Disposition

     LPM (RS 232.11)

          Art. 13

04 mai 2011

KG ZG, 4 mai 2011, ES 2010 822 (d) (mes. prov.)

sic! 2/2012, p. 99- 105, « Gebrauchtsoftware » ; droits d’auteur, droit de mise en circulation, épuisement, programme d’ordinateur, vente, téléchargement, dommage, préjudice irréparable, marque, droits conférés par la marque, concurrence déloyale ; art. 10 al. 2 lit. b LDA, art. 12 al. 2 LDA, art. 13 LPM, art. 2 LCD, art. 3 lit. b LCD.

L'intimée n'ayant vendu les logiciels de la requérante qu'à l'étranger, il est peu crédible que la requérante subisse en Suisse un dommage qui ne serait pas chiffrable et réparable en argent par le biais d'une procédure ordinaire. La requérante ne démontre d'ailleurs ni qu'elle risque de subir un préjudice difficilement réparable ni qu'elle est menacée dans son image (puisqu'il est reconnaissable que les supports livrés par l'intimée à ses clientes ne sont pas des supports originaux de la requérante) (c. 4.2). L'épuisement (international) du droit de mise en circulation (art. 10 al. 2 lit. b LDA) d'un logiciel, prévu par l'art. 12 al. 2 LDA, touche toute aliénation définitive (sans limite dans le temps). La nature impérative de l'épuisement signifie qu'une clause contractuelle contraire (qui interdirait une remise en circulation) n'a d'effet qu'inter partes et n'empêche pas l'épuisement de se produire (c. 5.1). En l'espèce, vu les clauses contractuelles applicables, R GmbH — qui a obtenu de C GmbH (par téléchargement) les logiciels qu'elle a ensuite fixés sur les supports qu'elle a remis à l'intimée — a acquis les logiciels de la requérante de manière définitive (sans limite dans le temps, sans obligation de restitution et contre un paiement unique). Le droit de mettre en circulation ces logiciels est donc épuisé. N'y changent rien le fait que le contrat utilise le terme « licence » et le fait que R GmbH soit contractuellement tenue de faire une utilisation personnelle et de ne pas commercialiser les logiciels acquis. Sur le plan du droit d'auteur, la requérante ne peut donc rien faire contre la vente de ces logiciels par R GmbH à l'intimée et leur revente par l'intimée à des tiers (c. 5.1). L'épuisement prévu par l'art. 12 LDA se produit également dans le cas où le logiciel est téléchargé puis fixé sur un support par l'acquéreur lui-même (c. 5.1 in fine). Bien qu'il ne soit pas prévu expressément par la LPM, l'épuisement touche aussi le droit à la marque (c. 5.2). La requérante ne peut pas se fonder sur son droit à la marque (art. 13 LPM) pour empêcher la remise en circulation de logiciels acquis licitement par téléchargement puis fixés sur un support sur lequel la marque « A » de la requérante a été apposée (c. 5.2 in fine). « Lizenzurkunden » établis par l'intimée pour démontrer la provenance des logiciels ne suggèrent pas que la requérante a accordé une licence et n'entraînent pas l'application des art. 2 et 3 lit. b LCD (c. 5.3). À noter que, même si ces « Lizenzurkunden » devaient être considérés comme contraires à la LCD, l'intimée ne serait pas empêchée de revendre les logiciels litigieux (c. 5.3).

06 mars 2007

TF, 6 mars 2007, 4C.341/2005 (d)

sic! 7/8/2007 p. 543-545, « swiss-life.ch und la-suisse.com» ; motifs relatifs d’exclusion, signes similaires, nom de domaine, swiss-life.ch, la-suisse.com, risque de confusion, transfert de nom de domaine, action en cession du droit à la marque, for, lieu de consultation ; art. 5 ch. 3 CL, art. 29 al. 2 CC, art. 946 al. 1 CO, art. 951 al. 2 CO, art. 956 al. 2 CO, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 13 LPM, art. 53 LPM, art. 55 LPM.

Confirmation de la compétence du tribunal du lieu d'où le nom de domaine peut être consulté et a vocation à toucher le public, ce lieu étant au moins toute la Suisse pour les noms de domaine en .ch. Confirmation aussi de l'examen abstrait du risque de confusion et de l'impossibilité de réduire ce dernier en faisant figurer sur le site des indications visant à informer le consommateur, la confusion intervenant déjà avant, lorsque l'internaute s'oriente dans ses recherches en fonction du nom de domaine et n'a pas encore eu accès au contenu du site. Admission, par analogie avec l'art. 53 LPM, de la possibilité de condamner l'auteur de la violation de la marque à accomplir les actes nécessaires au transfert du nom de domaine auprès de l'autorité d'enregistrement.

06 mars 2007

KG AI, 6 mars 2007, K 6/06 (d)

sic! 12/2007, p. 917-918 (rés.), « MFC Merchant Bank S.A. / MFC Finanz GmbH » ; motifs relatifs d’exclusion, signes similaires, abréviation, sigle, similarité des produits ou services, risque de confusion, raison de commerce, MFC Merchant Bank S.A., MFC Finanz GmbH, usage à titre de raison de commerce, registre du commerce, doute, tribunal civil, impression générale, statuts, action en cessation, faute, dommage, intérêt pour agir, concurrence déloyale ; art. 951 CO, art. 956 al. 2 CO, art. 3 al. 1 lit. b LPM, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 13 LPM, art. 55 LPM, art. 3 lit. d LCD, art. 9 LCD.

Ce ne sont pas les autorités du registre du commerce, mais le juge qui tranche la question de savoir s’il existe un risque de confusion entre deux raisons de commerce. Les autorités du registre du commerce se limitent à refuser l’enregistrement d’une raison de commerce identique à une autre préexistante et, dans le doute, elles doivent plutôt admettre l’enregistrement puisque c’est au tribunal qu’il revient de décider en dernier ressort (c. 8). L’examen de l’existence d’un risque de confusion est fonction de l’impression d’ensemble que les raisons de commerce considérées laissent dans la mémoire d’une personne bénéficiant d’une capacité de distinction normale et déployant une attention usuelle dans les affaires. Même si les raisons de commerce doivent être comparées de manière globale, certains de leurs éléments caractéristiques marquent l’impression d’ensemble qui s’en dégage. Leur reprise ou leur imitation peut suffire à créer un risque de confusion, sans que la présence d’autres éléments dont la force distinctive serait faible ne permette de faire la différence entre les raisons de commerce considérées (c. 7). Dans le cas d’espèce, les deux raisons de commerce comportent le sigle «MFC ». Elles se différencient par les termes «Merchant Bank » et « Finanz » et par la mention de leur forme juridique (SA/Sàrl). C’est le sigle qui se trouve au début de chacune des deux raisons de commerce qui constitue l’élément marquant de celles-ci (c. 9-11). Sa reprise, même avec l’ajout d’un terme générique comme « Finanz » et l’indication que la deuxième société est une Sàrl, génère un risque de confusion qui doit être compris au sens de l’ensemble du droit des signes distinctifs et dans l’examen duquel la concordance des buts statutaires des parties doit être prise en compte (c. 9). L’action en suppression du trouble de l’art. 956 al. 2 CO suppose uniquement une utilisation indue,même sans faute, de la raison de commerce considérée ; il suffit que, d’après les circonstances, un dommage soit susceptible de se produire (c. 12). La demanderesse a un intérêt juridiquement protégé à ce que la cause soit également jugée du point de vue du droit des marques, puisque la défenderesse n’utilise pas le signe « MFC » uniquement à titre de raison de commerce (c. 14). Les marques de la demanderesse et la raison de commerce de la défenderesse sont très semblables et même partiellement identiques en ce qui concerne leur élément caractéristique « MFC ». Les prestations offertes par les deux parties se recoupent également au moins partiellement. La composition graphique du papier à lettres de la défenderesse, qui met en évidence le signe « MFC » par l’utilisation de couleur et de gros caractères, augmente même le risque de confusion du point de vue du droit des marques. Comme les marques enregistrées qui sont formées d’acronymes doivent fondamentalement être traitées de la même manière que les autres marques, un risque de confusion doit être admis et l’action en suppression du trouble de l’art. 55 LPM également, indépendamment même de toute faute de la partie défenderesse (c. 16-17). L’admission d’une violation de la protection accordée aux raisons de commerce et du droit des marques ne dispense pas le tribunal de l’examen d’une éventuelle violation des dispositions de la LCD (c. 18). La protection des indications de provenance industrielle, selon l’art. 3 lit. d LCD, intervient en effet autant dans l’intérêt de la communauté que dans celui des particuliers. Dans la mesure où le droit des raisons de commerce et/ou celui des marques n’ont pas vocation à s’appliquer, il convient d’examiner, du point de vue spécifique du droit contre la concurrence déloyale, si le comportement concret d’une partie est propre à provoquer des confusions. La théorie selon laquelle l’application de la LCD ne doit pas permettre d’obtenir une protection que les droits de la propriété intellectuelle auraient refusée doit être abandonnée au vu du développement du droit de la concurrence (c. 19). Du point de vue de l’art. 3 lit. d LCD aussi, un risque de confusion doit être admis en l’espèce (c. 20), indépendamment même d’une éventuelle absence de dessein de provoquer la confusion (c. 21), vu notamment le refus de la défenderesse de modifier sa raison de commerce et sa présence sur le marché en dépit de l’identité des éléments marquants « MFC », de la proximité géographique des entreprises et du recoupement partiel de leur clientèle au vu de leurs buts statutaires (c. 21).

23 février 2009

TF, 23 février 2009, 4A_567/2008 (d) (mes. prov.)

sic! 5/2009, p. 348-351, « Fairsicherungsberatung / fairsicherung » ; motifs relatifs d’exclusion, signes similaires, conseil, assurance, similarité des produits ou services, force distinctive, force distinctive faible, risque de confusion, nom de domaine, fairsicherung.ch, imposition comme marque, arbitraire, mesures provisionnelles ; art. 9 Cst., art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 13 LPM, art. 3 lit. d LCD.

Il n’est pas manifestement insoutenable (art. 9 Cst.) de considérer qu’il existe une différence claire entre le conseil dispensé par un assureur potentiel et le conseil en assurances dispensé par une entreprise indépendante (c. 4.1). Bien que la marque « Fairsicherungsberatung » ne soit pas dépourvue d’originalité, il n’est pas arbitraire (art. 9 Cst.) de ne lui reconnaître qu’une force distinctive faible (c. 4.3). Il peut être attendu une attention accrue du public concerné par la conclusion d’un contrat d’assurance (c. 4.4). Il est conforme à la Constitution d’exclure un risque de confusion au sens de l’art. 3 al. 1 lit. c LPM entre les marques « Fairsicherungsberatung » et « fairsicherung » (c. 4.5). Le seul fait qu’un signe ait été utilisé pendant 13 ans, notamment comme nom de domaine, ne suffit pas à démontrer qu’il s’est imposé dans le public, c’est-à-dire qu’il est compris par une partie importante des destinataires commerciaux comme une indication individualisant une entreprise spécifique. Il n’est dès lors pas arbitraire (art. 9 Cst.) de considérer que ce signe n’a pas acquis de force distinctive au sens de l’art. 3 lit. d LCD (c. 5.1-5.2).

19 juillet 2010

TF, 19 juillet 2010, 4A_168/2010 (f)

sic! 11/2010, p. 797-801, « Pneus-Online » (Schlosser Ralph, Remarque) ; medialex 4/2010, p. 231 (rés.) ; motifs relatifs d’exclusion, signes similaires, nom de domaine, pneus-online.com, reifendirekt.ch, pneus, vente, Internet, signe appartenant au domaine public, droits conférés par la marque, risque de confusion, droit au nom, raison de commerce, concurrence déloyale, imitation, risque de tromperie, comportement parasitaire, réputation ; art. 2 lit. a LPM, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 13 LPM, art. 2 LCD, art. 3 lit. d LCD.

Le titulaire des droits exclusifs (droit au nom, droit des raisons de commerce ou droit des marques) sur un signe utilisé comme nom de domaine peut en principe interdire à des tiers d'utiliser ce signe comme nom de domaine (c. 4.1). La partie verbale de la marque « PNEUS-ONLINE.COM (fig.) », qui désigne clairement la vente de pneus sur Internet, appartient au domaine public (art. 2 lit. a LPM) (c. 4.3.2) et ne permet pas de s'opposer à l'utilisation de noms de domaine tels que « pneus-online.ch » ou « pneuonline.ch » (c. 4.4). La LCD ne saurait permettre d'interdire à un tiers l'utilisation d'un signe appartenant au domaine public. Des circonstances particulières peuvent toutefois faire apparaître une imitation comme déloyale, par exemple si l'utilisateur est induit en erreur de façon évitable quant à la provenance du produit imité ou si l'imitateur exploite de façon parasitaire le renom des produits d'un concurrent (c. 5.1). Est déloyal (art. 2, art. 3 lit. d LCD) le fait d'utiliser sciemment des noms de domaine très similaires à « pneus-online.com » et de créer ainsi, de façon délibérée, un risque de confusion pour exploiter, de manière parasitaire, la réputation acquise par la titulaire de ce nom de domaine (c. 5.2.1-5.2.2).

27 janvier 2009

TAF, 27 janvier 2009, B-648/2008 (d)

sic! 7/8/2009, p. 524-529, « Hirsch (fig.) / Hirsch (fig.) » ; usage de la marque, forme ne divergeant pas essentiellement de la marque, couleur, force distinctive forte ; art. 1 LPM, art. 11 LPM, art. 12 al. 1 LPM, art. 13 LPM, art. 31 LPM, art. 32 LPM.

L'usage est donné lorsqu'il intervient en relation suffisamment étroite avec les produits ou services concernés, qu'il a lieu en Suisse et qu'il correspond à une offre minimale mais durable sur le marché. L'utilisation d'un signe qui ne diffère pas essentiellement de celui qui est enregistré suffit. Cela implique que le signe utilisé ne génère pas une impression d'ensemble différente de celle provoquée par le signe enregistré, qui en modifierait le caractère distinctif. Une divergence est essentielle lorsqu'elle enlève leur identité aux éléments distinctifs qui constituent le noyau de la marque. Une différence résultant de la suppression ou de la modification d'éléments enregistrés est appréhendée plus sévèrement du point de vue de l'usage maintenant le droit à la marque que celle résultant de l'ajout d'éléments. Il convient toutefois d'examiner dans chaque cas particulier si le signe enregistré utilisé avec un élément supplémentaire conserve son caractère distinctif propre et demeure, en lui-même, perçu comme un signe distinctif, de sorte qu'il mérite encore protection vis-à-vis d'une utilisation isolée. Si le signe a perdu son caractère distinctif propre au profit de l'ensemble, il ne peut plus être défendu qu'en fonction de la protection se rapportant à l'ensemble. De simples modifications de couleurs ne constituent en général pas une divergence essentielle, en tout cas pas lorsque la marque sur laquelle se fonde l'opposition bénéficie d'une grande force distinctive. En l'espèce, les formes sous lesquelles la marque opposante est utilisée (pour un exemple, cf. Fig. 151b) en conservent le noyau distinctif et en constituent donc un usage valable.

Fig. 151a – Hirsch (fig.) (opp.)
Fig. 151a – Hirsch (fig.) (opp.)
Fig. 151b – Une des formes utilisées (opp.)
Fig. 151b – Une des formes utilisées (opp.)

15 août 2007

TF, 15 août 2007, 4A_136/2007 (f)

Droits conférés par la marque, droit absolu, marque antérieure, design, conclusion ; art. 42 al. 1 et 2 LTF, art. 108 al. 1 lit. b LTF, art. 13 LPM, art. 29 LPM, art. 9 al. 1 LDes, art. 19 LDes.

Le recourant ne saurait se fonder sur son droit à la marque (art. 13 LPM) pour interdire à l’intimée d’utiliser la forme du design (art. 9 al. 1 LDes), car le dépôt de la marque (art. 29 LPM) est postérieur au dépôt du design (art. 19 LDes), dont la validité n’est plus contestée (c. 5). Le recourant n’ayant pas pris de conclusions plus spécifiques (relatives par exemple à un ou des modèles déterminés de montres de l’intimée), il n’y a pas à examiner quelles formes précises, conformes à la marque du recourant, sont couvertes par le design de l’intimée et lesquelles ne le sont pas (c. 5).

LDes (RS 232.12)

- Art. 19

- Art. 9

-- al. 1

LPM (RS 232.11)

- Art. 13

- Art. 29

LTF (RS 173.110)

- Art. 108

-- al. 1 lit. b

- Art. 42

-- al. 2

-- al. 1

07 septembre 2011

OG TG, 7 septembre 2011, PO.2010.8 (d) (mes. prov.)

sic! 6/2012, 412 p. 387-395, « Ifolor » ; droits conférés par la marque, droit absolu, metatag, mot clé, moteur de recherche, publicité, risque de confusion, concurrence déloyale, réputation ; art. 13 LPM, art. 2 LCD, art. 3 lit. d LCD.

La jurisprudence et la doctrine sur les metatags s'appliquent seulement partiellement à la problématique des mots-clés utilisés par les moteurs de recherche pour proposer des publicités (c. 6/d). L'utilisateur d'un moteur de recherche saura distinguer entre les résultats de recherches et les annonces publicitaires (c. 6/e). Lorsque le mot-clé n'apparaît pas dans l'annonce, l'internaute n'en déduit pas que celle-ci émane du titulaire de la marque utilisée comme mot-clé (c. 6/e et 7/d/bb). La situation serait différente si le mot-clé apparaissait dans l'annonce. Même lorsque l'utilisateur présume l'existence d'un lien entre le mot-clé et l'annonce, il reconnaît le contexte publicitaire et n'attribue aucune fonction distinctive ou d'indication de provenance à celle-ci (c. 6/e). Il n'y a donc aucun risque de confusion lorsque l'utilisation d'un mot-clé dans un moteur de recherche fait apparaître une publicité concurrente dans laquelle ne figure pas ledit mot-clé (c. 7/c/dd). Il n'y a pas non plus dans ce cas d'atteinte à la réputation du titulaire de la marque Ifolor au sens d'un transfert de réputation du titulaire à l'annonceur et il n'y a donc pas d'exploitation de cette réputation (c. 7/e/bb). L'apparition d'une publicité concurrente au-dessus des résultats d'une recherche n'a pas pour effet d'évincer le titulaire du signe utilisé comme mot-clé du marché, ni de dissuader l'utilisateur de consulter son offre, surtout qu'il apparaît dans les résultats de la recherche. L'usage d'un moteur de recherche vise à informer les utilisateurs aussi lorsque le mot-clé est une marque. Lorsque l'internaute se voit proposer une publicité, il ne s'agit que d'une offre alternative propre à toute publicité qui ne peut être déloyale (c. 7/f/bb).

14 décembre 2007

CJ GE, 14 décembre 2007, ACJC/1565/2007 (f)

sic! 2/2009, p. 82-86, « SFG » ; raison de commerce, droit des marques, concurrence déloyale, risque de confusion, signe descriptif, force distinctive, sigle, acronyme, SFG, priorité, similarité des produits ou services ; art. 956 al. 2 CO, art. 13 LPM, art. 14 al. 1 LPM, art. 3 lit. d LCD.

Les dispositions du CO relatives aux raisons de commerce, celles de la LPM et celles de la LCD peuvent s’appliquer cumulativement (c. 2.1). Le titulaire d’une raison de commerce est protégé contre l’usage d’une raison de commerce identique ou semblable s’il y a un risque de confusion. Si les entreprises ont leur siège dans la même localité et qu’elles exercent leurs activités dans la même branche, les exigences requises pour la distinction des raisons sociales sont plus élevées (c. 2.2 et 2.4). La notion de risque de confusion est identique dans l’ensemble du droit des biens immatériels. Celui qui emploie dans sa raison sociale des désignations génériques qui figurent dans une raison sociale plus ancienne a le devoir de compléter sa raison sociale avec des éléments propres à l’individualiser. Un ajout dont la force distinctive est faible peut être suffisant, car le public lui accorde plus d’attention qu’aux désignations génériques (c. 2.3). Dans les raisons sociales « SFG Société Fiduciaire et de Gérance S.A. » et « SFG Services Financiers de Genève S.A. », seul l’acronyme « SFG » est susceptible d’avoir une force distinctive. Le fait qu’il soit présent dans les deux raisons sociales est propre à donner l’impression que les deux sociétés sont liées. Le risque de confusion doit ainsi être admis. Le fait que l’acronyme « SFG » soit présent dans la raison sociale d’autres sociétés n’y change rien (c. 2.5). Lorsque le titulaire d’une marque, déposée postérieurement à l’usage de cette marque par un tiers, utilisait déjà sa marque avant le tiers, il bénéficie d’un droit prioritaire s’il avait pu interdire au tiers à l’époque, sur la base de la LCD, l’utilisation de la marque. Dans un tel cas, le tiers ne peut donc pas se prévaloir d’un usage antérieur (c. 3.1 et 3.2). Crée un risque de confusion l’utilisation de l’acronyme « SFG» en lien avec des services similaires à ceux pour lesquels il a été enregistré comme marque (c. 3.3).

08 février 2008

TF, 8 février 2008, 4A_467/2007 et 4A_469/2007 (d)

sic! 6/2008, p. 454-462, « IWC / WMC » (Schlosser Ralph, Remarque) ; concurrence déloyale, sigle, réputation, exploitation de la réputation, risque de confusion, publicité, substituabilité, motivation du recours ; art. 3 LPM, art. 13 LPM, art. 15 LPM, art. 3 lit. d et e LCD.

Le TF laisse ouverte la question de savoir si les sigles IWC et WMC ne seraient pas susceptibles d'être confondus au sens des art. 3 et 13 LPM ; s'il applique le droit d'office, le TF ne supplée en effet pas l'absence d'argumentation des parties (art. 106 al. 1 et 42 al. 1 et 2 LTF). Une exploitation déloyale de la réputation d'autrui peut exister, même en l'absence de tout risque de confusion au sens de l'art. 3 lit. e LCD, lorsqu'une personne présente les produits ou prestations d'un tiers dans sa publicité d'une manière telle que l'image des produits ou prestations originaux est transférée sur son offre propre. C'est le cas lorsque les produits nouveaux sont clairement présentés comme des produits de substitution ou des produits aussi bons que ceux antérieurement connus du consommateur. Agit de manière déloyale celui qui exploite la réputation des produits d'autrui par l'association d'idées qu'il provoque entre ces produits et les siens, dont la qualité est moindre, en transférant trompeusement par sa publicité sur ses produits l'image de produits renommés.

21 mai 2013

HG SG, 21 mai 2013, HG.2011.199 (d) (mes. prov.)

sic! 12/2013, p. 759-766, « Nespresso IV » ; motifs absolus d’exclusion, motifs relatifs d’exclusion, marque tridimensionnelle, forme techniquement nécessaire, forme constituant la nature même du produit, forme géométrique simple, imposition comme marque, risque de confusion nié, mesures provisionnelles, sondage, café, capsule de café, machine à café, Nespresso, signe alternatif, compatibilité, impression générale, expertise sommaire, similarité des signes, identité des produits ou services, dilution de la force distinctive ; art. 2 lit. b LPM, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 13 LPM ; cf. N 208 (vol. 2007-2011 ; ATF 137 III 324, sic! 10/2011, p. 589-593, « Nespresso »), N 660 (TF, 26 juin 2012, 4A_36/2012 ; sic! 10/2012, p. 627-632 « Nespresso II »), N 737 (TF, 9 janvier 2013, 4A_508/2012 ; sic! 5/2013, p. 310-314, « Nespresso III ») et N 765 (TF, 27 août 2013, 4A_142/2013 ; sic! 1/2014, p. 32-37, « Nespresso V »).

L’examen du caractère éventuellement techniquement nécessaire des capsules de café Nespresso doit intervenir en se limitant à la forme des seules autres capsules qui sont compatibles avec les machines Nespresso (c. 1). Le TF a rappelé dans sa jurisprudence Lego (cf. TF, 3 juillet 2012, 4A_20/2012 [N 661], c. 3.2) qu’au vu du caractère potentiellement illimité dans le temps de l’enregistrement d’une marque de forme, il convenait de ne l’admettre que dans la mesure où les concurrents ne s’en trouvaient pas prétérités en raison de la présence d’une forme alternative de même valeur ; et que si le coût d’une telle forme alternative était plus élevé, même faiblement, le choix d’une autre forme ne pouvait leur être imposé (c. 4). Il résulte de l’expertise sommaire diligentée par le tribunal que la forme conique des capsules est techniquement évidente mais pas absolument obligatoire pour une optimisation du système (c. 5.aa) ; que leur forme varie chaque fois en fonction du matériau dans lequel ces capsules sont réalisées et qu’enfin une forme conique n’est pas techniquement nécessaire pour réaliser un « café normal » avec une machine Nespresso mais qu’elle s’impose par contre plus ou moins naturellement suivant le type de matériau dans lequel est réalisée cette capsule (c. 5.aa). L’expert a retenu enfin que pour ressortir la capsule de la machine, la forme conique n’est pas non plus absolument nécessaire, une forme cylindrique par exemple convenant également. Les formes qui constituent la nature même du produit, tant d’un point de vue fonctionnel qu’esthétique, sont exclues de l’enregistrement comme marques. C’est le cas lorsque la fonction du produit suppose pour le public qu’une telle forme lui soit donnée (c. 10.a). Dans le cas particulier, le public attend un produit qui lui permette de préparer un café avec une machine Nespresso, soit nécessairement une capsule. Il s’agit donc de vérifier si la marque enregistrée constitue la nature même d’une capsule de café pouvant fonctionner avec une machine Nespresso, ce que le tribunal n’admet pas en l’espèce, en particulier parce que les capsules Nespresso présentent des caractéristiques particulières qui les distinguent des autres formes possibles de capsules de café (c. 10.b) (cf. fig. 11d). Il résulte de ce qui précède qu’il n’a pas été rendu vraisemblable que la présence d’un motif absolu au sens de l’art. 2 lit. b LPM exclurait la forme des capsules de café Nespresso d’un enregistrement comme marque (c. 11). Les capsules Denner présentent une certaine similitude avec la marque de forme des capsules Nespresso en particulier du point de vue de leur construction en forme de cône tronqué simple coiffé d’un élément supplémentaire (cf. fig. 11a). Ces formes sont ainsi semblables et enregistrées pour des produits identiques. Reste donc à déterminer si la similitude des formes des capsules et l’identité des produits génèrent un risque de confusion dans l’esprit du consommateur. La ressemblance dans la forme des produits est une condition de l’existence d’un risque de confusion, mais n’est pas forcément suffisante. Ce qui compte, c’est de savoir si, en raison de la ressemblance des capsules Denner, il est à craindre que de mauvaises attributions surviennent qui mettraient en danger la fonction individualisatrice des capsules Nespresso. De telles mauvaises attributions dépendent de la manière dont les consommateurs perçoivent les signes, dont ils les comprennent et dont ils s’en souviennent. La simple possibilité d’une confusion ne suffit pas, il est nécessaire que le consommateur moyen confonde les marques avec une certaine vraisemblance (c. 10.c.aa). Une étude démoscopique sur la base de laquelle 56,4% des suisses attribueraient la capsule Denner qui leur est montrée à Nestlé ou la confondraient avec une capsule Nespresso ne lie pas le tribunal si elle a été réalisée à un moment où, sur le marché, la capsule Denner n’était encore presque pas présente et donc inconnue du public, alors que les capsules Nespresso y occupaient une position dominante, et que la confusion a encore été augmentée par l’indication donnée aux personnes sondées que ces capsules étaient compatibles avec les machines Nespresso (c. 12.c et 12.c.bb-cc). L’existence d’un risque de confusion ne doit pas être déterminée sur la base d’une comparaison abstraite des formes, mais doit prendre en compte l’ensemble du contexte et des circonstances de la cause (c. 13). La forme géométrique de base cylindrique et pyramidale du cône tronqué de la marque de la demanderesse, qui se retrouve aussi dans pratiquement toutes les capsules de café disponibles sur le marché suisse, n’a pas été imposée par l’usage fait des capsules, avec cette conséquence que même ses éléments non protégeables pourraient être monopolisés par le titulaire de la marque. Le titulaire d’une marque qui peut être confondue avec une forme géométrique simple de base ne peut pas exiger que, de ce fait, les autres renoncent à utiliser une forme de base qui est en plus dans le cas particulier aussi, dans certains de ses éléments, évidente du point de vue de la technique (c. 13.b). Le cône tronqué avec son raccord techniquement nécessaire ne peut ainsi pas être monopolisé pour les capsules de café et n’est pas protégé par le droit des marques (c. 13.b.aa) (cf. fig. 11c). L’élément caractéristique de la marque de forme déposée par Nestlé est le « chapeau » de la capsule (cf. fig. 4, p. 765) et c’est à lui qu’une attention particulière doit être portée dans l’examen du risque de confusion, même si ce dernier doit intervenir en fonction de la marque dans son ensemble et pas se limiter à ce seul élément. Lorsque les capsules litigieuses sont examinées obliquement depuis le haut (« von schräg oben »), l’impression qui s’en dégage ne permet pas d’admettre la vraisemblance de l’existence d’un risque de confusion (c. 13.c). Les capsules Nespresso évoquent par leur forme noble, élégante et lisse l’exclusivité d’un produit de haute qualité. Ces caractéristiques ne se retrouvent pas dans les capsules Denner dont les trous et les étagements ne sont pas esthétiques (« mit unästhetischen Löchern und Abstufungen ») (c. 13.d.bb). [NT]

Fig. 11a –Marque CH no P-486889 / Capsule Denner
Fig. 11a –Marque CH no P-486889 / Capsule Denner
Fig. 11b –Marque CH no P-486889 « sans chapeau » / Capsule Denner « sans chapeau »
Fig. 11b –Marque CH no P-486889 « sans chapeau » / Capsule Denner « sans chapeau »
Fig. 11c –Marque CH no P-486889 / Capsule Denner
Fig. 11c –Marque CH no P-486889 / Capsule Denner
Fig. 11d – Formes alternatives
Fig. 11d – Formes alternatives

28 février 2014

HG BE, 28 février 2014, HG 13 116 SUN CAB (d) (mes. prov.)

sic! 10/2014, p. 634-637, « Converse All Star » ; droits conférés par la marque, concurrence déloyale, risque de confusion, indication publicitaire inexacte, mesures provisionnelles, vraisemblance, fardeau de la preuve, contrefaçon, importation parallèle, canaux de distribution, épuisement, chaussures, baskets, numéros de série, étiquette, fournisseur, OTTO’S ; art. 8 CC, art. 13 LPM, art. 3 al. 1 lit. b LCD, art. 3 lit. d LCD, art. 152 CPC, art. 156 CPC.

Les demanderesses requièrent qu’il soit interdit au discounter OTTO’S de diffuser diverses baskets prétendument falsifiées de marque Converse All Star, et que leur soient communiquées des informations sur les canaux de distribution. Elles indiquent que les chaussures litigieuses comportent des numéros de série ne figurant pas dans leur base de données. La défenderesse soutient que les baskets constituent des marchandises originales ayant fait l’objet d’importations parallèles. Tant que l’existence d’une contrefaçon n’est pas établie, l’intérêt de la défenderesse à ce que l’identité de ses fournisseurs ne soit pas révélée prime sur les intérêts des demanderesses à ce que leurs droits de parties soient respectés de manière intégrale et illimitée (c. 5c). En vertu de l’art. 8 CC, il incombe aux demanderesses d’établir la vraisemblance des faits qu’elles allèguent (c. 7). Le principe de l’épuisement ne s’applique qu’aux marchandises originales, et non aux contrefaçons. Le titulaire d’une marque qui prétend qu’elle a été contrefaite doit supporter le fardeau de la preuve de son affirmation (c. 9e). Il incombe par conséquent d’abord aux demanderesses de rendre vraisemblable que les chaussures litigieuses constituent des contrefaçons. Elles ne peuvent déduire du principe de l’épuisement qu’il incomberait préalablement à la défenderesse de rendre vraisemblable que les chaussures litigieuses ont été mises en circulation avec leur consentement. Un tel fardeau de la preuve ne serait concevable que si les demanderesses avaient affirmé et rendu vraisemblable que ces marchandises constitueraient des originaux, mis en circulation sans leur consentement (c. 9f). Le simple fait que les numéros de série imprimés sur les étiquettes apposées sur les chaussures ne figurent pas dans la base de données des demanderesses ne suffit pas à rendre vraisemblable l’existence d’une contrefaçon. Pour rendre vraisemblable l’existence de faux, il s’agit plutôt d’établir l’existence de divergences dans les propriétés spécifiques du produit. Dans la mesure où des numéros de série ne servent qu’au contrôle d’un système de distribution, même leur modification n’est pas condamnable en droit des marques (c. 13b). Des documents confidentiels retenus par les demanderesses, qui auraient selon elles pu rendre vraisemblable la contrefaçon, ne peuvent être pris en compte dans la présente procédure de mesures provisionnelles. Les demanderesses auraient pu les verser au dossier en requérant que les mesures nécessaires à la sauvegarde de leurs intérêts soient prises, en vertu de l’art. 156 CPC (c. 13c). La défenderesse parvient à rendre vraisemblable que la plupart des chaussures litigieuses ne constitue pas des contrefaçons (c. 14-15). Les demanderesses ne parviennent pas à rendre vraisemblable qu’il s’agit de faux (c. 15). Elles ne parviennent pas non plus à rendre vraisemblable que la défenderesse ait émis des affirmations inexactes ou ait créé un risque de confusion au sens des art. 3 lit. b et d LCD (c. 16d). Pour ces motifs, les requêtes de mesures provisionnelles sont rejetées (c. 17). [SR]

23 mai 2019

TF, 23 mai 2019, 4A_22/2019 (d)  

« Otto’s » ; droit des marques, risque de confusion, priorité, usage de la marque en Allemagne, motifs d’exclusion relatifs, vente par correspondance, vente de produits sur Internet, action en radiation d’une marque, territorialité, péremption, concurrence déloyale ; art. 5 du Traité entre la Suisse et l’Allemagne sur l’usage de la marque, art. 3 al. 1 LPM, art. 6 LPM, art. 11 LPM, art. 13 LPM.

Le
droit à la marque confère, selon l’art. 13 LPM, au titulaire le
droit exclusif de faire usage de la marque pour distinguer les
produits ou les services enregistrés et d’en disposer. Le
titulaire peut interdire à des tiers l’usage des signes qui sont
similaires à une marque antérieure et destinés à des produits ou
services identiques ou similaires, lorsqu’il en résulte un risque
de confusion (art. 13 al. 2 LPM en lien avec l’art. 3 al. 1 lit. c
LPM). Un tel risque existe lorsque le signe le plus récent porte
atteinte à la force distinctive de la marque antérieure. Tel est le
cas lorsqu’il doit être craint que les cercles des destinataires
pertinents soient induits par la similitude des signes et attribuent
les produits qui portent l’un ou l’autre de ceux-ci au mauvais
titulaire de la marque ; ou lorsque le public fait bien la
différence entre les signes, mais déduit de leur similitude de faux
liens entre leurs titulaires (c. 2.1). L’autorité précédente a
constaté que l’intimée No 1 a enregistré ses marques
« OTTO-Versand » pour la Suisse en 1979 et « OTTO »
en 1994, alors que la recourante a déposé elle ses marques
« OTTO’S » et « OTTO’S » (fig.) en 1998
et 1999 (c. 2.2). L’intimée peut ainsi prétendre à un droit de
priorité pour les produits et services enregistrés par les deux
parties, au sens de l’art. 6 LPM (c. 2.2.1). Ne peut par contre pas
être suivi le point de vue de l’autorité précédente selon
lequel la prestation de service « vente par correspondance »
pour laquelle l’intimée 1 bénéficie d’un droit de priorité
par rapport à la recourante, concernerait la vente de produits sur
Internet. La simple vente ou distribution de produits n’entre pas
dans la notion de prestations de service de commerce de détail,
indépendamment du type de canaux de vente par lesquels elle
intervient. La vente de marchandise sur catalogue ou par Internet ne
constitue pas un service au sens du droit des marques ; au
contraire, les produits vendus sont distingués par la marque, quel
que soit leur mode de distribution (c. 2.2.2). L’art. 11 al. 1 LPM
prévoit qu’après l’échéance du délai de carence de l’art.
12 LPM, la marque est protégée pour autant qu’elle soit utilisée
en relation avec les produits ou les services enregistrés. Cette
obligation d’usage correspond à la fonction commerciale de la
marque et tend simultanément à empêcher que des marques soient
enregistrées quasiment à titre de réserve. En cas de non usage,
une action en radiation peut être intentée (c. 2.3). En vertu du
principe de la territorialité, le droit à la marque n’est donné
que par le dépôt et l’usage en Suisse. L’intimée No 1 n’a,
de manière incontestée, pas utilisé ses marques en Suisse. La
recourante aurait ainsi en principe pu agir en radiation de ces
marques. L’intimée No 1, dont le siège est en Allemagne, peut
toutefois de prévaloir de la convention entre la Suisse et
l’Allemagne du 13 avril 1892 (RS O.232.149.136) dont l’art. 5.1
prévoit qu’un usage de la marque en Allemagne vaut usage de la
marque en Suisse, le droit suisse déterminant ce qui est retenu
comme constitutif d’usage. Sur la base de ses marques antérieures
« OTTO » et « OTTO-Versand », l’intimée No
1 pourrait interdire à la recourante l’utilisation de sa marque
postérieure « OTTO’S » en vertu de l’art. 3 al. 1
LPM dans la mesure où il en résulte un risque de confusion. La
recourante s’est cependant prévalue de la péremption. Une
péremption du droit d’agir ne doit pas être admise à la légère
puisque seul l’abus manifeste d’un droit n’est pas protégé.
L’exercice tardif d’un droit peut ainsi être abusif lorsqu’il
repose sur une méconnaissance fautive de la violation de ce droit et
que l’auteur de la violation peut avoir considéré de bonne foi
que l’absence de réaction constituait une tolérance de cette
violation. La jurisprudence exige en plus que l’auteur de la
violation se soit constitué dans l’intervalle une situation digne
de protection. Si l’autorité précédente s’est bien basée sur
ces principes pour examiner la question de la péremption du droit
d’agir, elle aurait dû considérer que les conditions d’une
péremption du droit d’agir étaient remplies en l’espèce, en
particulier étant donné l’étendue de la position digne de
protection que s’est constituée la recourante et le fait que
l’intimée a non seulement toléré l’utilisation du signe
postérieur, mais a expressément renoncé à se prévaloir de son
droit de priorité. L’intimée No 1 ne peut ainsi pas se prévaloir
de son droit à la marque prioritaire pour interdire à la recourante
l’usage du signe « OTTO’S » (c. 2.3.2). L’autorité
précédente peut être suivie sur le point que la péremption du
droit d’agir de l’intimée No 1 vis-à-vis de la recourante ne
débouche pas sur une perte du droit à la marque prioritaire qui, au
contraire, en tant que droit absolu demeure vis-à-vis de tous les
autres participants au marché. Il n’existe aucune raison pour que
la recourante puisse de son côté, sur la base de l’art. 3 al. 1
LPM, exclure l’intimée No 1, en tant que titulaire d’un droit
prioritaire, de la protection du droit des marques (c. 2.3.3). Il en
résulte que chacune des parties peut utiliser ses marques pour
distinguer les produits et les services qui ont été revendiqués,
sans que l’autre partie puisse lelui interdire sur la base du droit
des marques (c. 2.3.4). Les dispositions de la loi contre la
concurrence déloyale disposent d’un domaine d’application propre
indépendant de celui du droit des marques (c. 3). L’autorité
précédente a omis à tort de vérifier si l’extension envisagée
de l’activité commerciale de l’intimée était susceptible de
créer un risque de confusion au sens de l’art. 3 lit. d LCD.
L’autorité précédente a ainsi violé l’art. 3 al. 1 lit. d LCD
en limitant à un seul canal de vente l’accès au marché sur
lequel l’intimée souhaitait développer son activité sous ses
marques et en niant par-là, de manière erronée, la priorité
temporelle de la recourante sur ce segment de marché (c. 3.6). Le
recours est partiellement admis. [NT]

25 mai 2021

TAF, 25 mai 2021, B-6813/2019 (f)

sic! 10/2021, p. 546 (rés.) « APTIS/APTIV » ; Procédure d’opposition, usage de la marque, usage sérieux, usage à titre de marque, défaut d’usage, preuve de l’usage d’une marque, invocation du défaut d’usage, internet, usage de la marque en Allemagne, usage de la marque sur internet ; art. 5 Conv. CH-D (1892), art. 5 LPM, art. 13 LPM, art. 11 al. 1 LPM, Art 12 al. 1 LPM, art. 32 LPM.

L’intimée, titulaire de la marque attaquée « APTIV » (dépôt N°725'229 du 14 décembre 2018, pour différents produits et services en classes 7, 9, 12, 35, 38, 40 et 42), contre laquelle la recourante, titulaire de la marque opposante « APTIS » (enregistrement international N°739'865 du 21 juillet 2000) invoque l’exception de non-usage lors de la procédure d’opposition (état de fait A.a à B). L’opposante doit uniquement rendre vraisemblable l’usage sérieux de sa marque (c. 3.2.2). La recourante ne prétend pas faire un usage sérieux de sa marque en Suisse mais en Allemagne. Les produits revendiqués (des bus) ne sont pas des produits de consommation courante. L’usage sérieux doit être examiné en fonction des circonstances particulières (c. 4.2.3). En l’espèce, rien n’indique que les documents déposés par la recourante attestent un usage sérieux en Allemagne (c. 4.3.1). S’il n’est pas contesté que la marque a été apposée sur des bus (c. 4.3.2), la recourante n’a vendu aucun bus en Allemagne. L’usage sérieux doit donc être examiné en fonction des opérations de prospection effectuées (c. 4.3.3.1). Celles-ci doivent refléter une certaine permanence dans l’effort réalisé (c. 4.3.3.1). En l’espèce, la marque a été apposée sur des bus pendant moins d’un mois, et uniquement à Berlin et Hambourg (c. 4.3.3.3). En l’absence d’autres tentatives de commercialisation, ces activités ne permettent pas de rendre vraisemblable un usage sérieux (c. 4.3.3.4). L’éventuel succès ou l’échec commercial n’entrent en principe pas en ligne de compte dans l’examen ; bien qu’en l’espèce, la question ne se pose pas au vu de la faiblesse des activités de commercialisation (c. 4.3.3.5). Sur le plan virtuel, les traces de la marque qui n’émanent pas de la recourante et qui n’ont pas été autorisées par celle-ci n’entrent pas en ligne de compte (c. 4.3.4.1). le TAF examine l’activité virtuelle de la recourante sur la base de l’article 3 de la Recommandation commune concernant la protection des marques, et autres droits de propriété industrielle relatifs à des signes, sur l’Internet de 2001. Bien que la recourante ait une activité commerciale en Suisse et en Allemagne, celle-ci n’est pas liée à sa marque « APTIS ». Les efforts commerciaux dirigés en Allemagne sont insuffisants pour admettre un usage sérieux. Les prix ne sont pas libellés en CHF, bien que cet élément ne soit pas éminemment probant compte tenu des spécificités du marché. Les pièces sont rédigées en langue allemande et la marque opposante est enregistrée en Suisse. Ces éléments ne permettent de conclure qu’à l’existence de liens ténus entre le produit et la Suisse ou l’Allemagne (c. 4.3.4.3). La recourante ne parvient pas à rendre vraisemblable un usage numérique sérieux de sa marque (c. 4.4). La question de savoir si un usage virtuel sérieux en Allemagne doit être reconnu en Suisse sur la base de la Convention CH-D est laissée ouverte (c. 4.3.4.2). Le recours est rejeté et le rejet de l’opposition confirmé (c. 5). [YB]

15 octobre 2007

TF, 15 octobre 2007, 4A_44/2007 (i)

sic! 4/2008, p. 295-300, « sergio rossi (fig.) et al. ; Miss Rossi / Rossi (fig.) » ; motifs relatifs d’exclusion, signes similaires, nom de personne, similarité des produits ou services,marque connue, risque de confusion ; art. 29 CC, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 13 al. 1 LPM, art. 57 LPM.

Le nom « Sergio Rossi » n'est pas si connu que la seule manière d'éviter tout risque de confusion soit d'interdire purement et simplement son utilisation à tout homonyme en relation avec des produits identiques ou similaires à ceux pour lesquels il a été enregistré comme marque antérieure. En l'espèce, l'ajout d'une simple ellipse n'est pas suffisant pour éviter le risque de confusion résultant de l'identité des éléments verbaux qui sont prépondérants dans l'impression d'ensemble qui se dégage d'une marque verbale et figurative. S'il y ajoute des éléments distinctifs suffisants pour exclure tout risque de confusion tant direct qu'indirect avec les marques préexistantes, le deuxième venu a la possibilité d'utiliser son nom en relation avec ses produits.

07 mars 2013

TAF, 7 mars 2013, B-2678/2012 (f)

sic! 6/2013, p. 353 (rés.), « Omix / Onyx Pharmaceuticals » ; usage de la marque, territoire suisse, but commercial réel, activité minimale, vraisemblance, preuve, emballage, notice d’utilisation, brochure, publicité, actes préparatoires, usage de la marque avec le consentement du titulaire, filiale, marque défensive, signe descriptif, modification de la marque, impression générale, degré d’attention moyen, cercle des destinataires pertinent ; art. 11 LPM, art. 12 al. 1 LPM, art. 13 al. 1 LPM, art. 32 LPM.

La vente, par la recourante, de ses produits à une autre société de droit suisse est constitutif d’un usage à titre de marque, quand bien même cette autre société est domiciliée dans les locaux de la recourante (c. 5.1.2). Admission, sur la base d’un ensemble de pièces constituant un faisceau d’indices, de la vraisemblance de l’usage sérieux de la marque opposante, en relation avec un médicament dans le domaine de l’urologie, par un tiers autorisé, sur le marché suisse, durant la période de référence, dans une forme ne divergeant pas essentiellement de la marque enregistrée (c. 6.2.4). Considérant l’identité des produits, la très forte similarité phonétique des termes « OMIX » et « ONYX », le degré d’attention moyen des consommateurs visés et le périmètre de protection normal de la marque opposante, il y a lieu de retenir, à l’instar de l’autorité inférieure, l’existence d’un risque de confusion (c. 7.3.3). [AC]

15 septembre 2014

TC VD, 15 septembre 2014, MP/2014/6 (f) (mes.prov.)

Motifs absolus d’exclusion, forme techniquement nécessaire, forme constituant la nature même du produit, droit de réplique inconditionnel, autorité de l’arrêt de renvoi, pouvoir de cognition, fait nouveau, expertise sommaire, concurrence déloyale, imposition par l’usage, besoin de libre disposition absolu, domaine public, étendue de la protection, liberté d’imitation, café, capsule de café, Nespresso, Nestlé, Ethical Coffee Compagnie ; art. 6 CEDH, art. 29 al. 2 Cst., art. 66 al. 1 OJ, art. 107 al. 2 LTF, art. 1 LPM, art. 1 al. 2 LPM, art. 2 lit. a LPM, art. 2 lit. b LPM, art. 3 LPM, art. 13 al. 1 LPM, art. 2 LCD, art. 3 al. 2 lit. d LCD ; cf. N 208 (vol. 2007-2011 ; ATF 137 III 324 ; sic! 10/2011, p. 589-593, « Nespresso »), N 660 (vol. 2012-2013 ; TF, 26 juin 2012, 4A_36/2012 ; sic! 10/2012, p. 627-632, « Nespresso II »), N 662 (vol. 2012-2013 ; HG SG, 21 mai 2013, HG.2011.199 ; sic! 12/2013, p. 759-766, « Nespresso IV »), N 737 (vol. 2012-2013 ; TF, 9 janvier 2013, 4A_508/2012 ; sic! 5/2013, p. 310-314, « Nespresso III ») et N 765 (vol. 2012-2013 ; TF, 27 août 2013, 4A_142/2013 ; sic! 1/2014, p. 32-37, « Nespresso V »).

L’expertise sommaire a permis d’établir que la forme tronconique des capsules Nespresso est celle qui présente l’avantage de contenir le plus de café et d’offrir une résistance à la pression hydrostatique importante, ce qui permet d’obtenir le meilleur café en augmentant le volume de café en contact avec le flux d’eau sous pression. Cette forme tronconique se terminant par un cône obtus, outre qu’elle permet un précentrage parfait et précis de la pointe de la capsule par rapport aux aiguilles de perforation, offre une stabilité mécanique accrue à la pression hydrostatique et au moment de la perforation par les aiguilles dans le compartiment en assurant un centrage correct de la capsule dans le compartiment de la machine. Ce qu’aucune des capsules dites alternatives proposées par les requérantes ne permet de faire. Pour l’expert, la forme double tronconique et cône obtus des capsules Nespresso est aussi celle qui en rend l’utilisation la plus commode permettant d’assurer une auto-extraction de la capsule usagée et améliorant également la préhension des capsules, leur introduction dans la machine, le temps que prend ainsi la confection d’un bon café et enfin leur conservation. Grâce à leur forme, les capsules Nespresso sont à la fois commodes et résistantes et présentent des avantages notables par rapport aux capsules prépercées compatibles qui doivent être conservées dans une pochette étanche pour que l’arôme du café demeure (c. 19). Les coûts de fabrication des capsules Nespresso par emboutissage d’une feuille d’aluminium très fine sont en outre très peu onéreux alors que ceux de fabrication d’une capsule biodégradable sont légèrement plus élevés et l’épaisseur des parois nettement plus importante de sorte que le volume de poudre de café contenue par la capsule diminue. L’expert souligne que toutes les autres formes de capsules non tronconiques examinées ont des coûts de fabrication plus élevés, leur processus de fabrication étant plus compliqué (c. 19). En vertu du principe de l’autorité de l’arrêt de renvoi, l’autorité cantonale est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants de droit de l’arrêt du TF. Elle est liée par ce qui a déjà été tranché définitivement par le TF, ainsi que par les constatations de faits qui n’ont pas été critiquées devant lui. Des faits nouveaux ne peuvent être pris en considération que sur les points qui ont fait l’objet du renvoi, lesquels ne peuvent être ni étendus, ni fixés sur une base juridique nouvelle (c. Ia). Dans le cas d’espèce, le TF a enjoint à l’autorité cantonale de juger à nouveau la cause en intégrant les résultats d’une expertise judiciaire sommaire destinée à déterminer s’il est possible de fabriquer une capsule de forme différente pour la même utilisation (absence de forme alternative) ou si une autre forme présenterait des inconvénients empêchant une concurrence efficace (c. Ib). L’art. 2 lit. b LPM exclut de la protection légale les formes constituant la nature même du produit, ainsi que les formes du produit ou de l’emballage qui sont techniquement nécessaires. Cette disposition circonscrit, dans le domaine des marques de forme, les signes pour lesquels il existe un besoin de libre disposition absolu. L’art. 2 lit. b LPM dispose d’une portée propre par rapport à la clause générale de l’art. 2 lit. a LPM en ce que les formes inhérentes à la nature même du produit, ou les formes du produit ou de l’emballage qui sont techniquement nécessaires, demeurent exclues de la protection légale, même si leur utilisation comme marque a pu s’imposer dans le commerce. Ainsi, à la différence de ce qui vaut pour les autres signes appartenant au domaine public, une utilisation même prolongée et exclusive d’une forme de ce genre ne permet pas d’en obtenir le monopole dans le cadre du droit des marques (c. III.a). Il résulte de l’exclusion des formes constituant la nature même d’un produit qu’une forme ne peut bénéficier de la protection du droit des marques que si elle se différencie des caractéristiques fonctionnelles ou esthétiquement nécessaires du produit concerné. La forme dictée par de telles caractéristiques n’est pas susceptible de protection et demeure à la libre disposition de tous les concurrents (c. III.a). La question à examiner n’est pas seulement de savoir s’il est possible de produire une capsule de forme différente qui soit utilisable de la même manière (donc dans les mêmes machines) et avec la même efficacité. Il convient également de tenir compte que la capsule de forme différente ne peut être considérée comme une forme alternative que si elle n’entre pas dans le champ de protection de la capsule Nespresso. Il s’agit donc aussi de se demander si la ou les autres formes se distinguerait suffisamment dans l’esprit du public acheteur de la capsule Nespresso pour éviter d’entrer dans sa sphère de protection (art. 3 LPM) (c. III.a). Les formes alternatives qui, selon l’arrêt de renvoi, entrent en ligne de compte sont des formes de capsules compatibles avec le système de la machine Nespresso, et les autres façons de conditionner le café (dans des boîtes ou des sachets), tout comme les capsules non compatibles avec cette machine, n’ont pas être considérées (c. III.c). L’expertise judiciaire rend vraisemblable l’importance technique de la forme tronconique surmontée par un cône obtus caractérisant les capsules Nespresso. Même si cette forme double tronconique et conique n’est pas la seule qui garantisse la compatibilité d’une capsule avec une machine Nespresso, elle est indispensable pour disposer de la quantité de café déterminée qui est celle des capsules Nespresso et est la seule qui permette d’obtenir un volume utile optimal d’une capsule. Il n’apparaît ainsi pas que les requérantes puissent revendiquer, par le biais du droit des marques, le monopole d’exploiter une forme décisive sur le volume net maximal d’une capsule pouvant être utilisée dans une machine Nespresso (c. III.c). Il ressort en outre de l’expertise qu’aucune des capsules alternatives proposées par les requérantes n’a les propriétés requises pour un bon fonctionnement dans les machines Nespresso. Elles n’ont pas la longueur suffisante pour une perforation efficace de la capsule par les aiguilles, la forme adéquate pour être guidées correctement lors de la fermeture du compartiment contre la contre-pièce, pour garantir l’étanchéité et empêcher le blocage du mécanisme, ni la forme adéquate pour assurer l’auto-extraction de la capsule usagée. La forme de la capsule Nespresso apparaît ainsi comme une forme techniquement nécessaire au sens de l’art. 2 lit. b LPM et ne peut pas être protégée comme marque (c. III.c). Pour que l’on soit en présence d’une violation des règles relatives à la concurrence déloyale, il faut que le concurrent utilise une prestation d’autrui d’une manière qui ne soit pas conciliable avec les règles de la bonne foi dans les affaires. En vertu du principe de la liberté d’imitation, en l’absence de protection découlant des droits de propriété intellectuelle, il ne suffit pas que les marchandises puissent être confondues ensuite de l’imitation pour que le comportement soit déloyal. Il faut au contraire qu’à l’imitation s’ajoutent d’autres circonstances faisant apparaître le comportement de l’imitateur comme déloyal. Un imitateur agit de manière déloyale au sens de l’art. 3 al. 1 lit. d LCD en particulier s’il prend des mesures de nature à faire naître une confusion avec les marchandises, les œuvres, les prestations ou les affaires d’autrui, en imitant la forme d’une marchandise dépourvue de force distinctive, alors qu’il aurait pu lui donner une autre forme sans modification de la construction technique et sans que cela ne porte atteinte à la destination du produit (c. IV.a). Le principe de la liberté de copie ne justifie pas que le consommateur soit induit en erreur de manière évitable sur la provenance d’une marchandise ou que l’imitateur exploite de façon parasitaire la bonne renommée d’autrui; l’imitateur doit prendre, dans les limites raisonnables, les mesures propres à écarter ou à diminuer le risque de confusion du public sur la provenance du produit (c. IV.a). Comme, lorsqu’une forme est techniquement nécessaire, l’imitation de celle-ci n’est pas déterminante pour juger de l’existence d’un risque de confusion et que les requérantes n’ont pas fait valoir que les intimés auraient adopté une autre attitude constitutive d’un comportement déloyal au sens de la LCD, la reprise de la forme double tronconique et conique de leurs capsules n’apparaît pas déloyale (c. IV.b). La requête de mesures provisionnelles est donc rejetée. [NT]

18 décembre 2014

HG ZH, 18 décembre 2014, HG140055 (d)

ZR 114/2015, p. 69-71 ; sic! 10/2015, p. 593-595, « Unirenova II » ; motifs relatifs d’exclusion, risque de confusion admis, droits conférés par la marque, usage de la marque, inscription au registre du commerce, reprise d’une marque antérieure, similarité des produits ou services, similarité des signes, marque verbale, marque combinée, force distinctive forte, force distinctive faible, cercle des destinataires pertinent, immobilier, construction, concurrence déloyale ; art. 954a al. 1 CO, art. 13 al. 1 LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM, art. 55 al. 1 lit. a LPM, art. 55 al. 1 lit. b LPM, art. 2 LCD, art. 3 al. 1 lit. d LCD, art. 9 al. 1 lit. a LCD, art. 9 al. 1 lit. b LCD ; cf. N 894 (HG ZH, 7 mars 2014, HG 130059 ; sic! 4/2015, p. 250-254, « Unirenova / Unirenova Bau AG »).

L’inscription au registre du commerce constitue déjà un usage dans les affaires au sens de l’art. 13 al. 2 lit. e LPM, car l’art. 954a al. 1 CO impose au titulaire d’une raison de commerce de l’utiliser (c. 2.2). Le signe de la défenderesse reprend celui de la demanderesse en y ajoutant l’élément « Holzbau ». Le signe repris « Unirenova » possède une forte force distinctive. L’élément ajouté possède une faible force distinctive. Considérés ensemble, les deux signes sont donc très semblables. Les marques verbales et combinées de la demanderesse sont enregistrées en classes 35 à 37, 42 et 45. Elles comprennent notamment les domaines de la construction, des réparations et des travaux d’installation dans le domaine immobilier. Les prestations offertes par la demanderesse couvrent notamment le développement, la réalisation et l’exploitation de biens immobiliers et projets de construction de tous types ainsi que la conception et la mise en œuvre de constructions et rénovations, en particulier en tant qu’entrepreneur général pour le compte de tiers. Le but principal de la défenderesse consiste en la prise en charge de travaux de charpenterie et de menuiserie, l’installation de cuisines, portes, fenêtres et escaliers, ainsi que la production de placards sur mesure. Les prestations offertes par les deux parties sont similaires, et il existe donc un grand risque de confusion chez les destinataires pertinents. Ainsi, par l’inscription et l’utilisation de sa raison de commerce, la défenderesse viole le droit exclusif de la demanderesse de faire usage de sa marque pour désigner ses commerces et ses services (c. 2.3). Le tribunal interdit par conséquent à la défenderesse d’utiliser en Suisse le signe de la demanderesse en relation avec des services relatifs au bâtiment, isolément ou en combinaison avec d’autres signes, comme raison de commerce, sur des papiers à en-tête, dans sa publicité ou de toute autre manière dans les affaires (c. 2.4.3). Il lui est en outre ordonné de faire radier sa raison de commerce du registre du commerce cantonal (c. 2.5.4). Par ses agissements, la défenderesse crée aussi un risque de confusion au sens de l’art. 3 al. 1 lit. d LCD (c. 3.2). L’action de la demanderesse doit donc être admise aussi sur ce point (c. 3.3). [SR]

10 décembre 2013

OG AR, 10 décembre 2013, D2Z 12 2 (d)

sic! 10/2014, p. 632-634, « Axxeva / Adexxa » ; droits conférés par la marque, droit absolu, raison de commerce, but social, droit de la personnalité, concurrence déloyale, risque de confusion admis, principe de la spécialité, similarité des produits ou services, jugement partiel, action échelonnée, nom de domaine, clientèle, placement de personnel, marque verbale, mesures provisionnelles ; art. 956 al. 2 CO, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 13 al. 1 LPM, art. 13 al. 2 lit. c LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM, art. 55 al. 1 lit. a LPM, art. 55 al. 1 lit. b LPM, art. 85 CPC.

La plaignante, « Axxeva Services AG », qui a pour but d’opérer du placement de personnel, de la location de services et de fournir des services commerciaux, est titulaire de la marque verbale « Axxeva », enregistrée dans les classes 35, 41 et 42. Elle reproche notamment à la défenderesse, qui a temporairement utilisé la raison de commerce « Adexxa Services AG » et a des buts sociaux similaires, une atteinte à sa marque et à sa raison de commerce. La défenderesse a expressément reconnu qu’il existe un risque de confusion entre les deux raisons de commerce. En outre, le juge unique de l’Obergericht AR a octroyé des mesures provisionnelles à la plaignante, fondées sur le droit des marques (ERZ 12 58). Comme la notion de risque de confusion s’apprécie de manière similaire dans les différents domaines du droit des signes distinctifs, et du fait de la concession opérée par la défenderesse, le tribunal se limite, quant à l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion entre les signes « AXXEVA » et « ADEXXA », à renvoyer aux considérants du jugement rendu en matière de mesures provisionnelles, desquels il découle que l’existence d’un risque de confusion entre les deux raisons de commerce est manifeste. L’action en cessation fondée sur l’art. 956 al. 2 CO est admise et le tribunal interdit à la défenderesse d’utiliser la raison de commerce « Adexxa Services AG » en Suisse (c. 2.1). Les droits exclusifs conférés par l’art. 13 LPM incluent l’emploi de la marque en tant que nom, raison de commerce, enseigne, dénomination commerciale ou nom de domaine. En se référant aux considérants du jugement précité, le tribunal admet qu’il existe un risque de confusion entre la marque enregistrée « AXXEVA » et le signe « ADDEXA » utilisé par la défenderesse. Les demandes fondées sur l’art. 55 al. 1 lit. a et b LPM sont admises (c. 2.2). Par contre, la demanderesse ne peut exiger qu’il soit interdit à la défenderesse d’utiliser des noms de domaines de manière générale. L’utilisation d’un nom de domaine ne peut être interdite qu’en relation avec les biens et services pour lesquels la marque est protégée (c. 2.3). L’action échelonnée suppose l’existence d’une prétention de droit matériel en fourniture de renseignements, qui existe en l’espèce (c. 2.5). [SR]

02 mars 2015

HG ZH, 2 mars 2015, HG140169 (d)

Droits conférés par la marque, droit absolu, usage de la marque, risque de confusion admis, registre du commerce, raison de commerce, reprise d’une marque antérieure, similarité des produits ou services, similarité des signes, marque verbale, marque combinée, force distinctive forte, force distinctive faible, cercle des destinataires pertinent, immobilier, construction, concurrence déloyale ; art. 954a al. 1 CO, art. 13 al. 1 LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM, art. 55 al. 1 lit. a LPM, art. 55 al. 1 lit. b LPM, art. 2 LCD, art. 3 al. 1 lit. d LCD, art. 9 al. 1 lit. a LCD, art. 9 al. 1 lit. b LCD.

L’inscription au registre du commerce constitue déjà un usage dans les affaires au sens de l’art. 13 al. 2 lit. e LPM, car l’art. 954a al. 1 CO impose au titulaire d’une raison de commerce de l’utiliser (c. 4.1.2). Le signe de la défenderesse reprend celui de la demanderesse en y ajoutant un élément. Le signe repris possède une forte force distinctive. L’élément ajouté, qui est une abréviation usuelle dans le domaine technique ou technologique, possède une faible force distinctive. Considérés ensemble, les deux signes sont donc très semblables, et on peut craindre des confusions chez le public (c. 4.2.3). Les marques verbales et combinées de la demanderesse sont enregistrées en classes 35 à 37, 42 et 45. Les prestations offertes par la demanderesse couvrent notamment le développement, la réalisation et l’exploitation de biens immobiliers et projets de construction de tous types ainsi que la conception et la mise en œuvre de constructions et rénovations, en particulier en tant qu’entrepreneur général pour le compte de tiers. Le but principal de la défenderesse consiste en la planification et la réalisation d’installations techniques du bâtiment comme entrepreneur général. Les prestations offertes par les deux parties sont similaires, et il existe donc un grand risque de confusion chez les destinataires pertinents (c. 4.2.4). Ainsi, par l’inscription et l’utilisation de sa raison de commerce, la défenderesse viole le droit exclusif de la demanderesse de faire usage de sa marque pour désigner ses commerces et ses services (c. 4.2.5). Le tribunal interdit par conséquent à la défenderesse d’utiliser en Suisse le signe de la demanderesse en relation avec des services relatifs au bâtiment, isolément ou en combinaison avec d’autres signes, comme raison de commerce, sur des papiers à en-tête, dans sa publicité ou de toute autre manière dans les affaires (c. 4.3.4). Il lui est en outre ordonné de faire radier sa raison de commerce du registre du commerce cantonal (c. 4.4.4). Par ses agissements, la défenderesse crée aussi un risque de confusion au sens de l’art. 3 lit. d LCD (c. 5.2.1). L’action de la demanderesse doit donc être admise sur ce point également (c. 5.2.2). [SR]

CO (RS 220)

- Art. 954a

-- al. 1

LCD (RS 241)

- Art. 3

-- al. 1 lit. d

- Art. 9

-- al. 1 lit. b

-- al. 1 lit. a

- Art. 2

LPM (RS 232.11)

- Art. 55

-- al. 1 lit. b

-- al. 1 lit. a

- Art. 13

-- al. 2 lit. e

-- al. 1

17 février 2015

TF, 17 février 2015, 4A_553/2014 (d)

sic! 6/2015, p. 396-391, « Von Roll Hydro / Von Roll Water » ; marque combinée, nom de domaine, raison de commerce, contrat de coexistence en matière de marque, interprétation du contrat, réelle et commune intention des parties, principe de la confiance, principe de la bonne foi, action en cession du nom de domaine, action en radiation de la marque, similarité des signes sur le plan sonore, similarité des signes sur le plan visuel, risque de confusion, contenu significatif, Von Roll Water Holding AG ; art. 42 al. 1 LTF, art. 42 al. 2 LTF, art. 74 al. 2 lit. b LTF, art. 75 al. 2 lit. a LTF, art. 90 LTF, art. 106 al. 1 LTF, art. 106 al. 2 LTF, art. 18 al. 1 CO, art. 951 al. 2 CO, art. 956 al. 2 CO, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 3 al. 3 LPM, art. 13 al. 1 LPM.

Selon l’art. 951 al. 2 CO, les raisons de commerce des sociétés anonymes, des sociétés à responsabilité limitée et des sociétés coopératives doivent se distinguer nettement de toute autre raison de commerce d’une société revêtant l’une de ces formes déjà inscrites en Suisse. En outre, selon l’art. 956 al. 2 CO, celui qui subit un dommage du fait d’une utilisation indue d’une raison de commerce peut agir en cessation de trouble et, en cas de faute, réclamer des dommages et intérêts. L’art. 13 al. 1 LPM confère au titulaire d’une marque le droit exclusif de l’utiliser pour distinguer les produits ou les services enregistrés et d’en disposer. Le titulaire d’une marque antérieure peut également faire valoir le motif relatif d’exclusion à l’enregistrement de l’art. 3 al. 1 lit. c LPM vis-à-vis du titulaire d’une marque postérieure à la sienne. Selon l’art. 3 al. 1 lit. c LPM, sont exclus de l’enregistrement les signes similaires à une marque antérieure destinés à des produits ou services identiques ou similaires lorsqu’il en résulte un risque de confusion. Le TF est amené à trancher la question de savoir si ces principes s’appliquent sans autre ou si la convention de coexistence passée entre les parties au moment du rachat d’une partie des actions de la recourante par l’intimée, ainsi que la transaction judiciaire intervenue par la suite en complément de cette convention, l’emportent sur les principes généralement applicables du droit des signes distinctifs concernant l’existence d’un risque de confusion. L’objet d’un contrat doit être déterminé par l’interprétation des manifestations de volonté des parties. Le but de l’interprétation du contrat est ainsi en premier lieu l’établissement de la réelle et commune intention des parties, selon l’art. 18 al. 1 CO. Si une concordance réelle des volontés n’est pas établie, il convient, pour déterminer la volonté hypothétique des parties, d’interpréter leurs déclarations selon le principe de la confiance en s’arrêtant à la manière dont elles pouvaient et devaient être comprises, tant du point de vue de leur teneur qu’en lien avec l’ensemble des circonstances. Il s’agit ainsi d’analyser le contenu des déclarations des parties qui ne doivent pas être examinées de manière isolée, mais en fonction de leur signification concrète. C’est le moment de la conclusion du contrat qui est déterminant, car une interprétation en fonction du comportement ultérieur des parties n’est pas significative. La question de l’interprétation objective des déclarations de volonté relève du droit et est examinée librement par le TF qui demeure cependant lié par les constatations cantonales précédentes portant sur les circonstances extérieures de fait, ainsi que sur la connaissance et la volonté des parties (c. 2.2.2). Comme l’autorité précédente n’a pas pu établir de volonté concordante des parties concernant l’utilisation de la raison sociale « Von Roll Water Holding AG » et de la marque « VON ROLLWATER » litigieuse, les conventions, soit le contrat de vente initial et l’arrangement judiciaire ultérieur, doivent être interprétées selon le principe de la confiance. Il en résulte que les sociétés membres du groupe Von Roll pourraient continuer d’utiliser la marque « VON ROLL » seule ou en lien avec des éléments se distinguant significativement des marques revenant aux sociétés du groupe dont les actions étaient reprises. Il est ainsi établi qu’en tout cas en ce qui concerne les signes dont l’utilisation a été autorisée à ces dernières et qui ont été reconnus conventionnellement comme leur étant propres, les champs de protection des signes des deux partenaires contractuels ont été délimités, en ce sens que les sociétés du groupe Von Roll s’interdisaient non seulement l’utilisation de signes identiques,mais aussi celle de signes similaires, de manière à ce qu’un risque de confusion puisse être exclu en vertu des éléments additionnels utilisés. Le risque de confusion ne doit ainsi pas être examiné sans autre selon les principes du droit des marques, puisque le contrat prévoit que chacune des parties peut continuer d’utiliser l’élément « Von Roll » de sorte qu’un risque de confusion ne peut résulter que de l’utilisation des éléments l’accompagnant. Il ne saurait toutefois en être déduit que l’examen du risque de confusion ne saurait au moins être orienté par les principes posés en droit des signes distinctifs. La conception de l’autorité précédente que l’exigence d’une différence significative entre les signes devrait se limiter à leurs aspects graphiques et sonores ne convainc pas. Une compréhension aussi étroite ne découle pas de l’interprétation objective du contrat qui implique bien plus que le contenu significatif des ajouts utilisés soit pris en compte (c. 2.2.3). La transaction judiciaire du 7 septembre 2006 complète le contrat de coexistence initial qui prévoyait l’utilisation des marques « VON ROLL INFRATEC », « VON ROLL HYDROTEC » et « VON ROLL CASTING » par les sociétés du groupe repris. Le contrat de base doit ainsi être compris selon le principe de la bonne foi que les sociétés du groupe Von Roll sont libres d’utiliser les marques, respectivement la raison de commerce « VON ROLL », avec toutes les formes d’ajouts possibles, dans la mesure où ceux-ci se différencient de manière significative des marques « VON ROLL INFRATEC », « VON ROLL HYDRO », « VON ROLL CASTING » et « VON ROLL ITEC ». Les signes distinctifs de l’intimée doivent ainsi en particulier conserver une distance suffisante par rapport à la marque « VON ROLL HYDRO ». Le fait que les sociétés du groupe repris soient expressément autorisées selon le contrat à protéger en outre les dénominations « hy », « rohr », « pipes », « tubi », « tubes », « tuyeaux », « valves », « valvole », « valvi » et « schieber » en lien avec le terme « vonRoll » comme élément de marque, ne permet pas de déduire, comme le soutient l’intimée, qu’elle-même serait en contrepartie sans autre habilitée à utiliser des traductions des termes attribués à l’autre partie. L’obligation pour les sociétés du groupe Von Roll de se distinguer suffisamment des signes « VON ROLL INFRATEC », « VONROLLHYDRO », «VONROLLCASTING » et « VONROLL ITEC » est indépendante du droit des sociétés du groupe repris d’enregistrer d’autres signes à titre de marques. En vertu de l’arrangement conventionnel intervenu, l’intimée ne peut ainsi utiliser la raison de commerce « Von RollWater Holding AG » et la marque « VON ROLL WATER » que dans la mesure où il n’en résulterait pas de risque de confusion avec le signe « VON ROLL HYDRO », respectivement avec les raisons de commerce inscrites de la recourante « vonRoll hydroservices AG » et « vonRoll hydro (suisse) AG » ou avec la marque enregistrée « VON ROLL HYDRO ». Il n’est pas déterminant à cet égard que ni le contrat initial, ni son complément judiciaire, n’aient expressément concédé l’utilisation du terme « Water » à la recourante (c. 2.2.4). Le recours est partiellement admis et la cause renvoyée à l’autorité cantonale pour l’examen de l’existence d’un éventuel risque de confusion entre les dénominations concernées, en particulier en raison du contenu significatif des désignations litigieuses. [NT]

12 novembre 2007

TAF, 12 novembre 2007, B-5325/2007 (d)

sic! 5/2008, p. 357-358, « Adwista / ad-vista (fig.) » ; motifs relatifs d’exclusion, signes similaires, signe déposé, usage de la marque, risque de confusion ; art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 12 al. 1 LPM, art. 13 al. 2 LPM, art. 31 LPM, art. 32 LPM, art. 22 al. 3 OPM.

Le risque de confusion (art. 3 al. 1 lit. c LPM) s'examine en fonction des marques telles qu'elles sont enregistrées et non telles qu'elles sont utilisées (alors que l'art. 13 al. 2 LPM se rapporte lui à l'usage effectif d'un signe dans les affaires) (c. 3). L'exception de non-usage de la marque doit être invoquée d'emblée et clairement dans la première réponse du défendeur (art. 22 al. 3 OPM), sous peine de péremption (c. 4). C'est à bon droit que l'autorité inférieure n'a pas examiné l'usage de la marque opposante (c. 4). Il y a manifestement un risque de confusion entre les marques en cause (c. 5).

Fig. 93 – ad-vista (fig.) (att.)
Fig. 93 – ad-vista (fig.) (att.)

LPM (RS 232.11)

- Art. 12

-- al. 1

- Art. 32

- Art. 13

-- al. 2

- Art. 31

- Art. 3

-- al. 1 lit. c

OPM (RS 232.111)

- Art. 22

-- al. 3

14 janvier 2011

HG BE, 14 janvier 2011, HG 09 34 (f)

sic! 1/2012, p. 25-31, « Omega / Mega » (Cherpillod Ivan, Remarque) ; motifs relatifs d’exclusion, signes similaires, Omega, méga, grec, horlogerie, Franck Muller, similarité des produits ou services, signe appartenant au domaine public, signe descriptif, indication publicitaire, risque de confusion, dilution de la marque ; art. 1 LPM, art. 2 lit. a LPM, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 13 al. 2 LPM, art. 15 LPM.

Vu son caractère laudatif, le signe – très courant – « Mega » (« grand » en grec) est dénué de force distinctive quel que soit le produit auquel il est destiné et fait donc partie du domaine public (art. 2 lit. a LPM) (c. 4.3.3). Un risque de confusion (art. 3 al. 1 lit. c LPM) ou de dilution (art. 15 LPM) ne pouvant pas se baser uniquement sur un signe appartenant au domaine public, la demande doit être rejetée pour cette raison déjà (c. 4.3.3 in fine). Le signe « Mega », apposé en rouge au centre de cadrans de montres de la défenderesse, n’est pas distinctif (art. 1 LPM), mais purement fonctionnel et descriptif (c. 4.4.1-4.4.2). Le risque de confusion (art. 3 al. 1 lit. c LPM) avec la marque « Omega » doit être examiné non pas avec le seul signe « Mega », mais avec ce signe « Mega » tel qu’il apparaît sur les cadrans des montres de la défenderesse, c’est-à-dire accompagné des termes « Franck Muller » (ou « Franck Muller Genève ») et, éventuellement, Muller Genève Mega « Aeternitas ». Le risque de confusion doit être nié, que ce soit sur le plan visuel, sonore ou conceptuel (c. 4.5.3). À titre très subsidiaire, il convient de considérer que, même pris isolément, les signes « Omega » et « Mega » ne sont similaires sur aucun de ces plans (c. 4.5.4). Par ailleurs, vu la rare complexité des montres de la défenderesse (qui atteignent des prix astronomiques) et les différences qui existent tant au niveau des canaux de distribution que de la clientèle, il n’y a pas de similarité entre les montres en cause (c. 4.5.4 ; à ce sujet, voir la critique de CHERPILLOD). Enfin, tel qu’il est utilisé en l’espèce, le signe « Mega » n’engendre pas de risque de dilution (art. 15 LPM) de la marque « Omega » (c. 4.6.1- 4.6.2).

Fig. 133a – Omega (1)
Fig. 133a – Omega (1)
Fig. 133b – Omega (2)
Fig. 133b – Omega (2)
Fig. 133c – Franck Muller Genève Mega
Fig. 133c – Franck Muller Genève Mega

14 juin 2011

HG AG, 14 juin 2011, HSU.2010.128 (d) (mes. prov.)

sic! 1/2012, p. 36-42, « M-Watch » ; usage de la marque, horlogerie, forme ne divergeant pas essentiellement de la marque, signes similaires, risque de confusion, croix, Suisse, ®, force distinctive faible, élément décoratif, titulaire de la marque, usage par représentation, marque de série, M-Angebotsbezeichnung, marque de haute renommée, enregistrement en faveur d’un utilisateur autorisé, péremption, bonne foi, concurrence déloyale ; art. 4 LPM, art. 6 LPM, art. 11 al. 1, 2 et 3 LPM, art. 13 al. 2 LPM, art. 2 al. 1 ch. 1 LPAP, art. 2 LCD, art. 3 lit. d LCD.

Les exigences relatives à la convergence entre la marque enregistrée et le signe utilisé pour admettre que la marque est utilisée (art. 11 LPM) sont plus élevées que les exigences relatives à la similarité entre deux signes pour admettre un risque de confusion (c. 6.4.2 in fine). Vu que les différences portent sur des éléments faiblement distinctifs, le signe utilisé ne diverge pas essentiellement de la marque enregistrée de sorte que, au sens de l'art. 11 al. 2 LPM, l'usage du signe vaut usage de la marque enregistrée (c. 6.4.3-6.4.4). L'usage du signe est quant à lui également assimilé à l'utilisation de la marque , car la croix suisse insérée dans le cercle et le signe « » sont des éléments faiblement distinctifs (c. 6.5.1 et 6.5.3). La croix suisse (stylisée) étant insérée à des fins décoratives, l'art. 2 al. 1 ch. 1 LPAP n'interdit pas son utilisation (c. 6.5.2). Du fait qu'il est rendu vraisemblable que (notamment selon un accord — au moins tacite — entre le requérant et la fabricante) la fabricante des montres (et non pas le requérant) est titulaire de la marque , l'usage de cette marque (ou de l'une de ses variantes) par le requérant doit être assimilé, au sens de l'art. 11 al. 3 LPM, à l'usage par la fabricante (c. 6.6-6.6.3.7). Par l'usage des signes et en lien avec des montres (c. 6.6.1), la marque a été utilisée (par la fabricante) au sens de l'art. 11 al. 1 LPM (c. 6.6.4). Le requérant ne peut pas se fonder sur les marques M-Watch et — déposées après la marque (art. 6 LPM) et qui font par ailleurs l'objet d'une procédure d'opposition toujours pendante — pour interdire leur utilisation à l'intimée (qui tire ses droits de la fabricante) (c. 6.7). Les prétentions du requérant basées sur le fait que l'utilisation des signes et engendre un risque de confusion avec sa marque de série M-Angebotsbezeichnung (et viole l'art. 2 et l'art. 3 lit. d LCD [c. 6.12]) sont périmées vu que le requérant n'a pas agi pendant près de sept ans alors qu'il connaissait la situation et que la fabricante était de bonne foi (c. 6.8-6.8.2). Il en va de même des prétentions du requérant basées sur le fait que la marque M serait de haute renommée (c. 6.9). Le requérant ne peut rien tirer de l'art. 4 LPM puisque, au sens de cette disposition, ce n'est pas lui qui est titulaire de la marque, mais bien la fabricante (c. 6.10).

25 mars 2010

HG SG, 25 mars 2010, HG.2008.137 (d)

sic! 11/2010, p. 789-794, « Refoderm » (KaiserMarkus, Anmerkung) ; action, action en interdiction, for, nom de domaine, refoderm.ch, Suisse, organe de fait, fondé de procuration, qualité pour défendre, intérêt pour agir, risque de récidive, risque de confusion, droits conférés par la marque, épuisement, importation parallèle, produits cosmétiques, produit périmé, frais et dépens ; art. 55 al. 3 CC, art. 13 al. 2 LPM, art. 55 al. 1 lit. a LPM, art. 3 lit. d LCD, art. 129 al. 2 a LDIP.

Au sens de l’art. 129 al. 2 aLDIP, le lieu du résultat de la violation du droit des marques par l’utilisation d’un nom de domaine se situe là où le site Internet correspondant est accessible (c. II.1). Il se situe en Suisse lorsque le nom de domaine (« www.refoderm.ch ») – enregistré en Suisse – permet d’accéder, en Suisse, à un site Internet offrant des produits au public suisse. Peu importe que l’intimée, titulaire du nom de domaine, ait autorisé un tiers à l’utiliser et ne l’ait pas utilisé elle-même (c. II.1). En tant qu’organe de fait, celui qui assume une tâche essentielle dans une société anonyme – en l’occurrence, un fondé de procuration – est personnellement responsable de ses fautes au sens de l’art. 55 al. 3 CC et a ainsi qualité pour défendre (c. III.1). Dans une action en interdiction (Unterlassungsbegehren) (art. 55 al. 1 lit. a LPM), un intérêt suffisant est donné lorsque le défendeur a déjà commis les actes litigieux par le passé et en conteste l’illicéité. Un danger de récidive ne peut être exclu que si le défendeur s’est formellement engagé à ne pas commettre les actes litigieux. Si les défendeurs se limitent à renoncer au nom de domaine « www.refoderm.ch » grâce auquel ils ont offert au public des produits « Refoderm » par le passé, le titulaire de la marque « Refoderm » garde un intérêt à agir contre eux (c. III.2). En vertu de l’art. 13 al. 2 LPM (et de l’art. 3 lit. d LCD), le titulaire de la marque « Refoderm » peut interdire aux défendeurs 1 et 2 d’utiliser cette marque comme nom de domaine pour commercialiser des produits « Refoderm ». La présence de la raison sociale de la défenderesse 1, en haut à droite du site Internet « www.refoderm.ch », ne suffit pas à écarter, à elle seule, un risque de confusion (c. III.3). Le principe de l’épuisement n’est pas absolu : il n’empêche pas le titulaire d’une marque d’interdire l’importation parallèle et la commercialisation en Suisse de ses produits cosmétiques originaux périmés (c. III.4). Du fait que les défendeurs 2 et 3 avaient clairement manifesté leur intention de monnayer le nom de domaine litigieux et qu’ils n’avaient ensuite pas informé le demandeur qu’ils avaient renoncé à ce nom de domaine, le demandeur ne peut pas être considéré, dans la répartition des frais, comme partie succombante en ce qui concerne la conclusion tendant au transfert du nom de domaine (c. IV).

04 décembre 2014

TF, 4 décembre 2014, 4A_330/2014 (d)

sic! 4/2015, p. 238-242, « Think / Think Outdoors ; Think Weinbrenner », JdT 2015 II 204 ; motifs relatifs d’exclusion, marque verbale, marque combinée, cuir, vêtements, chaussures, lettre(s), signe(s), signe laudatif, services publicitaires, service de gestion et conseil patrimonial, services d’administration de sociétés, services de travail de bureau, action en interdiction, action en dommages-intérêts, action en remise du gain, action en constatation de la nullité d’une marque, décision partielle, motifs absolus d’exclusion, signe appartenant au domaine public, besoin de libre disposition absolu, cercle des destinataires pertinent, anglais, signe descriptif, périmètre de protection, force distinctive faible, risque de confusion nié, souvenir ; art. 6quinquiès CUP, art. 6quinquiès lit. B ch. 1 CUP, art. 6quinquiès lit. B ch. 2 CUP, art. 6quinquiès lit. B ch. 3 CUP, art. 5 ch. 1 AM, art. 5 ch. 6 AM, art. 5 ch. 1 PAM, art. 5 ch. 6 PAM, art. 42 al. 1 LTF, art. 42 al. 2 LTF, art. 74 al. 2 lit. b LTF, art. 75 al. 2 lit. b LTF, art. 76 al. 1 lit. b LTF, art. 91 lit. a LTF, art. 95 LTF, art. 97 al. 1 LTF, art. 99 al. 2 LTF, art. 105 al. 1 LTF, art. 106 al. 1 LTF, art. 106 al. 2 LTF, art. 2 lit. a LPM, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 13 al. 2 LPM, art. 5 al. 1 lit. a CPC ; cf. N 958 (TF, 24 septembre 2015, 4A_268/2015).

Le recours en matière civile dirigé contre une décision partielle au sens de l’art. 91 lit. a LTF est recevable indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 lit. b LTF) (c. 1.1). La recourante dont la demande reconventionnelle a été rejetée est particulièrement touchée par la décision attaquée et a un intérêt digne de protection à sa modification au sens de l’art. 76 al. 1 lit. b LTF (c. 1.2). L’Arrangement de Madrid concernant l’enregistrement international des marques et le Protocole relatif à l’Arrangement de Madrid sont des traités de droit international public applicables en Suisse dont la violation peut faire l’objet d’un recours au TF selon l’art. 95 lit. b LTF. Les motifs permettant un refus de protection aussi bien en vertu de l’art. 5 ch. 1 AM, que de l’art. 5 ch. 1 PAM sont limités dans la mesure où ces deux dispositions renvoient à la Convention d’Union de Paris pour la protection de la propriété industrielle, révisée à Stockholm en 1967, concernant les motifs de refus de la protection. Selon l’art. 6quinquiès lit.B CUP, un refus de protection ou une déclaration de nullité ne peut être rendu qu’aux motifs exhaustivement énumérés aux paragraphes 1 à 3 de cette disposition (marque de nature à porter atteinte à des droits acquis par des tiers, absence de force distinctive et besoin de libre disposition, ainsi que caractère contraire à la morale et à l’ordre public). Ces motifs valent aussi pour un retrait ultérieur de la protection sur le territoire d’un État partie en vertu de l’art. 5 ch. 6 AM, respectivement de l’art. 5 ch. 6 PAM. L’autorité précédente a examiné la persistance des marques de commerce de la demanderesse d’une manière conforme au cadre de l’art. 6quinquiès lit. B CUP lorsqu’elle s’est prononcée sur l’existence des motifs absolus d’exclusion de la protection au sens de l’art. 2 lit. a LPM invoqués par la recourante contre la partie suisse des marques internationales de la demanderesse (c. 2.1.2). Le TF revoit librement, en tant que question de droit, la manière dont est déterminé le cercle des destinataires pertinent pour les produits ou services concernés, ainsi que la perception qu’a le public général d’un signe en fonction du degré d’attention qui peut être attendu de lui. Le cercle des destinataires pertinent peut être différent en fonction de chaque question examinée. Ainsi, le besoin de libre disposition d’un signe se détermine en fonction des besoins, respectivement de la compréhension, qu’en ont les concurrents, tandis que l’examen de la force distinctive fait appel à la compréhension que les acheteurs moyens ont du signe (c. 2.2.2). Le signe « THINK » n’est pas frappé d’un besoin de libre disposition absolu. À la différence du pronom personnel « YOU », qui constitue une expression élémentaire du vocabulaire de base de la langue anglaise sans équivalent possible, l’expression « THINK » peut être remplacée par d’autres verbes. Il n’apparaît pas que ce terme soit indispensable à la désignation d’articles de cuir, de souliers et d’articles d’habillement (c. 2.2.3). L’autorité précédente n’a pas violé l’art. 2 lit. a LPM en niant un besoin de libre disposition absolu du signe « THINK » et en considérant qu’il n’était pas descriptif pour des souliers. Toutefois, la protection du signe « THINK » comme marque n’est pas de nature à empêcher l’utilisation de cette expression comme élément d’autres marques, dans la mesure où cet élément est constitué d’un verbe anglais, largement utilisé, appartenant au langage commun auquel seul un champ de protection très limité peut être reconnu (c. 2.2.4). L’existence d’un risque de confusion est une question de droit que le TF examine librement (c. 3.1). L’inexistence d’un risque de confusion doit être examinée en comparant la marque protégée, selon la demande d’enregistrement, avec l’utilisation effective ou à venir du signe postérieur (c. 3.2.1). Le terme « THINK » utilisé par la recourante dans ses marques pour des produits identiques l’est en relation avec d’autres éléments verbaux et figuratifs. L’impression générale qui se dégage de ses marques est largement différente de celle produite par la marque verbale de la demanderesse. Dans le signe illustré par l’image b), l’impression d’ensemble est marquée par la lettre « W » qui figure au centre et dont la première branche comporte un sapin clair ainsi que par le cercle formé par les inscriptions figurant au-dessus et au dessous de cette lettre. C’est la lettre « W » qui, par sa représentation graphique particulière, est dotée de force distinctive (c. 3.2.2). L’indication « THINK OUTDOORS » est comprise par les consommateurs moyens de souliers comme une désignation à caractère publicitaire revêtant le cas échéant même un caractère descriptif de la particulièrement bonne « Outdoor Qualité » des souliers (c. 3.2.2 in fine et c. 3.2.3). Cette indication est ainsi en elle-même dépourvue de force distinctive et n’est pas perçue comme renvoyant à une entreprise déterminée. Par conséquent, cet élément non distinctif n’est pas non plus de nature à porter atteinte à la force distinctive de la marque antérieure. La simple reprise de cette suite de mots n’est pas à même de susciter une attribution indue des produits ainsi désignés à la demanderesse, ni non plus à amener le public à déduire l’existence de faux liens entre les parties. En choisissant un mot courant de la langue anglaise qui est souvent utilisé et qui peut sans autre être compris dans sa signification lexicale en lien avec un autre concept, la demanderesse a opté pour une désignation dotée de très peu de force distinctive et d’un champ de protection par conséquent étroit. La recourante n’utilise pas la désignation « THINK OUTDOORS » seule, mais toujours en combinaison avec sa marque « WEINBRENNER » et le cas échéant l’élément graphique distinctif du sapin stylisé. Ce n’est que pris ainsi dans son ensemble que le signe est compris comme une référence à une entreprise. Étant donné le caractère descriptif, voire publicitaire des termes « THINK OUTDOORS » pour les souliers, ce sont les autres éléments sous la forme du mot « WEINBRENNER », respectivement du sapin stylisé, qui demeurent en mémoire. L’élément correspondant « THINK » passe à l’arrière-plan dans les signes utilisés par la recourante et est perçu dans l’impression d’ensemble dégagée par ces signes comme une référence à une qualité particulière ou à un mode d’utilisation des souliers, le cas échéant comme un renvoi à la marque de la recourante « THINK WEINBRENNER ». Il n’en résulte pas de risque de confusion pour le consommateur moyen de souliers (c. 3.2.3) et le recours est partiellement admis. [NT]

THINK /THINK OUTDOORS
THINK /THINK OUTDOORS
THINK WEINBRENNER
THINK WEINBRENNER

AM (RS 0.232.112.3)

- Art. 5

-- ch. 6

-- ch. 1

CPC (RS 272)

- Art. 5

-- al. 1 lit. a

CUP (RS 0.232.04)

- Art. 6quinquies

-- lit. B ch. 1

-- lit. B ch. 3

-- lit. B ch. 2

LPM (RS 232.11)

- Art. 13

-- al. 2

- Art. 3

-- al. 1 lit. c

- Art. 2

-- lit. a

LTF (RS 173.110)

- Art. 91

-- lit. a

- Art. 76

-- al. 1 lit. b

- Art. 106

-- al. 1

-- al. 2

- Art. 75

-- al. 2 lit. b

- Art. 42

-- al. 2

-- al. 1

- Art. 95

- Art. 105

-- al. 1

- Art. 99

-- al. 2

- Art. 97

-- al. 1

- Art. 74

-- al. 2 lit. b

PAM (RS 0.232.112.4)

- Art. 5

-- ch. 6

-- ch. 1

29 septembre 2014

TF, 29 septembre 2014, 4A_257/2014 (f)

sic! 1/2015, p. 37-46, « Arthursgroup SA / SwissArthurProd SA », JdT2015 II 204, JdT 2015 II 208 ; raison de commerce, instance cantonale unique, marque de service, spectacle, services de production de spectacles, concert, péremption, usage à titre de marque, usage à titre de raison de commerce, usage de la marque, produit ou service accessoire, preuve d’un fait négatif, preuve de l’usage d’une marque, preuve du défaut d’usage, bonne foi, similarité des produits ou services, services de divertissement, activités culturelles, similarité des raisons de commerce, droit d’être entendu, principe de la spécialité, publication du jugement ; art. 9 Cst., art. 74 al. 2 lit. b LTF, art. 75 al. 2 LTF, art. 75 al. 2 lit. a LTF, art. 95 LTF, art. 99 al. 2 LTF, art. 105 al. 1 LTF, art. 105 al. 2 LTF, art. 107 al. 1 LTF, art. 2 CC, art. 8 CC, art. 933 al. 1 CO, art. 951 al. 2 CO, art. 956 CO, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 11 al. 1 LPM, art. 12 al. 1 LPM, art. 12 al. 3 LPM, art. 13 al. 2 LPM, art. 15 LPM, art. 5 al. 1 lit. a CPC, art. 5 al. 1 lit. c CPC, art. 52 CPC.

Lorsque le droit fédéral prévoit une instance cantonale unique, le recours en matière civile est recevable indépendamment de la valeur litigieuse (art. 74 al. 2 lit. b LTF) et, contrairement à la règle générale (cf. art. 75 al. 2 LTF), le tribunal supérieur désigné comme autorité cantonale de dernière instance n’a pas à statuer sur recours (art. 75 al. 2 lit. a LTF) (c. 1.1). Le TF doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF). Il peut compléter ou rectifier même d’office les constatations de faits qui se révèlent manifestement inexactes, c’est-à-dire arbitraires au sens de l’art. 9 Cst. ou établies en violation du droit comme l’entend l’art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF) (c. 1.3). Le TF ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Toute conclusion nouvelle est irrecevable (art. 99 al. 2 LTF) (c. 1.4). L’usage de la marque doit intervenir conformément à la fonction de celle-ci pour distinguer les produits ou les services, soit de telle façon que le marché y voie un signe distinctif. Déterminer si on est en présence d’un usage en tant que marque au sens de l’art. 11 al. 1 LPM est une question de droit. Pour opérer cette qualification, il convient toutefois de se fonder sur la perception (présumée) des personnes auxquelles s’adressent les produits ou les services enregistrés. Les circonstances du cas particulier doivent, pour cela, être prises en considération, notamment les habitudes de la branche concernée et la catégorie de marque en cause, constatations qui relèvent du fait (c. 3.2). L’utilisation d’une marque en relation avec des produits ou services auxiliaires ne valide pas le droit à la marque pour de tels produits ou services. Sont considérés comme tels les produits ou services qui font partie de l’offre du produit ou service principal et qui lui sont accessoires sans être commercialisés de manière indépendante. Les produits ou les services qui, bien qu’accessoires au produit ou au service principal, sont offerts à titre onéreux ne peuvent plus être considérés, sous réserve des situations dans lesquelles la contrepartie ne serait que symbolique, comme produits/services auxiliaires. Il restera toutefois à établir l’existence d’un usage sérieux de la marque apposée sur ces produits/services (c. 3.3). Un usage purement symbolique fait à seule fin de ne pas perdre le droit à la marque ne suffit pas. Le titulaire doit manifester l’intention de satisfaire toute demande de marchandise ou de service. Par ailleurs, l’usage doit être économiquement raisonnable et intervenir dans le commerce. Un usage à des fins privées ou à l’intérieur de l’entreprise ne suffit pas à maintenir le droit. Les usages commerciaux habituels sont déterminants (c. 3.4). En ce qui concerne la preuve du défaut d’usage, l’art. 12 al. 3 LPM tient compte de la difficulté à apporter la preuve d’un fait négatif. Quiconque invoque le défaut d’usage doit donc le rendre vraisemblable, la (contre)-preuve de l’usage incombant alors au titulaire. Les règles de la bonne foi (art. 2 CC et art. 52 CPC) obligent la partie adverse à coopérer à la procédure probatoire. Cette obligation de nature procédurale ne constitue toutefois pas un renversement du fardeau de la preuve (c. 3.5). Pour satisfaire à l’exigence de la (contre)-preuve, il incombe au titulaire d’établir tous les éléments de faits qui permettront ensuite au Juge, sous l’angle du droit, de déterminer que l’usage intervient conformément à la fonction de la marque, que les produits ou services considérés ne sont pas des services auxiliaires et que l’usage de la marque est sérieux. Si la marque a été enregistrée pour plusieurs produits et/ou services, il appartient au titulaire d’apporter, en lien avec chacun des produits/services revendiqués, les éléments de preuves précités (c. 3.6). L’organisation de trois soirées entre 2007 et 2011 ne représente pas une exploitation suffisante pour satisfaire à l’exigence qui découle implicitement de l’art. 11 al. 1 LPM. Ce d’autant que la recourante ne fournit aucune donnée qui permettrait de compenser l’usage très limité sur le plan quantitatif (pendant le délai de carence) par un chiffre d’affaires particulièrement élevé (c. 3.7.1). Le titulaire d’une marque peut interdire à des tiers l’usage de signes similaires et destinés à des produits ou des services identiques ou similaires, lorsqu’il en résulte un risque de confusion (art. 3 al. 1 lit. c et art. 13 al. 2 LPM). L’existence de ce risque est une question de droit que le TF examine librement dans le cadre d’un recours en matière civile (c. 4.2). Sous réserve de la marque de haute renommée au sens de l’art. 15 LPM, il ne peut y avoir de risque de confusion au sens de l’art. 3 LPM lorsque les produits et services ne sont pas similaires, indépendamment des signes qui sont confrontés. Le simple fait qu’il puisse exister des chevauchements entre les groupes de consommateurs concernés par les services examinés ou entre les lieux où les prestations sont fournies ne permet pas de conclure à la similitude des services (c. 4.3). Les services de divertissement, de spectacles et de concert, d’organisation et de production de manifestations culturelles sont des offres distinctes économiquement des services des cafetiers-restaurateurs. Une similitude entre les services liés à de la restauration (exploitation de cafés, restaurants, bars, dancings, cabarets et hôtels) et ceux d’organisation ou production de manifestations culturelles et de spectacles est exclue et tout risque de confusion entre les marques peut être écarté (c. 4.4). Le principe de la spécialité ne s’applique pas en droit des raisons de commerce. Les raisons de commerce litigieuses qui contiennent toutes deux le même élément essentiel Arthur ne se distinguent pas de manière suffisamment nette pour qu’un risque de confusion puisse être nié. L’existence de confusion concrète n’est qu’un indice de l’existence d’un risque de confusion (c. 5.2). La péremption du droit d’agir ne doit pas être admise facilement, car selon l’art. 2 al. 2 CC, un droit ne sera pas protégé que si son exercice est manifestement abusif. La péremption est admise avec encore plus de retenue en cas de conflit entre raisons de commerce. Elle suppose que l’ayant droit ait toléré la violation de ses droits pendant une longue période sans s’y opposer et que l’auteur de la violation ait entre-temps acquis lui-même une position digne de protection (c. 6.1). Le moment à partir duquel la passivité du titulaire est à prendre en considération est celui où il a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance de l’utilisation du signe litigieux. Pour les raisons de commerce, en vertu de l’effet positif du registre du commerce (au sens de l’art. 933 al. 1 CO), l’inscription de la raison de commerce devient opposable aux tiers dès le jour ouvrable qui suit celui dont la date figure sur le No de la Feuille Officielle Suisse du Commerce où est publiée l’inscription (art. 932 al. 2 CO) (c. 6.2). Plus la période pendant laquelle l’ayant droit tolère l’usage concurrent est longue, plus l’auteur de la violation sera fondé à admettre, selon les règles de la bonne foi, que l’ayant droit continuera à tolérer la violation et qu’on ne pourra exiger de lui qu’il doive abandonner la situation acquise. L’ayant droit peut exceptionnellement se voir opposer la péremption même vis-à-vis de celui qui s’est consciemment approprié un signe distinctif prêtant à confusion, en particulier lorsque, par sa passivité, il amène le concurrent (originairement de mauvaise foi) à la conviction légitime que la violation est tolérée. La jurisprudence récente en matière de signe distinctif opte pour une période entre 4 et 8 ans. Dans un cas particulier, la péremption a déjà été admise au bout d’une année et demie et dans un autre cas envisagée après une période de 2 ans (c. 6.3). La répétition d’interpellations non suivies d’effet peut conforter l’auteur de l’atteinte dans la conviction que l’ayant droit ne songe pas sérieusement à faire valoir ses droits en justice (c. 6.4). S’agissant enfin de la position acquise sur le marché, ce qui est décisif est que la raison sociale de l’auteur de la violation se soit imposée dans le public comme étant le signe distinctif de l’entreprise ensuite d’un long et paisible usage et que le défendeur se soit ainsi créé une position concurrentielle avantageuse (c. 6.5). À cet égard, la valeur appréciable créée par l’auteur de l’atteinte ne suffit pas, à elle seule, pour entraîner la péremption. Le TF rappelle que le facteur temps revêt également une grande importance dans l’examen de la passivité de l’ayant droit et que dans le cas d’espèce une durée d’inaction de 19 mois jusqu’à la première mise en demeure est trop limitée pour être interprétée comme une tolérance au point de conduire à la péremption. Considérer la durée d’inactivité comme suffisante en l’espèce conduirait à une situation inacceptable. Cela reviendrait à favoriser les entreprises qui sont susceptibles de créer rapidement une valeur économique appréciable en faisant connaître leurs signes au moyen d’une réclame massive, ce qui ne correspond pas au fondement de la péremption qui tend à une protection de la confiance et non à celle de la possession (c. 6.6). Considérant une éventuelle intervention de la péremption entre la première mise en demeure (16 mars 2010) et l’introduction de l’action (20 juin 2012), le TF relève qu’il s’agit de savoir si la passivité prolongée de l’ayant droit a pu légitimement susciter auprès du défendeur la conviction que son comportement était toléré et qu’il le serait également à l’avenir, mais qu’il ne s’agit pas de contraindre l’ayant droit à agir avec une certaine célérité. En l’espèce, le TF considère que la passivité de la lésée n’a pas pu créer une apparence d’autorisation ; et que le contenu des mises en demeure était clair et ne pouvait en soi laisser croire à la défenderesse que l’ayant droit ne songeait pas sérieusement à faire valoir ses droits. Si la répétition des interpellations ne permet pas de légitimer l’action indéfiniment, il serait néanmoins absurde d’admettre la péremption dans l’hypothèse où l’ayant droit interpelle plusieurs fois sa partie adverse (sur une brève période) pour communiquer à celle-ci qu’il n’entend précisément pas tolérer l’utilisation du signe litigieux, alors que ce droit d’action n’aurait pas été éteint s’il n’avait interpelé qu’une seule fois sa partie adverse. La jurisprudence n’exige pas le renouvellement des mises en demeure sur des périodes aussi brèves et la péremption doit être admise avec une encore plus grande retenue lorsque l’ayant droit a déjà mis en demeure l’auteur de la prétendue violation (c. 6.7). Le droit d’action de la demanderesse n’étant pas périmé, la violation de l’art. 956 CO pouvait être invoquée en justice par celle-ci (c. 6.8). L’usage indu consiste en l’occurrence à avoir transgressé la règle de l’art. 951 al. 2 CO qui contient l’obligation de choisir une raison de commerce qui se distingue suffisamment d’une autre raison de commerce antérieure. Constitue un usage à titre de raison de commerce toute utilisation du signe distinctif qui se trouve en relation immédiate avec l’activité commerciale, par exemple l’emploi d’une enseigne reproduisant le signe en cause, l’inscription de celui-ci sur des papiers d’affaires à l’instar des catalogues, des listes de prix, des prospectus et des cartes de recommandation et l’utilisation du signe dans des répertoires d’adresses ou des annuaires téléphoniques (c. 6.8.4). La publication du jugement suppose que la victime de l’atteinte ait eu au moment du jugement un intérêt digne de protection à ce que la publication, qui doit contribuer à dissiper le trouble que l’auteur a propagé dans les cercles intéressés, soit ordonnée par le juge. Il n’y a pas d’intérêt digne de protection si l’atteinte n’a entraîné que très peu de confusion dans le public ou n’a pas été remarquée dans les milieux professionnels ou dans le public. Le recours est partiellement admis s’agissant du risque de confusion entre les raisons de commerce. [NT]

CC (RS 210)

- Art. 8

- Art. 2

CO (RS 220)

- Art. 933

-- al. 1

- Art. 956

- Art. 951

-- al. 2

CPC (RS 272)

- Art. 52

- Art. 5

-- al. 1 lit. c

-- al. 1 lit. a

Cst. (RS 101)

- Art. 9

LPM (RS 232.11)

- Art. 12

-- al. 3

-- al. 1

- Art. 13

-- al. 2

- Art. 15

- Art. 3

-- al. 1 lit. c

- Art. 11

-- al. 1

LTF (RS 173.110)

- Art. 107

-- al. 1

- Art. 75

-- al. 2

-- al. 2 lit. a

- Art. 95

- Art. 105

-- al. 1

-- al. 2

- Art. 99

-- al. 2

- Art. 74

-- al. 2 lit. b

11 juillet 2016

TF, 11 juillet 2016, 4A_406/2015 (d)

Droit des marques, action en interdiction, amende d’ordre, insoumission à une décision de l’autorité, recours en matière civile, usage à titre de marque, exécution de jugement, précision des conclusions, mesures provisionnelles, mesures superprovisionnelles ; art. 98 LTF, art. 13 al. 2 LPM, art. 13 al. 2 lit. c LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM, art. 261 al. 1 lit. a CPC, art. 265 al. 1 CPC, art. 267 CPC, art. 268 al. 1 CPC, art. 343 al. 1 lit. a CPC, art. 343 al. 1 lit. c CPC, art. 292 CP.

Un recours contre une amende d’ordre prononcée pour insoumission à une décision de l’autorité est un recours en matière civile (c. 1.2). À la différence de l’interdiction provisoire prononcée dans le cadre de mesures provisionnelles suivant des mesures superprovisionnelles, l’amende d’ordre qui l’accompagne n’est en elle-même pas ordonnée à titre provisoire et ne constitue ainsi pas une décision portant sur une mesure provisionnelle au sens de l’art. 98 LTF (c. 1.4). Concernant l’exécution des jugements, en matière de mesures provisionnelles, l’art. 267 CPC prévoit que le tribunal qui a ordonné ces mesures prend également les dispositions d’exécution qui s’imposent. C’est ce qu’a fait le jugement de mesures provisionnelles dans le point du dispositif contre lequel s’élève le recours qui condamne le recourant à une amende d’ordre de Fr. 48'000.- pour ne pas avoir respecté pendant 48 jours les mesures superprovisionnelles confirmées par le jugement, assorties d’une menace de la peine prévue à l’art. 292 CP et prévoyant une amende d’ordre de Fr. 1'000.- pour chaque jour d’inexécution (c. 3). L’amende d’ordre de l’art. 343 al. 1 lit. c CPC permet en particulier de garantir l’exécution d’une interdiction d’agir, notamment dans les cas où l’interdiction ordonnée a pour conséquence que la partie condamnée est tenue d’abandonner un comportement illicite durable. En lien avec des mesures provisionnelles, et en particulier avec une interdiction superprovisoire, il convient en outre de tenir compte du fait que celles-ci (jusqu’à leur modification ou leur suppression) doivent être respectées, même si elles devaient par la suite s’avérer injustifiées. Même après qu’un jugement au fond a tranché autrement, une amende d’ordre peut être ordonnée pour le comportement intervenu dans l’intervalle en violation du jugement provisoire levé par la suite (c. 5.2). Les actions en interdiction doivent viser un comportement décrit de manière précise. La partie obligée doit ainsi savoir ce qu’elle n’ose plus faire et les autorités pénales ou d’exécution doivent également savoir quels actes elles doivent empêcher ou auxquels elles doivent infliger une peine. Lorsqu’elles sont saisies, ces autorités doivent uniquement examiner si la condition de fait (du renouvellement d’un comportement interdit par le juge civil) est remplie. Elles n’ont par contre pas à qualifier juridiquement ce comportement. Cela est vrai aussi lorsque l’interdiction a été prononcée dans le cadre de mesures superprovisionnelles sans l’audition de la partie adverse selon l’art. 265 al. 1 CPC. Dans ce cas toutefois, le tribunal doit être particulièrement attentif à la formulation de l’interdiction du moment que la partie adverse est privée tant de la possibilité de s’exprimer préalablement que de voies de droit contre le jugement rendu. L’interdiction provisoire doit ainsi être formulée de manière à ce qu’aucune question de droit matériel n’ait à être tranchée dans le cadre de la procédure d’exécution. Le requérant des mesures superprovisionnelles doit donc décrire de manière très concrète le comportement qui le menace et dont il souhaite obtenir l’interdiction au sens de l’art. 261 al. 1 lit. a CPC. Si les circonstances changent et que la partie adverse modifie sa manière de porter atteinte aux droits du requérant, les mesures provisionnelles peuvent être modifiées selon l’art. 268 al. 1 CPC (c. 5.3). La question de savoir si la publication sur Facebook d’une seule photo illustrant entre autres un coureur automobile dont le maillot arbore le sigle dont l’utilisation a été interdite, constitue une utilisation illicite dans les affaires au sens de l’ordonnance de mesures provisionnelles et une violation du droit des marques et de la concurrence, aurait dû être tranchée dans le cadre de la procédure de jugement civile. La portée de l’ordonnance de mesures superprovisionnelles n’est ainsi pas limitée de façon suffisamment précise, la formulation de l’art. 13 al. 2 LPM ne permettant pas de déterminer quel comportement concret constituerait dans le cas particulier une violation du droit à la marque et quel autre pas, ainsi que le démontre l’énumération des lit. c et e par exemple. Il ne ressort pas de l’ordonnance de mesures superprovisionnelles que toute publication du logo sur le profil Facebook de la recourante devrait être interdite sans exception et indépendamment de son contexte (photo souvenir de la cérémonie de remise des honneurs d’une course automobile). L’ordonnance en question ne suffit donc pas à fonder l’amende d’ordre querellée (c. 5.4). L’utilisation du logo sur le compte Instagram de la recourante constitue, elle, une violation de l’interdiction prononcée dans le cadre de l’ordonnance de mesures superprovisionnelles. Bien que la modification de son compte Instagram pour en supprimer le logo aurait impliqué un comportement actif de la part de la recourante, l’obligation d’opter pour un tel comportement peut également découler d’une ordonnance d’interdiction dans la mesure où, comme en l’espèce, elle résulte clairement des circonstances (c. 5.5). Lorsque l’ordonnance d’interdiction a été partiellement respectée et que le comportement incriminé ne s’est poursuivi que « de manière mineure » et par négligence, le montant de l’amende ne saurait être maximal et atteindre les Fr. 1'000.- par jour prévus par l’art. 343 al. 1 lit. c CPC (c. 6). Le recours est partiellement admis. [NT]

01 octobre 2018

TF, 1er octobre 2018, 4A_83/2018 (d)

Pachmann, Bachmann, avocat, activité d’avocat, marque verbale, marque combinée, raison de commerce, contenu sémantique, usage à titre de marque, violation du droit d’être entendu, fardeau de la preuve, fardeau de l’allégation, arbitraire, maxime des débats, risque de confusion, droit au nom ; art. 9 Cst., art. 9 al. 2 Cst., art. 8 CC, art. 29 CC, art. 55 CPC, art. 150 al. 1 CPC, art. 951 al. 2 CO, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 13 al. 2 LPM, art. 2 LCD, art. 3 al. 1 lit. c LCD.

La notion de risque de confusion est la même pour l’ensemble du droit des signes distinctifs et il s’agit d’une question de droit que le TF revoit librement. Comme les sociétés anonymes peuvent choisir librement leurs raisons de commerce, la jurisprudence pose généralement des exigences élevées concernant leur force distinctive. Selon la jurisprudence constante, les raisons de commerce bénéficient d’une protection également à l’encontre des entreprises qui sont actives dans une autre branche du commerce. Mais les exigences concernant la différenciation des raisons de commerce sont plus strictes lorsque les entreprises peuvent entrer en concurrence de par leurs buts statutaires ou s’adressent, pour une autre raison, aux mêmes cercles de clients ; cela vaut aussi en cas de proximité géographique des entreprises. C’est en fonction de l’impression d’ensemble qu’elles laissent auprès du public que doit être tranchée la question de savoir si deux raisons de commerce sont suffisamment différentes pour coexister. Cela doit être vérifié non seulement dans le cadre d’un examen attentif et simultané des raisons de commerce, mais également en fonction du souvenir qu’elles laissent. Lequel est marqué par les éléments des raisons de commerce qui sont frappants de par leur effet sonore ou leur signification. Ces éléments revêtent une importance déterminante dans l’examen de l’impression d’ensemble générée par une raison de commerce. Cela vaut en particulier pour les désignations de pure fantaisie qui bénéficient en général d’une forte force distinctive. Il en va autrement pour les désignations descriptives qui appartiennent au domaine public. Il y a risque de confusion lorsque la raison de commerce d’une entreprise peut être prise pour celle d’une autre ou donne l’impression erronée que les entreprises seraient économiquement ou juridiquement liées (c. 3.1). En l’espèce, la Cour cantonale a retenu que les signes étaient semblables parce qu’ils se différenciaient seulement par leurs premières lettres « P » et « B » mais qu’en dépit de la similitude des domaines d’activité et de la proximité des sièges des deux entreprises, il convenait de tenir compte de ce que leurs raisons de commerce n’étaient pas de pure fantaisie mais reprenaient les noms de famille des avocats qui les exploitent. La Cour cantonale a en outre relevé que les noms de famille sont donnés par la nature et qu’une personne physique a un intérêt digne de protection à pouvoir désigner sous celui-ci les prestations qu’elle, ou les personnes qui sont sous sa responsabilité, dispense. De sorte qu’il existe très peu de possibilités de différenciation. En particulier, lorsque le service offert présente une composante personnelle forte, comme c’est le cas pour l’activité d’avocat. Il n’est par conséquent par possible de transposer sans autre aux noms de famille la portée de la protection accordée aux dénominations de fantaisie. Les noms de famille rares ont ainsi certes une force distinctive accrue, mais la portée de leur champ de protection se limite (sauf circonstances particulières relevant de la loi contre la concurrence déloyale) aux noms de famille identiques et ne s’étend pas à ceux qui sont semblables seulement. Le fait que les raisons de commerce considérées soient construites de la même manière (soit nom de famille – Avocats – SA) n’augmente pas le risque de confusion puisque cette configuration est usuelle. Dans le cas particulier, le fait que la première lettre de chacun des deux noms de famille (à laquelle une attention particulière est accordée parce qu’elle se trouve en début du mot) soit différente (P et B), la manière différente de les écrire et leur effet phonétique différent également, mais surtout le caractère extraordinairement rare de l’un des deux noms de famille et relativement commun de l’autre, ainsi que l’absence de cas de confusion effectif en dépit de la similitude des signes, de la proximité géographique des entreprises, et du caractère pour l’essentiel similaire de leurs activités, excluent l’existence d’un risque de confusion au sens du droit des raisons de commerce (c. 3.2 et c. 3.3.2). Le TF considère que la Cour cantonale a, à juste titre, examiné de manière différente le degré de différenciation nécessaire, selon que la raison de commerce concernée est formée de désignations de personnes, de désignations descriptives ou de désignations de fantaisie. Les éléments désignant l’activité professionnelle déployée (avocats) ainsi que la forme juridique (SA) constituent des éléments à faible force distinctive des raisons de commerce examinées. Le risque de confusion doit ainsi être déterminé en fonction des deux noms de famille « Pachmann » et « Bachmann » qui se différencient par leur première lettre qui joue un rôle marquant, parce qu’elle figure au début des dénominations considérées. Du point de vue du contenu sémantique, le public suisse ne décèle pas dans les termes « Pach » une ancienne manière d’écrire « Bach », et il est dès lors irrelevant que « Pachmann » soit la manière d’écrire « Bachmann » en haut allemand. Les jurisprudences « Adax » / « Hadax » et « Pawag » / « Bawag » rendues en relation avec des dénominations de pure fantaisie ne peuvent pas être transposées à l’examen du risque de confusion entre deux noms de famille. Outre la différence entre les premières lettres des deux noms, le caractère extraordinairement rare du nom de famille « Pachmann » alors que « Bachmann » est relativement répandu, amène le public usuellement attentif à faire la différence entre les deux raisons de commerce. Un risque de confusion n’entrerait pas non plus en ligne de compte si une force distinctive accrue devait être reconnue au patronyme « Pachmann » du fait de sa rareté (c. 4). Le titulaire d’une marque peut interdire aux tiers d’utiliser des signes similaires à une marque antérieure pour des produits ou services identiques ou similaires lorsqu’il en résulte un risque de confusion (art. 13 al. 2 en lien avec l’art. 3 al. 1 lit. c LPM). Lequel est donné lorsqu’il doit être craint que les cercles des destinataires pertinents soient induits en erreur par la similitude des signes et attribuent les produits, désignés par l’un ou l’autre des signes, au mauvais titulaire de la marque ; ou lorsque le public distingue bien les deux signes mais déduit de leur ressemblance de fausses relations entre leurs titulaires. Pour trancher du risque de confusion entre des marques, c’est l’impression d’ensemble que celles-ci laissent dans le souvenir du consommateur qui est déterminante. La question de savoir si deux marques se distinguent suffisamment ou sont au contraire susceptibles d’être confondues ne doit pas être résolue dans le cadre d’une comparaison abstraite des marques considérées, mais doit tenir compte de toutes les circonstances du cas d’espèce. Plus les produits pour lesquels les marques sont enregistrées sont semblables, plus le risque que des confusions se produisent est élevé, et plus le signe le plus récent doit se différencier nettement des signes antérieurs pour bannir tout risque de confusion. Le champ de protection d’une marque dépend de sa force distinctive. Une marque faible bénéficie d’un champ de protection plus limité contre les signes similaires qu’une marque forte. Lorsqu’une marque s’approche du domaine public, elle ne bénéficie que d’une force distinctive limitée tant qu’elle n’a pas été imposée comme signe distinctif dans l’esprit du public par des efforts publicitaires importants. Des différences modestes suffisent à exclure le risque de confusion en présence d’une marque faible. Constituent des marques faibles, celles dont les éléments essentiels se rapprochent étroitement de termes génériques du langage commun. Sont au contraire des marques fortes celles qui frappent par leur contenu fantaisiste ou qui se sont imposées dans le commerce (c. 4.1). Dans le cas particulier, l’utilisation du terme « Bachmann » sur les cartes de visite intervient bien à titre de marque mais dans une combinaison avec des éléments figuratifs qui en déterminent l’impression d’ensemble. C’est ainsi l’élément « B » qui prédomine de sorte que le cercle des destinataires pertinents qui est composé de personnes cherchant à obtenir des services juridiques, ainsi que des publications ou des imprimés dans le même domaine, ne risque pas d’être induit en erreur, même au cas où il ne déploierait qu’un degré d’attention usuel (c. 4.2). Selon l’art. 2 LCD, un comportement est déloyal et contraire au droit s’il est trompeur ou viole d’une autre manière le principe de la bonne foi dans les affaires et influence les relations entre commerçants et consommateurs. Adopte un comportement déloyal en particulier celui qui prend des mesures qui sont de nature à faire naître une confusion avec les marchandises, les œuvres, les prestations ou les affaires d’autrui. Entrent dans ce cas de figure tous les comportements qui par la création d’un risque de confusion induisent le public en erreur, en particulier afin d’exploiter la réputation d’un concurrent. C’est ainsi en fonction du comportement concrètement adopté sur le plan de la concurrence que doit être tranchée la question de l’existence d’un risque de confusion au sens de la LCD. Si la notion de risque de confusion est la même pour l’ensemble du droit des signes distinctifs, il convient dans la détermination de son existence dans le cadre du droit de la concurrence, de tenir compte de toutes les circonstances. Soit pas seulement de la manière dont le signe est enregistré, mais aussi de celle dont il est concrètement utilisé et des autres éléments en dehors des signes eux-mêmes. C’est ce que la Cour cantonale a fait in casu en examinant comment la marque mixte « Bachmann » était utilisée sur les cartes de visite de l’intimée et en tenant compte du fait que les personnes cherchant à obtenir les services d’un avocat ou d’autres prestations juridiques déploient un degré d’attention supérieur à la moyenne en raison du rapport de confiance particulier qui caractérise la relation entre un avocat et son client, ainsi que des dépenses supérieures à celles de l’acquisition d’un produit de masse qui l’accompagnent (c. 5.2). Le recours est rejeté. [NT]

CC (RS 210)

- Art. 29

- Art. 8

CO (RS 220)

- Art. 951

-- al. 2

CPC (RS 272)

- Art. 150

-- al. 1

- Art. 55

Cst. (RS 101)

- Art. 9

-- al. 2

LCD (RS 241)

- Art. 3

-- al. 1 lit. c

- Art. 2

LPM (RS 232.11)

- Art. 13

-- al. 2

- Art. 3

-- al. 1 lit. c

07 mai 2019

TF, 7 mai 2019, 4A_510/2018 (d)  

TECTON/DEKTON, droit des marques, droit de la personnalité, droit au nom, raison de commerce, raison sociale, action en constatation de la nullité d’une marque, action en interdiction, motifs d’exclusion relatifs, similarité des produits ou services, similarité des signes sur le plan sonore, similarité des signes sur le plan visuel, similarité des raisons de commerce, élément caractéristique essentiel, élément dominant, degré d’attention légèrement accru, cercle des destinataires pertinent, risque de confusion direct, risque de confusion indirect, service de construction, matériaux de construction, usage de la marque, usage à titre de marque, fait notoire, fardeau de la preuve ; art. 8 CC, art. 29 al. 2 CC, art. 951 al. 1 CO, art. 956 CO, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 11 al. 2 LPM, art. 11 al. 3 LPM, art. 12 al. 1 LPM, art. 13 al. 2 LPM, art. 151 CPC.

Un risque de confusion existe au sens de l’art. 3 al. 1 LPM lorsqu’un signe plus récent porte atteinte à la force distinctive d’une marque antérieure. Tel est le cas lorsqu’il doit être craint que les cercles des destinataires pertinents soient induits en erreur par la similitude du signe et que les produits ou les services portant l’un ou l’autre des signes soient attribués au mauvais titulaire de la marque (risque de confusion direct) ou au cas où le public fait la différence entre les deux signes, s’il déduit de leur ressemblance l’existence de liens en fait inexistants, en particulier s’il croit y voir des marques de séries qui désignent les différentes lignes de produits de la même entreprise ou de différentes entreprises économiquement liées entre elles (risque de confusion indirect). Pour trancher du risque de confusion entre des marques, c’est l’impression d’ensemble que celles-ci laissent dans le souvenir du consommateur qui est déterminante. Plus un signe s’est imposé de manière forte dans le commerce, plus son champ de protection est large et plus les produits pour lesquels les marques sont enregistrées sont proches, plus le risque que des confusions interviennent est élevé et plus le signe le plus récent doit se différencier nettement des signes antérieurs pour bannir tout risque de confusion. La vérification de l’existence d’un tel risque de confusion est une question de droit. Le TF examine ainsi en particulier librement comment a été établi le cercle des destinataires pertinent des produits ou services enregistrés et – pour les biens de consommation courante – comment les destinataires perçoivent le signe en fonction du degré d’attention qui peut être attendu d’eux (c. 2.1). Après l’écoulement du délai de carence de 5 ans de l’art. 12 al. 1 LPM, une marque n’est protégée que dans la mesure où elle est effectivement utilisée en relation avec les produits et les services enregistrés (au sens de l’art. 11 al. 1 LPM). L’objet de l’utilisation à titre de marque doit en outre concorder avec l’objet de la protection à titre de marque. La marque doit dès lors fondamentalement être utilisée telle qu’elle est enregistrée puisque ce n’est qu’ainsi qu’elle pourra déployer l’effet distinctif qui correspond à sa fonction. L’art. 11 al. 2 LPM admet cependant que l’usage d’une forme de la marque ne divergeant pas essentiellement de celle qui est enregistrée suffit pour maintenir le droit. Il convient alors que l’identité du noyau distinctif de la maque qui en détermine l’impression d’ensemble soit conservée et qu’en dépit de l’utilisation différente qui en est faite, le caractère distinctif de la maque demeure. Cela n’est le cas selon la jurisprudence du TF que lorsque le commerce, malgré sa perception des différences, met l’impression d’ensemble dégagée par le signe différent utilisé sur le même plan que celle de la marque enregistrée et voit ainsi encore et toujours la même marque dans la forme utilisée. Il faut donc se demander si le commerce voit dans la forme enregistrée et la forme utilisée un seul et même signe et n’attribue aucun effet distinctif propre aux éléments modifiés, ajoutés ou abandonnés. Les exigences d’identité des signes lorsqu’elles concernent l’élément central (« Kernbereich ») de la marque sont ainsi bien plus élevées que dans le cadre de l’examen d’une confusion. Enfin, l’usage destiné à maintenir le droit ne suppose pas que le titulaire de la marque utilise lui-même le signe en relation avec les produits ou les services enregistrés. L’usage de la marque auquel le titulaire consent est assimilé à l’usage par le titulaire selon l’art. 11 al. 3 LPM (c. 2.3.1). Une utilisation de la marque avec des éléments descriptifs additionnels qui ne font pas disparaître l’identité de l’élément caractéristique central de celle-ci, soit in casu le vocable « tecton », vaut usage de la marque, le commerce voyant un seul et même signe entre la marque enregistrée et la forme sous laquelle elle est utilisée. Il ne saurait être exigé du titulaire de la marque qu’il fasse du marketing, mais uniquement qu’il utilise effectivement sa marque. Ce qui est déterminant est l’existence d’un usage conforme de la marque au sens de l’art. 11 LPM. Il ne saurait être considéré qu’un usage de la marque sur des cartes de visite, la home page du site de la société ou des documents de présentation de celle-ci, sur des véhicules ou des bâtiments ne serait pas sérieux (c. 2.3.1.3). Le cercle des destinataires pertinents pour des travaux de couverture et de construction offerts sous les marques « tecton » et « tecton (fig.) » sont des acheteurs privés et publics du domaine du bâtiment auxquels les prestations du titulaire de la marque sont généralement présentées par un architecte. Aucune des marques litigieuses ne vise exclusivement des professionnels. Du moment que les prestations offertes par le titulaire de ces marques dans le domaine de la construction ne se rapportent pas à des besoins courants, un degré d’attention légèrement accru peut être attendu de leurs destinataires. Il ne suffit toutefois pas à exclure l’existence d’un risque de confusion (c. 2.3.2). Un risque de confusion direct entre les deux signes doit être admis. En effet, ces derniers, respectivement en tout cas leurs éléments caractéristiques essentiels « tecton » et « dekton » sont si semblables tant sur les plans visuel que sonore qu’ils sont susceptibles d’être confondus même par ceux qui feraient preuve d’un degré d’attention légèrement accru, par exemple en étant perçus comme résultant de simples fautes de frappe. Dans la mesure où des produits semblables sont offerts sous ces désignations, un risque de confusion est sans autre donné, de sorte que le signe le plus récent doit se voir dénier la protection à titre de marque (c. 2.3.3). Il y a similitude entre des services d’une part et des produits d’autre part lorsqu’il existe un lien commercialement usuel entre eux dans le sens où les deux sont typiquement offerts par les mêmes entreprises comme constituant un paquet de prestations unique (c. 2.3.4). Tel est le cas entre des matériaux de construction comme produits de la classe 19, d’une part, et des travaux de construction, de réparation et d’installation en tant que services de la classe 37, d’autre part. Le tout constitue en effet du point de vue de l’acheteur un paquet de prestations cohérent impliquant qu’une similitude soit admise au sens de l’art. 3 al. 1 lit. c LPM (c. 2.3.4.1-2.3.4.5). Selon l’art. 13 al. 1 LPM, le droit à la marque confère à son titulaire le droit exclusif de faire usage de la marque pour distinguer les produits enregistrés. Le titulaire peut, selon l’art. 13 al. 2 LPM ; interdire à des tiers l’usage d’un signe exclu de la protection en vertu de l’art. 3 al. 1 LPM. L’action en interdiction que le titulaire déduit de l’art. 13 al. 2 LPM découle de son enregistrement au registre des marques et vaut pour toute la Suisse (c. 3). Il en va de même pour la protection de la raison sociale d’une société commerciale (c. 4.4). Une prétention à la protection du nom, selon l’art. 29 al. 2 CC, suppose que le titulaire du nom soit lésé par l’usurpation qu’en fait un tiers. Tel est le cas lorsque cette dernière occasionne un risque de confusion ou de tromperie ou lorsqu’elle est de nature à susciter par une association d’idées dans l’esprit du public l’existence de liens en fait non avérés entre le titulaire du nom et celui qui l’usurpe. Le titulaire peut ainsi être lésé du fait que l’association d’idées suggère une relation qui n’existe pas, que le titulaire n’admet pas et qu’il est raisonnablement fondé à ne pas admettre. Il n’y a pas usurpation seulement en cas de reprise injustifiée de l’entier du nom d’un tiers, mais aussi de l’élément caractéristique essentiel de celui-ci, lorsqu’il en résulte un risque de confusion (c. 5.2). La portée matérielle et spatiale de la protection du nom se détermine en fonction d’utilisations concrètes de ce nom et de ses répercussions effectives. Comme la portée de la protection du nom dépend de l’activité effectivement déployée sur un certain territoire respectivement, pour ce qui est du risque de confusion, des contacts avec certains adressataires, elle ne peut être déterminée sur la seule base de l’enregistrement au registre du commerce. Si un extrait du registre du commerce est un fait notoire au sens de l’art. 151 CPC, il ne permet pas de déterminer si la société exerce bien aussi son activité statutaire au lieu de son siège. Pour admettre une violation du droit au nom, il convient de vérifier dans quelle mesure son titulaire l’utilisait sur le territoire concerné et est par conséquent lésé par l’usurpation dont il se plaint (c. 5.5). Le recours est partiellement admis. [NT]

29 avril 2020

TF, 29 avril 2020, 4A_335/2019 (d)

Usage de la marque, usage de la marque à des fins d’information, force distinctive, territorialité, territoire suisse, lien territorial, incidence commerciale, Internet, site Internet, géoblocage, géociblage, médias sociaux, adresse électronique, fonction technique, clause limitative de responsabilité, produits pharmaceutiques, recours partiellement admis ; art. 956 al.2 CO, art. 13 al. 2 LPM.

Relativement à l’utilisation d’un signe protégé sur Internet, le Tribunal fédéral n’a pas encore eu à se prononcer sur les conditions de droit matériel qui doivent être remplies sur le plan territorial pour qu’on puisse admettre l’existence d’une violation des droits sur ce signe en Suisse. En raison du principe de territorialité, une violation des droits de propriété intellectuelle en Suisse suppose l’existence d’un « lien territorial » avec la Suisse. La simple accessibilité d’une page Internet ne constitue pas en elle-même un usage juridiquement pertinent d’une marque dans un pays donné. Pour admettre un tel usage, il faut qu’il existe un rapport qualifié entre l’utilisation du signe et le pays concerné, et qu’elle soit couverte par le champ d’application d’un droit de propriété territorialement limité (c. 3.3.1). La question des conditions auxquelles on peut admettre l’existence d’un « lien territorial suffisant » se pose pour chaque juridiction, en raison de la nature globale d’Internet. C’est pourquoi l’OMPI et l’Union de Paris pour la protection de la propriété industrielle ont adopté en 2001 une « recommandation commune concernant la protection des marques, et autres droits de propriété industrielle relatifs à des signes, sur l’Internet » (ci-après recommandation commune). Bien qu’elle ne soit pas formellement juridiquement contraignante, cette recommandation doit être prise en compte comme aide à l’interprétation, en raison de la nature transfrontalière de la problématique et de la nécessité, pour la résoudre, d’une approche coordonnée au niveau international. Selon l’art. 2 de la recommandation commune, l’utilisation d’un signe sur Internet est assimilée à l’utilisation de ce signe dans un Etat membre si elle a des « incidences commerciales » dans cet Etat. L’art. 3 al. 1 dresse une liste non exhaustive d’éléments pouvant être pris en considération pour déterminer si tel est le cas, l’al. 2 précisant que ces facteurs ne constituent que des indications et que la conclusion dépendra des circonstances du cas d’espèce. Dans un cas concret, les effets de l’utilisation de la marque sur les intérêts économiques nationaux du titulaire du droit doivent être pris en compte. Pour apprécier si l’utilisation d’un signe sur Internet a un lien économique suffisant avec la Suisse, il faut avant tout mettre en balance les intérêts de l’utilisateur du signe et ceux du titulaire du droit de propriété national (c. 3.3.2). Comme le soulignent à juste titre les plaignantes, la recommandation commune trouve son origine dans une époque où toute utilisation de signes sur Internet était nécessairement mondiale et ne pouvait être fractionnée territorialement. Par conséquent, la recommandation ne tient pas compte de la possibilité, apparue depuis, de limitations géographiques de territoires sur Internet au moyen de mesures techniques. Aujourd’hui répandues, les mesures dites de géoblocage et de géociblage permettent de définir les zones géographiques dans lesquelles différents contenus sont mis à disposition sur Internet. Dans l’évaluation des « incidences commerciales » de l’utilisation d’un signe sur Internet, ces possibilités de restrictions d’accès doivent être prises en compte dans la nécessaire mise en balance des intérêts en jeu (c. 3.3.3). C’est ainsi à juste titre que l’instance précédente a considéré que la simple accessibilité en Suisse d’un contenu mis en ligne sur Internet est insuffisante pour admettre un usage en Suisse, mais elle s’est référée à la recommandation commune pour déterminer s’il y a en l’espèce eu un tel usage sans tenir compte de l’évolution technique qui s’est produite depuis, et de la nécessité qui en découle d’interpréter de manière large les critères de la recommandation commune (c. 3.3.4). Comme le font valoir à juste titre les recourantes, l’instance précédente a mal apprécié divers éléments, et on doit en l’espèce admettre, compte tenu des circonstances concrètes, que le domaine Internet « merck.com » présente un lien territorial suffisant avec la Suisse pour pouvoir admettre un usage du signe « Merck » en Suisse. Notamment, les défenderesses appartiennent à un important groupe pharmaceutique, actif au niveau mondial, et également présent en Suisse par certaines d’entre elles. Elles exercent incontestablement une activité opérationnelle en Suisse, dans le cadre du développement et de la distribution de produits pharmaceutiques et de produits connexes. Contrairement à ce qu’a considéré l’instance précédente, le fait que les produits soient commercialisés en Suisse sous un autre signe n’est pas déterminant, car ce qui importe est l’effet économique de l’utilisation du signe sur Internet. Le fait qu’aucun produit ne puisse être commandé en Suisse via le site « merck.com » n’est pas non plus déterminant. Par ailleurs, c’est à tort que l’instance précédente considère comme nécessaire pour qu’on puisse admettre un lien suffisant avec la Suisse que le site Internet en cause ait un lien plus intense avec la Suisse qu’avec d’autres pays. En outre, le fait que les défenderesses exploitent les sites « msd.com » et « msd.ch » ne s’oppose pas à l’admission d’un lien suffisant avec la Suisse de « merck.com » (c. 4.2). Il existe donc bien en l’espèce, par l’utilisation du site Internet « merck.com », une « incidence commerciale » suffisante sur la Suisse et, donc, un usage du signe en Suisse (c. 4.3). C’est également à tort que l’instance précédente a nié que les autres pages Internet comportant l’élément « merck » ont un lien suffisant avec la Suisse, en se référent notamment à ses considérations erronées concernant l’utilisation de « merck.com » sur le territoire suisse (c. 5.1). De même, ses considérations relatives à l’utilisation sur les médias sociaux reposent en grande partie sur les mêmes éléments erronés (c. 5.2). L’usage de la marque d’un tiers à des fins d’information n’est possible que lorsqu’il est effectué pour désigner l’offre de ce dernier. En l’espèce, l’utilisation par les défenderesses des signes « Merck » ou « Merck Manual » sur des présentoirs accrochés dans une salle de réception pour se désigner ou pour désigner leur groupe et leurs produits constitue, même dans l’hypothèse ou il avait pour but d’informer sur l’histoire du groupe, un usage tombant sous le coup des art. 13 al. 2 LPM et 956 al. 2 CO (c. 6.4.2.1). Il est courant pour les entreprises, comme pour d’autres organisations privées et publiques, d’utiliser des adresses électroniques qui contiennent leur propre signe. Par conséquent, l’utilisation par certaines des défenderesses de l’élément « @merck » dans leurs adresses électroniques ne revêt pas qu’une fonction purement technique, mais aussi une fonction distinctive. L’utilisateur moyen, confronté à une adresse du type « prénom.nom@merck.com », reconnaît que la personne qui l’utilise appartient au groupe « Merck » (c. 6.5.1). En droit des marques et en droit des sociétés, contrairement à ce qui prévaut en droit de la concurrence déloyale et dans le domaine du droit au nom, les clauses limitatives de responsabilité visant à clarifier l’origine commerciale ne peuvent créer une force distinctive suffisante (c. 7.2). Le recours est partiellement admis (c. 8). [SR]

04 décembre 2019

TF, 4 décembre 2019, ATF 146 III 89 (d)

sic! 2020, p. 366-369, « Rolex Kapillarimport » ; action en exécution, action en interdiction, intérêt digne de protection, contrefaçon, importation capillaire, faute, montre, Rolex, Internet, recours partiellement admis ; art. 13 al. 2bis LPM, art. 55 LPM.

Selon l’art. 13 al. 2bis LPM, le titulaire d’une marque peut interdire à des tiers de l’utiliser pour importer, exporter ou faire transiter des produits de fabrication industrielle même lorsque ces actes sont effectués à des fins privées (c. 4.1). Comme l’estime la doctrine dominante, les actions civiles de l’art. 55 LPM sont également ouvertes contre les actes visés par l’art. 13 al. 2bis LPM. L’importateur agissant à des fins privées (importations capillaires) peut être actionné même s’il n’a commis aucune faute (sauf dans les cas visés par l’art. 55 al. 2 LPM) (c. 8.1.3). L’action en interdiction de l’art. 55 al. 1 lit. a LPM présuppose l’existence d’un intérêt digne de protection, qui n’existe qu’en présence d’une menace de violation, supposant que le comportement du défendeur fasse sérieusement craindre une violation future. Tel peut notamment être le cas lorsque des violations similaires ont été commises dans le passé, ou lorsque le défendeur nie le caractère illicite des actes commis (c. 9.3.1). Selon l’instance précédente, rien ne permet d’établir que le défendeur avait l’intention d’importer en Suisse des montres « ROLEX » contrefaites, notamment parce que les montres étaient affichées sans marque sur Internet, et qu’il ne devait donc pas s’attendre à ce que des montres portant les marques verbales et figuratives en question lui soient livrées. En outre, il n’a pas contesté que l’importation de montres contrefaites constitue une violation du droit à la marque de la demanderesse. Selon l’instance précédente, rien n’indique donc qu’il risque de passer à l’avenir d’autres commandes de ce type (c. 9.3.2). Les constats de l’instance précédente ne sont pas arbitraires (c. 9.3.5), et l’absence d’un intérêt digne de protection concernant la demande en interdiction d’une violation imminente n’est pas contestable (c. 9.3.7). Le recours est partiellement admis (c. 10). [SR]

09 juillet 2010

HG ZH, 9 juillet 2010, HG080097 (d)

sic! 1/2011, p. 39-42, « Wunder-Baum » ; action, action en fourniture de renseignements, marque tridimensionnelle, désodorisant, arbre, signe appartenant au domaine public, marque imposée, presse, risque de récidive, droits conférés par la marque, confiscation, destruction, dommage, contrat de licence ; art. 42 al. 2 CO, art. 13 al. 2 lit. b et e LPM, art. 55 al. 1 lit. a, b et c LPM, art. 57 LPM.

Dans le domaine des désodorisants, la forme d'arbre de la marque tridimensionnelle « Wunder-Baum » de la demanderesse est originale et, même si elle devait être qualifiée de signe appartenant au domaine public (ce qui n'est pas le cas), elle devrait être considérée comme s'étant imposée comme marque pour les désodorisants concernés (c. V.2.1). Bien que les défenderesses se soient engagées à ne pas renouveler l'envoi (dans un magazine publicitaire) de désodorisants en forme d'arbre, elles n'ont pas reconnu l'illicéité de l'envoi déjà effectué; il existe dès lors un risque de récidive, qui rend une violation du droit à la marque (art. 13 al. 2 lit. b et e LPM) imminente au sens de l'art. 55 al. 1 lit. a LPM (c. V.3). La confiscation et la destruction (art. 57 LPM, en lien avec l'art. 55 al. 1 lit. b LPM) des magazines restants suite à l'envoi déjà effectué par les défenderesses n'est pas nécessaire vu leur nombre restreint et le fait que l'ancienne raison sociale de l'une des défenderesses figure sur les désodorisants en forme d'arbre qu'ils contiennent (c. V.4). L'action en fourniture de renseignements (art. 55 al. 1 lit. c LPM) ne permet d'obtenir d'un défendeur des renseignements qu'au sujet de son fournisseur direct (c. V.5). Le montant du dommage subi par la demanderesse ne peut pas résulter de pures suppositions sur un hypothétique développement futur, mais doit se fonder sur une comparaison concrète entre la valeur de la marque avant et après sa violation (c. V.6.4.2). Dans la détermination du montant du dommage (art. 42 al. 2 CO) par analogie avec une licence, le pourcentage (15 ) du chiffre d'affaires net perçu par la demanderesse dans un contrat de licence existant ne doit pas être appliqué au prix de vente net pratiqué par le preneur de licence de ce contrat, mais au prix de vente net pratiqué par la défenderesse (c. V.6.4.3).

Fig. 156 – Wunder-Baum(3D)
Fig. 156 – Wunder-Baum(3D)

10 décembre 2013

OG AR, 10 décembre 2013, D2Z 12 2 (d)

sic! 10/2014, p. 632-634, « Axxeva / Adexxa » ; droits conférés par la marque, droit absolu, raison de commerce, but social, droit de la personnalité, concurrence déloyale, risque de confusion admis, principe de la spécialité, similarité des produits ou services, jugement partiel, action échelonnée, nom de domaine, clientèle, placement de personnel, marque verbale, mesures provisionnelles ; art. 956 al. 2 CO, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 13 al. 1 LPM, art. 13 al. 2 lit. c LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM, art. 55 al. 1 lit. a LPM, art. 55 al. 1 lit. b LPM, art. 85 CPC.

La plaignante, « Axxeva Services AG », qui a pour but d’opérer du placement de personnel, de la location de services et de fournir des services commerciaux, est titulaire de la marque verbale « Axxeva », enregistrée dans les classes 35, 41 et 42. Elle reproche notamment à la défenderesse, qui a temporairement utilisé la raison de commerce « Adexxa Services AG » et a des buts sociaux similaires, une atteinte à sa marque et à sa raison de commerce. La défenderesse a expressément reconnu qu’il existe un risque de confusion entre les deux raisons de commerce. En outre, le juge unique de l’Obergericht AR a octroyé des mesures provisionnelles à la plaignante, fondées sur le droit des marques (ERZ 12 58). Comme la notion de risque de confusion s’apprécie de manière similaire dans les différents domaines du droit des signes distinctifs, et du fait de la concession opérée par la défenderesse, le tribunal se limite, quant à l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion entre les signes « AXXEVA » et « ADEXXA », à renvoyer aux considérants du jugement rendu en matière de mesures provisionnelles, desquels il découle que l’existence d’un risque de confusion entre les deux raisons de commerce est manifeste. L’action en cessation fondée sur l’art. 956 al. 2 CO est admise et le tribunal interdit à la défenderesse d’utiliser la raison de commerce « Adexxa Services AG » en Suisse (c. 2.1). Les droits exclusifs conférés par l’art. 13 LPM incluent l’emploi de la marque en tant que nom, raison de commerce, enseigne, dénomination commerciale ou nom de domaine. En se référant aux considérants du jugement précité, le tribunal admet qu’il existe un risque de confusion entre la marque enregistrée « AXXEVA » et le signe « ADDEXA » utilisé par la défenderesse. Les demandes fondées sur l’art. 55 al. 1 lit. a et b LPM sont admises (c. 2.2). Par contre, la demanderesse ne peut exiger qu’il soit interdit à la défenderesse d’utiliser des noms de domaines de manière générale. L’utilisation d’un nom de domaine ne peut être interdite qu’en relation avec les biens et services pour lesquels la marque est protégée (c. 2.3). L’action échelonnée suppose l’existence d’une prétention de droit matériel en fourniture de renseignements, qui existe en l’espèce (c. 2.5). [SR]

11 juillet 2016

TF, 11 juillet 2016, 4A_406/2015 (d)

Droit des marques, action en interdiction, amende d’ordre, insoumission à une décision de l’autorité, recours en matière civile, usage à titre de marque, exécution de jugement, précision des conclusions, mesures provisionnelles, mesures superprovisionnelles ; art. 98 LTF, art. 13 al. 2 LPM, art. 13 al. 2 lit. c LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM, art. 261 al. 1 lit. a CPC, art. 265 al. 1 CPC, art. 267 CPC, art. 268 al. 1 CPC, art. 343 al. 1 lit. a CPC, art. 343 al. 1 lit. c CPC, art. 292 CP.

Un recours contre une amende d’ordre prononcée pour insoumission à une décision de l’autorité est un recours en matière civile (c. 1.2). À la différence de l’interdiction provisoire prononcée dans le cadre de mesures provisionnelles suivant des mesures superprovisionnelles, l’amende d’ordre qui l’accompagne n’est en elle-même pas ordonnée à titre provisoire et ne constitue ainsi pas une décision portant sur une mesure provisionnelle au sens de l’art. 98 LTF (c. 1.4). Concernant l’exécution des jugements, en matière de mesures provisionnelles, l’art. 267 CPC prévoit que le tribunal qui a ordonné ces mesures prend également les dispositions d’exécution qui s’imposent. C’est ce qu’a fait le jugement de mesures provisionnelles dans le point du dispositif contre lequel s’élève le recours qui condamne le recourant à une amende d’ordre de Fr. 48'000.- pour ne pas avoir respecté pendant 48 jours les mesures superprovisionnelles confirmées par le jugement, assorties d’une menace de la peine prévue à l’art. 292 CP et prévoyant une amende d’ordre de Fr. 1'000.- pour chaque jour d’inexécution (c. 3). L’amende d’ordre de l’art. 343 al. 1 lit. c CPC permet en particulier de garantir l’exécution d’une interdiction d’agir, notamment dans les cas où l’interdiction ordonnée a pour conséquence que la partie condamnée est tenue d’abandonner un comportement illicite durable. En lien avec des mesures provisionnelles, et en particulier avec une interdiction superprovisoire, il convient en outre de tenir compte du fait que celles-ci (jusqu’à leur modification ou leur suppression) doivent être respectées, même si elles devaient par la suite s’avérer injustifiées. Même après qu’un jugement au fond a tranché autrement, une amende d’ordre peut être ordonnée pour le comportement intervenu dans l’intervalle en violation du jugement provisoire levé par la suite (c. 5.2). Les actions en interdiction doivent viser un comportement décrit de manière précise. La partie obligée doit ainsi savoir ce qu’elle n’ose plus faire et les autorités pénales ou d’exécution doivent également savoir quels actes elles doivent empêcher ou auxquels elles doivent infliger une peine. Lorsqu’elles sont saisies, ces autorités doivent uniquement examiner si la condition de fait (du renouvellement d’un comportement interdit par le juge civil) est remplie. Elles n’ont par contre pas à qualifier juridiquement ce comportement. Cela est vrai aussi lorsque l’interdiction a été prononcée dans le cadre de mesures superprovisionnelles sans l’audition de la partie adverse selon l’art. 265 al. 1 CPC. Dans ce cas toutefois, le tribunal doit être particulièrement attentif à la formulation de l’interdiction du moment que la partie adverse est privée tant de la possibilité de s’exprimer préalablement que de voies de droit contre le jugement rendu. L’interdiction provisoire doit ainsi être formulée de manière à ce qu’aucune question de droit matériel n’ait à être tranchée dans le cadre de la procédure d’exécution. Le requérant des mesures superprovisionnelles doit donc décrire de manière très concrète le comportement qui le menace et dont il souhaite obtenir l’interdiction au sens de l’art. 261 al. 1 lit. a CPC. Si les circonstances changent et que la partie adverse modifie sa manière de porter atteinte aux droits du requérant, les mesures provisionnelles peuvent être modifiées selon l’art. 268 al. 1 CPC (c. 5.3). La question de savoir si la publication sur Facebook d’une seule photo illustrant entre autres un coureur automobile dont le maillot arbore le sigle dont l’utilisation a été interdite, constitue une utilisation illicite dans les affaires au sens de l’ordonnance de mesures provisionnelles et une violation du droit des marques et de la concurrence, aurait dû être tranchée dans le cadre de la procédure de jugement civile. La portée de l’ordonnance de mesures superprovisionnelles n’est ainsi pas limitée de façon suffisamment précise, la formulation de l’art. 13 al. 2 LPM ne permettant pas de déterminer quel comportement concret constituerait dans le cas particulier une violation du droit à la marque et quel autre pas, ainsi que le démontre l’énumération des lit. c et e par exemple. Il ne ressort pas de l’ordonnance de mesures superprovisionnelles que toute publication du logo sur le profil Facebook de la recourante devrait être interdite sans exception et indépendamment de son contexte (photo souvenir de la cérémonie de remise des honneurs d’une course automobile). L’ordonnance en question ne suffit donc pas à fonder l’amende d’ordre querellée (c. 5.4). L’utilisation du logo sur le compte Instagram de la recourante constitue, elle, une violation de l’interdiction prononcée dans le cadre de l’ordonnance de mesures superprovisionnelles. Bien que la modification de son compte Instagram pour en supprimer le logo aurait impliqué un comportement actif de la part de la recourante, l’obligation d’opter pour un tel comportement peut également découler d’une ordonnance d’interdiction dans la mesure où, comme en l’espèce, elle résulte clairement des circonstances (c. 5.5). Lorsque l’ordonnance d’interdiction a été partiellement respectée et que le comportement incriminé ne s’est poursuivi que « de manière mineure » et par négligence, le montant de l’amende ne saurait être maximal et atteindre les Fr. 1'000.- par jour prévus par l’art. 343 al. 1 lit. c CPC (c. 6). Le recours est partiellement admis. [NT]

13 mars 2008

KG ZG, 13 mars 2008, A3200730 (d)

sic! 1/2009, p. 32-33 (rés.), « Swissolar (fig.) / e-swissolar GmbH » ; motifs relatifs d’exclusion, signes similaires, Swissolar, e-swissolar GmbH, solaire, énergie, information, conseil, formation, recherche scientifique, assurance qualité, placement, participation, centrale solaire, Grèce, force distinctive faible, similarité des produits ou services, droits conférés par la marque, droit absolu, raison sociale, risque de confusion, droit au nom, usurpation, concurrence déloyale ; art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM.

En cas de risque de confusion (art. 3 al. 1 lit. c LPM), seul peut être interdit l’usage d’un signe effectivement utilisé, mais en principe pas l’usage de l’un de ses éléments. Il n’existe en effet pas de risque de confusion si un signe est utilisé dans un autre contexte et qu’il n’a qu’une faible force distinctive (c. 2). L’art. 13 al. 2 lit. e LPM permet au titulaire d’un marque d’interdire à des tiers d’utiliser un signe similaire à titre de raison sociale pour offrir des produits ou des services similaires (c. 4.1). Dans la raison sociale « e-swissolar GmbH », l’élément « swissolar » constitue l’élément marquant,malgré l’adjonction du préfixe « e- » et la présence de l’abréviation « GmbH ».D’un point de vue sonore, visuel et sémantique, la raison sociale « e-swissolar GmbH » est très similaire à la marque « Swissolar (fig.) ». Bien que « Swissolar » soit un signe faible, la raison sociale « e-swissolar GmbH » doit être considérée comme similaire à la marque « Swissolar (fig.) », ce d’autant que le public visé n’est pas uniquement composé de spécialistes. Un risque de confusion (art. 3 al. 1 lit. c LPM) ne peut donc être écarté que si les prestations des parties se distinguent suffisamment les unes des autres (c. 4.2). La sensibilisation, l’information, le conseil, la formation (continue), la recherche et l’assurance qualité dans le domaine de l’énergie solaire en Suisse, d’une part, et le placement dans des participations au capital de centrales solaires en Europe du sud-est (qui s’adresse donc en priorité à des investisseurs), d’autre part, ne constituent pas des services similaires au sens de l’art. 3 al. 1 lit. c LPM, même s’ils ont le même but final de promouvoir l’énergie solaire. En l’espèce, les activités de la filiale grecque de « e-swissolar GmbH » (« e-greeksolar Ltd. ») n’entrent pas en considération. Un risque de confusion au sens de l’art. 3 al. 1 lit. c LPM est ainsi exclu (c. 4.3). Un cas isolé de confusion effective n’y change rien, car des erreurs dues à l’inattention sont toujours possibles, même en l’absence de risque de confusion (c. 4.3 in fine). Il n’existe pas non plus de risque de confusion ni d’usurpation sous l’angle du droit au nom (c. 5). Il n’y a enfin pas de risque de confusion sous l’angle de la LCD (c. 6).

Swissolar (fig.)
Swissolar (fig.)

04 mai 2009

KG GR, 4 mai 2009, ZFE 08 3 (d)

sic! 1/2010, p. 34-40, « stmoritz.com » ; motifs relatifs d’exclusion, signes similaires, nom géographique, nom de domaine, stmoritz.com, Suisse, force distinctive, droit au nom, risque de confusion, for, droit applicable ; art. 29 al. 2 CC, art. 3 al. 1 LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM, art. 129 al. 1 LDIP, art. 133 al. 2 LDIP.

Il suffit qu'un nom de domaine soit utilisé pour désigner un site Internet consultable, conformément à sa destination, depuis la Suisse pour fonder la compétence territoriale des tribunaux du lieu de résultat en Suisse. Comme le résultat se produit en Suisse, le droit suisse est applicable. Du fait de l'attente qu'il suscite chez l'internaute quant à l'offre d'informations, de services ou de marchandises sur le site qu'il désigne, un nom de domaine est, en tant que signe distinctif, comparable à un nom, une raison de commerce ou une marque. Sa fonction distinctive a pour conséquence qu'il doit se différencier suffisamment des signes distinctifs protégés appartenant à des tiers pour éviter tout risque de confusion. Le contenu du site Internet consultable sous le nom de domaine litigieux n'est pas de nature à exclure un éventuel risque de confusion, de même que les éléments techniques nécessaires à l'adressage sur Internet. La reprise du nom d'une commune sans aucune adjonction est de nature à provoquer un risque de confusion très élevé. L'utilisation pure du nom d'un État ou d'une commune comme nom de domaine suscite chez l'internaute l'attente d'une offre émanant de la collectivité publique en question.

14 octobre 2008

TF, 14 octobre 2008, 4A_253/2008 (f)

sic! 4/2009, p. 268-273, « Gallup » (Schlosser Ralph, Remarque) ; usage de la marque, Suisse, Allemagne, décision étrangère, livre, titre, contenu immatériel, usage à titre de marque, preuve, enregistrement en faveur d’un utilisateur autorisé, contrat, traitement national, nom commercial, raison de commerce, droit au nom, usurpation, concurrence déloyale, droits conférés par la marque, nom de domaine, gallup.ch ; art. 2 CUP, art. 8 CUP, art. 5 ch. 1 Conv. CH-D (1892), art. 29 al. 2 CC, art. 4 LPM, art. 11 al. 1 LPM, art. 12 al. 1 et 3 LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM.

L'art. 5 ch. 1 Conv. CH-D (1892) permet de tenir compte de l'usage fait sur le territoire des deux États afin de déterminer si une marque est utilisée pendant une période de cinq ans au sens de l'art. 12 al. 1 LPM. La notion d'usage est celle du droit suisse, même si la marque a été utilisée en Allemagne. Le fait qu'un tribunal allemand ait admis un usage selon le droit allemand n'est donc pas déterminant (c. 2.1). La référence à une marque dans le contenu et/ou dans le titre de livres ne constitue pas une utilisation de cette marque comme signe distinctif au sens de l'art. 11 al. 1 LPM (c. 2.2). Afin de rendre vraisemblable le défaut d'usage (art. 12 al. 3 LPM), il convient de démontrer la production de pièces ou la réquisition de l'administration de moyens de preuve à ce sujet (c. 4.1; critiqué par SCHLOSSER [ch. 3]). Le motif d'exclusion prévu par l'art. 4 LPM ne s'applique que s'il existe un contrat entre le véritable titulaire et l'usurpateur; tel n'est pas le cas en l'espèce (c. 4.2). En vertu du principe du traitement national (art. 2 CUP), le nom commercial (art. 8 CUP) d'une entreprise qui n'est pas inscrite au registre du commerce suisse n'est protégé qu'en cas d'atteinte au droit au nom (art. 29 al. 2 CC) ou d'acte de concurrence déloyale (c. 5.1). Les collisions entre droit au nom ou à la raison de commerce, d'une part, et droit des marques et de la concurrence déloyale, d'autre part, doivent être résolues dans le cadre d'une pesée des intérêts (c. 5.2). En l'espèce, le nom de la recourante n'est pas usurpé par les marques de l'intimée (c. 5.3). La recourante n'ayant pas en Suisse le droit exclusif à la marque Gallup, elle ne peut pas obtenir la radiation du nom de domaine gallup.ch sur la base de l'art. 13 al. 2 lit. e LPM (c. 6).

09 juillet 2010

HG ZH, 9 juillet 2010, HG080097 (d)

sic! 1/2011, p. 39-42, « Wunder-Baum » ; action, action en fourniture de renseignements, marque tridimensionnelle, désodorisant, arbre, signe appartenant au domaine public, marque imposée, presse, risque de récidive, droits conférés par la marque, confiscation, destruction, dommage, contrat de licence ; art. 42 al. 2 CO, art. 13 al. 2 lit. b et e LPM, art. 55 al. 1 lit. a, b et c LPM, art. 57 LPM.

Dans le domaine des désodorisants, la forme d'arbre de la marque tridimensionnelle « Wunder-Baum » de la demanderesse est originale et, même si elle devait être qualifiée de signe appartenant au domaine public (ce qui n'est pas le cas), elle devrait être considérée comme s'étant imposée comme marque pour les désodorisants concernés (c. V.2.1). Bien que les défenderesses se soient engagées à ne pas renouveler l'envoi (dans un magazine publicitaire) de désodorisants en forme d'arbre, elles n'ont pas reconnu l'illicéité de l'envoi déjà effectué; il existe dès lors un risque de récidive, qui rend une violation du droit à la marque (art. 13 al. 2 lit. b et e LPM) imminente au sens de l'art. 55 al. 1 lit. a LPM (c. V.3). La confiscation et la destruction (art. 57 LPM, en lien avec l'art. 55 al. 1 lit. b LPM) des magazines restants suite à l'envoi déjà effectué par les défenderesses n'est pas nécessaire vu leur nombre restreint et le fait que l'ancienne raison sociale de l'une des défenderesses figure sur les désodorisants en forme d'arbre qu'ils contiennent (c. V.4). L'action en fourniture de renseignements (art. 55 al. 1 lit. c LPM) ne permet d'obtenir d'un défendeur des renseignements qu'au sujet de son fournisseur direct (c. V.5). Le montant du dommage subi par la demanderesse ne peut pas résulter de pures suppositions sur un hypothétique développement futur, mais doit se fonder sur une comparaison concrète entre la valeur de la marque avant et après sa violation (c. V.6.4.2). Dans la détermination du montant du dommage (art. 42 al. 2 CO) par analogie avec une licence, le pourcentage (15 ) du chiffre d'affaires net perçu par la demanderesse dans un contrat de licence existant ne doit pas être appliqué au prix de vente net pratiqué par le preneur de licence de ce contrat, mais au prix de vente net pratiqué par la défenderesse (c. V.6.4.3).

Fig. 156 – Wunder-Baum(3D)
Fig. 156 – Wunder-Baum(3D)

18 décembre 2014

HG ZH, 18 décembre 2014, HG140055 (d)

ZR 114/2015, p. 69-71 ; sic! 10/2015, p. 593-595, « Unirenova II » ; motifs relatifs d’exclusion, risque de confusion admis, droits conférés par la marque, usage de la marque, inscription au registre du commerce, reprise d’une marque antérieure, similarité des produits ou services, similarité des signes, marque verbale, marque combinée, force distinctive forte, force distinctive faible, cercle des destinataires pertinent, immobilier, construction, concurrence déloyale ; art. 954a al. 1 CO, art. 13 al. 1 LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM, art. 55 al. 1 lit. a LPM, art. 55 al. 1 lit. b LPM, art. 2 LCD, art. 3 al. 1 lit. d LCD, art. 9 al. 1 lit. a LCD, art. 9 al. 1 lit. b LCD ; cf. N 894 (HG ZH, 7 mars 2014, HG 130059 ; sic! 4/2015, p. 250-254, « Unirenova / Unirenova Bau AG »).

L’inscription au registre du commerce constitue déjà un usage dans les affaires au sens de l’art. 13 al. 2 lit. e LPM, car l’art. 954a al. 1 CO impose au titulaire d’une raison de commerce de l’utiliser (c. 2.2). Le signe de la défenderesse reprend celui de la demanderesse en y ajoutant l’élément « Holzbau ». Le signe repris « Unirenova » possède une forte force distinctive. L’élément ajouté possède une faible force distinctive. Considérés ensemble, les deux signes sont donc très semblables. Les marques verbales et combinées de la demanderesse sont enregistrées en classes 35 à 37, 42 et 45. Elles comprennent notamment les domaines de la construction, des réparations et des travaux d’installation dans le domaine immobilier. Les prestations offertes par la demanderesse couvrent notamment le développement, la réalisation et l’exploitation de biens immobiliers et projets de construction de tous types ainsi que la conception et la mise en œuvre de constructions et rénovations, en particulier en tant qu’entrepreneur général pour le compte de tiers. Le but principal de la défenderesse consiste en la prise en charge de travaux de charpenterie et de menuiserie, l’installation de cuisines, portes, fenêtres et escaliers, ainsi que la production de placards sur mesure. Les prestations offertes par les deux parties sont similaires, et il existe donc un grand risque de confusion chez les destinataires pertinents. Ainsi, par l’inscription et l’utilisation de sa raison de commerce, la défenderesse viole le droit exclusif de la demanderesse de faire usage de sa marque pour désigner ses commerces et ses services (c. 2.3). Le tribunal interdit par conséquent à la défenderesse d’utiliser en Suisse le signe de la demanderesse en relation avec des services relatifs au bâtiment, isolément ou en combinaison avec d’autres signes, comme raison de commerce, sur des papiers à en-tête, dans sa publicité ou de toute autre manière dans les affaires (c. 2.4.3). Il lui est en outre ordonné de faire radier sa raison de commerce du registre du commerce cantonal (c. 2.5.4). Par ses agissements, la défenderesse crée aussi un risque de confusion au sens de l’art. 3 al. 1 lit. d LCD (c. 3.2). L’action de la demanderesse doit donc être admise aussi sur ce point (c. 3.3). [SR]

10 décembre 2013

OG AR, 10 décembre 2013, D2Z 12 2 (d)

sic! 10/2014, p. 632-634, « Axxeva / Adexxa » ; droits conférés par la marque, droit absolu, raison de commerce, but social, droit de la personnalité, concurrence déloyale, risque de confusion admis, principe de la spécialité, similarité des produits ou services, jugement partiel, action échelonnée, nom de domaine, clientèle, placement de personnel, marque verbale, mesures provisionnelles ; art. 956 al. 2 CO, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 13 al. 1 LPM, art. 13 al. 2 lit. c LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM, art. 55 al. 1 lit. a LPM, art. 55 al. 1 lit. b LPM, art. 85 CPC.

La plaignante, « Axxeva Services AG », qui a pour but d’opérer du placement de personnel, de la location de services et de fournir des services commerciaux, est titulaire de la marque verbale « Axxeva », enregistrée dans les classes 35, 41 et 42. Elle reproche notamment à la défenderesse, qui a temporairement utilisé la raison de commerce « Adexxa Services AG » et a des buts sociaux similaires, une atteinte à sa marque et à sa raison de commerce. La défenderesse a expressément reconnu qu’il existe un risque de confusion entre les deux raisons de commerce. En outre, le juge unique de l’Obergericht AR a octroyé des mesures provisionnelles à la plaignante, fondées sur le droit des marques (ERZ 12 58). Comme la notion de risque de confusion s’apprécie de manière similaire dans les différents domaines du droit des signes distinctifs, et du fait de la concession opérée par la défenderesse, le tribunal se limite, quant à l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion entre les signes « AXXEVA » et « ADEXXA », à renvoyer aux considérants du jugement rendu en matière de mesures provisionnelles, desquels il découle que l’existence d’un risque de confusion entre les deux raisons de commerce est manifeste. L’action en cessation fondée sur l’art. 956 al. 2 CO est admise et le tribunal interdit à la défenderesse d’utiliser la raison de commerce « Adexxa Services AG » en Suisse (c. 2.1). Les droits exclusifs conférés par l’art. 13 LPM incluent l’emploi de la marque en tant que nom, raison de commerce, enseigne, dénomination commerciale ou nom de domaine. En se référant aux considérants du jugement précité, le tribunal admet qu’il existe un risque de confusion entre la marque enregistrée « AXXEVA » et le signe « ADDEXA » utilisé par la défenderesse. Les demandes fondées sur l’art. 55 al. 1 lit. a et b LPM sont admises (c. 2.2). Par contre, la demanderesse ne peut exiger qu’il soit interdit à la défenderesse d’utiliser des noms de domaines de manière générale. L’utilisation d’un nom de domaine ne peut être interdite qu’en relation avec les biens et services pour lesquels la marque est protégée (c. 2.3). L’action échelonnée suppose l’existence d’une prétention de droit matériel en fourniture de renseignements, qui existe en l’espèce (c. 2.5). [SR]

07 mars 2014

HG ZH, 7 mars 2014, HG130059 (d)

sic 4/2015, p. 250-254, « Unirenova / Unirenova Bau AG » ; droits conférés par la marque, droit absolu, reprise d’une marque antérieure, raison de commerce, registre du commerce, risque de confusion admis, similarité des signes, marque verbale, marque combinée, cercle des destinataires pertinent, principe de la proportionnalité, liquidation forcée, mesures de contrainte, mesures d’exécution, but social, immobilier, construction, concurrence déloyale ; art. 944 CO, art. 954a al. 1 CO, art. 13 al. 2 lit. e LPM, art. 55 al. 1 lit. a LPM, art. 55 al. 1 lit. b LPM, art. 236 al. 3 CPC, art. 343 al. 1 lit. d CPC ; cf. N 863 (HG ZH, 18 décembre 2014, HG 140055 ; sic! 10/2015, p. 593- 595, « Unirenova II »).

L’art. 954a al. 1 CO imposant au titulaire d’une raison de commerce de l’utiliser, l’inscription d’une raison de commerce au registre du commerce constitue déjà un usage dans les affaires au sens de l’art. 13 al. 2 lit. e LPM (c. 3.3.2). Il existe un risque de confusion chez les destinataires pertinents entre les deux signes en cause, qui sont presque identiques. Les droits conférés à la plaignante par les marques verbale et combinée qu’elle a déposées en classes 36 et 37 couvrent partiellement le but social de la défenderesse. Le but principal de la défenderesse, à savoir l’exécution de travaux de constructions et de transformations, de rénovations et la conduite de travaux, est identique à celui de la défenderesse (c. 3.4.1). Il existe donc une atteinte aux droits absolus de la plaignante au sens de l’art. 13 al. 2 lit. e LPM (c. 3.4.2). Il est par conséquent fait interdiction à la défenderesse d’utiliser en Suisse le signe « Unirenova » en relation avec des services relatifs au bâtiment, isolément ou en combinaison avec d’autres signes, comme raison de commerce, sur des papiers à en-tête, dans sa publicité ou de toute autre manière dans les affaires (c. 3.5.2). La demanderesse requiert la suppression de l’élément « Unirenova » de la raison de commerce de la défenderesse. Comme il est douteux que la raison « Bau AG » remplisse les conditions posées par l’art. 944CO, il se justifie d’ordonner, à titre de mesure d’exécution, la radiation de l’ensemble de la raison de commerce. Cette mesure apparaît conforme au principe de la proportionnalité (c. 3.6.2). Le tribunal ordonne par conséquent à la défenderesse de faire radier sa raison de commerce du registre du commerce (c. 3.6.3). En raison du comportement qu’elle a adopté durant la procédure, le tribunal considère qu’il faut s’attendre à ce qu’elle ne respecte pas ses injonctions (c. 5.3.1). Il la menace par conséquent de faire procéder à sa liquidation forcée si elle ne donne pas suite dans les délais à l’obligation judiciaire de modifier sa raison de commerce. L’art. 343 al. 1 lit. d CPC prévoit expressément deux mesures de contrainte, mais il se déduit de la formulation « telle que» que d’autres mesures peuvent être adoptées. La mesure choisie respecte le principe de la proportionnalité (c.5.3.2). Lorsque le tribunal ordonne des mesures d’exécution sur requête de la partie qui a obtenu gain de cause, au sens de l’art. 236 al. 3 CPC, il décide librement des mesures à ordonner, en respectant le principe de la proportionnalité et sans être lié par les demandes qu’elle a formulées (c. 5.3.3). [SR]

25 avril 2014

HG ZH, 25 avril 2014, HG130195 (d)

ZR 114/2015, p. 66-69 ; droits conférés par la marque, droit absolu, risque de confusion admis, concurrence déloyale, similarité des produits ou services, similarité des signes, force distinctive faible, flèche, ruban, banque, services financiers, marque verbale, marque figurative, logo, lettre ; art. 13 al. 2 lit. e LPM, art. 55 al. 1 lit. a LPM, art. 3 al. 1 lit. d LCD, art. 9 al. 1 lit. a LCD.

La plaignante, Rothschild Bank AG, est titulaire de la marque verbale « ROTHSCHILD » et d’une marque figurative représentant cinq flèches orientées vers le bas et reliées par un ruban, enregistrées en classes 35 et 36, qui comprennent la tenue d’affaires et la fourniture de services financiers. La demanderesse utilise en outre le signe « R », non déposé, comme logo dans ses affaires. Le défendeur utilise la marque figurative sous forme stylisée, et se sert de la marque « ROTHSCHILD » et des logos utilisés par la demanderesse dans sa correspondance commerciale et sur des cartes de visite. Il utilise également la marque « ROTHSCHILD » dans plusieurs dénominations d’entreprises. Les noms utilisés montrent qu’il cherche à s’établir dans le secteur de la finance, dans le même domaine que celui dans lequel la plaignante est active en tant que banque. Ces noms sont similaires à la marque de la plaignante, car la dénomination « ROTHSCHILD », qu’on retrouve dans ces dénominations, est centrale. Les éléments ajoutés, tels que « International », « Bank » ou « Group », sont des concepts communs, à faible force distinctive. Le logo utilisé par le défendeur ne constitue qu’une forme stylisée de la marque figurative de la demanderesse et ne s’en distingue que très peu. Par ses agissements, le défendeur crée un risque de confusion manifeste et viole le droit exclusif de la demanderesse de faire usage de ses marques pour désigner ses affaires et ses services financiers (c. 2.4). Il lui est dès lors interdit d’utiliser ces signes dans les affaires, isolément ou en les combinant, en particulier pour la promotion, l’offre ou la diffusion de services financiers (c. 2.5). L’interdiction repose aussi sur l’art. 3 lit. d LCD, les actes du défendeur créant un risque de confusion au sens de cette disposition (c. 3.2 et 3.3). [SR]

ROTHSCHILD (fig.)
ROTHSCHILD (fig.)

02 mars 2015

HG ZH, 2 mars 2015, HG140169 (d)

Droits conférés par la marque, droit absolu, usage de la marque, risque de confusion admis, registre du commerce, raison de commerce, reprise d’une marque antérieure, similarité des produits ou services, similarité des signes, marque verbale, marque combinée, force distinctive forte, force distinctive faible, cercle des destinataires pertinent, immobilier, construction, concurrence déloyale ; art. 954a al. 1 CO, art. 13 al. 1 LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM, art. 55 al. 1 lit. a LPM, art. 55 al. 1 lit. b LPM, art. 2 LCD, art. 3 al. 1 lit. d LCD, art. 9 al. 1 lit. a LCD, art. 9 al. 1 lit. b LCD.

L’inscription au registre du commerce constitue déjà un usage dans les affaires au sens de l’art. 13 al. 2 lit. e LPM, car l’art. 954a al. 1 CO impose au titulaire d’une raison de commerce de l’utiliser (c. 4.1.2). Le signe de la défenderesse reprend celui de la demanderesse en y ajoutant un élément. Le signe repris possède une forte force distinctive. L’élément ajouté, qui est une abréviation usuelle dans le domaine technique ou technologique, possède une faible force distinctive. Considérés ensemble, les deux signes sont donc très semblables, et on peut craindre des confusions chez le public (c. 4.2.3). Les marques verbales et combinées de la demanderesse sont enregistrées en classes 35 à 37, 42 et 45. Les prestations offertes par la demanderesse couvrent notamment le développement, la réalisation et l’exploitation de biens immobiliers et projets de construction de tous types ainsi que la conception et la mise en œuvre de constructions et rénovations, en particulier en tant qu’entrepreneur général pour le compte de tiers. Le but principal de la défenderesse consiste en la planification et la réalisation d’installations techniques du bâtiment comme entrepreneur général. Les prestations offertes par les deux parties sont similaires, et il existe donc un grand risque de confusion chez les destinataires pertinents (c. 4.2.4). Ainsi, par l’inscription et l’utilisation de sa raison de commerce, la défenderesse viole le droit exclusif de la demanderesse de faire usage de sa marque pour désigner ses commerces et ses services (c. 4.2.5). Le tribunal interdit par conséquent à la défenderesse d’utiliser en Suisse le signe de la demanderesse en relation avec des services relatifs au bâtiment, isolément ou en combinaison avec d’autres signes, comme raison de commerce, sur des papiers à en-tête, dans sa publicité ou de toute autre manière dans les affaires (c. 4.3.4). Il lui est en outre ordonné de faire radier sa raison de commerce du registre du commerce cantonal (c. 4.4.4). Par ses agissements, la défenderesse crée aussi un risque de confusion au sens de l’art. 3 lit. d LCD (c. 5.2.1). L’action de la demanderesse doit donc être admise sur ce point également (c. 5.2.2). [SR]

CO (RS 220)

- Art. 954a

-- al. 1

LCD (RS 241)

- Art. 3

-- al. 1 lit. d

- Art. 9

-- al. 1 lit. b

-- al. 1 lit. a

- Art. 2

LPM (RS 232.11)

- Art. 55

-- al. 1 lit. b

-- al. 1 lit. a

- Art. 13

-- al. 2 lit. e

-- al. 1

25 août 2015

TF, 25 août 2015, 4A_123/2015 (d)

sic! 1/2016, p. 16-19, « Mipa Lacke + Farben AG / MIPA Baumatec AG » ; droits conférés par la marque, droit absolu, raison de commerce, risque de confusion admis, risque de confusion indirect, recours, force distinctive, identité des produits ou services, similarité des signes, signe fantaisiste, signe descriptif, acronyme, marque internationale, marque verbale, élément verbal, cercle des destinataires pertinent, but social, site Internet, lettres, peinture, couleur, construction, machines, outil ; art. 951 al. 2 CO, art. 956 al. 2 CO, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM.

La recourante et défenderesse, « MIPA Baumatec AG », assure le commerce et la fourniture de services, en lien avec des matériaux de construction, machines et outils de toutes sortes. L’intimée et plaignante,« Mipa Lacke + Farben AG », a pour but la fabrication et le commerce de couleurs et de vernis. Elle est preneuse de licence pour la partie suisse de la marque « mipa », ayant fait l’objet d’un enregistrement international en classe 2 pour des « couleurs, vernis, peintures, produits de conservation du bois et produits antirouilles ». Comme les sociétés anonymes peuvent fondamentalement choisir librement leur raison de commerce, la jurisprudence pose en général des exigences élevées quant à leur capacité à se distinguer des autres raisons de commerce enregistrées. De jurisprudence constante, le Tribunal fédéral protège aussi les raisons de commerce contre les entreprises qui sont actives dans une autre branche. Les exigences sont cependant plus élevées quand deux entreprises, en vertu de leurs dispositions statutaires, peuvent entrer en concurrence ou s’adressent à la même clientèle à un autre titre, ou encore lorsqu’elles sont géographiquement proches (c. 4.2). Les deux raisons de commerce en cause commencent respectivement par les éléments « MIPA » et « Mipa ». C’est à raison que l’instance précédente a considéré que, dans la raison de commerce de la plaignante, l’élément « Mipa » reste en mémoire, d’autant plus que les éléments suivants « Lacke + FarbenAG » constituent des indications purement génériques. Du fait que l’élément « Mipa » est écrit en lettres majuscules et minuscules et qu’il peut être prononcé comme un terme fantaisiste, le public ne peut déterminer de manière évidente s’il est en présence d’un acronyme ou d’une désignation purement fantaisiste. Pour le profane, le terme « Mipa » n’a pas de sens reconnaissable. Le simple fait qu’il se retrouve dans des raisons de commerce de tiers ne veut pas dire qu’il doit rester à libre disposition. Contrairement à ce que soutient la recourante, il ne s’agit pas d’un élément faible sans force distinctive. Comme l’a considéré à raison l’instance précédente, cet élément imprègne fortement la raison sociale de la plaignante et possède une force distinctive correspondante. « Baumatec » ne constitue pas un terme d’usage courant qui figurerait dans un dictionnaire. C’est à raison que l’instance précédente a considéré que l’élément « tec » est fréquemment utilisé en Suisse et aisément associé à la technique, et qu’il est concevable que l’élément « Bau » soit associé à des activités de construction. Elle a en outre considéré, de manière compréhensible, que l’élément verbal « Bauma- » peut éveiller une association avec les termes « Baumaterial » ou « Baumaschinen ». Au vu de ces considérations, elle a exposé de manière convaincante que l’élément « Baumatec » suscite des associations avec les activités de la recourante. Bien qu’il puisse être vrai que l’élément « Baumatec » ne représente pas une indication purement générique pour le public pertinent, l’instance précédente n’a pas violé le droit fédéral en considérant qu’il ne s’agit pas d’un élément prépondérant dans la raison sociale de la défenderesse. En prenant en compte le fait que, selon les constatations de l’instance précédente, les cercles de destinataires pertinents se recoupent partiellement et que les buts sociaux sont partiellement les mêmes, indépendamment de la distance géographique, il existe un risque de confusion accru. Il faut donc admettre comme elle que la raison de commerce de la recourante ne se distingue pas suffisamment de la raison antérieure de l’intimée. Les destinataires pertinents sont, à tout le moins, amenés à admettre à tort qu’il existe un lien juridique ou économique avec cette dernière (c. 4.3.1). L’usage du signe litigieux sur le site Internet de la recourante constitue un usage dans les affaires au sens de l’art. 13 al. 2 lit. e LPM. Aucun sens descriptif de « mipa » n’est manifeste pour les biens revendiqués en classe 2. Le terme apparaît bien plus, pour ces biens, comme une désignation fantaisiste, qui possède une force distinctive. Les couleurs qu’offre la recourante sur son site Internet font partie des produits pour lesquels la marque de la plaignante est enregistrée. Pour l’appréciation de l’existence d’un risque de confusion, il faut donc tenir compte du fait qu’on est en présence d’une identité de produits, et appliquer des critères particulièrement stricts. En l’espèce, c’est à raison que l’instance précédente a admis l’existence d’un risque de confusion (c. 5.2.2). Le recours est rejeté (c. 6). [SR]

15 juillet 2019

TF, 15 juillet 2019, 4A_95/2019 (d)  

« VW-LAND TOGGENBURG », usage à titre de marque, droits conférés par la marque, risque de confusion indirect, publicité, enseigne, péremption ; art. 2 CC, art. 3 al. 1 LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM.  

L’art. 13 al. 2 lit. e LPM permet au titulaire d’une marque d’interdire à des tiers l’utilisation d’un signe dont la protection est exclue en vertu de l’art. 3 al. 1 LPM, et en particulier de l’apposer sur des papiers d’affaires ainsi que de l’utiliser à des fins publicitaires ou de quelque autre manière dans les affaires. L’art. 3 al. 1 LPM exclut de la protection les signes plus récents en particulier lorsqu’ils sont si similaires à une marque antérieure qu’il en résulte un risque de confusion. Un tel risque existe lorsque le signe le plus récent porte atteinte à la force distinctive de la marque antérieure. C’est le cas lorsqu’il doit être craint que les cercles des destinataires pertinents soient induits en erreur par la similitude des signes et attribuent les produits qui portent l’un ou l’autre de ceux-ci au mauvais titulaire de la marque ; ou lorsque le public fait bien la différence entre les signes, mais déduit de leur similitude de faux liens entre leurs titulaires. Le commerçant qui utilise la marque d’un tiers pour offrir des produits originaux de cette marque ou pour faire de la publicité pour des travaux ou des services se rapportant à de tels articles ne viole pas le droit des marques si sa publicité se réfère clairement à ce qu’il offre en propre. Chacun peut utiliser les indications décrivant sa propre offre de produits ou de services, même si des marques de tiers sont ainsi touchées. Les titulaires de marques ne peuvent pas prescrire aux revendeurs de leurs produits originaux ou à ceux qui fournissent des prestations en lien avec ceux-ci comment les mettre en circulation, ni comment en faire la publicité. Toutefois, la publicité générale de la marque qui, sans lien avec un assortiment de produits déterminés ou de services concrets, porte sur l’apparence et la renommée de la marque elle-même auprès du public en général demeure réservée au titulaire de la marque. La publicité recourant à la marque d’un tiers trouve également ses limites lorsqu’elle éveille auprès du public l’impression erronée de l’existence de liens particuliers entre le titulaire de la marque et celui qui s’y réfère pour promouvoir l’offre qui lui est propre (c. 2.2.1). Dans le cas particulier, l’indication « VW-LAND TOGGENBURG » désigne le garage exploité par la recourante. Le signe revêt une fonction distinctive dans la mesure où il individualise les locaux commerciaux de la recourante qu’il distingue des autres garages. Il y a ainsi un usage concurrent (« Mitgebrauch ») à titre distinctif de la marque VW de la demanderesse. L’utilisation conjointe (« Mitverwendung ») d’un signe comme enseigne, respectivement pour désigner une activité commerciale, tombe aussi sous le coup du droit exclusif conféré par la marque à son titulaire selon l’art. 13 al. 2 lit. e LPM. Peu importe que la désignation « VW » soit une information utilisée de manière descriptive par la recourante pour donner des indications sur son offre. La mention « VW-LAND TOGGENBURG » éveille auprès du public l’impression erronée qu’une relation particulière existerait entre le titulaire de la marque et l’exploitant du garage. Le public n’y voit pas l’offre large de certains produits de marque mais la désignation d’une entreprise du titulaire de la marque ou en tout cas présentant certains liens avec celui-ci (c. 2.2.2). Il y a péremption du droit d’agir et la mise en œuvre d’un droit est abusive lorsqu’elle contredit un comportement antérieur et déçoit les attentes légitimes ainsi suscitées. En l’espèce, l’action en interdiction ouverte par l’intimée n’est pas en contradiction avec sa passivité antérieure. En effet, tant que la recourante a été la représentante et la fournisseuse de services agréé d’une des demanderesses (soit pendant plus de 10 ans) elle était contractuellement autorisée à utiliser la marque concernée. Elle n’a donc pas porté atteinte à cette marque et aucune attente légitime n’a pu être éveillée chez elle concernant une autorisation de continuer l’utilisation de la marque après la fin du contrat. Seule n’est ainsi à prendre en compte pour déterminer s’il y aurait péremption du droit d’agir, la durée pendant laquelle le signe « VW-LAND TOGGENBURG » a été utilisé entre la fin des relations contractuelles entre les parties à mi-2014 et le dépôt de la demande début octobre 2016. La recourante a pendant cette période fait l’objet de plusieurs mises en demeure écrites de la part d’une des demanderesses (en particulier en août 2014 et en mai 2015), il n’y a donc pas péremption du droit d’agir au sens de l’art. 2 CC (c. 2.3). [NT]

28 décembre 2020

TF, 28 décembre 2020, 4A_265/2020 (d)

Motifs relatifs d’exclusion, similarité des produits ou services, similarité des signes, similarité des signes sur le plan sonore, similarité des signes sur le plan visuel, similarité des signes sur le plan sémantique, risque de confusion, cercle des destinataires pertinents, consommateur moyen, degré d’attention moyen, force distinctive faible, force distinctive accrue par l’usage, usage de la marque, usage à titre de marque, interruption de l’usage de la marque, délai de grâce, action en interdiction, action en constatation de la nullité d’une marque, intérêt digne de protection, nullité d’une marque, marque défensive, marque combinée, marque verbale, logo, territorialité, territoire suisse, lien géographique suffisant, apposition de signe, dilution de la marque, péremption, abus de droit, site Internet, blocage de sites Internet, nom de domaine, contournement, lumière, lampe, luminaire, Coop, recours rejeté ; art. 2 al. 2 CC, art. 3 al. 1 lit. c LPM, art. 11 al. 1 LPM, art. 12 al. 1 LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM, art. 52 LPM, art. 55 LPM, art. 55 al. 1 lit. a LPM.

La défenderesse, le groupe Coop, est titulaire de la marque combinée « Lumimart » (fig. 1), déposée en 1996 en classe 11 pour des appareils et équipements d’éclairage. Elle détient une filiale qui distribue des luminaires et des sources lumineuses sous ce nom. Sur son site Internet www.lumimart.ch, elle utilise depuis 2018 un nouveau logo (fig. 2). La recourante, Luminarte GmbH, est une société allemande qui distribue le même types de produits en Suisse, sous le nom de « Luminarte ». Elle est titulaire de la marque verbale « Luminarte », déposée en 2013. En 2020, le tribunal de commerce du canton d’Argovie a constaté la nullité de la marque suisse « Luminarte » (sauf pour certains produits spécifiques), et a interdit à la demanderesse de commercialiser des luminaires et des sources lumineuses en Suisse sous ce signe. Selon le principe de territorialité, les droits de propriété intellectuelle et les prétentions découlant de la loi contre la concurrence déloyale sont limités au territoire de l’Etat qui accorde la protection. Par conséquent, l’action de l’art. 55 LPM ne permet d’interdire que les actes qui ont lien géographique suffisant avec la Suisse. La demande de l’intimée d’interdire certaines pratiques en Suisse ne constitue donc pas une « interprétation extensive de la territorialité du droit Suisse », comme le prétend la recourante, mais plutôt une conséquence du principe de territorialité (c. 5.2). En outre, contrairement à ce que soutient la recourante, le simple fait d’offrir la possibilité technique de consulter un signe sur Internet ne constitue pas un usage tombant sous le coup du droit suisse des marques. L’usage suppose un lien qualifié avec la Suisse, comme par exemple une livraison en Suisse ou une indication des prix en francs suisses. Il ne saurait être question d’interdire à la recourante d’être présente sur Internet dans le monde entier, d’autant plus qu’il est techniquement possible de bloquer l’accès à un site web aux utilisateurs d’un pays spécifique. La question de savoir si les mesures de géoblocage peuvent être contournées par des moyens techniques sophistiqués, comme le prétend la recourante, n’est pas pertinente (c. 5.3). Le prononcé d’une interdiction sur le fondement de l’art. 55 al. 1 lit. a LPM suppose l’existence d’un intérêt juridiquement protégé à obtenir l’interdiction, qui n’existe que lorsqu’une atteinte menace, c’est-à-dire lorsque le comportement visé fait sérieusement craindre un acte illicite dans le futur (c. 6.1). La recourante considère que la défenderesse n’a pas utilisé le logo déposé comme marque combinée depuis septembre 2018, et qu’elle n’aurait par conséquent d’intérêt juridiquement protégé ni à obtenir l’interdiction de l’usage litigieux, ni à faire constater la nullité de sa marque. La question qui se pose en l’espèce n’est pas celle de l’existence d’un intérêt juridiquement protégé, mais plutôt de savoir dans quelle mesure le titulaire d’une marque qu’il n’utilise pas peut se prévaloir de son droit à la marque (c. 6.3.1). Selon l’art. 11 al. 1 LPM, la protection n’est accordée que pour autant que la marque soit utilisée en relation avec les produits ou les services enregistrés. L’art. 12 al. 1 LPM prévoit qu’à l’expiration d’un délai de grâce de cinq ans, le titulaire qui n’a pas utilisé la marque en relation avec les produits ou les services enregistrés ne peut plus faire valoir son droit à la marque. La doctrine admet que le délai de grâce ne s’applique pas seulement pendant la période comprise entre l’enregistrement et la première utilisation, mais aussi en cas d’interruption de l’utilisation après que celle-ci a déjà commencé. Cela est également indiqué par l’art. 12 al. 2 LPM, qui mentionne la « reprise » de l’utilisation (c. 6.3.2). La juridiction inférieure a considéré que la marque de la défenderesse n’ayant pas été utilisée depuis septembre 2018, elle bénéficiait encore du délai de grâce de l’art. 12 al. 1 LPM, et que la défenderesse pouvait donc encore faire valoir son droit à la marque à l’encontre de la recourante. Cette dernière soutient qu’en l’espèce, l’usage de la marque a été définitivement abandonné, ce qui entraînerait l’inapplicabilité du délai de grâce (c. 6.3.3). Si l’usage de la marque peut cesser pendant la période de grâce de cinq ans sans atteinte au droit à la marque, il est toutefois exact que la règle de l’art. 12 LPM ne protège pas les marques enregistrées de manière abusive. Les marques qui ne sont pas déposées dans le but d'être utilisées, mais qui sont destinées à empêcher l'enregistrement de signes correspondants par des tiers ou à accroître l'étendue de la protection des marques effectivement utilisées, ne peuvent prétendre à la protection. En particulier, le titulaire d'une telle marque défensive ne peut pas invoquer le délai de grâce de cinq ans pour l'usage en vertu de l'article 12 al. 1 LPM. C'est dans ce sens qu'il faut comprendre la doctrine, principalement francophones, qui considère que l’abandon de la marque entraîne également une perte (définitive) des droits avant la fin du délai de grâce de cinq ans. Il s’agit de cas d’abus dans lesquels la marque est défendue sans qu’il n’y ait d’intention de l’utiliser à nouveau. De telles circonstances n'ont pas été établies en l'espèce. La défenderesse a utilisé le signe de manière continue pendant 20 ans en relation avec les produits pour lesquels la marque est revendiquée, et il n’apparaît pas qu’elle soit utilisée de manière défensive. Le simple fait que la défenderesse ne paraisse pas utiliser la marque actuellement ne permet pas de conclure à un abus. C'est par conséquent à juste titre que le tribunal de commerce a considéré que la marque est encore protégée et que la défenderesse peut faire valoir son droit à la marque (c. 6.3.4). En lien avec l’action en interdiction, la recourante fait valoir que l’instance précédente a conclu à tort à l’existence d’un motif relatif d’exclusion au sens de l’art. 3 al. 1 lit. c LPM (c. 7). Pour déterminer s’il existe une similarité de produits au sens de cette disposition, les produits pour lesquels la marque de la défenderesse est enregistrée doivent être comparés aux produits ou services pour lesquels il existe la menace d’un usage (c. 7.2). La défenderesse revendique la protection pour des appareils et équipements d’éclairage (classe 11). C’est à raison que l’instance précédente a conclu que ces produits sont similaires à ceux de la recourante. Même les armatures et équipements d’éclairage sont étroitement liés aux produits d’éclairage. En particulier, l'un ne peut être utilisé utilement sans l'autre. Ces produits sont perçus dans leur ensemble par le public. Ils ont la même finalité et sont destinés à des groupes de clients similaires (c. 7.3). La recourante estime que sa présence sur le marché suisse est limitée à la vente en ligne (dans les catégories des luminaires et des équipements d'éclairage). Les produits qu'elle vend proviendraient exclusivement de tiers et seraient identifiés comme tels. Le signe « Luminarte » qu'elle utilise ne serait donc pas associé par le consommateur suisse moyen aux luminaires, mais serait compris comme une indication se rapportant à ses services commerciaux. En particulier, ses activités ne relèveraient pas des classes de produits 9 et 11. Elle n'utiliserait pas les signes en cause à titre de marques, mais en ferait uniquement usage à d’autres fins, dont la désignation d’une boutique un ligne et d’un site web, et sur des documents commerciaux. La recourante se réfère à une ancienne jurisprudence du Tribunal fédéral, selon laquelle l’utilisation d’un signe pour nommer un magasin et sur des sacs cabas ne tombe pas sous le coup du droit des marques. Étant donné qu’elle n'a pas apposé les signes sur les produits eux-mêmes, la défenderesse ne pourrait selon elle pas faire interdire l'utilisation des signes litigieux (c. 7.4.1). Sous l'empire de l'ancienne loi sur les marques, abrogée le 1er avril 1993, la pratique du Tribunal fédéral était en effet que le droit à la marque d'un tiers ne pouvait être violé que par l'utilisation d'un signe sur le produit lui-même ou sur son emballage. Le législateur a estimé que cette situation juridique n'était pas satisfaisante, et s’est explicitement écarté de la pratique précitée du Tribunal fédéral en adoptant l’art. 13 al. 2 lit. e LPM dans la nouvelle loi sur la protection des marques de 1992. Ainsi, le titulaire de la marque peut interdire à des tiers l’usage de signes dont la protection est exclue en vertu de l’art. 3 al. 1 LPM sur des papiers d’affaires, à des fins publicitaires ou de quelque autre manière dans la vie des affaires. Cette notion doit être comprise dans un sens large ; elle couvre également l'usage d'un signe qui n'est pas directement lié aux produits ou aux services concernés (c. 7.4.2). La situation juridique créée par l'article 13 al. 2 lit. e LPM prive les arguments de la demanderesse de tout fondement. Il est incontestable qu'elle utilise le signe « Luminarte » (y compris le logo et le nom de domaine) à titre de marque. Le fait que les produits qu'elle vend ne portent pas ce signe est sans importance. La demanderesse se fonde essentiellement sur l'allégation selon laquelle elle fournit un service, alors que la marque de l'intimé n'est protégée que pour des produits. Or, selon les constatations de la juridiction inférieure, le « service » de la recourante consiste essentiellement en la vente de luminaires et d'appareils d'éclairage, c'est-à-dire les produits pour lesquels la marque de la défenderesse revendique la protection. Il existe donc un lien si étroit que l'offre de la recourante est facilement perçue comme liée à celle de la défenderesse. En outre, il n’est pas exact que les biens sont en soi dissemblables des services. Selon la jurisprudence, la similitude entre les services, d'une part, et les marchandises, d'autre part, doit être présumée, par exemple s'il existe un lien habituel sur le marché en ce sens que les deux produits sont typiquement proposés par la même entreprise sous la forme d'un ensemble de services uniforme. En l'espèce, c'est à juste titre que le tribunal de commerce a affirmé la similarité au sens de l'art. 3 al. 1 lit. c LPM, et il ne fait aucun doute que la défenderesse peut faire valoir l’art. 13 al. 2 lit. e LPM à l’encontre de la recourante. La question de savoir si la vente de produits sur Internet constitue un service au sens du droit des marques ou si la marque est utilisée pour identifier les produits vendus en eux-mêmes peut rester ouverte (c. 7.4.3). L’art. 3 al. 1 lit. c LPM suppose l’existence d’un risque de confusion (c. 8), que l’instance précédente a admis à raison (c. 8.3). Comme elle l’a expliqué à juste titre, les appareils et équipements d’éclairage sont vendus dans des magasins spécialisés et dans des magasins de meubles, ainsi que dans des grandes surfaces destinées au grand public. Les destinataires achètent ces produits avec un degré d’attention moyen, plus élevé que pour les biens de grande consommation d’usage courant (c. 8.3.1). Le tribunal de commerce a considéré que la marque de la recourante, bien que composée d’éléments descriptifs, bénéficie d’une certaine force distinctive, qui doit être considérée comme faible. Toutefois, il a constaté que cette force distinctive s’est accrue avec l’usage, en se fondant notamment sur l’utilisation de longue date du signe depuis 1998, sur la large diffusion des magasins spécialisés portant le signe ainsi que sur les efforts publicitaires intensifs consentis. Le Tribunal fédéral est lié par ces constatations (c. 8.3.2.1). Il faut donc admettre, comme l’a fait l’instance précédente, que la marque de la défenderesse possède une force distinctive accrue, et un large champ de protection (c. 8.3.2.4). La comparaison des signes « Lumimart » et « Luminarte » révèle leur similarité sur les plans visuel et sonore, notamment parce que leurs préfixes sont identiques et parce que la séquence des voyelles et des consonnes est quasiment identique. La différence dans le nombre de syllabes n'est pas d'une importance décisive au regard de la longueur totale des signes. Sur le plan sémantique, la juridiction inférieure a considéré, en se référant au sens lexical des différents éléments verbaux, que le public concerné comprend sans effort de réflexion significatif que les signes se réfèrent au marché des luminaires pour l’un, et à l’art de l’éclairage pour l’autre, et a ainsi reconnu leurs significations différentes. Les éléments figuratifs des signes respectifs sont eux aussi différents. C’est à raison que le tribunal de commerce a conclu que les signes utilisés par la recourante sont similaires à la marque de la défenderesse, en tenant compte que du fait que le caractère distinctif de la marque de la défenderesse a été substantiellement renforcé par de nombreuses années d’efforts publicitaires. C’est aussi à raison qu’il a adopté un standard particulièrement strict en tentant compte de la similitude des produits pour lesquels les signes sont utilisés. Même l'ajout par la recourante de l'indication « die Lichtmacher » en minuscules dans une police de caractères conventionnelle n'est pas de nature à éliminer le risque de confusion du point de vue de la clientèle concernée. La conclusion de l’instance précédente selon laquelle, sur la base d'une appréciation globale, il est clair que les signes de la recourante créent un risque de confusion, résiste à l'examen du Tribunal fédéral (c. 8.3.3). Le fait que les désignations du domaine public ne puissent être monopolisées n’implique pas que les termes « lumi », « mart » et « arte », qui appartiennent au domaine public, peuvent être exclus de l’évaluation de l’existence d’un risque de confusion. Même les éléments qui appartiennent au domaine public peuvent influencer l’impression générale produite par les marques (c. 8.3.4). La question d’une éventuelle dilution de la marque de la défenderesse ne se pose pas en l’espèce, car le caractère distinctif de la marque ne résulte pas principalement de son originalité, mais de la réputation qu’elle a acquise auprès du public. Le fait qu’il existe de nombreux enregistrements de marques avec les éléments « lumi » et « mart » est une expression du fait que ces éléments ne sont pas originaux. L’instance précédente en a tenu compte dans l’évaluation du risque de confusion (c. 8.3.5). L’instance précédente n’a commis aucune violation du droit fédéral en admettant l’existence d’un risque de confusion au sens de l’art. 3 al. 1 lit. c LPM, et en reconnaissant à la défenderesse le bénéfice des droits de l’art. 13 al. 2 LPM (c. 8.4). La recourante allègue en outre que les prétentions découlant du droit des marques sont périmées, car la défenderesse aurait trop tardé à réagir (c. 9). L’art. 2 al. 2 CC prévoit que l’abus manifeste d’un droit n’est pas protégé par la loi. La péremption présuppose que l’ayant droit avait connaissance de l’atteinte à ses droits par l’usage d’un signe identique ou similaire, ou qu’il aurait dû en avoir connaissance s’il avait fait preuve de la diligence requise, qu’il a toléré cet usage pendant une longue période sans s’y opposer et que l’auteur de la violation a acquis entre-temps, de bonne foi, une position digne de protection (c. 9.1). Il faut que l’auteur de l’atteinte ait acquis une confiance légitime dans le fait que sa responsabilité ne sera pas engagée à l’avenir. Il doit penser que l’ayant droit agit passivement en ayant connaissance de l’atteinte, et non par simple ignorance. Il va de soi que cette connaissance doit se rapporter à une atteinte à la marque en Suisse (c. 9.3.3). L’instance précédente a relevé que le domaine www.luminarte.ch était accessible depuis 2008. Elle considère toutefois que la défenderesse n’avait pas d’obligation générale de surveiller les domaines nationaux, d’autant plus que les visiteurs de ce site web étaient redirigés vers le domaine allemand www.luminarte.de. Ce site web, quant à lui, n’était pas clairement destiné à la Suisse. Ces considérations ne sont pas critiquables. L’auteur de l’infraction ne peut pas s’attendre à ce que l’ayant droit surveille en permanence tous les mouvements effectués sur le marché (c. 9.3.4). Si le titulaire tolère une atteinte à son droit, la période de tolérance après laquelle la péremption doit être admise dépend des circonstances spécifiques de chaque cas. La jurisprudence en matière de droit des signes distinctifs fluctue entre quatre et huit ans. Dans deux cas particuliers, une péremption a été admise après des périodes d'un an et demi et de deux ans. Toutefois, le temps écoulé n'est pas le seul facteur décisif. La question déterminante est de savoir si l’auteur de l’infraction pouvait, d’un point de vue raisonnable et objectif, supposer que l’ayant droit tolérait son comportement. En l’espèce, il ne peut être déduit des constatations de fait de l'arrêt attaqué que de telles circonstances particulières étaient présentes déjà après une période de trois ans. Comme l’a considéré avec raison le tribunal de commerce, la défenderesse n’a pas commis d’abus de droit manifeste au sens de l’art. 2 al. 2 CC (c. 9.4.2). Enfin, la recourante reproche à l’instance précédente d’avoir, partiellement, admis l’action en nullité (c. 10). Dans le cadre de l’action en nullité se fondant sur l’art. 52 LPM, les marques en cause doivent être comparées telles qu’inscrites au registre. La similarité des produits doit s’apprécier en prenant en compte les produits pour lesquels les marques revendiquent la protection, selon leur inscription au registre (c. 10.3). On ne saurait reprocher à l’instance précédente une violation du droit fédéral lorsqu’elle a constaté que la marque suisse de la recourante était nulle pour la plupart des produits revendiqués (c. 10.5). En résumé, c’est à juste titre que le tribunal de commerce a considéré que les signes de la plaignante sont (dans une large mesure) exclus de la protection des marques en vertu de l'art. 3 al. 1 lit. c LPM. L’action en cessation fondée sur l’art. 55 al. 1 LPM, en lien avec l’art. 13 al. 2 LPM, doit donc être admise. C’est également à juste titre que le tribunal de commerce a admis l’action en constatation fondée sur l’art. 52 LPM (c. 11). Le recours est rejeté (c. 12). [SR]

11 juillet 2016

TF, 11 juillet 2016, 4A_406/2015 (d)

Droit des marques, action en interdiction, amende d’ordre, insoumission à une décision de l’autorité, recours en matière civile, usage à titre de marque, exécution de jugement, précision des conclusions, mesures provisionnelles, mesures superprovisionnelles ; art. 98 LTF, art. 13 al. 2 LPM, art. 13 al. 2 lit. c LPM, art. 13 al. 2 lit. e LPM, art. 261 al. 1 lit. a CPC, art. 265 al. 1 CPC, art. 267 CPC, art. 268 al. 1 CPC, art. 343 al. 1 lit. a CPC, art. 343 al. 1 lit. c CPC, art. 292 CP.

Un recours contre une amende d’ordre prononcée pour insoumission à une décision de l’autorité est un recours en matière civile (c. 1.2). À la différence de l’interdiction provisoire prononcée dans le cadre de mesures provisionnelles suivant des mesures superprovisionnelles, l’amende d’ordre qui l’accompagne n’est en elle-même pas ordonnée à titre provisoire et ne constitue ainsi pas une décision portant sur une mesure provisionnelle au sens de l’art. 98 LTF (c. 1.4). Concernant l’exécution des jugements, en matière de mesures provisionnelles, l’art. 267 CPC prévoit que le tribunal qui a ordonné ces mesures prend également les dispositions d’exécution qui s’imposent. C’est ce qu’a fait le jugement de mesures provisionnelles dans le point du dispositif contre lequel s’élève le recours qui condamne le recourant à une amende d’ordre de Fr. 48'000.- pour ne pas avoir respecté pendant 48 jours les mesures superprovisionnelles confirmées par le jugement, assorties d’une menace de la peine prévue à l’art. 292 CP et prévoyant une amende d’ordre de Fr. 1'000.- pour chaque jour d’inexécution (c. 3). L’amende d’ordre de l’art. 343 al. 1 lit. c CPC permet en particulier de garantir l’exécution d’une interdiction d’agir, notamment dans les cas où l’interdiction ordonnée a pour conséquence que la partie condamnée est tenue d’abandonner un comportement illicite durable. En lien avec des mesures provisionnelles, et en particulier avec une interdiction superprovisoire, il convient en outre de tenir compte du fait que celles-ci (jusqu’à leur modification ou leur suppression) doivent être respectées, même si elles devaient par la suite s’avérer injustifiées. Même après qu’un jugement au fond a tranché autrement, une amende d’ordre peut être ordonnée pour le comportement intervenu dans l’intervalle en violation du jugement provisoire levé par la suite (c. 5.2). Les actions en interdiction doivent viser un comportement décrit de manière précise. La partie obligée doit ainsi savoir ce qu’elle n’ose plus faire et les autorités pénales ou d’exécution doivent également savoir quels actes elles doivent empêcher ou auxquels elles doivent infliger une peine. Lorsqu’elles sont saisies, ces autorités doivent uniquement examiner si la condition de fait (du renouvellement d’un comportement interdit par le juge civil) est remplie. Elles n’ont par contre pas à qualifier juridiquement ce comportement. Cela est vrai aussi lorsque l’interdiction a été prononcée dans le cadre de mesures superprovisionnelles sans l’audition de la partie adverse selon l’art. 265 al. 1 CPC. Dans ce cas toutefois, le tribunal doit être particulièrement attentif à la formulation de l’interdiction du moment que la partie adverse est privée tant de la possibilité de s’exprimer préalablement que de voies de droit contre le jugement rendu. L’interdiction provisoire doit ainsi être formulée de manière à ce qu’aucune question de droit matériel n’ait à être tranchée dans le cadre de la procédure d’exécution. Le requérant des mesures superprovisionnelles doit donc décrire de manière très concrète le comportement qui le menace et dont il souhaite obtenir l’interdiction au sens de l’art. 261 al. 1 lit. a CPC. Si les circonstances changent et que la partie adverse modifie sa manière de porter atteinte aux droits du requérant, les mesures provisionnelles peuvent être modifiées selon l’art. 268 al. 1 CPC (c. 5.3). La question de savoir si la publication sur Facebook d’une seule photo illustrant entre autres un coureur automobile dont le maillot arbore le sigle dont l’utilisation a été interdite, constitue une utilisation illicite dans les affaires au sens de l’ordonnance de mesures provisionnelles et une violation du droit des marques et de la concurrence, aurait dû être tranchée dans le cadre de la procédure de jugement civile. La portée de l’ordonnance de mesures superprovisionnelles n’est ainsi pas limitée de façon suffisamment précise, la formulation de l’art. 13 al. 2 LPM ne permettant pas de déterminer quel comportement concret constituerait dans le cas particulier une violation du droit à la marque et quel autre pas, ainsi que le démontre l’énumération des lit. c et e par exemple. Il ne ressort pas de l’ordonnance de mesures superprovisionnelles que toute publication du logo sur le profil Facebook de la recourante devrait être interdite sans exception et indépendamment de son contexte (photo souvenir de la cérémonie de remise des honneurs d’une course automobile). L’ordonnance en question ne suffit donc pas à fonder l’amende d’ordre querellée (c. 5.4). L’utilisation du logo sur le compte Instagram de la recourante constitue, elle, une violation de l’interdiction prononcée dans le cadre de l’ordonnance de mesures superprovisionnelles. Bien que la modification de son compte Instagram pour en supprimer le logo aurait impliqué un comportement actif de la part de la recourante, l’obligation d’opter pour un tel comportement peut également découler d’une ordonnance d’interdiction dans la mesure où, comme en l’espèce, elle résulte clairement des circonstances (c. 5.5). Lorsque l’ordonnance d’interdiction a été partiellement respectée et que le comportement incriminé ne s’est poursuivi que « de manière mineure » et par négligence, le montant de l’amende ne saurait être maximal et atteindre les Fr. 1'000.- par jour prévus par l’art. 343 al. 1 lit. c CPC (c. 6). Le recours est partiellement admis. [NT]