donner la préférence à celle qui correspond le mieux à la Constitution. Une interprétation conforme à la Constitution ne peut toutefois pas contredire le texte clair d’une disposition légale. Pour l’interprétation d’une limite au droit d’auteur, il faut tenir compte des droits constitutionnels en cause, en particulier de la garantie de la propriété et des libertés de communication, de même que des traités internationaux, en particulier du test des trois étapes (c. 2.6.2.1). Une œuvre offerte à la vente par Internet est disponible sur le marché au sens de l’art. 19 al. 3 lit. a LDA (c. 2.6.2.2). Le point de vue du Message de 1989, selon lequel les différents articles d’une revue ne seraient pas des exemplaires d’œuvres au sens de cette dernière disposition, ne paraît plus soutenable vu l’évolution technologique. Il faut opter pour une interprétation conforme aux réalités d’aujourd’hui lorsque les différents articles scientifiques peuvent être acquis individuellement par les consommateurs par voie électronique. L’avis du Message, selon lequel seule la copie intégrale [de la revue] ferait concurrence à la distribution de l’œuvre, n’est plus actuel: le consommateur moyen s’intéresse aujourd’hui beaucoup plus aux différents articles qu’à la revue entière. Ces articles sont donc des exemplaires d’œuvres au sens de l’art. 19 al. 3 lit. a LDA (c. 2.6.2.3.3). Cette disposition ne protège pas seulement la première exploitation de l’œuvre. Il y a reproduction de la totalité ou de l’essentiel des exemplaires d’œuvres, au sens de l’art. 19 al. 3 lit. a LDA, lorsque l’acquisition d’un exemplaire complet devient inintéressante pour le consommateur moyen. Le fait que le layout ou la numérotation des pages soient changés n’est pas déterminant (c. 2.6.2.4). Vu les travaux préparatoires de 1989, il se justifie de retenir comme seul critère déterminant pour l’application de l’art. 19 al. 3 lit. a LDA celui de la mise en concurrence directe des prestations de l’éditeur: les copies qui font concurrence directement à ces prestations ne doivent pas être admises. Le service de livraison de documents exploité par la défenderesse représente bien une telle concurrence (c. 2.6.4). En revanche, en application de ce critère, les copies réalisées par les consommateurs dans les locaux d’une bibliothèque, au moyen des appareils mis à disposition par cette bibliothèque, doivent rester admissibles. Sinon, les libertés constitutionnelles de communication seraient compromises, de même que l’équilibre des intérêts entre les exploitants et la collectivité. Le but de l’art. 19 al. 2 LDA est de permettre à celui qui ne dispose pas d’un appareil de reproduction de réaliser les copies grâce à l’aide d’un tiers. Exiger que ce dernier fasse partie du cercle privé de la personne concernée ne paraît ni praticable ni suffisant. Dans ce cadre, la personne qui réalise une copie numérique, par exemple au moyen d’un scanner installé par une bibliothèque, peut certainement aussi se faire envoyer cette copie à son adresse électronique, bien que l’art. 19 al. 2 LDA ne concerne que l’acte de reproduction. Mais l’exploitation d’un service de livraison de documents, comprenant l’envoi des copies moyennant paiement d’un émolument, ne fait pas partie des activités habituelles d’une bibliothèque. Cela représente une concurrence directe pour les services en ligne des éditeurs et porte atteinte à l’exploitation normale des œuvres au sens du test des trois étapes (c. 2.6.5). La situation ne serait différente que si les copies étaient réalisées par les personnes visées par l’art. 19 al. 1 LDA elles-mêmes, grâce à un appareil mis à disposition par la bibliothèque. En effet, avec un service de livraison de documents, la bibliothèque fait concurrence aux éditeurs en réclamant une rémunération et en offrant aux consommateurs la possibilité de gagner du temps, comme s’ils recouraient aux services en ligne des éditeurs. Il est conforme à l’équilibre des intérêts voulu par le législateur d’exiger des consommateurs qu’il se rendent physiquement dans les locaux d’une bibliothèque pour pouvoir librement réaliser les copies (c. 2.6.6). L’art. 19 al. 3bis LDA n’a pas pour effet de rendre illicites les services en ligne payants des éditeurs et ces derniers ne se rendent pas coupables de l’infraction prévue à l’art. 70 LDA. Au demeurant, par son service de livraison de documents, la défenderesse copie sur demande les articles litigieux et les envoie en PDF par voie électronique à la personne qui les a commandés. Cette prestation n’est pas couverte par l’art. 19 al. 3bis LDA car elle n’est pas identique à celle d’un service comme iTunes. Au surplus, il n’y a pas de consultation au sens de cette disposition, et les œuvres n’ont pas été mises à disposition licitement (c. 2.7.2). La vente d’articles scientifiques isolés par Internet fait partie de l’exploitation normale de l’œuvre au sens du test des trois étapes. Pour savoir s’il est porté atteinte à celle-ci, le nombre de copies réalisées par la défenderesse n’est pas déterminant et peut d’ailleurs considérablement varier selon l’intérêt des consommateurs (c. 2.9.3). Il est possible que les intérêts des auteurs et des éditeurs divergent parfois. Mais l’intérêt légitime des premiers à ce que leurs œuvres scientifiques soient largement diffusées est suffisamment sauvegardé par le fait que les consommateurs ont la possibilité de réaliser des copies dans les locaux des bibliothèques, même si les éditeurs commercialisent les articles en ligne, et par le fait qu’ils peuvent utiliser ces offres en ligne (c. 2.9.4). [VS]

27 juin 2014

TAF, 27 juin 2014, B-2385/2013 (d)

sic! 12/2014, p. 776-779, « GT 12 : Catchup- TV » (FabianWigger, Anmerkung), medialex 4/2014, p. 214, « Tarif commun 12 » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun 12, qualité pour recourir, intérêt digne de protection, intérêt divergent, formalisme excessif ; art. 48 PA, art. 46 LDA.

La qualité pour recourir est une condition du procès qui se juge exclusivement d’après l’art. 48 PA, indépendamment du droit d’auteur matériel (c. 2). L’exigence d’avoir pris part à la procédure devant l’autorité précédente tombe lorsque cette participation a été refusée au recourant. Tel est le cas si une erreur de l’autorité l’a empêché de se constituer en tant que partie alors qu’il en avait le droit (c. 2.1.1). En outre, le recourant doit être plus fortement atteint par la décision attaquée qu’une personne ordinaire. Dans le domaine du droit d’auteur, il faut partir du principe que les intérêts des ayants droit sont sauvegardés par les sociétés de gestion, que ce soit lors des négociations de tarifs ou pour les règles de répartition. En cas d’intérêts divergents de certains ayants droit, la qualité pour recourir peut exceptionnellement leur être reconnue. Mais ils doivent alors prouver non seulement qu’ils sont atteints par la décision, mais aussi que leurs intérêts divergent de ceux représentés par les sociétés de gestion. Du côté des utilisateurs, il y a moins de risques que certains intérêts diffèrent de ceux défendus par les associations représentatives: tous les utilisateurs ont un intérêt économique commun à ce que les redevances tarifaires soient les plus basses possible (c. 2.1.2). En l’espèce, la recourante (qui est ayant droit) n’a pas participé à la procédure de première instance et n’a pas demandé à le faire (c. 2.1.4 et 2.1.5). Il n’est pas possible de dire après coup si l’autorité de première instance aurait accepté sa participation. En effet, cette autorité n’a pas encore une jurisprudence constante et vérifiée par les autorités de recours s’agissant des ayants droit qui ont des intérêts divergents. Par conséquent, il n’est pas à exclure qu’une demande de participation aurait été admise par l’autorité précédente (c. 2.1.5.1). Dans ces circonstances, refuser la qualité pour recourir au motif que la recourante n’a pas participé à la procédure de première instance ne relève pas du formalisme excessif : toute la procédure tarifaire est orientée vers la négociation et la recherche d’un compromis. Les parties doivent donc connaître les intérêts en jeu et savoir qui pourrait attaquer la décision d’approbation du tarif. En outre, les négociations seraient rendues plus compliquées si des personnes pouvaient remettre en cause un tarif seulement devant les autorités de recours, sans avoir participé à la procédure auparavant (c. 2.1.5.3). Au surplus, la recourante ne démontre pas en quoi ses intérêts divergeraient de ceux des autres ayants droit défendus par les sociétés de gestion (c. 2.1.5.3). [VS]

« Tarif commun 3a complémentaire » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif 3a complémentaire, décision sur recours, instructions impératives à l’autorité précédente, divertissement de fond ou d’ambiance, divertissement ciblé, équité du tarif, forfait, redevance de réception radio, redevance de réception TV, effet rétroactif, entrée en vigueur rétroactive, approbation des tarifs rétroactive, introduction d’une redevance, édition du dossier, effets de la décision d’approbation, hôtellerie, logement de vacances ; art. 26 al. 1 Cst., art. 61 al. 1 PA, art. 46 LDA, art. 47 LDA, art. 60 LDA, art. 83 al. 2 LDA, art. 68 LRTV ; cf. N 27 (vol. 2007-2011 ; TF, 19 juin 2007, ATF 133 II 263 ; sic! 10/2007, p. 722-735, « MP3-Player II » ; JdT 2007 I 146) ; N 601 (vol. 2012- 2013 ; CAF, 17 novembre 2011) ; N 603 (vol. 2012-2013 ; TAF, 3 janvier 2012, B-1769/2010 ; medialex 2/2012, p. 107-109 (rés.), « Tarif A télévision (Swissperform) ») ; N 609 (vol. 2012-2013 ; TF, 13 novembre 2012, 2C_580/2012 ; sic! 3/2013, p. 154-157, « GT 3a » ; medialex 1/2013, p. 49-50 ; N 611 (vol. 2012-2013 ; CAF, 30 novembre 2012) ; N 790 (TAF, 14 mars 2014, B-6540/2012 ; sic! 10/2014, p. 618-623, « Zusatztarif zumGT 3a ») , N 802 (TAF, 8 juillet 2015, B-3865/2015, « Tarif commun 3a complémentaire ») et N 1040 (TF,13 décembre 2017, 2C_685/2016, 2C_806/2016).

En vertu de l’art. 61 al. 1 PA, une décision de renvoi du TAF est contraignante pour la CAF. Si le renvoi est effectué avec la formule « pour nouvelle décision dans le sens des considérants », le caractère impératif s’étend aux considérants. La CAF ne doit donc plus se prononcer sur la base légale du tarif et sur la possibilité d’établir un tarif séparé (c. 3). Dans le cadre de son arrêt du 14mars 2012 (recte : 2014) (cf. N 790), le TAF a estimé que l’utilisateur au sens du droit d’auteur, en cas de réception d’émissions dans des chambres d’hôtel, n’était pas le client,mais l’hôtelier. Il ne s’agit pas de simple divertissement de fond ou d’ambiance, mais de divertissement ciblé dûment choisi, ce qui pourrait plaider pour une utilisation plus intensive.Cependant, les émissions ne sont pas regardées longtemps et elles profitent à un plus petit nombre de personnes qu’en cas de diffusion dans un magasin, par exemple. Dans le cadre d’un tarif qui doit couvrir un grand nombre de situations, une réglementation forfaitaire est justifiée (c. 10). Une probable évolution technologique, qui rendrait désuète la réception d’émissions au moyen d’appareils radio / TV, n’a pas à être prise en compte pour juger de l’équité du tarif (c. 11). Ni la redevance selon l’art. 68 LRTV, ni les droits de retransmission payés par les câblodistributeurs n’empêchent un tarif de droits d’auteur et de droits voisins pour la réception d’émissions dans des chambres d’hôtel (c. 12). Dans le cadre d’un tarif forfaitaire, il n’est pas inéquitable que les exploitants de logements de vacances soient traités comme les hôteliers (c. 13). Un moyen de preuve concernant une question tranchée par le TAF (qui lie la CAF) n’est pas pertinent (c. 14). La question de l’entrée en vigueur du tarif, éventuellement rétroactive, relève du contrôle de l’équité (c. 16). Selon l’ATF 133 II 263 (cf. N 27, vol. 2007-2011, c. 11.2), l’entrée en vigueur rétroactive d’un tarif se décide au cas par cas, en fonction des circonstances de fait et de droit et des différents intérêts en présence. Il semble s’agir d’un examen sui generis, fondé sur d’autres critères que ceux concernant l’effet rétroactif dit « véritable » des actes administratifs, qui fait appel à deux éléments : d’une part la prévisibilité de l’obligation de payer, d’autre part le fait de pouvoir raisonnablement exiger des utilisateurs qu’ils provisionnent les montants litigieux. Les conditions de l’absence d’inégalités choquantes et de l’absence d’atteintes à des droits acquis sont également à observer, car elles valent dans tous les domaines du droit administratif. Le critère de la prévisibilité implique nécessairement une rétroactivité limitée dans le temps, à déterminer en fonction des circonstances du cas particulier. Enfin, le principe de la proportionnalité, fondamental en droit administratif, doit être respecté. Lorsque la CAF a approuvé un tarif, les utilisateurs doivent compter avec l’entrée en vigueur de ce tarif,même lorsque la décision d’approbation fait l’objet d’un recours avec effet suspensif. Sous l’empire de l’aLDA, l’entrée en vigueur et l’application rétroactives d’un tarif étaient exclues, car la loi ne consacrait que des droits exclusifs, si bien que les utilisations ne pouvaient pas être entreprises sans qu’un tarif soit applicable (c. 22). Aujourd’hui, l’art. 83 al. 2 LDA et la jurisprudence du TF dans l’affaire 2A. 142/173/174/1994 du 24 mars 1995 montrent que la procédure d’approbation tarifaire ne doit pas conduire à des périodes d’utilisations sans redevances, cela aussi bien dans le domaine des droits exclusifs que dans celui des droits à rémunération. Sinon le droit de la gestion collective interférerait sur le droit d’auteur matériel, qui est couvert par la garantie de la propriété au sens de l’art. 26 al. 1 Cst. (c. 23). La CAF a déjà accepté l’entrée en vigueur rétroactive d’un tarif, par sa décision du 17 novembre 2011 (cf. N 601, vol. 2012-2013) (c. 25). La doctrine va dans le même sens (c. 26). Il faut distinguer l’approbation avec effet rétroactif d’un tarif en première instance et l’entrée en vigueur rétroactive d’un tarif suite à une procédure de recours. En l’espèce, cette procédure de recours concerne un tarif complémentaire, ayant pour but de compléter un tarif commun dont la durée est limitée à quelques années. Si l’on excluait l’entrée en vigueur rétroactive d’un tarif complémentaire suite à une procédure de recours (qui peut durer deux à trois ans), l’institution même des tarifs complémentaires pourrait devenir obsolète. La procédure d’approbation tarifaire (y compris les éventuels recours) ne doit pas être un moyen d’obtenir des périodes d’utilisation gratuites, sinon les recours deviendront la règle (et la gestion collective ira à l’encontre de ce que permet la gestion individuelle). De plus, les autorités ne doivent pas être livrées aux circonstances de chaque cas particulier pour déterminer si d’autres moyens que l’effet rétroactif (comme un supplément sur la redevance courante) sont admissibles ou non (c. 27). Depuis la première décision de la CAF (cf. N 611, vol. 2012-2013) les utilisateurs devaient compter avec l’introduction d’une redevance. Admettre une réalisation de la condition de prévisibilité seulement si un tarif antérieur existait déjà ne découle ni de l’art. 83 al. 2 LDA, ni de la jurisprudence, en particulier de l’arrêt du TAF du 3 janvier 2012 (cf.N 603, vol. 2012- 2013) (c. 28). D’autre part, on pouvait raisonnablement exiger des utilisateurs qu’ils provisionnent les montants litigieux,même si leurs associations avaient fait recours en contestant la base légale du tarif (c. 29). La longueur de la procédure n’est pas seulement imputable aux sociétés de gestion. Par sa prise de position concernant l’effet suspensif dans la procédure de recours, Hotellerie-suisse a montré qu’elle était consciente du risque que le tarif entre en vigueur rétroactivement (c. 30). Enfin, l’effet rétroactif ne cause pas d’inégalités choquantes ou de distorsions dans les rapports de concurrence, et il ne porte pas atteinte à des droits acquis.Compte tenu des circonstances de fait et de droit et des différents intérêts en présence, il est admissible que le tarif entre en vigueur au 1er janvier 2013. Le TAF a d’ailleurs déjà admis un effet rétroactif d’environ deux ans (cf. N 603, vol. 2012-2013) (c. 31). L’édition du dossier de la procédure de recours devant la CAF n’est pas recevable, car la requérante n’indique pas pour quelles questions concrètes elle entend se prévaloir de ce dossier. De plus, le TAF a probablement déjà retourné les pièces aux parties et il n’est pas sûr que la CAF ait les moyens juridiques d’exiger une telle édition (c. 33). Le TC 3a complémentaire est donc approuvé.Mais, comme les associations d’utilisateurs peuvent difficilement recourir sans disposer de la décision motivée par écrit, il convient de préciser que cette décision ne prendra effet qu’à l’échéance du délai de recours (c. 35). [VS]

30 mars 2015

TAF, 30 mars 2015, B-1298/2014 (d)

« Tarif A Fernsehen (Swissperform) » ;  gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif A télévision, tarif contraignant pour les tribunaux, tarifs séparés, question préalable, pouvoir d’appréciation, pouvoir de cognition, autonomie des sociétés de gestion, synchronisation, droits voisins, phonogramme disponible sur le marché, vidéogramme disponible sur le marché, support disponible sur le marché, reproduction à des fins de diffusion, droit à rémunération, intégrité de l’œuvre, œuvre musicale non théâtrale, films musicaux ; art. 11 LDA, art. 22c LDA, art. 24b LDA, art. 35 LDA, art. 38 LDA, art. 46 LDA, art. 47 LDA, art. 59 LDA ; cf. N 608 (vol. 2012-2013 ; TF, 20 août 2012, 2C_146/2012 ; sic! 1/2013, p. 30-37, « Tarif A Fernsehen ») et N 800 (TF, 4 juin 2015, 2C_394/2015 ; sic! 10/2015, p. 603-605, « Tarif A Fernsehen II (Swissperform) »).

Lorsque la gestion des droits est soumise à la surveillance de la Confédération, les sociétés de gestion ne peuvent exercer ces droits que sur la base de tarifs valables. Ces derniers doivent certes respecter la réglementation légale des droits exclusifs et des utilisations autorisées et ils ne peuvent pas instaurer de prérogatives incompatibles avec la loi. Mais ils lient le juge en ce qui concerne leur caractère équitable et fondent les prétentions civiles des sociétés de gestion. Grâce à des tarifs formulés en termes généraux et approuvés par l’autorité, la gestion collective doit résoudre les difficultés pratiques qu’occasionnent le recensement et le contrôle des utilisations massives (c. 2.1). Lorsqu’elle vérifie l’équité d’un tarif, la CAF poursuit l’objectif d’un équilibre approprié des intérêts des ayants droit et des utilisateurs, qui doit aussi servir la sécurité juridique, et elle s’appuie sur le critère d’une rémunération conforme au marché. Elle doit en particulier examiner à titre préjudiciel l’existence des droits couverts par le tarif et l’assujettissement au contrôle fédéral des utilisations qu’il vise. Elle doit faire en sorte que des utilisations connexes d’un point de vue économique soient si possible réglées par le même tarif, même si elles relèvent de la compétence de sociétés de gestion différentes. La CAF ne doit cependant pas interférer dans l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion plus que le nécessite un équilibre approprié des intérêts entre ayants droit et utilisateurs. Si plusieurs solutions sont possibles, elle ne peut pas imposer la sienne contre la volonté des sociétés de gestion. Elle dispose d’un plein pouvoir d’examen, mais doit respecter une certaine liberté de disposition et l’autonomie des sociétés de gestion (c. 2.2). Le TAF examine l’affaire avec une pleine cognition. Cependant, il fait preuve de retenue là où la CAF, en tant qu’autorité judiciaire indépendante et spécialisée, a tranché des questions complexes concernant la gestion collective ou a pesé les intérêts en présence en respectant l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Cela revient à ne sanctionner que les excès ou les abus du pouvoir d’appréciation de la CAF (c. 2.3). La synchronisation va au-delà de l’intégration d’un phonogramme dans un vidéogramme: elle implique une interaction coordonnée dans le temps entre le son et l’image (c. 3.3) et la création d’un arrangement ou d’une œuvre dérivée, de même que l’enregistrement d’un phonogramme dans un vidéogramme. Elle n’est pas couverte par l’art. 35 LDA (c. 3.4). L’art. 35 LDA doit permettre d’indemniser les ayants droit pour les utilisations secondaires du support disponible sur le marché, qui ne sont pas comprises dans le prix d’achat de ce support. Comme la synchronisation n’est ni visée par l’art. 35 LDA, ni comprise dans le prix d’achat du support, elle doit être autorisée par les ayants droit (c. 4.1). L’art. 24b LDA n’y change rien, puisqu’il réserve l’art. 11 LDA. Cette réserve concerne aussi les droits voisins, étant donné le renvoi de l’art. 38 LDA. Vu la théorie de la finalité, l’accord des ayants droit englobe toutes les copies qui sont nécessaires pour la synchronisation. Par conséquent, celles-ci ne doivent pas être couvertes par le tarif, d’autant plus qu’elles ne sont pas visées par l’art. 24b LDA (c. 4.2). Le TF a estimé contraire à la volonté du législateur qu’un phonogramme intégré dans un vidéogramme soit exclu du droit à rémunération, cela aussi lorsque le vidéogramme n’est pas disponible sur le marché (cf. N 608, vol. 2012-2013) (c. 5). La demande d’enregistrements sonores synchronisés à des fins de diffusion dans des propres productions du diffuseur est en augmentation (c. 6.2). Les art. 24b et 35 LDA instaurent la gestion collective pour des raisons pratiques, les ayants droit n’étant plus en mesure de faire valoir leurs droits individuellement. Pour ces ayants droit, licencier la diffusion de leurs enregistrements en même temps que leur synchronisation pourrait être difficile, car la réalité et la fréquence de la diffusion ne sont pas forcément connues au moment où la synchronisation est autorisée. Pour cette raison, la gestion collective prévue par les art. 35 et 24b LDA s’impose (c. 6.3). Il est donc juste, comme le veut la recourante, que le tarif A Télévision englobe aussi la diffusion de phonogrammes du commerce synchronisés dans des propres productions du diffuseur. L’affaire doit ainsi être renvoyée à la CAF pour qu’elle examine l’équité de la redevance compte tenu de cette constatation juridique (c. 6.4). Les vidéos musicales, les vidéoclips et les films musicaux sont disponibles sur le marché en tant que tels et ne tombent pas sous le coup de la notion de musique de film ayant fait l’objet de l’arrêt du TF 2A_288/2002 du 24 mars 2003. Les films d’opéras, de danse, de concerts ou de comédies musicales sont des films musicaux et leur diffusion relève traditionnellement des grands droits. Dans un film musical, l’image suit la musique (d’un point de vue dramaturgique) et la souligne d’une manière théâtrale (c. 7.2). Pour cette raison, les art. 22c et 24b LDA ne s’appliquent pas aux films musicaux (c. 7.3). [VS]

30 mars 2015

HG ZH, 30 mars 2015, HG140151 (d)

Gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, SUISA, SWISSPERFORM, qualité pour agir, société de gestion, œuvre musicale non théâtrale, droits voisins, procédure devenue sans objet, frais de procédure ; art. 35 LDA, art. 46 LDA, art. 107 al. 1 lit. e CPC, art. 241 CPC, art. 242 CPC.

Fondée sur les contrats passés avec ses membres et sur les contrats de représentation réciproque, SUISA gère la quasi-totalité du répertoire mondial de musique non théâtrale. Comme elle est titulaire des droits, c’est auprès d’elle que doit être obtenue l’autorisation d’exécuter en public la musique qu’elle administre et c’est auprès d’elle que doit être payée l’indemnité prévue par les tarifs au sens de l’art. 46 LDA. Pour le droit voisin de l’art. 35 LDA, c’est Swissperform qui est compétente. Mais SUISA est autorisée à faire valoir ce droit à rémunération parce qu’elle est l'organe d’encaissement et la représentante de Swissperform d’après le tarif applicable. Il découle de ce qui précède que SUISA a qualité pour agir en paiement des redevances de droit d’auteur et de droits voisins dues pour les concerts d’un festival open-air (c. 3.1). Le paiement d’une partie de la créance litigieuse après l’introduction du procès n’est pas un acquiescement au sens de l’art. 241 CPC, car l’exigence de forme n’est pas respectée, mais il rend la procédure sans objet au sens de l’art. 242 CPC à hauteur du montant payé (c. 1.3.3). Dans ce cas, les frais judiciaires sont répartis selon la libre appréciation du tribunal conformément à l’art. 107 al. 1 lit. e CPC. Il faut se demander quelle partie a occasionné le procès, quelle aurait été son issue probable, à qui sont dues les raisons qui ont rendu la procédure sans objet et quelle partie a causé inutilement des frais. En l’espèce, le paiement n’est intervenu que sous la pression de l’action intentée et la demanderesse aurait de toute manière obtenu gain de cause. La défenderesse doit donc supporter l’intégralité des frais judiciaires (c. 4.1). [VS]

13 décembre 2017

TF, 13 décembre 2017, 2C_685/2016, 2C_806/2016 (d)

« Tarif commun 3a complémentaire » ; jonction de causes, motivation du recours, décision incidente, tarifs des sociétés de gestion, tarifs complémentaires, divertissement de fond ou d’ambiance, test des trois étapes, triple test, usage privé, équité du tarif, tarif contraignant pour les tribunaux, cognition de la CAF, pouvoir de cognition de la CAF, pouvoir de cognition du TAF, pouvoir de cognition du TF, effet rétroactif, effet suspensif; art. 11bis CB, art. 8 WCT, art. 6 WPPT, art. 8 Cst, art. 42 LTF, art. 71 LTF, art. 93 al. 3 LTF, art. 95 LTF, art. 97 LTF, art. 105 LTF, art. 106 LTF, art. 107 al. 2 LTF, art. 10 al. 2 lit. e LDA, art. 10 al. 2 lit. f LDA, art. 19 al. 1 lit. a LDA, art. 22 LDA, art. 46 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA, art. 83 al. 2 LDA, art. 24 PCF ; N 797 (CAF, 2 mars 2015)

Les recours concernent le même jugement, ils contiennent pour l’essentiel les mêmes conclusions et ils soulèvent des questions juridiques identiques. Il se justifie donc de joindre les procédures (c. 1.1). Contre une décision du TAF concernant l’approbation d’un tarif par la CAF, c’est le recours en matière de droit public qui est ouvert (c. 1.2). Le TF revoit l’interprétation du droit fédéral et des traités internationaux avec un plein pouvoir de cognition. Il base sa décision sur l’état de fait constaté par l’autorité inférieure, mais il peut le rectifier ou le compléter s’il apparaît manifestement inexact ou s’il a été établi en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (c. 1.3). Le TF applique le droit d’office et n’est pas lié par les arguments des parties ou par les considérants de la décision attaquée (c. 1.4). Les motifs du recours doivent exposer succinctement en quoi l'acte attaqué viole le droit. Cela implique que le recourant doit se pencher au moins brièvement sur ses considérants. En matière de violation des droits fondamentaux et de violation du droit cantonal ou intercantonal, il existe un devoir de motivation qualifié : le grief doit être invoqué et motivé précisément d’après l’art. 106 al. 2 LTF (c. 1.5). Les tarifs approuvés et entrés en force sont contraignants pour les tribunaux. Toutefois, un tarif ne peut pas prévoir de redevance pour une utilisation libre d’après la LDA. En cas de litige, il appartient au juge civil de décider de ce qui est couvert ou non par le droit d’auteur. L’approbation d’un tarif par la CAF ne peut pas créer des droits à rémunération qui ne découlent pas de la loi. A l’inverse, une redevance prévue par la loi ne peut pas être exercée s’il n’existe pas un tarif valable et approuvé. Les tarifs des sociétés de gestion sont donc soumis à un double contrôle complémentaire, d’une part par la CAF et d’autre part par les tribunaux civils (c. 2.2). Si une partie veut attaquer une décision incidente avec la décision finale, elle doit prendre une conclusion spéciale à cet effet, la motiver et expliquer en quoi la décision incidente influe sur la décision finale. Ces exigences sont implicitement respectées en l’espèce (c. 2.2). Lorsqu’un hôtel reçoit des programmes de radio et de télévision grâce à sa propre antenne et les diffuse dans les chambres, il y a un acte de retransmission au sens de l’art. 10 al. 2 lit. e LDA et non de « faire voir ou entendre » au sens de l’art. 10 al. 2 lit. f LDA, car il y a une nouvelle restitution à un cercle indéterminé de destinataires (c. 5.1). Il paraît douteux que l’exception de l’art. 22 al. 2 LDA puisse s’appliquer, vu le texte de la disposition («destinées à un petit nombre d’usagers ») et vu que le législateur voulait avant tout éviter la multiplication d’antennes sur le toit des maisons (c. 5.2.3). Il faut aussi prendre en compte le droit international, qui a évolué depuis 1993, en particulier le test des trois étapes prévu par la CB et les accords ADPIC, et les droits des art. 11bis CB, 8 WCT et 6 WPPT (c. 5.2.4). La CJUE a estimé, dans son arrêt du 7 décembre 2006 C-306/05, que les art. 11bis al. 1 chiffre 2 et 3 CB et 8 WCT s’opposaient à ce que la diffusion d’émissions dans des chambres d’hôtel soit libre sous l’angle du droit d’auteur. Cette décision n’est certes pas contraignante pour les tribunaux suisses, mais elle peut servir à l’interprétation de dispositions juridiques peu claires. Et le TF a déjà reconnu que l’idée d’une harmonisation avec le droit européen avait inspiré le droit d’auteur suisse (c. 5.2.5). Au vu de ce qui précède et des critiques de la doctrine, il faut admettre que la retransmission d’œuvres dans des chambres d’hôtel est une communication publique au sens de l’art. 11bis al. 1 CB, en partie au contraire de ce qui avait été retenu par l’ATF 119 II 51. L’art. 22 al. 2 LDA n’est donc pas applicable (c. 5.2.6). Un but lucratif est incompatible avec l’exception d’usage privé au sens de l’art. 19  al. 1 lit. a LDA. En cas de retransmission d’émissions dans des chambres d’hôtel, l’utilisation d’œuvres est réalisée par l’hôtelier et pas par le client de celui-ci. Cela résulte déjà du fait que les actes d’utilisation de l’art. 10 al. 2 lit. a à f se situent en amont de la jouissance de l’œuvre (c. 5.3.2). La « convergence des technologies » n’y change rien : l’obligation de payer des redevances dépend de l’ampleur de l’infrastructure mise à la disposition du client (c. 5.3.3). En cas de recours au TF, les griefs doivent porter sur les considérants de l’arrêt du TAF, pas sur ceux de la décision de la CAF (c. 6.1). L’industrie de l’électronique qui loue des appareils de réception n’est pas dans la même situation que l’hôtelier : il n’y a donc pas de violation de l’égalité de traitement si elle ne doit pas payer de redevance de droit d’auteur (c. 6.3). La redevance de réception selon la LRTV ne couvre pas les droits d’auteur et les droits voisins : elle profite à d’autres ayants droit et elle relève du droit public, alors que l’indemnité tarifaire relève du droit privé (c. 6.4). Les critères de l’art. 60 LDA sont contraignants pour la CAF et ils ne représentent pas seulement des lignes directrices pour l’exercice de son pouvoir d’appréciation. Ils sont des notions juridiques indéterminées, dont le TF revoit l’interprétation et l’application. Toutefois, ce dernier fait preuve d’une certaine retenue dans le contrôle des décisions prises par des autorités spécialisées, lorsque des aspects techniques particuliers sont en discussion. Cette retenue vaut aussi pour le TAF, malgré sa cognition illimitée selon l’art. 49 PA (c. 7.2.1). Comme la CAF est une autorité spécialisée, le TAF doit respecter son pouvoir d’appréciation dans l’application des critères de l’art. 60 LDA, ce qui revient finalement à ne sanctionner que les abus ou les excès (c. 7.2.2). En l’espèce le TAF s’est tenu à juste titre à ces exigences (c. 7.2.3). En ce qui concerne l’entrée en vigueur d’un tarif, il faut s’en tenir en principe à l’interdiction d’un effet rétroactif. Pour éviter d’autres retards, le TF peut renoncer à renvoyer l’affaire à la CAF et trancher lui-même la question de l’entrée en vigueur et de la durée de validité du tarif, en application de l’art. 107 al. 2 LTF (c. 8.3). La jurisprudence distingue entre la rétroactivité véritable et la rétroactivité impropre. Dans le premier cas, un acte applique le nouveau droit à un état de fait révolu au moment de son entrée en vigueur. Pour que cette rétroactivité proprement dite soit admissible, il faut qu’elle soit expressément prévue par la loi ou qu’elle en résulte clairement, qu'elle soit raisonnablement limitée dans le temps, qu'elle ne conduise pas à des inégalités choquantes, qu'elle réponde à un intérêt public digne de protection et, enfin, qu'elle respecte les droits acquis. En cas de rétroactivité improprement dite, la nouvelle règle s'applique à un état de fait durable, qui a débuté sous l’ancien droit mais qui n’est pas entièrement révolu au moment de l’entrée en vigueur du nouveau droit. La rétroactivité impropre est en principe admise si elle ne porte pas atteinte à des droits acquis. En ce qui concerne l’exigence de la limitation dans le temps, un effet rétroactif d’une année a déjà été admis. Cette exigence découle du principe de la proportionnalité, et avant tout de ce qui est raisonnable. Lorsque la rétroactivité favorise certaines personnes et en désavantage d’autres, comme en l’espèce, les conditions susmentionnées doivent être remplies (c. 8.4). Une entrée en vigueur rétroactive d’un tarif n’est pas exclue, mais elle doit être limitée dans le temps (c. 8.5.1). En l’espèce, la CAF a admis un effet rétroactif de deux ans et deux mois, ce qui est excessif. Les recourantes devaient certes s’attendre à l’introduction du tarif, mais on ne peut pas leur reprocher d’avoir retardé la procédure de manière inconvenante (c. 8.5.3). Une si longue rétroactivité poserait aussi des problèmes pratiques et soulèverait des questions d’égalité de traitement, par exemple lorsque des hôtels ont cessé leur activité ou ont changé de propriétaires (c. 8.5.4). La question de l’effet rétroactif doit cependant être distinguée de celle de la liquidation de l’effet suspensif ordonné suite aux recours (c. 8.6). En principe, l’effet suspensif ne doit pas favoriser matériellement la partie qui succombe au détriment de la partie qui l’emporte (c. 8.6.1). Lorsque le recours est rejeté ou qu’il est irrecevable, l’effet suspensif tombe et un examen du cas particulier conduit en général à admettre que la décision attaquée entre en vigueur avec effet au moment où elle a été rendue, pour ne pas favoriser indûment le recourant (c. 8.6.2). En l’espèce, l’effet suspensif n’avait été ordonné que partiellement et les redevances litigieuses sont perçues depuis le 8 juillet 2015. Il ne paraît pas justifié que le tarif entre en vigueur le 2 mars 2015, soit à la date de la décision de la CAF (c. 8.6.3). Pour les raisons pratiques et juridiques déjà évoquées en relation avec la rétroactivité, il se justifie que le tarif entre en vigueur au 8 juillet 2015. Cela permet aussi d’accorder un délai d’introduction aux recourantes, ce qui se justifie vu la longueur de la procédure qui ne leur est pas imputable (c. 8.6.4). [VS]

CB (RS 0.231.15)

- Art. 11bis

Cst. (RS 101)

- Art. 8

LDA (RS 231.1)

- Art. 83

-- al. 2

- Art. 59

- Art. 22

- Art. 60

- Art. 46

- Art. 19

-- al. 1 lit. a

- Art. 10

-- al. 2 lit. e

-- al. 2 lit. f

LTF (RS 173.110)

- Art. 71

- Art. 93

-- al. 3

- Art. 106

- Art. 107

-- al. 2

- Art. 42

- Art. 95

- Art. 105

- Art. 97

PCF (RS 273)

- Art. 24

WCT (RS 0.231.151)

- Art. 8

WPPT (RS 0.231.171.1)

- Art. 6

01 février 2016

HG ZH, 1er février 2016, HG150137-O (d)

sic! 9/2016, p. 457 ss, « Geschätzte Kopier- und Verwaltungsvergütungen » ; tarifs des sociétés de gestion, devoir d’informer les sociétés de gestion, estimation de la redevance, frais administratifs ; art. 46 LDA, art. 47 LDA, art. 51 LDA.

Les utilisateurs d’oeuvres ont un devoir de renseigner les sociétés de gestion selon l’art. 51 LDA. Lorsque celui-ci n’est pas respecté, les dispositions des tarifs communs 8 et 9 permettent à ProLitteris d’estimer les données nécessaires à la facturation. L’estimation est considérée comme reconnue si l’utilisateur ne fournit pas les informations voulues dans les 30 jours. En outre, la société de gestion peut réclamer un supplément pour ses frais administratifs (c. 5.2). [VS]

21 février 2018

TF, 21 février 2018, 4A_549/2017 (f)

« Gestion économique » ; instance cantonale unique, compétence matérielle, commission arbitrale fédérale, tribunal civil, recours en matière civile, recours en matière de droit public, tarifs des sociétés de gestion, tarif contraignant pour les tribunaux, gestion collective, gestion économique, société de gestion ; art. 42 al. 2 LTF, art. 74 al. 2 lit. b LTF, art. 75 al. 2 lit. a LTF, art. 45 al. 1 LDA, art. 46 LDA, art. 53 al. 1 LDA, art. 55 LDA, art. 59 al. 3 LDA, art. 74 al. 1 LDA.

Lorsque le droit fédéral prévoit une instance cantonale unique, le recours en matière civile est recevable quelle que soit la valeur litigieuse selon l’art. 74 al. 2 lit. b LTF ; de plus, le tribunal supérieur n’a pas à statuer sur recours d’après l’art. 75 al. 2 lit. a LTF (c. 1.2). En cas de recours en matière civile, le TF n’est pas lié par l’argumentation des parties et il apprécie librement la portée juridique des faits, mais il s’en tient d’ordinaire aux questions juridiques que la partie recourante a soulevées (c. 1.3). Une fois entrés en force, les tarifs d’une société de gestion lient le juge en vertu de l’art. 59 al. 3 LDA, si bien que les autorités civiles ne sont pas compétentes pour revoir la décision de la CAF sur le caractère équitable du tarif. Celle-ci peut faire l’objet d’un recours au TAF, puis d’un recours en matière de droit public au TF (c. 2.3.1). La gestion économique des sociétés selon l’art. 45 al. 1 LDA implique des tarifs forfaitaires et une répartition des redevances simplifiée. Elle contraint les sociétés à faire l’impossible pour comprimer les frais administratif. L’IPI veille au respect de cette obligation, qui ne peut pas non plus être contrôlée par le juge civil. Les décisions de l’IPI à ce sujet doivent faire l’objet d’un recours au TAF, puis d’un recours en matière de droit public au TF (c. 2.3.2). En revanche, le juge civil peut vérifier qu’un tarif approuvé ne contrevienne pas à des règles légales impératives, en particulier qu’il ne prévoit pas de redevances pour des activités non soumises à rémunération selon la loi. La décision est alors susceptible de recours en matière civile au TF (c. 2.3.3). En l’espèce, le recourant est débiteur d’une redevance en contrepartie de son exploitation d’une photocopieuse et d’un réseau informatique. Il ne supporte pas une participation aux frais de fonctionnement de la société de gestion. Cette participation et son calcul ne concernent que les membres de la société. En reprochant à cette dernière de ne pas administrer ses affaires selon les règles d’une gestion saine et économique, le recourant soulève une question relevant de la compétence exclusive de l’IPI, qui ne peut pas être examinée par l’autorité judiciaire civile (c. 2.4). [VS]

LDA (RS 231.1)

- Art. 55

- Art. 59

-- al. 3

- Art. 74

-- al. 1

- Art. 53

-- al. 1

- Art. 45

-- al. 1

- Art. 46

LTF (RS 173.110)

- Art. 75

-- al. 2 lit. a

- Art. 42

-- al. 2

- Art. 74

-- al. 2 lit. b

22 octobre 2018

TAF, 22 octobre 2018, B-3812/2016 (d)

« Tarif A Fernsehen (Swissperform) » ; tarifs des sociétés de gestion, pouvoir de cognition de la CAF, pouvoir de cognition du TAF, arrêt de renvoi, force obligatoire, unité de la procédure, effet rétroactif, effet suspensif, pouvoir d’appréciation, renvoi de l’affaire, novae, synchronisation, droits voisins, phonogramme disponible sur le marché, vidéogramme disponible sur le marché, support disponible sur le marché, œuvre musicale non théâtrale, effet rétroactif, devoir de collaboration accru des parties en procédure tarifaire, règle du ballet, augmentation de redevance, augmentation du tarif ; art. 12 CR, art. 15 WPPT, art. 11 LDA, art. 22c LDA, art 24b LDA, art. 35 LDA, art. 38 LDA, art. 46 LDA, art. 59 LDA.

Lorsque le TAF a renvoyé antérieurement l’affaire à l’autorité précédente et qu’il y a un nouveau recours sur la nouvelle décision de cette dernière, aussi bien l’autorité précédente que le TAF sont liés par le dispositif de la décision de renvoi, lequel forme le cadre de la nouvelle procédure de recours (c. 1.2). Lorsque le renvoi portait sur un nouvel examen du montant de la redevance, les mesures à prendre pour éviter une augmentation abrupte et la date d’entrée en vigueur de la redevance font partie du cadre fixé par la décision de renvoi (c. 1.2 et 1.3). L’effet contraignant de celle-ci ne s’oppose pas à la prise en compte de novae, pour autant que le droit de procédure et le principe de l’unité de la procédure le permettent (c. 1.4). A supposer que l’obligation de paiement de la redevance soit reportée en raison de l’interdiction de l’effet rétroactif, c’est aussi l’entrée en vigueur de toutes les autres dispositions tarifaires qui devrait être retardée, y compris de celles en défaveur des ayants droit (c. 3.3). En l’espèce, le tarif a produit ses effets dès la date d’entrée en vigueur prévue, car les recours n’ont pas eu d’effet suspensif. En cas de redevance tarifaire trop basse, un recours serait rendu illusoire si la redevance ne pouvait pas être augmentée dès la date d’entrée en vigueur du tarif. De plus, les utilisations déjà entreprises seraient illicites si le tarif corrigé ne pouvait pas les couvrir, ce qui conduirait à des négociations sur les dommages-intérêts. En l’espèce, on est en présence d’un tarif qui est entré en vigueur à la date prévue, mais qui a été modifié suite à un recours. Le cas se distingue des affaires 2C_685/2016 et 2C_806/2016 tranchées par le TF, où un nouveau tarif devait entrer en vigueur pour la première fois à titre rétroactif. Il n’y a donc pas ici d’effet rétroactif non autorisé (c. 3.4). Les tarifs doivent faciliter les utilisations d’œuvres en instaurant une redevance homogène, prévisible et praticable dans l’intérêt des ayants droit et des utilisateurs. La CAF fixe son niveau en ayant pour but un équilibre objectif des intérêts entre les parties concernées, et en respectant l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion. Un devoir de collaboration accru des parties les oblige à fournir les chiffres et statistiques permettant le contrôle de l’équité. Le TAF se prononce avec un plein pouvoir de cognition, mais il fait preuve de retenue là où la CAF, en tant qu’autorité judiciaire spécialisée indépendante, a traité de questions complexes concernant la gestion collective ou a pesé les intérêts en présence tout en respectant l’autonomie des sociétés de gestion. En fin de compte, cela revient à rechercher si la CAF a excédé son pouvoir d’appréciation ou en a abusé (c. 4.1). Un tarif est équitable lorsqu’il repose sur un équilibre approprié, semblable en substance à ce qui aurait découlé d’un accord entre les parties dans une situation de concurrence. Les difficultés d’application sont à prendre en compte. Des forfaits et des approximations sont admissibles pour mieux couvrir toutes les utilisations et améliorer la praticabilité. L’art. 12 CR et l’art. 15 WPPT ne donnent aucune garantie minimum valable dans tous les cas particuliers (c. 4.3). Le tarif concerne l’utilisation de phonogrammes disponibles sur le marché, sans considération d’une protection éventuelle sur les images. Il est donc compréhensible que la CAF n’ait pas différencié la redevance selon que les phonogrammes sont ou non synchronisés avec des images (c. 5.1). Une utilisation moins intensive des supports lorsqu’ils sont synchronisés n’est pas constatable. La règle du ballet, qui justifierait une diminution de 50% de la redevance, n’est donc pas applicable (c. 5.2). Il est compréhensible également que la CAF, lorsqu’elle s’oppose aux augmentations abruptes de redevance, ne prenne en compte que la charge tarifaire des utilisateurs, et non les montants à répartir aux ayants droit : cette charge détermine en effet les offres des utilisateurs sur le marché et le calcul de leurs prix, alors qu’elle n’a que peu d’influence sur les cachets que touchent les titulaires de droits voisins. Mais il est vrai que la CAF évite les augmentations abruptes unilatéralement en faveur des utilisateurs, alors qu’elle ne recherche pas à assurer la continuité des recettes tarifaires pour les ayants droit, par exemple en évitant des périodes sans tarif ou des retards dans l’approbation des tarifs pour des raisons de procédure. Ainsi, l’interdiction des augmentations abruptes (principe de la continuité) n’est pas un critère qui relève du contrôle de l’équité. Une partie de la doctrine le prétend, mais cela ne découle pas de la loi. Le TF a aussi plusieurs fois admis qu’une augmentation importante de la redevance était admissible en cas de changement dans les bases de calcul justifié objectivement, et qu’elle pouvait même démontrer que la redevance antérieure était trop basse. Ainsi, le principe de la continuité ne sert pas à distinguer une charge tarifaire équitable d’une charge inéquitable mais, en aval, au choix d’une solution préférable parmi plusieurs solutions tarifaires équitables. Il est alors permis d’y recourir et de le mettre en œuvre par un échelonnement annuel des taux tarifaires ou des montants maximaux à payer (c. 6.3). En l’espèce, le plafonnement des redevances ne peut pas être confirmé car le nouveau tarif se base sur un changement des bases de calcul justifié objectivement (c. 6.4.1), les forfaits avaient été payés précédemment expressément « sans valeur de précédent » (c. 6.4.2), depuis 2013 ils n’étaient versés qu’à titre d’acomptes (c. 6.4.3) et, enfin, parce que le plafonnement a été calculé par la CAF en fonction de l’intégralité des recettes tarifaires, alors qu’il a été appliqué uniquement sur la redevance due pour l’utilisation de supports synchronisés, ce qui défavorise les interprètes dont la prestation figure sur de tels supports (c. 6.4.4). L’introduction d’un système de calcul proportionnel à l’utilisation, vingt ans après l’entrée en vigueur de la LDA, plaide contre un échelonnement de l’augmentation, ce qui rend inutile un deuxième renvoi à l’autorité précédente (c. 6.5). [VS]

23 mai 2019

TAF, 23 mai 2019, B-5852/2017 (d)

« Tarif commun 3a » ; tarifs des sociétés de gestion, compétence matérielle, Commission arbitrale fédérale, pouvoir de cognition du TAF, pouvoir de cognition de la CAF, pouvoir d’appréciation, équité du tarif, autonomie des sociétés de gestion, obligation de collaborer, comparaison avec l’étranger, valeur litigieuse, conclusion nouvelle ; art. 13 al. 1 lit. b PA, art. 52 PA, art. 53 PA, art. 46 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA.

Les recourantes ont suffisamment motivé leur contestation de la prolongation de l’ancien tarif jusqu’à l’entrée en vigueur du nouveau, si bien que l’art. 52 al. 1 PA est respecté (c. 1.2). L’objet du litige en procédure de recours ne peut que correspondre à celui qui était ou aurait dû être débattu en première instance. Il peut être restreint, mais ne peut pas être étendu ou modifié. Exceptionnellement, des conclusions nouvelles sont recevables pour des raisons d’économie de la procédure, si elles ont un rapport très étroit avec l’objet du litige en première instance, et si l’autorité inférieure s’est prononcée sur les nouvelles questions litigieuses. Une fois que le délai de recours est écoulé, les conclusions ne peuvent plus être étendues, mais seulement diminuées ou précisées, sous réserve des art. 52 al. 2 et 53 PA (c. 1.3.2). Le projet de tarif présenté par les recourantes dans leurs conclusions principales n’a pas été négocié, les recourantes ne sont pas légitimées à en demander l’approbation d’après l’art. 46 LDA et ce tarif ne formait pas l’objet de la procédure de première instance. Les conclusions principales sont donc irrecevables (c. 1.3.4). La CAF examine un projet tarifaire avec pleine cognition, mais elle doit respecter une certaine liberté de disposition des sociétés de gestion. Elle ne doit pas interférer dans leur autonomie tarifaire plus que ne le nécessite un équilibre objectif des intérêts entre ayants droit et utilisateurs. Si plusieurs solutions sont envisageables, la CAF dépasserait ses compétences en imposant la sienne (c. 2.1). Un tarif est équitable lorsqu’il repose sur un équilibre approprié, semblable en substance à ce qui aurait découlé d’un accord entre les parties dans une situation de concurrence. L’équité se détermine d’après le rapport entre la redevance tarifaire et les recettes de l’utilisateur, à défaut ses frais, et d’après le choix des bases de calcul. Les difficultés d’application sont à prendre en compte. Des forfaits et des approximations sont admissibles pour mieux couvrir toutes les utilisations et améliorer la praticabilité (c. 2.2). Le TAF dispose d’un plein pouvoir de cognition et peut aussi examiner l’équité de la décision tarifaire attaquée. Il fait toutefois preuve de retenue là où la CAF, en tant qu’autorité judiciaire spécialisée indépendante, a traité de questions complexes concernant la gestion collective ou a pesé les intérêts en présence tout en respectant l’autonomie des sociétés de gestion. Le TAF vérifie si la CAF a appliqué correctement les critères parfois très ouverts de l’art. 60 LDA. Mais il restreint son pouvoir d’examen concernant la question - partiellement non justiciable - de la pondération des différents critères dans le cas concret et de leur influence chiffrée sur le tarif à approuver. En fin de compte, cela revient à rechercher si la CAF a excédé son pouvoir d’appréciation ou en a abusé (c. 2.3). La doctrine estime qu’il est correct de tenir compte des difficultés ou des facilités dans l’encaissement des redevances par des suppléments ou des rabais tarifaires. Jusqu’à la fin de l’année 2018, le tarif commun 3a (TC 3a) était encaissé par Billag SA pour le compte des sociétés de gestion. Il y avait des synergies avec la perception de la redevance prévue par la LRTV, notamment parce que Billag SA bénéficiait d’un accès gratuit aux registres cantonaux et communaux des habitants d’après l’art. 69 al. 2 aLRTV. Le nouvel organe d’encaissement selon la LRTV a l’interdiction d’exercer une autre activité économique, d’après l’art. 69e al. 3 LRTV, et il ne peut donc plus gérer le TC 3a. Quant à elle, Billag SA n’a plus accès aux registres des habitants et aux banques de données de la Confédération, si bien qu’elle ne pourrait plus percevoir les redevances du TC 3a à des conditions aussi favorables que dans le passé. Cela vaut aussi pour d’éventuelles autres sociétés d’encaissement. Le choix de SUISA pour remplacer Billag SA n’est pas critiquable vu l’autonomie des sociétés de gestion, d’autant que SUISA a déjà encaissé une partie des redevances du TC 3a par le passé et que la gestion de droits d’auteur est son activité habituelle. Les intimées ont démontré que la disparition des synergies précitées occasionnerait des coûts supplémentaires d’environ CHF 2 mios. On ne peut pas reprocher à SUISA d’être inefficiente. Comme l’encaissement du TC 3a, et donc le niveau de la redevance, doivent être adaptés à la révision de la LRTV, les taux tarifaires prévus par l’ancien tarif en cas d’encaissement par Billag SA ne peuvent servir de point de départ pour le contrôle de l’équité. Ce contrôle doit être effectué à partir des taux prévus en cas d’encaissement par SUISA, qui ont été approuvés par la CAF en 2007 déjà et qui ont été plusieurs fois prolongés avec l’accord des utilisateurs. L’objection des recourantes selon laquelle ces taux ont été négligés durant les négociations passées, parce qu’ils ne concernaient qu’un petit nombre de personnes, ne convainc pas. Le fait que les recettes procurées par le TC 3a aient augmenté depuis 2000 peut s’expliquer par un meilleur contrôle du marché de Billag SA et par une augmentation du nombre d’utilisateurs. Il ne démontre pas que le tarif est inéquitable, pas plus que les augmentations tarifaires entre 1996 et 2007 ou que l’avis du préposé à la surveillance des prix de 2007 (c. 5.1). Les recourantes critiquent les chiffres des intimées sur les coûts d’utilisation au sens de l’art. 60 LDA, mais elles ne produisent aucun moyen de preuve. D’après leur devoir de collaboration selon l’art. 13 al. 1 lit. b PA, particulièrement important en procédure tarifaire, ce serait pourtant à elles de démontrer par des chiffres et des statistiques les faits sur lesquels le tarif doit se fonder. La diminution des coûts des appareils de réception et le renchérissement négatif ont été pris en compte pour calculer les redevances du nouveau tarif. Les recourantes n’ont pas démontré que d’autres coûts déterminants auraient baissé. Ni la situation économique des utilisateurs, ni la force du franc suisse ne sont des critères pertinents pour apprécier l’équité, car les utilisateurs sont libres de renoncer aux utilisations d’œuvres et parce que l’équité des redevances (aussi pour des ayants droit à l’étranger) ne peut pas dépendre des taux de change (c. 5.2). Les recourantes ne peuvent pas en appeler à l’expérience générale de la vie au lieu de produire leurs propres chiffres et statistiques. Il ressort des calculs et études des intimées que le nouveau tarif respecte les pourcentages maximaux de l’art. 60 al. 2 LDA. Une baisse des redevances ne se justifie pas, celles-ci se situant à un bas niveau par rapport à celles pratiquées à l’étranger. La comparaison avec l’étranger est en effet un critère reconnu par le Tribunal fédéral. L’autorité inférieure a également admis à juste titre que les obligations internationales de la Suisse s’opposaient à une nouvelle baisse du tarif (c. 5.3). C’est à bon droit que la CAF a approuvé le nouveau tarif et a prolongé l’ancien jusqu’à son entrée en vigueur, pour éviter un vide tarifaire (c. 5.4). La valeur litigieuse correspond à la différence entre le tarif approuvé par la CAF et celui voulu par les recourantes, pour la période de validité prévue. Une réduction pour tenir compte de la seule part concernant les recourantes ne se justifie pas, car le tarif ne vaut pas seulement pour les parties à la procédure (c. 6.2). [VS]

09 avril 2020

TAF, 9 avril 2020, A-816/2019 (d)

« Tarif commun 7 » ; accès aux documents officiels, commission arbitrale fédérale, tarifs des sociétés de gestion, cognition du TAF, tarif contraignant pour les tribunaux; art. 2 al. 1 lit. a LTrans, art. 3 al. 1 lit. a ch. 5 LTrans, art. 3 al. 1 lit. a ch. 6 LTrans, art. 6 al. 1 OLOGA, art. 7a al. 1 lit. a OLOGA, art. 8 al. 2 OLOGA, art. 46 LDA, art. 55 LDA, art. 58 LDA, art. 59 LDA, art. 1 ODAu, art. 2 al. 1 ODAu, art. 9 ODAu, art. 14 ODAu, art. 15 ODAu.

Ne sont pas concernées par la présente procédure les activités administratives de la CAF, par exemple relatives aux indemnités de ses membres ou à la charge de travail du secrétariat, pour lesquelles elle admet garantir un accès aux documents selon la LTrans (c. 5). Il faut en revanche déterminer si la procédure d’approbation des tarifs est exclue du champ d’application de cette loi d’après son art. 3 al. 1 lit. a (c. 5.2). Le texte de la disposition, qui représente le point de départ de toute interprétation, ne permet pas de dire si la procédure d’approbation tarifaire est exclue de ce champ d’application en tant que procédure administrative au sens du chiffre 5 ou d’arbitrage au sens du chiffre 6 (c. 5.3). D’un point de vue historique, les travaux parlementaires ne permettent pas non plus de trancher la question. Sur la base du Message, une partie de la doctrine considère que les procédures des commissions arbitrales de l’administration fédérale ne tombent pas sous le coup de la LTrans. Mais le Message ne distingue pas entre les commissions arbitrales et les tribunaux arbitraux proprement dits. Malgré sa désignation, la CAF n’est pas un tribunal arbitral, notamment parce qu’elle ne représente pas une alternative à la justice étatique. Les commissions arbitrales, selon leur composition, peuvent être des autorités administratives ou judiciaires, si bien qu’il ne faut pas les exclure globalement du champ d’application de la Trans. Au surplus, celle-ci a été adoptée avant la réforme de la justice de 2005, qui a largement remplacé les commissions arbitrales et de recours par le TAF, et qui a changé la position de la CAF dans le système juridique. Les explications du Message et l’interprétation historique ne sont donc pas déterminantes (c. 5.4). L’art. 3 al. 1 LTrans a pour but d’exclure l’application de la loi lorsque d’autres dispositions légales règlent l’accès aux documents officiels. En revanche, la LTrans s’applique aux procédures administratives de première instance – sauf en ce qui concerne la consultation du dossier au sens de l’art. 3 al. 1 lit. b – dès que la décision est entrée en force. Il faut donc se demander si la CAF est une autorité administrative décentralisée de première instance ou un organe judiciaire (c. 5.5). Le TF, à plusieurs reprises, a estimé que la CAF était une autorité judiciaire. C’était cependant avant la réforme de l’organisation judiciaire fédérale entrée en vigueur le 1er janvier 2007. Jusqu’à la fin 2006, les décisions de la CAF pouvaient faire l’objet d’un recours direct au TF, et la compétence de celui-ci était limitée à la violation du droit fédéral et à l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation. Il était en revanche en principe lié par l’état de fait, conformément à l’art. 105 al. 2 OJ. Cette situation a changé avec la réforme de la justice. Désormais, la CAF est une commission fédérale au sens de l’art. 33 LTAF. L’approbation des tarifs fait l’objet d’une décision au sens de l’art. 5 PA et peut être attaquée au TAF. Ce dernier dispose d’une pleine cognition et revoit aussi l’opportunité de la décision, bien qu’il fasse preuve en pratique d’une certaine réserve et qualifie la CAF dans ce contexte de « tribunal spécialisé indépendant ». Alors que les commissions arbitrales et de recours ont été pour la plupart abolies, la CAF a subsisté et a été placée au même niveau qu’un office fédéral ou qu’une commission extra-parlementaire. Ses décisions font l’objet d’un système de triple instance, puisque les arrêts du TAF peuvent encore faire l’objet d’un recours en matière de droit public au TF. Un tel système avec trois tribunaux représenterait une exception en droit administratif. Il faut donc réexaminer la qualification d’autorité judiciaire de la CAF, ce d’autant que la révision de la LDA en vigueur depuis le 1er avril 2020 a confirmé les trois instances actuelles (c. 5.5.2). Selon une interprétation systématique, la CAF est réglementée par les art. 55 ss LDA et 1 ss ODAu. Dans la LDA, les normes se trouvent au chapitre 5 du titre 4, sous l’intitulé « Surveillance des sociétés de gestion ». Cela va dans le sens d’une qualification d’autorité administrative de surveillance. Sous l’angle organisationnel, la CAF est une commission extraparlementaire rattachée au DFJP, énumérée à l’annexe 2 chiffre 2 de l’OLOGA pour ce qui concerne la rémunération de ses membres. D’après l’art. 2 al. 1 ODAu, les règles sur les commissions extraparlementaires s’appliquent aussi à la durée du mandat et à la démission des membres de la CAF, lesquels sont nommés lors du renouvellement d’ensemble des commissions extraparlementaires. Ces dernières sont soit consultatives, soit décisionnelles, et elles appartiennent à l’administration fédérale décentralisée d’après l’art. 7a al. 1 lit. a OLOGA. A ce titre, d’après l’art. 2 al. 1 lit. a LTrans, elles tombent dans le champ d’application personnel de cette loi. Il n’est cependant pas exclu que des commissions décisionnelles exerçant une activité judiciaire soient exclues du champ d’application matériel de ladite loi, d’après l’art. 3 LTans (c. 5.5.3). Du point de vue procédural, la CAF décide en chambre de cinq membres et après avoir entendu les parties oralement, de manière semblable à une autorité judiciaire. Selon l’art. 55 al. 3 LDA, elle ne prend en considération aucune instruction pour ses décisions, le DFJP n’exerçant qu’une surveillance administrative d’après l’art. 58 LDA. Mais une telle indépendance ne suffit pas pour la qualifier d’autorité judiciaire. Ainsi, la Commission de la concurrence, celle de la communication ou la surveillance des marchés financiers fonctionnent de manière indépendante, mais elles relèvent de l’administration fédérale décentralisée. La question essentielle est plutôt de savoir si le rôle principal de l’autorité est de régler des différends ou de fonctionner comme autorité de surveillance dans l’intérêt public (c. 5.5.4). La CAF exerce sa surveillance uniquement sur les tarifs, tandis que le contrôle de la gestion administrative et des autres obligations des sociétés de gestion est exercé par l’IPI. Elle n’agit pas d’elle-même mais vérifie seulement les tarifs qui lui sont présentés. Cela, de même qu’une application limitée de la maxime officielle, va plutôt dans le sens d’une autorité judiciaire (c. 5.5.5). Mais la procédure devant la CAF a pour objet l’approbation des tarifs et non de régler des différends entre l’administration et des particuliers. Historiquement, la CAF devait éviter que les sociétés de gestion n’abusent de leur position de monopole. Elle n’était donc pas un tribunal, mais une autorité administrative de contrôle des prix. Par la révision de la LDA de 1989, le contrôle des abus a été remplacé par un contrôle de l’équité des tarifs. Il a désormais pour but un équilibre objectif des intérêts entre ayants droit et utilisateurs, servant la sécurité juridique. Sous de nombreux aspects, la procédure n’a pas pour objectif la décision sur des questions litigieuses, mais plutôt l’approbation de tarifs négociés si possible de manière consensuelle. Elle est précédée de négociations entre les sociétés de gestion et les associations d’utilisateurs. Dans leur requête à la CAF, les sociétés doivent décrire le déroulement de ces négociations et la Présidente ou le Président vérifie qu’elles aient été menées avec la diligence nécessaire. Ces règles, parfois orientées vers la conciliation, ne correspondent pas à celles gouvernant l’activité d’un organe judiciaire, qui doit dire le droit. Au surplus, dans le cadre du contrôle de l’équité, la CAF doit respecter l’autonomie tarifaire des sociétés de gestion et leur donner la possibilité de modifier les clauses tarifaires qui ne peuvent pas être approuvées, conformément à l’art. 15 ODAu. Si plusieurs solutions sont possibles, il n’appartient pas à la CAF d’imposer celle qui lui paraît préférable, contre l’avis des sociétés de gestion. La règle de l’art. 15 ODAu ne va pas dans le sens d’une activité judiciaire. Si le tarif est litigieux, la CAF a aussi la possibilité de le modifier elle-même, conformément à l’art. 59 al. 2 LDA, ce qu’elle fait fréquemment. Mais cela n’est pas le propre d’une autorité judiciaire : les autorités d’approbation peuvent aussi ne donner qu’une autorisation partielle ou assortie de conditions. Au surplus, la CAF ne tranche pas les prétentions litigieuses entre sociétés de gestion et utilisateurs : même si le juge civil ne peut pas revoir l’équité des tarifs d’après l’art. 59 al. 3 LDA, il doit veiller à ce qu’il n’en découle aucun droit à rémunération incompatible avec la loi. Les aspects de doit matériel ne sont examinés qu’à titre préjudiciel par la CAF. Enfin, la procédure devant la CAF n’a pas pour objet de trancher un litige entre l’administration et des particuliers, les sociétés de gestion étant des personnes morales de droit privé. La surveillance des tarifs est toutefois une activité étatique, si bien que la requête d’accès aux documents officiels ne concerne pas uniquement l’activité d’acteurs privés. Elle concerne la fonction de surveillance de la CAF en tant qu’autorité d’approbation, le contrôle étatique visant l’équité par un équilibre des intérêts si possible consensuel, et non l’application du droit dans des cas litigieux comme tribunal. Cela vaut en tout cas lorsque les parties sont d’accord sur le tarif, comme en l’espèce (c. 5.5.6). En revanche, la composition paritaire de la CAF ne va pas a priori à l’encontre d’une qualification d’instance judiciaire : sur les cinq membres qui prennent les décisions, trois sont indépendants. Et le Conseil des Etats a expressément relevé que la présence de représentants d’intérêts ne violait pas le droit à un juge indépendant. Cependant, le fait que le ou la président-e ait voix prépondérante en cas d’égalité, d’après l’art. 14 al. 3 ODAu, est atypique pour un tribunal et va dans le sens d’une autorité administrative (c. 5.5.7). On peut en dire de même de la désignation des membres de la CAF, qui a lieu par nomination du Conseil fédéral, et non par élection de l’Assemblée fédérale, cela en même temps que pour les membres des commissions extraparlementaires. Les critères de nomination fixés l’art. 1 al. 1 ODAu seraient d’ailleurs inhabituels pour une instance judiciaire (c. 5.5.8). Enfin, la publicité des débats de la CAF n’est pas assurée et ses décisions ne sont publiées que de manière limitée selon l’art. 5 al. 1 ODAu. Au regard de l’art. 30 al. 3 Cst, cela plaide également contre une qualification d’autorité judiciaire (c. 5.6). En résumé, la CAF a certes une position juridique différenciée. Mais elle doit être qualifiée d’autorité de surveillance, et est seulement partiellement comparable à une autorité judiciaire, cela sur des points accessoires. En ce qui concerne le champ d’application matériel de la LTrans, la procédure d’approbation des tarifs ne peut pas être considérée comme une procédure judiciaire. Il n’y a d’ailleurs pas de disposition légale spéciale concernant l’accès aux documents du dossier. Cette procédure n’est donc pas exclue du champ d’application de la LTrans d’après l’art. 3 al. 1 lit. a ch. 5 et 6 de cette loi. Elle en fait partie en tant que procédure administrative de première instance (c. 5.7). L’affaire doit donc être renvoyée à la CAF pour qu’elle examine en particulier si le droit d’accès doit être limité, différé ou refusé en application de l’art. 7 LTrans (c. 6). [VS]

LDA (RS 231.1)

- Art. 58

- Art. 55

- Art. 59

- Art. 46

LTrans (RS 152.3)

- Art. 3

-- al. 1 lit. a ch. 6

-- al. 1 lit. a ch. 5

- Art. 2

-- al. 1 lit. a

ODAu (RS 231.11)

- Art. 14

- Art. 2

-- al. 1

- Art. 1

- Art. 15

- Art. 9

OLOGA (RS 172.010.01)

- Art. 8

-- al. 2

- Art. 7a

-- al. 1 lit. a

- Art. 6

-- al. 1

11 décembre 2019

TF, 11 décembre 2019, 4A_382/2019 (d)

« ProLitteris » ; tarifs des sociétés de gestion, tarif contraignant pour les tribunaux, obligation d’informer les sociétés de gestion ; art. 45 al. 1 LDA, art. 46 LDA, art. 51 al. 1 LDA, art. 59 al. 3 LDA.

L’art. 59 al. 3 LDA sert la sécurité juridique. Il doit éviter que des tarifs approuvés par les autorités compétentes soient remis en cause par les tribunaux civils dans un procès en paiement contre un utilisateur récalcitrant. Ces tribunaux civils ne peuvent pas contrôler un tarif entré en force sous l’angle de son équité ; à ce sujet, ils sont liés par le résultat de la procédure d’approbation (c. 3.3.1). Les tarifs au sens de l’art. 46 al. 1 LDA ne contiennent pas seulement des clauses sur l’indemnité pour l’utilisation des droits, mais aussi régulièrement des dispositions sur le devoir d’informer à charge des utilisateurs et sur les modalités de la facturation. L’effet contraignant de l’art. 59 al. 3 LDA ne concerne pas seulement la structure et les clauses pécuniaires du tarif, mais aussi les dispositions qui règlent le devoir d’information. En effet, cette norme légale prévoit que les tarifs lient le juge, non pas certaines parties de ceux-ci. En revanche, les tribunaux civils peuvent et doivent contrôler qu’aucun droit à rémunération contraire à la loi ne découle des tarifs dans le cas particulier. En l’espèce, on ne voit pas en quoi le devoir d’informer la société de gestion au moyen d’un formulaire particulier serait incompatible avec des règles légales impératives. Il s’agit au contraire d’une concrétisation admissible de l’obligation prévue à l’art. 51 LDA. La gestion collective des droits concerne des utilisations massives pour lesquelles des redevances souvent modiques sont dues. L’envoi de formulaires déterminés à une adresse spéciale contribue à une gestion efficiente des droits. Si des communications sous n’importe quelle forme devaient être admises, les coûts d’administration pourraient compliquer le fonctionnement du système, ou même le remettre en question (c. 3.3.2). Toutefois, dans son argumentation, l’autorité de première instance paraît admettre qu’il existe deux formulaires, l’un pour attester ne pas posséder de photocopieur, l’autre pour certifier ne pas exploiter de réseau informatique. Au vu du dossier, cela est erroné pour les déclarations concernant l’année 2014. Il appartiendra à l’autorité de première instance de vérifier la forme et le contenu des déclarations pour l’année 2013. Pour cette raison, le recours est admis (c. 4.2). [VS]

17 avril 2020

TF, 17 avril 2020, 4A_39/2020 et 4A_41/2020 (d)

« Tarifs communs 8 et 9 » ; tarifs des sociétés de gestion, tarif contraignant pour les tribunaux, obligation d’informer les sociétés de gestion, estimation de la redevance ; art. 42 al. 2 LTF, art. 74 al. 2 lit. b LTF, art. 105 LTF ; art. 8 CC, art. 19 al. 1 lit. c LDA, art. 20 al. 2 LDA, art. 20 al. 4 LDA, art. 46 LDA, art. 51 al. 1 LDA, art. 55 LDA, art. 59 al. 3 LDA.

Lorsque le droit fédéral prévoit une instance cantonale unique, le recours en matière civile est recevable quelle que soit la valeur litigieuse selon l’art. 74 al. 2 lit. b LTF (c. 1.1). Le TF n’est pas lié par l’argumentation des parties et les considérants de la décision de première instance, mais il s’en tient d’ordinaire aux questions juridiques que la partie recourante a soulevées, sauf en cas de lacunes juridiques manifestes. En particulier, il n’est pas tenu d’examiner des points qui ne sont plus litigieux devant lui (c. 1.2). Il est en principe lié par l’état de fait, aussi en ce qui concerne le déroulement de la procédure de première instance, sauf s’il est manifestement inexact ou s’il a été établi en violation du droit. « Manifestement inexact » est synonyme d’arbitraire. De plus, la correction des lacunes doit pouvoir influencer l’issue de la procédure. La partie qui s’en prend à des constatations de fait doit démontrer clairement et de manière motivée que ces conditions sont réalisées et, si elle entend compléter les faits, elle doit montrer, en se référant précisément au dossier, qu’elle a allégué et prouvé le fait pertinent manquant devant l’instance précédente, conformément aux règles de la procédure (c. 1.3). La reproduction d’exemplaires d’œuvres dans les entreprises, à des fins d’information interne ou de documentation, est permise d’après l’art. 19 al. 1 lit. c LDA. Une redevance est prévue d’après l’art. 20 al. 2 LDA, qui doit permettre aux auteurs de participer aux revenus des utilisations massives et incontrôlables de leurs œuvres. Le droit à rémunération ne peut être exercé que par les sociétés de gestion agréées, d’après l’art. 20 al. 4 LDA. Ces sociétés doivent notamment établir des tarifs et les faire approuver par la CAF. D’après l’art. 59 al. 3 LDA, les tarifs lient le juge lorsqu’ils sont en vigueur. Cette disposition sert la sécurité du droit : le juge civil ne doit pas à nouveau examiner l’équité d’un tarif puisque cette question est traitée dans le cadre de la procédure administrative d’approbation. Toutefois, le juge civil peut et doit vérifier que les sociétés de gestion, sur la base d’un tarif, ne fassent pas valoir de droits à rémunération incompatibles avec les dispositions impératives de la loi, en particulier lorsque l’utilisation est libre d’après la LDA (c. 2.2.1). Les tarifs des sociétés de gestion ne contiennent pas seulement des clauses sur l’indemnité pour l’utilisation des droits, mais aussi régulièrement des dispositions sur le devoir d’information à charge des utilisateurs et sur les modalités de la facturation (c. 2.2.2). On ne voit pas pourquoi les dispositions tarifaires sur la reconnaissance des estimations effectuées par la société de gestion devraient rester sans effet. Le devoir d’information selon l’art. 51 LDA a notamment pour but de renforcer la position des sociétés de gestion en cas d’utilisations massives incontrôlables. Dans ce domaine, les sociétés de gestion sont fortement dépendantes de la collaboration des utilisateurs. Ces derniers sont donc légalement tenus de fournir les renseignements nécessaires à l’application des tarifs. Les tarifs peuvent tenir compte d’une collaboration manquante ou insuffisante. Le devoir de signaler à la société de gestion, au moyen d’un formulaire particulier, l’absence d’un photocopieur ou d’un réseau informatique interne représente une concrétisation admissible de l’obligation prévue à l’art. 51 LDA. Ce devoir et le caractère contraignant des estimations effectuées ne sont pas contraires à des règles légales impératives. Les dispositions tarifaires y relatives tiennent compte de manière admissible des difficultés pratiques causées par les utilisations massives d’œuvres protégées. Elles ne créent pas un droit à rémunération incompatible avec les normes impératives de la loi (c. 2.2.3). [VS]

CC (RS 210)

- Art. 8

LDA (RS 231.1)

- Art. 55

- Art. 59

-- al. 3

- Art. 51

-- al. 1

- Art. 46

- Art. 20

-- al. 4

-- al. 2

- Art. 19

-- al. 1 lit. c

LTF (RS 173.110)

- Art. 42

-- al. 2

- Art. 105

- Art. 74

-- al. 2 lit. b

19 février 2020

TF, 19 février 2020, 2C_1056/2018 (d)

« Tarif A Fernsehen (Swissperform) » ; recours en matière de droit public, tarifs des sociétés de gestion, équité du tarif, synchronisation, droits voisins, phonogramme disponible sur le marché, vidéogramme disponible sur le marché, support disponible sur le marché, effet rétroactif, règle du ballet, augmentation de redevance, augmentation du tarif ; art. 9 Cst., art. 42 al. 1 LTF, art. 42 al. 2 LTF, art. 105 al. 1 LTF, art. 106 al. 1 LTF, art. 46 LDA, art. 59 LDA, art. 60 al. 1 lit. c LDA, art. 74 al. 2 LDA, art. 83 al. 2 LDA.

Contre une décision du TAF concernant l’approbation d’un tarif, c’est le recours en matière de droit public qui est ouvert (c. 1.1). Le TF applique le droit d’office mais, au regard du devoir de motivation et de critique, il n’examine que les violations du droit exposées dans le recours, à moins que d’autres manques juridiques soient évidents (c. 2.1). Au surplus, le TF est lié par l’état de fait sauf s’il est manifestement faux ou incomplet sur des points décisifs. Cela doit être démontré en détail par le recours, car le grief repose sur l’interdiction constitutionnelle de l’arbitraire selon l’art. 9 Cst (c. 2.2.1). La règle du ballet, comme la règle pro rata temporis, découle de l’art. 60 al. 1 lit. c LDA. Elle veut que le pourcentage de redevance soit réduit lorsque d’autres biens immatériels sont utilisés en même temps que ceux faisant l’objet du tarif. L’ampleur de la réduction doit être déterminée de cas en cas (c. 5.4.1 et 5.4.2). La règle du ballet peut s’appliquer lorsque des supports sonores sont synchronisés avec des images. En effet, les supports sonores faisant l’objet du tarif peuvent alors être utilisés avec d’autres oeuvres ou prestations protégées, pour lesquelles une indemnité est également due (c. 5.4.3). Il n’est pas nécessaire que la gestion des droits sur ces autres éléments soit également soumise à la surveillance de la Confédération (c. 5.4.4). Mais en l’espèce, les éléments au dossier ne permettent pas de chiffrer la réduction à opérer en application de la règle du ballet. Cela devra être fait à l’occasion de prochaines négociations tarifaires (c. 5.4.5). Les augmentations abruptes de redevances à charge des utilisateurs doivent si possible être évitées. Un changement dans le système de calcul peut conduire à des augmentations tarifaires plus importantes si celles-ci sont dues à une modification des bases de calcul justifiée objectivement. Les augmentations peuvent d’ailleurs être un indice que les redevances antérieures étaient trop basses (c. 6.5.1). La CAF avait décidé d’un plafonnement de la redevance, qui a été supprimé par le TAF. Ce faisant, celui-ci n’a pas suffisamment tenu compte du pouvoir d’appréciation de la CAF. Selon elle, les augmentations tarifaires abruptes doivent être évitées, en particulier lorsque le tarif précédent reposait sur des bases de calcul non suffisamment éclaircies et que le nouveau système a des conséquences imprévisibles (c. 6.5.2). Des indications précises sur les effets du nouveau tarif manquent aussi en l’espèce. Il est donc admissible que la CAF ait plafonné l’augmentation. Le fait que cela désavantage une catégorie de membres de SWISSPERFORM ne peut pas être pris en compte, car la répartition des redevances est une affaire interne à la société de gestion (c. 6.5.4). Puisque les tarifs doivent être négociés entre les parties intéressées, ces dernières peuvent s’écarter des principes prévus à l’art. 60 LDA. Si elles le font sans valeur de précédent, cela ne justifie pas la suppression du plafonnement de l’augmentation tarifaire (c. 6.5.5). Le TF s’est prononcé pour la dernière fois sur l’entrée en vigueur rétroactive d’un tarif dans l’affaire 2C_685/2016 = ATF 143 II 617 ss (c. 7.2). La présente espèce ne concerne pas un effet rétroactif véritable : le tarif a été approuvé pour la première fois le 4 novembre 2013 pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2014. Il s’agit en revanche de corriger la situation due à l’effet suspensif ou aux mesures provisionnelles ordonnées durant la procédure de recours. D’après l’art. 74 al. 2 LDA, le recours n’a pas d’office un effet suspensif. L’obligation de paiement vaut donc dès l’entrée en vigueur du tarif et ne doit pas être contournée par une ordonnance d’effet suspensif (c. 7.4.1). Cela découle aussi de l’art. 83 al. 2 LDA, qui exprime un principe général à observer, par interprétation téléologique, lorsqu’il faut examiner l’admissibilité d’un effet rétroactif dans un cas particulier (c. 7.4.2). Cette disposition repose sur l’idée que des aspects de nature formelle ne doivent pas influencer l’obligation matérielle de rémunération (c. 7.4.3). Le problème est identique lorsque de nombreuses voies de droit prolongent la procédure : les utilisateurs ne doivent pas pouvoir utiliser gratuitement les droits que la loi leur donne. Lorsque les utilisations passées ne peuvent pas être rémunérées par un supplément sur la redevance courante, une entrée en vigueur rétroactive du tarif ne doit pas être exclue (c. 7.4.4). [VS]

18 mars 2009

TF, 18 mars 2009, 2C_658/2008 (d)

ATF 135 II 172 ; sic! 7/8/2009, p. 515-519, « Public-Viewing-Tarif II » ; medialex 2/2009, p. 114-115 (rés.) (Gilliéron Philippe, Commentaire) ; JdT 2010 I 639 ; gestion collective, public viewing, Tarif commun 3c, approbation des tarifs, association, qualité de partie, qualité pour recourir, intérêt pour agir, frais et dépens ; art. 6 PA, art. 48 PA, art. 66 al. 1 LTF, art. 68 LTF, art. 89 al. 1 LTF, art. 22 LDA, art. 46 al. 1 et 2 LDA, art. 59 al. 2 LDA ; cf. N 40 (arrêt du TAF dans cette affaire).

Les associations représentatives des utilisateurs qui sont parties à la procédure d'approbation d'un tarif (art. 46 al. 1 et 2, art. 59 al. 2 LDA) ne peuvent pas se retirer d'une procédure de recours contre la décision d'approbation (c. 1.4). Dans le cadre de la répartition des frais et dépens (art. 66 al. 1, art. 68 LTF), il convient de prendre en considération la situation particulière de ces associations; en l'espèce, il est renoncé à mettre les frais à leur charge (c. 1.4 et 3.3). L'art. 48 PA, qui règle la qualité pour recourir, doit être interprété conformément à l'art. 89 al. 1 LTF, auquel il correspond (c. 2.1). En l'espèce, les recourantes ont, sans leur faute, été privées de la possibilité de prendre part à la procédure devant l'autorité inférieure (CAF) au sens de l'art. 48 al. 1 lit. a in fine PA (c. 2.2). Les recourantes ont un intérêt digne de protection (art. 48 al. 1 lit. c PA) à l'annulation de la décision d'approbation du Tarif commun 3c, puisque les droits de « public viewing », qu'elles géraient jusqu'alors généralement elles-mêmes, sont désormais, sur la base d'une nouvelle interprétation de l'art. 22 LDA, soumis à la gestion collective par ce Tarif commun 3c (c. 2.3.1). Le fait qu'il existe également la possibilité d'agir sur le plan civil (c. 2.3.2) ou que les tribunaux civils soient compétents pour trancher certaines questions de droit matériel (c. 2.3.3) n'empêche pas les recourantes de faire valoir, dans la présente procédure administrative, un intérêt digne de protection au sens de l'art. 48 al. 1 lit. c PA. Malgré le texte des art. 46 al. 2 et 59 al. 2 LDA, la qualité de parties (art. 6 PA) à la procédure d'approbation des tarifs (devant la CAF) devrait exceptionnellement être reconnue aux titulaires de droits qui (comme en l'espèce) auraient un intérêt digne de protection à recourir contre la décision d'approbation (c. 2.3.4 [obiter dictum]).

19 juin 2007

TF, 19 juin 2007, 2A.53/2006, 2A.322/2006, 2A.336/2006, 2A.337/2006 et 2A.338/2006 (d)

ATF 133 II 263 ; sic! 10/2007, p. 722-735, « MP3-Player II » ; JdT 2007 I 146 ; usage privé, support propre à l’enregistrement d’oeuvres, micropuce, disque dur, Tarif commun 4d, qualité pour agir des associations, association, consommateur, défense des consommateurs ; art. 19 LDA, art. 20 LDA, art. 38 LDA, art. 46 al. 2 LDA, art. 60 LDA.

Examen de la qualité pour agir des associations que leurs statuts chargent de la défense des intérêts de leurs membres, en particulier des associations d'utilisateurs d'œuvres (SWICO et DUN); interprétation de l'art. 46 al. 2 LDA pour en déduire que l'association de défense des consommateurs n'est pas une association faîtière d'utilisateurs au sens de cette disposition et n'a pas qualité de partie à la procédure. Interprétation de l'art. 20 al. 3 LDA pour admettre qu'il couvre également les moyens d'enregistrements digitaux comme les microchips ou les disques durs ou autres supports semblables de données numériques vides destinés à la copie privée d'œuvres ou de prestations; admission de la fixation de redevances en fonction de la capacité de mémoire de chacun de ces appareils.

18 mars 2009

TF, 18 mars 2009, 2C_658/2008 (d)

ATF 135 II 172 ; sic! 7/8/2009, p. 515-519, « Public-Viewing-Tarif II » ; medialex 2/2009, p. 114-115 (rés.) (Gilliéron Philippe, Commentaire) ; JdT 2010 I 639 ; gestion collective, public viewing, Tarif commun 3c, approbation des tarifs, association, qualité de partie, qualité pour recourir, intérêt pour agir, frais et dépens ; art. 6 PA, art. 48 PA, art. 66 al. 1 LTF, art. 68 LTF, art. 89 al. 1 LTF, art. 22 LDA, art. 46 al. 1 et 2 LDA, art. 59 al. 2 LDA ; cf. N 40 (arrêt du TAF dans cette affaire).

Les associations représentatives des utilisateurs qui sont parties à la procédure d'approbation d'un tarif (art. 46 al. 1 et 2, art. 59 al. 2 LDA) ne peuvent pas se retirer d'une procédure de recours contre la décision d'approbation (c. 1.4). Dans le cadre de la répartition des frais et dépens (art. 66 al. 1, art. 68 LTF), il convient de prendre en considération la situation particulière de ces associations; en l'espèce, il est renoncé à mettre les frais à leur charge (c. 1.4 et 3.3). L'art. 48 PA, qui règle la qualité pour recourir, doit être interprété conformément à l'art. 89 al. 1 LTF, auquel il correspond (c. 2.1). En l'espèce, les recourantes ont, sans leur faute, été privées de la possibilité de prendre part à la procédure devant l'autorité inférieure (CAF) au sens de l'art. 48 al. 1 lit. a in fine PA (c. 2.2). Les recourantes ont un intérêt digne de protection (art. 48 al. 1 lit. c PA) à l'annulation de la décision d'approbation du Tarif commun 3c, puisque les droits de « public viewing », qu'elles géraient jusqu'alors généralement elles-mêmes, sont désormais, sur la base d'une nouvelle interprétation de l'art. 22 LDA, soumis à la gestion collective par ce Tarif commun 3c (c. 2.3.1). Le fait qu'il existe également la possibilité d'agir sur le plan civil (c. 2.3.2) ou que les tribunaux civils soient compétents pour trancher certaines questions de droit matériel (c. 2.3.3) n'empêche pas les recourantes de faire valoir, dans la présente procédure administrative, un intérêt digne de protection au sens de l'art. 48 al. 1 lit. c PA. Malgré le texte des art. 46 al. 2 et 59 al. 2 LDA, la qualité de parties (art. 6 PA) à la procédure d'approbation des tarifs (devant la CAF) devrait exceptionnellement être reconnue aux titulaires de droits qui (comme en l'espèce) auraient un intérêt digne de protection à recourir contre la décision d'approbation (c. 2.3.4 [obiter dictum]).

14 novembre 2011

CAF, 14 novembre 2011 (d)

Tarif commun Hb, gestion collective, droits voisins, règle des 3 %, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun Hb, équité du tarif, détérioration de la situation économique, qualité pour participer aux négociations tarifaires, Commission arbitrale fédérale, grief irrecevable, allégués tardifs ; art. 46 al. 2 LDA, art. 60 LDA.

Étant donné que le tarif commun Hb a été accepté par les utilisateurs, le taux de 4,5 % qu'il prévoit (dans certains cas) pour les droits voisins peut être accepté par la CAF, en partant du principe que les parties ont estimé qu'un dépassement des 3 % mentionnés à l'art. 60 al. 2 LDA était nécessaire pour qu'une gestion rationnelle procure aux ayants droit une rémunération équitable (c. 1). Un changement dans la situation économique ne suffit pas pour considérer qu'un tarif précédemment approuvé par la CAF est devenu inéquitable (c. 3). Ne peuvent participer aux négociations tarifaires que les associations représentatives d'utilisateurs, c'est-à-dire celles qui regroupent un nombre significatif d'utilisateurs concernés. Si les associations sont actives au niveau suisse, elles doivent représenter 20 à 25 % des utilisateurs visés par le tarif, et un tiers si elles sont actives dans une région linguistique (c. 2). Une association qui compte 17 membres en Suisse allemande, soit environ 10 % des utilisateurs de cette région, n'est pas représentative au sens de l'art. 47 al. 2 LDA (c. 2). Une association d'utilisateurs partie aux négociations tarifaires ne peut pas faire valoir ses griefs seulement devant la Commission arbitrale. Elle doit les exprimer déjà durant les négociations, faute de quoi ils doivent être considérés comme tardifs (c. 3). [VS]

« Tarif commun 4e 2010-2011 » ; gestion collective, copie privée, usage privé, comparaison avec l'étranger, support propre à l'enregistrement d'œuvres, appareils multifonctionnels, support utilisé à des fins professionnelles, exonération pour les copies réalisées à partir de sources légales en ligne, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun 4e, supplément sur la redevance, effet rétroactif, équité du tarif, calcul de la redevance, rabais tarifaire, négociation des tarifs, moyens de preuve nouveaux, témoin, traités internationaux, triple test, smartphone ; art. 14 PA, art. 19 LDA, art. 19 al. 3bis LDA, art. 20 al. 3 LDA, art. 46 al. 2 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA, art. 83 al. 2 LDA, art. 9 ODau.

La situation juridique en Suisse concernant une redevance sur les smartphones est difficilement comparable aux différentes réglementations dans les pays d'Europe. Pour cette raison, la CAF renonce à entreprendre en l'espèce une comparaison avec l'étranger, comme elle l'avait fait de manière exceptionnelle dans la procédure concernant le tarif commun 4 (décision de la CAF du 21.12.1993, ch. II/d) (c. 19). En raison du texte de l'art. 20 al. 3 LDA, la CAF considère que la redevance sur les supports vierges s'appliquent aux supports propres à l'enregistrement d'œuvres, indépendamment de tout aspect quantitatif. Selon la jurisprudence du TF, sont assujettis à la redevance les supports qui, d'après leur destination et leurs propriétés d'enregistrement et de lecture, se prêtent à l'enregistrement d'œuvres protégées et sont vraisemblablement utilisés à cette fin (cf. ATF 133 II 263 [N 27, vol. 2007-2011], c. 7.2.2). Les smartphones sont utilisés principalement pour téléphoner et envoyer des SMS et ils permettent aussi de photographier, filmer, accéder à Internet, etc. Néanmoins, même si les supports ne servent pas principalement à reproduire des œuvres protégées, ils peuvent aussi être assujettis à la redevance, puisqu'il est démontré que les smartphones sont non seulement appropriés pour la copie des œuvres, mais également utilisés à cette fin avec une grande vraisemblance et dans une mesure importante (c. 6). La multifonctionnalité des smartphones est toutefois à prendre en considération dans le cadre du calcul de la redevance (contrôle de l'équité du tarif). Selon le TF, le fait que le droit suisse ne connaisse pas la redevance sur les appareils n'est pas un obstacle à l'introduction d'une redevance sur les supports intégrés dans des appareils principalement destinés à la reproduction d'œuvres sonores et audiovisuels (cf. ATF 133 II 275, c. 7.3.1). Mais on ne peut pas en tirer la conclusion inverse qu'une telle redevance serait exclue si le support est intégré dans un appareil qui n'a pas pour fonction principale la reproduction de musique (c. 6). Il n'y a pas de smartphones utilisés exclusivement à des fins privées ou, au contraire, exclusivement à des fins professionnelles. En tout cas, un tarif forfaitaire ne permet pas de distinguer selon que l'acheteur entend ou non utiliser l'appareil comme téléphone musical (c. 9). D'après l'arrêt Padawan de la Cour de justice de l'Union européenne (C-467/08), la simple capacité des appareils à réaliser des copies suffit à justifier l'application de la redevance pour la copie privée, à la condition que lesdits appareils aient été mis à la disposition des personnes physiques en tant qu'utilisateurs privés (c. 56). Il n'est cependant pas exclu de réduire la redevance pour tenir des utilisations de l'appareil effectuées à des fins professionnelles (c. 9). Pour interpréter l'art. 19 al. 3bis LDA, la jurisprudence du TF rendue en 2007 (cf. ATF 133 II 263 [N 27, vol. 2007-2011], c. 10.2) n'est pas forcément pertinente, puisque cette disposition est entrée en vigueur postérieurement (c. 15); de plus, le cas des smartphones diffère de celui des lecteurs MP3, en ce sens que les œuvres peuvent être téléchargées directement à partir d'Internet dans le premier cas, ce qui est rare dans le second. Sur la base d'une interprétation littérale de la norme, dont les résultats ne sont démentis ni par l'interprétation historique ni par l'interprétation téléologique, il faut admettre que l'art. 19 al. 3bis LDA n'exonère de redevance que les premières copies, c'est-à-dire celles réalisées au moment des téléchargements (c. 15). Ces dernières sont autorisées gratuitement par la loi et les fournisseurs en ligne ne peuvent pas les licencier, car ils ne détiennent pas les droits nécessaires (ni en vertu de la loi, ni en vertu de contrats). L'art. 19 al. 3bis LDA a pour fonction de rétablir l'équilibre entre le commerce en ligne et le commerce de supports physiques : celui qui achète un disque dans un magasin peut l'écouter sans devoir confectionner une copie supplémentaire; l'art. 19 al. 3bis LDA fait donc en sorte que l'utilisateur d'un magasin en ligne n'ait pas d'obligation du seul fait qu'il doit obligatoirement confectionner une copie pour bénéficier de l'œuvre (c. 15). Mais si le CD acheté en magasin est ensuite reproduit sur un support vierge, la redevance pour la copie privée est due. Il doit donc en aller de même en cas d'acquisition d'un exemplaire électronique. Par conséquent, l'art. 19 al. 3bis LDA ne peut pas exonérer d'autres copies que celles réalisées au moment du téléchargement (c. 15). Enfin, cette disposition n'impose qu'une déduction forfaitaire sur la redevance et ne donne aucun droit à un utilisateur individuel d'être libéré de celle-ci dans le cas où il reproduirait exclusivement des œuvres provenant de magasins en ligne légaux (c. 15). La pratique de remplacer l'entrée en vigueur rétroactive d'un tarif par un supplément sur les taux est due au fait que la redevance sur les supports vierges, en cas d'effet rétroactif, ne peut plus être répercutée dans le prix de vente des supports (c. 22). Toutefois, en l'espèce, un supplément conduirait à un doublement de la redevance, vu la longue durée de la procédure. D'après la jurisprudence du TF, l'effet rétroactif d'une réglementation n'est admissible que s'il est expressément ordonné ou s'il découle du sens de cette réglementation, s'il est limité dans le temps et justifié par des raisons pertinentes, s'il ne conduit pas à des inégalités de traitement choquantes et s'il ne porte pas atteinte à des droits acquis (cf. ATF 125 I 182 [N 27, vol. 2007-2011], c. 2.b.cc). L'art. 83 al. 2 LDA n'est applicable qu'aux rémunérations dues dès l'entrée en vigueur de la loi, pas à celles qui naissent ultérieurement (c. 22). Mais cette disposition n'exclut pas non plus un effet rétroactif en l'espèce. Son but est en effet d'éviter qu'il y ait une lacune entre l'entrée en vigueur de la loi et l'adoption du tarif, impliquant que les ayants droit ne soient pas rémunérés. Ce problème existe aussi en cas d'apparition d'une nouvelle utilisation d'œuvres et de prestations protégées (c. 22). La limitation dans le temps de l'effet rétroactif est liée à des impératifs de prévisibilité pour les personnes concernées. Comme la CAF avait approuvé une première fois le tarif litigieux le 18 mars 2010 et que le TAF, avant d'annuler cette décision, avait expressément signalé que les décomptes pourraient être dus après coup (mais dès l'entrée en vigueur prévue par la décision attaquée), les utilisateurs devaient compter avec un effet rétroactif d'au moins 18 mois (c. 22). Il y a en l'espèce des raisons pertinentes à cet effet rétroactif, car les ayants droit peuvent prétendre à être rémunérés pendant la durée de la procédure et parce que la méthode du supplément conduirait à un doublement de la redevance, laquelle serait supportée uniquement par d'autres consommateurs que ceux ayant copié des biens protégés avant l'adoption du tarif (c. 22). Compte tenu des circonstances, on pouvait exiger des producteurs et importateurs qu'ils constituent des provisions en vue d'un éventuel paiement ultérieur de la redevance et qu'ils augmentent préventivement leur prix. Ils auraient certes dû rembourser les consommateurs si le tarif n'avait finalement pas été adopté, mais cela n'aurait pas été impossible bien que lié à certaines difficultés (c. 22). L'importance de ces dernières est moindre par rapport à l'importance de constituer des réserves pour assurer le paiement de la redevance. Enfin, un effet rétroactif ne conduirait à aucune inégalité choquante, ni à des distorsions de concurrence, si bien que cet effet rétroactif peut être prononcé (c. 22). La redevance pour la copie est calculée sur la base des coûts investis par le consommateur, donc du prix de vente du matériel de reproduction. À défaut d'autres indications, c'est le prix de vente des smartphones sans abonnement qui fait foi, et non le prix plus bas annoncé au consommateur lorsque ce dernier accompagne son achat de la conclusion d'un abonnement auprès d'un opérateur de téléphonie mobile (c. 12). Un calcul de la redevance basé sur les économies réalisées par les consommateurs grâce à la copie privée gratuite ne peut avoir qu'une fonction de contrôle du caractère équitable de la redevance basée sur les coûts (c. 18). En cas de nouveau tarif, un rabais d'introduction est admissible pour la première période de validité du tarif. Cependant, si le tarif entre en vigueur tardivement par rapport aux conclusions de sociétés de gestion, un supplément sur la redevance, compensant la période de non-encaissement, est possible également (c. 17 et 23). Lorsqu'une association d'utilisateurs ne veut plus participer aux négociations, les sociétés de gestion ne sont pas tenues de poursuivre ces négociations avec les autres associations (c. 3). Les parties doivent alléguer les faits et produire leurs preuves le plus tôt possible dans le cadre de la procédure. Exceptionnellement, elles peuvent encore actualiser leur dossier ultérieurement en cas de procédure de longue durée (c. 2). L'art. 14 PA ne permet l'audition de témoins que si l'état de fait ne peut pas être établi d'une autre manière. Depuis la création du TAF, cette disposition ne mentionne plus la CAF parmi les autorités qui peuvent ordonner une audition de témoins. Cette possibilité n'est pas non plus prévue par l'ODAu (c. 2). Lorsqu'une décision de la CAF est annulée par le TAF, la procédure est replacée dans l'état où elle se trouvait avant la décision. Les parties peuvent donc reprendre les conclusions que la CAF avaient rejetées et, cas échéant, les diminuer (c. 2). Les restrictions au droit de reproduction ne sont tolérées par le droit conventionnel international que si elles ne portent pas atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre ni ne causent un préjudice injustifié aux intérêts légitimes du détenteur du droit (art. 9 al. 2 CB, art. 13 ADPIC). Ce test dit des trois étapes doit être pris en compte en matière d'exceptions au droit de reproduction pour l'usage privé (c. 7). Le droit à rémunération de l'art. 20 al. 3 LDA assure la compatibilité du droit suisse avec le droit international. Il instaure en effet une compensation financière pour l'exception prévue par l'art. 19 al. 1 lit. a LDA. Restreindre la portée de cette compensation, seulement en raison de la multifonctionnalité des smartphones, serait contraire au droit international (c. 7). Le droit suisse n'interdit pas le téléchargement à partir de sources illégales. Les ayants droit n'ont aucun moyen de droit civil ou de droit pénal à son encontre. Mais en contrepartie, ils bénéficient d'une compensation par le biais de la redevance sur les supports vierges. On ne voit pas en quoi ce système serait contraire aux traités internationaux (c. 15). [VS]

« Tarif commun 4e 2012-2013 » ; gestion collective, copie privée, usage privé, support propre à l’enregistrement d’oeuvres, appareils multifonctionnels, smartphone, tarifs des sociétés de gestion, négociation des tarifs, tarif commun 4e, calcul de la redevance ; art. 19 LDA, art. 20 al. 3 LDA, art. 46 al. 2 LDA, art. 60 LDA, art. 9 ODAu ; cf. N 611 (CAF, 30 novembre 2012, « tarif commun 3a complémentaire ») et N 612 (CAF, 10 décembre 2012, « tarif commun Y ») (confirmation de jurisprudence sur le devoir de négocier).

En raison du texte de l'art. 20 al. 3 LDA, la CAF considère que la redevance sur les supports vierges s'appliquent aux supports propres à l'enregistrement d'œuvres, indépendamment de tout aspect quantitatif. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, sont assujettis à la redevance les supports qui, d'après leur destination et leurs propriétés d'enregistrement et de lecture, se prêtent à l'enregistrement d'œuvres protégées et sont vraisemblablement utilisés à cette fin (cf. ATF 133 II 263 [N 27, vol. 2007-2011], c. 7.2.2). Les smartphones sont utilisés principalement pour téléphoner et envoyer des SMS et ils permettent aussi de photographier, filmer, accéder à Internet, etc. Néanmoins, même si les supports ne servent pas principalement à reproduire des œuvres protégées, ils peuvent aussi être assujettis à la redevance, puisqu'il est démontré que les smartphones sont non seulement appropriés pour la copie des œuvres, mais également utilisés à cette fin avec une grande vraisemblance et dans une mesure importante (c. 9). La multifonctionnalité des smartphones est toutefois à prendre en considération dans le cadre du calcul de la redevance (contrôle de l'équité du tarif). Selon le Tribunal fédéral le fait que le droit suisse ne connaisse pas la redevance sur les appareils n'est pas un obstacle à l'introduction d'une redevance sur les supports intégrés dans des appareils principalement destinés à la reproduction d'œuvres sonores et audiovisuels (cf. ATF 133 II 263 [N 27, vol. 2007-2011], c. 7.3.1). Mais on ne peut pas en tirer la conclusion inverse qu'une telle redevance serait exclue si le support est intégré dans un appareil qui n'a pas pour fonction principale la reproduction de musique (c. 9). Pour connaître les coûts de la copie privée (sur lesquels la redevance est basée), il faut identifier la part du prix du matériel de reproduction correspondant aux actes de copie. La copie d'une œuvre n'aurait cependant aucun sens si on ne pouvait pas ensuite la visionner ou l'écouter. La Commission arbitrale n'exclut donc pas que les actes de copie et de lecture des œuvres doivent être considérés comme un tout indissociable pour le calcul de la redevance (c. 15). La loi exige des négociations sérieuses et il ne suffit pas de se limiter à communiquer ses propres propositions (c. 3). Les négociations au sens de l'art. 46 al. 2 LDA doivent tendre à un rapprochement des points de vue. Mais le devoir de négocier ne doit pas être compris en ce sens que les sociétés de gestion devraient discuter avec les associations d'utilisateurs jusqu'à ce qu'un accord soit obtenu (c. 3). Un échec des négociations n'est pas à lui seul un motif de renvoi de la requête d'approbation du tarif, si les sociétés de gestion ont négocié sérieusement et ont essayé d'aboutir à un résultat commun (c. 3). En revanche, le devoir de diligence prévu par l'art. 9 al. 3 ODAu est violé s'il y a des indices clairs qu'une partie, d'emblée, n'était prête à aucun compromis. Par exemple si une partie campe sur ses positions de départ sans tenir compte des objections des parties adverses ou si elle soutient un point de vue totalement irréaliste et étranger à l'affaire sans vouloir y déroger (c. 3). L'art. 9 al. 3 ODAu est toutefois respecté dans l'hypothèse d'un point de vue certes ambitieux mais soutenable (c. 3). L'art. 9 al. 1 ODAu exige seulement une brève description du déroulement des négociations, ce qui n'implique pas un procès-verbal détaillé des séances (c. 3). [VS]

30 novembre 2012

CAF, 30 novembre 2012 (d)

« Tarif commun 3a complémentaire » ; gestion collective, recours obligatoire aux sociétés de gestion, approbation des tarifs, preuve, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun 3a complémentaire, obligation de gérer, vide tarifaire, question préalable, tarifs complémentaires, négociation des tarifs, Commission arbitrale fédérale, obligation de collaborer, moyens de preuve nouveaux, droits d’auteur, droits voisins, droit de faire voir ou entendre, usage privé, équité du tarif, calcul de la redevance, augmentation de redevance, épuisement de la redevance ; art. 12 PA, art. 13 PA, art. 33 PA, art. 10 al. 2 lit. f LDA, art. 19 al. 1 lit. a LDA, art. 22 al. 1 LDA, art. 33 al. 2 lit. e LDA, art. 35 LDA, art. 37 lit. b LDA, art. 44 LDA, art. 46 al. 2 LDA, art. 47 LDA, art. 59 LDA, art. 60 al. 2 LDA.

D'après l'art. 12 PA, l'autorité constate les faits d'office. Les parties ont cependant un devoir de collaboration selon l'art. 13 PA qui, d'après la jurisprudence, est même plus important en procédure d'approbation tarifaire. La CAF ne doit toutefois admettre les moyens de preuve offerts que s'ils paraissent propres à élucider les faits (art. 33 PA). En l'espèce, les preuves complémentaires offertes par les sociétés de gestion sont admissibles, étant donné que les parties adverses ne s'y sont pas opposées et que les documents ont été produits plus de cinq jours ouvrables avant l'audience (c. 5). Lorsqu'il n'existe aucun tarif pour des droits relevant de leur domaine d'activité, les sociétés de gestion doivent en établir un d'après l'art. 44 LDA. La question de savoir si un tarif complémentaire est admissible ne concerne pas la recevabilité de la requête, mais relève du droit. Cas échéant, un état de vide tarifaire ne serait dans l'intérêt d'aucune des parties. Si les sociétés de gestion sont habilitées à faire valoir des droits pour la réception d'émissions dans les chambres d'hôtels et d'hôpitaux, dans les logements de vacances ou dans les cellules de prison, elles ont la possibilité de demander une interdiction de ces utilisations devant le juge civil. Il y a donc un intérêt juridique important à ce que la CAF se prononce sur cette question, serait-ce à titre préjudiciel (c. 2). En l'espèce, un tarif complémentaire est admissible car la situation est semblable à celle créée par l'entrée en vigueur de la nouvelle LDA. Celle-ci avait introduit les droits voisins, pour lesquels des tarifs complémentaires étaient possibles (c. 3). L'existence de divergences quant à la base légale d'un tarif n'est pas pertinente pour examiner le respect du devoir de négocier. Il appartient en effet à la CAF de se prononcer sur cette question à titre préjudiciel (c. 4). L'utilisation d'appareils de radio/télévision et de phono/vidéogrammes dans des chambres d'hôtels et d'hôpitaux, dans des logements de vacances ou dans des cellules de prison, n'est pas un usage privé au sens de l'art. 19 al. 1 lit. a LDA. Il s'agit en effet d'un cas d'application du droit exclusif de faire voir et entendre des œuvres (art. 10 al. 2 lit. f LDA, art. 33 al. 2 lit. e LDA et art. 37 lit. b LDA), lequel ne peut être exercé que par les sociétés de gestion d'après l'art. 22 al. 1 LDA, ou du droit voisin de l'art. 35 LDA. Ce n'est pas la jouissance de l'œuvre par le client ou le patient qui est déterminante au niveau du droit d'auteur, mais le fait que celle-ci soit transmise par l'exploitant de l'hôtel, du logement de vacances ou de l'hôpital. La situation est semblable à celle régie par le tarif commun 3b, auquel les compagnies d'aviation sont assujetties parce qu'elles mettent un équipement de divertissement à disposition des passagers (c. 6.1). En droit européen, la Cour de justice a aussi estimé le 18 mars 2010 (C-136/09) qu'il y avait une communication publique lorsqu'un hôtelier place des appareils de télévision dans les chambres et les relie à une antenne centrale (c. 6.2). Comme des recettes sont réalisées grâce aux chambres d'hôtels, d'hôpitaux et grâce aux logements de vacances, il n'est pas exclu de se baser sur ces recettes pour calculer la redevance due pour la réception d'émissions dans de tels locaux. Mais il faut prendre en compte le fait que lesdites recettes ne sont pas directement en rapport avec les utilisations pertinentes selon le droit d'auteur (c. 7). D'après la pratique de la CAF, les pourcentages maximaux de 10 % et de 3 % prévus par l'art. 60 al. 2 LDA ne peuvent pas être épuisés sans autre, particulièrement en cas de nouveaux tarifs. En l'espèce, un tel épuisement serait problématique aussi parce que les recettes ne sont réalisées qu'accessoirement grâce aux biens protégés par la LDA (c. 8). Comme la réception d'émissions dans les locaux susmentionnés n'a jamais fait l'objet d'un tarif, on ne peut pas parler d'augmentation abrupte de la redevance à payer. Toutefois, comme les pourcentages de l'art. 60 al. 2 LDA ne peuvent pas être épuisés, la CAF ne peut pas approuver un tarif qui conduirait à une redevance plus importante que celle prévue par le tarif commun 3a pour la réception d'émissions dans d'autres locaux que ceux faisant l'objet de la procédure (c. 9). [VS]

17 décembre 2012

CAF, 30 novembre et 17 décembre 2012 (d)

« Tarif commun 12 » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun 12, recours obligatoire aux sociétés de gestion, pouvoir de cognition, participation de tiers à la procédure tarifaire, qualification juridique, question préalable, tarif contraignant pour les tribunaux, Commission arbitrale fédérale, moyens de preuve nouveaux, allégué tardif, grief irrecevable, télévision de rattrapage, usage privé, copie privée, triple test, obligation de gérer, vide tarifaire, tarifs complémentaires, droits à rémunération ; art. 32 al. 2 PA, art. 19 al. 1 lit. a LDA, art. 19 al. 2 LDA, art. 19 al. 3 lit. a LDA, art. 20 al. 2 LDA, art. 46 al. 2 LDA, art. 59 al. 2 LDA.

La procédure d'élaboration des tarifs se déroule entre les sociétés de gestion et les associations représentatives des utilisateurs. Dans l'ATF 135 II 172, (c. 2.3.1 ; cf. N 42, vol. 2007-2011), la qualité de partie a été reconnue à des ayants droit parce que les sociétés de gestion voulaient exercer des droits dans des domaines où ces ayants droit étaient actifs jusque-là. En l'espèce, on ne se trouve pas dans la même situation: il s'agit de savoir si une nouvelle utilisation (la télévision de rattrapage), pour laquelle ni les ayants droit ni les sociétés de gestion ne sont encore intervenus, est soumise obligatoirement à la gestion collective (c. 2.2). Les sociétés de gestion ont tenu compte de la volonté de certains ayants droit en excluant la télévision de rattrapage du tarif commun 12. Ces ayants droit ne se trouvent donc pas dans une situation particulière par rapport aux autres ayants droit, si bien que leur participation à la procédure n'apparaît pas comme nécessaire (c. 2.3). Au surplus, la qualification juridique de la télévision de rattrapage est effectuée par la CAF à titre préjudiciel, uniquement pour déterminer sa compétence par rapport au tarif ; cette qualification ne lie pas les tribunaux ordinaires (c. 2.4). D'après l'art. 32 al. 2 LDA des allégués tardifs des parties sont admissibles s'ils paraissent décisifs. En l'espèce, les pièces complémentaires ont été produites avant l'audience, conformément à ce que la CAF a exigé dans des décisions antérieures. Elles sont donc admissibles. Il est toutefois surprenant que le montant des redevances soit critiqué seulement quelques jours avant l'audience, alors qu'il ne l'a pas été durant les négociations ou dans la réponse à la requête des sociétés de gestion. Cela pourrait avoir des conséquences lors de la répartition des frais de la procédure (c. 2.6). La télévision de rattrapage qualifie un service par lequel l'utilisateur donne l'ordre d'enregistrer non pas une œuvre, mais un ou plusieurs programmes de télévision. Les émissions sont ensuite enregistrées dans une mémoire centrale appartenant au prestataire de service. Selon les cas, le consommateur déclenche lui-même le processus de copie ou, pour des raisons techniques, il bénéficie d'un enregistrement réalisé suite à un ordre précédent d'un autre consommateur. Pendant une durée déterminée, le consommateur peut appeler et visionner les émissions figurant dans les programmes enregistrés (c. 4). La télévision de rattrapage relève de la copie privée au sens de l'art. 19 al. 1 lit. a LDA, réalisée grâce à un tiers au sens de l'art. 19 al. 2 LDA. Ce dernier doit payer une redevance d'après l'art. 20 al. 2 LDA. Il importe peu que le consommateur soit lui-même à l'origine du processus de copie ou qu'il bénéficie d'un enregistrement réalisé suite à l'ordre d'un autre consommateur. En revanche, le prestataire de service ne peut pas réaliser les copies à l'avance, sans qu'un consommateur les ait demandées (c. 8). La limite de l'art. 19 al. 3 lit. a LDA n'est pas applicable, car le programme ou l'émission enregistré est une suite d'œuvres ou d'autres éléments de programmes, et pas un exemplaire d'œuvre disponible sur le marché (c. 9). La qualification de copie privée est conforme au triple test prévu par les traités internationaux. En effet, comme la possibilité d'accéder aux émissions est limitée dans le temps, la dérogation au droit exclusif concerne certains cas spéciaux. De plus, la télévision de rattrapage ne porte pas atteinte à l'exploitation normale de l'œuvre, vu que la vidéo à la demande (VoD), conformément au système des fenêtres d'exploitation, intervient après la période réservée aux cinémas, mais avant que l'œuvre soit diffusée en télévision. En outre, avec la télévision de rattrapage, l'accès à l'œuvre n'est possible que pendant une durée relativement courte. Enfin, les intérêts légitimes des ayants droit sont sauvegardés puisqu'ils bénéficient d'un droit à rémunération. Dans la pesée des intérêts, l'intérêt du public à bénéficier des émissions avec une certaine flexibilité temporelle l'emporte sur celui des ayants droit à la gestion individuelle (c. 11). [VS]

17 juin 2013

CAF, 17 juin 2013 (d)

« Tarif commun Z » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun Z, approbation des tarifs, négociation des tarifs, vide tarifaire ; art. 46 al. 2 LDA, art. 9 al. 2 ODAu, art. 15 ODAu.

Lorsque le TAF annule la décision de la CAF d'approuver un tarif et demande une modification de ce tarif, les sociétés de gestion ne peuvent pas soumettre spontanément à la CAF une version du tarif modifiée dans le sens des considérants du TAF sans avoir négocié les modifications avec les associations représentatives d'utilisateurs. La nouvelle requête des sociétés de gestion doit en effet être considérée comme une demande d'approbation tarifaire au sens de l'art. 9 LDA (recte: 9 ODAu) et une application par analogie de l'art. 15 ODAu est exclue (c. 2 et 3). Il pourrait cependant être dérogé au devoir de négocier si l'approbation du tarif était urgente afin d'éviter un vide tarifaire, et s'il n'y avait objectivement aucune marge de négociation pour les parties. En l'espèce, il n'y a pas d'urgence vu que la CAF a ordonné une application provisoire du tarif. De plus, le devoir de négocier a une grande importance et il n'est pas exclu que les parties puissent encore trouver un terrain d'entente sur les questions litigieuses. Enfin, il convient d'éviter que les parties mènent leurs négociations seulement à l'occasion de l'audience de la CAF (c. 3). Il faut donc exiger de nouvelles négociations sur les modifications demandées par le TAF, d'autant que ces questions litigieuses n'avaient pas été discutées lors des négociations initiales (c. 4). [VS]

09 septembre 2013

CAF, 9 septembre 2013 (d)

Tarif commun 4e ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, négociation des tarifs, tarif commun 4e, procédure tarifaire en cours, Commission arbitrale fédérale, renvoi de l'affaire, suspension de procédure, mesures provisionnelles, préjudice irréparable, vide tarifaire, urgence, effet suspensif, principe de la proportionnalité ; art. 56 PA, art. 46 al. 2 LDA, art. 9 al. 3 ODAu.

Le ou la président(e) de la Commission arbitrale pourrait trancher seul(e) la question du renvoi de l'affaire pour de nouvelles négociations et celle des mesures provisionnelles, mais pas celle de la suspension de la procédure. Comme ces trois questions sont liées, il revient à la Commission arbitrale elle-même de les examiner ensemble (c. 1). Une rupture des négociations se justifie lorsqu'un consensus semble impossible ou est très invraisemblable (c. 2a). Il en va notamment ainsi lorsqu'une procédure de recours est encore pendante sur le tarif précédent et qu'elle porte sur des questions juridiques de principe concernant aussi le nouveau tarif à négocier (c. 2c et 2d). Une suspension de la procédure devant la CAF est possible même si la PA n'en prévoit pas expressément les conditions. Elle peut être ordonnée contre la volonté d'une partie lorsqu'une procédure de recours a un effet préjudiciel pour la décision à rendre ; cela pour autant toutefois qu'il n'en résulte pas un déni de justice inacceptable causant un dommage irréparable à une partie (c. 3). Par application analogique de l'art. 56 PA, des mesures provisionnelles sont possibles devant la CAF pour maintenir intact un état de fait existant ou pour sauvegarder des intérêts menacés (c. 4a). De telles mesures supposent toutefois une situation d'urgence, de même qu'un dommage difficile à réparer. À ce sujet, une pesée des intérêts en présence devra être effectuée, pour laquelle un pronostic sur l'issue du litige ne sera pris en compte que s'il est clair. Ces conditions seront examinées à l'aune du principe de la proportionnalité. Pour l'exécution anticipée d'une prestation pécuniaire, il faut en outre que le pronostic sur l'issue du litige soit positif et que le remboursement éventuel de la prestation soit assuré (c. 4c). En l'espèce, les sociétés de gestion demandent comme mesures provisionnelles la mise en application provisoire dès 2014 du tarif commun 4e 2012-2013, approuvé par la CAF en 2011, mais attaqué au TAF. L'issue de cette procédure de recours est incertaine (c. 4d). De plus, il n'y a pas d'urgence, car un vide tarifaire pourrait être évité soit par une entrée en vigueur rétroactive du tarif valable dès 2014, soit par un supplément sur la redevance perçue dès son approbation. De plus, l'urgence doit aussi être niée parce que le tarif précédent n'est pas encore entré en vigueur en raison de la procédure de recours, si bien qu'il n'y a pas de véritable vide tarifaire (c. 4e). Un dommage difficile à réparer, dû au fait que certains débiteurs pourraient devenir insolvables durant la procédure d'approbation tarifaire, n'a pas non plus été rendu vraisemblable (c. 4h). Enfin, dans le cadre de sa décision sur l'effet suspensif, le TAF a pesé les intérêts en présence et a admis que l'intérêt des débiteurs du tarif à ne pas faire de décomptes éventuellement inutiles l'emportait sur l'intérêt des sociétés de gestion à appliquer le tarif de manière anticipée. Cet avis doit être suivi aussi pour la présente requête de mesures provisionnelles, d'autant plus qu'une diminution de la redevance dès 2014 par rapport au tarif 2012-2013 n'est pas à exclure. Un remboursement d'une partie des montants perçus par voie provisionnelle obligerait en effet à des décomptes compliqués, dans un système où les débiteurs de la redevance (les importateurs de supports vierges) n'équivalent pas aux utilisateurs (les consommateurs) (c. 4g). [VS]

14 mars 2014

TAF, 14 mars 2014, B-6540/2012 (d)

sic! 10/2014, p. 618-623, « Zusatztarif zumGT 3a », medialex 3/2014, p. 166-167, «Uhreberrechtsentschädigungen für Sendeempfang in Gästezimmern » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarifs communs 3a complémentaire, tarifs séparés, question préalable, négociation des tarifs, devoir de négocier, traités internationaux, applicabilité directe, interprétation conforme au droit international, économie de procédure, droit d’être entendu, droit de retransmission, droit de faire voir ou entendre, chambres d’hôtes, usage privé ; art. 8 WCT, art. 5 al. 4 Cst., art. 29 Cst., art. 190 Cst., art. 1 al. 2 LDA, art. 10 al. 2 lit. e LDA, art. 10 al. 2 lit. f LDA, art. 19 al. 1 lit. a LDA, art. 22 al. 2 LDA, art. 46 al. 2 LDA, art. 47 al. 1 LDA ; cf. N 802 (TAF, 8 juillet 2015, B-3865/2015).

Si la CAF entend modifier elle-même la proposition tarifaire des sociétés de gestion, elle doit accorder aux parties le droit d’être entendu (c. 2.2). Dans le domaine du droit d’auteur, en matière de droit à rémunération, les autorités doivent tenir compte du droit international public. Les traités internationaux et le droit interne font partie d’un système juridique uniforme, les particuliers ne pouvant se prévaloir des premiers que s’ils ont un caractère « self executing ». Tel est le cas lorsqu’un traité contient des normes claires et suffisamment déterminées permettant de trancher un cas particulier, pas lorsqu’il s’adresse au législateur en prescrivant comment une matière doit être réglementée (c. 3.2). En revanche, les tribunaux suisses n’ont pas à respecter la jurisprudence européenne, lorsqu’il y a des raisons objectives de consacrer une solution différente (c. 3.3). La LDA doit être interprétée de manière compatible avec les accords ADPIC (c. 3.4). Les garanties minimales découlant du droit d’être entendu englobent le droit à une orientation préalable, à pouvoir s’exprimer, à être écouté, à consulter le dossier et à recevoir une décision motivée. Les parties ont le droit de recevoir toutes les écritures déposées, qu’elles apportent ou non des éléments nouveaux ou importants, et de prendre position à leur sujet (c. 4.4.1). Une violation du droit d’être entendu peu importante peut exceptionnellement être réparée si la partie concernée a la possibilité de s’exprimer en procédure de recours. Même en cas de violations graves, il faut renoncer à un renvoi afin d’éviter le formalisme excessif et les retards inutiles. Mais la doctrine s’exprime majoritairement pour un renvoi en cas de telles violations graves du droit d’être entendu (c. 4.4.3). En l’espèce, la CAF a invité les sociétés de gestion à déposer un tarif totalement nouveau, qu’elle a approuvé sans en informer les parties adverses et le Préposé à la surveillance des prix, et sans requérir leur détermination. De plus, le tarif aurait dû entrer en vigueur dès avant la motivation écrite de la décision d’approbation (c. 5.1). Ces violations du droit d’être entendu sont graves, elles n’étaient pas justifiées par des impératifs de rapidité ou par des droits de tiers et n’étaient pas proportionnées. Elles ne peuvent être réparées en procédure de recours, car les parties lésées seraient privées d’une instance judiciaire. La décision doit donc être annulée (c. 5.4). En l’espèce, on peut se demander si le devoir de négocier au sens de l’art. 46 al. 2 LDA a été respecté, car les mêmes positions ont été répétées de fois en fois, sans entrer en matière sur les arguments des parties adverses. Mais la question peut rester ouverte, car le devoir de négocier a de toute manière été violé s’agissant du nouveau projet tarifaire déposé directement devant la CAF, ce qui était une raison supplémentaire pour que celle-ci requière la détermination des parties adverses (c. 6.2). Enfin, la CAF a négligé de demander l’avis du Préposé à la surveillance des prix sur ce nouveau projet (c. 6.3). Nonobstant le renvoi, pour des questions d’économie de procédure, il convient de trancher déjà les questions préalables de droit matériel et celle de savoir si des tarifs séparés sont possibles (c. 7.2 et 7.3). Le droit de retransmission de l’art. 10 al. 2 lit. e LDA n’est pas identique à celui que consacrait l’aLDA, dans la mesure il n’exige pas une communication publique. On ne peut donc pas déduire de l’ATF 119 II 62 (c. 3b) que la distribution d’un signal dans des chambres d’hôtes représenterait une retransmission (c. 8.5). Le droit de faire voir ou entendre une émission au sens de l’art. 10 al. 2 lit. f LDA implique qu’il n’y ait pas d’autres installations entre l’appareil de réception et le public, mis à part les amplificateurs et les haut-parleurs. Ce droit englobe tout ce qui ne représente pas un usage privé au sens de l’art. 19 al. 1 lit a et b LDA. En d’autres termes, il concerne la réception publique (c. 8.6). Ce qui est public en droit d’auteur n’est défini que pour le droit de divulgation (art. 9 al. 3 LDA) et qualifie un grand nombre de personnes ne constituant pas un cercle privé au sens de l’art. 19 al. 1 lit. a LDA. Cette notion est vague et doit être interprétée (c. 8.7). Pour déterminer ce qui était une communication publique dans le cadre du droit de retransmission de l’aLDA, le TF ne se basait pas sur le nombre d’abonnements, mais sur l’étendue territoriale du réseau. Aujourd’hui, le nombre d’abonnés est déterminant d’après l’art. 22 al. 2 LDA. (c. 8.7.2). Ce nombre, d’emblée, doit être restreint (c. 8.7.3). Quant à elle, la CJUE admet le caractère public d’une diffusion dans des chambres d’hôtel, parce qu’elle prend en compte aussi les personnes se trouvant dans d’autres endroits de l’hôtel et parce que les personnes qui occupent les chambres se succèdent rapidement. Contrairement à ce qui vaut en droit allemand, ce critère n’implique pas que les personnes qui se succèdent consultent la même œuvre (c. 8.7.4). Le droit de communiquer publiquement des émissions de l’art. 11bis al. 1 ch. 2 CB implique l’existence d’un nouveau public. Tel est le cas lorsque la communication intervient dans un but lucratif ou devant un cercle de personnes plus large que celui visé par l’auteur lorsqu’il a accordé son autorisation de diffusion (à l’organisme de radio ou de télévision) (c. 8.7.5). D’après l’art. 8 WCT, la communication est publique si le contenu est disponible pour chacun, de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement. Ce ne sont pas les différents accès qui sont déterminants, mais la mise à disposition effectuée au même moment pour tous. L’art. 8 WCT n’est toutefois pas applicable à la réception d’émissions (c. 8.7.6). Ce qui est public n’est donc pas défini uniformément en droit d’auteur et n’est pas apte à distinguer les utilisations libres et celles qui sont soumises à redevance (c. 8.7.6). L’opposé de l’usage public est l’usage privé au sens de l’art. 19 al. 1 lit. a LDA. Les personnes étroitement liées au sens de cette disposition ne doivent pas être réunies par hasard, leur nombre doit être restreint et il doit exister entre elles une communauté de destin. Tel est le cas entre les élèves d’un internat, entre les habitants d’un même logement ou d’une pension familiale, mais pas entre les clients d’un hôtel qui ne se connaissent que superficiellement et qui changent rapidement (c. 8.8.1). Les chambres d’un hôtel sont toutefois des lieux privés, sous réserve d’une appréciation économique ou de la reconnaissance d’un caractère public parce que les divers occupants se succèdent rapidement (c. 8.8.2). D’un point de vue économique, l’application de l’exception d’usage privé à des actes de nature commerciale peut sembler inadmissible. Cette argumentation est essentiellement fondée sur le texte de l’art. 22 aLDA. Mais même sous l’empire du nouveau droit, l’exception d’usage privé implique que l’utilisation ne procure aucune recette et ne porte pas atteinte à l’exploitation normale de l’œuvre (c. 8.8.3). La jurisprudence du TF rendue en application de l’art. 22 aLDA a d’ailleurs été reprise pour interpréter la loi actuelle (c. 8.8.4). Un but lucratif de l’utilisateur d’œuvre est donc incompatible avec l’exception de l’art. 19 al. 1 lit. a LDA (c. 8.9.2). En l’espèce, il faut se demander qui est l’utilisateur d’œuvres (c. 8.9.3). Les actes visés par l’art. 10 al. 2 lit. a-f LDA sont accomplis par des intermédiaires, et non par la personne qui bénéficie de l’œuvre. Ils se produisent avant la consommation de l’œuvre (c. 8.9.4). L’utilisateur d’œuvres dans des chambres d’hôtes n’est donc pas l’occupant de la chambre, mais l’intermédiaire, par exemple l’hôtelier (c. 8.9.6). Cette approche pourrait certes être remise en cause par la convergence des technologies, à savoir le fait que des émissions peuvent être reçues sur les propres appareils du client (tablettes, ordinateurs portables ou smartphones). On peut en effet se demander quel degré d’infrastructure l’hôtelier doit mettre à disposition pour être débiteur de redevances. La fourniture d’un réseau WLAN ne suffit pas. De plus, la perception d’une rémunération lorsqu’il n’y a pas de nouveau public peut paraît inopportune. Il appartient cependant au pouvoir politique d’adapter le droit au progrès technique (c. 8.10). La réception d’émissions dans des chambres d’hôtes est donc soumise à redevance (c. 8.11). Un tarif complémentaire est admissible lorsqu’il s’agit de compléter un tarif existant jusqu’à la fin de sa période de validité, que la situation juridique est incertaine et qu’un vide tarifaire menace. Le tarif complémentaire doit cependant être intégré dans le tarif principal à son échéance, afin que l’art. 47 LDA soit respecté (c. 9.2). [VS]

« Tarif commun S » ; gestion collective, tarifs des sociétés de gestion, tarif commun S, négociation des tarifs, redevance de réception radio, redevance de réception TV, quote-part du produit de la redevance, recettes brutes, déduction des frais d’acquisition de la publicité, égalité de traitement, augmentation de redevance, équité du tarif, devoir d’informer les sociétés de gestion, rabais tarifaire, témoin, audition ; art. 8 al. 2 Cst., art. 14 PA, art. 45 al. 2 LDA, art. 46 al. 2 LDA, art. 51 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA, art. 9 al. 3 ODAu; cf. N 788 (CAF, 4 novembre 2013) et N 789 (TF, 27 février 2014, 2C_783/2013 ; ATF 140 II 305 ; sic! 6/2014, p. 362-364, « Gemeinsamer Tarif Sender (GT S) » ; medialex 2/2014, p. 111, « Tarif commun S »).

Les parties à une procédure tarifaire ne sont pas obligées de négocier sans fin lorsque les positions sont arrêtées. Si un accord n’est pas possible en raison de divergences sur des questions de principe, le tarif peut être soumis à la CAF (c. 2). Dans sa décision du 4 novembre 2010 sur le tarif commun S, la CAF a déjà admis que les quotes-parts du produit de la redevance selon la LRTV faisaient partie des bases de calcul tarifaires, même si elles sont affectées à un but déterminé (c. 3.2.b). D’après l’art. 60 al. 1 lit. a LDA, l’indemnité doit être calculée en fonction des recettes provenant de l’utilisation, par quoi il faut entendre les recettes brutes. Le principe dit des recettes brutes a été confirmé aussi bien par le TF que par la CAF. Dans sa décision du 4 novembre 2013 (cf. N 788), la CAF a admis que ce principe impliquait que les revenus de sponsoring et de publicité soient pris en compte sans déduction pour les frais de leur acquisition. Le fait qu’une telle déduction ait été tolérée dans le passé d’un commun accord n’y change rien: les diffuseurs n’ont pas de droit à celle-ci. De même, le fait que d’autres tarifs prévoient cette déduction, d’entente avec les utilisateurs concernés et comme résultat des négociations, n’est pas contraire à l’égalité de traitement. Dans son arrêt du 27 février 2014 (cf. N 789,(c. 7.1)), le TF n’a pas exclu que la déduction des frais d’acquisition de la publicité soit renégociée dans le cadre d’un nouveau tarif commun S. Il n’y a pas non plus d’inégalités de traitement entre diffuseurs soumis à ce tarif: la solution tarifaire retenue est la même pour les diffuseurs qui acquièrent eux-mêmes la publicité que pour ceux qui recourent à une société-tierce. Au contraire, la réglementation actuelle a révélé un certain potentiel d’abus, ce qui est justement problématique pour l’égalité de traitement. Un changement en faveur du principe des recettes brutes n’a pas besoin d’être neutre financièrement, mais il ne doit pas entraîner des augmentations de redevances abruptes. La CAF a déjà accepté des augmentations importantes si elles sont échelonnées dans le temps. Il peut être renoncé à cet échelonnement si les redevances antérieures étaient manifestement insuffisantes, si l’augmentation résulte d’un changement de système objectivement justifié ou si elle est la conséquence d’une redevance plus juste. Ces conditions ne sont pas réalisées en l’espèce. Il n’est certes pas facile de prévoir les effets financiers du nouveau tarif. Mais les augmentations devraient globalement se situer entre 20% et 40% et il devrait y avoir de grandes différences d’un diffuseur à l’autre. L’échelonnement proposé par les sociétés de gestion dans leurs conclusions principales n’est pas équitable. En revanche, il l’est selon leurs conclusions subsidiaires. Une abolition complète de la déduction forfaitaire dans un futur tarif, pour se conformer entièrement au principe des recettes brutes, est fondamentalement possible, mais il faudra alors vérifier si les taux de redevance restent équitables (c. 3.3.c). Une obligation pour les diffuseurs d’annoncer les codes ISRC et ISAN est conforme à l’art. 51 LDA si ces codes sont fournis par les producteurs au moment de la livraison des enregistrements et s’ils peuvent être lus par les systèmes des diffuseurs. Un traitement manuel des codes ou une adaptation coûteuse des systèmes des diffuseurs dépasseraient la limite du raisonnable prévue par l’art. 51 LDA (c. 3.4.c). Par sa décision du 4 novembre 2010, la CAF a déjà estimé inutile de préciser que seuls les spots publicitaires avec de la musique protégée devaient être déclarés. Au surplus, pour ne pas accroître le travail administratif des diffuseurs, il n’y a pas lieu de leur imposer une obligation de vérifier si un morceau de musique est protégé ou non (c. 3.5.c). Un tarif doit être équitable indépendamment des rabais qu’il prévoit. Ceux-ci doivent être octroyés en échange de prestations concrètes de la part des utilisateurs. Tel n’est pas le cas lorsqu’un rabais est prévu en contrepartie de la signature d’un contrat dont le contenu n’est pas précisé. Pour cette raison, la CAF décide de faire dépendre le rabais du respect par les diffuseurs de la procédure de déclaration, et de l’adaptation de leurs systèmes informatiques à celle-ci (c. 4.4). La CAF peut s’abstenir d’examiner en détail, sous l’angle des art. 59 ss LDA, les clauses tarifaires non contestées s’il n’y a pas d’indices qu’elles pourraient être inéquitables (c. 5). D’après l’art. 14 PA, une audition de témoins n’est possible que si les faits ne peuvent pas être suffisamment élucidés d’une autre façon. Au surplus, ladite disposition ne mentionne pas la CAF parmi les autorités qui peuvent entendre des témoins, et ni la LDA ni l’ODAu ne lui donnent cette compétence. Il faut donc, en l’espèce, renoncer à entendre des témoins (c. 6). [VS]

« Tarif commun 4i » ; tarif des sociétés de gestion, équité du tarif, durée de validité du tarif, prolongation automatique, devoir de négocier, pouvoir de cognition de la CAF ; art. 19 LDA, art. 20 LDA, art. 40 LDA, art. 46 al. 2 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA.

Tandis que l’équité de la redevance se détermine d’après l’art. 60 LDA, les autres dispositions du tarif relèvent d’une libre appréciation de la CAF d’après l’art. 59 al. 1 LDA (c. 3). Sous l’angle du contrôle de l’équité, la CAF doit aussi examiner la charge diachronique du tarif pour les utilisateurs (c. 4). La CAF n’a pas de jurisprudence bien établie en ce qui concerne les clauses tarifaires prévoyant une prolongation automatique du tarif pour une durée illimitée. L’équité de la durée de validité du tarif doit être examinée de cas en cas, en fonction du système tarifaire, des faits qui l’ont déterminé et de leur caractère durable ou au contraire changeant (c. 4.2). En l’espèce, le tarif contient une clause selon laquelle il se prolonge automatiquement d’année en année, sauf résiliation donnée par une partie au moins une année à l’avance. La durée de validité initiale de deux ans pourrait donc rester lettre morte et le tarif pourrait se prolonger à l’infini, sans que la CAF puisse à nouveau vérifier son équité. Cela paraît problématique, d’autant que les parties au tarif se sont réservées d’étendre ce dernier à d’autres appareils permettant la copie privée (c. 4.3). Les tendances en matière de copie privée sont en constante évolution. En particulier, les appareils ont des capacités de stockage de plus en plus grandes, et les prix sont en baisse. Il n’est donc pas garanti que le tarif soit toujours équitable dans cinq ou dix ans. Le besoin de flexibilité et de prévisibilité à long terme des parties est certes légitime. Mais, dans un environnement en mutation, il est difficilement compatible avec le devoir de négocier des sociétés de gestion, prévu par l’art. 46 al. 2 LDA, et de faire approuver le tarif par la CAF comme exigé par les art. 40 et 46 al. 2 LDA. L’admissibilité d’une clause de prolongation automatique dépend des circonstances et il s’impose en l’espèce de limiter son effet dans le temps, afin que les sociétés de gestion et les associations d’utilisateurs examinent à l’échéance si le tarif correspond toujours aux circonstances (c. 4.4). Il y a un certain déséquilibre entre les parties, s’agissant de la possibilité de résiliation. Les sociétés de gestion sont spécialisées dans les questions de gestion collective, ce qui n’est pas le cas des utilisateurs. Tendanciellement, il n’est pas à exclure que les sociétés de gestion n’aient aucun intérêt à résilier le tarif. De leur côté, les utilisateurs, moins organisés, pourraient oublier de procéder à une telle résiliation dans les délais. Et, s’ils le font, ce sera à eux de démontrer que le tarif est devenu inéquitable si les sociétés de gestion veulent le prolonger (c. 4.5). La limitation dans le temps de la prolongation automatique obligera les parties, à l’échéance, à examiner si le tarif est encore actuel. En cas de réponse affirmative, une requête de prolongation pourra être adressée à la CAF selon une procédure relativement simple et peu coûteuse (c. 4.6). Cette démarche peut être exigée pour éviter le risque d’un tarif inéquitable. Le mécontentement des parties concernant l’actuelle procédure d’approbation tarifaire, soumise à un système de triple instance et impliquant des décisions de renvoi aux autorités inférieures, n’est pas une raison d’instaurer une clause de prolongation automatique illimitée contournant le devoir de négocier et de soumettre les tarifs à la CAF. Une telle clause n’est pas équitable au sens de l’art. 59 al. 1 LDA (c. 4.7). L’accord des parties ne restreint pas la cognition de la CAF. Toutefois, cette dernière ne modifie qu’avec retenue un tarif sur lequel les parties sont d’accord. Sinon personne n’aurait de raisons de faire des concessions dans les négociations tarifaires et de rechercher une solution de compromis. Cependant, en l’espèce, il ne s’agit pas de modifier une disposition matérielle du tarif, mais uniquement sa durée de validité. Le droit d’être entendu au sens de l’art. 59 al. 2 LDA a été respecté et les sociétés de gestion ont accepté que la CAF modifie elle-même le tarif si elle devait l’estimer inéquitable. La CAF décide donc de limiter la prolongation automatique d’année en année, au plus tard jusqu’à fin 2020. Ainsi, le tarif aura une durée maximale de quatre ans (c. 4.8). [VS]

« Tarif commun K » ; tarif des sociétés de gestion, équité du tarif, durée de validité du tarif, prolongation automatique, devoir de négocier, pouvoir de cognition de la CAF ; art. 40 LDA, art. 46 al. 2 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA ; cf. N 1067 (CAF, 8 décembre 2016)

Même motivation que CAF, 8 décembre 2016, « Tarif commun 4i » (N 1067). En l’espèce, le marché des concerts et des spectacles serait en évolution parce que les recettes des sociétés de gestion ont continuellement augmenté ces dernières années, comme les coûts des organisateurs. De plus, ces derniers ont émis des doutes sur le tarif. Ces facteurs justifieraient une limitation dans le temps de la prolongation automatique, pour que les parties examinent à l’échéance si le tarif correspond toujours aux circonstances (c. 4.4). [VS]

« Tarif commun 1 » ; tarif des sociétés de gestion, équité du tarif, durée de validité du tarif, prolongation automatique, devoir de négocier, pouvoir de cognition de la CAF ; art. 40 LDA, art. 46 al. 2 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA ; cf. N 1067 (CAF, 8 décembre 2016)

Même motivation que CAF, 8 décembre 2016, « Tarif commun 4i » (N 1067). En l’espèce, le marché de la retransmission serait en évolution parce que la part de la télévision dans les offres groupées est de moins en moins importante selon les utilisateurs. De plus, les réseaux doivent constamment être améliorés en raison des besoins accrus en bande passante dus à Internet et à la haute définition, ce qui a une incidence sur les prix des abonnements. Dans un environnement en mutation, il n’est pas exclu que les études sur lesquelles repose le tarif soient vite dépassées (c. 4.4). La doctrine s’est prononcée en faveur de tarifs avec une durée de validité ouverte surtout en raison de la problématique de l’entrée en vigueur rétroactive des nouveaux tarifs et pour éviter des périodes de vide tarifaire. Mais les tarifs de sociétés de gestion contiennent désormais des clauses empêchant un vide tarifaire tant qu’un nouveau tarif n’est pas encore entrée en vigueur. De plus, une prolongation automatique des tarifs n’occasionne pas forcément une économie de la procédure (c. 4.5). [VS]

Tarif commun 5 » ; tarifs des sociétés de gestion, association, qualité pour participer aux négociations tarifaires, devoir de collaboration accru des parties en procédure tarifaire; art. 46 al. 2 LDA.

En procédure tarifaire, malgré le fait que la CAF établisse les faits d’office, les parties ont un devoir de collaboration accru, qui concerne aussi la question de leur qualité de partie (c. 4). D’après la doctrine, une association est représentative au sens de l’art. 46 al. 2 LDA si elle a comme membres un nombre significatif d’utilisateurs. Les associations affiliées à une association faîtière n’ont pas le droit de participer aux négociations tarifaires, sauf si l’association faîtière y renonce. D’après le TF, est représentative une association qui rassemble au moins 20 à 25% des utilisateurs concernés par le tarif. Le TF estime aussi que, d’après le principe de la bonne foi, une association a le droit de participer à la procédure d’approbation si sa participation n’a pas été contestée durant les négociations tarifaires et devant la CAF. Il a en outre jugé qu’une représentation de neuf membres ne suffisait pas pour que l’association soit représentative. Enfin, les statuts de l’association doivent prévoir la représentation de ses membres en procédure tarifaire. De son côté, la CAF a estimé qu’une organisation représentant à peine 10% des utilisateurs dans une région linguistique n’avait pas la qualité de partie. Mais si les sociétés de gestion négocient avec elle faute d’autres associations, elle est alors admise en procédure devant la CAF. Les associations doivent démontrer combien de leurs membres sont actifs dans le domaine du tarif ou combien le deviendront prochainement. La CAF considère que, pour être représentative, une association doit rassembler au moins un tiers des utilisateurs dans une région linguistique. En revanche, elle a laissé ouverte la question de savoir si une représentation de 12 à 13% des usagers suffisait déjà. Une association faîtière doit être mandatée par au moins une association représentative pour participer à la procédure. Mais une participation conjointe des deux associations est alors exclue, même si cela a déjà été admis occasionnellement (c. 5). En l’espèce, l’association faîtière et l’une de ses associations membres participent à la procédure, mais d’autres associations de bibliothèques sont aussi représentées par l’association faîtière. Il n’est pas nécessaire à ce stade de déterminer si ces bibliothèques procèdent uniquement à du prêt ou aussi à de la location au sens du tarif, puisque la distinction entre ces deux notions forme justement une importante question matérielle litigieuse en l’espèce. Sans compter les membres de l’association qui participe directement à la procédure, l’association faîtière représente, d’après les chiffres qu’elle a fournis, 34.225% des bibliothèques concernées par le tarif. Même si ces chiffres comportent certaines incertitudes et ne sont pas à l’abri d’objections méthodologiques, la CAF n’en a pas d’autres à disposition et l’association faîtière a satisfait à son devoir de collaboration. Un chiffre de 34.225% plaide d’ailleurs clairement pour sa qualité de partie. De plus, ses statuts l’autorisent à participer à la procédure tarifaire et elle bénéficie de mandats écrits de deux associations sur trois, lesquelles, ensemble, sont représentatives au sens de la jurisprudence (c. 6). Les sociétés de gestion n’avaient d’ailleurs pas contesté la qualité de partie de l’association faîtière dans d’autres procédures concernant le même tarif, et il ne semble pas que les circonstances aient changé depuis lors (c. 7). Cette qualité doit donc être reconnue aussi en l’espèce (c. 8). [VS]

« Tarif commun 5 » ; tarifs des sociétés de gestion, négociation des tarifs, devoir de collaboration accru des parties en procédure tarifaire, devoir d’informer les sociétés de gestion, location, prêt , épuisement, recettes brutes, augmentation de redevance, augmentation du tarif, équité du tarif, valeur litigieuse, frais de procédure, interprétation conforme au droit international, interprétation téléologique, égalité de traitement; art. 12 PA, art. 13 al. 1 PA, art. 63 al. 4bis PA, art. 1 lit. a OFIPA, art. 2 OFIPA, art. 14 à 18 OFIPA, art. 8 CC, art. 13 LDA, art. 46 al. 2 LDA, art. 47 al. 1 LDA, art. 51 LDA, art. 60 LDA, art. 16a ODAu, art. 16b ODAu.

Même si les associations d’utilisateurs n’avaient pas négocié sérieusement le tarif, cela ne constituerait pas un motif de renvoi de la requête d’approbation (c. 1). En adressant celle-ci en commun à la CAF, les sociétés de gestion ont satisfait à l’obligation prévue à l’art. 47 al. 1 LDA (c. 2). Selon la jurisprudence du TF, les parties à une procédure tarifaire ont un devoir de collaboration accru d’après l’art. 13 al. 1 PA, qui relativise la maxime officielle prévue par l’art. 12 PA et en fait même partie. Ce devoir existe indépendamment de la question de savoir si la partie en question supporte les conséquences de l’absence de preuve. En tant que requérantes, les sociétés de gestion ont le fardeau de la preuve par application analogique de l’art. 8 CC, cela même si les utilisateurs ont l’obligation de les informer d’après l’art. 51 LDA (c. 4.1). Avant de contrôler l’équité d’un tarif, la CAF doit examiner si les utilisations visées par ce tarif sont réservées aux ayants droit et si elles sont soumises à la surveillance de la Confédération (c. 5). En l’espèce, il s’agit d’interpréter l’art. 13 LDA. La location contre paiement fait l’objet d’un droit à rémunération en faveur des auteurs, au contraire du prêt gratuit. En Allemagne, le prêt est aussi assujetti à un droit à rémunération (c. 6.1). La doctrine considère l’art. 13 LDA comme une exception au principe de l’épuisement ou comme un correctif à celui-ci (c. 6.2). En plus de l’interprétation grammatico-littérale, systématique, historique ou téléologique, une interprétation de droit comparé avec l’Europe est admissible, le TF ayant relevé la volonté du législateur d’harmoniser le droit d’auteur suisse avec le droit européen (c. 8). L’interprétation grammatico-littérale de l’art. 13 LDA n’exclut pas qu’il puisse y avoir une location au sens de cette disposition, si le loyer est payé forfaitairement et non pour chaque transaction (c. 8.1). L’interprétation systématique n’apporte rien sur cette question (c. 8.2). Dans le cadre des discussions parlementaires sur la LDA, l’introduction d’un droit de prêt était une question discutée, mais le législateur a finalement renoncé à un tel droit. Le Conseil fédéral est parti de l’idée que les bibliothèques procédaient à du prêt, pas à de la location, ce qui ne correspond plus à la situation actuelle. L’interprétation historique ne permet donc pas d’exclure de l’art. 13 LDA les mises à disposition contre paiement d’un forfait (c. 8.3). D’un point de vue téléologique, l’art. 13 LDA doit réaliser un équilibre équitable entre les intérêts des ayants droit, d’une part, et ceux de la communauté en général d’autre part, basés sur les libertés d’opinion et d’information de même que sur la politique culturelle et de la formation. Cet équilibre repose sur le caractère payant ou non de la mise à disposition. La loi ne considère pas que les ayants droit seraient à ce point redevables à la société qu’ils devraient renoncer à une participation lorsque leurs œuvres génèrent des revenus. Elle exonère du droit à rémunération non pas certains utilisateurs – comme les bibliothèques – mais certains actes, à savoir la mise à disposition gratuite d’exemplaires d’œuvres. Les bibliothèques sont assujetties à ce droit à rémunération dès lors qu’elles reçoivent un paiement, indépendamment de la question de savoir comment celui-ci est structuré (c. 8.4). L’interprétation de droit comparé avec le droit européen n’apporte rien vu les différences avec le droit suisse. Tout en plus peut-on constater que la différence entre le prêt et la location se fait aussi sur la base de considérations économiques (c. 8.5). Un principe fondamental du droit d’auteur est que les ayants droit doivent participer à toute exploitation économique de leurs œuvres et prestations. Le principe des recettes brutes figure à l’art. 60 al. 1 lit. a LDA, tandis que celui de la participation est ancré à l’art. 60 al. 2 LDA. Selon le principe des recettes brutes, les subventions font partie des recettes servant de base au calcul de la redevance ; et selon le principe de la participation, les auteurs doivent être intéressés au produit économique que des tiers réalisent grâce à leurs œuvres. La doctrine ne fait pas de différence entre un paiement forfaitaire et un paiement par transaction. Encore faut-il préciser que le montant versé doit être en relation avec l’intensité de l’utilisation par la bibliothèque. On ne peut pas encore parler d’une utilisation payante si la bibliothèque ne fait que demander une cotisation modeste servant à couvrir les coûts de la tenue d’une liste de ses membres et d’une publication à leur attention (c. 8.6). De même le paiement forfaitaire reçu par les bibliothèques doit être réduit pour tenir compte des prestations offertes par elles n’ayant rien à voir avec la mise à disposition d’exemplaires d’œuvres, ou pour tenir compte de la part du forfait servant à couvrir leurs simples frais d’administration. Il s’agit de la conséquence du fait que seule la mise à disposition payante est soumise à redevance selon l’art. 13 LDA. Pour des raisons de praticabilité, il convient d’opérer une déduction forfaitaire. Les sociétés de gestion n’ont pas démontré pourquoi une déduction de 10% serait suffisante et ont donc manqué à leur devoir de collaboration. Vu les difficultés à chiffrer cette déduction, la CAF estime équitable de la fixer à 50% (c. 9.1). Les frais d’inscription aux hautes écoles relèvent du droit public et ne peuvent pas être considérés comme un loyer de location, d’autant plus qu’ils donnent droit à une multitude de prestations, dont l’utilisation des bibliothèques représente une très petite partie. Egalement pour des raisons d’efficience, il ne serait pas opportun de prendre en compte, dans le cadre du tarif, une partie forcément très modique de ces écolages (c. 9.2). Cette solution n’est pas contraire au principe d’égalité de traitement (c. 10). D’après la jurisprudence de la CAF, les augmentations abruptes de redevance doivent être évitées. Des augmentations importantes ont parfois été acceptées si elles étaient échelonnées dans le temps. Mais il est possible de renoncer à un tel échelonnement si les redevances antérieures étaient manifestement trop basses, si les augmentations sont dues à un changement de système tarifaire justifié objectivement ou si elles permettent une redevance plus juste. Le TAF a estimé que l’interdiction des augmentations abruptes devait être rattachée au principe de la continuité tarifaire, qui peut servir les intérêts de toutes les parties, et qu’elle ne relevait pas du contrôle de l’équité. Mais cette décision n’est pas encore entrée en force. En l’espèce, l’augmentation de redevance doit être échelonnée dans le temps (c. 13). L’approbation du nouveau tarif n’est pas contraire au principe de la confiance, car les sociétés de gestion avaient déjà signalé en 2006 que l’ancien tarif reposait sur des concessions de leur part. Les tarifs antérieurs n’étaient pas litigieux, si bien que la CAF a pu les approuver. C’est seulement depuis 2011 qu’elle doit examiner l’équité des tarifs sur lesquels les parties sont d’accord. De surcroît, la question litigieuse en l’espèce ne concerne pas l’équité du tarif (c. 14). La valeur litigieuse de la présente affaire consiste en la différence de redevances à payer par année, selon les conclusions des sociétés de gestion, d’une part, et selon les conclusions des associations d’utilisateurs d’autre part ; cette différence doit être multipliée par le nombre d’années de validité du tarif. C’est cette valeur litigieuse qui sert à fixer les frais de procédure (c. 17.1). Une indemnité de dépens n’est pas prévue en première instance (c. 17.2). [VS]

« Tarif commun 4i » ; tarif des sociétés de gestion, équité du tarif, durée de validité du tarif, prolongation automatique, pouvoir de cognition de la CAF, surveillance des prix ; art. 19 LDA, art. 20 LDA, art. 40 LDA, art. 46 al. 2 LDA, art. 59 LDA, art. 60 LDA ; art. 11 ODAu ; art. 15 al. 2ter LSPr.

Sousl’angle du droit privé, il paraît étonnant qu’une clause tarifaire prévoie une représentation d’une société de gestion par elle-même. Mais il n’est pas dans la compétence de la CAF d’examiner une telle clause (c. 3). D’après la jurisprudence constante de la CAF, l’accord des parties concernées est un indice du caractère équitable et approuvable du tarif. La CAF peut alors renoncer à un examen détaillé selon les art. 59 ss LDA. Cette pratique se fonde sur la jurisprudence du TF, selon laquelle l’accord des utilisateurs sur un tarif équivaut à un contrat passé dans une situation de concurrence. Le TAF estime certes que cette présomption ne permet pas d’ignorer des éléments importants allant à son encontre. L’accord des associations d’utilisateurs ne limite pas formellement la cognition de la CAF, mais est un simple indice que tous les groupes intéressés auraient vraisemblablement consenti au tarif dans des rapports concurrentiels (c. 5). En l’espèce, la CAF n’a pas d’éléments laissant penser que le tarif ne correspondrait pas à un contrat passé dans une situation de concurrence ou qu’il serait inéquitable ; cela sous réserve toutefois d’un examen plus détaillé de la durée de validité. L’importance de l’accord des associations dans une procédure tarifaire résulte aussi du fait que le dossier est alors traité par voie de circulation selon l’art. 11 ODAu (c. 6). Une clause de prolongation automatique d’un tarif ne peut normalement porter que sur une durée équivalente à la durée de validité initiale. En l’espèce, cette dernière est d’un an et le tarif se prolonge automatiquement deux fois d’une année supplémentaire s’il n’est pas dénoncé. Une telle disposition contredit la règle susmentionnée et est discutable vu la rapide évolution du marché. Mais, étant donné que la durée de validité initiale est d’une année seulement, elle est acceptable car la durée de validité maximale (trois ans) est encore relativement courte. Au surplus, la règle selon laquelle un tarif ne peut pas valoir plus de dix ans n’est pas remise en question (c. 7). Le Préposé à la surveillance des prix a renoncé à une prise de position formelle. La CAF n’est donc pas tenue par l’art. 15 al. 2ter LSPr : elle ne doit ni mentionner l’avis du Surveillant des prix dans sa décision, ni expliquer pourquoi elle s’en est écartée. Elle se réserve toutefois de revenir sur cet avis dans le cadre d’une nouvelle procédure concernant le tarif commun 4i et appelle les sociétés de gestion à se prononcer sur les critiques du Surveillant des prix (c. 8). A défaut d’une disposition légale spécifique, il appartient à l’autorité de fixer la date à laquelle sa décision prendra effet. En l’espèce, la CAF décide que tel sera le cas à l’issue du délai de recours (c. 9). [VS]

LSPr (942.20)

- Art. 15

-- al. 2ter

LDA (RS 231.1)

- Art. 40

- Art. 59

- Art. 60

- Art. 46

-- al. 2

- Art. 20

- Art. 19

ODAu (RS 231.11)

- Art. 11

21 mai 2022

CAF, 21 mai 2022 (f)

« Tarif commun 4i » ; qualité pour participer aux négociations tarifaires, tarif des sociétés de gestion, équité du tarif, usage privé, support propre à l’enregistrement d’œuvres, appareils multifonctionnels, valeur litigieuse, frais de procédure, contestation pécuniaire ; art. 63 al. 4bis PA ; art. 2 al. 2 OFIPA ; art. 19 LDA, art. 20 al. 3 LDA, art. 46 al. 2 LDA, art. 60 LDA ; art. 16a ODAu.

Une association membre d’une faîtière ne peut pas prétendre participer aux négociations tarifaires, à moins que la faîtière n’y soit pas elle-même partie. La CAF admet une exception lorsque l’association en question est particulièrement touchée (c. 7.1). En l’espèce, Swissstream et Swico n’étaient en principe pas légitimées à prendre part aux négociations, puisqu’elles étaient représentées par leur faîtière DUN. Leur participation n’a toutefois pas été contestée par les autres parties, de sorte qu’elles doivent être admises à la procédure d’approbation, selon le principe de la bonne foi (c. 7.2). Le tarif ayant fait l’objet d’un consensus, l’examen de son caractère équitable peut se limiter à la recherche d’indices en défaveur de son approbation (c. 11.3). Le champ d’application matériel du tarif a été étendu aux mémoires des laptops et aux disques durs externes, si bien qu’il faut examiner si cette extension repose sur une base légale suffisante (c. 12.2). Il n’est pas douteux que les disques durs externes et les ordinateurs sont aptes à l’enregistrement d’œuvres protégées. Au vu des études produites par les sociétés de gestion, l’usage de tels dispositifs pour l’enregistrement d’œuvres est également « probable ». L’ATF 133 II 263 ne s’oppose pas à leur assujettissement à la redevance : par ses considérations sur l’absence d’une redevance générale sur les appareils en droit suisse, le TF a voulu dire que l’art. 20 al. 3 LDA était inapplicable aux supports non destinés à l’enregistrement d’œuvres protégées. Il a relevé qu’une telle absence de redevance générale ne signifiait pas que d’autres supports soient exclus du champ d’application de l’art. 20 al. 3 LDA, lorsque les conditions de cette disposition étaient remplies. Or, tel est bien le cas en l’espèce. Aujourd’hui, la copie privée est presque exclusivement réalisée sur des supports multifonctionnels. Le comportement des utilisateurs a donc évolué depuis l’arrêt du TF précité, si bien qu’un assujettissement à la redevance des laptops et des disques durs externes n’est pas non plus exclu par le rapport explicatif de 2015 sur l’avant-projet de révision de la LDA. Cette approche est par ailleurs conforme au droit international. Le tarif garantit au surplus un juste équilibre entre les intérêts des auteurs et ceux des utilisateurs, les supports intégrés dans des ordinateurs fixes, soit principalement des ordinateurs de bureau, en étant exclus (c. 12.2.3). Les redevances perçues selon ce tarif n’apparaissent pas comme inéquitables (c. 12.3.1). De même, le tarif distingue entre les supports permettant « principalement » l’enregistrements d’œuvres et de prestations protégées et les autres supports à caractère multifonctionnel, pour lesquels la redevance est moins élevée (c. 12.3.2). Il peut donc être approuvé, dans la mesure où il est soumis à la surveillance de la Confédération (c. 12. 6). S’agissant des frais de la procédure, la CAF change sa jurisprudence et considère que l’intérêt pécuniaire à l’approbation d’un tarif consiste en la différence entre la situation sans tarif, dans laquelle les sociétés de gestion ne peuvent pas faire valoir les droits, et la situation avec tarif. La pratique actuelle de la CAF revient à considérer qu’un tarif consensuel n’a aucun effet économique, ce qui n’est manifestement pas le cas. On ne peut pas non plus retenir que l’art. 2 al. 2 OFIPA, applicable par le renvoi de l’art. 16a al. 1 ODAu, doit être appliqué en suivant les principes d’une procédure contentieuse. Il faut plutôt comprendre que cette disposition, directement applicable aux « contestations pécuniaires », est applicable par analogie aux procédures non contentieuses d’approbation d’un tarif consensuel (c. 13.1.3). [VS]